Le Conseil de sécurité examine les conséquences humanitaires de la dégradation de l’environnement, source croissante de conflits
Le Conseil de sécurité s’est penché, ce matin, sur les effets humanitaires de la dégradation de l’environnement dans un monde où, a dénombré la France, on compte quelque 2 500 conflits liés aux combustibles fossiles, à l’eau, à la nourriture et aux terres.
En raison du confinement ordonné pour faire face à la pandémie de COVID-19, c’est par visioconférence que les 15 membres du Conseil se sont réunis pour entendre les interventions de trois experts.
« Même si les conflits d’accès aux ressources naturelles ne sont pas nouveaux, leur intensité et fréquence sont sans précédent », a fait observer le Secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, M. Ibrahim Thiaw. Ce dernier a notamment parlé de l’impact des sécheresses de plus en plus fréquentes et sévères qui détruisent chaque année une quantité de produits qui pourrait nourrir 81 millions de personnes, provoquant des émeutes dans les communautés vulnérables et la flambée des prix des denrées alimentaires.
Plaidant pour une action urgente du Conseil de sécurité, le Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a indiqué que les communautés qui vivent en première ligne de la guerre, de la violence et de la dévastation citent fréquemment, et de manière de plus en plus urgente, les chocs climatiques comme un sujet de préoccupation majeur. Il est tout à fait évident que les personnes touchées par les conflits sont également touchées de manière disproportionnée par les chocs climatiques, a souligné M. Peter Maurer, qui s’est notamment préoccupé du sort des communautés qui vivent dans la région du Sahel et du bassin du lac Tchad, font face aux pressions cumulatives des conflits, des changements climatiques et de l'environnement et « marchent maintenant sur la corde raide de la survie ».
Président de séance, le Ministre des affaires étrangères, de la coopération, de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur du Niger, M. Kalla Ankourao, a lui aussi attiré l’attention sur la « grande fragilité » de cette région, où une personne sur quatre vit dans une zone de conflit et où une très forte variabilité climatique et des phénomènes météorologiques extrêmes contribuent à réduire la superficie des terres arables.
Plaidant pour l’adoption de meilleures politiques d’adaptation, M. Ankourao a également alerté sur le fait que les conflits sapent la capacité des communautés à faire face aux changements climatiques, notamment parce qu’aucun projet de restauration de l’environnement n’est possible dans un tel contexte.
De son côté, l’Ambassadrice des terres et militante écologiste, Mme Inna Modja, a exprimé l’espoir que la Grande Muraille verte pour le Sahara et le Sahel permette de résoudre les problèmes de cette région. Elle a aussi attiré l’attention sur le sort des jeunes, nombreux à avoir été emportés par la migration forcée et le rêve d’un « eldorado » en Europe, pour insister sur l’urgence de trouver des solutions aux conséquences de la désertification et des changements climatiques. « Mon souhait est de ramener le rêve africain sur le continent », a-t-elle affirmé.
La situation dans la région du Sahel et le bassin du lac Tchad a été soulevée à plusieurs reprises par les membres du Conseil. Les États-Unis ont dénoncé le fait que des parties à des conflits se servent de zones de biodiversité comme refuge, notamment en République démocratique du Congo (RDC) et en République centrafricaine, provoquant l’élimination d’espèces végétales et animales protégées en raison du braconnage, de l’exploitation forestière illégale et des forages miniers illégaux associés au conflit. Comme d’autres délégations, ils ont par ailleurs appelé à une action urgente pour renflouer le pétrolier SAFER au large des côtes du Yémen, faute de quoi la situation actuelle pourrait engendrer « des conséquences environnementales et humanitaires catastrophiques ».
Pour éviter au Conseil d’être pris de court et lui permettre de réagir à temps, la France a souhaité que le Secrétaire général présente tous les deux ans un état des lieux des risques pour la paix et la sécurité internationales que font peser les impacts des changements climatiques, à travers le monde et à différentes échéances. Le Ministre des affaires étrangères et du commerce international de Saint-Vincent-et-les Grenadines, M. Louis Straker, a de plus appelé à incorporer les préoccupations humanitaires et de sécurité liées aux changements climatiques et à la dégradation de l’environnement dans tous les rapports sur les situations inscrites à l’ordre du jour du Conseil.
Si elle a dit partager les préoccupations soulevées par la présidence du Niger, la Fédération de Russie a néanmoins estimé qu’il n’existait pas de preuves concluantes et scientifiquement confirmées d’un impact des changements climatiques sur les conflits armés. Selon elle, la sécurité et la stabilité sont affectées par des causes plus directes comme l’ingérence extérieure dans les affaires internes des pays, ou encore par l’application de mesures coercitives unilatérales qui entravent la capacité des pays en développement à participer aux efforts collectifs de lutte contre les changements climatiques.
La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.
M. PETER MAURER, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a indiqué que les communautés qui vivent en première ligne de la guerre, de la violence et de la dévastation citent fréquemment -et de manière de plus en plus urgente- les chocs climatiques comme un sujet de préoccupation majeur. Il a notamment parlé des communautés qui vivent dans la région du Sahel et du lac Tchad qui font face aux pressions cumulatives des conflits, des changements climatiques et de l’environnement et qui « marchent maintenant sur la corde raide de la survie ».
