SC/14161

Déclaration publique du Président du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du quatrième rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé en République centrafricaine (S/2019/852), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de son président, le message suivant:

À tous les groupes armés opérant en République centrafricaine, en particulier l’ancienne coalition Séléka et les groupes armés qui lui sont associés, notamment le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC) et l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), ainsi que les milices locales connues sous le nom d’anti-balaka, et l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), mentionnés dans le rapport du Secrétaire général

  • Exprime sa vive préoccupation et condamne dans les termes les plus vigoureux toutes les violations et atteintes graves qui continuent d’être commises sur la personne d’enfants en République centrafricaine, exhorte les parties susmentionnées à prévenir et faire cesser immédiatement toutes les violations du droit international applicable concernant l’enrôlement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques portées contre des établissements scolaires et des hôpitaux et le refus de l’accès humanitaire, et à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international;
  • Se félicite de la signature, le 6 février 2019, par le Gouvernement de la République centrafricaine et 14 groupes armés de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, qui contient plusieurs dispositions relatives à la protection des enfants, se déclare profondément préoccupé par le fait que, malgré des mesures encourageantes dans le processus d’application de l’Accord et l’amélioration générale des conditions de sécurité, des groupes armés aient continué de commettre des violations et des atteintes et que des informations faisant état de meurtres et d’atteintes à l’intégrité physique, de viols et d’autres formes de violence sexuelle, d’enlèvements, d’attaques contre des écoles et des hôpitaux et de refus de l’accès humanitaire, y compris des attaques contre le personnel humanitaire, aient été vérifiées, et engage instamment les signataires de l’Accord de paix à redoubler d’efforts pour l’appliquer, y compris ses dispositions visant à protéger les enfants, et à faire cesser et prévenir les graves violations et atteintes dont les enfants font l’objet;
  • Exprime sa profonde inquiétude et condamne la poursuite de l’enrôlement et de l’utilisation d’enfants, se félicite de la libération de plus de 8 600 garçons et filles par des groupes armés, et demande instamment à tous les groupes armés de libérer immédiatement et sans condition tous les enfants qui leur sont encore associés, demande en particulier aux groupes armés participant au programme national de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration de partager les listes d’enfants associés et de faciliter leur séparation avant et pendant la mise en œuvre du programme, et demande instamment à tous les groupes armés de faire cesser et de prévenir tout enrôlement et toute utilisation d’enfants de moins de 18 ans, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, notamment du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, selon qu’il s’applique;
  • Exprime sa profonde préoccupation devant les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique d’enfants, y compris ceux résultant d’attaques contre leurs communautés en raison de leur identité ethnique ou religieuse, et exhorte tous les groupes armés à mettre fin aux meurtres d’enfants et aux atteintes à leur intégrité physique;
  • Exprime sa profonde préoccupation face aux cas de viols et autres formes de violence sexuelle perpétrés contre des filles et des garçons, et demande instamment à tous les groupes armés de prendre des mesures immédiates et ciblées pour faire cesser et prévenir la perpétration de viols et d’autres formes de violence sexuelle contre les enfants;
  • Condamne fermement les enlèvements d’enfants, dont la majorité des cas ont été attribués à la LRA, et exhorte toutes les parties concernées à cesser d’enlever des enfants et à libérer immédiatement tous les enfants enlevés;
  • Condamne fermement les attaques contre des écoles et des hôpitaux, qui constituent des violations du droit international, et demande à tous les groupes armés de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des établissements scolaires et des hôpitaux, y compris leur personnel, et de prévenir et faire cesser les attaques ou menaces d’attaques disproportionnées et aveugles contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’établissements scolaires et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international applicable;
  • Condamne fermement la multiplication des refus de l’accès humanitaire, y compris les attaques contre le personnel humanitaire, et demande à tous les groupes armés de permettre et de faciliter l’acheminement rapide, sans entrave et en toute sécurité de l’aide humanitaire aux enfants, dans le respect des principes directeurs des Nations Unies concernant l’aide humanitaire, de respecter le caractère exclusivement humanitaire et impartial de l’aide ainsi que le travail de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, sans discrimination;
  • Se félicite de la signature, en mai 2018 par le MPC, en juin 2019 par le FPRC et en août 2019 par l’UPC, d’un plan d’action avec l’ONU, des instructions données par le commandement de mettre fin à l’enrôlement et à l’utilisation d’enfants, de la libération d’enfants qui s’en est suivie et de la nomination de personnes référentes pour la protection des enfants par ces trois groupes armés; les exhorte à appliquer leurs plans d’action au plus vite; et exhorte tous les autres groupes armés à élaborer, adopter et mettre à exécution, avec l’ONU, des plans d’action visant à faire cesser et prévenir la commission des six violations graves contre les enfants touchés par le conflit armé;
  • Rappelle que, le 30 mai 2014, les autorités nationales ont déféré à la Cour pénale internationale la situation régnant en République centrafricaine depuis le 1er août 2012 et que la Procureure de la Cour a annoncé, le 24 septembre 2014, la décision d’ouvrir une enquête sur les allégations de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris l’utilisation d’enfants dans les combats armés, commis par toutes les parties, y compris les groupes ex-Séléka et anti-balaka, et que certains actes mentionnés au paragraphe 8 a) peuvent constituer des crimes au regard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, auquel la République centrafricaine est partie, et prenant note à cet égard du transfert des dirigeants anti-balaka, Alfred Yekatom et Patrice-Edouard Ngaissona, à la Cour pénale internationale pour des chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité;
  • Rappelle que le Conseil de sécurité, par sa résolution 2454 (2019), a reconduit jusqu’au 31 janvier 2020 les mesures de gel des avoirs et d’interdiction de voyager imposées par les résolutions 2127 (2013) et 2134 (2014), qui s’appliquent aux personnes et entités désignées par le Comité du Conseil de sécurité créé par le paragraphe 57 de la résolution 2127 (2013) (« Comité 2127 ») comme menant des actions compromettant la paix, la stabilité ou la sécurité de la République centrafricaine, telles que :
  • Préparer, donner l’ordre de commettre ou commettre, en République centrafricaine, des actes contraires au droit international des droits de l’homme ou au droit international humanitaire ou constituant des atteintes aux droits de l’homme ou des violations de ces droits, notamment des violences sexuelles, attaques dirigées contre des civils, attentats à motivation ethnique ou religieuse, attentats commis contre des écoles et des hôpitaux, enlèvements, déplacements forcés;
  • Recruter des enfants ou utiliser des enfants dans le conflit armé en République centrafricaine, en violation du droit international;
  • Faire obstacle à l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à la République centrafricaine, à l’accès à cette aide ou à sa distribution dans le pays;
  • Déclare que le Groupe de travail se tient prêt à communiquer au Conseil de sécurité toutes informations utiles pour l’aider à adopter des mesures ciblées contre les auteurs de violations;

