Conseil de sécurité: des membres du Conseil s’accusent de politiser l’aide humanitaire en Syrie
Dix-neuf jours après l’adoption de la résolution 2504 prorogeant de six mois le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie, des membres du Conseil de sécurité se sont renvoyés, ce matin, la responsabilité de la détérioration de la situation, s’accusant de politiser l’aide.
Les faits sur le terrain sont alarmants, a alerté le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock. Les hostilités, qui se sont intensifiées ces derniers jours dans la zone d’Edleb, paraissent encore plus intenses que jamais auparavant. Du 15 au 23 janvier, 81 morts ont été comptés parmi les civils lesquels s’ajoutent aux 1 500 autres confirmés depuis l’escalade de la fin du mois d’avril. Les informations les plus alarmantes concernent le sud d’Edleb, où les centaines de raids aériens menés par le Gouvernement de la Syrie et ses alliés se sont concentrés, alors que les groupes armés non étatiques continuent de bombarder la ville d’Alep, tuant et blessant des dizaines de civils. Ces derniers mois, ce sont près de 390 000 personnes qui ont pris la route.
Les organisations humanitaires se sont, ces dernières semaines, portées au secours de 1,4 million de personnes, apportant une aide médicale à 200 000 personnes, grâce aux opérations transfrontalières qui ont reçu une nouvelle autorisation, en vertu de la résolution 2504 (2020). C’est toujours le seul moyen d’aider les plus de 2,8 millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie, a insisté le Coordonnateur des secours d’urgence. Dans le nord-est, on compte toujours 70 000 déplacés après les opérations militaires d’octobre alors que 90 000 autres personnes sont arrivées dans les camps, dont plus de 66 000 à Hol. Ces personnes comptent parmi les 1,8 million qui ont besoin d’une assistance humanitaire dans la zone.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prévoit une réduction des services médicaux et des pénuries croissantes de fournitures médicales, à cause de la suppression du poste frontière de Yaroubiyé, due « à l’opposition d’un État Membre », a rappelé la Belgique, porte-plume avec l’Allemagne de la résolution 2504. Alors que le Royaume-Uni incriminait directement « les vetos chinois et russe », les États-Unis accusaient la Fédération de Russie d’un effort « cynique et politisé » contre la résolution pour nier toute aide humanitaire fondée sur des principes et, avec une Chine qui la suit aveuglément, intensifier la compagne pour restreindre l’accès humanitaire. « Ne nous leurrons pas », a embrayé la France, la résolution a « sérieusement » réduit la capacité des Nations Unies à apporter de l’aide au peuple syrien, alors que les besoins sont immenses dans le nord-est.
Avec d’autres, la France a estimé que le mandat donné au Secrétaire général de présenter, d’ici à la fin février, des options pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, y compris des médicaments, dans le nord-est est « essentiel ». Nous attendons, ont prévenu les États-Unis, une analyse « claire et précise » des alternatives au poste frontière de Yaroubiyé et des détails sur les contraintes auxquelles sont confrontées les agences de l’ONU et les autres organisations humanitaires.
La Chine a reproché aux États-Unis et au Royaume-Uni de profiter « à mauvais escient » de l’enceinte du Conseil de sécurité pour lancer des accusations « infondées ». Nous n’avons pas de soldats en Syrie, nous ne préconisons pas de changement de régime et nous n’avons pris aucun puits de pétrole, a-t-elle taclé. « Le Royaume-Uni et les États-Unis devraient éviter de politiser la situation humanitaire. »
À son tour, la Fédération de Russie a directement contesté les informations rapportées par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires qui n’a « pas pris le temps d’entendre les délégations russe et syrienne ». Au lieu d’attiser les tensions, a conseillé la Fédération de Russie, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) ferait mieux de coopérer avec les autorités syriennes « légitimes » à Damas. Cessez, s’est-elle impatientée, de politiser l’aide humanitaire et le relèvement postconflit.
Pourquoi, s’est demandé la Syrie, l’OCHA ne parle ni des souffrances que les groupes terroristes infligent à la population civile, ni des différentes formes d’agression étrangère et des sanctions économiques unilatérales? Le Bureau, a-t-elle affirmé, a publié 64 rapports sur la situation en Syrie et aucun ne fait référence à la souffrance des enfants qui ont froid parce que « nous ne pouvons plus importer du fioul pour nous chauffer ». La Syrie s’est étonnée que les États-Unis, qui occupent 10% de son territoire et arment un groupe de terroristes connu pour avoir massacré des centaines de civils, osent aujourd’hui l’exhorter à acheminer l’aide humanitaire à partir d’un territoire contrôlé par des groupes qu’ils financent.
