Conseil de sécurité: la crise ukrainienne, loin d’être réglée, sera au cœur des efforts du Président en exercice de l’OSCE en 2020
« Souhaitez-moi bonne chance », a lancé, ce matin, aux membres du Conseil de sécurité le Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), M. Edi Rama, en invoquant ses efforts de médiation dans l’est de l’Ukraine. Il a indiqué que la priorité de sa présidence en 2020 sera le règlement de la situation en Ukraine qu’il a qualifiée de « très perturbante » et « d’apocalyptique ». Lors du débat qui a suivi, cette situation a été l’occasion d’échanges très vifs entre le délégué de la Fédération de Russie et celui de l’Allemagne.
M. Rama, Premier Ministre et Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’Albanie, présentait les priorités pour 2020 de l’OSCE, plus vaste organisation de sécurité régionale au monde et « partenaire naturel » de l’ONU. Outre la promotion du dialogue et la lutte contre la corruption, M. Rama a indiqué que l’un des objectifs de sa présidence sera de « faire de réelles différences sur le terrain », en premier lieu s’agissant de la crise ukrainienne, qui est « le défi sécuritaire le plus impérieux en Europe. »
Alors que l’OSCE compte une mission d’observation sur le terrain, M. Rama a indiqué que 20 000 incidents se sont produits et que 69 personnes ont trouvé la mort depuis que le cessez-le-feu a été approuvé par les parties. « Pendant que nous parlons, des hommes et des femmes continuent de mourir en Ukraine », a-t-il déclaré. Il a demandé à ne pas exclure la création d’une mission de la paix de l’ONU, « car il y a des faits très perturbants qui se déroulent en Ukraine ».
Dès que la nuit tombe, les tirs reprennent, a expliqué le Président en exercice de l’OSCE. Selon lui, une telle mission pourrait être un outil supplémentaire pour faire respecter le cessez-le feu. L’OSCE joue son rôle d’observateur mais ne pourra peut-être pas changer la donne pour la population qui souffre, a déploré M. Rama, lors d’une reprise de parole.
Sur le plan diplomatique, à l’instar des délégués, M. Rama a salué la reprise du dialogue dans le cadre du format Normandie, qui réunit la Russie, l’Ukraine, la France et l’Allemagne. La réunion du 9 décembre 2019, selon ce format, a permis l’adoption de plusieurs mesures de confiance, notamment l’échange de prisonniers, la création de nouvelles zones de désengagement et l’ouverture de nouveaux points de passage le long de la ligne de contact.
« Je ne veux pas prendre parti mais il y des faits dont il convient de tenir compte », a déclaré le Président en exercice de l’OSCE. Alors que le délégué des États-Unis a qualifié « d’extraordinaire » l’engagement du Président ukrainien pour la paix, M. Rama a aussi salué les efforts de ce dernier en vue de parvenir à un « dialogue plus fructueux ». Il a, par ailleurs, exhorté la Russie à peser de tout son poids sur les acteurs sur le terrain.
La Russie doit en faire davantage, a appuyé le délégué américain, en appelant ce pays à cesser de livrer des armes, à retirer ses troupes en Ukraine et à respecter les Accords de Minsk. « Nous ne reconnaîtrons jamais l’annexion de la Crimée par la Russie et les sanctions contre ce pays resteront en place tant que la Russie n’aura pas rendu la Crimée à l’Ukraine et ne respectera pas ses engagements au titre des Accords de Minsk », a-t-il déclaré.
Même son de cloche du côté de ses homologues de l’Allemagne, de l’Estonie et du Royaume-Uni, qui ont dénoncé l’annexion illégale de l’Ukraine par la Russie. Tout en se félicitant que la première visite de M. Rama se soit déroulée en Ukraine, le délégué allemand a exhorté la Russie à respecter les Accords de Minsk. Le travail de la Mission spéciale de l’OSCE est constamment entravé, et ce, principalement dans la zone non contrôlée par le Gouvernement, a-t-il accusé, à l’instar du représentant de la France.
Le Gouvernement de l’Ukraine ne s’est pas acquitté de ses engagements et continue de brandir la soi-disant agression russe, sans présenter aucune preuve de cette agression, a rétorqué le représentant de la Russie. Indiquant que la crise est loin d’être réglée, il a aussi accusé Kiev de bafouer les droits des minorités russophones et de vouloir revenir sur les Accords de Minsk, endossés par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2202 (2015).
Reprenant la parole, le représentant de l’Allemagne s’est dit « sans voix » après avoir entendu le « conte de fées » narré par son collègue russe. « Si l’on poursuivait les discussions, la Russie dirait sûrement que c’est l’Ukraine qui a envahi la Russie et non l’inverse », a-t-il ironisé. Revenant de nouveau sur la « soi-disant agression russe » à l’encontre de l’Ukraine lors d’une reprise de parole, le délégué russe a fait valoir que, « dans l’histoire récente, le seul exemple d’agression est celui du 22 juin 1941 », menée par un pays dont il a tu le nom.
