En 2019, les civils pris dans les conflits ont une fois encore pâti des divisions persistantes entre membres permanents du Conseil de sécurité
De l’espoir pour le Yémen, en janvier, à l’indignation des acteurs humanitaires face au non-renouvellement de l’assistance transfrontalière à quatre millions de Syriens, en décembre, le sort des populations civiles prises au piège des conflits aura souvent dominé en 2019 les travaux d’un Conseil de sécurité maintes fois bloqué par les divisions profondes entre ses membres permanents. Vilipendé de toute part, y compris en son sein, le Conseil aura pourtant aussi montré qu’uni, il peut être réactif et appuyer de difficiles processus de paix.
Après deux années marquées par un nombre record de séances publiques, le Conseil a retrouvé son rythme –élevé- des années 2014-2016, avec 243 réunions. Il a toutefois pris nettement moins de décisions: 52 résolutions -nombre le plus faible depuis 2001, à l’exception de 2013 - et 15 déclarations présidentielles, le nombre le plus bas depuis 30 ans. En revanche, avec 472 heures passées en séances publiques, le Conseil a approché son record de 2018, signe d’une activité publique toujours intense mais remise en cause lors d’un débat sur ses méthodes de travail, le 6 juin, par certains membres permanents qui reprochaient à ce type de réunions de polariser les positions aux dépens du consensus.
Les divisions entre membres permanents du Conseil ont été symbolisées par le rejet de six projets de résolution: trois du fait des doubles vetos russo-chinois sur le Venezuela et, par deux fois, sur la Syrie; les trois autres étant des projets concurrents qui n’ont pas obtenu le nombre de voix requis, du fait en particulier des autres membres permanents. De même, huit des résolutions adoptées ne l’ont pas été à l’unanimité et, à chaque fois, au moins un membre permanent figurait parmi les absentions.
Les désaccords se sont aussi manifestés dans l’absence de décision, voire d’examen, de certaines questions. Le Conseil a par exemple cessé de traiter en séance publique du volet « armes chimiques » du conflit syrien. Le soutien sans faille des États-Unis à Israël a bloqué toute action sur le dossier palestinien alors que la perspective de la solution des deux États s’éloignait toujours davantage; Washington entérinant annexions et colonisation israéliennes au nom de la « réalité sur le terrain » appelée à primer sur un droit international « pas concluant ou un impossible consensus ». Du Venezuela au Myanmar en passant par le Burundi, les situations où la dimension des droits de l’homme était importante ont été bloquées ou délaissées, du fait de l’opposition de plusieurs membres –Chine et Fédération de Russie en tête- à l’examen de ces questions. De même, toute référence aux changements climatiques a été âprement contestée, et même celle relative à la santé reproductive des femmes.
De nombreuses réunions ont été marquées par des échanges acerbes, notamment à propos de la Syrie, de la question palestinienne, des « conflits gelés » en Europe ou du Venezuela, imposé à l’ordre du jour du Conseil par les États-Unis. « Ma délégation commence à penser que le dialogue et les négociations sont un luxe au Conseil », déplorait le 28 février le représentant de l’Indonésie, nouveau membre élu. Indicateur de ces divisions, l’ordre du jour du Conseil a dû par deux fois être mis aux voix, provoquant l’annulation d’une séance.
De l’inaction du Conseil due à ses dissensions, ce sont avant tout les civils qui en font les frais. D’Edleb à la Libye et du Soudan du Sud au Myanmar, elle donne aux belligérants un sentiment d’impunité qu’ont dénoncé devant le Conseil le Président du Comité international de la Croix-Rouge, le Coordonnateur des secours d’urgence, la Procureure de la Cour pénale internationale ou encore la Présidente du Conseil des sages. Les membres élus du Conseil ont été tout aussi virulents: à propos de la question palestinienne, le représentant sud-africain comparait, le 20 juin, le Conseil à l’Empereur Néron jouant de la lyre face à une Rome en feu.
Le Conseil a pourtant démontré qu’uni, il peut accompagner et appuyer des processus de paix difficiles. Il a ainsi soutenu avec constance les efforts de paix au Yémen avec la création en début d’année d’une mission politique, la MINUAAH, chargée d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord signé à Stockholm en décembre 2018. Il a maintenu son soutien à l’Accord de paix en Colombie en prorogeant une nouvelle fois la Mission de vérification. En République centrafricaine, il a cherché à contribuer à la mise en œuvre d’un nouvel accord de paix en amendant le mandat de la MINUSCA.
Le Conseil est resté uni contre le terrorisme, adoptant la résolution 2462 (2019) pour lutter contre son financement. Il a adopté deux textes humanitaires thématiques importants: la résolution 2474 (2019), consacrée aux personnes disparues en période de conflit, qui s’appuie principalement sur les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels, et la résolution 2475 (2019), qui porte sur les personnes handicapées dans les conflits armés.
Le Conseil a su également s’adapter aux événements. Après avoir hésité face au changement de régime au Soudan, il a su « débrancher le pilote automatique » et « geler » le calendrier de retrait des effectifs en uniforme de la MINUAD pour faciliter les efforts de paix du nouveau Gouvernement au Darfour. Il a eu plus de difficultés à s’unir autour de la lente mise en œuvre de l’Accord revitalisé de 2018 sur le Soudan du Sud et a affiché ses divisions sur le maintien des sanctions. Il a pu surmonter rapidement les réticences ou le scepticisme initial parmi ses membres après le scrutin présidentiel en RDC, pour reconnaître et encourager les efforts du nouveau Président, en espérant des effets positifs dans toute la région des Grands Lacs. Non sans mal, il s’est accordé sur la prorogation de la MONUSCO tout en abordant la question de son « retrait responsable » sous de multiples conditions et après une transition d’un « minimum incompressible de trois années ».
Malgré la création de la MINUAAH, la tendance est en effet restée orientée à la fermeture des missions. Le Conseil a refusé de prendre en compte la dégradation dramatique de la situation en Haïti pour respecter son calendrier et clôturer le 15 octobre la MINUJUSTH, remplacée par un Bureau intégré. Il a aussi fixé la date de clôture du Bureau en Guinée-Bissau. Au Mali, la MINUSMA a été reconduite mais les États-Unis ont manifesté une impatience toujours plus grande face à l’absence de résultats.
Enfin, le Conseil a mis l’accent sur la coopération régionale. Mais s’il s’est dit prêt, dans sa résolution 2457 (2019), à « soutenir la mise en œuvre » du Plan directeur de l’Union africaine pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020, la question du financement des opérations de paix dirigées par l’Union africaine qu’il autorise a été une nouvelle fois mise de côté.
COMPOSITION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ EN 2019
Outre ses cinq membres permanents –Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France et Royaume-Uni– le Conseil de sécurité était composé en 2019 des 10 membres élus suivants: Allemagne, Afrique du Sud, Belgique, Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale, Indonésie, Koweït, Pérou, Pologne et République dominicaine.
La présidence mensuelle du Conseil de sécurité, qui « tourne » en fonction du nom des États membres suivant l’ordre alphabétique en anglais, a été assumée dans l’ordre suivant:
Janvier République dominicaine
Février Guinée équatoriale
Mars France
Avril Allemagne
Mai Indonésie
Juin Koweït
Juillet Pérou
Août Pologne
Septembre Fédération de Russie
Octobre Afrique du Sud
Novembre Royaume-Uni
Décembre États-Unis
Entrées au Conseil le 1er janvier 2019 pour un mandat de deux ans, l’Allemagne, l’Afrique du Sud, la Belgique, l’Indonésie et la République dominicaine restent membres en 2020.
Membres depuis le 1er janvier 2018, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Koweït, le Pérou et la Pologne ont quitté le Conseil le 31 décembre 2019. Ces États ont été remplacés par l’Estonie, le Niger, Saint-Vincent-et-les Grenadines, la Tunisie, le Viet Nam, élus par l’Assemblée générale le 7 juin 2019 pour un mandat de deux ans à compter du 1er janvier 2020.
La documentation relative au Conseil de sécurité est disponible sur le lien Internet suivant: https://www.un.org/securitycouncil/fr
NOTE EXPLICATIVE
La présentation des activités du Conseil suit en général l’intitulé officiel de l’ordre du jour des réunions, parfois sous une forme simplifiée. À titre d’exemple, les réunions pertinentes sont traitées sous « Ukraine » et non « Lettre datée du 28 février 2014, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de l’Ukraine auprès de l'Organisation des Nations Unies (S/2014/136) ».
Certains points de l’ordre du jour particulièrement fournis ont été subdivisés, ce qui correspond aussi à une séparation de fait des séances. Il en est ainsi de la « situation au Moyen-Orient », qui recouvre en fait la Syrie, le Liban ou encore le Yémen. Chacun des pays est traité séparément. Il en est de même pour les « rapports du Secrétaire général sur le Soudan et le Soudan du Sud », subdivisés en Soudan-Darfour (y compris les séances d’information avec la procureure de la CPI), Soudan du Sud et Abyei, le Conseil abordant ces différentes questions lors de séances séparées.
Inversement, certains regroupements ou reclassements ont été opérés. Ces changements sont signalés sous la rubrique officielle. Ainsi, les quatre réunions de compte rendu des missions du Conseil de sécurité sont mentionnées dans cette rubrique, mais résumées sous la rubrique nationale ou régionale adaptée: Colombie, Iraq ou Afrique de l’Ouest.
En 2018, le Conseil a tenu une réunion sous le thème « les jeunes, la paix et la sécurité ». En 2019, une réunion relevant manifestement de cette rubrique a été officiellement tenue sous l’intitulé général « maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Il a été là aussi reclassé.
En l’absence d’indication contraire, les nouvelles résolutions mentionnées ont été adoptées à l’unanimité.
MOYEN-ORIENT
La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne
- 12 séances publiques: 22 janvier, 20 février, 26 mars, 29 avril, 22 mai, 20 juin, 23 juillet, 27 août, 20 septembre, 28 octobre, 20 novembre, 18 décembre
Voir aussi: Liban, Syrie, Yémen, maintien de la paix et de la sécurité internationales
Sous cet intitulé, qui recouvre essentiellement le conflit israélo-palestinien, le Conseil tient au moins une réunion d’information par mois, remplacée en janvier, avril, juillet et octobre par un débat ouvert à tous les États Membres et largement utilisé par ces derniers pour commenter également les conflits en Syrie et au Yémen, ou encore la situation au Liban et le rôle de l’Iran dans la région. Inversement, la question de Palestine a aussi été abordée lors d’un débat consacré, le 20 août, aux menaces contre la paix et la sécurité au Moyen-Orient.
Les 12 séances ont confirmé l’incapacité du Conseil de sécurité à agir du fait des États-Unis, qui n’ont cessé d’annoncer des décisions unilatérales comme la reconnaissance de l’annexion du Golan syrien par Israël, puis la remise en cause du caractère illégal des colonies de peuplement. Face à un Conseil très sceptique, les États-Unis ont aussi lancé le volet économique de leur plan de paix, dont le volet politique, plusieurs fois annoncé, n’avait toujours pas été rendu public à la fin de l’année. Ils ont surtout défendu une vision fondée sur « les réalités sur le terrain » plutôt que sur le droit international ou les résolutions du Conseil, qui permettrait selon eux de résoudre les problèmes des Palestiniens sans attendre une solution globale, en écartant l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), jugé « à bout de souffle ».
Le 22 janvier, le premier débat trimestriel a été l’occasion pour le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Nickolay Mladenov, de déplorer, comme il sera souvent amené à le faire durant l’année, une « dangereuse dynamique » du conflit israélo-palestinien qui sape un peu plus les perspectives d’une solution des deux États. Il s’agissait notamment, une fois encore, de l’annonce de nouvelles colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie. La presque totalité des délégations ont appelé à une solution négociée, alors qu’Israël et les États-Unis reprochaient au Conseil de consacrer un temps excessif à la question palestinienne et accusaient l’Iran de déstabiliser la région.
Le 20 février, M. Mladenov informait le Conseil d’une détérioration inquiétante de la situation économique en Cisjordanie occupée et à Gaza, qui mettait en péril la stabilité financière de l’Autorité palestinienne, celle-ci étant en outre tiraillée par des différends internes. « Israël continue de profiter de l’inaction du Conseil », accusait le Koweït. L’Afrique du Sud rappelait l’obligation faite au Secrétaire général de présenter chaque trimestre un rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016), qui exige l’arrêt par Israël des colonies de peuplement.
Le 26 mars, M. Mladenov présentait le rapport demandé, expliquant « qu’une fois de plus, Israël n’avait pris aucune mesure » pour mettre en œuvre la résolution 2334 (2016), et qu’au contraire les annonces de nouvelles constructions se poursuivaient. Plusieurs membres du Conseil dénonçaient la décision prise la veille par le Président Trump de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien, annexé unilatéralement en 1981.
Lors du deuxième débat trimestriel, le 29 avril, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, rappelait « la position claire de l’ONU », « contenue dans des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité », sur l’annexion du Golan syrien par Israël. Elle constatait aussi, une fois de plus, que « les espoirs de concrétiser la solution des deux États continuaient de céder la place aux craintes grandissantes d’une annexion ». La majorité des quelque 50 orateurs rappelait son soutien indéfectible à la solution des deux États.
Après une flambée de violence début mai, la séance du 22 mai était marquée par une violente attaque du représentant des États-Unis contre l’UNRWA. Les États-Unis, qui ont arrêté en 2018 de financer l’Office, qualifiaient celui-ci de « palliatif », jugé « à bout de souffle ». « Nous n’avons pas à attendre qu’une solution globale au conflit israélo-palestinien soit en place pour régler le problème » des réfugiés palestiniens « pris en otage par les résolutions de l’ONU », affirmait le représentant, qui ajoutait: « Nous devons cesser de prétendre que l’UNRWA et les résolutions de l’ONU vont régler le conflit. »
Le 20 juin, M. Mladenov rapportait une nouvelle fois l’absence de mise en œuvre de la résolution 2334 (2016). L’Afrique du Sud accusait le Conseil de « jouer de la lyre », tel l’Empereur Néron face à l’incendie de Rome, alors que s’estompait la réalité d’un État palestinien sûr, indépendant, autosuffisant et en sécurité. Les États-Unis mettaient en valeur un atelier économique qu’ils voulaient organiser à Bahreïn pour encourager les investissements en Palestine et les discussions sur « une vision et un cadre ambitieux mais réalisables garantissant un avenir prospère pour les Palestiniens ». L’accueil a été mitigé: le Royaume-Uni souhaitait « des propositions détaillées », la France et la Belgique estimaient que la paix économique ne saurait se substituer à la recherche d’un véritable règlement politique et la Fédération de Russie précisait que les propositions d’amélioration économiques devraient « aller de pair » avec les composantes d’un règlement politique.
Nous ne proposons pas seulement une « paix économique », affirmaient les États-Unis lors de la séance du 23 juillet, tout en demandant aux intéressés de la patience dans l’attente de la publication, « bientôt », du volet politique de leur plan. Invitant à cesser de « rabâcher des slogans éculés et des éléments de langage dépassés », le représentant américain affirmait que le conflit israélo-palestinien ne prendrait pas en dégageant un consensus international –« un masque pour l’inaction »- ni en invoquant le droit international -« pas concluant »- ni en se référant constamment aux résolutions de l’ONU « volontairement ambiguës ». La « vision pour la paix » annoncée « ne serait pas ambiguë », exigerait « des compromis difficiles de la part des deux parties », mais ces dernières y « gagneraient beaucoup plus qu’elles ne donneraient ». Le droit international n’est pas un menu dans lequel on choisit à la carte ce que l’on désire, rétorquait l’Allemagne en référence aux résolutions du Conseil.
Après de nouveaux incidents violents, M. Mladenov demandait, le 27 août, des « mesures concrètes », sans lesquelles un « cocktail explosif » risquait d’embraser la région. Point positif, il prenait note de l’accord conclu entre Israël et l’Autorité palestinienne sur le transfert des recettes fiscales de cette dernière. Mais il ajoutait que le processus de paix était dans une « impasse complète », sans perspective de relance.
Le 20 septembre, M. Mladenov ne voyait aucun progrès susceptible d’inverser les « tendances négatives » sur le terrain. Il s’élevait en revanche contre les plans d’annexion annoncés par le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahu qui, en campagne électorale, promettait d’appliquer, en cas de victoire, la souveraineté israélienne à toutes les implantations juives de Cisjordanie. La plupart des membres du Conseil dénonçaient les propos du Chef du Gouvernement israélien et l’Indonésie appelait le Conseil à « réaffirmer son autorité ». Les États-Unis « ont toujours, dans le passé, appuyé Israël, les États-Unis appuient Israël aujourd’hui et les États-Unis appuieront toujours Israël à l’avenir », lançait leur nouvelle représentante au Conseil.
Au-delà du constat d’un éloignement croissant de la solution des deux États et des soutiens proclamés à celle-ci, le débat trimestriel du 28 octobre était l’occasion pour de nombreux intervenants de reprocher une fois de plus au Conseil son inaction. Reprochant au Conseil de sécurité de ne pas mettre en œuvre les 365 résolutions consacrées à la question palestinienne du fait de la « protection inébranlable et systématique que les États-Unis accordent à Israël », le représentant de la République islamique d’Iran déplorait les conséquences, à savoir « un manque total de confiance dans les institutions et instruments internationaux, entraînant ainsi notre monde sur la voie du désordre international ». Israël dénonçait le « recyclage de vieux arguments » et invitait le Conseil à regarder vers la Turquie, accusée de se livrer à un « nettoyage des Kurdes » après son intervention en Syrie.
La séance du 20 novembre intervenait deux jours après que les États-Unis annonçaient qu’ils ne considéraient plus les colonies de peuplement en Cisjordanie comme incompatibles en soi avec le droit international, ajoutant que « les débats sur qui a tort et qui a raison au regard du droit international n’apporteront pas la paix ». M. Mladenov voyait dans cette annonce une des « tendances négatives » qui, sur le terrain, alimentaient le blocage politique entre les parties, au même titre que les divisions entre dirigeants palestiniens.
Enfin, le 18 décembre, le rapport trimestriel de M. Mladenov sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016) relevait que, trois ans après l’adoption de celle-ci, Israël avait annoncé ou approuvé 22 000 unités de peuplement en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Le Koweït dénonçait une activité illégale et « frénétique » d’Israël et plusieurs membres, dont la France et l’Allemagne, s’inquiétaient des annonces répétées de responsables israéliens sur l’annexion de colonies ou de pans entiers de la Cisjordanie. « L’Administration Trump s’oppose catégoriquement à la résolution 2334 (2016), qui est unilatérale et injustement critique à l’égard d’Israël », rappelait la représentante des États-Unis.
Liban:
- 1 séance publique: 29 août
- 1 résolution: 2485(2019)
Voir aussi: Moyen-Orient, y compris la question palestinienne
Le 29 août, le Conseil renouvelait une nouvelle fois pour un an le mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). Pays porte-plume, la France, qui se félicitait de l’adoption unanime de la résolution 2485 (2019), faisait valoir que le texte « revenait de façon claire sur la nécessité de garantir la liberté de mouvement de la FINUL, sa sécurité dans l’ensemble de sa zone ». Mais les États-Unis rappelaient que la Force n’avait toujours pas la possibilité d’accéder à certaines zones, notamment celles où le Hezbollah avait construit des tunnels. Ils estimaient le moment venu de « réévaluer les effectifs et de commencer à restructurer la mission ». Si la FINUL ne peut s’acquitter pleinement de sa mission dans les limites de son mandat actuel, il incombe au Conseil de modifier son mandat en conséquence, avertissait le représentant américain, qui réclamait « de sérieux progrès » d’ici à 2020 et ajoutait que les États-Unis « ne pourraient accepter que les choses demeurent en l’état ».
La situation au Liban était aussi abordée dans le cadre de plusieurs des séances consacrées à la « situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne », notamment lors des quatre débats trimestriels des 22 janvier, 29 avril, 23 juillet et 28 octobre.
Syrie
- 27 séances publiques: 30 janvier, 26 février, 28 février, 27 mars, 27 mars (Golan), 24 avril, 30 avril, 17 mai, 28 mai, 18 juin, 25 juin, 26 juin, 27 juin, 30 juillet, 7 août, 29 août, 19 septembre (deux séances), 30 septembre, 8 octobre, 24 octobre, 14 novembre, 22 novembre, 19 décembre (FNUOD), 19 décembre, 20 décembre (politique), 20 décembre (humanitaire)
- 2 résolutions: 2477(2019), 2503(2019),
- 1 déclaration présidentielle : PRST/2019/12
Voir aussi: La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, Liban, Terrorisme
La Syrie, avec « cinq armées étrangères opérant sur son territoire ou dans son espace aérien », a été une fois encore le pays le plus présent à l’ordre du jour du Conseil en 2019, mais le nombre de réunions publiques est tombé de 37 en 2018 à 27. Si le Conseil a continué d’étudier le dossier syrien sous le triple volet politique, humanitaire et des armes chimiques, il n’a tenu en 2019 aucune réunion publique sur le troisième aspect, traité uniquement lors de consultations officieuses. Le dossier syrien aura aussi été marqué par 4 des 6 rejets de projets de résolution en 2019, dont 2 du fait des doubles vetos russo-chinois. Le Conseil a aussi tenu une réunion d’urgence le 27 mars après l’annonce par les États-Unis de la reconnaissance de l’annexion du Golan par Israël. Par ailleurs, la situation en Syrie a été abordée lors des débats trimestriels publics sur la « situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine » ainsi que lors de plusieurs séances thématiques consacrées aux questions humanitaires.
Les aspects humanitaires ont dominé les séances publiques du Conseil consacrées à la Syrie, en particulier à cause de la situation à Edleb. Cette ville et sa région, en principe une « zone de désescalade » également couverte, théoriquement, par un cessez-le-feu signé en septembre 2018 à Istanbul, a été en réalité régulièrement bombardée par les forces gouvernementales syriennes appuyées par la Fédération de Russie. À l’automne, la situation s’est compliquée après l’intervention militaire turque dans le nord-est du pays. Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, Mark Lowcock, ou d’autres responsables du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) sont intervenus à chacune des séances du Conseil dédiées à cet aspect du conflit syrien, sans parvenir à faire renouveler avant la fin de l’année l’autorisation de passage de l’aide humanitaire transfrontalière.