Outre les déplacements provoqués par les conflits et la violence, il s’est inquiété des tensions croissantes entre les communautés en raison des changements de pluviométrie et la raréfaction des terres pour les agriculteurs et les éleveurs, ainsi que de l’impact des inondations et des sécheresses dévastatrices sur ces communautés. Plus d'un million de personnes ont été forcées de fuir leur domicile au Mali, au Niger et au Burkina Faso en raison du conflit et de la violence au cours de l’année écoulée, les laissant très vulnérables au prochain choc, comme les inondations meurtrières qui se sont produites ces dernières semaines, a-t-il indiqué.
« Le CICR voit ces schémas se reproduire dans de nombreuses zones de conflit. » Il est tout à fait évident que les personnes touchées par les conflits sont également touchées de manière disproportionnée par les chocs climatiques, notamment les 66 millions de personnes qui vivent dans des zones contrôlées par des groupes armés non étatiques et qui échappent donc aux efforts de gouvernance adéquats pour faire face à la complexité des problèmes. Une action urgente du Conseil de sécurité est essentielle, a-t-il souligné.
M. Maurer a ensuite indiqué que le CICR s’investit pour aider à bâtir des communautés fortes et résilientes, capables de résister à la dégradation de l’environnement et aux chocs climatiques successifs. Il a cité la construction de murs qui protègent les communautés contre les inondations, ainsi que l’introduction de systèmes et de pratiques de gestion des déchets, la vaccination du bétail et la distribution de semences résistantes à la sécheresse.
Le CICR, a-t-il également signalé, publiera la semaine prochaine une version actualisée de ses lignes directrices sur la protection de l’environnement naturel dans les conflits armés. Ce document, a-t-il expliqué, aidera les États Membres à interpréter et appliquer le droit international humanitaire et à incorporer ses règles dans les manuels militaires, ainsi que dans les politiques nationales et les cadres juridiques de manière à renforcer la protection de l’environnement.
Enfin, le Président du CICR a souhaité la tenue de discussions régulières et systématiques sur cette question afin de concevoir des réponses contextuelles et novatrices et d’assurer un impact plus important sur le long terme.
M. IBRAHIM THIAW, Secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, a souligné qu’une évaluation des causes profondes des conflits d’aujourd’hui montre qu’une grande partie sont liés à l’environnement, soit à cause de l’abondance de ressources naturelles (pétrole, minéraux, faune…), soit à cause de la rareté (terre, eau, végétation…). Dans les terres arides, comme la région du Sahel, la violence éclate souvent en raison de la concurrence pour l’accès à la terre et aux ressources en eau rares, a poursuivi M. Thiaw. Il s’agit aujourd’hui de répondre à une demande croissante d’une population en augmentation et dépendant essentiellement de ressources qui s’épuisent à un rythme alarmant, ce qui rend la situation imprévisible à long terme, a-t-il expliqué. S’ajoutent à cela une gouvernance et des institutions faibles et des capacités limitées pour répondre aux situations d’urgence. Dès lors, malgré les efforts héroïques de la communauté humanitaire, des vies sont sauvées mais pas changées, a déclaré M. Thiaw, et année après année, le cercle vicieux se perpétue.
« Même si les conflits d’accès aux ressources naturelles ne sont pas nouveaux, leur intensité et fréquence sont sans précédent. » Les agriculteurs et les éleveurs, souvent issus de groupes ethniques et religieux différents, se battent pour le contrôle de terres fertiles et de l’eau plus rare en l’absence d’un système judiciaire solide, ce qui engendre des cas de violence excessive et des cycles de représailles dangereux, a expliqué M. Thiaw. En plus, les sécheresses sont plus fréquentes et plus sévères, touchant désormais régulièrement 70 pays de toutes les zones climatiques. Les sécheresses détruisent chaque année une quantité de produits qui pourrait nourrir 81 millions de personnes, a précisé M. Thiaw, soit l’équivalent de la population de l’Allemagne. Elles provoquent des émeutes dans les communautés vulnérables et la flambée des prix des denrées alimentaires. Elles correspondent généralement à des années de ralentissement économique pour de nombreux pays dont les économies dépendent essentiellement du secteur primaire.
Pour le Secrétaire exécutif il y a quatre dimensions à prendre en compte lorsqu’on aborde les liens entre environnement et sécurité: les biens et services écosystémiques sous-tendent fondamentalement le bien-être humain et la sécurité humaine; le conflit, quelle qu’en soit la source, affecte la viabilité ou la durabilité des investissements dans la protection de l’environnement et leurs résultats; la dégradation des écosystèmes, la concurrence pour l’accès aux ressources ou leur répartition inéquitable augmentent la vulnérabilité et le risque de conflit; et la coopération environnementale peut accroître la capacité de gestion, de prévention et de relèvement des conflits.
Passant en revue les différentes facettes de cette réalité, M. Thiaw a mis l’accent sur le fait que la grande majorité de la population mondiale dépend de services écosystémiques ancrés dans les sols. Dès lors, la santé des terres catalyse l’impact de la dégradation de l’environnement sur la paix, la sécurité et la stabilité. Cependant, actuellement les capacités à évaluer et à faire face aux risques de sécurité induits par la dégradation de l’environnement et les changements climatiques ne suivent pas la vitesse à laquelle les risques évoluent. « Alors, comment pouvons-nous empêcher la dégradation de l’environnement et favoriser la paix et la sécurité? », s’est demandé M. Thiaw avant d’appeler à prendre conscience du fait qu’il est difficile de mobiliser les sociétés contre une menace dont les conséquences coûteuses ne seront ressenties que lorsqu’il est déjà trop tard pour les éviter.