Si le dossier ukrainien a été au cœur du débat, certaines délégations ont tenu à discuter d’autres enjeux sécuritaires, comme celle du Niger qui a évoqué les conséquences pour la paix et la sécurité en Europe de la dynamique en Afrique subsaharienne. C’est pourquoi le Niger a appelé au renforcement de la coopération entre l’OSCE et le G5 Sahel, en vue de rechercher des solutions aux défis actuels qui se posent dans la région.
Parmi les autres priorités que s’est donnée l’Albanie à la présidence de l’OSCE figure la promotion du rôle des femmes dans les processus de paix: elle souhaite que ce dossier soit au cœur de la coopération renforcée entre l’OSCE et l’ONU. Une direction qu’ont approuvée plusieurs membres du Conseil, dont le Viet Nam qui a suggéré d’accentuer cette coopération dans l’agenda « femmes, paix et sécurité ».
La Belgique a souligné à ce sujet le bon exemple du Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes, dont ONU-Femmes et l’OSCE partagent la présidence, qui constitue à son avis un « modèle innovant » en participant d’un « multilatéralisme efficace ». « Il gagnerait à être reproduit dans l’ensemble du système des Nations Unies », a conclu le représentant belge.
EXPOSÉ DU PRÉSIDENT EN EXERCICE DE L’ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE
Déclarations
M. EDI RAMA, Premier Ministre et Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’Albanie, Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a dévoilé les priorités de l’OSCE pour 2020, en présentant l’organisation comme un « partenaire naturel » de l’ONU. Plus large organisation de sécurité régionale au titre du Chapitre VIII de la Charte, l’OSCE est un pilier important d’un ordre international reposant sur des règles, a-t-il souligné. M. Rama a expliqué qu’il avait l’intention en 2020, en tant que Président en exercice de l’OSCE, de maximiser la coopération pratique avec l’ONU, en vue de remédier aux défis sécuritaires et de promouvoir les droits de l’homme et l’état de droit. Il a ajouté que le but stratégique de son pays, à la barre de l’OSCE, sera de défendre le multilatéralisme, qui est aujourd’hui attaqué.
La Présidence sera articulée autour de trois priorités, la première étant de faire de réelles différences sur le terrain. Ainsi, les efforts de règlement des conflits seront tout en haut de notre ordre du jour, a-t-il assuré. Évoquant la crise en Ukraine, « le défi sécuritaire le plus impérieux en Europe », M. Rama a indiqué avoir redit au Président ukrainien, lors de sa récente visite en Ukraine, sa détermination à faire avancer les efforts de paix et à pleinement mettre en œuvre les Accords de Minsk. Il a appuyé les efforts du Groupe de contact trilatéral et du format Normandie, voyant dans la reprise du dialogue dans ce cadre-là, « des pas dans la bonne direction ». Lors de ses entretiens en Ukraine, M. Rama a reçu une requête pour une extension de la surveillance de l’OSCE dans l’est du pays, dans le cadre du mandat de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine. Il a appuyé la pleine application du mandat de celle-ci, estimant qu’elle est une contribution essentielle à la paix. Pour que cela puisse continuer, néanmoins, il a souligné le besoin d’assurer un accès sûr à son équipe sur le terrain et la nécessité de voir une volonté politique des deux côtés. « Je ne cesserai de plaider pour cela. » M. Rama a ajouté que le volet sécuritaire est indissociable du volet humanitaire dans le conflit ukrainien.
Le Président en exercice a indiqué que l’OSCE œuvre également à un possible règlement du conflit au Nagorno-Karabakh et a fait de la désescalade et du dialogue en Géorgie une priorité. Il a aussi appuyé le processus de règlement transnistrien et les résultats obtenus dans le format « 5+2 ». Ces résultats devraient contribuer à aboutir à un règlement complet sur la base du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriales de la République de Moldova, avec un statut spécial pour la Transnistrie. L’Albanie, à la présidence de l’OSCE, veut aussi insuffler un nouvel élan à la promotion du rôle des femmes dans les processus de paix, a-t-il dit, en espérant que ce dossier soit au cœur de la coopération renforcée entre l’OSCE et l’ONU. Il a également parlé de la lutte contre l’extrémisme violent en indiquant que des efforts renforcés sur cette question pourraient aussi être de mise auprès des deux organisations.
La seconde priorité de l’Albanie dans son mandat sera la mise en œuvre des engagements pris, a-t-il poursuivi. Il a indiqué que l’une des priorités sera la lutte contre la corruption, qui « érode les fondements mêmes de nos sociétés ». Une conférence de haut niveau devrait être organisée sur le sujet à Tirana. L’OSCE est en passe de devenir un acteur mondial dans la lutte contre la traite des êtres humains, a-t-il ajouté, précisant que l’OSCE compte là encore maximiser son action en partenariat avec l’ONU. M. Rama a affirmé que l’OSCE mettra aussi l’accent sur la lutte contre la circulation des armes légères et de petit calibre et sur la destruction des excédents de munitions.