Le 30 janvier, M. Lowcock s’alarmait d’une recrudescence des hostilités à Edleb et mettait en garde contre un risque d’escalade aux conséquences « catastrophiques sur le plan humanitaire ». Appuyé par la France, il demandait au Conseil d’agir pour préserver le cessez-le-feu sur le long terme. Le Secrétaire général adjoint appelait aussi à financer l’appel humanitaire pour la Syrie, qui ferait l’objet d’une Conférence des donateurs à Bruxelles en mars. Occidentaux et Russes se reprochaient mutuellement une « politisation » et une instrumentalisation de l’aide humanitaire.
Le 26 février, une responsable de l’OCHA venait dire au Conseil que 11,7 millions de personnes devaient bénéficier du Plan de réponse humanitaire pour la Syrie et rappelait l’importance de la Conférence de Bruxelles à venir. Celle-ci serait « incomplète » sans l’implication de la Syrie, faisait observer la Fédération de Russie. La Syrie confirmait n’y avoir pas été invitée et dénonçait une initiative plus politique qu’humanitaire.
Le 27 mars, malgré la « fenêtre d’opportunité » ouverte par la chute du dernier bastion de Daech, à Baghouz, l’OCHA mettait de nouveau en garde contre les « risques réels » d’une catastrophe humanitaire à Edleb et dans le nord-ouest de la Syrie. L’OCHA faisait aussi savoir que les 2,2 milliards de dollars promis à la Conférence de Bruxelles couvraient près de 65% des besoins humanitaires.
Le 24 avril, l’adjointe de M. Lowcock, Ursula Mueller, en appelait à toutes les parties, en particulier la Turquie et la Fédération de Russie, garantes de l’accord d’Istanbul, pour mettre fin aux hostilités qui avaient repris près d’Edleb en février, tuant plus de 200 civils. Elle se préoccupait aussi de la situation dans le camp de Roukban, à la frontière jordanienne, les États-Unis accusant la Syrie d’affamer les réfugiés pour provoquer leur départ. Était posée la question du retour des réfugiés, que « seule la mise en place d’un processus politique crédible rendrait possible », affirmait la France, pour qui le faible nombre des retours montrait « sans ambiguïté que ces conditions n’étaient pas réunies ».
L’intensification des attaques sur Edleb provoquait une réunion d’urgence du Conseil le 17 mai, à la demande des trois « porte-plume humanitaires »: Allemagne, Belgique et Koweït. M. Lowcock dénonçait les attaques menées contre des écoles et centres médicaux dont les belligérants connaissaient les coordonnées. Mise en cause, la Fédération de Russie affirmait avoir soutenu le Gouvernement syrien dans ses efforts pour répondre aux « provocations » de groupes terroristes accusés de prendre en otage les civils d’Edleb. Pour la France, le choix des cibles démontrait plutôt qu’au-delà de la lutte contre le terrorisme, il s’agissait de la reconquête « brutale » des zones qui échappaient encore au contrôle du régime syrien et de ses alliés.
Le 28 mai, Mme Mueller venait rappeler le bilan des huit années du conflit syrien au Conseil et faisait état de trois millions de personnes piégées à Edleb. Elle reprochait au Conseil de ne « pouvoir prendre aucune mesure concrète alors que les attaques contre des écoles et des hôpitaux sont devenues une tactique de guerre qui ne suscite plus l’indignation ». Les « porte-plumes humanitaires » demandaient à nouveau aux belligérants de respecter le droit international humanitaire.
Les attaques sur Edleb se poursuivaient et, le 18 juin, M. Lowcock parlait de 230 civils tués en six semaines et de 330 000 personnes nouvellement déplacées en direction de la frontière turque. Le Royaume-Uni trouvait « mystérieux » que la Fédération de Russie n’ait pas été capable de convaincre la partie syrienne de respecter un accord de cessez-le-feu conclu le 13 juin. Celle-ci rétorquait qu’il était appliqué et qu’il prévoyait aussi de lutter contre le terrorisme. Elle ajoutait que seul le mécanisme de désescalade d’Astana fonctionnait et suggérait que certains membres du Conseil préféraient voir les terroristes du Hay’at Tahrir el-Cham (HTS) contrôler une partie du pays plutôt que le Gouvernement syrien. La Turquie accusait le régime syrien de vouloir, par ces attaques, faire s’effondrer le processus politique.
La situation n’avait pas changé lorsque, une semaine plus tard, le Chef du Centre de réconciliation russe en Syrie, le général Alexey Bakin, affirmait au Conseil que « les mesures pour améliorer la situation commençaient à porter leurs fruits », des propos accueillis avec beaucoup de réserves par les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Au contraire, la Fédération de Russie affirmait que la population dans la zone de désescalade n’était « pas dans une situation précaire », mais bien « prise en otage » par le HTS.
La Fédération de Russie accusant régulièrement l’ONU de se laisser intoxiquer par la désinformation des groupes terroristes, M. Lowcock expliquait longuement, le 30 juillet, où et comment son agence collectait et vérifiait ses informations. « Il n’y a pas de pénurie d’informations au sujet d’Edleb; nous savons exactement ce qui s’y est produit au cours des trois derniers mois », affirmait-il, ajoutant que les mesures de déconfliction « n’étaient pas efficaces dans l’environnement actuel ». Il s’en prenait aussi à l’inaction du Conseil: « cela fait 90 jours qu’il reste sans rien faire, alors que le carnage se poursuit sous ses yeux ».
Le 7 août, à la demande des États-Unis, le Conseil consacrait une séance à la question des détenus et disparus en Syrie. Le contexte s’y prêtait: le 11 juin, le Conseil avait adopté sa résolution 2474 (2019), consacrée aux personnes disparues en période de conflit, une question dont l’Envoyé spécial Geir Pedersen avait fait dès janvier une de ses priorités. Le Groupe de travail ad hoc venait d’ailleurs d’obtenir une quatrième opération d’échange de détenus. En l’absence de données précises, l’ONU estimait le nombre des disparus ou détenus à 100 000 -dont quelque 16 000 par les groupes armés d’opposition et les autres par les forces liées au Gouvernement syrien– le plus souvent dans des conditions inhumaines marquées par les privations et la torture. Les États-Unis déclaraient qu’une libération immédiate des civils détenus par le régime syrien ouvrirait la voie à la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) et faciliterait le processus politique. La Fédération de Russie regrettait une politisation contre-productive d’aspects humanitaires « qui ne tolèrent ni médiatisation ni politisation » et la stigmatisation du Gouvernement syrien. Elle mettait en garde contre toute tentative de lancer de nouvelles enquêtes du Conseil de sécurité, qu’elle assimilait à des « tentatives de mettre des bâtons dans les roues du processus de règlement politique ».
Lors de la séance du 29 août, l’Allemagne, la Belgique et le Koweït, annonçaient leur intention de présenter prochainement un projet de résolution visant à apaiser la situation humanitaire à Edleb et à relancer les livraisons d’aide transfrontalières, en application de la résolution 2449 (2018). Le 30 août, la Fédération de Russie annonçait un cessez-le-feu unilatéral à Edleb, qui excluait toutefois la lutte contre le terrorisme, confirmé le lendemain par le Gouvernement syrien.
Le 19 septembre, après une séance d’information lors de laquelle Mme Mueller appelait à utiliser ce répit et à faciliter un accès humanitaire sans entrave, le Conseil était appelé à se prononcer sur le projet de résolution des trois « porte-plumes humanitaires », qui demandait une cessation des hostilités à compter du 21 septembre dans toute la province d’Edleb. Le texte obtenait 12 voix mais la Fédération de Russie et la Chine opposaient leur veto en faisant remarquer que le cessez-le-feu existait déjà, dénonçant une nouvelle « politisation de la situation humanitaire » et reprochant au texte l’absence de référence à la nécessité de lutter contre les groupes terroristes. Russes et Chinois présentaient leur propre projet, qui appelait au respect du cessez-le-feu du 30 août tout en en excluant la lutte contre le terrorisme. Ils ne recueillaient que leurs 2 voix contre 9 –dont les trois autres membres permanents- et 4 abstentions. Les opposants faisaient valoir que l’impératif de la lutte contre le terrorisme ne dispensait pas les États de respecter leurs obligations au regard du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Au milieu d’accusations réciproques, la Guinée équatoriale, seul pays à s’être abstenu sur les deux textes, déplorait que « les intérêts géostratégiques de certains pays ayant une influence sur les parties » n’aient pas été « mis de côté ».
Le 9 octobre, l’armée turque entrait dans le nord-est de la Syrie dans le cadre d’une opération visant à repousser les Forces démocratiques syriennes, dominées par les Kurdes, au-delà d’une « zone de sécurité » d’une vingtaine de kilomètres de profondeur. Le Président turc Recep Erdoğan indiquait qu’il comptait y installer les populations syriennes réfugiées en Turquie. Faute d’entente au sein du Conseil sur une réaction, il a fallu attendre la réunion d’information mensuelle sur l’aspect humanitaire du conflit syrien.
Celle-ci s’est tenue le 24 octobre, après l’arrêt de l’offensive. Mme Mueller parlait de quelque 180 000 nouveaux déplacés. Elle expliquait que l’ONU n’avait pas d’autres moyens pour acheminer l’aide que d’emprunter la frontière turco-syrienne et demandait à cette fin au Conseil de renouveler une nouvelle fois l’autorisation d’acheminement transfrontière initialement accordée par la résolution 2165 (2014). Celle-ci était valable jusqu’au 10 janvier 2020 mais plusieurs membres du Conseil demandaient son renouvellement avant la fin de l’année, conformément à la pratique établie.
Le 14 novembre, M. Lowcock venait défendre le mécanisme d’acheminement transfrontière de l’aide humanitaire, qu’il présentait avec force détails comme « un des systèmes d’acheminement d’aide les plus contrôlés dans le monde aujourd’hui », en précisant que quatre millions de Syriens en dépendaient. Les membres du Conseil apportaient largement leur soutien à un « acquis essentiel » qui avait démontré « sa robustesse et sa fiabilité ». La Fédération de Russie disait voir « un bon début » dans le fait que l’OCHA avait commencé à revoir la méthodologie du mécanisme. Elle n’en dénonçait pas moins comme le « vrai coupable » de la situation humanitaire catastrophique dans le nord « l’occupation de cette région, sans doute à cause de ses puits de pétrole », référence à la protection des puits par des forces armées américaines.
Le 19 décembre, la séance dédiée à l’exposé de la situation humanitaire par Mme Mueller était largement dominée par le renouvellement du mécanisme d’acheminement transfrontière, qui faisait l’objet de deux projets de résolution concurrents, l’un présenté par les trois « porte-plumes humanitaires », l’autre par la Fédération de Russie. La plupart des délégations jugeaient indispensable le maintien du mécanisme, sur lequel la Chine disait en revanche avoir « quelques réserves ». Pour elle comme pour la Fédération de Russie, il fallait respecter la souveraineté de la Syrie, qui avait la charge d’apporter l’aide humanitaire et qui devait être aidée à cette fin.
Le lendemain, le Conseil était appelé à se prononcer sur les deux projets concurrents. Une nouvelle version du projet des trois « porte-plumes humanitaires », qui se voulait un compromis, prévoyait le renouvellement, pour « six mois renouvelables une fois, sauf décision contraire » du Conseil, du mécanisme, limité à trois points de passage contre quatre auparavant. Le projet exigeait l’accès des convois humanitaires des Nations Unies aux populations dans le besoin « dans toutes les régions de la Syrie ». Le texte russe limitait le renouvellement à six mois et le nombre des points de passage à deux, ceux de Bab el-Haoua et Bab el-Salam à la frontière turque, proches d’Edleb. Il parlait d’un accès des convois humanitaires des Nations Unies aux populations dans le besoin « dans toutes les régions de la Syrie, en particulier celle d’Edleb ».
Fédération de Russie et Chine opposaient leur veto au premier projet, approuvé par les 13 autres membres du Conseil. Le projet russe n’obtenait que 5 voix pour (Chine, Fédération de Russie et les trois membres africains du Conseil), 6 voix contre, dont les trois permanents occidentaux, avec 4 abstentions, parmi lesquels les trois porte-plumes humanitaires. Les explications de vote donnaient lieu à des accusations réciproques de cynisme et d’hypocrisie. C’était la première fois depuis le renouvellement annuel de la résolution 2165 (2014) que l’autorisation transfrontière et le mécanisme de surveillance, dont le mandat expire chaque année le 10 janvier, n’étaient pas renouvelés avant la fin de l’année précédente et faisaient l’objet de votes de rejet. Le Conseil clôturait ses travaux de 2019 sur cette séance.
Sur le plan politique, le soutien du Conseil au nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, Geir Pedersen, successeur de Staffan de Mistura, aura permis de lancer enfin le Comité constitutionnel, devenu « Commission constitutionnelle », rapidement bloquée.
Pour sa première intervention devant le Conseil, M. Pedersen expliquait le 28 février, les cinq priorités qu’il s’était fixées dans l’immédiat pour faire avancer les efforts de résolution politique du conflit. Il présentait comme la principale la consolidation de son dialogue avec le Gouvernement syrien et l’opposition et disait son espoir de voir bientôt la mise en place d’un comité constitutionnel « crédible ». Il citait parmi les autres priorités l’échange de prisonniers, point qui jouerait un rôle dans les mois suivant. Au nom des « garants d’Astana » (Iran, Turquie et elle-même), la Fédération de Russie se disait disposée à travailler avec les parties « intéressées et sincères » et jugeait que la situation en Syrie s’était « considérablement améliorée ». M. Pedersen notait un « ralentissement » sur les champs de bataille mais, comme la France, avertissait que le conflit « n’était pas derrière nous » et invitait à une diplomatie « créative ».
Le 27 mars, tout en jugeant prématuré tout discours sur « la fin du conflit syrien », plusieurs membres du Conseil voyaient, à l’image de la France, une « fenêtre d’opportunité unique » s’ouvrir après la chute du dernier bastion de Daech en Syrie. La Fédération de Russie appelait à un « véritable partenariat international » pour appuyer la lutte contre le terrorisme mais aussi assurer le relèvement économique du pays. États-Unis et Royaume-Uni exhortaient les autorités syriennes à prendre des « mesures concrètes » en faveur de la population.
Alors que les combats reprenaient, l’Envoyé spécial estimait, le 30 avril, qu’un consensus se dégageait progressivement entre le Gouvernement syrien et la Commission syrienne de négociation sur la formation d’un futur comité constitutionnel et suggérait d’augmenter le rythme des libérations des détenus pour restaurer la confiance. Les membres du Conseil voulaient croire à la « fenêtre d’opportunité », même étroite.
Le 27 juin, M. Pedersen envisageait un « mode renouvelé d’appui international » qui tiendrait compte des exigences du format d’Astana, du « groupe restreint » et des membres permanents du Conseil pour avancer sur la mise en place du comité constitutionnel. Il rappelait qu’en tout état de cause, ce dernier pourrait être « une porte d’entrée » vers la fin du conflit, mais ne le résoudrait pas à lui seul.
Le 29 août, en pleine escalade de la violence dans le nord-ouest, l’Envoyé spécial laissait espérer au Conseil la convocation prochaine d’un comité constitutionnel « crédible, équilibré et inclusif », première étape d’un processus politique plus large, dans les semaines à venir. Pour y parvenir, il jugeait nécessaire de prendre des mesures concrètes pour le quotidien des Syriens. Il se félicitait en ce sens du travail conjoint des garants d’Astana et du Groupe de travail des Nations Unies, qui avait permis une quatrième vague de libération de détenus.
Le 23 septembre, le Secrétaire général annonçait un accord entre le Gouvernement syrien et la Commission de négociation sur les 150 membres de la « Commission constitutionnelle crédible, équilibrée et inclusive, dirigée et contrôlée par les Syriens sous les auspices de l’ONU à Genève ». Le 30 septembre, M. Pedersen annonçait au Conseil son intention de la convoquer le 30 octobre. L’ensemble des membres du Conseil saluaient ce premier accord politique concret, « premier pas historique dans la résolution de la crise syrienne », selon les États-Unis, « possible clef aux autres processus politiques appelés par la résolution 2254 (2015) » pour la Belgique, qui offrait, selon la Fédération de Russie, les conditions d’un règlement à long terme « pour tous les Syriens sans exception ».
Le Conseil confirmait son soutien « sans réserve » à l’Envoyé spécial dans une déclaration présidentielle publiée le 8 octobre , qui entérinait la date du 30 octobre pour la première réunion.
Le 22 novembre, M. Pedersen rendait compte en détail de cette première réunion, « moment potentiellement historique », tout en précisant que, si la confiance semblait rétablie entre les membres des groupes de travail de la Commission, elle devait encore se confirmer sur le terrain et s’ancrer dans la population. Allemagne, États-Unis, France et Royaume-Uni rappelaient que la Commission ne constituait pas en soi la transition politique escomptée en vertu du Communiqué de Genève de 2012 et de la résolution 2254 (2015). Ils ajoutaient qu’il ne saurait y avoir d’aide internationale à la reconstruction de la Syrie tant que les combats n’auraient pas cessé et une transition politique complète, effectuée. La Fédération de Russie déplorait cette position et appelait à la levée des sanctions contre Damas, tout en rappelant qu’il n’était pas question d’imposer aux Syriens des solutions qui ne sont pas conformes à leurs attentes ou qui ne concernent qu’une seule des parties.
Le 20 décembre, M. Pedersen informait le Conseil que la deuxième session de la Commission constitutionnelle, fin novembre, n’avait pas pu se mettre d’accord ne serait-ce que sur un ordre du jour et ajoutait qu’elle « était et resterait fragile ». Il reconnaissait en outre, comme la plupart des membres du Conseil, que le seul processus constitutionnel avait peu de chance de répondre aux besoins des Syriens et appelait au respect d’un cessez-le-feu complet, à la libération des prisonniers et au traitement des difficultés économiques du pays. Les États-Unis affirmaient qu’il ne pourrait y avoir de paix pérenne face au comportement « inhumain et destructeur » du régime syrien et les pays occidentaux, qui dénonçaient « les obstructions inacceptables » de Damas, réitéraient leur refus de contribuer au relèvement de la Syrie en l’absence d’un « processus politique, inclusif et complet ». La Fédération de Russie appelait à ne pas dramatiser et rappelait son refus de tout calendrier visant à mettre la pression sur les Syriens.
Par ailleurs, l’annonce par le Président Trump le 25 mars de la reconnaissance par les États-Unis de l’annexion du Golan syrien par Israël -qui occupe ce territoire depuis 1973 et l’a annexé unilatéralement en 1981- provoquait, le 27 mars, une réunion d’urgence à la demande de la Syrie. La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, rappelait la position de l’ONU, reflétée dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, dont les résolutions 242 (1967) et 497 (1981). En dehors des États-Unis, les 14 autres membres du Conseil rejetaient la souveraineté israélienne. La Fédération de Russie jugeait « inacceptable » une mesure qui venait « saper l’élan positif » qui avait permis depuis l’été 2018 de stabiliser la situation sur le Golan en en évinçant divers groupes armés, dont des groupes terroristes, l’accusant en outre de compliquer « les efforts visant à améliorer la situation en Syrie et à établir un processus politique ». Les États-Unis affirmaient que la décision n’affectait pas l’Accord sur le dégagement, à l’origine de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) ni le mandat de la Force.
Le 26 juin puis le 19 décembre, le Conseil, par ses résolutions 2477 (2019) et 2503 (2019), renouvelait par deux fois pour six mois, la seconde fois jusqu’au 30 juin 2021, le mandat de la FNUOD.
Iraq
- 5 séances publiques: 13 février, 19 février, 21 mai, 28 août, 3 décembre
- 1 résolution: 2470(2019)
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/1
Voir aussi: La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne; maintien de la paix et de la sécurité internationales; Menaces contre la paix et la sécurité internationales; Terrorisme, Missions du Conseil de sécurité
Le Conseil a effectué une mission en Iraq à la fin du moins de juin. La Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), désormais dirigée par la Représentante spéciale Jeanine Hennis-Plasschaert, a été reconduite pour un an le 25 mai, avec le même mandat. Aux difficultés à remplir certains postes ministériels essentiels ont succédé à l’automne les sanglantes émeutes populaires qui ont provoqué la chute du Gouvernement. La menace d’une résurgence de Daech est restée constamment présente.
Le 13 février, la nouvelle Chef de la MANUI insistait devant le Conseil sur la nécessité de pourvoir rapidement plusieurs ministères clefs -Défense, Intérieur et Justice– toujours vacants en raison de désaccords profonds au sein de la majorité. L’enjeu était de préserver les acquis en matière de sécurité et maintenir l’« optimisme » régnant dans le pays depuis la fin de l’occupation de Daech. Les membres du Conseil qui s’exprimaient souhaitaient eux aussi que le Gouvernement soit rapidement complété.
Dans une déclaration présidentielle publiée le 19 février, le Conseil revenait sur une question liée à l’invasion en 1990 du Koweït par l’Iraq. Il encourageait l’Iraq à poursuivre ses efforts, en coopération avec le Koweït, pour continuer la recherche des restes des 369 nationaux du Koweït et d’États tiers portés disparus lors du conflit, ainsi qu’à continuer de rechercher les biens disparus et à relancer la recherche des archives nationales koweïtiennes elles aussi disparues. Le Conseil saluait les efforts de la MANUI pour régler ces questions.
Le 21 mai, par sa résolution 2470 (2019), le Conseil prorogeait sans changement le mandat de la MANUI jusqu’au 31 mai 2020 lors d’une réunion également marquée par des appels à combattre l’impasse politique et la corruption. « Les querelles politiques internes représentent un obstacle coûteux », observait Mme Hennis-Plasschaert. L’ombre de Daech planait sur la séance. Il faudra du temps pour en effacer l’idéologie, estimait le Royaume-Uni. La France insistait sur l’importance de la stabilisation et de la reconstruction, en particulier dans les zones reprises à l’organisation terroriste, afin d’assurer « une victoire durable et favoriser la réconciliation de la population iraquienne ».
Du 27 au 30 juin, le Conseil se rendait en mission en Iraq et au Koweït, notamment pour évaluer les défis auxquels l’Iraq était confronté dans un environnement postconflit, ainsi que le rapprochement entre l’Iraq et le Koweït. Le 11 juillet, le compte rendu présenté par le Koweït permettait notamment aux États-Unis de se féliciter des progrès réalisés par l’Iraq, mais aussi à la Fédération de Russie de rappeler que, malgré la défaite de Daech dans ce pays, la lutte contre le terrorisme y était « loin d’être achevée ».
