Conseil de sécurité: le Secrétaire général lance le « Guide pratique à l’intention des médiateurs pour une meilleure protection des enfants durant les conflits »
En présence du Roi et de la Reine des Belges, dont le pays assure la présidence du Conseil de sécurité ce mois-ci, le Secrétaire général de l’ONU a procédé au lancement officiel du « Guide pratique à l’intention des médiateurs pour une meilleure protection des enfants dans les situations de conflit armé ». Le Conseil a, en effet, profité de la Journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats, pour tenir une réunion sur le sort des enfants en temps de conflit armé.
Le Guide pratique de M. António Guterres a été salué dans la déclaration présidentielle sur l’« intégration de la protection des enfants dans les processus de paix », dont des extraits ont été lus par le Ministre des affaires étrangères et de la défense de la Belgique, M. Philippe Goffin. Ce document, a expliqué le Secrétaire général, est une étape supplémentaire de la stratégie de l’ONU visant à placer les enfants au cœur de la protection, de la consolidation de la paix et des efforts de prévention. Le Guide reconnaît, a souligné M. Guterres, que les besoins et les droits des enfants doivent être pris en compte dans toutes les étapes du conflit, dans les efforts de prévention, de médiation et de redressement. Le Guide se fonde sur des principes qui interdisent la discrimination, fournit aux médiateurs et négociateurs une analyse des conflits fondée sur les droits de l’enfant et promeut l’implication et la participation des enfants, avec un soutien approprié.
Dans la déclaration présidentielle, le Conseil invite le Secrétaire général à assurer la diffusion la plus large possible du Guide pratique auprès des entités des Nations Unies, des États Membres, des organisations régionales et sous-régionales ainsi que d’autres acteurs compétents participant aux processus de paix et de médiation. Le Guide est un instrument « précieux » non seulement pour les médiateurs et les envoyés spéciaux de l’Union africaine mais aussi pour tous les États membres de l’Union qui sont engagés dans des processus de paix, a confirmé le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, M. Smail Chergui.
Mais, a prévenu le Secrétaire général, le Guide ne suffit pas. Il faut que les États prennent des actions concrètes pour accorder la priorité à la protection des enfants affectés par les confits, aux niveaux national, régional et mondial. C’est le devoir fondamental des dirigeants de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les enfants, « notre avenir », du chaos et de la folie des guerres qui n’ont rien à voir avec eux. Dans sa déclaration présidentielle, le Conseil demande aux États et à l’ONU d’intégrer la protection de l’enfance à toutes les activités de prévention des conflits et activités menées en situation de conflit ou au lendemain d’un conflit, le but étant de pérenniser la paix et de prévenir les conflits.
Aux parties à un conflit armé, il demande de faire de même pour les processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration des enfants associés à des forces armées ou des groupes armés, les négociations de paix et les accords de cessez-le-feu et de paix, et, lorsque c’est possible, de faire participer les enfants à ces processus. À ce jour, les accords de paix qui couvrent la protection de l’enfance restent rares, a alerté Mme Jo Becker de « Watchlist on Children and Armed Conflict ». Sur 445 documents du Département des affaires politiques de l’ONU, moins de 18 comprennent des dispositions sur cette protection et bien souvent uniquement dans des termes très généraux.
Pourtant, a souligné Mme Becker, les processus et accords de paix font plus que mettre fin à la guerre. Ils établissent le cadre de la transition et l’agenda politique, économique et social pour la paix. Ils fixent des priorités pour les investissements et pour l’allocation des ressources des périodes post-conflit. Si les enfants en sont exclus, leurs besoins et leurs droits deviennent « invisibles » et cela se traduit par un sous-investissement dans les secteurs essentiels pour eux. Il n’est donc pas surprenant que des anciens enfants soldats reprennent les armes.
Chaque fois que nous sauvons un enfant de la guerre, que nous l’aidons à se reconstruire, que nous lui redonnons une école, ce sont des rêves qui redeviennent possible, a plaidé le Roi des Belges. C’est une victoire de la vie. C’est une réconciliation que l’on facilite et peut-être même un nouveau conflit que l’on prévient. C’est là notre responsabilité à tous, a-t-il martelé. Aujourd’hui dans le monde, a rappelé le Secrétaire général de l’ONU, près de 250 millions d’enfants vivent dans des pays affectés par un conflit, et en 2018, plus de 12 000 enfants ont été tués ou mutilés dans un conflit, soit le chiffre le plus élevé depuis 1996, année où l’Assemblée générale a créé le poste de Représentant spécial pour le sort des enfants en temps de conflit armé.
Malgré les progrès résultant des campagnes comme « Des enfants, pas des soldats » et « Agir pour protéger les enfants affectés par un conflit », les chiffres relatifs aux graves violations contre les enfants durant les conflits continuent de croître à cause de l’aggravation des conflits et au mépris « honteux » pour la vie des civils, s’est inquiété le Secrétaire général. De nombreux orateurs ont évoqué la situation des enfants pris au piège des conflits à travers le monde, en Syrie, au Yémen, en Libye, sans oublier les 600 000 enfants privés d’école, depuis trois ans, dans la région anglophone du Cameroun, une situation dénoncée par le Royaume-Uni et les États-Unis.