Enfin, la troisième priorité sera le dialogue, qui serait, selon beaucoup, le but ultime de l’OSCE, a déclaré M. Rama. « Les divisions dans notre région montrent combien le dialogue est nécessaire. » Alors que cette année marque le trentième anniversaire de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, M. Rama a fait de la promotion du dialogue au sein des membres de l’OSCE un « engagement personnel ». Nous redoublerons d’efforts pour promouvoir la tolérance et la non-discrimination, a-t-il assuré. Alors que le monde marque le soixante-quinzième anniversaire de la libération des camps de concentration nazis, M. Rama a mentionné la récente tenue à Tirana d’une conférence sur la lutte contre l’antisémitisme, en rappelant le sanctuaire que l’Albanie a pu offrir aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. L’Albanie a été l’un des rares pays européens à compter plus de Juifs après la guerre qu’avant, a rappelé M. Rama.
En conclusion, le Président en exercice a affirmé que l’OSCE est un partenaire fiable de l’ONU, œuvrant pour que la « coopération entre grandes puissances » remplace la « compétition entre grandes puissances ». Les principes de base de l’Acte final d’Helsinki –respect pour la souveraineté, intégrité territoriale et défense des droits humains– n’ont jamais été autant d’actualité, a-t-il conclu. « Ensemble, l’ONU et l’OSCE peuvent agir de manière décisive pour la paix. Aujourd’hui plus que jamais. »
M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a salué le programme de la présidence albanaise de l’OSCE, en particulier l’accent mis sur la crise en Ukraine et sur les conflits prolongés dans la région du Caucase et en Transnistrie. Il s’est également félicité des priorités accordées par l’OSCE à la lutte contre la corruption, à la promotion du dialogue et au combat contre les discours de haine. En cette année marquant le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et le vingtième anniversaire de la résolution 1325 (2000), il a jugé important que cette organisation se concentre sur le programme « femmes, paix et sécurité » et sur la lutte contre les violences sexuelles. Il a, par ailleurs, rappelé qu’en tant que membre fondateur, l’Allemagne contribue financièrement et humainement à son fonctionnement. À ses yeux, l’OSCE et les Nations Unies ont de nombreuses valeurs en commun, ce qui rend crucial le renforcement de leur partenariat et de leur coopération, conformément au Chapitre VIII de la Charte de l’ONU.
Abordant la question ukrainienne, le représentant a rappelé l’attachement de son pays à la souveraineté et à l’intégrité territoriales de l’Ukraine. Dénonçant l’annexion illégale de l’Ukraine par la Fédération de Russie, violation flagrante du droit international, il s’est félicité que la première visite de la présidence albanaise de l’OSCE soit allée en Ukraine. Cela fait six ans que l’Allemagne, avec la France, au sein du format Normandie, s’emploie à favoriser l’amélioration de la situation, a-t-il dit, notant que des progrès ont été enregistrés à cet égard lors du sommet de Paris, en décembre dernier. Le délégué a ensuite salué l’action du Président Zelensky depuis son élection, notamment ses efforts en faveur de la restauration du pont de Stanytsia Louhansk, dans la région disputée de Louhansk. Dans ce contexte, M. Heusgen a exhorté la Russie à respecter les Accords de Minsk et appelé l’ensemble des parties au conflit à permettre l’accès sans entrave à la Mission spéciale d’observation de l’OSCE, dont le travail est constamment entravé, et ce, principalement dans la zone non contrôlée par le Gouvernement. Le représentant a ainsi regretté que des outils de la Mission aient récemment été la cible d’attaques.
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a encouragé une coopération accrue entre le Conseil de sécurité et les arrangements régionaux. De l’ASEAN le mois dernier, à l’OSCE aujourd’hui et l’Union européenne plus tard ce mois-ci, les contributions des organisations régionales aux travaux du Conseil ne sauraient être assez soulignées, a estimé le représentant. Selon lui, ces organisations régionales sont en bonne position pour répondre aux crises par des moyens et des solutions adaptées au contexte régional. Elles peuvent jouer un rôle essentiel dans la prévention des conflits, les bons offices, la médiation, la conciliation et d’autres moyens pacifiques de règlement de conflits, a fait valoir le représentant, en insistant sur le fait qu’elles doivent cependant le faire conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies. Quant aux domaines de coopération à renforcer entre l’OSCE et le Conseil de sécurité, le Viet Nam a suggéré l’agenda « femmes, paix et sécurité ». Il a, enfin, salué le rôle positif de l’OSCE dans le suivi de l’application des Accords de Minsk.
Mme HALIMAH DESHONG (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a souligné la nécessité de tenir compte de l’insécurité née des changements climatiques. C’est pourquoi la délégation salue l’Initiative Environnement et Sécurité (ENVSEC) de l’OSCE et d’autres partenaires, qui a pour but de promouvoir la coopération transfrontière pour la gestion de l’environnement et l’adaptation aux changements climatiques. De plus, elle a souligné combien l’implication des femmes est cruciale dans les processus politiques, ainsi que ceux liés à la paix et la sécurité. Alors que la communauté internationale commémore le vingtième anniversaire de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, la représentante a salué les efforts visant à renforcer la mise en œuvre du programme de l’OSCE sur les femmes, la paix et la sécurité.
En ce qui concerne la crise en Ukraine, Mme Deshong a salué les récentes mesures de confiance adoptées par les parties, y compris les échanges de prisonniers et la détermination de nouvelles zones de désengagement. La déléguée a dit souhaiter qu’en 2020, toutes les parties puissent œuvrer à la pleine mise en œuvre des Accords de Minsk, sous les auspices du format Normandie et du Groupe de contact trilatéral. Au sujet d’autres conflits frontaliers, y compris les situations du Haut-Karabakh et de la Transnistrie, elle a plaidé pour que soient appliqués les principes de la Charte des Nations Unies tels que l’intégrité territoriale et l’autodétermination pour les populations non implantées.
