« Notre engagement collectif et durable et le soutien continu de la MINUSMA sont essentiels pour bâtir un Mali stable sur le plan politique et plus sûr », souligne le Secrétaire général
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors de la réunion d’information du Conseil de sécurité sur le Mali, à New York, aujourd’hui:
Je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de m’adresser aux membres du Conseil et je vous présente mes excuses, car à 10 heures, je devrai être présent pour l’ouverture de la session de l’Assemblée générale.
Les crises multiformes qui touchent le Mali et le Sahel continuent de faire payer un lourd tribut aux populations de la sous-région. Les groupes terroristes et criminels continuent d’étendre leurs activités et d’exploiter les tensions intercommunautaires qui existent de longue date.
J’exprime mes plus sincères condoléances pour les récents assassinats dans le centre du Mali, où au cours des derniers jours, au moins 100 civils ont été tués lors d’attaques dans la région de Mopti.
Je présente également mes condoléances au Burkina Faso voisin, où plus de 80 personnes sont mortes dans le nord au cours d’attaques distinctes attribuées à des groupes terroristes.
La COVID-19 vient compliquer une situation déjà extrêmement difficile, les groupes terroristes et d’autres groupes armés tentant de tirer profit de la pandémie.
Le Mali n’a pas été épargné par le virus, pas plus que la mission de maintien de la paix sur le terrain. Plus de 100 membres du personnel des Nations Unies ont été atteints. Si beaucoup d’entre eux se sont rétablis, deux soldats de la paix sont morts. Nous pleurons ces disparitions.
Je note avec encouragement la réaction rapide du Gouvernement face à la pandémie, en étroite coopération avec la MINUSMA et d’autres partenaires internationaux. La MINUSMA a pris sans tarder des mesures pour prévenir la propagation du virus, mesures qu’elle a par la suite encore renforcées, tout en continuant d’exécuter son mandat.
Cela fait cinq ans que l’Accord de paix a été signé par les parties maliennes à Alger. En dépit des retards pris dans sa mise en œuvre, des progrès importants ont été réalisés au cours de l’année écoulée.
Le Mali a tenu un dialogue national inclusif, auquel ont participé les Maliens de la diaspora. Il a été l’occasion pour les femmes et les hommes du pays d’exprimer leurs préoccupations et d’examiner les réponses à leur apporter. Il a débouché sur plusieurs résolutions et permis aux parties de concentrer à nouveau leur attention sur la mise en œuvre de l’Accord de paix.
Après l’incorporation de 1 330 ex-combattants des mouvements armés dans les Forces de défense et de sécurité nationales, plus de 1 100 soldats appartenant aux unités reconstituées de l’Armée nationale ont été redéployés à Kidal, Gao, Tombouctou et Ménaka. De nouvelles incorporations devraient bientôt avoir lieu, avec l’intégration de 510 combattants restants puis un autre groupe de 1 160, afin d’atteindre l’objectif fixé de 3 000 soldats nouvellement intégrés d’ici à la mi-2020.
L’arrivée de la première unité reconstituée en février a marqué le retour officiel des Forces armées nationales à Kidal pour la première fois depuis que les forces rebelles avaient pris le contrôle des principales villes du nord du Mali en 2012.
Une fois pleinement opérationnelles, les unités reconstituées viendront consolider les Forces armées nationales dans le nord du Mali. Ce n’est qu’en renforçant la présence des Forces de défense et de sécurité nationales que l’on peut combattre le terrorisme et rétablir l’autorité de l’État.
Cela permettra également de préparer le retour des administrations publiques et des institutions judicaires. À présent, il est indispensable que toutes les unités redéployées deviennent opérationnelles tout en créant les conditions qui leur permettent d’assumer progressivement les tâches de sécurité qui leur sont confiées.
Pour cela, il nous faut des mesures rapides, toutes les parties concernées devant en particulier continuer d’honorer leurs engagements, et mettre en place de nouvelles infrastructures, fournir du matériel supplémentaire, continuer les activités de formation et prendre les mesures de cohésion appropriées.
Une force de police efficace et proche des populations est tout aussi importante pour stabiliser le Mali et lutter contre le terrorisme. Des mesures ont été prises pour définir le cadre législatif nécessaire à la création et au déploiement d’une force de police territoriale, un aspect essentiel de la décentralisation.
Grâce à ses bons offices, la MINUSMA a joué un rôle crucial en aidant les parties à surmonter leur méfiance, à régler de nombreux problèmes et à s’entendre sur les modalités du redéploiement. Ce n’est que l’un des nombreux aspects de l’action essentielle que la MINUSMA continue de mener pour soutenir les parties et créer les conditions propices à la mise en œuvre du processus de paix.
Je voudrais saisir cette occasion pour saluer le leadership exceptionnel dont fait preuve mon représentant spécial, Mahamat Saleh Annadif.
Des mesures ont également été prises pour mettre en place la Zone de développement des régions du nord, en vue d’améliorer la vie quotidienne de la population et de contribuer à remédier aux causes profondes de l’instabilité, dont la pauvreté, le sous-développement et l’absence de perspectives pour les jeunes.
Des élections législatives ont eu lieu en mars et avril avec l’appui de la Mission. Trois fois plus de femmes ont été élues que lors de la précédente législature, et le nombre de députés femmes est le plus élevé jamais enregistré même s’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
Toutefois, le faible taux de participation, comme lors des scrutins précédents, nécessite que tous les acteurs politiques continuent de se mobiliser en vue de renforcer la confiance de la population dans les institutions nationales. Je demande en outre la libération immédiate du chef de l’opposition Soumaïla Cissé, qui a été enlevé pendant la campagne électorale.