LE SORT DES ENFANTS EN TEMPS DE CONFLIT ARMÉ
Intégration de la protection des enfants dans les processus de paix - S/2020/97
Déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité réaffirme qu’il a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et, à cet égard, qu’il est résolu à s’attaquer aux effets généralisés des conflits armés sur les enfants et à leurs conséquences à long terme sur la paix, la sécurité et le développement durables.
Le Conseil rappelle que toutes les parties à des conflits armés sont tenues de respecter strictement les obligations que leur impose le droit international aux fins de la protection des enfants touchés par des conflits armés, notamment celles résultant des Conventions de Genève du 12 août 1949 et des Protocoles additionnels de 1977, ainsi que de la Convention relative aux droits de l’enfant et de son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et salue les efforts faits par plusieurs États Membres pour prendre des engagements visant à protéger les enfants touchés par des conflits armés, notamment la ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et les initiatives internationales et régionales prises sur le sort des enfants en temps de conflit armé, notamment de la conférence internationale tenue à Paris en 2007 sur la protection des enfants contre une utilisation ou un recrutement illégaux par des groupes ou des forces armés et la conférence de suivi tenue à Paris en 2017, et les engagements pris à ces conférences.
Le Conseil condamne à nouveau fermement toutes les violations du droit international applicable concernant l’enrôlement et l’utilisation d’enfants par des parties à un conflit armé ainsi que leur ré-enrôlement, le meurtre ou l’atteinte à l’intégrité physique d’enfants, les viols et autres formes de violence sexuelle qu’ils subissent, les enlèvements, les attaques contre des écoles ou des hôpitaux et les refus d’accès humanitaire par des parties à un conflit armé ainsi que toutes autres violations du droit international, y compris le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés, commises sur la personne d’enfants en temps de conflit armé, et exige de toutes les parties concernées qu’elles mettent fin immédiatement à ces pratiques et prennent des mesures spéciales pour protéger les enfants.
Le Conseil reste convaincu que la protection des enfants en temps de conflit armé doit être un aspect important de toute stratégie globale de règlement des conflits et de pérennisation de la paix et souligne qu’il importe d’adopter une vaste stratégie de prévention des conflits, qui s’attaque aux causes profondes des conflits armés dans leur globalité de façon à améliorer la protection des enfants à long terme.
Le Conseil souligne l’importance du Programme de développement durable à l’horizon 2030, et estime qu’il faut s’attacher tout particulièrement à combattre la pauvreté, le dénuement et les inégalités pour prévenir les violations et les atteintes et en protéger les enfants, en particulier dans le contexte des conflits armés, et pour promouvoir la résilience de ceux-ci, de leur famille et de leur communauté, et qu’il importe de promouvoir l’éducation pour tous et des sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable.
Le Conseil reconnaît qu’au cours des 15 dernières années le Groupe de travail sur le sort des enfants en temps de conflit armé a permis de réaliser des progrès en matière de prévention des violations et atteintes commises à l’encontre des enfants, en particulier grâce aux conclusions qu’il a adoptées.
Le Conseil demande à nouveau aux États Membres, aux entités des Nations Unies, à la Commission de consolidation de la paix et aux autres parties concernées d’intégrer, dès les premières étapes de tous les processus de paix, des dispositions relatives à la protection de l’enfance, notamment concernant la libération et la réintégration d’enfants qui ont été associés à des forces armées ou à des groupes armés, ainsi que des dispositions relatives aux droits et au bien-être des enfants, en particulier celles qui mettent fortement l’accent sur l’intérêt supérieur de l’enfant, sur le traitement en tant que victimes des enfants séparés des groupes armés et sur la réintégration basée sur la famille et la communauté, dans tous les pourparlers de paix, les accords de cessez-le-feu ou de paix et dans les mesures de surveillance du cessez-le-feu, en tenant compte des vues des enfants sur ces processus, chaque fois que c’est possible, en veillant à répondre aux besoins respectifs des garçons et des filles et des enfants handicapés.
Le Conseil demande à nouveau aux États Membres, aux entités des Nations Unies, à la Commission de consolidation de la paix, et aux autres parties concernées, de faire en sorte qu’une place soit faite à la protection, aux droits, au bien-être et à l’autonomisation des enfants touchés par des conflits armés et que la priorité leur soit accordée dans la planification, les programmes et les stratégies relatifs au relèvement et à la reconstruction au lendemain de conflits, ainsi que dans les efforts faits pour consolider et pérenniser la paix et pour encourager et faciliter la prise en compte de leurs vues dans ces processus.
Le Conseil se félicite que la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, avec le concours des acteurs de la protection de l’enfance compétents, ait élaboré, comme il l’a encouragée à le faire dans la déclaration de sa présidence parue sous la cote S/PRST/2017/21, un Guide pratique des Nations Unies sur l’intégration des questions de protection de l’enfance dans les processus de paix, intitulé « Practical Guidance for mediators to better protect children in situations of armed conflict » (Guide pratique à l’intention des médiateurs pour une meilleure protection des enfants dans les situations de conflit armé), initiative qu’il avait accueillie avec intérêt dans sa résolution 2427 (2018).
Le Conseil invite le Secrétaire général, notamment par l’intermédiaire de sa Représentante spéciale pour le sort des enfants en temps de conflit armé, à assurer la diffusion la plus large possible de ce Guide pratique auprès des entités des Nations Unies, des États Membres, des organisations régionales et sous-régionales ainsi que d’autres acteurs compétents participant aux processus de paix et de médiation, et à promouvoir l’application de ces conseils pratiques dans les processus de paix et de médiation appuyés, parrainés ou facilités par les Nations Unies.