Mme Deshong a terminé son propos en rappelant que Saint-Vincent-et-les Grenadines est un petit État insulaire en développement (PEID) avec une économie ouverte et sans armée pour se défendre contre les nombreux défis sécuritaires complexes de nos jours. Le pays doit donc son existence pacifique au système multilatéral basé sur des règles. Un système qui voit toutes les organisations régionales et sous-régionales et leurs membres travailler de concert pour le respect des intérêts communs de paix et de prospérité.
M. TAREK LADEB (Tunisie) a indiqué que l’OSCE est la plus vaste organisation de sécurité régionale au titre du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Il a redit l’importance d’un partenariat renforcé entre l’OSCE et l’ONU, en vue, notamment, de promouvoir la diplomatie préventive, dans le respect des principes de souveraineté et d’intégrité territoriales. Le délégué tunisien a insisté sur le rôle majeur de l’OSCE pour régler la situation dans l’est de l’Ukraine. Il a plaidé pour un règlement de la crise en application des Accords de Minsk et appuyé les résultats engrangés dans le cadre du format Normandie. Il a aussi appelé au règlement des défis émergents en Méditerranée, par le biais notamment d’une coopération stratégique entre l’OSCE et les partenaires régionaux. Enfin, le représentant de la Tunisie a salué les efforts de l’OSCE en vue de nourrir une culture de dialogue et de paix.
Pour M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France), le règlement du conflit dans l’est de l’Ukraine doit rester la première priorité partagée avec l’OSCE, car il constitue « l’une des violations les plus graves et les plus meurtrières des principes d’Helsinki » qui sont à la base de l’OSCE. Il a salué le rôle déterminant joué par cette organisation dès le début de cette crise, avant de passer en revue les domaines d’action de sa Mission spéciale d’observation en Ukraine. La France a saisi cette occasion pour condamner toute action qui porte atteinte à la sécurité du personnel engagé sur le terrain et qui vise à entraver la Mission. Le mandat de celle-ci doit pouvoir pleinement être mis en œuvre sur l’ensemble du territoire ukrainien, y compris à proximité de la frontière russo-ukrainienne, a exigé M. de Rivière. Il a également souligné le rôle de l’OSCE pour faciliter le dialogue entre les parties dans le cadre du Groupe de contact trilatéral, un processus qui progresse conjointement avec les discussions politiques au sein du format Normandie, qui bénéficient aujourd’hui d’une nouvelle dynamique depuis le sommet du 9 décembre à Paris. Il a rappelé que la France, en lien avec l’Allemagne, s’était fortement mobilisée pour que se tienne ce sommet au niveau des chefs d’État, le premier depuis 2016. Elle attend maintenant de nouveaux progrès opérationnels dans le cadre du Groupe de contact trilatéral afin que le prochain sommet Normandie puisse être organisé au printemps. S’agissant de la Crimée, la France déplore la militarisation croissante dont la péninsule fait l’objet, ainsi que les violations des droits de l’homme qui visent les minorités, en particulier les Tatars de Crimée.
Au-delà du conflit en Ukraine, la France salue la contribution de l’OSCE au règlement des conflits « prolongés » qui continuent de menacer la paix et la stabilité en Europe et pèsent douloureusement sur la vie quotidienne des populations. À ce titre, le représentant a salué la récente visite du représentant spécial de l’OSCE en Moldova pour le règlement du conflit de Transnistrie. Il a également assuré que la France poursuit activement ses efforts de médiation dans le cadre de sa coprésidence du Groupe de Minsk, aux côtés de la Russie et des États-Unis, s’agissant du Haut-Karabakh.
Revenant sur certains thèmes transversaux qui constituent des défis communs et essentiels à l’efficacité de l’OSCE et de l’ONU, il a souligné l’importance de l’égalité femmes-hommes et de l’agenda « femmes, paix et sécurité », un axe fort de la présidence albanaise. La France réitère en outre son attachement à l’approche multidimensionnelle de la sécurité qui prévaut au sein de l’OSCE et aux engagements pris dans le cadre de la dimension humaine. Le représentant a salué le travail unique fait par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) et par Harlem Désir en tant que représentant de la liberté des médias. Il a également salué la place faite par l’Albanie aux questions environnementales ayant un impact sur la sécurité. « Dans la coopération étroite entre l’ONU et les organisations régionales comme l’OSCE, nous pouvons réinventer un multilatéralisme rénové et revitalisé à même de répondre aux grands défis de notre temps », a conclu M. de Rivière.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a fait valoir que, tout comme l’ONU, l’OSCE est un « pilier de notre système international ». Dans le cadre de la mise en œuvre de cette responsabilité, il importe, selon la représentante, que l’OSCE change la donne sur le terrain, notamment en Ukraine. Le peuple de ce pays en ressent le besoin, a-t-elle assuré, se félicitant que le nouveau Président en exercice de l’OSCE ait choisi l’Ukraine pour sa première visite. Face à cette réalité, le Royaume-Uni appuie un accès sûr et sans entrave à la Mission spéciale d’observation de l’OSCE, qui doit être dotée de ressources adéquates pour s’acquitter de son mandat, a-t-elle déclaré. Mme Pierce a ajouté qu’à l’instar de ses partenaires du format Normandie, son pays est inquiet du recul des droits fondamentaux en Crimée depuis son annexion illégale par la Fédération de Russie.