La sécurité environnementale sous-tend la justification de l’investissement dans les avantages environnementaux mondiaux et est essentielle pour maintenir les écosystèmes vitaux de la Terre, générant de l’eau, de la nourriture et un air pur. La réduction des risques pour la sécurité environnementale dépend également de l’amélioration de la gouvernance des ressources et de la résilience sociale aux chocs et aux stress liés aux ressources naturelles. Pour M. Thiaw il ne fait pas de doute que la protection des terres pourrait contribuer à la paix, la stabilité et au rétablissement des écosystèmes. C’est pourquoi dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, la plupart des programmes phares s’attaquent à la dégradation de l’environnement comme moyen de promouvoir la paix et la sécurité. Il a cité l’exemple de l’initiative Durabilité, stabilité et sécurité, qui vise à relever les défis de sécurité liés à la dégradation des terres et à la désertification. Elle vise à aider les pays africains à créer des emplois verts décents dans la réhabilitation des terres. Une autre initiative importante avec un objectif similaire est la Grande Muraille verte pour le Sahara et le Sahel.
Mme INNA MODJA, Ambassadrice des terres, chanteuse et militante écologiste, s’est présentée au Conseil comme étant une fille du Sahel, née au Mali et élevée au Ghana. Elle a dit porter en elle une grande responsabilité et un grand amour pour cette région très vulnérable. Elle a expliqué qu’en voyageant de l’ouest à l’est du Sahel, elle a rencontré les communautés rurales qui y vivent. « Je me suis rendu compte combien il était urgent de trouver des solutions aux conséquences de la désertification et des changements climatiques, et de l’impact que cela peut avoir sur la sécurité et la paix », a-t-elle témoigné. La jeune militante a ensuite expliqué que la migration forcée et le rêve d’un « eldorado » en Europe ont emporté de nombreux jeunes de la région. « Mon souhait est de ramener le rêve africain sur le continent », a-t-elle souligné, plaidant pour que des opportunités et un avenir concret soient offerts à ces jeunes qui représentent plus de 50% de la population du Sahel.
Pour Mme Modja, les jeunes et les femmes peuvent devenir des acteurs majeurs du changement si nous leur apportons le soutien nécessaire. Leur rôle est très important, a-t-elle affirmé. Elle a également déclaré avoir rencontré des enfants et des jeunes dont la famille avait été tuée par Boko Haram dans le nord du Nigéria, une région fragilisée par la pauvreté des ressources alimentaires. Avant de conclure, elle a exprimé l’espoir que des projets tels que la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel seront une solution pour résoudre des problèmes comme la migration, l’instabilité et les conflits dans la région.
M. KALLA ANKOURAO, Ministre des affaires étrangères, de la coopération, de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur du Niger, a relevé que l’Afrique est un continent qui fait face à des difficultés d’adaptation face aux changements climatiques, étant en proie à la désertification ainsi qu’à la raréfaction de l’eau et des terres cultivables. L’espace sahélien et le bassin du lac Tchad, en particulier, sont marqués par une grande fragilité et une croissance démographique exponentielle alors que cette région est soumise à une très forte variabilité climatique, des phénomènes météorologiques extrêmes, notamment des sécheresses récurrentes. Le Niger, par exemple, perd 100 000 hectares par an, a-t-il indiqué en expliquant que la fréquence de ces chocs, qui impactent la sécurité alimentaire et nutritionnelle, réduit la résilience des ménages. M. Ankourao a notamment indiqué que dans un pays où la vaste majorité de la population vit de l’agriculture, une augmentation de deux degrés de la température d’ici à 2050 pourrait entraîner une réduction de 15 à 25% de la production alimentaire, alors que la population double tous les deux ans en moyenne.
Le Sahel subit également un choc sécuritaire, a poursuivi M. Ankourao: l’aggravation de la violence a conduit à une augmentation du nombre de personnes déplacées. À l’heure actuelle, une personne sur quatre vit dans une zone de conflit et 4,5 millions sont déplacées ou réfugiées, un chiffre qui a triplé par rapport à 2012. Il a également alerté sur le fait que les conflits sapent la capacité des communautés à faire face aux changements climatiques, notamment parce qu’aucun projet de restauration de l’environnement n’est possible dans un tel contexte. Le Ministre a appelé à des politiques d’adaptation mieux adaptées, soulignant que la prise en compte des changements climatiques requiert une approche plus globale et plus concertée. Il est essentiel de comprendre les causes, les effets et la complexité des changements climatiques dans les zones de conflit, a souligné M. Ankourao avant d’appeler à garantir le droit international humanitaire pour assurer l’acheminement de l’aide aux population affectées par le triple impact des conflits, des changements climatiques et de la COVID-19.
Saint-Vincent-et-les Grenadines a fait observer que l’ampleur des souffrances humaines provoquées par les changements climatiques et les aléas qui en résultent exigeaient « une volonté politique ferme et une action collective décisive » pour y faire face de manière urgente et globale. Au Sahel, dans le bassin du lac Tchad et dans de nombreux pays parmi lesquels l’Afghanistan et Haïti, les dégradations environnementales ont des implications humanitaires, socioéconomiques, politiques et sécuritaires, ce qui entraîne une hausse des inégalités, un recul du développement et oblige à affecter les maigres ressources financières disponibles à l’adaptation et à l’atténuation des conséquences des changements climatiques, a souligné la délégation. Selon elle, des multiplicateurs de risque, tels que les discours de haine et la désinformation, ne font qu’aggraver une situation marquée par les tensions intercommunautaires et la baisse de la confiance dans les institutions publiques.