Le 28 août, le Conseil entendait de nouveau la Chef de la MANUI, qui expliquait que le Gouvernement iraquien avait besoin de temps pour surmonter les divers intérêts étroits et montrer les fruits de son travail. Elle citait divers progrès, dont un nouvel élan dans les discussions entre le Gouvernement central et le Gouvernement régional du Kurdistan. Pour le Royaume-Uni, le grand défi pour la communauté internationale et la MANUI était de savoir comment aider au mieux l’Iraq après la défaite de Daech. Les États-Unis dénonçaient le rôle « déstabilisateur » de l’Iran dans la région et la Fédération de Russie mettait en garde contre des tentatives contre-productives pour « plonger le pays dans un affrontement artificiel » avec son voisin iranien.
Les sanglantes émeutes de l’automne – 400 morts et 19 000 blessés en deux mois- et la démission du Premier Ministre changeaient la donne. Le 3 décembre, la Représentante spéciale parlait d’une atmosphère dangereuse de peur et de colère et posait comme priorités l’arrêt de la répression contre les manifestants, jugée « systématique, disproportionnée et inacceptable » par la France, la formation d’urgence d’un gouvernement crédible et une réponse aux revendications légitimes de la population par le lancement des réformes exigées. Les membres du Conseil saluaient les propositions de dialogue de la Mission. Invité, l’archevêque d’Erbil exhortait la communauté internationale à réagir et à ne pas se satisfaire de « faux changements de leadership », faute de quoi, l’Iraq risquerait de sombrer dans la guerre civile et de devenir une zone de non-droit, poreuse aux guerres des États voisins.
Sous la rubrique « menace à la paix et la sécurité internationales » le Conseil a en outre consacré trois séances à l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), mise en place par la résolution 2379 (2017).
Le 15 juillet, Karim Asad Ahmad Khan, Chef de l’Équipe, faisait état de 600 000 témoignages recueillis depuis l’arrivée de celle-ci en Iraq fin octobre 2018. Il affirmait que, malgré sa barbarie, Daech n’avait pas réussi à diviser la population iraquienne et que le désir de justice était clair partout. Pour établir les responsabilités, il est particulièrement important que l’Équipe travaille dans un processus fondé sur le droit, estimaient les États-Unis, alors que la France et l’Allemagne rappelaient que les éléments de preuve recueillis devaient être partagés. La Fédération de Russie et la Chine s’inquiétaient de l’absence de solutions pour le rapatriement des combattants terroristes étrangers dans leur pays d’origine, une question qu’elles jugeaient prioritaire.
Le 20 septembre, par sa résolution (2490 2019), le Conseil prorogeait jusqu’au 21 septembre 2020 le mandat de l’Équipe d’enquêteurs et décidait que toute nouvelle prorogation serait décidée à la demande du Gouvernement iraquien « ou de tout autre gouvernement qui prierait l’Équipe de recueillir des éléments de preuve concernant des actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes de génocide commis par l’EIIL (Daech) sur son territoire ».
Le 26 novembre, M. Ahmad Khan expliquait au Conseil que l’Équipe avait commencé à mettre en place une base de preuves incontestables des crimes commis par Daech. Plusieurs membres du Conseil se félicitaient de la coopération des autorités iraquiennes, qui assuraient vouloir la renforcer encore.
Yémen
- 14 séances publiques: 9 janvier, 16 janvier, 19 février, 26 février, 15 avril, 15 mai, 17 juin, 15 juillet, 18 juillet, 20 août, 29 août, 16 septembre, 17 octobre, 22 novembre
- 3 résolutions: 2452 (2019),2456 (2019) 2481 (2019)
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/9
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales, La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, Organes subsidiaires, Terrorisme; Non-prolifération Iran
Sauf en décembre, le Conseil a tenu une séance d’information par mois sur la situation au Yémen, toujours en butte à la plus grande crise humanitaire au monde, comme le rappelaient régulièrement le Coordonnateur des secours d’urgence Mark Lowcock ou son adjointe Ursula Mueller. En début d’année, affichant un optimisme prudent, le Conseil confirmait son soutien apporté le 21 décembre 2018 à l’Accord de Stockholm conclu deux semaines auparavant. « L’envie de croire » à une chance de paix allait toutefois se heurter aux lenteurs dans la mise en œuvre de l’Accord, puis aux tensions de l’été dans le Golfe, qui menaçaient d’entraîner le pays dans un conflit régional, et, enfin, à une révolte séparatiste dans le Sud. La situation s’améliorait toutefois sensiblement à l’automne, entraînant un renouveau d’optimisme.
Le 9 janvier, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, Martin Griffiths, saluait les progrès dans la mise en œuvre des engagements pris par les parties yéménites en décembre à Stockholm et remerciait le Conseil pour son soutien. Il rappelait toutefois qu’il ne s’agissait que d’un début, la « partie aisée », et qu’il restait à conclure un accord politique durable. À cette fin, il fallait absolument engranger des progrès avant la tenue d’un prochain cycle, à organiser « le plus tôt possible ». Les membres du Conseil soutenaient l’Envoyé spécial.
Le 16 janvier, le Conseil concrétisait son appui à l’Accord de Stockholm en adoptant la résolution 2452 (2019), qui établissait la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH), mission politique spéciale chargée de surveiller et faciliter l’application intégrale de l’Accord. Créée initialement pour six mois, la Mission sera prorogée d’autant, jusqu’au 15 janvier 2020, par la résolution 2481 (2019) adoptée le 15 juillet.
Le 19 février, M. Griffiths mettait en avant les progrès enregistrés dans la mise en œuvre des accords conclus à Stockholm, malgré quelques retards. Il envisageait le passage d’une « logique de guerre à une logique de paix », rappelait que les accords conclus ne constituaient qu’une « étape préliminaire » dans la recherche d’une solution politique et insistait sur la responsabilité « écrasante », du Conseil et de la communauté internationale dans la préservation de la dynamique observée. Unanimes sur la nécessité de remédier à la crise humanitaire, les membres du Conseil soutenaient aussi l’Envoyé spécial, à l’image de la Fédération de Russie qui disait avoir « envie de croire » que l’on entrait dans une nouvelle phase du règlement du conflit. Le Koweït dénonçait toutefois une « absence de progrès tangibles » concernant Hodeïda et une application « partielle » des résolutions.
Le 26 février, le Conseil, par sa résolution 2456 (2019), reconduisait pour un an son régime de sanctions ciblées -gel des avoirs et interdictions de voyager- et réaffirmait l’embargo sur les armes instauré en 2015 notamment contre les rebelles houthistes. Il se disait préoccupé par le contrôle exercé par Al-Qaida dans plusieurs régions du Yémen et la présence croissante d’éléments affiliés à Daech.
Le 15 avril, M. Griffiths notait que la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm tardait à se concrétiser. De plus en plus méfiant, le représentant du Yémen en rendait responsables les milices houthistes « rompues à l’art de la tromperie », que les États-Unis accusaient d’être les seules à bloquer l’accès aux Moulins de la Mer rouge « Red Sea Mills », « grenier à blé du Yémen » susceptible de contribuer à alléger la crise humanitaire. M. Lowcock se désolait du faible financement à ce stade du Plan de réponse humanitaire.
Le 15 mai, l’Envoyé spécial pouvait annoncer le redéploiement par les houtistes de leurs forces autour des ports de Hodeïda, Salif et Ras Issa, sous la supervision de l’ONU, une des exigences de l’Accord de Stockholm. M. Griffiths parlait d’« acquis qu’il faut chérir même si ce n’est qu’un début », afin de préserver l’élan. Le représentant du Yémen accusait les houthistes d’être des « marionnettes » aux mains du Gouvernement iranien, après la première d’une série d’attaques aux drones contre des sites pétroliers saoudiens, revendiquées par les houthistes mais attribuées par les États-Unis à l’Iran.
Absence de progrès sur deux des trois volets de l’Accord de Stockholm –l’échange de prisonniers et la Déclaration d’entente sur la ville de Taëz-« réescalade » de la violence dans une grande partie du pays et multiplication des attaques houthistes contre des infrastructures civiles saoudiennes: le tableau dressé au Conseil par M. Griffiths le 17 juin contrastait avec l’optimisme du mois précédent. Seul point positif à ses yeux: le maintien du cessez-le-feu dans la province de Hodeïda.
Alors que les tensions dans le Golfe s’aggravaient et que des combats avaient repris dans la province de Hodeïda, c’est pourtant un surcroît, voire un « trop plein », d’optimisme qu’affichait l’Envoyé spécial le 18 juillet en raison d’un accord technique sur les détails opérationnels de tous les redéploiements autour d’Hodeïda, qu’il qualifiait de « percée de taille ». Le Royaume-Uni et les États-Unis appelaient à exercer davantage de pressions sur les houthistes. La France se montrait très inquiète du contexte régional « dégradé ».
Nouveau coup de froid le 20 août: les affrontements qui avaient éclaté le 7 à Aden entre les forces armées de la présidence et celles du Conseil de transition du Sud, un mouvement séparatiste, faisaient dire à l’Envoyé spécial que la fragmentation du Yémen devenait une menace « plus forte et plus pressante ». « Rien n’est facile au Yémen », commentait M. Griffith, qui saluait toutefois les efforts de l’Arabie saoudite pour organiser un dialogue à Djedda. Il expliquait que l’Accord de Stockholm, malgré ses « retombées positives tangibles » sur le terrain, ne pouvait « certainement pas être une condition préalable » au rétablissement de la paix dans l’ensemble du pays, les questions à long terme concernant l’avenir du Yémen restant sans réponse. En permettant le transit de l’aide humanitaire par les ports, l’Accord sur Hodeïda représente un « accomplissement majeur qui continue de bénéficier à la population civile » mais il n’a « jamais été conçu que comme mesure temporaire destinée à éviter de nouveaux conflits », une « rustine humanitaire », insistait-il.
Le Conseil reprenait à son compte les inquiétudes de M. Griffiths sur l’escalade de la violence et en particulier sur la situation dans le Sud dans une déclaration présidentielle publiée le 29 août. Il apportait un « appui sans réserve » à l’action de l’Envoyé spécial, invitait les parties concernées à participer de manière constructive au futur dialogue de Djedda, demandait la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm et soulignait la nécessité d’intensifier l’intervention humanitaire.
La séance du 16 septembre était dominée par les attaques aux drones menées deux jours plus tôt contre des installations pétrolières en Arabie saoudite, que condamnaient tous les membres du Conseil. Face au risque de conflit régional qu’exacerbait cette attaque, M. Griffiths plaidait une nouvelle fois pour « avancer avec détermination et résolution » vers un règlement politique du conflit au Yémen. Il faisait en outre état de nouveaux « progrès limités » dans la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm.
Les efforts diplomatiques commençaient à porter leurs fruits et, le 17 octobre, M. Griffiths saluait la « retenue des belligérants » sur le terrain. Les membres du Conseil pouvaient saluer la désescalade dans le Sud et la tenue des pourparlers de Djedda, alors que la France et l’Allemagne se félicitaient de l’annonce faite le 20 septembre par les houthistes de l’arrêt de leurs frappes.
Après l’accord signé le 5 novembre à Riyad entre le Gouvernement du Yémen et le Conseil de transition du Sud, la séance du 22 novembre était marquée par l’optimisme. Nous avons maintenant des preuves que les dirigeants yéménites qui œuvrent en faveur de la paix existent, déclarait M. Griffith, qui citait plusieurs étapes allant « immanquablement dans le sens de la paix »: l’accord de Riyad, mais aussi la désescalade du conflit, l’absence depuis deux mois d’attaques des houthistes contre l’Arabie saoudite et le renforcement du cessez-le-feu à Hodeïda. Plusieurs membres du Conseil saluaient ces signes encourageants et souhaitaient la reprise « sans délais ni précondition » des discussions en vue d’une paix globale et inclusive.
ASIE
Afghanistan
- 8 séances publiques: 11 mars, 15 mars, 19 juin, 26 juillet, 10 septembre, 17 septembre, 16 décembre (sanctions), 16 décembre (MANUA)
- 3 résolutions: 2460 (2019), 2489 (2019), 2501 (2019)
Voir aussi: Organes subsidiaires, Terrorisme; maintien de la paix et de la sécurité internationales
Pour la première fois depuis la création de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) en 2003, le mandat de la mission n’a pas pu, mi-mars, être renouvelé pour un an et a dû faire l’objet d’une prorogation technique de six mois, en raison d’un désaccord entre les États-Unis et la Chine. Le mandat a ensuite été reconduit pour un an dans les mêmes termes, par la résolution 2489 (2019), adoptée à l’unanimité le 17 septembre.
Pour le Conseil, qui a continué d’examiner la situation dans le pays chaque trimestre, les deux enjeux de 2019 étaient l’élection présidentielle et les perspectives de paix avec les Taliban, objets de plusieurs initiatives séparées.
Le 11 mars, c’est la préparation du scrutin présidentiel, alors prévu en juillet, qui préoccupait le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MANUA, Tadamichi Yamamoto. Du fait du renvoi des membres de la Commission électorale indépendante après les irrégularités qui avaient entaché les législatives d’octobre 2018, ainsi que des dispositions de la nouvelle loi électorale, le respect du calendrier semblait menacé, d’autant que devaient aussi être organisées, à la même date, les élections provinciales. Plusieurs membres du Conseil souhaitaient toutefois le respect de l’échéancier, notamment l’Allemagne, la France et les États-Unis. « Même si la voie de la paix ne progresse pas, les élections doivent avoir lieu », insistaient ces derniers, alors que semblaient se dessiner quelques signes d’ouverture vers des pourparlers de paix, avec la désignation par les Taliban d’une équipe de négociations et l’annonce par le Gouvernement d’une jirga (assemblée) de personnalités afghanes, inclusive et destinée à « échanger des idées » sur l’avenir du pays.
Le 16 mai, l’élection présidentielle était officiellement reportée au 28 septembre. Le 19 juin, M. Yamamoto constatait que même le nouveau calendrier de ce « moment-clef » était serré, d’autant que les cessez-le-feu unilatéraux de l’année précédente n’avaient pas été reconduits et que les Taliban avaient lancé leur traditionnelle « offensive du printemps ». Les États-Unis faisaient état de progrès dans leurs négociations directes avec les Taliban et disaient préparer le terrain pour que les négociations intra-afghanes puissent commencer le plus rapidement possible. Mais la Fédération de Russie les accusait d’« enjoliver » la réalité et appelait à ne pas établir de format « concurrent » au dialogue intra-afghan entamé en début d’année dans le cadre du « processus de Moscou ». Elle s’alarmait aussi de l’implantation croissante de Daech dans le nord du pays.
Le 26 juillet, le Conseil entendait la Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Amina J. Mohammed, de retour d’une visite de haut niveau, exclusivement féminine, en Afghanistan, qui avait pour but d’attirer l’attention sur le rôle et la participation des Afghanes dans le processus de paix. C’était l’occasion pour la plupart des membres du Conseil de rappeler leur soutien au Plan national d’action afghan « femmes, paix et sécurité » et de défendre les droits civiques et politiques des Afghanes. La séance permettait aussi de faire le point sur les préparatifs de l’élection présidentielle.
À moins de trois semaines du scrutin, M. Yamamoto venait redire devant le Conseil, le 10 septembre, qu’une élection présidentielle crédible permettrait d’établir un socle politique important pour l’avenir du pays ainsi que pour la légitimé et l’autorité du président élu, des éléments « particulièrement importants dans la perspective du processus de paix qu’on attend ». Il reconnaissait toutefois que les étapes ultimes menant au démarrage des discussions intra-afghanes seraient de plus en plus difficiles et nécessiteraient un maniement « très délicat » dans un contexte marqué par la recrudescence des violences et la suspension par les États-Unis, deux jours plus tôt, de leurs pourparlers avec les Taliban. Plusieurs membres du Conseil regrettaient cette décision. La Chine appelait à renouer les fils du dialogue politique et le Chef de la MANUA jugeait nécessaire de renforcer les pourparlers informels entre des représentants de la société afghane et des Taliban tenus à Moscou et à Doha, ces derniers sous l’égide du Qatar, avec l’appui de l’Union européenne.
Le premier tour de l’élection présidentielle se tenait le 28 septembre mais les résultats préliminaires n’étaient toujours pas connus lors de la dernière séance que le Conseil consacrait au pays, le 16 décembre. M. Yamamoto jugeait toutefois le scrutin « plus transparent » que les précédents et ajoutait que, quel que soit l’élu, la paix serait sa priorité. Les membres du Conseil notaient que le troisième trimestre 2019 avait été le plus meurtrier pour les civils depuis 2009 et que la situation humanitaire continuait de se détériorer. Plusieurs délégations, y compris les États-Unis, qui avaient repris leurs pourparlers avec les Taliban, se prononçaient pour un processus de paix intra-afghan inclusif faisant de la place aux femmes et à la société civile.
Le 16 décembre également, au titre « des menaces contre la paix du fait d’actes de terrorisme » le Conseil, par sa résolution 2501 (2019) prorogeait d’un an, jusqu’à fin 2020, l’appui apporté par l’Équipe de surveillance créé par la résolution 1526 (2004), au « Comité 1988 », héritier du « Comité anti-Taliban » ou « Comité 1267 », chargé des sanctions contre les personnes inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 1988 (2011).
Myanmar
- 1 séance publique: 28 février
Lors de sa seule séance publique consacrée au sujet, le Conseil entendait, le 28 février, l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Myanmar, Christine Schraner Burgener, décrire les conditions de vie très dégradées dans le camp de réfugiés de Cox’s Bazar, au Bangladesh, qu’elle avait visité. « La générosité du Bangladesh ne peut durer indéfiniment », ajoutait-elle, avant de rappeler les quatre éléments d’un règlement de la situation dans l’État rakhine: la fin de la violence; un accès sans entrave aux populations touchées; le règlement des causes profondes; et un développement inclusif. Elle demandait aussi la pleine mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine et insistait sur l’importance qu’il y a à établir les responsabilités au Myanmar. Elle obtenait l’appui de plusieurs membres du Conseil, qui estimaient en outre que la seule option était le retour des réfugiés et un traitement égal des Rohingya avec les autres groupes ethniques du Myanmar. La Chine invitait toutefois les autres membres du Conseil à ne pas exercer de « pressions », insistant sur les progrès enregistrés dans l’État rakhine. Rappelant que « pas un seul Rohingya ne s’était porté volontaire » pour regagner ledit État, le représentant du Bangladesh se disait frustré face à l’absence d’avancées concrètes et réclamait une solution pour le Myanmar, par le Myanmar.
Batch 3 AFRIQUE
Paix et sécurité en Afrique
- 8 séances publiques: 16 mai, 2 août, 26 septembre, 2 octobre, 7 octobre, 4 novembre, 20 novembre, 12 décembre, 16 décembre
- 2 déclarations présidentielles: PRST/2019/6, PRST/2019/15
Voir aussi: Consolidation de la paix en Afrique de l'ouest; Les femmes et la paix et la sécurité; Les jeunes, la paix et la sécurité; Opérations de paix des Nations Unies; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales; Terrorisme; Mali; Libye; République démocratique du Congo; Soudan; Soudan du Sud; Somalie.
Sous cette rubrique généraliste, le Conseil a consacré deux séances à la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), un cadre institutionnel formé en 2014 par la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Le 16 mai, la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Bintou Keita, présentait un rapport inquiétant du Secrétaire général sur la situation au Sahel, dans lequel la Force conjointe était présentée comme un « élément essentiel d’un ensemble d’entités et de dispositifs de sécurité régionaux et internationaux visant à faire face aux groupes armés extrémistes au Sahel et à d’autres problèmes transfrontaliers ». Face à l’extension géographique des attaques, les membres du Conseil souhaitaient voir enfin monter en puissance la Force, qui était encore loin d’atteindre sa pleine capacité opérationnelle.
Alpha Barry, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Burkina Faso, pays de plus en plus menacé, demandait au Conseil et aux partenaires, dont l’Union européenne, de combler le manque d’« équipements lourds ». Appuyé par le Haut Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, Pierre Buyoya, le Ministre demandait « une nouvelle formule d’appui de l’ONU à la Force conjointe », notamment par la Force de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Ce changement se retrouvera dans la résolution 2480 (2019) adoptée le 28 juin pour proroger le mandat de la MINUSMA. Soutenue par l’Union européenne, Mme Keita avertissait toutefois que la priorité de la MINUSMA devait rester l’appui au processus de paix au Mali et que son soutien à la Force conjointe ne devait pas grever davantage ses ressources.
Pour sa part, la France appelait les États du G5 Sahel à « relever d’un cran » leur engagement sur le terrain, tout en soutenant l’idée d’un « paquet logistique » garantissant à la Force le « soutien prévisible et durable » nécessaire à son succès à moyen terme. Appuyée par la Fédération de Russie, l’Union africaine réclamait toutefois un financement direct de l’ONU, ainsi qu’une autorisation d’agir en vertu du Chapitre VII, qui faciliterait un tel financement. Mais les États-Unis jugeaient inutile une telle autorisation, ajoutant que l’assistance bilatérale restait le « meilleur moyen » de soutenir la Force conjointe.
Le 20 novembre, le rapport suivant du Secrétaire général était encore plus inquiétant. Mme Keita et la représentante de l’Union africaine appelaient de nouveau au soutien de la Force conjointe, « meilleur outil » dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontière, voire « ultime digue » contre une « déferlante jihadiste ». Plusieurs membres se félicitaient que la Force commence enfin à devenir réellement opérationnelle, mais notaient que l’appui restait insuffisant. La France et l’Allemagne mettaient en avant leur initiative du Partenariat pour la sécurité et la stabilité du Sahel, lancée en septembre, et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) rappelait qu’elle s’était engagée à mobiliser, sur quatre ans, un milliard de dollars dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les États-Unis se montraient très critiques face à la faiblesse du Gouvernement malien sur son territoire.
La crainte de la « déferlante djihadiste » vers les États côtiers occupait également une large part de la séance du 16 décembre, dédiée en principe aux violences intercommunautaires au Sahel, y compris entre éleveurs et agriculteurs. Les membres africains du Conseil notaient que 2019 avait été l’une des plus sombres pour la région et s’alarmaient des conséquences pour les jeunes, de plus en plus exposés à la propagande extrémiste. Le « A3 » -Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale- mettait en cause le conflit libyen, « boîte de Pandore », dont l’ouverture a exacerbé l’insécurité et l’instabilité en Afrique de l’Ouest, un thème repris par la Fédération de Russie. La Belgique appelait à éviter toute « lecture simpliste » et les amalgames, notamment entre terrorisme, extrémisme et violences intercommunautaires. France, Royaume-Uni et Allemagne imputaient l’instabilité à la fragilité économique et à la faiblesse des États, ainsi qu’aux trafics divers et aux effets des changements climatiques qui exacerbent les antagonismes entre communautés.