La résolution 2504 a maintenu les postes frontière de Bab el-Salam et de Bab el-Haoua à la frontière turque et supprimé ceux de Ramtha, à la frontière jordanienne et de Yaroubiyé, à la frontière iraquienne. La résolution a aussi maintenu le mécanisme de surveillance, placé sous l’autorité du Secrétaire général, pour superviser, avec l’assentiment des pays voisins de la Syrie concernés, le chargement dans les installations de l’ONU de tous les envois humanitaires, de même que toute inspection subséquente des envois par les autorités douanières des pays voisins, en vue de leur passage en Syrie aux deux postes frontière, avec notification de l’ONU aux autorités syriennes.
Ce qu’il faut, a répété le Coordonnateur des secours d’urgence, c’est mettre fin aux combats. Les gens, a-t-il averti, ne comprennent tout simplement pas pourquoi le Conseil de sécurité est incapable de stopper « le carnage » dont est victime la population civile dans la zone de guerre.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
M. MARCK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, s’est dit alarmé par la terrible situation humanitaire des femmes et des enfants dans le nord-ouest de la Syrie, en raison de l’intensification des bombardements et des combats. Les hostilités, a-t-il dit, se sont intensifiées ces derniers jours dans la zone d’Edleb et elles paraissent encore plus intenses que jamais auparavant. Dans la semaine du 15 au 23 janvier, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a enregistré 81 morts parmi les civils, principalement des femmes et des enfants. À ce chiffre, il faut ajouter les plus de 1 500 morts que le Haut-Commissariat a confirmé depuis l’escalade qui a commencé à la fin du mois d’avril. Les informations les plus alarmantes concernent le sud d’Edleb, où les centaines de raids aériens menés par le Gouvernement de la Syrie et ses alliés se sont concentrés. De leur côté, les groupes armés non étatiques continuent de bombarder la ville d’Alep, tuant et blessant des dizaines de civils.
En conséquence, au moins 20 000 personnes ont fui ces deux derniers jours, contre 115 000 la semaine dernière. Ces derniers mois, ce sont près de 390 000 personnes qui ont pris la route. Le 12 janvier, a rappelé le Coordonnateur des secours d’urgence, la Turquie et la Fédération de Russie ont annoncé un cessez-le-feu: il n’a pas tenu. Le Gouvernement syrien a ouvert trois points de passage pour faciliter le mouvement des populations dans les zones qu’il contrôle et les premières informations de la Fédération de Russie font état de 400 passages.
Il est impératif, a martelé M. Lowcock, que les parties s’entendent sur une cessation immédiate des hostilités dans et autour de la zone de désescalade d’Edleb. En attendant, les organisations humanitaires se sont, ces dernières semaines, portées au secours de 1,4 million de personnes, apportant une aide médicale à 200 000 personnes, grâce aux opérations transfrontalières qui ont reçu une nouvelle autorisation, en vertu de la résolution 2504 (2020). C’est toujours le seul moyen d’aider les plus de 2,8 millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie, a insisté le Coordonnateur des secours d’urgence. Toutefois, a-t-il prévenu, les agents humanitaires n’ont pas la capacité de répondre au niveau actuel des besoins. Les gens, a-t-il averti, ne comprennent tout simplement pas pourquoi le Conseil de sécurité est incapable de stopper « le carnage » dont est victime la population civile dans la zone de guerre.
La chose la plus urgente est de protéger les civils et d’intensifier la réponse humanitaire, a estimé le Coordonnateur des secours d’urgence. Il a donc appelé toutes les parties à faciliter un accès sûr et sans entrave aux agents humanitaires. Le 25 janvier, ils ont réussi à réinstaller 1 800 civils et après ses négociations avec les Nations Unies, le Centre russe pour la réconciliation a décrété une « pause humanitaire » le long de certaines routes pour faciliter le passage des civils et du personnel humanitaire. C’est une initiative bienvenue mais ce qu’il faut, c’est mettre fin aux combats, a tranché le Coordonnateur des secours d’urgence.