Le Conseil demande à nouveau aux États et à l’Organisation des Nations Unies d’intégrer la protection de l’enfance à toutes les activités de prévention des conflits et activités menées en situation de conflit ou au lendemain d’un conflit, le but étant de pérenniser la paix et de prévenir les conflits, et considère que le Guide pratique est un outil adapté à cette fin.
Le Conseil engage les entités des Nations Unies, les États Membres et les organisations régionales et sous-régionales qui participent aux efforts de paix et de médiation à renforcer la coopération et la collaboration afin de promouvoir l’intégration des questions de protection de l’enfance dans les processus de paix.
Le Conseil encourage les médiateurs, les facilitateurs et autres négociateurs, y compris les États Membres, les organisations régionales et sous-régionales et tous les autres acteurs concernés par les processus de paix et de médiation, à appliquer autant que possible ces conseils pratiques dans les processus de paix et de médiation.
Le Conseil engage le Secrétaire général à informer les États Membres et les organisations régionales et sous-régionales, à leur demande, des enseignements tirés de l’expérience et des meilleures pratiques concernant les activités relatives au sort des enfants en temps de conflit armé, afin de les appuyer dans leurs efforts visant à appliquer les conseils pratiques.
Le Conseil demande à nouveau aux parties à un conflit armé d’intégrer, selon qu’il convient, des dispositions relatives à la protection de l’enfance dans le cadre du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration d’enfants associés à des forces armées ou des groupes armés, compte dûment tenu du genre et de l’âge des enfants, dans les négociations de paix et dans les accords de cessez-le-feu et de paix, et, lorsque c’est possible, de faire participer les enfants à ces processus, en particulier à la mise au point des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration qui les concernent.
Le Conseil exhorte à nouveau les États Membres, les entités des Nations Unies, les organisations régionales et sous-régionales et les autres parties concernées à s’assurer que soient prévues, dans toutes les négociations de paix, dans tous les accords de cessez-le-feu et de paix et dans les dispositions concernant le contrôle du cessez-le-feu, des dispositions visant à protéger les enfants précédemment associés à des forces armées ou groupes armés lors de leur libération et de leur réintégration, notamment en mettant en place des instructions permanentes sur le transfert rapide de ces enfants à des acteurs civils de la protection de l’enfance.
Le Conseil souligne qu’il importe de réprimer toutes les violations et atteintes commises contre des enfants en temps de conflit armé et demande à tous les États de continuer à lutter contre l’impunité en s’attachant à renforcer les mécanismes nationaux et internationaux y afférents, notamment les capacités d’enquêter et d’exercer des poursuites, en veillant à ce que tous les responsables de violations et d’atteintes de ce type soient traduits en justice et répondent de leurs actes sans retard indu, ce qui implique notamment que des enquêtes soient menées et des poursuites engagées de façon systématique et sans délai, leurs conclusions devant être rendues publiques, et de veiller à ce que toutes les victimes aient accès à la justice ainsi qu’aux services médicaux et aux services d’accompagnement dont elles ont besoin.
Le Conseil réitère sa détermination à assurer le respect et la mise en œuvre de ses résolutions et des déclarations de sa présidence concernant le sort des enfants en temps de conflit armé, ainsi que le respect d’autres engagements et obligations internationaux en matière de protection des enfants touchés par les conflits armés.
Déclarations
Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, s’est réjoui, en cette Journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats, de présenter un « Guide pratique à l’intention des médiateurs pour une meilleure protection des enfants dans les situations de conflit armé ». Les enfants ne devraient tout simplement pas être mêlés aux conflits, a tranché le Secrétaire général, en regrettant que près de 250 millions d’enfants vivent dans des pays affectés par un conflit, et en 2018, plus de 12 000 enfants ont été tués ou mutilés dans un conflit, soit le chiffre le plus élevé depuis 1996, année où l’Assemblée générale a créé le poste de Représentant spécial pour le sort des enfants en temps de conflit armé. Plus de 24 000 cas de violence ont été établis et vérifiés, contre 21 000 en 2017. Le Secrétaire général a relevé que ces violences traumatisent durablement les enfants, ainsi que les communautés et les sociétés dont ils font partie. De même, elles alimentent le ressentiment et les frustrations qui conduisent à l’extrémisme, créant un cercle vicieux de tensions et de violences.
Le Secrétaire général a ensuite salué les progrès dans la sensibilisation sur les violations contre les enfants en temps de conflit armé. Même si les statistiques du Mécanisme établi par le Conseil de sécurité en 2005 sont incomplètes, les chiffres présentent néanmoins une réalité accablante et soulève des questions sur la responsabilité et la conformité. Ainsi, au fil du temps, ces chiffres ont eu le pouvoir de faire changer les comportements, prévenir les violations graves et protéger les enfants. Le Secrétaire général a cité le cas du Soudan du Sud qui montre comment la protection des enfants peut amener les parties au conflit à se mettre ensemble pour rétablir la confiance et réaliser la paix. C’est dans ce cadre qu’un Plan d’action conjoint a été signé par les parties à Juba, la semaine dernière. Ce Plan, s’est réjoui le Secrétaire général, arrive à un moment crucial pour le Soudan du Sud. Il peut contribuer au rétablissement de la confiance, surtout dans un contexte où le processus de paix fait face à de nombreux obstacles.