Par ailleurs, le 2 août, le Conseil adoptait une déclaration présidentielle dans laquelle il se disait gravement préoccupé par la récente flambée épidémique du virus Ebola en RDC, dans des zones de forte insécurité. Les attaques subies par les personnels humanitaire et médical compromettaient gravement l’intervention d’urgence et facilitaient la propagation du virus dans le pays et la région, au risque de la déstabiliser. Le Conseil demandait donc à tous les groupes armés de mettre immédiatement un terme aux hostilités.
Le 26 septembre, la présidence russe du Conseil organisait une réunion ministérielle sur les partenariats visant à renforcer la paix et la sécurité en Afrique. Le Secrétariat de l’ONU rappelait que la collaboration entre l’ONU, l’Union africaine et les différentes communautés économiques régionales du continent n’avait jamais été « aussi conséquente », notamment du fait des deux Cadres communs ONU-Union africaine signés depuis 2017. La séance permettait d’insister sur la nécessité d’une appropriation par l’Afrique de ses priorités continentales. C’était l’occasion pour l’Union africaine de dénoncer une « marginalisation frustrante » de l’Afrique dans le dossier libyen, et ce, « depuis le départ ». La question du cofinancement par l’Union africaine et l’ONU des opérations africaines de paix était évoquée, la France et le Royaume-Uni soutenant l’approche de l’Union africaine mais se heurtant toujours aux réticences des États-Unis.
Sous la présidence sud-africaine, le Conseil débattait le 2 octobre des moyens de mobiliser les jeunes en vue de faire taire les armes d’ici à 2020 en Afrique, « une nécessité absolue sur l’un des continents les plus jeunes du monde », selon les termes de la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour l’Afrique, Bience Gawanas. Si des représentants de jeunes réclamaient « des actions, pas seulement des promesses creuses » et si plusieurs membres du Conseil reconnaissaient l’intérêt des multiples initiatives de paix émanant de la jeunesse, une des principales inquiétudes portait sur le risque de voir des jeunes délaissés et frustrés grossir les rangs des mouvements terroristes et extrémistes. La séance résonnait comme un écho africain à la séance plus générale consacrée le 17 juillet aux jeunes, à la paix et à la sécurité.
La séance était suivie, le 12 décembre, de l’adoption d’une déclaration présidentielle dans laquelle le Conseil encourageait les États Membres à soutenir les mesures permettant d’associer plus étroitement les jeunes à toute mesure visant à la prévention et au règlement des conflits et à la consolidation de la paix. Il les encourageait notamment à adopter diverses mesures susceptibles de mobiliser les jeunes pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020.
Le 7 octobre, le Conseil discutait des moyens de renforcer son appui aux organisations régionales africaines dans la prévention des conflits. Les outils sont là, mais ils ne sont pas utilisés, déploraient plusieurs orateurs, qui invitaient le Conseil à « sortir des mots et à passer aux actes », à l’image des trois femmes de la société civile africaine invitées au débat. La Côte d’Ivoire faisait observer que les efforts conjoints ne seraient efficaces que s’ils reposaient sur l’identification des signes précurseurs des conflits. La Fédération de Russie invitait à garder à l’esprit « la frontière ténue qui sépare la diplomatie préventive et l’exercice de pressions sur les processus politiques nationaux » ajoutant que, pour prévenir un conflit, il suffisait parfois de « cesser de s’ingérer dans les affaires intérieures et de cesser de donner des leçons ». Elle citait en exemple la « prévention tout à fait inutile » qu’a été l’intervention de l’OTAN en Libye en 1991.
Enfin, le 4 novembre, le Conseil entendait la Vice-Secrétaire générale, Amina J. Mohammed qui, de retour d’une visite dans la Corne de l’Afrique, plaidait pour la participation des femmes et des jeunes dans les processus de paix de la région. Plus largement, elle appelait aussi à approfondir le partenariat de l’ONU avec l’Union africaine et à l’utiliser pour consolider les progrès engrangés.
Libye
- 11 séances publiques: 18 janvier, 20 mars, 8 mai, 21 mai, 10 juin, 29 juillet, 10 août, 4 septembre, 12 septembre, 6 novembre, 18 novembre
- 2 résolutions: 2473 (2019), 2486 (2019)
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales; Paix et sécurité en Afrique; Exposés de hauts dirigeants des Nations Unies
La Conférence nationale qu’appelait de ses vœux Ghassan Salamé, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), afin de modifier la Constitution et de lancer un processus électoral, a été reportée sine die après le lancement, le 4 avril, d’une offensive de l’Armée nationale libyenne menée par le général Khalifa Haftar contre le Gouvernement d’union nationale du Premier ministre Faiez Mustafa Serraj. M. Salamé n’a cessé de dénoncer une violation massive de l’embargo sur les armes et l’arrivée de mercenaires étrangers. La MANUL a été prorogée d’un an, avec un mandat légèrement modifié pour soutenir tout processus de paix dont pourraient convenir les parties libyennes. L’Union africaine et les membres africains du Conseil -le « A3 »- ont demandé avec une insistance croissante que l’organisation continentale soit davantage associée aux tentatives de paix.
Le 18 janvier, M. Salamé, tout aux préparatifs de la future conférence nationale, avertissait le Conseil que, sans un leadership national uni en Libye, les efforts resteraient vains et les gains, fragiles et réversibles. Il énumérait les dysfonctionnements de l’État libyen et refusait d’annoncer la date et le lieu de la future conférence. Les membres du Conseil se montraient impatients de la voir se tenir au début de l’année, pour la faire suivre d’élections présidentielle et législatives dès le printemps. Certains se disaient prêts à imposer des sanctions aux « trouble-fête » dénoncés par le Représentant spécial.
Le 20 mars, M. Salamé répétait que la Conférence nationale, fixée du 14 au 16 avril à Ghadamès, serait une « occasion cruciale » de mettre fin à une période de transition de huit ans et à une situation qui avait atteint un « point critique ». Si l’occasion n’est pas saisie, il n’y aura que deux options possibles: l’impasse ou le conflit, avertissait-il. Il précisait que le Premier Ministre et le général Haftar s’étaient entendus sur les grandes lignes des institutions et le processus électoral.
Le 4 avril, le général Haftar lançait son attaque sur Tripoli. « J’ai passé les deux dernières années à éviter d’avoir à présenter le rapport que je présente aujourd’hui », déclarait le 21 mai, M. Salamé, en décrivant une Libye sur le point de « sombrer dans une guerre civile qui pourrait aboutir à une division permanente du pays ». Le Chef de la MANUL dénonçait un afflux d’armes « de tous les côtés », « une violation flagrante et documentée à la télévision » de l’embargo établi en 2011. Le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, Smaïl Chergui, parlait d’un pays transformé en « champ de bataille » du fait d’une ingérence étrangère « toxique et inédite » utilisant les acteurs locaux pour « promouvoir son propre agenda national ».
Le 10 juin, la résolution 2473 (2019) reconduisait pour 12 mois l’autorisation, donnée initialement aux États par la résolution 2292 (2016), de faire inspecter, en haute mer, les navires à destination ou en provenance de la Libye soupçonnés de violer l’embargo sur les armes, et de les arraisonner si les soupçons étaient avérés. L’Afrique du Sud s’inquiétait néanmoins de l’efficacité de la mesure, du fait de la suspension depuis la fin du mois de mars des moyens navals de l’opération SOPHIA de l’Union européenne.
Alors que les combats menaçaient de gagner tout le pays, M. Salamé proposait le 29 juillet au Conseil trois mesures pour éviter que la Libye ne sombre dans une « guerre civile totale »: l’instauration d’une trêve humanitaire à l’occasion de l’Eïd al-Adha, vers le 10 août, la convocation d’une conférence internationale et la tenue d’une réunion intralibyenne de représentants issus de toutes les régions du pays. Le représentant libyen dénonçait l’inaction du Conseil face aux atrocités commises, affirmant que, « s’il avait pris des mesures fortes, l’attaque de Tripoli ne se serait jamais produite ».
Le 10 août, le Conseil se réunissait d’urgence pour condamner un attentat à la voiture piégée commis le jour même à Benghazi, dans lequel trois membres du personnel de la MANUL avaient été tués. La Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Bintou Keita, y voyait la confirmation du vide créé dans le pays par la reprise des combats et dans lequel les éléments les plus radicaux pouvaient s’engouffrer. Mme Keita apportait toutefois une bonne nouvelle: le Premier Ministre et le général Haftar avaient accepté la trêve humanitaire proposée par M. Salamé. Elle devait prendre effet le soir même.
La trêve a tenu tant bien que mal et, le 4 septembre, M. Salamé exhortait le Conseil à surmonter ses divisions et à soutenir davantage les perspectives de cessez—le-feu prolongé qu’elle avait ouvertes. « Cet auguste Conseil est capable de faire plus », affirmait-il, avant de demander que le mandat de la MANUL, qui devait être renouvelé avant le 15 septembre, soit amendé pour permettre à la Mission d’appuyer toute forme de trêve ou de cessation des hostilités convenue entre les parties. L’Afrique du Sud demandait une coopération plus étroite entre l’ONU, l’Union africaine et la Ligue des États arabes.
Dans sa résolution 2486 (2019) du 12 septembre, le Conseil accédait à la demande du Chef de la MANUL et reconduisait la Mission pour un an, en ajoutant à son mandat la notion d’« appui modulable » à toute forme de trêve ou de cessation des hostilités qui serait convenue entre les parties. Il appelait aussi à un « cessez-le-feu durable » et à un dialogue politique sous la direction du Représentant spécial. Il demandait à tous les États Membres de « ne pas intervenir » dans le conflit et de ne prendre aucune mesure susceptible de l’aggraver.
La présence étrangère « de plus en plus évidente de combattants, mercenaires et entreprises militaires privées » était une nouvelle fois dénoncé le 18 novembre par M. Salamé, de même que la poursuite des violations de l’embargo sur les armes. Le « A3 » appelait à un cessez-le-feu durable et demandait de nouveau la nomination d’un envoyé spécial conjoint Union africaine-ONU, comme elle l’avait fait lors de réunions thématiques, les 26 septembre et 30 octobre.
Par ailleurs, à deux reprises, le 8 mai puis le 6 novembre, le Conseil entendait la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda. À chaque fois celle-ci déplorait que les enquêtes ouvertes dans le pays par ses services restent au point mort, les mandats d’arrêt visant les trois suspects recherchés n’étant toujours pas exécutés. Elle rappelait notamment que deux des trois intéressés, Saïf al-Islam Qadhafi et Mahamoud Mustafa Busayf Al-Werfalli, vivaient notoirement en Libye, le second ayant même reçu pendant l’été une promotion au sein des forces du général Khalifa Haftar. En mai, la Libye attribuait la lenteur des enquêtes et des arrestations à la « précarité » de la situation et affirmait que la résolution 1970 (2011), ne contraignait de toute façon pas les États à livrer les suspects à la CPI. En novembre, le représentant de la Libye affirmait que les trois personnes ne « vivaient plus sur le sol libyen ». Au sein du Conseil, les États soutenant la Cour pénale internationale dénonçaient cette impunité persistante.
Sahara occidental
- 2 séances publiques : 30 avril, 30 octobre
- 2 résolutions: 2468(2019), 2494(2019)
Après trois renouvellements semestriels du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un referendum au Sahara occidental (MINURSO), en 2018 et en avril 2019, le Conseil a renoué fin octobre avec les reconductions annuelles. Toutefois, pas plus qu’en 2018, ces renouvellements n’ont pu être acquis à l’unanimité: par deux fois, la Fédération de Russie et l’Afrique du Sud se sont abstenues, notamment parce qu’elles jugeaient le texte des résolutions « déséquilibré ».
Le 30 avril, les membres du Conseil se félicitaient de la réunion tenue en décembre 2018 à Genève, qui avait réuni pour la première fois depuis 2012 le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie et la Mauritanie pour des discussions directes, avant une nouvelle table ronde en mars 2019. Toutefois, outre les deux abstentions de la Fédération de Russie et de l’Afrique du Sud lors du vote sur la prorogation du mandat de la Mission, la France s’opposait une nouvelle fois aux États-Unis, pays porte-plume, sur la durée du renouvellement. Pour les États-Unis, la MINURSO, comme toute opération de paix, devrait être évaluée en fonction de sa capacité à soutenir une solution politique et le renouvellement semestriel permettait d’exercer une pression en ce sens. En revanche, la France estimait que l’existence et le mandat de la Mission ne devaient pas être conditionnés par de tels progrès, le rôle de la Mission étant, par son existence, de créer sur le terrain les conditions propices à la bonne tenue des discussions politiques. Soutenue par la Guinée équatoriale et la Côte d’Ivoire, elle réclamait pour octobre un retour à des renouvellements de 12 mois, qui « doivent rester la norme et ceux de six mois, l’exception ».
Le 30 octobre, les partisans du renouvellement annuel obtenaient satisfaction, puisque la résolution 2494 (2019) prorogeait le mandat jusqu’au 31 octobre 2020. Les États-Unis avertissaient toutefois que ce retour au cycle annuel ne « signifiait pas le retour au statu quo ».
Consolidation de la paix en Afrique de l'Ouest
- 3 séances publiques: 10 janvier, 24 juillet, 7 août
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/7
Voir aussi: Missions du Conseil de sécurité; Paix et sécurité en Afrique; Afrique centrale; Consolidation et pérennisation de la paix, Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales, Terrorisme, Guinée-Bissau; Mali
Dirigé par le Représentant spécial du Secrétaire général Mohamed Ibn Chambas, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) a fait l’objet à la fin de l’année d’un examen stratégique. Dans un contexte marqué par une succession d’élections réussies mais une insécurité croissante au Sahel, le Bureau a reçu une charge croissante, y compris avec la perspective du transfert de compétences du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS), qui devrait fermer fin 2020.
Le 10 janvier, M. Chambas notait avec satisfaction le bon déroulement de toute une série d’élections dans la région au cours des six mois précédents. Mais il s’inquiétait d’une montée de l’insécurité, qu’elle soit due à Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, aux jihadistes au Sahel ou encore à des affrontements intercommunautaires de plus en plus sanglants. Les membres du Conseil soutenaient le travail de l’UNOWAS, tout en appelant à une délimitation très claire des tâches qui lui incombaient.
Malgré de nouveaux cycles électoraux réussis, la menace du terrorisme dominait la séance du 24 juillet, du fait d’une extension géographique inquiétante. La France parlait d’une « véritable course contre la montre » pour la stabilisation de la région et préconisait en particulier une mise en œuvre urgente de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Étaient également jugées inquiétantes l’intensification des violences intercommunautaires au Nigéria, au Burkina Faso et au Mali et la situation humanitaire qui résultait de toute cette insécurité. « Le chemin de la consolidation démocratique dans la région n’a pas été facile et ne peut être tenu pour acquis », résumait M. Chambas.
Dans une déclaration présidentielle adoptée le 7 août, le Conseil se félicitait du bon déroulement d’une série d’élections et s’inquiétait de la détérioration constante des conditions de sécurité et de la situation humanitaire dans les pays du Sahel. Il exprimait son plein appui au Représentant spécial et à l’UNOWAS et notait que le Bureau était de plus en plus sollicité. Il soulignait l’importance de lui fournir un appui accru et des ressources suffisantes.
Par ailleurs, le Conseil a effectué deux missions dans des pays de la région.
Le 26 février, les représentants de la Guinée équatoriale et de la Côte d’Ivoire présentaient à leurs collègues le compte rendu d’une mission effectuée du 13 au 17 février par le Conseil en Côte d’Ivoire, au Libéria et en Guinée-Bissau, pour y évaluer les efforts de consolidation de la paix. Les deux intervenants présentaient les expériences des divers pays. Le représentant ivoirien mettait en avant le triptyque « relance économique, reconstruction nationale et réconciliation nationale » adopté par son pays et parlait de « remarquables progrès » réalisés depuis 2011, malgré les « regards impatients » de certains acteurs internationaux. Il leur opposait les « énormes défis » auxquels continuait de se heurter le Libéria. Le représentant de la Guinée équatoriale évoquait pour sa part la situation en Guinée-Bissau, toujours hôte d’une mission politique spéciale et en plein cycle électoral.
Une mission du Conseil au Mali et au Burkina Faso, du 21 au 26 mars, donnait lieu à un compte rendu le 27 mars. Les représentants de la France, de l’Allemagne et de la Côte d’Ivoire y présentaient les activités menées dans un triple cadre: témoigner du soutien du Conseil à la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation de 2015 au Mali; évaluer l’état d’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel; et mesurer la détérioration de la situation sécuritaire au Burkina Faso.
Guinée-Bissau
- 3 séances publiques: 28 février, 10 septembre, 4 novembre
- 1 résolution: 2458(2019)
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/13
Voir aussi: Consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest, Missions du Conseil de sécurité, Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales
Le Conseil a examiné deux aspects très liés de la situation dans le pays: le cycle électoral, avec des législatives en mars et la présidentielle prévue initialement au printemps puis reportée au 24 novembre, et l’avenir du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS), qui lui était étroitement associé. Le Président de la formation Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), Mauro Vieira (Brésil), a participé aux réunions d’information.
Dans la ligne de l’examen stratégique du Bureau mené à l’automne 2018 et après une mission dans le pays début février, le Conseil décidait par sa résolution 2458 (2019) du 28 février, de proroger le BINUGBIS jusqu’au 28 février 2020, mais en lui imposant une évolution en plusieurs phases devant mener à sa fermeture au plus tard le 31 décembre 2020. Toutefois, le Conseil précisait que la restructuration du BINUGBIS ne devrait « avoir lieu qu’une fois achevé le cycle électoral en 2019 », lequel restait prioritaire.
Les élections législatives de mars ont suscité des tensions mais un Gouvernement était formé en juillet et un accord conclu sur une prorogation du Président Viaz, dont le mandat avait expiré fin juin, jusqu’à l’élection présidentielle prévue avant la fin de l’année. Le Conseil prenait note de ce compromis politique dans sa déclaration présidentielle du 7 août relative à la consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest et demandait de nouveau au BINUGBIS de réduire progressivement ses effectifs et de transférer des tâches à l’UNOWAS.
Ceci a permis aux membres du Conseil d’afficher un optimisme prudent lors de la présentation faite le 10 septembre par la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Bintou Keita et de juger « crédible » le délai fixé pour le retrait du Bureau. La Fédération de Russie jugeait en outre venu le moment de lever les sanctions imposées depuis 2012. Le Royaume-Uni s’y disait lui aussi disposé. La France présentait toutefois comme condition sine qua non à cette levée la bonne tenue du scrutin présidentiel de novembre.
Or, le 28 octobre, le Président renvoyait son gouvernement au motif de malversation du Premier Ministre, menaçant le calendrier électoral. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) rejetait la mesure comme « illégale ». Le 4 novembre, le Conseil publiait une déclaration présidentielle par laquelle il apportait un « appui sans réserve » à la position de la CEDEAO. Le Conseil appelait l’attention des acteurs politiques du pays sur « la nécessité de tenir l’élection présidentielle le 24 novembre 2019 comme convenu, afin de conclure le cycle électoral » et permettre ainsi une passation pacifique du pouvoir à un président élu. Le premier tour de l’élection s’est tenu dans le calme à la date prévue et le second tour, le 29 décembre.
Mali
- 7 séances publiques: 16 janvier, 29 mars, 3 avril, 12 juin, 28 juin, 29 août, 8 octobre
- 2 résolutions: 2480 2019), 2484 (2019)
- 1 déclaration présidentielle : PRST/2019/2
Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique, Consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest, Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales, Opérations de paix des Nations Unies, Terrorisme
La sécurité au Mali « a une incidence sur l’ensemble du Sahel, qui à son tour affecte la stabilité mondiale », déclarait en mars le Secrétaire général. Influencée par ce que la Fédération de Russie appelait à plusieurs reprises « le facteur libyen », la situation au Mali s’est en effet trouvée de plus en plus liée à la lutte contre le terrorisme au Sahel et aux efforts de la Force conjointe du G5 Sahel. Sur le plan national, le Conseil a continué de s’impatienter face aux retards dans la mise en œuvre de l’Accord de 2015 pour la paix et la réconciliation au Mali. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), dirigée par Mahamat Saleh Annadif, a été reconduite pour un an pour aider à l’application de l’Accord mais aussi au rétablissement de la présence de l’État dans le centre du pays, particulièrement affecté par l’insécurité.
Le 16 janvier, la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Bintou Keita, saluait la dynamique constructive des relations entre les parties depuis l’élection présidentielle de l’été 2018 et l’accent mis sur l’application de l’Accord de paix. Plusieurs membres du Conseil se félicitaient des efforts en matière de désarmement, démobilisation et réintégration. Toutefois, c’est la mise en œuvre pleine et entière de l’Accord qui restait la « priorité des priorités », et notamment le redéploiement de la présence et de l’autorité de l’État dans le centre du pays. Celle-ci passait aussi par le renforcement des capacités nationales en matière de sécurité.
Le 29 mars, après un massacre de villageois près de Mopti, le ton état beaucoup plus alarmiste. Le Secrétaire général avertissait un Conseil réuni au niveau ministériel des risques élevés de voir la situation dégénérer « au point de donner lieu à des atrocités » et appelait au renforcement de la riposte des forces maliennes et internationales, tout en insistant sur la « menace grandissante » qui pesait sur le Burkina Faso voisin. Même s’ils les reconnaissaient, plusieurs membres du Conseil jugeaient insuffisants les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. Les États-Unis estimaient qu’il était temps de se demander si, dans un tel environnement, une mission de maintien de la paix constituait la solution appropriée aux problèmes. La France affirmait que le sursaut attendu par le Conseil « avait bien eu lieu », ajoutant que le rôle stabilisateur de la MINUSMA permettait à l’opération française Barkhane de lutter contre le terrorisme. La Côte d’Ivoire jugeait « capitale » l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel et demandait un soutien international. Le Premier Ministre malien avertissait que tout mouvement de retrait de la MINUSMA serait interprété comme un signe de faiblesse par les ennemis communs.
Le 3 avril, le Conseil publiait une déclaration présidentielle, dans laquelle il prenait bonne note de certains progrès dans l’exécution de l’Accord de paix mais « regrettait vivement » les retards prolongés, qui concouraient à « un vide politique et sécuritaire » mettant en péril la sûreté et la sécurité du Mali, ainsi que la viabilité même de l’Accord. Il encourageait l’adoption par les parties maliennes d’une feuille de route révisée avec un calendrier « clair, réaliste et contraignant », portant sur un nombre restreint de priorités. Le Conseil demandait aussi au Secrétaire général de lui présenter des options en vue d’une « adaptation notable » de la MINUSMA, suffisamment tôt pour lui donner le temps de les examiner avant l’expiration du mandat de la Mission, le 30 juin.