Appelant les autorités russes à libérer les prisonniers politiques détenus en Crimée, la représentante a observé que les mesures de renforcement de la confiance prises par l’Ukraine ont donné lieu à des échanges de détenus. Elle a par ailleurs exhorté la Russie à travailler au désengagement tout en garantissant le plein accès de la communauté internationale aux zones non contrôlées par le Gouvernement. Pour la représentante, il convient de rappeler que la Russie a enfreint les règles du droit international et que la Crimée et le Donbass appartiennent à l’Ukraine.
Après s’être réjouie que la présidence albanaise de l’OSCE ait mis l’accent sur l’importance du respect des Accords de Minsk et sur l’action du Groupe trilatéral de contact, Mme Pierce a rappelé que le Royaume-Uni contribue aux efforts de l’organisation en assumant la présidence de son comité de sécurité. Notant également avec satisfaction que la coopération de l’OSCE avec l’ONU pour la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme est solide, elle s’est félicitée de la conférence à venir avec le Bureau de lutte contre le terrorisme. Enfin, elle a souhaité insister sur l’importance de la préservation des mécanismes de renforcement de la confiance, notamment les documents de Vienne et sur le rôle des femmes dans le règlement des conflits.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a dit la nécessité d’appuyer tous les mécanismes et institutions de l’OSCE et ses travaux libres et indépendants. À cet égard, il a regretté les restrictions imposées à la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine dans les territoires qui ne sont pas contrôlés par le Gouvernement. Il a déploré les menaces, intimidations et harcèlent dont sont victimes les personnels de cette mission et la destruction de matériel. M. Jürgenson a condamné l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol ainsi que l’agression de l’est de l’Ukraine. Il a jugé indispensable que les organisations de droits de l’homme et les organisations non gouvernementales aient accès à la Crimée conformément aux résolutions des Nations Unies. Il s’est particulièrement inquiété de la situation au Donbass où une bande de 400 kilomètres de territoire ukrainien le long de la frontière russe reste perméable aux armes et aux personnes. Dans ce contexte, il a exhorté la Fédération de Russie, en tant que partie au conflit, à mettre en œuvre ses engagements au regard des Accords de Minsk, dont ceux pris dans le cadre du sommet au format Normandie à quatre le 9 décembre 2019. Il a rappelé que ces Accords comprennent l’imposition d’un cessez-le-feu total et le retour des territoires ukrainiens sous le contrôle du Gouvernement ukrainien, dans l’intérêt de la sécurité régionale.
Par ailleurs, le représentant s’est inquiété de la consolidation de la présence militaire russe dans les régions occupées en Géorgie, en violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de ce pays. Il a exhorté la Fédération de Russie à respecter l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008 et de retirer ses forces des territoires géorgiens de l’Abkhazie et des régions de Tskhinvali/Ossétie du Sud. Il a fustigé les actions russes de déstabilisation en Géorgie et rappelé que la mission d’évaluation de l’Union européenne restait la seule présence internationale sur le terrain. Il a appuyé les efforts de règlement des conflits du Président de l’OSCE en soulignant l’urgence de permettre une présence transversale de l’OSCE sur tout le territoire géorgien afin de pouvoir prévenir tout incident et renforcer la confiance. En outre, il a appuyé les efforts de l’OSCE pour résoudre le conflit Transnistrien au Moldova et les travaux du Groupe de Minsk de l’OSCE pour résoudre le conflit de Nagorno-Karabakh.
M. AOUGUI NIANDOU (Niger) a estimé que la propagation du discours de haine, lequel attise l’extrémisme violent conduisant au terrorisme, constitue un défi stratégique face auquel la communauté internationale doit davantage se mobiliser. Et cette mobilisation devrait se traduire, a-t-il noté, par des efforts concertés dans les domaines du développement durable, du renforcement des institutions, de l’état de droit et de la bonne gouvernance.
En rappelant le rôle primordial des organisations régionales et sous-régionales dans la gestion et la prévention des conflits, et conformément au principe de subsidiarité, le Niger se félicite des conclusions de la réunion du 9 décembre 2019 sur l’Ukraine, selon le format Normandie, qui a permis l’adoption de plusieurs mesures de confiance, notamment l’échange de prisonniers, la création de nouvelles zones de désengagement et l’ouverture de nouveaux points de passage le long de la ligne de contact. M. Niandou a souhaité que la lutte contre le terrorisme, les menaces à la paix et à la sécurité, les changements climatiques et la gestion des flux migratoires soient des espaces de coopération à renforcer davantage entre l’OSCE et les autres organisations régionales et sous-régionales, notamment africaines. Il a rappelé que les dynamiques sécuritaires en Afrique subsaharienne impactent la paix et la sécurité en Europe. C’est pourquoi le Niger a appelé à l’élargissement et au renforcement de la coopération entre l’OSCE et ces organisations, y compris avec le G5 Sahel, en vue de rechercher des solutions aux défis actuels qui se posent dans la région en matière de paix, de sécurité et de lutte contre la pauvreté.