Quelque 12 parties engagées dans des conflits ont été retirées de la liste des auteurs de violations, après avoir respecté les engagements pris dans un plan d’action, s’est félicité le Secrétaire général. De même, des campagnes comme « Des enfants, pas des soldats » et « Agir pour protéger les enfants affectés par un conflit » ont contribuer au consensus mondial sur le fait que les enfants ne doivent jamais être utilisés dans un conflit. Malgré ces efforts, a reconnu le Secrétaire général, les chiffres relatifs aux graves violations contre les enfants durant les conflits continuent d’augmenter. Le Secrétaire général a imputé la situation à l’aggravation des conflits actuels et au mépris « honteux » pour la vie des civils.
Le Guide pratique pour les médiateurs lancé aujourd’hui est l’étape suivante de la stratégie de l’ONU visant à placer les enfants au cœur de la protection, de la consolidation de la paix et des efforts de prévention. Le Guide reconnaît que les besoins et les droits des enfants doivent être pris en compte dans toutes les étapes du conflit, dans les efforts de prévention, de médiation et de redressement. Le Guide se fonde sur des principes qui interdisent la discrimination et font passer les intérêts des enfants au premier plan. De même, il fournit aux médiateurs et négociateurs une analyse des conflits fondée sur les droits de l’enfant et promeut l’implication et la participation des enfants, avec un soutien approprié. « En intégrant des mesures spécifiques pour protéger les enfants dans les processus de paix, nous pouvons parvenir à des résultats concrets pour les enfants et pour la paix », a affirmé M. Guterres. Il a rappelé que c’est quand les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) avaient décidé de mettre fin au recrutement et l’utilisation des enfants que la confiance est revenue et qu’un élan a pu être imprimé au processus de paix.
Le Guide pratique ne suffit pas, a prévenu le Secrétaire général. Il faut que les États prennent des actions concrètes pour accorder la priorité à la protection des enfants affectés par les confits, aux niveaux national, régional et mondial. C’est le devoir fondamental des dirigeants de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les enfants, « notre avenir », du chaos et de la folie des guerres qui n’ont rien à voir avec eux.
M. SMAIL CHERGUI, Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, a jugé impératif, comme partie intégrante d’une paix durable, de prévenir les violations des droits de l’enfant mais aussi de s’y attaquer pendant et après les conflits. Si les armes ne se taisent pas en Afrique, il revient à l’état de droit de protéger les droits et les libertés fondamentales. Il est essentiel que tous les acteurs des processus de médiation et de paix intègrent la protection de l’enfance dans les accords. C’est, a affirmé le Commissaire, ce que l’Union africaine et les Communautés économiques et mécanismes régionaux ont fait au cours de ces dernières années, le dernier exemple étant l’Accord de paix et de réconciliation en République centrafricaine.
Mais, a avoué le Commissaire, l’Union africaine doit encore créer un cadre ou élaborer des Guides pratiques. C’est la raison pour laquelle, a souligné le Commissaire, l’Union s’est félicitée du Dialogue de haut niveau organisé l’année dernière par le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants dans les situations de conflit, en coopération avec le Gouvernement belge, pour élaborer des Guides pratiques sur l’intégration des questions liées à la protection de l’enfance dans les processus de paix. L’Union africaine est également fière de sa contribution aux Directives pratiques que le Secrétaire général a élaboré à l’intention des médiateurs. Il s’agit d’un instrument précieux non seulement pour les médiateurs et les envoyés spéciaux de l’Union africaine mais aussi pour tous les États membres de l’Union qui sont engagés dans des processus de paix.
Mme JO BECKER, « Watchlist on Children and Armed Conflict », a expliqué que son ONG réunit des organisations humanitaires et des droits de l’homme s’occupant plus particulièrement de la protection et de la promotion des droits de l’enfant en situation de conflit armé. À ce jour, a-t-elle confirmé, les accords de paix qui couvrent la protection de l’enfance restent rares. Ils restent l’exception et pas la norme. Nous avons fait, a-t-elle indiqué, une analyse des accords de paix et de cessez-le-feu depuis 1999, sur la base des documents fournis par le Département des affaires politiques de l’ONU, pour voir dans quelle mesure la protection de l’enfance est traitée. Nous avons été « très découragés » par les résultats, a-t-elle avoué: sur 445 documents, moins de 18 comprenaient des dispositions sur la protection de l’enfance et bien souvent uniquement dans des termes très généraux comme des appels à la « protection des femmes, des enfants et d’autres groupes vulnérables ». C’est tout simplement insuffisant, s’est-elle indignée, ajoutant qu’il est bien connu que les enfants souffrent de manière disproportionnée des conflits et profitent moins de la paix.
Les processus et accords de paix font plus que tout simplement mettre fin à la guerre. Ils établissent le cadre de la transition et l’agenda politique, économique et social pour la paix, a souligné Mme Becker. Ces processus et accords fixent des priorités pour les investissements et l’allocation des ressources pour la période post-conflit. Si les enfants en sont exclus, leurs besoins et leurs droits deviennent « invisibles », a-t-elle fait observer, et cela se traduit par un sous-investissement et un manque de programmes essentiels pour eux. Dans de telles circonstances, il n’est pas surprenant que des anciens enfants soldats reprennent les armes. Prendre en compte dans les processus de paix des besoins des enfants dans les zones frappées par un conflit, n’est pas seulement un impératif juridique et moral. C’est crucial, a-t-elle martelé, pour toute paix durable.