Le 12 juin, M. Annadif présentait au Conseil les options du Secrétaire général. Il proposait que la Mission se limite aux projets qui contribuent directement à la mise en œuvre de l’Accord dans le Nord ou qui répondent à des besoins particuliers dans le Centre. L’appui apporté aux Forces de défense et de sécurité maliennes serait désormais fourni par l’équipe de pays plutôt que par la Mission. L’appui de cette dernière à la Force conjointe du G-5 Sahel devait continuer d’aller de pair avec la mise en place d’un cadre réglementaire visant à faire respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire. La Force de la Mission devait se montrer plus agile et plus proactive, et acquérir une plus grande marge de manœuvre. Les États-Unis répétaient que le statu quo n’était pas tenable. La France soutenait le projet mais demandait des résultats dans la mise en œuvre de l’Accord, sous peine des sanctions que la Fédération de Russie rejetait d’avance.
Le 28 juin, par sa résolution 2480 (2019), le Conseil prorogeait à l’unanimité le mandat de la MINUSMA jusqu’au 30 juin 2020, avec les mêmes effectifs en uniforme. La principale priorité stratégique de la Mission demeurait l’appui à la mise en œuvre de l’Accord mais la Mission s’en voyait confier une seconde, consistant à faciliter l’application d’une stratégie globale dirigée sur le plan politique par le Mali afin de protéger les civils, de réduire les violences intercommunautaires et de rétablir l’autorité et la présence de l’État ainsi que les services sociaux de base dans le centre du pays. La résolution autorisait également une certaine extension de la fourniture de biens de la MINUSMA à la Force conjointe du G5 Sahel opérant hors du territoire malien telle que prévue par la résolution 2391 (2017).
Le 29 août, par sa résolution 2484(2019), le Conseil réitérait sa « vive impatience » face aux « retards persistants » dans l’application intégrale de dispositions clefs de l’Accord de paix et reconduisait pour un an le régime de sanctions existant, sans changement. Il constatait certes un « certain degré de volonté politique » dans la mise en œuvre de l’Accord, mais l’associait aux pressions internationales et notamment à la perspective de sanctions, estimant que celles-ci avaient joué un « rôle important dans l’obtention de ces résultats positifs ».
La séance du 8 octobre révélait peu de changements, sinon un « malaise » dans le climat politique malien, que le Représentant spécial jugeait aggravé par la volonté du Gouvernement de revoir certaines dispositions de l’Accord de paix, alors que la sécurité se dégradait encore dans le centre. La Côte d’Ivoire plaidait pour un soutien du Conseil au renforcement des capacités logistiques et opérationnelles des Forces armées maliennes, mais les États-Unis rappelaient que la MINUSMA était une mission de maintien de la paix et non une mission de lutte contre le terrorisme. En outre, ils répétaient qu’ils ne pourraient continuer à soutenir longtemps la Mission si les parties refusaient de mettre pleinement en œuvre leur propre Accord.
Afrique centrale
- 3 séances publiques: 4 juin, 12 septembre, 6 décembre
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/10
Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique, République centrafricaine, Terrorisme
Le Conseil de sécurité a examiné en juin et septembre les rapports semestriels du Secrétaire général sur la situation dans la région, toujours instable, et les activités du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), dirigées par son Représentant spécial, François Lounceny Fall. Le Conseil a réitéré son soutien au Bureau, notamment à ses efforts de médiation dans plusieurs pays qui ne sont pas inscrits à son ordre du jour mais qui connaissent des tensions, comme le Cameroun.
Le 4 juin, le Représentant spécial décrivait une situation instable et très tendue du fait des récentes élections, des problèmes liés au terrorisme de Boko Haram ou à la criminalité de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et des difficultés rencontrées dans le domaine des droits de l’homme. Il s’inquiétait aussi de l’aggravation des affrontements intercommunautaires meurtriers entre pasteurs et agriculteurs, ainsi que de la persistance de crises humanitaires, liées notamment à la présence dans plusieurs pays de réfugiés centrafricains. Il notait les difficultés auxquelles se heurtait l’application de l’Accord de paix conclu le 6 février en République centrafricaine. La situation au Cameroun inquiétait plusieurs membres du Conseil, mais la Chine faisait remarquer qu’elle ne figurait pas à l’ordre du jour.
La séance du 6 décembre apportait peu de changements, sinon quelques explications sur le « dialogue national organisé au Cameroun quelques semaines plus tôt, dont se félicitait le « A3 » et que le Royaume-Uni et les États-Unis souhaitait voir se concrétiser au plus vite.
Entre temps, dans une déclaration présidentielle publiée le 12 septembre, le Conseil exprimait son plein appui au BRENUAC et au Représentant spécial dans l’exercice de leur mandat, se félicitant en outre du rôle du Bureau dans la facilitation d’un « dialogue politique ouvert hors du cadre de la mission » dans plusieurs États de la région pour promouvoir la stabilité, aider à consolider la paix, apaiser les tensions et prévenir ou atténuer les crises politiques. Il se félicitait aussi des recommandations du Secrétaire général visant à renforcer les activités du BRENUAC en matière d’alerte rapide, d’analyse des questions de genre, de bons offices, « en particulier jusqu’au prochain cycle électoral », de partenariat avec la société civile et de coopération avec les organisations sous-régionales et les équipes de pays des Nations Unies, « principales priorités à mettre en œuvre par le Bureau durant le reste de son mandat ».
République centrafricaine (RCA)
- 7 séances publiques: 31 janvier, 21 février, 9 avril, 20 juin, 12 septembre, 25 octobre, 15 novembre
- 3 résolutions: 2463 (2019), 2488 (2019), 2499 (2019)
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/3
Voir aussi: Afrique centrale, Région des Grands Lacs
La signature, le 6 février à Bangui, de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation entre le Gouvernement et 14 groupes armés, à l’issue de pourparlers tenus à Khartoum et facilités par l’Union africaine et l’ONU, a été présentée comme un grand espoir de paix mais sa mise en œuvre effective s’est révélée très lente. En novembre, le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) a été renouvelé pour un an dans les mêmes termes avec toutefois une priorité supplémentaire: l’assistance électorale en vue des scrutins prévus en 2020 et 2021.
Le 31 janvier, le Conseil prorogeait jusqu’au 31 janvier 2020 l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine, ainsi que les sanctions individuelles frappant les personnes ou entités désignées par son Comité des sanctions. Toutefois, la résolution 2463 (2019) ouvrait une perspective d’évolution du régime de l’embargo. En effet, le Conseil exprimait son intention de définir, avant le 30 avril, des « objectifs de référence clairs et précis » qui seraient liés à la réforme du secteur de la sécurité, au processus de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement (DDRR) et à la gestion des armes et munitions. Il demandait au Secrétaire général d’évaluer les progrès accomplis en ce sens avant le 31 juillet et annonçait qu’il réexaminerait les mesures d’embargo sur les armes avant le 30 septembre.
Le 21 février, pour sa dernière intervention en tant que Chef de la MINUSCA, Parfait Onanga-Anyanga qualifiait l’Accord du 6 février d’« opportunité réelle de tourner le dos, définitivement, à une histoire douloureuse ». Il appelait toutefois à rester lucide et vigilant, jugeant la situation toujours grave. L’importance du résultat obtenu était largement soulignée. Le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine y voyait un « exemple parfait » du partenariat entre l’ONU et l’UA et une réussite du multilatéralisme. Le Président de la formation RCA de la Commission de consolidation de la paix appelait le Conseil à lancer un signal fort pour l’accompagnement de l’Accord en avertissant que la fenêtre d’opportunité risquait de se refermer rapidement en raison de la proximité des élections présidentielle et législatives.
Le 9 avril, le Conseil publiait une déclaration présidentielle dans laquelle il se félicitait de la signature de l’Accord de Bangui. Il saluait les « efforts considérables accomplis par les autorités centrafricaines » pour faire progresser la réforme du secteur de la sécurité. Il rappelait ses intentions exprimées dans sa résolution 2463 (2019) de réexaminer les mesures d’embargo sur les armes, soit pour les suspendre, soit pour les lever progressivement, en fonction de l’état d’avancement dans la réalisation d’une série d’objectifs de référence qu’il énumérait.
Malgré la formation d’un nouveau Gouvernement plus inclusif, la mise en œuvre de l’Accord de Bangui n’allait pas de soi. Le 20 juin, le nouveau Chef de la MINUSCA, Mankeur Ndiaye, faisait état de 50 à 70 violations de l’Accord chaque semaine, souvent des attaques meurtrières de groupes armés contre la population civile. Le succès de l’Accord politique dépendra avant tout de la volonté « inébranlable » des parties de mettre fin à toute forme de violence et de privilégier le dialogue, ajoutait-il. La France appelait la communauté internationale à s’engager pleinement et de manière coordonnée pour soutenir l’Accord sur le plan politique ou financier. L’Union africaine préconisait le lancement d’un programme de réhabilitation des infrastructures. L’Union européenne mettait en avant l’étape « cruciale » des élections prévues en 2020-2021 pour consolider les acquis démocratiques. Les États-Unis se disaient prêts à prendre les mesures qui s’imposent contre ceux qui continuaient de violer l’Accord.
Le 12 septembre, le Conseil, comme il l’avait annoncé, adaptait son embargo sur les armes imposées aux autorités centrafricaines. La résolution 2488 (2019) ajoutait aux différents cas d’exemptions existants déjà -notamment pour la MINUSCA- les livraisons d’armes de petit calibre destinées aux forces de sécurité centrafricaines « devant être utilisées exclusivement aux fins de la réforme du secteur de la sécurité ou de l’appui à celle-ci », et ce, jusqu’au 31 janvier 2020.
Le 25 octobre, M. Ndiaye venait recommander au Conseil d’appuyer une « posture robuste » de la MINUSCA face à ceux qui continuaient de commettre de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et d’entraver les efforts de stabilisation, dont l’Accord de Bangui constituait le « seul cadre de référence ». À l’approche des élections prévues entre décembre 2020 et février 2021, le Représentant spécial demandait que la Mission soit dotée d’un mandat et de ressources adéquates. Au nom du « A3 », la Côte d’Ivoire insistait sur l’urgence d’un renforcement de la sécurité et de la protection des civils, évoquant « un sentiment de méfiance » de la population envers l’Accord, en raison des incidents.
La résolution 2499 (2019) adoptée le 15 novembre reconduisait jusqu’au 15 novembre 2020 le mandat de la MINUSCA, avec le même objectif stratégique, fixé par la résolution 2448 (2018), d’aider à créer les conditions politiques, de sécurité et institutionnelles qui permettent de « réduire durablement la présence de groupes armés et la menace qu’ils représentent ». Elle précisait que la Mission devait notamment apporter un « appui politique, technique et opérationnel à la mise en œuvre de l’Accord de paix ». En outre, la résolution confiait à la MINUSCA un mandat visant à aider les autorités de la RCA à « préparer et à organiser des élections présidentielle, législatives et locales pacifiques en 2020 et 2021 ».
Région des Grands Lacs
- 2 séances publiques: 26 mars, 3 octobre
Voir aussi: République démocratique du Congo, Burundi, Soudan du Sud, République centrafricaine
Dans un contexte de changements positifs intervenus dans la région ou ses abords immédiats –République démocratique du Congo (RDC), République centrafricaine, Soudan du Sud– l’application intégrale de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération est apparue aux membres du Conseil comme la « pierre angulaire d’une paix et d’une stabilité durable » pour la région.
Au terme de cinq années comme Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, Saïd Djinnit dressait le 26 mars un bilan de son action. Il se félicitait des évolutions récentes mais mettait en garde contre la présence continue de « forces négatives » dans l’est de la RDC, qui perpétuait l’insécurité et les tensions entre certains pays, du fait « d’interférences transfrontalières » ou encore de l’exploitation et du commerce illicites continus de ressources naturelles. M. Djinnit insistait notamment sur la pleine application de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, dans lequel la France voyait un « catalyseur d’action » encore insuffisamment utilisé. Si la Fédération de Russie et la Chine rappelaient l’importance de trouver « des solutions africaines aux problèmes africains », la Côte d’Ivoire appelait la communauté internationale à accroître son appui aux États de la région pour assurer la mise en œuvre intégrale de l’Accord-cadre. Plusieurs des membres du Conseil se félicitaient de la stabilisation que semblait annoncer la passation pacifique du pouvoir en RDC en début d’année et les premières initiatives de normalisation régionale du nouveau Président Felix Tshisekedi.
Malgré la poursuite de l’insécurité et de l’épidémie d’Ebola dans l’est de la RDC, c’est un constat optimiste que présentait au Conseil, le 3 octobre, le nouvel Envoyé spécial, Huang Xia, qui décrivait une région « résolument engagée dans sa marche vers la stabilité » et estimait qu’il existait « une opportunité importante de s’attaquer aux causes profondes » des troubles. Outre la mise en œuvre intégrale de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, plusieurs des membres du Conseil mettaient également en avant l’importance de la coopération économique régionale. Dans un contexte marqué par l’examen prochain de l’avenir de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et des élections prévues au Burundi en 2020, la Belgique jugeait crucial de « disposer au plus tôt d’une approche onusienne concertée pour la région des Grands Lacs ».
République démocratique du Congo - RDC
- 7 séances publiques: 11 janvier, 18 mars, 29 mars, 26 juin, 24 juillet, 9 octobre, 19 décembre
- 3 résolutions: 2463 (2019), 2478 (2019), 2502 (2019)
Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique; Région des Grands Lacs; Opérations de paix des Nations Unies; Missions du Conseil de sécurité
Après la dissipation des incertitudes exprimées en janvier sur les résultats de l’élection présidentielle, tenue le 30 décembre 2018 après deux années de report, le Conseil a oscillé entre inquiétudes et espoirs, lesquels l’emportaient en fin d’année. Prorogée une première fois pour une période de neuf mois en mars, la MONUSCO l’a été de nouveau, pour un an, le 19 décembre, par une résolution qui entrouvrait la porte à une stratégie de retrait soumise à d’importantes conditions.
« Les prochains jours seront déterminants pour la conclusion de ce processus électoral historique », déclarait le 11 janvier la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la RDC et Chef de la MONUSCO, Leila Zerrougui, alors que la Conférence épiscopale nationale du Congo contestait les chiffres officiels publiés la veille par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Plusieurs membres du Conseil demandaient que la CENI publie des résultats ventilés, ce que celle-ci refusait, soutenue par l’Afrique du Sud et la Fédération de Russie. Cette dernière demandait que la MONUSCO respecte « scrupuleusement » son mandat.
Le 18 mars, Mme Zerrougui notait devant le Conseil que l’investiture du Président Felix Tshisekedi, certes contestée par une frange de l’opposition, avait été accueillie « avec soulagement » par la majorité des Congolais. Elle voyait dans le processus électoral une « étape décisive » vers le renforcement de la démocratie et de l’état de droit en RDC. Plusieurs membres du Conseil se félicitaient des premières mesures d’ouverture politique du nouveau Président.
Satisfaction face à l’ouverture politique du nouveau Président à l’intérieur et dans la région et préoccupations face aux violences et à l’épidémie d’Ebola dans l’est du pays domineraient également les discours lors des réunions du 24 juillet et du 9 octobre.
La réunion du 18 mars avait vu plusieurs membres du Conseil soutenir l’appel du Secrétaire général à réorienter les priorités de la MONUSCO vers l’est du pays, toujours en proie à des « violences structurelles », et à en proroger le mandat pour une nouvelle période d’un an, jusqu’au 31 mars 2020, pour « essentiellement assurer une transition pacifique à tous les niveaux de gouvernement, continuer de mettre en œuvre une approche globale de la protection des civils et des droits de la personne et resserrer la coopération régionale, en particulier sur la question des groupes armés étrangers ».
Le 29 mars, c’est toutefois pour neuf mois, jusqu’au 20 décembre, que le Conseil reconduisait à l’unanimité le mandat de la MONUSCO par sa résolution 2463 (2019) avec la double priorité stratégique d’assurer la protection des civils et d’appuyer la stabilisation et le renforcement des institutions de l’État en RDC ainsi que les principales réformes de la gouvernance et de la sécurité. Le Conseil, qui « félicitait le peuple congolais pour son comportement pendant les élections », demandait en outre au Secrétaire général de mener un nouvel examen stratégique indépendant de la Mission et de lui en présenter avant le 20 octobre les résultats dans un rapport qui devait aussi comprendre « un plan de retrait échelonné, progressif et exhaustif ». La France voyait dans ce « mandat intérimaire » le moyen de réfléchir à un désengagement progressif de la Mission, déployée il y a près de 20 ans et dont le représentant de la Côte d’Ivoire rappelait qu’elle n’avait « pas vocation à s’éterniser ».
Le rapport était adressé fin octobre au Conseil et c’est en consultations que ce dernier l’examinait le 13 novembre.
Le 19 décembre, par sa résolution 2502 (2019), le Conseil décidait de proroger pour un an, jusqu’au 20 décembre 2020, le mandat de la Mission avec les mêmes priorités stratégiques et des effectifs en uniforme réduits d’environ 2 200 Casques bleus mais augmentés de 200 policiers. La Brigade d’intervention rapide était maintenue.
La résolution abordait la question de la « stratégie de retrait », et « prenait note » en ce sens des recommandations de l’examen stratégique « pour une transition réussie et progressive et un retrait responsable » de la Mission, notamment celle de « consacrer un minimum incompressible de trois années à la période de transition », avec comme condition supplémentaire que le Gouvernement de la RDC « mène les réformes qu’il a annoncées en vue de remédier aux causes structurelles du conflit ». La résolution ajoutait qu’en tout état de cause, le calendrier provisoire de retrait devrait « demeurer souple » et tenir compte des « conditions de sécurité sur la base de leur observation continue » et de « seuils critiques justifiant la suspension de la transition ». Le texte insistait en outre sur la nécessité d’un transfert progressif des tâches de la MONUSCO au Gouvernement et à l’équipe de pays, ainsi que sur l’importance d’un dialogue avec le Gouvernement sur la transition. Le Secrétaire général était prié de mettre en place avec le Gouvernement de la RDC une stratégie commune avec des objectifs mesurables et de la présenter au Conseil avant le 20 octobre 2020.
Par ailleurs, le Conseil a, le 26 juin, par sa résolution 2478 (2019), reconduit jusqu’au 1er juillet 2020 le régime de sanctions imposées en RDC, et jusqu’au 1er août 2020 le mandat du Groupe d’experts de son Comité chargé de surveiller l’application de ce régime.
Burundi
- 3 séances publiques: 19 février, 14 avril, 30 octobre
Voir aussi: Région des Grands lacs
Les trois séances que le Conseil a consacrées à la situation au Burundi ont porté sur l’environnement dans lequel s’organisait la préparation de l’élection présidentielle de 2020. Le représentant du Burundi n’a cessé de réclamer le retrait de son pays de l’ordre du jour du Conseil, appuyé par la Fédération de Russie. En novembre, l’Envoyé spécial du Secrétaire général, Michel Kafando, a annoncé son départ. Le Président de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, Jürg Lauber, a participé à toutes les séances du Conseil.
Le 19 février, M. Kafando notait que la décision du Président Pierre Nkurunziza, annoncée en décembre 2018, de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2020 et la reconnaissance officielle, en février, du nouveau parti politique d’opposition « Congrès national pour la liberté », pourraient contribuer à l’ouverture de l’espace politique du pays. L’Union africaine rappelait que le dialogue inclusif intraburundais restait « la seule option viable » pour un règlement durable de la crise politique, mais relevait que celui-ci n’avait « pas encore produit les dividendes espérés ». Les membres du Conseil les plus réservés notaient, à l’image de la France, du Royaume-Uni ou de la Belgique, les signes d’une « possible sortie de crise » mais demandaient des « gestes supplémentaires et concrets » en matière de respect des droits de l’homme. Le représentant du Burundi répétait que la tenue par le Conseil de réunions « en cascade » sur son pays pourrait devenir un facteur de déstabilisation et la Fédération de Russie la jugeait « contre-productive ».
La séance de 14 avril confirmait les mêmes tendances et l’attention accordée aux futures élections. Le représentant du Burundi parlait d’une multiplication des gestes d’apaisement de son gouvernement, favorisant « un climat propice à la tenue des élections ». Il se félicitait en outre d’un retour « massif et volontaire » des réfugiés ayant fui le pays en 2015. Toutefois, le Sous-Secrétaire général chargé du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, Oscar Fernandez-Taranco, décrivait un contexte préoccupant à plusieurs égards et le Commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité, Smaïl Chergui, estimait que « l’horizon se ferme à mesure que l’année des élections approche ».
Le 30 octobre, M. Kafando annonçait au Conseil qu’il cessait ses fonctions d’Envoyé spécial, en regrettant que les espoirs nés de son unique rencontre avec le Président burundais, deux ans et demi plus tôt, « n’aient malheureusement pas encore abouti ». Le rapport du Secrétaire général qu’il présentait notait une amélioration de la sécurité mais une situation des droits de l’homme toujours préoccupante. L’Afrique du Sud et la Guinée équatoriale mettaient en avant « l’esprit de réconciliation et de tolérance » dans le pays, que contestaient les États-Unis et les membres européens du Conseil. La Chine et la Fédération de Russie ne voyaient rien dans la situation au Burundi qui menaçât la paix et la sécurité internationales et appuyaient la demande de son représentant burundais visant le retrait de son pays de l’ordre du jour « déjà surchargé » du Conseil. Les États-Unis et les membres européens insistaient au contraire sur la « nécessité absolue » de conserver le Burundi au programme à l’approche des élections et compte tenu de l’environnement précaire.
Somalie
- 9 séances publiques: 3 janvier, 27 mars, 22 mai, 31 mai, 21 août, 25 octobre, 15 novembre, 21 novembre , 4 décembre
- 4 résolutions: 2461 (2019), 2472 (2019), 2498 (2019), 2500 (2019)
Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique, Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales, Organes subsidiaires
Le Conseil a prorogé le mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), ainsi que l’autorisation qu’il a donnée à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), plus spécialement chargée de réduire la menace posée par les milices islamistes Chabab, dont le processus de retrait a été lancé en 2017 et doit s’achever fin 2021. Les questions des relations entre le Gouvernement central et les États fédérés et de sécurité ont été permanentes, mais le dossier du processus électoral a commencé de jouer un rôle dominant au second semestre.