M. MICHAEL BARKIN (États-Unis) a affirmé que l’OSCE est un partenaire crucial pour défendre la démocratie et les droits humains, notant que les institutions démocratiques sont en péril, en raison des défis liés à la cybersécurité et au non-respect des libertés de croyance, d’expression et de rassemblement pacifique. Il a aussi dénoncé le non-respect de l’intégrité territoriale de certains pays. Le délégué a salué les efforts du Président de l’OSCE en exercice pour remédier à ces défis, ainsi que ceux visant à nourrir la confiance entre les 57 États membres de l’OSCE. Il a insisté sur l’importance de la lutte contre la circulation des armes légères et de petit calibre et contre la corruption. Nous avons besoin d’un dialogue structuré sur la sécurité, a-t-il dit.
Le représentant a ensuite affirmé que l’agression de la Russie en Ukraine, toujours en cours, a fait 13 000 morts et représente la plus grande menace en Europe depuis la fin de la guerre froide. Il a salué les récents échanges de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine, qui ont été la résultante de « l’engagement extraordinaire du Président ukrainien pour la paix ». La Russie doit en faire plus, a-t-il déclaré. Il a appelé ce pays à cesser de livrer des armes, à retirer ses troupes en Ukraine et à respecter les Accords de Minsk. La Russie, a-t-il ajouté, doit cesser de s’ingérer dans le travail de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine et respecter la souveraineté de l’Ukraine, y compris sur ses eaux territoriales. « Nous ne reconnaîtrons jamais l’annexion de la Crimée par la Russie et les sanctions contre ce pays resteront en place tant que la Russie n’aura pas rendu la Crimée à l’Ukraine et ne respectera pas ses engagements au titre des Accords de Minsk », a-t-il indiqué.
Le délégué a aussi dénoncé les violations commises contre la souveraineté de la Géorgie et accusé la Russie de ne pas avoir respecté ses engagements en Transnistrie en ne retirant pas ses troupes, empêchant la République de Moldova de se tourner vers l’Europe. La préservation de la démocratie exige des efforts robustes, a-t-il conclu, ajoutant que les États-Unis continueront d’œuvrer en ce sens.
M. SHAOJUN YAO (Chine) a salué l’action de l’OSCE qui, a-t-il dit, agit dans une « situation complexe », marquée par l’incertitude. Pour le représentant, la tendance actuelle de l’isolationnisme est contraire au droit international. De fait, a-t-il mis en garde, aucun pays n’est à l’abri des risques et défis qui en découlent. Dans ce contexte préoccupant, les organisations régionales et sous-régionales ont un rôle essentiel à jouer pour permettre le règlement de conflits locaux, a-t-il souligné, appelant de ses vœux un renforcement de la coopération des Nations Unies avec ces structures, comme prévu par le Chapitre VIII de la Charte de l’ONU. Cette coopération est d’autant plus importante qu’elle peut permettre de mener une diplomatie préventive et ainsi empêcher que des conflits se produisent, a fait valoir le délégué. Il a cependant indiqué que l’action de ces organisations doit se faire dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie), saluant les objectifs de l’Albanie à la présidence de l’OSCE, a tenu à souligner trois points. En premier lieu, les activités des organisations sous-régionales et régionales doivent être conformes au droit international et respecter les principes de non-ingérence, de souveraineté nationale et d’intégrité territoriale. Tout le monde doit aussi respecter le principe de non-recours à la force dans le règlement des conflits, a ajouté le représentant. En deuxième lieu, la diplomatie préventive et le dialogue inclusif doivent être la priorité avec l’appui total de tous les acteurs pertinents, a-t-il souligné en expliquant que tous les efforts doivent être menés pour consolider la confiance et résoudre les conflits pacifiquement. Troisièmement, selon le représentant, les processus politiques visant à trouver des solutions amicales et durables aux conflits et aux tensions devraient être menés sur une base intra et interrégionale. M. Syihab a déclaré qu’il apprécie l’engagement de l’OSCE à soutenir le mandat des Nations Unies au niveau régional. Selon lui l’OSCE a un grand potentiel pour aider à réduire les tensions, à rétablir la confiance et à favoriser la coopération sur des problèmes de sécurité partagés.
M. MARTHINUS VAN SCHALKWYK (Afrique du Sud) a salué les efforts réalisés pour améliorer la coopération entre les Nations Unies et l’OSCE. Il a précisé que cette dernière intervient au Conseil de sécurité conformément à l’Article 54 du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies qui appelle à une forte coopération entre le Conseil et les organisations régionales dans l’intérêt de la paix et de la sécurité internationales. Il a souligné combien est pertinente la coopération entre les organisations régionales pour partager les expériences et meilleures pratiques en matière de gestion des nouvelles menaces. Dans ce contexte, il a jugé important d’avoir une coopération plus poussée entre l’Union africaine, et plus particulièrement son Conseil de paix et de sécurité et l’OSCE pour faire face aux défis en matière de sécurité du continent africain.