Jusqu’ici, a poursuivi Mme Becker, les processus de paix échouent à considérer les enfants comme des victimes dotées de droits et à punir ceux qui les recrutent comme soldats. C’est cette situation qui a contribué à l’impunité et entretenu les cycles des recrutements-re-recrutements, en République démocratique du Congo, par exemple. Elle a également dénoncé le fait que les dispositions relatives aux enfants associés aux groupes armés soient souvent trop restrictives. Elles excluent par exemple les filles ou les enfants qui n’ont pas porté d’armes, comme on l’a vu au Libéria. D’autres accords de paix font tout simplement l’impasse sur la question des enfants soldats comme l’Accord de Bamako de 2015. De plus, trop souvent les mécanismes d’établissement des responsabilités prévus par les processus de paix n’impliquent pas les enfants. Ces derniers ne sont que rarement approchés pour raconter leur histoire. En conséquence, leurs intérêts et besoins sont trop souvent ignorés par les nouvelles institutions, comme c’était le système judiciaire au Guatemala, après les négociations de paix.
Mme Becker a imputé cette situation à la conviction, fausse, que les dispositions relatives à la population en général bénéficieront automatiquement aux enfants. L’expérience prouve que ce n’est pas le cas. La spécificité est « essentielle ». Pour la prise en compte, dans les processus et accords de paix et de cessez-le-feu, des enfants dans les conflits armés, elle a voulu que l’on accorde la priorité « dès le début » des pourparlers de paix à la protection de l’enfance. Il faut aussi faire en sorte que toutes les parties s’engagent « explicitement » à mettre fin aux six violations graves à l’encontre des enfants et prévoir des dispositions spécifiques sur les enfants associés aux groupes armés, y compris en termes de ressources et d’inclusion dans les processus de démobilisation, de désarmement et de réintégration. Il faut également, a-t-elle ajouté, penser à protéger les écoles, par des accords avec les parties pour pouvoir évacuer les écoles, si nécessaire, ou réhabiliter celles qui ont été utilisées à des fins militaires. Mme Becker n’a pas oublié la nécessité de prendre en compte la spécificité des besoins des enfants dans les systèmes de justice transitionnelle.
Elle a salué le Guide pratique et exhorté le Secrétaire général à en assurer la plus large diffusion au sein du système des Nations Unies. Elle lui a demandé d’exiger systématiquement que les analyses des conflits évaluent l’impact sur les enfants pour qu’il soit pris en compte dans tous les efforts de paix. Elle a également suggéré que les déclarations et résolutions spécifiques à un pays fassent explicitement référence à la protection de l’enfance. Les médiateurs onusiens, les parties au conflit et les autres parties prenantes doivent veiller à ce que les enfants participent aux processus de paix. Les opérations de paix et les missions politiques de l’ONU doivent avoir des capacités de protection de l’enfance dotées de ressources suffisantes, a conclu Mme Becker.
Depuis l’entrée en vigueur de la Convention relative aux droits de l’enfant il y a 30 ans, la Belgique a fait de la cause des enfants touchés par les conflits armés une priorité constante de sa politique étrangère, a expliqué Philippe, Roi des Belges. La Reine Mathilde, a-t-il dit, s’y investit depuis de nombreuses années. Le sujet reste d’une actualité brulante alors que les tensions géopolitiques sont à leur comble depuis le début du siècle. Aujourd’hui, a poursuivi le Roi, un enfant sur cinq dans le monde subit l’impact négatif d’un conflit armé. Ce chiffre ne peut nous laisser indifférent. Il représente des cas concrets de filles et de garçons fuyant des combats, mutilés, exploités, tués, victimes de violences sexuelles ou recrutés par des groupes armés. Il s’agit, s’est alarmé le Roi, de millions de jeunes vies blessées dans leur corps et dans leur esprit. Sauver ces enfants requiert une volonté politique permanente, des efforts conjoints de prévention et remédiation ainsi qu’une mobilisation constante de ressources financières et humaines. Nous devons aider ces enfants à se relever et à s’épanouir, a pressé le Roi, ajoutant qu’il s’agit de leur redonner espoir et de les aider à se réconcilier avec la vie. Être à leur écoute, reconnaître leurs souffrances et les réintégrer dans la société grâce à un accompagnement suivi, ce n’est que comme cela que nous briserons le cycle de la violence et rendrons possible la paix durable.
Depuis l’adoption de la première résolution du Conseil de sécurité sur la situation des enfants en temps de conflit armé en 1999, je n’ai cessé, a rappelé le Roi, d’appeler à ce que les processus de paix intègrent, dès le départ, des éléments essentiels de protection des droits de l’enfant. Il a donc regretté que les processus inclusifs demeurent cependant une exception. Trop souvent encore, le sort des enfants est négligé. Leurs voix, leurs droits et leurs besoins ne sont guère prise en compte. Dès lors, le Roi a appelé la communauté internationale à faire mieux parce qu’il en va de l’avenir des sociétés affectées par des hostilités. Il a souligné que l’expérience a montré que les parties au conflit peuvent parfois plus facilement se mettre d’accord sur des mesures en faveur des enfants que sur d’autres sujets. Un accord visant à protéger les enfants, a-t-il ajouté, peut servir de tremplin et de catalyseur pour des accords plus larges. Fort de ce constat, les Guides pratiques sur la protection des enfants dans les négociations et les processus de paix ont été développées. Leur intégration dans les négociations de paix permettra, d’après le Roi Philippe, d’améliorer concrètement la situation des enfants victimes de conflit.