Le 3 janvier, le Conseil a consacré sa première séance de l’année à la Somalie. Le Représentant spécial du Secrétaire général, Nicholas Haysom, qui venait d’être déclaré persona non grata dans le pays, estimait que celui-ci avait bâti les fondations nécessaires pour faire des progrès significatifs en 2019. « Les plans sont en place et les étapes sont claires », déclarait-il. Il avertissait toutefois que le pays pourrait être détourné du cap par les turbulences politiques persistantes, au nombre desquelles il citait le retard dans l’adoption de la nouvelle loi électorale et l’impasse entre le Gouvernement fédéral et les dirigeants des États membres de la fédération. La réalisation de progrès nécessitera que tous les protagonistes déploient des efforts dans la même direction, ajoutait-il. Aucun membre du Conseil n’a pris la parole.
Le 27 mars, par sa résolution 2461 (2019), le Conseil renouvelait jusqu’au 31 mars 2020 le mandat de la MANUSOM, qui était priée de maintenir et de renforcer sa présence dans tous les États fédérés et d’aider le Gouvernement fédéral à organiser, en 2020-2021, des élections pacifiques, libres et régulières ouvertes à tous selon le principe « une personne, une voix », contrairement au processus de désignation clanique des parlementaires appliqué en 2016-2017 et qui avait notamment contribué à exclure les femmes.
Le 22 mai, le Représentant spécial par intérim, Raisedon Zenenga, notait un réchauffement des relations entre la MANUSOM et le Gouvernement fédéral et estimait que le pays était resté sur une « trajectoire positive », malgré une vague d’attentats en mars et avril, attribués aux Chabab. Alors que se poursuivait la réforme du secteur de la sécurité, les forces somaliennes appuyées par l’AMISOM infligeaient des revers aux Chabab. Le représentant somalien déplorait une nouvelle fois le maintien de l’embargo sur les armes à destination du pays.
Le 31 mai, par sa résolution 2472(2019), le Conseil prorogeait jusqu’au 31 mai 2020 son autorisation accordée à l’AMISOM. Celle-ci devait réduire de 1 000 agents, d’ici au 28 février 2020, l’effectif de son personnel en tenue. Les objectifs stratégiques prévus par le Plan de transition approuvé en avril 2018 par l’Union africaine restaient le transfert progressif des responsabilités en matière de sécurité aux forces de sécurité somaliennes; la réduction de la menace représentée par les Chabab et d’autres groupes d’opposition armés; et l’appui aux forces de sécurité somaliennes pour créer des conditions de sécurité favorisant le processus politique. La Guinée équatoriale mettait en garde contre toute réduction prématurée de l’effectif de la Mission, qui pourrait réduire à néant les acquis.
La séance du 21 août accentuait l’importance de la question des futures élections. Parlant d’une « fenêtre de plus en plus étroite » pour le succès des réformes en cours, le nouveau Représentant spécial, James Swan, jugeait crucial d’« accélérer les efforts dans les mois à venir ». À ses yeux, le cycle électoral 2020-2021 offrait l’occasion de faire progresser de manière décisive le processus de démocratisation, mais il fallait auparavant rester attentif au processus électoral parfois difficile dans les États fédérés. La persistance des tensions entre Gouvernement central et États fédérés continuait d’inquiéter. Tant la Fédération de Russie que les États-Unis plaidaient pour la mise en place d’un système de sécurité national unique capable d’assurer à terme le transfert des prérogatives de sécurité aux Somaliens eux-mêmes et de lutter contre les Chabab. Le Chef de l’AMISOM s’inquiétait du sort des villes libérées des Chabab grâce aux offensives de l’AMISOM, étant donné que les autorités somaliennes ne parvenaient pas à prendre le relais pour les contrôler et les gérer.
Les mêmes préoccupations se manifestaient le 21 novembre, M. Swan jugeant indispensable le respect du calendrier électoral prévu pour consolider l’État. Il rappelait que le Gouvernement fédéral s’était engagé à adopter le code électoral et la loi sur les partis politiques avant la fin de l’année, et à achever l’élaboration de la Constitution d’ici à juin 2020. Quant à l’AMISOM, si ses offensives continuaient d’affaiblir les Chabab, le « A3 » regrettait la lenteur de la transition avec les forces de sécurité somaliennes et demandait au Conseil de conduire une évaluation avant toute nouvelle réduction du nombre des hommes en uniforme de la Mission. La France au contraire mettait l’accent sur le respect des échéances fixées par la résolution 2472 (2019).
Entre temps, le 25 octobre, le Président du Comité des sanctions imposées par la résolution 751 (1992) estimait que l’embargo sur les armes avait largement empêché des armes lourdes d’atteindre le pays et que l’embargo imposé ultérieurement sur le charbon de bois avait permis de réduire une source de revenus des Chabab. Il notait toutefois que les Chabab prélevaient un « impôt » sur « pratiquement tout » le commerce dans le sud de la Somalie et avaient établi des liens avec diverses composantes de la criminalité transnationale organisée. Ceux des membres du Conseil qui prenaient la parole ont soutenu le maintien des sanctions.
Le 15 novembre, par sa résolution 2498 (2019), le Conseil prorogeait le régime des sanctions révisé à l’encontre de la Somalie jusqu’au 15 novembre 2020, y compris la levée partielle et contrôlée de l’embargo sur les livraisons d’armes destinées aux forces de sécurité somaliennes. La Chine, la Fédération de Russie et la Guinée équatoriale s’abstenaient. Le représentant de la Somalie exprimait ses « réserves » réclamant une nouvelle fois la levée de sanctions qui, à son avis, ne tenaient pas compte de l’évolution positive de la situation dans le pays.
En marge du dossier somalien le Conseil reconduisait, le 4 décembre, pour une nouvelle période de 12 mois, les autorisations accordées aux États et organisations régionales qui coopèrent avec les autorités de la Somalie dans la lutte contre la piraterie et les vols à main armée au large de la côte somalienne. La résolution 2500 (2019) notait qu’aucune attaque n’avait été perpétrée depuis mars 2017, mais le représentant de la Somalie estimait que le phénomène ne serait éradiqué que lorsque ses causes profondes, liées à la pauvreté et la mauvaise gouvernance, auront disparu.
Soudan – Darfour
- 15 séances publiques: 17 janvier, 7 février, 25 février, 26 mars, 17 avril, 14 juin, 19 juin, 26 juin, 27 juin, 26 août, 3 octobre, 17 octobre, 31 octobre, 12 décembre, 18 décembre
- 3 résolutions: 2455 (2019), 2479 (2019), 2495 (2019)
Voir aussi: Soudan du Sud; Abyei; Opérations de paix des Nations Unies; Organes subsidiaires
Le Conseil a eu à s’interroger sur les conséquences du changement de régime à Khartoum sur le retrait progressif de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), entamé en 2018 et prévu pour s’achever en 2020. Il a finalement décidé de retarder le retrait des effectifs en uniforme de la Mission, pour laisser au nouveau Gouvernement une plus grande marge de manœuvre dans ses pourparlers de paix avec l’opposition armée. Les sanctions ont été maintenues.
La première réunion que le Conseil consacrait à la situation au Darfour, le 17 janvier, concernait le rapport du Groupe d’experts du Comité des sanctions imposées au Soudan en 2005, qui faisait état de violations de l’embargo sur les armes par toutes les parties concernées, Gouvernement compris, dans le cadre des affrontements survenus au Jebel Marra en 2018. Les États-Unis, la France et la Pologne en déduisaient qu’il fallait maintenir ces sanctions « indispensables » et le Royaume-Uni comme la Belgique souhaitaient faire des violences sexuelles un critère distinct à prendre en compte pour la levée desdites sanctions, ce que contestait la Fédération de Russie. La Chine jugeait la situation au Darfour « stable » et le représentant du Soudan réclamait une fois de plus la levée des sanctions.
Le Conseil était unanime, le 7 février, à proroger jusqu’au 12 mars 2020 le mandat du Groupe d’experts rattaché au Comité des sanctions (Comité 1591), par sa résolution 2455 (2019).
Le 25 février, la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Bintou Keita, venait faire le point à son retour d’une visite sur place dans le cadre de la stratégie de retrait progressif de la MINUAD. Elle jugeait important que le retrait de la Mission ne « crée pas un vide conduisant à des tensions locales ou à de nouveaux facteurs de risques ». La plupart des membres du Conseil commençaient à s’inquiéter des conséquences de la crise politique marquée par l’imposition, trois jours auparavant, de l’état d’urgence par le Président Omar Al-Bashir. France et Belgique appelaient à la prudence dans la poursuite du retrait, jugeant que la situation au Darfour ne pouvait être isolée des événements dans le pays. La Fédération de Russie parlait d’une situation globalement stable au Darfour et reprochait aux membres occidentaux du Conseil d’aborder des sujets « sans rapport » avec l’ordre du jour du Conseil.
Certes, la situation au Darfour reste stable, mais les manifestations qui se déroulent dans le pays ont un impact sur les pourparlers de paix puisque les mouvements non signataires de l’Accord de paix ont suspendu leur participation aux discussions, faisait valoir, le 26 mars, la représentante de la Pologne et Présidente du Comité des sanctions.
Le 11 avril, l’armée soudanaise renversait le Président Al-Bashir. Le 17 avril, le Représentant spécial conjoint et Chef de la MINUAD, Jeremiah Nyamane Kingsley Mamabolo, estimait que la situation politique, désormais « radicalement changée », avait « un impact évident sur le Darfour » et risquait « d’affecter la mise en œuvre de notre mandat ». La France demandait de la « prudence quant au calendrier de retrait » de la Mission. L’Allemagne se refusait à « suivre aveuglément des échéances artificielles », ajoutant que les décisions futures du Conseil devraient être « informées par les développements sur le terrain, et non par des questions budgétaires ». Les États-Unis se disaient ouverts à toutes les options pour instaurer une paix et une stabilité à long terme au Darfour et le Royaume-Uni invitait à réfléchir à « l’après-MINUAD ». Seule la Fédération de Russie estimait que le retrait graduel de la composante militaire de la Mission devait se poursuivre, tandis que le représentant du Soudan affirmait que « ce qui se passe au Soudan est une affaire interne », « sans la moindre relation » avec le mandat du Conseil au Darfour.
C’est un Conseil visiblement divisé face à l’évolution de la situation politique au Soudan qui prenait connaissance, le 14 juin, du rapport spécial du Président de la Commission de l’Union africaine et du Secrétaire général de l’ONU sur l’évaluation stratégique de la MINUAD. Celui-ci proposait trois calendriers différents pour le retrait de la Mission, qui tous achevaient le retrait des effectifs en uniforme au plus tard le 30 juin 2020, comme prévu par la résolution 2429 (2018). Pour que la Mission soit « en mesure de poursuivre son mandat de protection des civils et des droits de l’homme », l’Allemagne et le Royaume-Uni, soutenus par l’Afrique du Sud et la France, proposaient un « renouvellement technique » du mandat de la Mission, le temps que l’ONU et l’Union africaine élaborent une stratégie pour l’après-MINUAD. Le Koweït et la Chine plaidaient pour la poursuite du retrait progressif de la Mission d’ici à 2020. « Il n’est pas question de faire autrement », ajoutait la Fédération de Russie.
La « pause nécessaire » dans la stratégie de sortie de la MINUAD préconisée par le Royaume-Uni l’emportait le 27 juin, avec l’adoption unanime de la résolution 2479 (2019), qui décidait une reconduction technique de la mission de quatre mois, sans changement de mandat et en « gelant », « à titre provisoire et exceptionnel », la période de réduction des effectifs militaires. Le Conseil demandait en outre un nouveau rapport spécial conjoint ONU-Union africaine avant le 30 septembre. Si les trois membres africains du Conseil auraient préféré une prorogation de six mois, l’Allemagne se félicitait de voir le Conseil « débrancher son pilotage automatique » et les États-Unis estimaient que le délai permettrait de « clarifier la situation politique au Soudan ». La Fédération de Russie rejetait d’avance tout changement dans la stratégie de retrait de la Mission, au maintien de laquelle le représentant du Soudan ne voyait « pas de raison ». La Chine soulignait la primauté que devait avoir le Gouvernement soudanais.
La situation politique évoluait rapidement au Soudan avec la formation d’un Conseil souverain et l’annonce de pourparlers avec les différents groupes d’opposition armés. Le 26 août, le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, expliquait au Conseil que le calendrier du retrait de la MINUAD pourrait être révisé. Pour M. Lacroix, le fait que le peuple soudanais ait choisi un processus de prise de décisions plus inclusif, l’égalité et l’équité, la liberté et les droits de l’homme, offrait une occasion de mettre définitivement fin au conflit au Darfour. La Fédération de Russie jugeait venue l’heure pour la communauté internationale de se concentrer sur le relèvement et la stabilisation économique du Darfour. Le représentant du Soudan défendait la même position, tout en demandant une fois encore la levée de l’embargo sur les armes.
Le 3 octobre, la Présidente du Comité 1591 présentait son rapport trimestriel au Conseil, lequel ne signalait « pas de flambée de violence à grande échelle au Darfour » durant les derniers mois.
Le 17 octobre, M. Lacroix informait le Conseil de « développements remarquables » durant les deux mois écoulés. Il citait notamment la signature, le 11 septembre, de la Déclaration de Djouba entre le Conseil souverain et plusieurs groupes armés, y compris du Darfour, laquelle prévoyait un cessez-le-feu, l’ouverture de couloirs humanitaires et diverses mesures de confiance. Concernant la MINUAD, il présentait au Conseil deux options. L’une consistait à poursuivre le retrait des effectifs militaires comme initialement prévu, avant le 30 juin 2020. La seconde, qu’il préconisait, prévoyait le maintien pendant six mois de plus, des mêmes effectifs, désormais concentrés sur 5 ou 6 bases du Jebel Marra, contre 13. On ne retire pas une mission au moment où des négociations s’engagent après plus d’une décennie de conflit, approuvaient les membres européens du Conseil. Tout en estimant qu’il fallait rester dans l’optique d’une diminution de la présence de la MINUAD, « dans l’esprit de la résolution 2429 (2018) », la Fédération de Russie constatait les progrès et ajoutait que la priorité était de consolider la paix et le développement. Elle insistait pour que l’avis du Soudan soit dûment pris en compte.
Le Soudan ayant officiellement demandé le renouvellement du mandat, c’est à l’unanimité que le Conseil adoptait, le 31 octobre, la résolution 2495 (2019). Le mandat de la MINUAD était prolongé jusqu’au 31 octobre 2020, dans les mêmes termes. Les effectifs militaires et policiers étaient maintenus au même niveau jusqu’au 31 mars 2020 et sur toutes les bases d’opération sauf une. Le Conseil annonçait en outre son intention de se prononcer, « d’ici au 31 mars 2020 » et à la lumière d’un nouveau rapport spécial ONU-Union africaine, sur les mesures à prendre concernant « le retrait et la sortie responsables » de la MINUAD. Il annonçait aussi son intention d’adopter à la même date une résolution « établissant la présence de suivi de la MINUAD ». Le Soudan saluait une prorogation qui donnait au Gouvernement les coudées franches pour préparer une paix globale dans l’ensemble du pays et mettre en œuvre des mesures de confiance avec les groupes armés. Les États-Unis souhaitaient toutefois qu’il s’agisse bien de la dernière prorogation de la Mission, le Soudan ayant selon eux tout intérêt à ce que la MINUAD se retire l’an prochain.
Enfin, le 12 décembre, la Présidente du Comité 1591 constatait une nouvelle fois une situation globalement calme et signalait que les sanctions du Conseil étaient souvent perçues comme un « obstacle majeur » au développement du Darfour et à la fourniture de l’aide humanitaire et de services de base aux populations. Le représentant du Soudan en réclamait une fois de plus la levée au motif que le pays n’avait « plus rien à voir » avec celui de 2005 et rappelait que le Conseil, dans sa résolution 2455 (2019), s’était engagé à réévaluer le régime de sanctions.
Par ailleurs, comme chaque année, le Conseil a entendu par deux fois Fatou Bensouda, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), à laquelle le Conseil avait déféré la situation au Darfour il y a 14 ans.
Le 19 juin, soit deux mois après le renversement de l’ex-Président Omar Al-Bashir, Mme Bensouda invitait les nouvelles autorités de Khartoum à prendre le contre-pied du « manque total de coopération » du Gouvernement précédent et à ouvrir un « nouveau chapitre » dans l’histoire des relations avec la Cour, en acceptant de lui livrer les cinq suspects toujours visés par un mandat d’arrêt pour les crimes commis au Darfour, dont le Président déchu. Le représentant du Soudan rejetait la demande, expliquant que la position de son pays sur la question restait inchangée en dépit des changements politiques.
Le 18 décembre, Mme Bensouda prenait note de l’arrestation de trois des cinq personnes poursuivies par la CPI et notamment de la condamnation de l’ancien Président Al-Bashir pour corruption. Mais elle faisait observer que ces développements n’étaient pas officiellement liés aux crimes graves pour lesquels ses services avaient lancé des mandats d’arrêt toujours valables. Elle appelait une nouvelle fois le Soudan à coopérer avec ses services. Ce dernier assurait que la justice et la lutte contre l’impunité était une des priorités des nouvelles autorités mais laissait entendre que ce serait l’affaire des seuls tribunaux nationaux.
Lors des deux réunions, les membres du Conseil se divisaient essentiellement en fonction de leur attitude à l’égard de la CPI. La majorité appelait le Soudan à coopérer avec la Cour, en mettant plus ou moins en avant le principe de complémentarité. Le Koweït, qui, dès juin, estimait que les travaux de la Cour ne devaient pas faire entrave au processus de paix au Soudan, ajoutait en décembre que la justice devait être le fruit d’un accord entre Soudanais. À cette date, les États-Unis demandaient que les auteurs de crimes soient poursuivis en justice « mais avec les bons outils ».
Soudan du Sud
- 7 séances publiques: 8 mars, 15 mars, 30 mai, 25 juin, 18 septembre, 8 octobre, 17 décembre
- 2 résolutions: 2459 (2019), 2471 (2019)
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/11
Voir aussi: Soudan; Abyei
Le Conseil de sécurité a suivi de près –et, pour certains membres, avec scepticisme- la lente mise en œuvre de « l’Accord revitalisé » signé le 12 septembre 2018 à Khartoum sous l’égide de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), David Shearer, a répété à plusieurs reprises qu’il n’existait pas d’autre plan de paix. Le mandat de la Mission a été renouvelé, notamment pour assurer la protection des populations. Les sanctions ont été maintenues mais le Conseil est apparu très divisé sur la question.
Ces différents aspects apparaissaient dès la réunion du 8 mars. M. Shearer expliquait que, malgré les insuffisances de sa mise en œuvre, l’Accord revitalisé « tenait toujours » et restait le meilleur, et en fait le seul, moyen d’entériner la paix au Soudan du Sud. « L’enthousiasme de la population pour la paix est palpable », ajoutait-il, en souhaitant le renouvellement du mandat de la MINUSS pour lui permettre de jouer un rôle proactif en appui au processus de paix en cours. Les membres européens du Conseil préféraient voir la protection des civils rester la tâche prioritaire de la Mission et souhaitaient le maintien des sanctions, y compris pour « punir et contraindre ceux qui commettent des violences sexuelles ». La Fédération de Russie constatait les progrès mais refusait de les imputer aux sanctions individuelles comme à l’embargo sur les armes imposé en juillet 2018.
Entérinée le 15 mars par la résolution 2459 (2019), la reconduction du mandat de la MINUSS pour un an maintenait la priorité accordée à la protection des civils, l’assistance humanitaire et la surveillance des droits de l’homme, tout en mentionnant aussi un appui à « l’exécution de l’Accord revitalisé et au processus de paix ». La résolution enjoignait aussi aux dirigeants sud-soudanais de mettre en œuvre le cessez-le-feu permanent décrété dans l’Accord revitalisé. La Fédération de Russie s’abstenait, estimant que le texte ne se félicitait pas suffisamment des accords de Khartoum « dont la viabilité est déjà évidente ». Elle reprochait aussi au mandat de la MINUSS d’être « surchargé de propositions concernant les questions d’égalité des sexes et les droits de l’homme ». Tout en votant en faveur du texte, la Chine présentait des griefs comparables et l’Afrique du Sud appelait le Conseil à soutenir les efforts de l’IGAD et de l’Union africaine. Les États-Unis expliquaient qu’ils soutenaient l’Accord mais restaient préoccupés par le manque d’engagement politique des parties à le mettre en œuvre.
Le 30 mai, la reconduction pour un an du régime de sanctions mettait en lumières les profondes divisions du Conseil, puisque la résolution 2471 (2019) n’était adoptée que par 10 voix pour, avec 5 abstentions, celles de la Chine, de la Fédération de Russie et des trois États africains membres du Conseil, ces pays considérant que la situation sur le terrain s’était améliorée. L’Afrique du Sud rappelait que le rôle du Conseil ne saurait se résumer à continuellement sanctionner et qu’il devait aussi se mettre en état d’apprécier les avancées et agir dans « une perspective dynamique ». La Côte d’Ivoire préconisait un « accompagnement vertueux » permettant de préserver et de renforcer la dynamique positive observée dans le pays et toute la région. Pays porte-plume, les États-Unis jugeaient difficile d’appuyer les organisations régionales africaines « si les pays africains ne manifestent pas la volonté d’endiguer les flux d’armes ».
« Le désir de paix est palpable » au sein de la population, répétait le 25 juin, M. Shearer qui s’inquiétait en revanche de l’incertitude politique, renforcée par la prolongation de quatre mois, par les parties sud-soudanaises, de la période dite de « prétransition ». Censée permettre la mise en œuvre des conditions préalables indispensables à la transition, celle-ci devait s’achever le 12 mai. « Nous sommes tous d’avis que cette prorogation doit être la dernière », ajoutait le Chef de la MINUSS, qui considérait comme « un défi fondamental » l’absence de réunion en face-à-face entre le Président Salva Kiir et le chef de l’opposition Riek Machar.
Le 18 septembre, M. Shearer et les membres du Conseil pouvaient se féliciter de la rencontre entre les deux dirigeants, le 9 septembre à Djouba, censée avoir permis de discuter des aspects de l’Accord encore non résolus. Si plusieurs membres du Conseil se félicitaient une nouvelle fois du rôle joué par l’IGAD, les États-Unis jugeaient le processus de paix trop focalisé sur le dialogue entre élites politiques et appelaient à concentrer les efforts de réconciliation sur les besoins de la population, par des « mesures concrètes ».