Au Gouvernement de la République centrafricaine

  • Se félicite de la signature, le 6 février 2019, par le Gouvernement de la République centrafricaine et 14 groupes armés de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, et appelle les parties à redoubler d’efforts pour l’appliquer, notamment ses dispositions visant à protéger les enfants, et à faire cesser et prévenir les graves violations et atteintes dont les enfants font l’objet;
  • Souligne le rôle primordial que joue le Gouvernement dans la protection de tous les enfants touchés par le conflit armé en République centrafricaine et dans le secours porté à ces enfants, se félicite de la ratification, le 21 septembre 2017, du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et exhorte le Gouvernement à l’incorporer rapidement dans son droit interne, se félicite de l’adoption du Code de protection de l’enfant qui prévoit l’érection en infraction pénale de l’enrôlement et de l’utilisation d’enfants, et encourage le Gouvernement à adopter rapidement un protocole régissant le transfert des enfants associés à des groupes armés aux services civils de protection de l’enfance;
  • Souligne qu’il importe que les responsables de toutes les violations et atteintes commises contre des enfants dans les conflits armés rendent compte de leurs actes, prend note du transfert des dirigeants anti-balaka, Alfred Yekatom et Patrice-Edouard Ngaissona, à la Cour pénale internationale, mais demeure préoccupé par la prévalence de l’impunité des auteurs de violations et d’atteintes graves contre des enfants, et demande instamment aux autorités de veiller à ce que tous les auteurs soient traduits en justice et tenus de rendre des comptes sans retard indu, notamment en procédant à des enquêtes rapides et systématiques et, le cas échéant, à des poursuites et des condamnations;
  • Demande à la Cour pénale spéciale, inaugurée en 2018, de tenir compte de toutes les violations et atteintes graves commises contre des enfants dans sa stratégie de poursuites;
  • Encourage la création de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation, prévue dans l’Accord de paix, et l’intégration de normes de protection de l’enfance à toutes les étapes d’élaboration des systèmes de justice transitionnelle, comme le contrôle des antécédents des personnes recrutées dans les Forces de défense et de sécurité centrafricaines afin de vérifier qu’elles n’ont pas commis de violations graves contre des enfants;
  • Se dit préoccupé par la détention d’enfants pour leur association présumée avec des groupes armés, demande instamment au Gouvernement de traiter ces enfants avant tout comme des victimes de l’enrôlement et de l’utilisation, de les remettre immédiatement et sans conditions préalables aux acteurs civils compétents en matière de protection de l’enfance, et de veiller à ce que, lorsque des enfants font l’objet de poursuites pour des crimes présumés, ces poursuites soient menées dans le respect des droits de l’enfant;
  • Engage le Gouvernement à s’employer à offrir aux enfants touchés par des conflits armés des possibilités de réintégration et de réadaptation à long terme et durables, qui tiennent compte des aspects liés au genre et à l’âge, notamment dans les domaines de l’accès aux soins de santé, du soutien psychosocial et des programmes éducatifs, et à sensibiliser les populations, en travaillant avec elles, en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants et de faciliter leur retour, tout en tenant compte des besoins respectifs des filles et des garçons, y compris handicapés, afin de contribuer au bien-être des enfants et à une paix et une sécurité durables, et engage le Gouvernement à nommer une personne référente pour la protection des enfants dans le cadre du programme national de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration;
  • Demande au Gouvernement de garantir l’accès des personnes rescapées de viols et d’autres formes de violence sexuelle à des services spécialisés, en tenant compte des besoins spécifiques des filles et des garçons, et de garantir que les auteurs de violences sexuelles ou fondées sur le genre commises sur la personne d’enfants ou les personnes autrement responsables de tels faits seront traduits en justice;
  • Engage le Gouvernement à œuvrer à la prévention des violations et atteintes graves contre des enfants, conformément à la résolution 2427 (2018) du Conseil de sécurité, notamment en élaborant un plan national de prévention, en collaboration avec les groupes armés et la société civile;