Dans le nord-est de la Syrie, a-t-il poursuivi, la situation humanitaire reste difficile. On compte toujours 70 000 déplacés après les opérations militaires d’octobre alors que 90 000 autres personnes sont arrivées dans les camps, dont plus de 66 000 à Hol. Ces personnes comptent parmi les 1,8 million qui ont besoin d’une assistance humanitaire dans le nord-est du pays. Avec la suppression du poste frontière de Yaroubiyé, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prévoit une réduction des services médicaux et des pénuries croissantes de fournitures médicales. Quelque 400 000 articles médicaux sont coincés dans des camions en Iraq. Aucun convoi des Nations Unies n’a pu quitter Damas pour le nord-est de la Syrie ce mois-ci. Trois ont été aéroportés en décembre et aucun, au cours de ce mois de janvier.
Venant à la situation à Roukban, le Coordonnateur des secours d’urgence a indiqué que près de 20 000 personnes, soit 50% des déplacés, ont fui le camp ces derniers mois et plusieurs milliers d’autres veulent faire de même. Mais les efforts des Nations Unies et du Croissant-Rouge arabe syrien sont restés vains. Après avoir insisté sur la détérioration de la situation économique en Syrie, laquelle aggrave l’insécurité alimentaire, le Coordonnateur des secours d’urgence a conclu en appelant, une nouvelle fois, les parties à cesser les combats au risque de provoquer une catastrophe humanitaire encore plus grave.
Au nom de l’Allemagne et de la Belgique, co-porte-plume humanitaires, M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a exprimé son inquiétude concernant le sort de quatre millions de civils dans le nord-ouest de la Syrie, compte tenu des informations faisant état de la poursuite des frappes aériennes et des bombardements. Déplorant l’intensification de l’offensive militaire en cours et les immenses souffrances de la population civile au cœur de l’hiver, il a rappelé aux parties qu’il existe des obligations humanitaires à respecter tout comme il existe des lois pour la guerre. Les civils ont le droit d’être protégés des horreurs de la guerre et les belligérants ont l’obligation de garantir leur protection, a souligné le représentant.
Notant que, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, plus 1 500 civils ont été tués depuis avril, il a condamné ces pertes en vies humaines. Il a en outre rappelé que, depuis le 1er décembre, quelque 390 000 personnes ont été déplacées, 160 000 d’entre elles, ces dernières semaines. Environ 80% de ces personnes sont des femmes et des enfants. De surcroît, depuis le début de l’offensive, des hôpitaux, des écoles et des marchés ont été détruits par des frappes aériennes, alors que certains de ces lieux devraient bénéficier d’une déconfliction.
Au cours des semaines écoulées, des sites où des civils recherchaient un abri ou des soins à Edleb ont été frappés, a-t-il ajouté, ajoutant que ces attaques sont inacceptables. Les co-porte-plume humanitaires condamnent ces violences et appellent à ce que les responsables rendent des comptes, a martelé le représentant, réitérant le soutien de son pays et de l’Allemagne aux travaux du Mécanisme international, impartial et indépendant. Il a d’autre part répété que les efforts visant à lutter contre les groupes terroristes désignés par le Conseil de sécurité ne peuvent absoudre les parties de leurs obligations, au regard du droit international humanitaire.
Évoquant ensuite la prorogation, le 10 janvier, du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie, il s’est dit déçu que le poste frontière de Yaroubiyé n’ait pu être maintenu en raison de l’opposition d’un État Membre. Ce poste frontière, a-t-il estimé, permettait l’acheminement de l’aide médicale dans le nord-ouest du pays et 1,4 million de personnes en ont bénéficié en 2019. Il y a trois semaines, a-t-il fait observer, il n’y avait pas d’autre possibilité viable que ce poste frontière.
Le délégué s’est aussi déclaré inquiet par la situation dans le camp de Hol, où plus de 65 000 personnes continuent néanmoins de recevoir une assistance humanitaire. À Roukban, ce sont plusieurs milliers de personnes qui restent coincées dans des conditions désespérées, a-t-il ajouté, invitant l’ONU et ses partenaires à les aider à quitter ce camp de manière sûre, volontaire et digne. Enfin, a-t-il conclu, il est temps que toutes les parties au conflit, en particulier les autorités syriennes, honorent leurs engagements s’agissant de la mise en œuvre de la résolution 2504, qui les appelle à garantir une aide humanitaire durable et accrue en Syrie en 2020.
Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) a souligné que la vie de millions de civils est encore plus menacée aujourd’hui maintenant que les forces combinées du « régime d’Assad », de la Russie, du régime iranien et du Hezbollah intensifient leur offensive pour cimenter une issue militaire et non politique au conflit en Syrie. La Russie, a-t-elle accusé, nie toute aide humanitaire fondée sur des principes et, avec une Chine qui la suit aveuglément, elle intensifie sa compagne pour restreindre l’accès humanitaire en Syrie, par un effort « cynique et politisé » contre la résolution sur l’acheminement de l’aide transfrontalière. Ce que la Russie et la Chine ont fait en janvier dernier pour réduire drastiquement la fourniture de l’aide relève d’une « stratégie claire » de trouer la « bouée de sauvetage transfrontalière » dont dépendent quatre millions de personnes. Le Conseil, a estimé la représentante, doit travailler avec les partenaires humanitaires et pas contre eux pour faire faciliter l’aide, y compris dans le nord-est de la Syrie.
La fermeture du poste frontière de Yaroubiyé a stoppé environ 40% des fournitures médicales dans le nord-est, a-t-elle dénoncé. Dans le camp de Hol, les fournitures médicales ont été réduites, du jour au lendemain, de 70%. Cette situation, tout à fait évitable, confirme une chose: la fermeture de ce poste ne s’appuie sur une aucune bonne raison. Nous attendons donc, a dit la représentante, le rapport du Secrétaire général et une analyse « claire et précise » des alternatives au poste frontière de Yaroubiyé. Le rapport doit aussi donner les détails des contraintes auxquelles sont confrontées les agences de l’ONU et les autres organisations humanitaires.
Pourquoi l’aide ne passerait pas tout simplement par Damas? Parce que, a répondu la représentante, le « régime d’Assad » l’utilise comme arme de châtiment collectif contre la population syrienne, et ce, dans une stratégie qui malheureusement n’est pas nouvelle comme le prouve la situation des déplacés dans le camp de Roukban. Il a fallu, a-t-elle affirmé, d’intenses efforts pour convaincre la Russie et le « régime » d’accepter trois acheminements d’aide humanitaire, ces 18 derniers mois. Nous ne pouvons faire de Roukban le modèle de l’aide humanitaire en Syrie et laisser la Russie et le « régime » sans cesse refuser, restreindre et retarder cette aide. Ce Conseil ne saurait accepter une telle éventualité.
Venant à l’offensive dans le nord-ouest, où la Russie et le régime « écrivent leur stratégie militaire en lettres de sang syrien », la représentante a fermement appuyé toutes les entités mandatées par l’ONU pour enquêter sur les attaques contre les installations de l’Organisation dans le nord-ouest de la Syrie dont le régime syrien et la Russie sont en tout état de cause responsables. Nous continuerons, a-t-elle conclu, à travailler avec nos partenaires pour assurer un accès sans entrave de l’aide humanitaire à tous les Syriens, quel que soit celui qui contrôle le territoire.
« Tout doit être fait pour mettre fin à l’offensive en cours à Edleb », a déclaré Mme ANNE GUEGUEN (France). Elle a ajouté que la lutte contre les groupes terroristes ne peut servir de prétexte à des bombardements indiscriminés, qui touchent en premier lieu les civils. La représentante a mentionné trois priorités, la première étant une désescalade immédiate. « Nous appelons les signataires de l’accord de cessez-le-feu, à Edleb, en premier lieu la Russie, à revenir au strict respect de leurs engagements et à assurer un cessez-le-feu effectif dans le nord-ouest en vue du gel des fronts. » La protection des civils, y compris des personnels humanitaires et médicaux ainsi que des infrastructures civiles est la deuxième priorité, a poursuivi Mme Gueguen. La commission d’enquête créée par le Secrétaire général sur les attaques dans le nord-ouest, à laquelle la France apporte son plein soutien, doit permettre de faire la lumière sur les incidents. La déléguée a ensuite identifié comme troisième priorité la garantie d’un accès humanitaire sûr et sans entrave, à travers la poursuite de l’assistance transfrontière.
« Ne nous leurrons pas », a-t-elle prévenu, en revenant sur les conséquences de la résolution 2504 (2020) sur l’aide humanitaire transfrontière. Ce texte a sérieusement réduit la capacité des Nations Unies à apporter de l’aide au peuple syrien, alors que les besoins sont immenses dans le nord-est. La représentante a donc estimé que le mandat donné au Secrétaire général par ce Conseil de présenter d’ici à la fin février des options pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, y compris des médicaments, dans le nord-est est essentiel. Mme Gueguen a aussi souligné la « déception » de la France maintenant que le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière n’ait été renouvelé que pour une durée de six mois, alors que les opérations humanitaires ont besoin de stabilité et de prévisibilité.