Le 8 octobre, le Conseil adoptait une déclaration présidentielle par laquelle il saluait les réunions « encourageantes » entre MM. Kiir et Machar, se réjouissait des premiers progrès accomplis dans l’application de l’Accord revitalisé et se félicitait du rôle joué par l’IGAD. À quelques jours de la fin de la période de prétransition déjà prolongée, le Conseil demandait aux parties d’accélérer la mise en œuvre des dispositions transitoires. Saluant le « rôle essentiel » joué par la MINUSS, le Conseil exigeait que les différentes parties cessent de faire obstacle à ses activités.
À quelques jours de la fin de la période de transition prolongée, les parties soudanaises s’accordaient, le 7 novembre, sur une nouvelle extension de 100 jours, entérinée par l’IGAD et saluée par le Secrétaire général. Le 17 décembre, M. Shearer prévenait toutefois le Conseil que ce nouveau délai avait été une nouvelle désillusion pour la population et regrettait un manque de volonté politique de parvenir à la paix. C’était aussi l’avis des États-Unis, qui dénonçaient un « manque flagrant » de progrès, et des membres européens du Conseil. La Présidente du Comité des sanctions concernant le Soudan du Sud, faisait état d’une absence totale de responsabilisation. Membres africains du Conseil, Fédération de Russie et Chine préféraient noter que la nouvelle prorogation avait permis de maintenir le cessez-le-feu et de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, et que M. Machar était présent à Djouba pour des entretiens avec le Président Salva Kiir. Une évaluation à mi-parcours de la nouvelle période de pré-transition était attendue début janvier 2020.
Abyei
- 6 séances publiques: 12 avril, 30 avril, 14 mai, 15 octobre, 24 octobre, 14 novembre
- 4 résolutions: 2465 (2019), 2469 (2019), 2492 (2019), 2497 (2019)
Voir aussi: Soudan, Soudan du Sud
Créée par la résolution 1990 (2011) du 27 juin 2011, la force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) était alors principalement chargée de contrôler et vérifier le départ des diverses forces armées de la région, qui devait être démilitarisée et où seule devaient être présents les éléments de la FISNUA et du service de police à créer. Après son indépendance en juillet 2011, le Soudan du Sud et le Soudan se sont disputé la souveraineté sur Abyei. Par ses résolutions 2024 (2011) et 2075 (2012), le Conseil a alors confié à la FISNUA un mandat complémentaire de soutien au Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière mis en place par les deux États. Pendant plusieurs années, le Conseil s’est prononcé séparément, sur le renouvellement du mandat de soutien apporté par la Force au Mécanisme conjoint et, un mois plus tard, sur la prorogation la Force proprement dite.
C’était encore le cas au printemps. Le 12 avril, selon une formulation devenue classique, le Conseil, par sa résolution 2465 (2019), prorogeait de six mois le soutien de la FISNUA au Mécanisme en précisant que ce renouvellement serait « le dernier à moins que » les parties concernées ne prennent une nouvelle série de mesures susceptibles de parvenir à des progrès mesurables dans un certain nombre de domaines, qu’il détaillait. En revanche, le 15 octobre, c’est une prorogation technique d’un mois que le Conseil décidait par sa résolution 2492 (2019), ce qui lui permettrait, en novembre, de se prononcer en même temps sur tous les aspects du mandat de la FISNUA.
Auparavant, le 30 avril, le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations Unies, Jean-Pierre Lacroix, avait, devant le Conseil, invité le Soudan et le Soudan du Sud -jugés tous deux « à la croisée des chemins » du fait de leur évolution interne respective- à profiter de l’amélioration récente de leurs relations bilatérales pour régler toutes les questions en suspens relatives à Abyei. Les membres du Conseil discutaient également de la reconfiguration de la FISNUA, dont le mandat arrivait à échéance le 15 mai.
Le 14 mai, par sa résolution 2469 (2019), le Conseil prorogeait de six mois le mandat de la FISNUA en accentuant la reconfiguration entamée en novembre 2018. Il prévoyait notamment une nouvelle réduction des effectifs militaires et une augmentation du nombre de policiers.
Le 24 octobre, le Conseil s’entendait pour recommander une nouvelle prolongation de six mois du mandat de la FISNUA au motif que le Soudan et le Soudan du Sud n’avaient « jamais été aussi proches de la réalisation d’une paix durable entre eux », grâce notamment à l’« élan positif » provoqué par le récent changement de gouvernement à Khartoum. M. Lacroix estimait que la FISNUA comme le Mécanisme conjoint continuaient de jouer un rôle prépondérant pour la sécurité sur le terrain, tout en notant une longue liste de contentieux en suspens et une absence de progrès sur les discussions relatives à Abyei. Les membres du Conseil se disaient prêts à appuyer un tel renouvellement mais plusieurs rappelaient que le Soudan devait faciliter le déploiement des effectifs de police supplémentaires décidés par la résolution 2469 (2019), bloqué faute des visas nécessaires. La Fédération de Russie estimait en outre que la nomination prévue d’un chef civil adjoint à la FISNUA supposait l’accord des deux États concernés, alors que le Soudan maintenait son objection.
La résolution 2497 (2019) que le Conseil adoptait le 14 novembre suivait les recommandations présentées en octobre. La FISNUA était reconduite jusqu’au 15 mai 2020, de même que son soutien au Mécanisme conjoint, soutien qui était comme d’habitude annoncé comme « le dernier, à moins que » des progrès mesurables soient obtenus dans une série de domaines spécifiés. Le Conseil « exigeait » en outre que les Gouvernements des deux pays concernés soutiennent la FISNUA et délivrent les visas nécessaires à son personnel, y compris de police. Il gelait pour six mois la réduction des effectifs militaires prévue par la résolution 2469 (2019) mais pas encore appliquée.
AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBE
Colombie
- 5 séances publiques: 22 janvier, 12 avril, 19 juillet, 12 septembre, 10 octobre
- 1 résolution: 2487(2019)
Voir aussi: Missions du Conseil de sécurité
Le Conseil a continué de suivre la mise en œuvre de l’Accord de paix du 24 août 2016, y compris en se rendant en mission sur place. À la demande du Président de la Colombie, Iván Duque Márquez, initialement hostile à l’Accord, il a reconduit pour un an la Mission de vérification de celui-ci, dirigée depuis janvier par un nouveau Représentant spécial du Secrétaire général, Carlos Ruiz Massieu. Le Ministre des affaires étrangères colombien, Carlos Holmes Trujillo, a participé aux différentes réunions.
Le 22 janvier, le Représentant spécial s’inquiétait de l’évolution de la sécurité dans le pays, notamment à la suite d’une vague d’assassinats de dirigeants sociaux et communautaires, imputés à des groupes armés illégaux. Faire tomber les obstacles à la consolidation de la paix, et en particulier remédier à la situation sécuritaire dans les anciennes zones de conflit, doit être la priorité absolue du Gouvernement colombien en ce début d’année, soulignait la Fédération de Russie. La plupart des membres du Conseil rappelaient que le succès du processus de paix passait par la réconciliation nationale. Plusieurs demandaient aussi un renforcement de la présence de l’État et l’accélération de la réintégration socioéconomique des anciens combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP), autre volet essentiel du processus de paix.
Les mêmes préoccupations s’exprimaient le 12 avril. Le Représentant spécial parlait d’une « incertitude » entourant le processus de paix, notamment à cause du manque de visibilité sur le statut des anciennes zones de conflit, de la lenteur dans la réintégration des ex-combattants, de l’insécurité grandissante et des divisions sur le projet de justice transitionnelle, dont le Président Duque Márquez venait de rejeter une partie. Le Royaume-Uni estimait que le Gouvernement faisait « de son mieux » pour dégager un consensus social sur des questions fortement polarisées. La Fédération de Russie dénonçait les lenteurs de la réforme rurale. La France souhaitait que les projets de réforme constitutionnelle du Président Duque Márquez n’aient pas d’effet rétroactif. Les États-Unis saluaient pour leur part le rôle de leader régional de la Colombie, qui appuyait le Gouvernement intérimaire « légitime » du Venezuela dirigé par Juan Guaidó face au Président Nicolas Maduro.
Du 11 au 14 juillet, le Conseil menait une mission en Colombie pour apporter son soutien à la mise en œuvre de l’Accord de paix et entendre les différentes parties. Un compte rendu était présenté le 19. Le même jour, lors d’une séance séparée, les membres du Conseil saluaient la détermination du Gouvernement colombien à assurer la réintégration sociale et économique des ex-combattants, intensifier la lutte contre les groupes armés responsables des assassinats à travers le pays et mettre sur pied un système innovant de justice transitionnelle. M. Holmes Trujillo assurait le Conseil que la protection des candidats de la Force alternative révolutionnaire du peuple (FARC), issue de l’ancienne rébellion armée, était une priorité dans la perspective des élections régionales et locales du 27 octobre.
En juillet, le Président Duque Márquez avait officiellement demandé à l’ONU de prolonger le mandat de la Mission de vérification pour une année supplémentaire. Le 12 septembre, par sa résolution 2487 (2019), le Conseil reconduisait la Mission avec le même mandat jusqu’au 25 septembre 2020. Il saluait les progrès accomplis par le pays sur la voie de la paix depuis l’adoption de l’Accord final et exhortait les parties à unir leurs efforts afin de pérenniser les avancées et de résoudre les problèmes rencontrés en le mettant intégralement en œuvre.
Les difficultés n’en demeuraient pas moins. Le 29 août, plusieurs anciens membres des FARC-EP, dont leur négociateur de l’Accord de paix, Iván Duque Márquez, appelaient à la reprise des armes, estimant l’Accord « trahi ». Le 10 octobre, M. Massieu rappelait que le dialogue était essentiel pour vaincre les obstacles à la mise en œuvre de l’Accord, lequel, selon M. Holmes Trujillo, restait soutenu par 90% des anciens combattants des FARC-EP. Les membres du Conseil s’interrogeaient sur l’ampleur de la menace et plusieurs considéraient les élections du 27 octobre et le pacte de non-violence conclu durant la campagne comme des « jalons pour la paix ».
Haïti
- 4 séances publiques: 3 avril, 12 avril, 25 juin, 15 octobre
- 2 résolutions : 2466(2019), 2476(2019)
Voir aussi: Opérations de paix des Nations Unies
Suivant le calendrier qu’il s’était fixé dès sa création, le Conseil de sécurité a mis fin à la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) après deux années d’existence, et l’a remplacée par un Bureau intégré. Conçue en 2017 pour assurer une transition réussie du maintien de la paix vers sa pérennisation et le développement durable, la Mission a fermé sans que les critères de réussite qui lui avaient été assignés aient été remplis et dans un contexte de profonde crise politique, marqué par le report sine die des élections législatives prévues fin octobre.
« La fin du maintien de la paix en Haïti est à portée de main », déclarait, le 3 avril, le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix. Après les émeutes de février, qui avaient fait une quarantaine de morts, et la chute du Gouvernement, M. Lacroix reconnaissait que la « fluidité politique » et la « fragilité économique » du pays justifiaient le maintien d’une présence de l’ONU après le retrait de la MINUJUSTH, prévue le 15 octobre. Il présentait au Conseil la recommandation du Secrétaire général de remplacer la MINUJUSTH par une mission politique spéciale sous la forme d’un « petit bureau consultatif stratégique » pour aider le pays à répondre à ses besoins les plus urgents.
Les membres du Conseil affichaient des positions nuancées. Si les États-Unis voyaient Haïti sur une « trajectoire positive » permettant de penser que la Police nationale haïtienne serait en mesure d’assumer pleinement ses responsabilités d’ici au 15 octobre, plusieurs autres insistaient pour que les tensions du moment ne viennent pas remettre en cause les progrès accomplis ces dernières années et appelaient le Gouvernement à un dialogue inclusif avec l’opposition et au respect des droits de l'homme. Pays voisin d’Haïti, la République dominicaine appelait à « la plus grande prudence » dans toute décision sur la future présence de l’ONU, relevait qu’à peine la moitié des indicateurs de succès fixés à la MINUJUSTH avaient été remplis et demandait une révision de la feuille de route et du calendrier proposés.
Tout en se disant « conscient que Haïti continue à se heurter à d’importantes difficultés », le Conseil décidait néanmoins, le 12 avril, par sa résolution 2466 (2019), de proroger le mandat de la MINUJUSTH pour une « période finale de six mois », jusqu’au 15 octobre, confirmant ainsi le calendrier indiqué dès avril 2018 par sa résolution 2410 (2018). Le Conseil demandait au Secrétaire général « d’entamer la planification nécessaire en vue d’une présence intégrée appropriée du système des Nations Unies » dans le pays à compter du 16 octobre et de lui remettre un rapport dans les 30 jours. Lors du vote, la Fédération de Russie et la République dominicaine s’abstenaient, la première parce qu’opposée de longue date au recours au Chapitre VII à propos de Haïti; la seconde parce qu’elle jugeait inadapté un calendrier qui faisait intervenir la transition moins de deux semaines avant les élections générales alors fixées au 27 octobre.
Le 25 juin, par sa résolution 2476 (2019), le Conseil créait, pour une période initiale d’un an, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), chargé de « conseiller » et « d’épauler » le Gouvernement haïtien dans ses efforts pour renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance du pays. Le texte était adopté par 13 voix, avec 2 abstentions, celles de la Chine et de la République dominicaine. Cette dernière reprochait à la nouvelle structure un mandat et des ressources trop limités. Plusieurs membres du Conseil ayant voté pour la résolution regrettaient aussi que la particulière vulnérabilité du pays aux conséquences des changements climatiques n’ait pas pu être mentionnée.
Le Conseil consacrait une dernière séance à Haïti le 15 octobre, jour de la clôture de la MINUJUSTH, alors que la crise politique s’aggravait et que les élections étaient reportées sine die. « Nous refermons la page du maintien de la paix en Haïti, mais nous ne refermons pas la page du soutien des Nations Unies à Haïti », assurait le Secrétaire général adjoint, qui reconnaissait que le contexte n’était « pas idéal pour mettre fin à 15 années de maintien de la paix dans le pays » et que la situation donnait « matière à réflexion ». Pour les États-Unis, la transition en cours montrait que l’ONU « peut et doit adapter sa présence » de maintien de la paix pour refléter l’évolution des circonstances. De nombreux membres du Conseil insistaient sur la nécessité de contribuer à la réussite de la transition et appelaient les responsables haïtiens à engager au plus vite un dialogue inclusif.
Venezuela
- 4 séances publiques: 26 janvier, 26 février, 28 février, 10 avril
Réélu en mai 2018 dans un contexte économique et social désastreux, lors d’un scrutin présidentiel boycotté par l’opposition, le Président Nicolás Maduro était officiellement investi le 10 janvier, tandis que se déroulaient de grandes manifestations durement réprimées. Dominée par l’opposition, l’Assemblée nationale du Venezuela utilisait la Constitution pour désigner, le 23 janvier, comme chef de l’État intérimaire son propre Président, Juan Guaidó, aussitôt reconnu comme Président légitime par les États-Unis.
Les États-Unis demandaient une réunion d’urgence du Conseil le 26 janvier, mais la séance était contestée par la Fédération de Russie, au motif que le Venezuela n’était pas inscrit à l’ordre du jour du Conseil et que la situation ne présentait pas une menace pour la paix et la sécurité internationales. Le Conseil adoptait néanmoins son ordre du jour à l’issue d’un vote de procédure, par 9 voix contre 4, avec 2 abstentions.
S’ensuivait une longue séance marquée par des échanges acerbes et l’intervention, outre les 15 membres du Conseil, d’une vingtaine de délégations d’Amérique latine et des Caraïbes. Le Secrétaire d’État des États-Unis Michael Pompeo appelait à la reconnaissance de Juan Guaidó comme Président légitime, alors que la France et l’Allemagne dénonçaient le « simulacre d’élections » de mai 2018 et demandaient l’organisation « immédiate » d’un nouveau scrutin présidentiel. La Fédération de Russie dénonçait une « réincarnation de la doctrine dite de Monroe » et regrettait que les États-Unis entraînent le Conseil dans leurs « manigances ». L’Afrique du Sud affirmait que le Conseil de sécurité ne devait « jamais être un instrument qui valide les changements anticonstitutionnels d’un gouvernement, où que ce soit et à n’importe quel moment ». Les pays latino-américains se divisaient, entre les tenants d’un dialogue représentés par la République dominicaine, ceux qui, avec le Pérou, condamnaient le « régime illégitime de Nicolás Maduro » et enfin ceux qui appuyaient le Venezuela, en dénonçant une tentative de coup d’État manipulée par les États-Unis.
Le 26 février, une nouvelle séance voyait se répéter les mêmes accusations, cette fois autour de l’acheminement d’une aide humanitaire au Venezuela, annoncée par Juan Guaidó et appuyée par les États-Unis, que le Gouvernement du Venezuela bloquait à la frontière en parlant d’opération de communication politique, voire de paravent pour une intervention militaire.
Deux jours plus tard, le Conseil était appelé à se prononcer sur deux projets de résolution concurrents, qu’il rejetait tous deux. Le premier, présenté par les États-Unis, appelait au « lancement d’un processus politique pacifique conduisant à des élections présidentielles libres, régulières et crédibles » en faisant référence à « l’autorité constitutionnelle de l’Assemblée nationale démocratiquement élue » dominé par l’opposition. Il obtenait 9 voix mais se heurtait au double veto de la Fédération de Russie et de la Chine, renforcé par l’opposition de l’Afrique du Sud, tandis que la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale et l’Indonésie s’abstenaient. Exercer le droit de veto, c’est se rendre complice d’un régime décidé à affamer son peuple, accusait la France, ce à quoi la Fédération de Russie rétorquait que c’était, au contraire, défendre le droit des peuples à décider eux-mêmes de leur destin. Initiative russe, le second texte réaffirmait le « rôle primordial » du Gouvernement vénézuélien dans l’assistance humanitaire et demandait un règlement pacifique de la situation « dans le cadre de la Constitution nationale et dans le strict respect de la souveraineté » du pays. Il n’obtenait que 4 voix et était rejeté par 7 membres du Conseil, dont les trois permanents occidentaux. L’Indonésie déplorait deux textes « excessivement politisés » dont « aucun ne représente une tentative sérieuse de trouver un consensus sur cette question hautement sensible ».
Le 10 avril, c’est le Vice-Président des États-Unis, Mike Pence, qui venait dénoncer le double veto sino-russe du 28 février et demander au Conseil de « révoquer les pouvoirs du représentant du Venezuela auprès de l’ONU, reconnaître le Président par intérim Juan Guaidó et autoriser sans plus tarder le représentant du Gouvernement vénézuélien libre à siéger dans cette instance ». La Fédération de Russie dénonçait à nouveau « l’ingérence » des États-Unis et rappelait que le Gouvernement vénézuélien ne rejetait pas l’aide humanitaire « fournie conformément aux principes approuvés par l’ONU ». La séance était marquée par les interventions du Coordonnateur des secours d’urgence, Mark Lowcock, ainsi que du Représentant spécial conjoint du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour les réfugiés et les migrants vénézuéliens, Eduardo Steing, qui, tous deux, décrivaient une situation dramatique, parlant de sept millions de personnes –un quart de la population- dépendant de l’assistance humanitaire, et de 3,7 millions de réfugiés hors du pays. M. Lowcock demandait que l’aide humanitaire soit fournie « sur la seule base des besoins » et jugeait les ressources disponibles « extrêmement modestes » par rapport aux besoins recensés.
Le Conseil n’a plus consacré d’autre séance publique à la situation au Venezuela en 2019.
EUROPE
Chypre
- 2 séances publiques: 30 janvier, 25 juillet
- 2 résolutions: 2453(2019), 2483(2019)
Le Conseil de sécurité a par deux fois, les 30 janvier et 25 juillet, prorogé de six mois le mandat de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP), la seconde fois jusqu’au 31 janvier 2020. Les deux résolutions, respectivement 2453 (2019) et 2483 (2019), ont été adoptées à l’unanimité.
Dans les deux résolutions, le Conseil dit toutefois « regretter que le processus de règlement n’ait guère avancé depuis la conclusion de la Conférence sur Chypre organisée en 2017 » à Crans-Montana et demande instamment aux parties et participants concernés de renouveler leur engagement et leur volonté politique en faveur d’un règlement sous les auspices de l’ONU, notamment en participant de manière active et constructive aux débats organisés par la consultante auprès de l’Organisation, Jane Holl Lute.
Bosnie-Herzégovine
- 2 séances publiques: 8 mai, 5 novembre
– 1 résolution: 2496 (2019)
Le Conseil de sécurité a tenu cette année encore deux réunions semestrielles consacrées à la situation en Bosnie-Herzégovine. La seconde, le 5 novembre, était l’occasion pour le Conseil de renouveler à l’unanimité, « pour une nouvelle période de 12 mois » la force multinationale de stabilisation de l’Union européenne (EUFOR ALTHEA), laquelle joue, depuis 2004, « le rôle principal dans la stabilisation de la paix s’agissant des aspects militaires de l’Accord de paix » dans le pays. Sur les autres points, la situation est restée bloquée
« Pendant longtemps, nous avons considéré que les progrès remarquables réalisés par le pays depuis 1995 étaient irréversibles, mais il importe de savoir reconnaître les reculs lorsqu’ils ont lieu et que notre mission n’est pas achevée », déclarait au Conseil, le 8 mai, le Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine, Valentin Inzko. Il dénonçait non seulement les blocages institutionnels persistants qui continuaient en novembre d’empêcher la formation d’un gouvernement national, 13 mois après les élections générales d’octobre 2018- mais aussi la rhétorique sécessionniste et nationaliste et le révisionnisme, y compris à propos du génocide de Srebrenica.
Le 5 novembre, M. Inzko constatait également l’absence de tout progrès dans la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 », établi en 2008 et qui contient les cinq objectifs à atteindre et les deux conditions à réunir avant la fermeture du Bureau du Haut-Représentant. Il estimait en outre que les blocages politiques empêchaient de mener les réformes exigées dans 14 domaines fixées par la Commission européenne en mai en guise d’étape pour pouvoir commencer des négociations en vue d’une adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l’Union européenne.
À chaque fois, les membres du Conseil déploraient les blocages politiques et le climat de défiance entre les communautés. Les membres européens rappelaient la nécessité des réformes pour permettre au pays de progresser sur la voie de l’intégration européenne, voire euro-atlantique. La Pologne estimait ainsi en novembre qu’il serait du plus grand intérêt pour la Bosnie-Herzégovine de pouvoir « jouir de la stabilité et la sécurité que confère l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ». Au contraire, la Fédération de Russie appelait, en mai, le Haut-Représentant à reconnaître les divergences entre partis bosniens sur l’adhésion à l’OTAN. Dénonçant une volonté de « justifier le protectorat en Bosnie-Herzégovine » et un lobbying du Bureau du Haut-Représentant au profit de l’intégration euro-atlantique du pays, elle appelait à la relance des efforts visant à fermer ledit bureau.