Il a assuré que la Belgique est profondément attachée au multilatéralisme et à l’ONU. « Mon pays s’y investit avec pour ambition la défense, non pas de ses propres intérêts, mais des valeurs fondamentales qui inspirent la Charte et qui fondent toute société décente. » En conclusion, le Roi a déclaré que chaque fois que nous sauvons un enfant de la guerre, que nous l’aidons à se reconstruire, que nous lui redonnons une école, ce sont des rêves qui redeviennent possibles. C’est une victoire de la vie. C’est une réconciliation que l’on facilite et peut-être même un nouveau conflit que l’on prévient. C’est là notre responsabilité à tous.
M. MAHENDRA SIREGAR, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, a souligné que les enfants paient le plus lourd tribut dans les conflits à travers le monde. Plus de 24 000 violations graves contre les enfants ont été recensées dans 20 pays. Mon pays n’a jamais fermé les yeux et ne le fera jamais devant le besoin de protection des enfants dans les situations de conflit armé, a-t-il promis, avant de suggérer trois pistes pour mieux protéger les enfants. Premièrement, il a réclamé que les engagements normatifs se traduisent en actes. Nous ne partons pas de zéro, a-t-il dit. Il a mentionné la résolution 2427 (2018) reconnaissant la nécessité d’intégrer la protection des enfants dans les processus de paix. M. Siregar a d’ailleurs affirmé que les Casques bleus indonésiens veillent à protéger les enfants, en leur prodiguant des soins, ainsi qu’à leurs mères, et en leur offrant des activités éducatives.
Deuxièmement, la protection des enfants doit être prise en compte dans toutes ses dimensions, a-t-il continué. Elle doit être la norme dans toutes les phases de conflit, de la prévention des violations et du désenrôlement des enfants soldats à leur réintégration. Ce cycle fait partie des mandats des soldats de la paix sur le désarmement, la démobilisation et la réintégration. En troisième lieu, il a plaidé pour un soutien accru aux mesures de protection des enfants, les pays ne se trouvant pas au même stade. La coopération internationale et l’échange de bonnes pratiques sont nécessaires, a noté M. Siregar. Tous les acteurs des conflits –les parties, les médiateurs, les négociateurs, les conseillers enfants et les acteurs humanitaires– doivent être davantage conscients des besoins des enfants, a conclu le Vice-Ministre.
M. MÂRT VOLMER, Vice-Ministre des affaires étrangères d’Estonie, a noté, à son tour, les lacunes persistantes dans la protection des enfants en temps de conflit armé. Il a estimé que les Directives pratiques sont un outil utile pour les États Membres, avant d’insister sur l’intégration de la dimension sexospécifique dans les processus de paix, afin de tenir dûment compte des besoins singuliers des garçons et des filles. Comme l’indiquent les Directives, il faut que les auteurs des crimes contre les enfants répondent de leurs actes. Il a donc invité les États à renforcer les mécanismes nationaux et internationaux d’établissement des responsabilités et rappelé qu’en vertu du Statut de Rome, l’enrôlement des enfants est un crime de guerre. Si nous ne traitons pas des violations et des abus commis contre les enfants, les répercussions sur nos familles et nos communautés seront immenses, a-t-il averti, avant d’estimer que les Directives permettront de rompre ces pratiques.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a rappelé que les enfants en Syrie continuent d’être privés de leur enfance et contraints de participer à une des guerres les plus brutales. La santé physique et mentale des enfants est en péril en Syrie, s’est alarmée la représentante. Au centre du Mali, a-t-elle poursuivi, les enfants sont tués, mutilés et pris pour cible. Elle a aussi mentionné les répercussions majeures du conflit au Cameroun sur les enfants, avec la fermeture d’écoles et l’enlèvement d’enfant. Près de 600 000 enfants sont privés d’école, s’est-elle indignée, avant de saluer, à son tour, le lancement officiel du Guide pratique et d’exhorter tous les acteurs à se l’approprier. Ce Guide, a-t-elle insisté, doit faire l’objet de la plus large diffusion possible. Mme Pierce a aussi exhorté les parties au conflit à protéger les enfants et à les intégrer dans les processus de paix. Le point de vue des enfants doit être systématiquement pris en compte sur les questions qui les concernent. Enfin, la représentante a invité le Conseil à en faire plus, notamment dans l’application de la résolution 2282 (2016).
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a exhorté le Secrétaire général de l’ONU à diffuser le plus largement possible les Directives pratiques, afin qu’ils parviennent à tous les acteurs, y compris la société civile. Ces Directives, a-t-il dit, arrivent à point nommé et s’ils semblent facile à utiliser, il serait tout de même capital que les médiateurs comptent dans leur équipe un spécialiste de la protection de l’enfance. Rebondissant sur les propos du Roi des Belges, le représentant a confirmé que c’est bien l’accord sur la protection de l’enfance qui avait facilité, en son temps, le processus de paix en Colombie. La protection de l’enfant peut donc être une condition préalable à la signature des accords de paix afin d’en renforcer la fiabilité et la durabilité. Or aujourd’hui, l’on compte trop peu d’accords de paix qui tiennent compte des besoins des enfants.