Enfin, Mme Gueguen a plaidé pour une solution politique inclusive et durable, conforme à la résolution 2254 (2015), en vue de stabiliser durablement la Syrie. Compte tenu du blocage avéré et délibéré par le régime des travaux de la Commission constitutionnelle, travailler en parallèle sur les autres volets de la résolution précitée, tels que les élections ou la libération des prisonniers, est d’autant plus nécessaire, a conclu la représentante de la France.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est dit atterré par l’escalade de la violence à laquelle se livrent le régime syrien et la Russie dans la région d’Edleb. Regrettant que le cessez-le-feu du 12 janvier n’ait duré que quelques jours, il a noté le déplacement plus de 140 000 civils ces dernières semaines et indiqué que les Nations Unies s’attendent à d’autres mouvements de population sur les lignes de front. De plus, a-t-il souligné, quelque 1 500 civils ont été tués dans le nord-ouest de la Syrie depuis le mois d’avril. Dans ces conditions, le système humanitaire est dépassé alors que les populations civiles ont un besoin urgent de denrées alimentaires et de soins de santé, a poursuivi le représentant, dénonçant avec force la poursuite des frappes aériennes et des pilonnages. Les États sont tenus de s’acquitter de leurs obligations au titre du droit international humanitaire, a-t-il fait valoir, avant de condamner la frappe aérienne qui a touché, il y a trois jours, un hôpital.
Le délégué a ensuite salué le mécanisme d’enquête mis sur pied par le Secrétaire général et appelé à la cessation totale des hostilités dans l’ensemble de la Syrie. Toutefois, a-t-il dit, si tous les projecteurs sont braqués sur le nord-ouest, il ne faut pas oublier le reste du pays. En raison des vetos russe et chinois, l’aide humanitaire ne peut plus utiliser le poste frontière de Yaroubiyé, dans le nord-ouest syrien. De plus, le régime syrien n’offre pas à la population l’aide dont elle a besoin, notamment dans la Ghouta orientale et l’est d’Alep, où il punit des civils pour leur prétendue déloyauté en les privant d’accès à l’aide humanitaire et médicale. Formulant l’espoir que le rapport du Secrétaire général, attendu le mois prochain, contribuera à trouver des solutions, le représentant a rappelé que son pays a toujours soutenu l’acheminement de l’aide humanitaire à la Syrie, versant à cette fin plus de 4 milliards de dollars depuis 2012. Il a par ailleurs demandé que davantage soit fait pour assurer la sécurité des occupants du camp de Roukban et connaître le sort de ceux qui le quittent volontairement. Il a enfin espéré que l’ensemble des membres du Conseil de sécurité se rallieront à l’appel en faveur d’une cessation des hostilités et de la poursuite de l’aide transfrontalière.
M. ZHANG JUN (Chine) a souligné la complexité de la situation humanitaire, en estimant que le meilleur moyen d’y répondre est de lever les sanctions économiques unilatérales imposées à la Syrie. Il faut, a-t-il dit, traiter en même temps des causes et des symptômes du conflit. Le financement insuffisant de la reconstruction est un problème important, a-t-il dit, avant de préciser que son pays participera à cette reconstruction dans le cadre de l’initiative « une Ceinture, une Route ». « Nous contribuerons à la formation de la main-d’œuvre et nous aiderons la Syrie à se doter d’une capacité indépendante de développement », a-t-il promis.
Le représentant de la Chine a ensuite souligné la nécessité de lutter ensemble contre toutes les formes de terrorisme conformément aux résolutions des Nations Unies et au droit international. Les forces terroristes, a-t-il insisté, occupent une grande partie de la province d’Edleb et aggravent la situation humanitaire. Il faut donc couper tous les soutiens à ces forces, a dit le représentant, en exhortant par ailleurs les acteurs humanitaires à respecter les principes de neutralité et d’indépendance et à s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures de la Syrie. « Nous devons améliorer notre coopération avec le Gouvernement syrien », a-t-il insisté. Il a appelé à une solution portée par les Syriens et tenant compte des préoccupations de toutes les parties. Il a regretté que les États-Unis et le Royaume-Uni profitent « à mauvais escient » de l’enceinte du Conseil de sécurité pour lancer des accusations infondées contre la Chine et d’autres.