Pour faire face à ces défis multidimensionnels, Saint-Vincent-et-les Grenadines prône une approche intégrée qui tire parti des capacités techniques de tous les organes et agences spécialisés de l’ONU. Réitérant son soutien aux conventions internationales sur l’environnement, la délégation a estimé que les changements climatiques et la dégradation des terres étaient inextricablement liés et avaient tous deux des conséquences désastreuses pour la paix et la sécurité dans de nombreux contextes. Il est donc nécessaire d’incorporer les préoccupations humanitaires et de sécurité liées aux changements climatiques et à la dégradation de l’environnement dans tous les rapports sur les situations inscrites à l’ordre du jour du Conseil.
La délégation a également appelé à la mise en œuvre d’initiatives de renforcement des capacités pour améliorer le régime foncier et renforcer la gouvernance environnementale, tout en exhortant tous les pays à respecter les termes de l’Accord de Paris sur le climat. Enfin, elle a une nouvelle fois exprimé son inquiétude quant au sort du pétrolier SAFER, qui fait peser la menace d’une catastrophe environnementale et risque d’aggraver les souffrances du peuple yéménite.
M. TARIQ AHMAD, Ministre d’État pour le Commonwealth, l’Organisation des Nations Unies et l’Asie du Sud du Royaume-Uni, a déclaré qu’alors que la communauté internationale se mobilise à l’approche de la COP26, qui se tiendra l’an prochain à Glasgow, les 200 000 personnes qui ont été victimes des inondations au Tchad et au Niger et les 20 millions de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire dans le Sahel « nous disent que c’est maintenant et pas demain qu’il faut agir ». Alors que le rapport annuel du Forum économique mondial indique cette année, pour la première fois de son histoire, que les cinq premiers risques mondiaux sont tous environnementaux, le Sahel, où les températures se réchauffent une fois et demi de plus que la moyenne, est bien trop familier avec l’urgence de cette menace, a-t-il précisé.
Le cliché que nous ne pourrons surmonter ce défi qu’en travaillant ensemble n’a jamais été aussi exact, a ajouté le Ministre d’État après avoir détaillé les contributions financières du Royaume-Uni, qui s’est engagé à verser 14 milliards de dollars au titre des dépenses pour le climat mondial. Il a ensuite indiqué que lors de sa coprésidence de la COP26, le Royaume-Uni comptait appuyer l’élargissement du financement climatique afin d’améliorer les systèmes d’alerte précoce, la capacité d’action des États et les systèmes inclusifs de protection sociale.
M. Tariq Ahmad a ensuite appelé à faire de l’évaluation des risques climatiques une partie intégrante du travail du Conseil de sécurité, notamment en les intégrant aux stratégies de prévention et de résolution de conflit ainsi qu’aux projets de consolidation de la paix. Il faut renforcer la capacité de l’ONU à analyser et agir sur les risques climatiques en tant que méthode fondamentale de travail, a-t-il souligné. En outre, notre approche en matière de sécurité climatique doit absolument répondre aux besoins et aux priorités des femmes et des filles et tirer parti de leur potentiel pour mener une réponse collective.
La France a constaté que les conséquences des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement engendrent des déplacements de populations, une augmentation du niveau d’insécurité alimentaire et sanitaire et des déséquilibres nutritionnels, économiques, démographiques et sociaux. Le Sahel en est malheureusement l’illustration parfaite, a regretté la délégation, indiquant que l’Agence française de développement soutient plusieurs ONG sahéliennes qui sont à l’avant-garde de la lutte contre la désertification à travers des projets régionaux comme la Grande Muraille verte. En appui aux populations et autorités qui sont en première ligne, a poursuivi la délégation, nous avons besoin d’une diplomatie préventive qui intègre l’ensemble des facteurs déstabilisateurs, y compris ceux liés aux changements climatiques et à l’effondrement de la biodiversité. Nous ne partons de zéro, a signalé la France: depuis 10 ans, a-t-elle dit, l’Union européenne et l’ONU ont établi un partenariat pour renforcer les capacités en matière de prévention des conflits et de gestion des terres et des ressources naturelles. « Cela doit devenir plus systématique. » Nous devons en outre nous doter d’outils d’analyse des 2 500 conflits liés aux combustibles fossiles, à l’eau, à la nourriture et aux terres avec des conséquences humanitaires déjà terribles qui seront plus encore déstabilisatrices dans le futur. Pour ne pas être pris de court et permettre au Conseil de sécurité de réagir à temps, la France souhaite que le Secrétaire général puisse présenter tous les deux ans un état des lieux des risques pour la paix et la sécurité internationales que font peser les impacts des changements climatiques, dans toutes les régions du monde, et à différents horizons de temps.
La délégation a ajouté qu’il est indispensable d’évaluer les risques de dommages environnementaux dans les situations humanitaires fragiles. Elle a cité le cas du pétrolier SAFER au Yémen qui fait peser un risque immense sur l’écosystème et la biodiversité, ainsi que sur la santé et les moyens de subsistance de millions de personnes dans les États côtiers de la mer Rouge déjà frappés par les conflits et les catastrophes écologiques. La France a enfin suggéré de systématiquement intégrer les enjeux climatiques et environnementaux dans la conception des interventions des forces armées et de sécurité, lors d’opérations de secours humanitaire après une catastrophe naturelle ou lors d’opérations de maintien de la paix. La France a estimé que la prise en compte des réfugiés climatiques et environnementaux est un enjeu global qui requiert des efforts considérables de coordination entre tous les acteurs, notamment de terrain. La protection de l’environnement exige le plein investissement de tous et une plus grande coopération internationale car en dépendent la reconstruction et la paix durable, a terminé la France.