M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud), s’exprimant au nom des A3, a estimé que la protection des enfants doit être abordée à tous les niveaux, y compris dans la diplomatie préventive, la médiation et les mandats liés à la protection des civils des opérations de paix. Il est impératif que toutes les parties concernées veillent à ce que la protection, les droits et le bien-être des enfants soient intégrés dans tous les processus de paix et phases de reconstruction post-conflit. Le représentant a mis l’accent sur le rôle des communautés locales pour favoriser l’intégration dans la société des enfants victimes de conflits. Ces communautés, a-t-il plaidé, doivent être dotées des moyens qu’il faut. Soulignant que les parents sont les premiers soutiens des enfants, il a souhaité que toutes les futures résolutions du Conseil de sécurité rappellent ce rôle. De même, les programmes d’intégration des enfants victimes de conflit doivent prendre en compte les perspectives et les attentes de ces enfants.
Le représentent a mis en exergue l’intérêt croissant de l’Union africaine et des groupes sous-régionaux pour les questions relatives à la protection de l’enfance dans les conflits armés et leur détermination à appliquer les protocoles et chartes du continent. L’inclusion de la protection de l’enfance dans les accords de paix en République centrafricaine est un développement significatif, s’est enorgueilli le représentant. Il a estimé que l’« Agenda 2063, l’Afrique que nous voulons » ne pourra être atteint sans le règlement des conflits et la protection effective des droits de l’enfant. Dans ce contexte, le représentant a salué l’appel lancé aux organisations régionales afin qu’elles se dotent des capacités de faire face aux multiples défis liés à la protection de l’enfance dans les conflits armés.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que dès 1999 le Conseil de sécurité a appelé les parties prenantes à inscrire la protection de l’enfance dans les négociations de paix. Il a salué le lancement officiel du Guide pratique, « véritable boîte à outils, souple et adaptable ». Les négociateurs et médiateurs auront désormais une boussole pour intégrer la protection de l’enfance dans leur action. Ce Guide, a estimé le représentant, illustre bien ce que doit être une médiation réussie, telle que la France la conçoit: diplomatie à court terme pour apaiser une situation tendue et stabilisation à long terme, indispensable pour une paix durable. La France, a-t-il indiqué, restera attentif à ce que ce Guide ne reste pas lettre morte. Tous les acteurs doivent se l’approprier. C’est un enjeu majeur de ce Guide: ses principes sont connus, mais pas encore suffisamment diffusés et systématisés. Comme on dit en bon français, la thématique des enfants dans les conflits a besoin de « mainstreaming ».
Le délégué a fait trois propositions et d’abord faire en sorte que les représentants spéciaux du Secrétaire général soient systématiquement sensibilisés aux principes du Guide avant leur prise de fonctions. Deuxièmement, ces derniers pourraient présenter leur action et priorités en la matière devant le Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés, afin de veiller à ce que la protection de l’enfance soit prise en compte tout au long de leur mandat. Enfin, la question des enfants dans les conflits armés pourrait être un axe à part entière de la coopération entre le Conseil et l’Union africaine au cours des prochaines années.
Le représentant a jugé inacceptable que le mécanisme mis en place par le Conseil puisse être paralysé. Le Mécanisme de communication et de suivi des violations est « indispensable », a-t-il martelé, en invoquant la responsabilité de chacun pour lui donner plein effet. Le Groupe de travail doit en particulier pouvoir adopter ses conclusions sur le Yémen, la République centrafricaine et l’Afghanistan, lesquelles sont négociées depuis plusieurs mois, s’est impatienté M. de Rivière.
M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a donné le témoignage de son pays où des millions de personnes ont grandi pendant les décennies de guerres. Même 50 ans après, les souffrances de ces guerres se font toujours sentir dans le pays, paradoxalement davantage par les enfants actuels qui ignorent souvent ce qui a causé ces souffrances. Cela nous rappelle nos promesses non tenues de protéger nos enfants et de construire un monde pacifique pour eux, a-t-il commenté en rappelant à cet égard la responsabilité du Conseil de sécurité. Pour traduire les promesses en mesures concrètes, le représentant a salué le bon exemple que représentent les Directives pratiques sur l’intégration des questions touchant à la protection de l’enfance dans les processus de paix. Il a également souligné les efforts incommensurables de la Représentante spéciale du Secrétaire général, de son équipe et de bien d’autres encore qui agissent en faveur de la protection des enfants.
Revenant aux Directives pratiques, M. Dang a souhaité qu’elles soient « un document vivant » grâce aux témoignages inspirants qu’elles contiennent. Il a salué à cet égard la signature du Plan d’action global pour mettre fin à et prévenir toute grave violation contre les enfants au Soudan du Sud. La coopération entre l’ONU et les organisations régionales est également importante, a poursuivi M. Dang en soulignant par exemple les contributions importantes de l’IGAD pour accompagner la mise en œuvre des plans de prévention et de protection. Enfin, il a vu l’éducation comme la pierre angulaire des programmes de réintégration. Au Viet Nam, même en temps de guerre, les classes avaient lieu, que ce soit sous les vergers, dans les maisons communes ou même dans des abris souterrains. En ce qui concerne la réintégration des enfants qui étaient auparavant liés aux groupes armés, l’éducation est le meilleur moyen de rompre avec les obsessions du passé, a ajouté le représentant avant de rappeler que, l’an dernier, le Viet Nam a approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.