Pour le représentant, une telle coopération serait aussi de nature à promouvoir la mise en œuvre de l’objectif de développement durable 16 (ODD16) consacré à « la paix, la justice et des institutions fortes » et l’ODD 17 consacré aux partenariats. Par ailleurs, M. Van Schalkwyk a salué la tenue de la réunion des ministres des affaires étrangères des quatre pays –France, Russie, Ukraine et Allemagne– à Paris en décembre 2019, avant de se féliciter des efforts de l’OSCE en Ukraine pour la mise en œuvre des Accords de Minsk de 2015 avalisés par la résolution du Conseil de sécurité 2202 (2015).
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a reconnu que les priorités de l’OSCE sont cohérentes avec le travail qui se fait aux Nations Unies et au Conseil de sécurité, par exemple pour garantir la continuité des engagements politiques, la prévention des escalades, l’amélioration de la sécurité et le renforcement du dialogue. Il a aussi apprécié sa vision qui est également en ligne avec le multilatéralisme, la sécurité régionale et les attentes en matière de paix par le dialogue politique. Le représentant a salué la tenue, le 9 décembre dernier à Paris, de la réunion du format Normandie et du Groupe de contact trilatéral, qui a abouti à un échange de 200 prisonniers entre la Russie et l’Ukraine le 29 décembre sous le contrôle et la facilitation de l’OSCE. La récente visite de M. Rama en Ukraine a aussi été une reconnaissance importante des efforts de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE dans le pays, selon le représentant. Il a émis l’espoir de voir le règlement de ce conflit rester un objectif prioritaire pour l’OSCE, en vue d’avancer, comme le souhaite aussi le Conseil de sécurité, vers une sortie pacifique du conflit en appliquant les Accords de Minsk.
Le représentant a aussi apprécié que la lutte contre la violence contre les femmes soit inscrite à l’agenda de l’OSCE parmi les thèmes urgents. L’organisation est un « axe régional » important qui peut atteindre des millions de personnes et, ainsi, les aligner sur les intérêts les plus élevés des Nations Unies, a-t-il relevé. De même, il a salué sa disposition à promouvoir des dialogues pour renverser la tendance à l’augmentation des crimes et discours de haine et promouvoir la tolérance. Enfin, M. Singer Weisinger a réitéré son appui aux efforts que déploie l’OSCE, avec les coprésidents du Groupe de Minsk, sur le conflit du Nagorno-Karabakh, de même que pour le processus de solution en Transnistrie.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a souhaité un renforcement de la coopération entre l’OSCE et l’ONU. Il a invité la Présidence albanaise à se conformer strictement à son mandat et à jouer le rôle de « courtier honnête », en étant neutre. Il a insisté sur le potentiel de renforcement du rôle de l’OSCE, notamment dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Il a dénoncé les « approches consensuelles » prônées par certains pays dans la lutte contre l’extrémisme violent. Le délégué a souhaité l’élaboration d’un accord universel pour un comportement responsable dans le domaine de l’information et de l’Internet.
Il a appuyé les efforts de l’OSCE s’agissant de la situation au Nagorno-Karabakh et ajouté que son pays œuvre à un rapprochement des positions en Transnistrie. Il a loué le rôle constructif de l’OSCE dans la crise en Ukraine, avant d’insister sur l’importance des Accords de Minsk de 2015, endossés par le Conseil de sécurité dans la résolution 2202 (2015). Il a appelé la Mission spéciale d’observation de l'OSCE en Ukraine à rester en contact étroit avec les autorités locales du Donbass. Il a exhorté la Mission à faire en sorte que les rapports sur les victimes dans le Donbass soient bien publiés. « Nous sommes loin d’une solution », a-t-il convenu.
Il a dénoncé les déclarations émanant de Kiev attestant selon lui d’une volonté de revenir sur les Accords de Minsk et la résolution précitée. Il a demandé la réaction de ses collègues français et allemand sur les visées révisionnistes de Kiev. Le Gouvernement de l’Ukraine, a-t-il déclaré, ne s’est pas acquitté de ses engagements et continue de brandir la soi-disant agression russe, sans présenter aucune preuve de cette agression. Alors que l’Ukraine semble vouloir continuer dans cette voie, le délégué a invité à relire les Accords de Minsk. Il est plus facile de dire que la Russie est partie au conflit et donner carte blanche aux Ukrainiens pour leurs discriminations contre les minorités et les absoudre de leurs engagements, a-t-il estimé. Il a indiqué que la Crimée est un territoire ouvert, qui a accueilli sept millions de touristes. Le délégué a insisté sur l’importance de l’implication directe de la population locale pour régler la situation dans l’est de l’Ukraine, comme cela se fait ailleurs, au Yémen ou en Colombie. Il a balayé les mesures de nature à nourrir les confrontations et dénoncé les attaques contre les droits de certaines minorités russophones. Il faut faire l’inverse et rétablir la confiance, a-t-il plaidé, en faisant observer que l’OSCE peut contribuer à ce processus.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a estimé que, « en tant que plus grande organisation régionale de sécurité, l’OSCE joue un rôle clef dans la promotion du dialogue, le renforcement de la confiance et la prévention des conflits, et ce, des Balkans occidentaux à l’Asie centrale ». Saluant la priorité accordée par l’OSCE à la crise ukrainienne, il a estimé que cette dernière constitue l’une des plus importantes violations des principes fondateurs de l’organisation, mais aussi de la Charte de l’ONU. Après avoir souligné le rôle constructif que joue l’OSCE dans ce dossier, notamment au travers de sa Mission spéciale d’observation, le représentant a souhaité que le mandat de cette mission soit respecté, ce qui suppose un accès sûr, inconditionnel et sans entrave à tout le territoire ukrainien, y compris en Crimée et le long de la frontière avec la Russie. Il a appelé toutes les parties à travailler en faveur d’une solution durable, fondée sur le respect de la souveraineté, de l’indépendance de l’unité et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, plaidant à cette fin pour le dialogue, tant en format Normandie que dans le cadre du Groupe de contact trilatéral.