Les États-Unis ont observé que, trop souvent, des dommages environnementaux résultent de conflits armés, ce qui peut avoir un impact sur les contextes humanitaires dans les contextes fragiles. Soulignant le lien existant entre l’environnement, la sécurité et le développement socioéconomique, ils ont fait état d’une concurrence croissante pour les ressources en eau et en terres arabes, qui influe sur les conflits dans le bassin du lac Tchad et dans la région frontalière du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Le problème a pris de l’ampleur avec la multiplication des acteurs non étatiques, a relevé la délégation, notant que les milices et entités criminelles contribuent à la violence qui détruit l’environnement où elles opèrent. En période de conflit, l’exploitation illégale des ressources est utilisée pour alimenter les conflits, aux dépens des populations locales, a-t-elle constaté, rappelant entre autres exemples qu’en 2017, le « soi-disant État islamique » avait généré de vastes nuages toxiques en incendiant des puits de pétrole et une usine de soufre près de la ville iraquienne de Mossoul, empoisonnant le paysage et les personnes.
Les États-Unis ont ensuite constaté que les parties engagées dans des conflits se servent de zones de biodiversité comme refuge. C’est notamment le cas du parc national de la Garamba, qui borde la République démocratique du Congo (RDC) et la République centrafricaine, mais aussi du parc national des Virunga et de la réserve d’Okapi, en RDC, a précisé la délégation, dénonçant l’élimination d’espèces végétales et animales indigènes protégées en raison du braconnage et du trafic d’animaux sauvages, de l’exploitation forestière illégale et de forages miniers illégaux associés au conflit. En Colombie, a-t-elle ajouté, des groupes armés illégaux se disputent les ressources dans les zones rurales, dont certaines étaient contrôlées par les FARC avant l’Accord de paix de 2016. La délégation s’est déclarée préoccupée par l’accaparement des terres et la déforestation, l’exploitation minière illégale, la culture de la coca et la production de cocaïne. Au Venezuela, a-t-elle encore pointé, le « régime illégitime de Maduro » tire profit de l’extraction illégale de l’or, qui dévaste l’environnement et les populations autochtones dans le sud du pays.
Ce sont là quelques exemples montrant que les dommages environnementaux occasionnés par les conflits peuvent prolonger les effets de ces conflits sur des personnes innocentes, a fait valoir la délégation, en notant que cela peut empêcher les individus de se rétablir, en particulier les personnes déplacées et les réfugiés. Selon elle, l’impact économique peut se faire sentir non seulement dans les pertes financières mais aussi dans les coûts associés à la remise en état de l’environnement après un conflit. Évoquant les actions menées par le Programme régional d’USAIDS pour l’environnement en Afrique centrale (CARPE), elle a indiqué que ces activités visent à renforcer la gestion des zones protégées tout en améliorant la sécurité et l’état de droit dans la région. Les gardes sont ainsi en mesure de protéger les parcs, arrêter les braconniers et travailler avec les populations environnantes pour conserver les ressources de manière responsable. Grâce à ce soutien, s’est-elle félicitée, le nombre d’éléphants braconnés est passé de 100 par an en 2017 à moins de 10 par an ces deux dernières années. Le nombre d’attaques de groupes armés dans la zone de Garamba est quant à lui passé de 68 en 2015 à une seule en 2019. Les États-Unis agissent aussi contre l’exploitation minière illégale en Colombie, au Pérou et au Venezuela, et soutiennent les efforts du Viet Nam pour éliminer la contamination par la dioxine ou « agent orange », défoliant chimique utilisée par les forces américaines pendant la guerre. Avant de conclure, ils ont appelé à une action urgente pour renflouer le pétrolier SAFER au large des côtes du Yémen. « Ne pas remédier à cette situation aurait des conséquences environnementales et humanitaires catastrophiques. »
Le Viet Nam a dit que la gestion des effets néfastes des changements climatiques, de la dégradation des écosystèmes et de leurs risques humanitaires et sécuritaires doit faire partie des efforts du Conseil pour maintenir la paix et la sécurité internationales. La réponse à ces phénomènes passe par la coopération internationale, a estimé la délégation, ajoutant qu’une attention particulière doit être accordée aux pays en situation de conflit ou sortant d’un conflit, aux pays ayant des besoins humanitaires, aux pays les moins avancés et aux petits États insulaires en développement. Ces pays sont particulièrement sujets aux effets néfastes des changements climatiques mais souvent à la traîne en termes de capacité de réponse.
La résilience climatique peut et doit être intégrée dans les stratégies humanitaires, de prévention des conflits, de consolidation de la paix et d’après-conflit, a poursuivi le Viet Nam, saluant au passage les progrès accomplis par le Conseil pour reconnaître les effets négatifs des changements climatiques dans 13 résolutions propres à un pays. Il a recommandé que les missions de maintien de la paix et les missions politiques spéciales de l’ONU contribuent à renforcer l’analyse du Conseil sur la sécurité liée aux changements climatiques et les risques humanitaires des pays inscrits à son ordre du jour. La délégation a ensuite plaidé en faveur d’une plus grande coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales dans le renforcement des capacités régionales de résilience et d’adaptation aux changements climatiques. L’ASEAN a d’ailleurs déjà inclut, comme mesure stratégique de son Plan d’action 2025, le renforcement des capacités humaines et institutionnelles dans la mise en œuvre de l’adaptation et de l’atténuation des changements climatiques, a précisé le Viet Nam encourageant l’ONU à coopérer avec elle. En conclusion, la délégation a fait valoir que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris doivent continuer à guider les réponses nationales et mondiales dans ce domaine et qu’il est essentiel de respecter les engagements pris au titre de ces accords.