L’Assemblée nouvellement élue, qui tient actuellement ses travaux, devrait jouer un rôle majeur dans l’élaboration des réformes institutionnelles prévues par l’Accord, y compris à travers la tenue d’un référendum constitutionnel.
Ces évolutions positives sont prometteuses. J’encourage les parties signataires à se faire davantage confiance et à collaborer les unes avec les autres de façon à maintenir l’élan insufflé par le processus de paix, qui reste la seule voie possible pour parvenir à un Mali stable sur le plan politique et plus sûr. Mon représentant spécial se tient prêt à user de ses bons offices pour aider à créer les conditions propices au progrès.
Je reste préoccupé par la situation dans le centre du Mali, où les activités terroristes continuent d’alimenter la violence intercommunautaire, faisant payer un lourd tribut à la population locale. Je me félicite à cet égard des efforts du Gouvernement et de l’engagement personnel du Premier Ministre, en particulier des initiatives de dialogue intercommunautaire, qui commencent à porter leurs fruits mais, à nouveau, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
La lutte contre l’impunité reste indispensable pour endiguer la violence dans le centre du pays et les autorités doivent en faire davantage pour montrer leur détermination à agir en ce sens. Le plan d’adaptation de la MINUSMA vise à permettre à celle-ci d’atteindre les objectifs stratégiques fixés dans son mandat, en particulier le deuxième objectif concernant le centre du Mali.
Je tiens en outre à souligner combien il est essentiel de traduire en justice les auteurs criminels contre les soldats de la paix. Cent vingt-huit soldats de la paix ont été tués à la suite d’actes hostiles et pas un seul responsable n’a eu à rendre de comptes.
Je suis horrifié par les allégations selon lesquelles au moins 38 civils auraient été sommairement tués et exécutés par les Forces armées maliennes dans deux villages de la région de Mopti le week-end dernier, dans un cas avec l’appui de chasseurs traditionnels. Je salue l’annonce du Gouvernement d’une enquête sur ces violences et demande aux autorités de faire tout leur possible pour que les auteurs de ces crimes odieux répondent de leurs actes.
La situation humanitaire est également préoccupante. Le nombre de personnes ayant besoin d’assistance devrait atteindre les cinq millions au cours des prochains mois. J’appelle à une action internationale rapide et déterminée pour couvrir les besoins humanitaires les plus urgents et les effets déstabilisateurs de la COVID-19.
Les conclusions du dialogue national inclusif de 2019, qui ont suscité un grand espoir pour le peuple malien, méritent une mise en œuvre diligente. Les appels croissants de la société civile à l’amélioration de la gouvernance et à la lutte contre l’insécurité, entendus notamment lors des manifestations du week-end dernier à Bamako, doivent être pris en compte dans le cadre de cette dynamique. À cet égard, je salue l’ouverture du Président au dialogue.
La MINUSMA et le Secrétariat ont pris des mesures importantes pour renforcer la présence et les activités de l’ONU dans le centre du Mali et mieux protéger les civils. Le plan d’adaptation de la Mission, qui envisage une opération plus agile, mobile et flexible, dotée d’unités spécialisées et de capacités renforcées, notamment en matière de moyens aériens, reste pertinent. Je me félicite que, lors de la conférence sur la constitution des forces de la MINUSMA qui s’est tenue début mai, des pays fournisseurs de contingents se soient engagés à fournir à la Mission des capacités spécialisées supplémentaires.
Dans une situation de plus en plus difficile sur le plan de la sécurité, des moyens aériens additionnels sont de toute urgence nécessaires pour permettre à la Mission de continuer à assurer la bonne mise en œuvre de son mandat. Je demande de nouveau aux États Membres de soutenir le plan d’adaptation lorsqu’ils procéderont à l’examen des contributions et du budget de la Mission, conformément aux engagements qu’ils ont pris dans le cadre de l’initiative Action pour le maintien de la paix.
La lutte contre le terrorisme est une responsabilité commune. Je félicite l’Armée malienne, la Force conjointe du G5 pour le Sahel et les forces françaises d’avoir renforcé leurs opérations et amélioré leur coordination dans la région du Liptako-Gourma afin de vaincre les groupes terroristes qui sévissent dans la région.
Mais la solution ne peut être exclusivement militaire. Les mesures de sécurité doivent aller de pair avec le rétablissement de l’autorité de l’État et le développement durable. Le respect des droits humains dans la conduite des opérations est aussi indispensable.
Le succès de la lutte contre le terrorisme au Mali et dans la région du Sahel dépendra de la capacité de la communauté internationale de rester unie et de suivre une approche globale commune.
À cet égard, je me réjouis que nos principaux partenaires continuent de se mobiliser. Je remercie la France, l’Allemagne et l’Union européenne d’avoir été à l’initiative de la Coalition pour le Sahel créée lors du sommet de Pau en janvier. Celle-ci offre un cadre plus large pour coordonner les initiatives en matière de sécurité, de développement et de gouvernance dans la région.
Il est crucial de continuer d’apporter un soutien au G5 Sahel et je renouvelle mon appel en faveur d’un dispositif d’appui complet, financé par les contributions statutaires, qui permettrait de fournir un soutien prévisible et durable à la Force conjointe. J’invite également la communauté internationale à continuer de soutenir les initiatives régionales, notamment celles de la CEDEAO et de l’Union africaine.
Notre engagement collectif et durable et le soutien continu de la MINUSMA sont essentiels pour bâtir un Mali stable sur le plan politique et plus sûr. Nous le devons aux populations du Mali et de la région du Sahel, qui méritent un avenir meilleur.
Je vous remercie.