M. Pecsteen de Buytswerve a ensuite salué la volonté de l’OSCE de combattre la violence contre les femmes et les filles et de promouvoir leur rôle en matière de paix et de sécurité. Vingt ans après l’adoption de la résolution 1325, l’intégration de la dimension genre dans toutes nos activités est une priorité, a-t-il dit, se félicitant que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales tienne une place essentielle dans le concept de sécurité globale de l’OSCE. Il a cependant constaté une inquiétante dégradation de la situation des droits humains dans de nombreuses régions où l’OSCE est active, notamment due à la montée des discours de haine. Enfin le délégué a salué la bonne coopération entre l’OSCE et l’ONU en matière de lutte contre les menaces transnationales, comme le terrorisme, le crime organisé et la traite des êtres humains. Il a estimé à cet égard que le Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes, dont ONU-Femmes et l’OSCE partagent la présidence, constitue un « modèle innovant » et participe d’un « multilatéralisme efficace ». « Il gagnerait à être reproduit dans l’ensemble du système des Nations Unies », a-t-il conclu.
Reprenant la parole, le représentant de l’Allemagne s’est dit « sans voix » après avoir entendu le « conte de fées » narré par son collègue russe. « Si l’on poursuivait les discussions, la Russie dirait sûrement que c’est l’Ukraine qui a envahi la Russie et non l’inverse », a-t-il ironisé. Il a ensuite invité son homologue russe à dire ce qui s’est passé après la signature des Accords de Minsk, « alors que la disposition principale était le cessez-le-feu qui n’a pas été appliqué ». Pour le représentant allemand, la poursuite des opérations russes empêche les Ukrainiens d’être convaincus de l’utilité de ces accords. Il a d’autre part regretté que son collègue russe n’ait pas évoqué le sort du vol MH17, abattu en 2014 dans l’est de l’Ukraine, faisant 298 morts. « Certains avaient célébré la chute de cet avion et aucune réparation n’a été offerte depuis », a-t-il observé.
En réponse, le représentant de la Fédération de Russie s’est déclaré « impressionné par la mémoire institutionnelle » de son homologue allemand s’agissant des Accords de Minsk. Revenant sur la « soi-disant agression russe » à l’encontre de l’Ukraine, il a fait valoir que, « dans l’histoire récente, le seul exemple d’agression est celui du 22 juin 1941 », menée par un pays dont il a tu le nom. Dans ce contexte, il a appelé l’Allemagne à faire montre de responsabilité, comme elle le fait au travers de ses propositions très utiles, notamment sur le programme « femmes, paix et sécurité ». Pour le délégué russe, « l’absence de volonté des autorités ukrainiennes de discuter avec leur population est contraire à ces principes ».
Reprenant la parole, le Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a fait remarquer que, « pendant que nous parlons, des hommes et des femmes continuent de mourir en Ukraine ». M. Rama a indiqué que 20 000 incidents se sont produits et que 69 personnes ont trouvé la mort depuis que le cessez-le-feu a été approuvé par les parties, même si le nombre de victimes est à la baisse. Il a salué les efforts du Président ukrainien, qui essaye de parvenir à un dialogue plus fructueux. « Je ne veux pas prendre parti mais il y a des faits dont il convient de tenir compte », a-t-il dit. Il a exhorté la Russie à peser de tout son poids sur les acteurs sur le terrain.
Sur le terrain précisément, la situation est apocalyptique, a dit M. Rama, en évoquant notamment des malades en phase terminale dans l’incapacité de traverser des points de passage, un pont notamment, pour se rendre à l’hôpital. Il ne doit pas être difficile de reconnaître que ces personnes sont des sujets de Dieu, avant d’être russes ou ukrainiennes, a-t-il dit. « Souhaitez-moi bonne chance sur ce dossier. » Il a demandé à ne pas exclure la création d’une mission de la paix de l’ONU « car il y a des faits très perturbants qui se déroulent en Ukraine ». Dès que la nuit tombe, les tirs reprennent, a-t-il expliqué. Une telle mission pourrait être un outil supplémentaire pour faire respecter le cessez-le feu. L’OSCE joue son rôle d’observateur mais ne pourra peut-être pas changer la donne pour la population qui souffre, a-t-il conclu.