À toutes les forces de maintien de la paix des Nations Unies, y compris la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine et les forces non onusiennes actuellement ou précédemment présentes en République centrafricaine, ainsi qu’aux États Membres concernés

  • Exprime sa profonde consternation face aux allégations persistantes d’actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles commis sur la personne d’enfants par certains membres du personnel de maintien de la paix des Nations Unies, et condamne fermement tous les actes d’exploitation sexuelle et toutes les atteintes sexuelles;
  • Demande à l’Organisation des Nations Unies et aux États Membres concernés de prendre les mesures appropriées, conformément à la politique de tolérance zéro de l’Organisation des Nations Unies à l’égard de l’exploitation et des atteintes sexuelles, pour faire en sorte que tout membre de leur personnel impliqué soit pleinement tenu responsable, en menant des enquêtes en temps utile, et de prendre les mesures appropriées pour que les auteurs répondent de leurs actes et pour rapatrier les unités lorsqu’il existe des preuves crédibles qu’elles se livrent de façon généralisée ou systématique à des actes d’exploitation ou des atteintes sexuelles, et de veiller à ce que les enfants victimes et témoins soient dûment protégés pendant le processus d’enquête et de faciliter leur accès à un soutien médical et psychologique, selon qu’il convient, et, à cet égard, se félicite de la nomination par la MINUSCA d’une défenseuse des droits des victimes sur le terrain et de l’adoption d’une approche axée sur les victimes, permettant à la plupart des enfants victimes d’accéder à des services et à une formation scolaire ou professionnelle; (rapport du Secrétaire général, par. 77 et 88);
  • Exhorte les États Membres concernés à prendre les mesures préventives appropriées, notamment en contrôlant les antécédents de chacun des membres du personnel et en dispensant, avant le déploiement, une formation solide sur les questions relatives à l’exploitation et aux atteintes sexuelles, conformément aux dispositions de leurs mémorandums d’accord et autres accords avec l’Organisation des Nations Unies;

Aux États voisins, aux organisations régionales et à tous les partenaires internationaux

  • Encourage les États voisins, les organisations régionales et tous les partenaires internationaux à soutenir le processus de paix, notamment à faire cesser et à prévenir les violations et atteintes graves contre des enfants, de manière cohérente et coordonnée et au moyen de partenariats renforcés, et souligne le rôle important que jouent les garants et les facilitateurs de l’Accord de paix, notamment l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et les États voisins, en usant de leur influence pour renforcer le respect par les groupes armés des engagements qu’ils ont pris.

Aux notables locaux et aux chefs religieux

  • Souligne la contribution importante des notables locaux et des chefs religieux au renforcement de la protection des enfants touchés par le conflit armé ainsi qu’à la promotion des efforts de réconciliation;
  • Les exhorte à renforcer la protection à l’échelle locale et à condamner publiquement les violations et les atteintes commises sur la personne d’enfants, en particulier l’enrôlement et l’utilisation d’enfants, les meurtres ou atteintes à l’intégrité physique, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles et des hôpitaux, les enlèvements et le refus de l’accès humanitaire, y compris fondés sur la religion, tout en continuant de se mobiliser pour faire cesser et prévenir ces violations et atteintes, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration et la réadaptation, au sein de leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.

 

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