Pour l’Estonie, il est important pour améliorer les moyens de subsistance des populations en Afrique, y compris dans la région du bassin du lac Tchad, de s’attaquer plus efficacement au lien entre les changements climatiques et la paix et la sécurité. Dans la région du Sahel, les données et des informations fiables et précises sont une condition préalable fondamentale, a ajouté la délégation, qui a jugé « important » d’améliorer la collecte et la qualité des données et de trouver notamment des solutions innovantes pour analyser le rôle que jouent les changements climatiques dans le contexte des conflits armés et des urgences humanitaires. L’Estonie estime que cela permettrait à la fois une meilleure évaluation et gestion des risques et une approche systématique visant à inclure les risques pour la sécurité liés au climat dans les travaux du Conseil de sécurité. Le Conseil devra recevoir des rapports systématiques du Secrétaire général sur les risques liés au climat en matière de sécurité, a encore suggéré l’Estonie.
La délégation a aussi constaté que les changements climatiques suscitaient une compétition pour les ressources énergétiques et les ressources naturelles. Par conséquent, a-t-elle ajouté, il est important de créer des politiques bien conçues de gestion des ressources et d’investir dans le renforcement de la résilience des régions les plus touchées. Toutefois, a prévenu l’Estonie, les conséquences des risques liés à la sécurité et au climat sont également un phénomène transfrontalier qui s’aggrave dans les zones où les frontières sont perméables et où l’autorité de l’État est insuffisante. Par conséquent, il faut aussi une coordination multilatérale et une réponse humanitaire, y compris une meilleure application du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire. Dans le cas spécifique de la réponse à apporter aux menaces à la sécurité posées par les changements climatiques dans la région du bassin du lac Tchad, l’Estonie pense qu’il faut une collaboration nationale, régionale et internationale, ainsi qu’une coordination et une intégration renforcées au sein de l’ONU et de ses agences et missions.
L’Indonésie a remarqué que les effets néfastes de la dégradation de l’environnement et des changements climatiques sont devenus un facteur aggravant qui peut non seulement prolonger les conflits, mais risque aussi d’inverser la croissance économique et le développement. Par conséquent, elle a demandé un renforcement des partenariats, de la coopération et du partage d’informations. « Un véritable partenariat entre l’ONU et ses partenaires est vital pour comprendre les causes profondes des conflits, dont l’impact de la dégradation de l’environnement. » L’Indonésie a encouragé tous les pays à respecter l’Accord de Paris, y compris leurs engagements financiers, et à honorer leurs contributions au niveau national. Grâce à une telle synergie, la délégation s’est dite confiante qu’une stratégie de réponse intégrée peut être trouvée.
Elle a également mis l’accent sur le rôle important que peuvent jouer les organisations régionales, rappelant que le Conseil a reconnu les efforts de l’Union africaine et de la CEDEAO, ainsi que le leadership des pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel qui ont lancé des initiatives visant à relever les défis de sécurité dans la région. Avec les élections prévues cette année en Afrique de l’Ouest et au Sahel, la situation politique devient souvent plus volatile, a mis en garde la délégation, alors même que la pression exercée sur la CEDEAO et l’Union africaine s’intensifie pour qu’elles se mobilisent en cette année dont le thème est « Faire taire les armes ». C’est pourquoi l’Indonésie a demandé que la communauté internationale les soutienne. Elle a défendu les mérites du concept de « solution africaine aux problèmes africains » et a demandé, là encore, un soutien au niveau international. Pour sa part, l’Indonésie continue d’encourager les partenariats mondiaux et multipartites, aux côtés des parties prenantes régionales, a assuré la délégation.
La Fédération de Russie a partagé les préoccupations soulevées par la présidence du Niger qui a convoqué cette réunion, mais a encore une fois fait part de ses doutes sur le fait que le Conseil de sécurité soit la plateforme appropriée pour un débat générique sur l’environnement. La Russie persiste à penser qu’il n’existe pas de lien automatique entre les problèmes environnementaux, y compris les changements climatiques, et les conflits. Il n’y a pas non plus de preuves concluantes, universellement reconnues et scientifiquement prouvées que les changements climatiques ont un impact sur les conflits armés. La situation sociale et économique de certains pays et sous-régions peut être aggravée par les effets néfastes des changements climatiques et d’autres manifestations de la dégradation de l’environnement, a concédé la délégation. Cependant, la sécurité et la stabilité sont souvent affectées par des causes plus directes, a-t-il souligné en relevant que certains membres du Conseil ne sont pas enclins à en parler. Parmi ces causes, la Russie a cité l’ingérence extérieure dans les affaires internes des pays, ou encore les abus, voire même la création de situations de conflit dans le but d’exploiter les ressources naturelles sans le consentement des gouvernements hôtes. Il existe de nombreux exemples de cela en Afrique et au Moyen-Orient, a-t-elle remarqué, « mais malheureusement, lorsque le distingué représentant des États-Unis en a énuméré, il a oublié de citer celui de l’occupation des champs pétrolifères syriens ».