Mme HALIMAH DESHONG (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a salué le Guide pratique qui apparait comme « une partie essentielle du travail du Conseil de sécurité en matière de protection des enfants en temps de conflit armé. Malgré les avancées institutionnelles, l’année 2019 a été celle de tous les records en termes du nombre d’enfants tués ou mutilés, d’attaques contre les écoles et les hôpitaux et de blocages de l’aide humanitaire. La représentante a aussi déploré le taux élevé de violence sexuelle contre les enfants, particulièrement les filles, sachant que ces crimes commis en période de conflit ne sont pas toujours documentés, notamment à cause du stigma et du peu de services. De même, a-t-elle dénoncé, ce problème est exacerbé par l’impunité endémique. Les enfants, a-t-elle rappelé, ne représentent que 20% de la population mondiale « mais 100% de notre avenir ». On ne peut donc pas rester les bras croisés alors que les générations futures sont confrontées à des perspectives d’avenir incertaines. Il ne peut y avoir de but plus grand pour lequel nous devons nous engager.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a dit que la protection de l’enfance est une question chère à son pays et insisté sur le rôle du Groupe du travail sur les enfants et les conflits armés. Il a dénoncé les violations commises par les terroristes contre les enfants, jugeant que l’exploitation des enfants par les groupes terroristes est inacceptable. Tous les enfants qui ont connu cet enfer ont le droit de redevenir des membres à part entière de la société, a-t-il dit, ajoutant que leur réintégration est un enjeu majeur. Le délégué a indiqué que depuis 2018, son pays a pris des mesures pour rapatrier les enfants russes présents en Iraq et en Syrie dans les zones anciennement aux mains de Daech. Près de 150 enfants russes ont rapatriés, a-t-il affirmé, avant d’estimer, à son tour, que le Guide pratique est une base essentielle pour mieux prendre en compte le sort des enfants dans les processus de paix.
M. JUN ZHANG (Chine) a salué la déclaration présidentielle et a rappelé que les enfants représentent notre avenir et notre espoir. Ils doivent être protéger mais la réalité démontre malheureusement que ce qui a été accompli ne suffit pas. De nombreux enfants se retrouvent exposés aux conséquences néfastes des conflits armés. Le représentant a prié l’ONU de tenir compte du rôle de chef de file des États dans la protection des enfants en temps de conflits armés. Mais, a-t-il concédé, l’Organisation peut tout de même leur apporter un soutien technique, en contribuant au renforcement des capacités nationales. C’est d’ailleurs ce que la Chine s’attèle à faire en Afrique, a-t-il noté. Depuis l’année 2000, la Chine a contribué à la construction de centaines d’écoles en Afrique, dont le « Village SOS d’enfants » à Bukavu en République démocratique du Congo (RDC).
M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a rappelé que 420 millions d’enfants sont touchés par les conflits dans le monde. Dans ce contexte, le Guide pratique est un outil qui permettra de mieux prendre en compte le point de vue des enfants dans les processus de paix. Le représentant a réaffirmé l’engagement de son pays en faveur de la protection de l’enfance et a insisté sur le rôle du Groupe de travail du Conseil de sécurité. Trop d’enfants ont besoin d’une aide pour se protéger des violences et en particulier des violences sexuelles. Il faut donc une meilleure application de la résolution 2467 (2019) et la fourniture d’une aide multidimensionnelle. Le délégué a dénoncé le sort des enfants au Yémen, en Afghanistan en Syrie et condamné les attaques contre les écoles. Il a rappelé les termes de la résolution 2427 (2018) et souligné l’importance qu’il y a à assurer l’établissement des responsabilités. En l’occurrence, il a réitéré son ferme appui à la Cour pénale internationale et aux divers mécanismes crées par le Conseil des droits de l’homme.
Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) a estimé qu’il faut exploiter l’unité du Conseil sur cette question pour mieux protéger les enfants dans les conflits armés. En raisonnant les groupes armés, en rétablissant la confiance et en offrant des alternatives à la violence, les Nations Unies et les organisations régionales peuvent donner une nouvelle chance à une paix durable. La déclaration présidentielle le reconnaît, a estimé la représentante. Pour les enfants sud-soudanais, par exemple, la meilleure protection ne viendra pas du Plan d’action mais bien du Président Salva Kiir et de M. Riek Machar qui doivent s’assoir et négocier une paix durable. La représentante a appelé ces dirigeants à mettre enfin leur différend de côté et à donner la priorité à l’espoir des enfants. Elle a en revanche fait part d’un vent d’optimisme en Colombie et des progrès en République démocratique du Congo et en République centrafricaine.
Elle s’est, en revanche, dit préoccupée par les 600 000 enfants camerounais privés d’école, dans les régions anglophones, depuis au moins trois ans. C’est un rappel « brutal » du fait que la médiation nécessite un suivi pour éviter que les enfants ne replongent dans un nouveau cycle de violences meurtrières. Le Conseil, a conclu la représentante, a l’obligation de défendre les enfants, « notre avenir et notre espoir ». Pour réaliser les promesses d’une plus grande sécurité et d’une plus grande prospérité pour les enfants, il faut, a prévenu la représentante, une action « robuste ». C’est ce qui qui rend l’agenda « enfants et conflits armés » si crucial, a-t-elle conclu.