Nous avons toujours fait de notre mieux pour assurer la médiation dans la crise syrienne et nous communiquons avec toutes les parties, a souligné le représentant, non sans dénoncer « les tendances colonialistes » des États-Unis et du Royaume-Uni. Nous n’avons pas de soldats en Syrie, nous ne préconisons pas de changement de régime et nous n’avons pris aucun puits de pétrole, a taclé le représentant. « Le Royaume-Uni et les États-Unis devraient éviter de politiser la situation humanitaire. »
Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) s’est dite profondément préoccupée par la gravité de la situation humanitaire en Syrie et a souligné l’importance d’un accès humanitaire sûr et sans entrave. Elle a rappelé le soutien de son pays à la résolution 2504 (2020) sur l’aide humanitaire transfrontalière, « un texte qui défend la dignité humaine ». Il faut créer les conditions, a-t-elle encouragé, d’un retour volontaire, dans la dignité et la sécurité, des déplacés syriens. Il faut, a-t-elle poursuivi, appeler les parties à œuvrer à une désescalade et condamner fermement les attaques contre les personnes et infrastructures civiles. La lutte contre le terrorisme n’absout pas: les parties ont toujours des obligations en vertu du droit international, a martelé Mme King. Elle a plaidé, en conclusion, pour un processus politique inclusif, crédible et équilibré. Nous ne devons ménager aucun effort pour promouvoir le dialogue avec le Gouvernement syrien sur toutes les décisions concernant le pays, dans le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale et sans « machinations géopolitiques ni grands jeux de pouvoir », a-t-elle déclaré.
Mme HARSHANA BHASKAR GOOLAB (Afrique du Sud) a appelé les parties à œuvrer à la désescalade dans la région d’Edleb et à respecter les obligations découlant du droit international sur la protection des civils et des personnes et infrastructures civiles. Les groupes armés doivent cesser leurs activités et les acteurs étatiques, qui ont de l’influence sur eux, doivent les inciter à respecter le cessez-le-feu et le droit international, a-t-elle dit. Il est tout aussi important que les opérations antiterroristes respectent le droit international, a ajouté la représentante, en rappelant le soutien de son pays à la résolution 2504 (2020) sur l’aide humanitaire transfrontalière. La cessation des hostilités est nécessaire pour une bonne distribution de l’aide alors que la poursuite de la violence et des hostilités a une influence délétère sur la situation humanitaire mais aussi sur les progrès politiques, a martelé la représentante.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a estimé que la dégradation de la situation humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie aurait dû être empêchée. Il aurait fallu pour cela, a-t-il estimé, que toutes les parties au conflit se conforment à leurs obligations de protéger les personnes et les infrastructures civiles. Il est donc impératif que toutes les parties qui ont une influence sur le terrain fassent en sorte que le peuple syrien soit protégé. Les agents humanitaires sont « débordés » et il faut des mesures d’urgence. En premier lieu, a-t-il préconisé, il s’agit de garantir l’accès immédiat de l’aide humanitaire pour permettre aux populations de résister à l’hiver. Dans les camps surpeuplés, les personnes ont besoin de vivres, d’eau et de soins, a-t-il rappelé. Deuxièmement, les opérations transfrontalières, qui ont permis le passage de plus de 1 000 camions en décembre et en janvier, doivent se poursuivre.
Le représentant a prié le Conseil de sécurité de réévaluer le mécanisme et le nombre des postes frontière en fonction des besoins du peuple syrien. À cet égard, il a dit attendre avec intérêt le prochain rapport du Secrétaire général sur la faisabilité du remplacement du poste frontière de Yaroubiyé. Enfin, a indiqué le représentant, l’accès de l’aide humanitaire à toutes les zones où elle est nécessaire doit être garanti à l’ONU et à ses partenaires. La communauté internationale ne doit cesser de faire tout ce qui est son pouvoir pour atténuer les souffrances de la population civile syrienne.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) s’est inquiété de la dégradation de la situation dans le nord-ouest de la Syrie où les opérations militaires conduites par le Gouvernement syrien et ses alliés se sont intensifiées. Estimant que le Gouvernement syrien viole les anciens accords de cessez-le-feu, le représentant s’est associé aux co-porte-plume humanitaires pour demander la mise en œuvre d’un cessez-le-feu immédiat. Dans le nord-est, les premières informations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) font état de manque de biens humanitaires du fait de la fermeture du poste frontière de Yaroubiyé, a-t-il noté, en s’inquiétant de ce que la dégradation des conditions de vie conduise à de nouvelles tensions dans les camps comme en attestent les vagues d’assassinats et d’enlèvements. La solution à la crise syrienne est connue, a conclu le représentant: elle passe par un cessez-le-feu général suivi d’un processus politique mené en coopération avec la communauté internationale. Il a regretté que le Gouvernement syrien continue à ignorer la feuille de route de la paix.