Une autre forme d’ingérence est la pression économique et politique sous diverses formes, y compris par l’application de mesures coercitives unilatérales sans mandat du Conseil de sécurité, a poursuivi la Russie. « Ces actions compromettent particulièrement la capacité des pays en développement d’atteindre les objectifs de développement socioéconomique et de protection de l’environnement et entravent leur capacité à participer aux efforts collectifs de lutte contre les changements climatiques. » La prise en compte des aspects environnementaux en soi peut donc être sélective et ignorer le contexte plus large, a fait valoir la Russie. Elle reste d’avis qu’aider les pays en développement dans leurs efforts de développement durable, y compris la protection de l’environnement, relève du mandat du système des Nations Unies pour le développement et des coordonnateurs résidents qui s’appuient sur des mandats intergouvernementaux et des découvertes scientifiques pertinentes.
La Chine a souligné que le réchauffement climatique ne s’est pas arrêté pendant la pandémie et que les gaz à effet de serre ont atteint un niveau sans précédent en 2020. En Afrique et au Moyen-Orient, l’instabilité est exacerbée par les facteurs environnementaux, avec des conséquences humanitaires graves, a-t-elle ajouté. Elle a d’abord souligné l’importance de la prévention des conflits et du règlement pacifique des différends. « La première étape consiste à identifier les causes profondes des conflits, évaluer les aspects environnementaux des incidences sécuritaires et œuvrer à une solution spécifique et ciblée. »» La Chine a ensuite souligné la nécessité de donner la priorité au développement et de mettre en œuvre fidèlement le Programme 2030.
La Chine a ensuite souhaité que les engagements internationaux soient honorés, la mise en œuvre de l’Accord de Paris étant importante tant pour les questions climatiques que pour la paix et la sécurité internationales. Tous les pays, en particulier les plus puissants, doivent œuvrer au renforcement du multilatéralisme au lieu de mettre leurs intérêts au premier plan, et ils doivent mettre en œuvre l’Accord de Paris, a exhorté la délégation. La Chine a souligné l’importance de l’Afrique sur ces questions et appelé à appuyer les efforts de ce continent pour la paix et la sécurité. Enfin, la Chine a indiqué mettre rigoureusement en œuvre les obligations découlant de l’Accord de Paris. Elle s’est prévalue, notamment, d’avoir atteint les cibles climatiques fixées avec deux années d’avance sur la date prévue.
La Belgique a tenu à répondre à ceux qui pensent que le Conseil de sécurité n’est pas le meilleur forum pour avoir une réunion sur les changements climatiques, qu’il est pertinent de discuter de ses conséquences sur les conflits et les besoins humanitaires. Elle a pris l’exemple de la région du lac Tchad, où l’interaction des changements climatiques et des conflits armés sape le développement durable. La délégation a ainsi appelé à une analyse plus approfondie de l’interaction entre l’environnement et les conflits, et des moyens dont les réponses humanitaires pour renforcer la résilience.
Par ailleurs, la Belgique a annoncé l’organisation d’une réunion entre le Niger, l’Union européenne et le Comité international de la Croix-Rouge, le 25 septembre, pour discuter notamment des financements du développement et du climat dans les pays en conflit ou postconflit. La Belgique, qui a tenté de relever ce défi, a lancé un projet sur quatre ans visant à la résilience des jeunes dans la région du lac Tchad. L’expérience montre que les efforts d’aide dans des contextes fragiles doivent être adaptables, flexibles, innovants et exécutés en étroite coordination avec les autorités locales et la compréhension monde universitaire de l’impact des changements climatiques sur des situations spécifiques, a ajouté la délégation. Après tout, il n’est pas vraiment utile d’enseigner aux jeunes hommes et aux jeunes femmes comment pêcher lorsqu’il n’y a plus de lac ou lorsque l’accès au lac a été rendu impossible par des mesures de sécurité, a-t-elle fait valoir.
La Belgique a également insisté pour que le Conseil de sécurité agisse en intégrant un angle relatif au climat et à la sécurité tout au long du cycle des conflits: des initiatives de prévention, jusqu’aux plans de consolidation de la paix et aux pourparlers de paix, en passant par les stratégies de médiation. Il s’agit notamment de s’engager dans des négociations sur le partage des ressources naturelles, d’anticiper les risques climatiques futurs et de rendre la population locale plus résiliente, a suggéré la délégation. Elle a enfin noté que le droit international humanitaire incluait effectivement la protection de l’environnement naturel.
La République dominicaine s’est dite encouragée par la prise de conscience progressive de la communauté internationale et par les efforts de la majorité des membres du Conseil pour maintenir à l’ordre du jour la question du lien entre paix, sécurité et changements climatiques. À la lumière de la détérioration continue de l’environnement, il est évident que de nouveaux « ennemis naturels » sont aujourd’hui plus fréquents et plus disproportionnés, a-t-elle noté, sachant que sur les 20 pays en tête de liste des régions les plus vulnérables aux changements climatiques, 60% vivent actuellement des situations fragiles et violentes. Dans de nombreux cas, les chocs climatiques peuvent conduire à des retours en arrière en termes de développement et à des pénuries systémiques de services essentiels.
Dans ce contexte, la République dominicaine a exprimé son soutien aux millions de personnes qui consacrent chaque jour leur vie à l’agriculture, au pastoralisme ou à la pêche, qui doivent vivre dans l’angoisse de voir leurs revenus s’éroder et leurs moyens de subsistance menacés par les conflits, les inondations, les sécheresses et d’autres événements météorologiques extrêmes. La délégation a également fait remarquer qu’en période de conflit, la priorité est donnée à la sécurité des populations plutôt qu’aux adaptations nécessaires pour surmonter les effets immédiats des changements climatiques. Avant de conclure, la délégation a abordé la question de la pandémie de COVID-19, « autre menace non conventionnelle » qui crée des circonstances nouvelles et inattendues à prendre en compte lors de l’évaluation des éventuels mécanismes permettant de prévenir les conflits face à ce type de menaces.