M. MONCEF BAATI (Tunisie) a jugé que mettre un terme à la violence et au terrorisme dans le nord-ouest de la Syrie est une nécessité absolue pour permettre la protection des milliers de personnes prises au piège du conflit dans la région d’Edleb, théâtre d’une escalade militaire sans précédent. À cet égard, le représentant s’est dit préoccupé par la mort de dizaines de civils au cours des dernières semaines et par la vague de déplacements due à l’intensification des violences. Il a appelé toutes les parties à respecter leurs engagements conformément au droit international humanitaire afin de garantir la protection des civils et de répondre aux besoins de tous. Il a aussi regretté l’échec de l’accord de cessez-le-feu obtenu par la Turquie et la Russie, d’autant que la trêve de quelques jours qui avait suivi sa conclusion a permis à de nombreuses personnes de regagner leur foyer. Il a donc invité les parties impliquées à tout faire pour relancer cet accord, ce qui passe par un arrêt des hostilités.
Compte tenu de l’absence d’accalmie et des obstacles persistants auxquels est confronté le processus politique en Syrie, il faut une solution pratique permettant d’exclure les groupes terroristes de la région d’Edleb, a plaidé le délégué. S’agissant de l’aide humanitaire transfrontalière, il a tenu à exprimer sa gratitude aux pays voisins de la Syrie qui, sans relâche, ont prêté assistance à la population syrienne ces dernières années. Prenant note des consultations en cours au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) sur la prorogation de cette aide, il a dit attendre avec intérêt le prochain rapport du Secrétaire général sur la possibilité de trouver des postes frontière alternatifs. La crise syrienne entre dans sa dixième année et « le peuple frère syrien » supporte encore des souffrances indicibles, a regretté le représentant, pour qui la solution ne peut être militaire. L’unique solution réside dans une approche politique, conformément à la résolution 2254 adoptée en réponse aux aspirations légitimes du peuple syrien.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a réitéré son regret que le mécanisme transfrontière n’ait pas pu être revu complètement, ce qui aurait permis à des millions de personnes de recevoir l’aide alimentaire et de santé dont ils ont besoin. Les décisions humanitaires doivent être basées uniquement sur les besoins de la population, a-t-il dit avant d’appeler la communauté internationale à remplir son obligation morale à cet égard. Le représentant s’est aussi inquiété de l’insécurité dont souffre la population, notant que si beaucoup abandonnent leurs foyers, certains n’ont pas cette possibilité et sont contraints de rester dans des installations improvisées.
M. Singer Weisinger a dénoncé l’incapacité de toutes les parties, impliquées directement ou indirectement dans ce conflit, à prendre des mesures fortes pour protéger les civils, alors qu’il existe le droit international humanitaire et d’autres instruments juridiques applicables. Il a aussi déploré que les femmes et les enfants paient le prix fort de la situation, craignant que l’on en arrive à perdre toute confiance en l’ONU. Le peuple syrien ne peut pas continuer ainsi et rester confronté à de tels niveaux de violence, a-t-il plaidé en réitérant la nécessité de trouver une solution politique basée sur la résolution 2254. Il a recommandé de cesser immédiatement les hostilités et de garantir un accès humanitaire sûr et durable dans tout le pays, en particulier pour assister les 400 000 nouvelles personnes déplacées.
M. ABDOU ABARRY (Niger) s’est déclaré préoccupé par la poursuite des combats entre les forces gouvernementales et les groupes armés dans la province d’Edleb, qui continuent de pousser des civils hors de leurs foyers en cette période de grand froid. Il a réitéré l’appel aux parties en conflit à respecter leurs obligations en termes de protection des civils et à permettre aux humanitaires d’accéder aux populations durement meurtries par la poursuite des hostilités. Dans ce contexte, a-t-il dit, le Niger salue les efforts que déploient les agences humanitaires au quotidien pour venir en aide partout en Syrie. Le représentant a exhorté toutes les parties prenantes à un cessez-le-feu pour donner une chance à la reprise du dialogue dans le cadre du processus politique. Il a conclu son propos en réaffirmant le soutien de sa délégation au mécanisme transfrontalier d’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie dont le mandat été renouvelé le 10 janvier dernier.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a contesté la pertinence des informations présentées par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et regretté qu’il n’ait « pas eu le temps » d’entendre les délégations russe et syrienne. Le relèvement est une réalité dans les zones contrôlées par le Gouvernement syrien et ce sont les radicaux qui ont rejeté le cessez-le-feu proposé par les Russes et les Turcs. Ce sont ces groupes, a martelé le représentant, qui sont responsables des près de 60 incidents quotidiens. Cela fait cinq mois que l’on retarde l’évacuation des civils parce que les « insurgés » refusent de donner des garanties de sécurité. Au lieu d’attiser les tensions, a conseillé le représentant, l’OCHA ferait mieux de coopérer avec les autorités syriennes « légitimes » à Damas. Le représentant a cité le dernier rapport du Secrétaire général pour rappeler qu’un million de personnes ont reçu de l’aide dans la région d’Edleb grâce au mécanisme d’acheminement de l’aide. Cessez, s’est-il impatienté, de politiser l’aide humanitaire et le relèvement postconflit. L’ONU et les partenaires internationaux devraient participer à ce relèvement, en levant les sanctions unilatérales qui frappent la Syrie.
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a exprimé sa profonde inquiétude face à l’escalade des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie au cours du mois écoulé et à la dégradation de la situation humanitaire. Il s’est dit particulièrement préoccupé par le sort des déplacés, parmi lesquels un grand nombre de femmes et d’enfants. La situation des 2,7 millions de personnes qui ont un besoin urgent d’assistance dans la région l’a profondément alarmé. Le représentant a donc appelé le Conseil à ne pas oublier ces personnes et rappelé que son pays avait voté en faveur de la résolution 2504. Dans ce contexte « alarmant », toutes les parties, a-t-il insisté, doivent respecter pleinement le droit international, y compris la Charte des Nations Unies et le droit international humanitaire. Elles doivent s’acquitter de leurs obligations en matière de protection des personnes et des infrastructures civiles. Elles doivent aussi respecter le dernier accord de cessez-le-feu obtenu par la Fédération de Russie et la Turquie et renouer un dialogue.
En second lieu, a ajouté le délégué, l’assistance humanitaire sur le terrain doit être maintenue là où elle est nécessaire et, a-t-il insisté, c’est le Gouvernement syrien qui est responsable au premier chef de son acheminement, avec le soutien des États Membres et des organisations internationales. Le travail humanitaire doit pouvoir créer un environnement favorable au processus politique, à la réconciliation et à la reconstruction, tout en respectant scrupuleusement la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie, a souligné le représentant, qui a conclu en exhortant toutes les parties à participer de façon constructive aux négociations. Il a salué à cet égard les efforts inlassables de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Geir Pedersen.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a estimé que certaines parties souhaitent s’opposer à la réouverture de l’aéroport d’Alep pour pouvoir continuer à s’ingérer dans les affaires intérieures de son pays, en se cachant derrière l’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière. Pourquoi, s’est-il demandé, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) ne parle pas des souffrances que les groupes terroristes infligent à la population civile? Pourquoi il ne parle pas des différentes formes d’agression étrangère et des sanctions économiques unilatérales? Ces sanctions, a-t-il accusé, sont là pour empêcher mon pays de se défendre et aujourd’hui, ce sont 24 millions de Syriens qui en souffrent. L’OCHA, a poursuivi le représentant, reste sourd quand nous parlons des conséquences humanitaires des sanctions économiques. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires a publié 64 rapports sur la situation en Syrie et aucun ne fait référence aux souffrances des enfants qui ont froid parce que nous ne pouvons plus importer du fioul pour nous chauffer, s’est emporté le représentant. De leur côté, les États-Unis, qui occupent 10% du territoire syrien et arment un groupe de terroristes connu pour avoir massacré des centaines de civils, osent aujourd’hui exhorter la Syrie à acheminer l’aide humanitaire à partir d’un territoire contrôlé par des groupes qu’ils financent.
Que l’OCHA sorte la tête du sable et dise les choses telles qu’elles sont, a conseillé le représentant. Il a réclamé des rapports à la hauteur de la « noblesse » de la mission humanitaire. Nous n’avons, a-t-il précisé, aucun problème avec l’OCHA en tant qu’institution. Ce que nous dénonçons, c’est la « partialité » de ceux qui y travaillent et qui n’ont même « jamais » songé à distribuer de l’aide dans les 40 villes et les centaines de villages libérés par le Gouvernement dans la région d’Edleb.