La Tunisie a souligné que les perturbations climatiques croissantes et la détérioration de l’environnement affectent de manière disproportionnée des pays comme la Somalie, le Yémen et le Soudan, ainsi que la région du Sahel, et les populations les plus vulnérables, y compris les personnes déplacées, les réfugiés et les personnes vivant dans des zones de conflit ou déjà affectées par des conditions économiques désastreuses. Lorsque ces perturbations climatiques s’accompagnent de conflits, elles ne font qu’aggraver l’insécurité alimentaire et économique, les disparités en matière de santé et d’accès aux services et aux ressources de base, tout en affaiblissant la capacité des gouvernements et des institutions à apporter un soutien aux populations locales. La délégation a cité le cas de la région du lac Tchad, où déjà plus de dix millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire, et où les changements climatiques accentuent les tensions autour de l’accès aux ressources en eau et à la terre.
Par conséquent, la Tunisie est d’avis qu’il faut une meilleure connaissance et compréhension des implications régionales des changements climatiques. Elle a aussi recommandé des actions plus coordonnées dans plusieurs secteurs et dans de nombreux pays différents. Le lien entre les changements climatiques et la sécurité est devenu plus évident et il est de plus en plus reconnu au niveau international, a remarqué la Tunisie, qui estime qu’il devrait être examiné plus avant par le Conseil de sécurité, car les effets des changements climatiques interagissent de plus en plus avec les causes profondes des conflits et agissent comme des multiplicateurs de risque. Il faut, selon elle, intégrer les facteurs liés au risque climatique à long terme dans l’évaluation et la gestion des menaces à la paix et à la sécurité, aux niveaux national, régional et international. De plus il faut se doter d’outils de prévision et de systèmes d’alerte précoce en plus de renforcer la base de données du système des Nations Unies avec des données scientifiques et des connaissances pertinentes.
L’Afrique du Sud a reconnu que les changements climatiques constituent une menace existentielle pour l’humanité et les autres espèces. Elle a indiqué que des facteurs tels que la sécheresse, le manque d’eau, l’insécurité alimentaire et la désertification, qui découlent des changements climatiques, augmentent le risque de conflit, avant de prendre l’exemple du Sahel, du bassin du lac Tchad et de la Corne de l’Afrique. En prévision du débat général de la semaine prochaine, la délégation a souligné la nécessité de réaffirmer « notre engagement collectif en faveur du multilatéralisme face à la COVID-19 ». L’Afrique du Sud a appelé à remédier aux causes environnementales du déclenchement des conflits, avant de plaider en faveur d’une approche holistique pour traiter des conséquences de la dégradation de l’environnement sur la paix et la sécurité.
Elle a encouragé le Conseil à appuyer la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, que la quasi-totalité des États Membres a signée. La délégation a prôné une approche multilatérale face aux changements climatiques, sur la base des principes directeurs de la Convention-Cadre, tels que l’équité, la différenciation des actions exigées des pays développés et des pays en développement et la fourniture d’un appui à tous les pays en développement qui en font la demande. Enfin, la délégation a exhorté le Conseil à s’acquitter de son mandat de paix et de sécurité internationales, avant de souligner la nécessité d’une solidarité globale renforcée et d’un multilatéralisme efficace avec l’ONU à la barre.
L’Allemagne a remarqué que ce sujet n’est pas pour la première fois à l’ordre du jour du Conseil et que le lien « très clair » entre les changements climatiques, la dégradation de l’environnement, les événements météorologiques extrêmes, la désertification et les conflits a été souligné par de nombreux intervenants, d’autant plus qu’il s’agit désormais d’un phénomène mondial qui touche à la fois l’Afrique, le Sahel, le lac Tchad, l’Afghanistan et Haïti. Un phénomène qui touche aussi les États-Unis qui connaissent cette année le plus grand nombre d’ouragans et où de nouveaux records tragiques ont été atteints en termes d’incendies de forêt dans l’ouest du pays, a souligné la délégation. « Les changements climatiques et la dégradation de l’environnement affectent les plus vulnérables, les femmes et les filles, ainsi que les pays aux structures étatiques et économiques faibles. »
Rappelant que 10 membres du Conseil de sécurité ont lancé une initiative pour que le Conseil assume sa responsabilité et réagisse aux menaces évidentes à la paix et à la sécurité comme les changements climatiques et la dégradation de l’environnement, l’Allemagne a regretté que ce projet n’ait pas été soutenu dans les interventions « de nos amis américains, russes et chinois », même sur des choses aussi simples que d’avoir un rapport régulier du Secrétaire général sur les conséquences des changements climatiques sur la sécurité, ou de former des soldats de la paix de l’ONU à reconnaître quand la dégradation se produit, ou encore de nommer un représentant spécial chargé de cette question. S’adressant à la Chine qui a dit à quel point elle se soucie de l’Afrique, l’Allemagne lui a rappelé que c’est l’Ambassadeur du Niger, en tant que Président du Conseil, qui a clairement dit aujourd’hui qu’il existe un lien entre la dégradation de l’environnement, les changements climatiques et la sécurité. « Nous pouvons réprimer l’action du Conseil, mais le problème ne disparaîtra pas », a conclu la délégation.