Kosovo
- 3 séances publiques: 7 février, 10 juin, 31 octobre
La question récurrente de la fréquence des réunions du Conseil de sécurité consacrées à la situation au Kosovo –que plusieurs des membres occidentaux du Conseil souhaitaient depuis longtemps voir réduite– se posait de nouveau dès le mois de février, empêchant l’adoption du programme de travail mensuel du Conseil, qui prévoyait une telle réunion. Un compromis présenté dans une note de la présidence équato-guinéenne permettait de fixer à trois le nombre des réunions en 2019, et à deux par la suite, en avril et octobre. Cela n’a pas n’empêché la représentante du Kosovo de demander à chaque fois l’arrêt de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qu’elle jugeait « dénuée de tout objectif » dans un Kosovo devenu un « un pays libre, indépendant et souverain ». Les États-Unis appuyaient cette demande, réclamant au Secrétariat de l’ONU de lancer un examen stratégique de la Mission afin d’envisager une « stratégie de sortie » après 20 ans de présence. La Fédération de Russie jugeait « infondés » ces appels.
Les séances du Conseil ont une fois encore donné lieu à de vifs échanges entre les représentants de la Serbie, soutenue par la Fédération de Russie, et ceux du Kosovo, appuyés notamment par les États-Unis et le Royaume-Uni. Les longues déclarations des représentants serbes et kosovars, qui ont plusieurs fois agacé certains membres du Conseil de sécurité, ont surtout mis en lumière le blocage de la situation.
Le 7 février, puis le 10 juin, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUK, Zaher Tanin, ne pouvait que constater la poursuite du blocage des relations entre Belgrade et Pristina. Deux mesures avaient encore aggravé les choses: l’imposition par le Kosovo, en novembre 2018, d’une taxe de 100% à l’importation des produits en provenance de Serbie puis, le mois suivant, l’adoption par le Parlement kosovar de lois visant à transformer la Force de sécurité du Kosovo en une « armée multi-ethnique et professionnelle », ce que Belgrade considère comme une violation de la résolution 1244 (1999).
« Où en est la perspective d’un engagement politique constructif? » demandait ainsi M. Tanin en février, déplorant que « gestes d’hostilité et accusations mutuelles continuent de l’emporter sur les efforts en vue de revenir à la nouvelle phase de ce dialogue ». En juin, le Représentant spécial appelait les parties à assumer la responsabilité de réaliser les objectifs de normalisation prévus dans l’Accord de Bruxelles signé sous l’égide de l’Union européenne en 2013 mais au point mort depuis huit mois, une situation regrettée en particulier par les membres européens du Conseil.
Le 31 octobre, M. Tanin réitérait ses demandes, en souhaitant que le futur gouvernement kosovar appelé à sortir des élections du 6 octobre s’attache à promouvoir l’état de droit et réaffirme l’engagement du Kosovo à négocier avec Belgrade et à lever les obstacles au dialogue sous l’égide de l’Union européenne. Plusieurs membres du Conseil appelaient les autorités de Belgrade comme de Pristina à se montrer « responsables ». Mais le Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, Ivica Dačić, répétait que son pays avait signé l’Accord de Bruxelles parce qu’il devait garantir la création de la Communauté/Association des municipalités serbes du Kosovo, ce que Pristina n’a jamais autorisé.
En outre, l’arrestation en mai de deux agents internationaux de la MINUK par la police kosovare était largement condamnée par les membres du Conseil. Plusieurs d’entre eux, y compris parmi les pays ayant reconnu l’indépendance autoproclamée du Kosovo, appelaient en octobre le futur gouvernement à se préoccuper davantage de l’état de droit.
Ukraine
- 4 séances publiques : 12 février, 25 avril, 20 mai (non tenue), 16 juillet
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Coopération entre l'ONU et les organisations régionales et sous-régionales
Le Conseil de sécurité a de nouveau constitué en 2019 un terrain d’affrontement entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, et a dû constater que les accords de Minsk restaient très largement inappliqués. De hauts représentants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont participé aux différentes séances et la question ukrainienne a été en outre abordée le 7 mars, à l’occasion de l’exposé annuel du Président en exercice de l’OSCE. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a participé aux séances de février et avril pour rappeler que le conflit avait rendu 3,5 millions de personnes tributaires d’une assistance humanitaire.
Le 12 février, le Conseil se réunissait à la demande de la Fédération de Russie à l’occasion du quatrième anniversaire des accords de Minsk, que le Conseil avait approuvés par sa résolution 2202 (2015). Le Sous-Secrétaire général du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix, Miroslav Jenča, jugeait « largement insuffisante » la mise en œuvre des accords, ajoutant que les négociations semblaient « avoir perdu de l’élan, les principales parties prenantes s’avérant soit incapables, soit réticentes à s’entendre sur la marche à suivre ». États-Unis et membres européens du Conseil rendaient responsable de cette situation la Fédération de Russie, qui accusait pour sa part l’Ukraine de « violer » et de « délibérément ignorer » les accords, ajoutant que la situation dans ce pays était le résultat d’un « coup d’État » orchestré par les pays occidentaux, qui avaient fait de l’Ukraine « une excroissance de l’Union européenne ».
Le 25 avril, c’est à la demande de l’Ukraine que le Conseil se réunissait en urgence, après la décision de la Fédération de Russie de faciliter la naturalisation des habitants des régions orientales contrôlées par les séparatistes. Le représentant russe affirmait que son pays ne faisait là que « répondre aux aspirations des populations locales » désireuses de fuir des conditions de vie rendues « insupportables » par le blocus économique imposé par Kiev. L’Ukraine accusait la Fédération de Russie de cynisme et d’une volonté de « démembrer » le pays. Elle était soutenue par les membres européens du Conseil et les États-Unis. Ces derniers invitaient la Fédération de Russie à saisir le moment offert par l’élection, quatre jours plus tôt, du nouveau Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour tracer une nouvelle voie dans les relations russo-ukrainiennes.
Bien au contraire, la Fédération de Russie demandait une nouvelle séance du Conseil en urgence le 20 mai, soit le jour même de l’investiture du nouveau Président ukrainien, au motif que son prédécesseur avait ratifié une loi faisant de l’ukrainien la seule langue de l’administration, en violation des accords de Minsk. Estimant qu’une telle séance visait « manifestement à mettre en difficulté » le nouveau Chef d’État, la France, l’Allemagne et les États-Unis s’opposaient à sa tenue et demandaient un vote de procédure. Seuls cinq membres du Conseil votaient en faveur de la réunion (Afrique du Sud, Chine, Fédération de Russie, Guinée équatoriale et République dominicaine), contre 6 (les États-Unis et les cinq membres européens du Conseil), les 4 derniers s’abstenant. La réunion n’a donc pas eu lieu.
La Fédération de Russie obtenait toutefois la tenue d’une nouvelle réunion du Conseil sur le même sujet le jour de l’entrée en application de la loi sur la langue nationale, le 16 juillet. La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, expliquait le contenu de la loi et faisait état des préoccupations qu’elle soulevait au regard des minorités, tout en les tempérant, une position reprise par le représentant de l’OSCE ou encore celui de la Belgique. La question des minorités nationales amenait plusieurs membres du Conseil à dénoncer une nouvelle fois le caractère illégal de l’annexion de la Crimée et le sort des populations tatares et ukrainiennes de la péninsule.
PAIX ET SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Maintien de la paix et de la sécurité internationales
- 9 séances publiques: 25 janvier, 5 février, 1er avril, 12 juin, 13 août, 20 août (état de droit), 20 août (Moyen-Orient), 3 octobre, 22 novembre
- 1 résolution: 2491 (2019)
- 2 déclarations présidentielles: PRST/2019/8, PRST/2019/14
Voir aussi: Consolidation et pérennisation de la paix; Paix et sécurité en Afrique; Terrorisme; Les jeunes, la paix et la sécurité; Moyen-Orient; Libye; Non-prolifération (Iran)
Sous cette rubrique généraliste apparaissent notamment des débats, parfois ouverts, organisés sur des questions d’intérêt particulier pour les présidences mensuelles successives.
Le 25 janvier, sous la présidence dominicaine, plus de 80 délégations, dont une vingtaine de ministres, s’exprimaient lors d’un débat public sur la prévention des conflits liés aux catastrophes naturelles, y compris celles découlant des changements climatiques. La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, relevait le lien complexe, parfois indirect comme au Sahel et au Soudan, entre les risques climatiques et les conflits. De nombreux intervenants plaidaient pour un rôle renforcé du Conseil dans la prévention de tels conflits et pour qu’il parvienne à un consensus sur cette problématique et l’intègre officiellement dans son programme de travail. La France suggérait de confier au Secrétaire général -qui avait en 2017 qualifié les changements climatiques de « multiplicateur de risques »- le soin de présenter chaque année à l’Assemblée générale et au Conseil un rapport sur ces risques. Le Conseil restait toutefois divisé, la Fédération de Russie et l’Afrique du Sud contestant qu’il ait vocation à traiter de la question.
Le 5 février, la présidence équato-guinéenne organisait un débat public sur les menaces provenant de la criminalité transnationale organisée en mer, notamment dans le golfe de Guinée, où la piraterie est en hausse. Les intervenants plaidaient pour une application du cadre juridique international existant, jugé robuste, ce dont atteste la chute de la piraterie au large de la côte somalienne, et pour un renforcement de la coopération internationale, y compris pour améliorer les capacités des États de la région.
Le Conseil a consacré trois séances au droit et à l’accès humanitaires. Le 1er avril, une réunion au niveau ministériel était dédiée aux moyens de sanctuariser les opérations humanitaires dans les théâtres de conflit, alors que « l’espace humanitaire » se réduit en plusieurs points du globe. Sur la base de l’expérience syrienne, le Coordonnateur des secours d’urgence, Mark Lowcock, appelait une nouvelle fois les États Membres à adopter des procédures administratives « claires, simples et rapides » pour faciliter la livraison de l’aide. Le Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Peter Maurer, faisait observer que l’action humanitaire était entravée par les régimes de sanctions et les mesures de lutte contre le terrorisme, y compris celles décidées par le Conseil, du fait d’un conflit entre les cadres juridiques régissant cette lutte et le droit international humanitaire. La Fédération de Russie, qui insistait sur le principe -contesté notamment par les États-Unis– du plein consentement des États accueillant une assistance humanitaire, reconnaissait toutefois que la résolution 2462 (2019) sur la lutte contre le financement du terrorisme adoptée quelques jours plus tôt marquait une avancée, grâce à un libellé « équilibré » qui mentionnait des « acteurs humanitaires impartiaux ».
Le 13 août, au lendemain du soixante-dixième anniversaire de l’adoption des quatre Conventions de Genève, le Conseil était invité par sa présidence polonaise à s’interroger sur les moyens de mieux appliquer le droit international humanitaire (DIH). Étaient présents le Conseiller juridique des Nations Unies et, à nouveau, le Président du CICR. Le Ministre des affaires étrangères de la Pologne estimait que le respect des règles existantes par les groupes armés étatiques et non étatiques, toujours plus nombreux, constituait le plus grand défi pour le droit international humanitaire. M. Maurer et plusieurs membres du Conseil s’inquiétaient aussi des « dilemmes nouveaux » posés par la guerre urbanisée, ainsi que des nouvelles lignes de front ouvertes par les systèmes d’armes létaux autonomes ou encore les armes cybernétiques, susceptibles de « déshumaniser la guerre ».
Une semaine plus tard, dans une déclaration présidentielle, le Conseil réaffirmait « l’importance fondamentale » des Conventions de Genève pour la protection des personnes touchées par des conflits armés. Il condamnait les différentes formes de violations du droit international humanitaire, contenues dans les Conventions ou dans ses propres résolutions, et rappelait l’obligation qu’ont les États parties de rechercher les personnes soupçonnées d’infractions grave aux Conventions.
Le 12 juin, c’est une séance consacrée à la prévention des conflits et la médiation qu’organisait la présidence koweïtienne, à laquelle participaient, outre l’actuel Secrétaire général, son prédécesseur Ban Ki-moon, ainsi que Mary Robinson, tous deux membres du Conseil des sages. Ceux-ci dénonçaient les clivages entre membres du Conseil de sécurité, rappelant que c’est quand ce dernier parle d’une seule voix qu’il imprime un caractère décisif à son action. Mme Robinson accusait le Conseil, « particulièrement ses cinq membres permanents », d’avoir ces dernières années favorisé la realpolitik ou les stratagèmes de pouvoir à court terme plutôt que le respect de la Charte des Nations Unies. Elle citait en exemple « l’exercice répété du droit de veto contre des résolutions qui visaient pourtant à prévenir les atrocités criminelles, notamment l’emploi d’armes chimiques contre des civils ». La Fédération de Russie rendait responsables de ces divisions les États –occidentaux- au comportement « erroné et myope », ajoutant qu’ils gagneraient à renoncer à leurs « certitudes d’avoir raison », à leur volonté de « mentorat » et à leurs recours aux sanctions.
Le 20 août, la présidence polonaise organisait un débat sur les menaces à la paix et à la sécurité au Moyen-Orient sur fond de tensions dans le Golfe persique, marquées notamment par une série d’incidents maritimes dans et autour du détroit d’Ormuz. Au nom du Secrétaire général, sa Chef de Cabinet, Maria Luiza Ribeiro Viotti, réaffirmait que le Plan d’action global commun restait « le seul cadre reconnu au niveau international pour traiter la question du programme nucléaire iranien », ce que confirmaient le Royaume-Uni et la France. La France ajoutait toutefois que le Plan ne représentait que « l’une des pièces du puzzle » et que les menaces que faisait peser l’Iran dans la région devaient être contrées. Les États-Unis accusaient l’Iran de « continuer de semer la terreur et des troubles » dans tout le Moyen-Orient. Ils mettaient en avant le « processus de Varsovie » lancé en février pour « apporter de nouvelles idées au règlement des problèmes anciens » dans la région. La Fédération de Russie dénonçait ledit processus comme une recette au format décidé « trop hâtivement » sur la base « d’intérêts géopolitiques trop étroits » et accusait les États-Unis de parler toujours de « coalition contre l’Iran, mais jamais de dialogue ». Le Royaume-Uni reconnaissait à l’Iran le droit de défendre ses intérêts nationaux mais estimait que cette défense contribuait à créer des problèmes dans la région. L’Iran assurait ne pas chercher la confrontation mais avertissait qu’il ne pourrait rester indifférent face à la violation de sa souveraineté. De vifs échanges l’ont opposé par ailleurs à l’Arabie saoudite et à Israël.
Le 3 octobre, en marge du dossier libyen, le Conseil renouvelait pour un an, par sa résolution 2491 (2019), l’autorisation donnée aux États Membres d’inspecter les bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont utilisés pour le trafic de migrants ou la traite d’êtres humains « ayant le territoire libyen et le large des côtes libyennes comme destination, zone de transit ou point de départ ».
Le 22 novembre, à la suite d’une réunion privée tenue le 5 novembre avec le Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), le Conseil adoptait une déclaration présidentielle par laquelle il réaffirmait son « ferme appui » à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, condamnait « dans les termes les plus vigoureux » l’emploi d’armes chimique et rappelait que celui-ci constitue une violation du droit international. Le Conseil apportait son appui aux mesures prises par l’OIAC afin de réaliser l’objet et le but de la Convention et demandait instamment à tous les États parties d’apporter leur appui à l’organisation. Le texte ne mentionnait aucun pays.
Menaces contre la paix et la sécurité internationales
- 4 séances publiques: 4 février, 9 juillet, 19 juillet, 22 août
- 1 résolution: 2482 (2019)
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Paix et sécurité en Afrique; Terrorisme; Iraq
Le 4 février, la présidence équato-guinéenne organisait un débat sur les activités mercenaires en tant que facteur d’insécurité et de déstabilisation en Afrique. C’était l’occasion de constater le peu d’intérêt pour les instruments juridiques internationaux ou régionaux traitant du sujet, alors même que le mercenariat évolue, y compris sous la forme de cybermercenaires opérant « dans le confort de leur foyer ». Certains membres du Conseil s’attachaient à distinguer les activités des mercenaires et celles des entreprises de sécurité privées, que le Royaume-Uni présentait comme une industrie réglementée, alors que les États-Unis expliquaient que certains groupes de sécurité militaires privés jouaient un rôle positif en Afrique, y compris en protégeant des installations de l’Union africaine ou de l’ONU. L’Afrique du Sud estimait toutefois que les services de sécurité devraient relever uniquement de la responsabilité des gouvernements souverains. Certains intervenants faisaient le lien avec la question de la prolifération des armes légères et de petit calibre.
Le 22 août, un climat de guerre froide régnait au Conseil réuni en urgence à la demande de la Fédération de Russie au lendemain de l’extinction du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire signé en 1987 avec les États-Unis pour mettre fin à la « crise des euromissiles », missiles nucléaires d’une portée de 500 à 5 500 kilomètres tirés du sol. Russes et Américains se rejetaient la responsabilité de la fin de ce que la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Izumi Nakamitsu, présentait comme « un des rares obstacles à la mise au point et au déploiement d’une catégorie de missiles aux incidences dangereuses et déstabilisatrices ». La Chine jugeait « inacceptable » d’être utilisée par les États-Unis comme « excuse pour se retirer du Traité ». Plusieurs des autres membres du Conseil appelaient Américains et Russes à tout faire pour proroger le traité New Start (nouveau Traité de réduction des armements stratégiques) sur les armements stratégiques au-delà de son échéance actuelle de 2021.
Le 9 juillet, le Conseil s’interrogeait lors d’un débat public sur les liens entre terrorisme et criminalité transnationale organisée, liens complexes reconnus depuis en 2000 et l’adoption de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et la résolution 1373 (2001) du Conseil. L’Indonésie craignait l’avènement d’une nouvelle génération de « terroristes trafiquants » et le Maroc constatait un rapprochement entre terroristes et « passeurs » internationaux. Mais d’autres délégations notaient la faiblesse de ce lien en Europe ou insistaient sur son caractère « opportuniste ». Le Mexique rejetait tout amalgame, du fait de cadres juridiques et d’arsenaux institutionnels distincts, que le Nigéria souhaitait abolir. De nombreux appels étaient lancés pour renforcer la coopération via les institutions régionales et internationales de police.
Suite à ce débat, le Conseil adoptait, le 19 juillet, la résolution 2482 (2019), qui demande aux États Membres de mieux coordonner leurs efforts afin de renforcer l’action mondiale visant à rompre des liens entre terrorisme international et criminalité organisée. La résolution insiste également sur l’importance de la bonne gouvernance et la nécessité de lutter contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, y compris par le trafic de drogue ou la traite d’êtres humains. Tout en critiquant certains aspects du texte jugés « sans le moindre lien » avec la paix et la sécurité internationales, la Fédération de Russie se félicitait que le Conseil soit parvenu à « élargir considérablement » les outils dont il disposait déjà sur la question relative aux armes, établis dans les résolutions 2370 (2017) et 2462 (2019).
Toutes les autres séances tenues sous cette rubrique étaient liées au terrorisme en général ou à Daech en particulier.
Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d'actes de terrorisme
- 7 séances publiques: 11 février, 28 mars, 15 juillet, 27 août, 20 septembre, 26 novembre , 16 décembre
- 2 résolution: 2462 (2019), 2490 (2019), 2501 (2019)
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales, Opérations de paix des Nations Unies; Organes subsidiaires; Les jeunes, la paix et la sécurité; Moyen-Orient; Afghanistan; Iraq; Syrie; Paix et sécurité en Afrique
Le Secrétaire général adjoint au Bureau de lutte contre le terrorisme, Vladimir Voronkov, et la Chef de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), Michèle Coninsx, ont présenté deux rapports semestriels au Conseil, le 11 février puis le 27 août. À ces deux occasions, les responsables avertissaient de la persistance des capacités de nuisance de Daech et insistaient sur le défi constitué par les 24 000 à 30 000 combattants terroristes étrangers de retour dans leur pays, relocalisés ou libérés. Des pays comme l’Allemagne et les États-Unis mettaient en avant l’échange d’informations, notamment les « dossiers passagers » relatifs aux déplacements aériens, qui permettaient de tracer les mouvements. Était également posée la question des enfants de jihadistes, « à traiter comme des victimes », de leurs épouses, des programmes de réhabilitation et réintégration, jugés parfois « complexes » et des poursuites. La France plaidait pour que les combattants terroristes étrangers soient jugés au plus près des lieux de leurs crimes.
Le 11 février, la France annonçait un projet de résolution pour lutter contre le financement du terrorisme. Le 28 mars, à l’occasion d’un débat public auquel participaient des représentants d’INTERPOL et du Groupe d’action financière (GAFI), le Conseil adoptait sa résolution 2462 (2019), un texte ambitieux par lequel il décidait que tous les États veilleraient à « ériger en infractions pénales graves » toute forme de contribution au financement du terrorisme. Le texte demandait aussi aux États d’intensifier l’échange de renseignements financiers concernant « les actes, les déplacements, la cadence des mouvements des terroristes, notamment les combattants terroristes étrangers ». Les mesures prises devaient être conformes au droit international humanitaire, aux droits de l’homme et au droit des réfugiés. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’inquiétait néanmoins de l’impact des mesures antiterroristes sur l’aide humanitaire. L’Allemagne l’assurait que personne ne pourrait utiliser la résolution pour criminaliser des actions humanitaires indépendantes, neutres et impartiales.
Le Conseil a consacré trois séances à l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), traitée sous la rubrique Iraq.
Enfin, le 16 décembre, le Conseil a adopté une résolution consacrée au terrorisme lié aux Taliban en Afghanistan, traitée sous ce pays.
Opérations de paix des Nations Unies
- 6 séances publiques: 11 avril, 7 mai, 18 juin, 10 juillet, 9 septembre, 6 novembre
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/4
Voir aussi: Consolidation et pérennisation de la paix; Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales; les femmes et la paix et la sécurité
Fin 2019, l’ONU comptait 13 opérations de paix, soit une de moins qu’un an plus tôt, après la fin de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), remplacée par un bureau intégré, la nouvelle mission créée au Yémen en début d’année étant une mission politique. L’ex-Département des opérations de maintien de la paix, devenu le 1er janvier le Département des opérations de paix (DPO) dirigé par le Secrétaire général adjoint Jean-Pierre Lacroix gérait quelque 110 000 personnels en uniforme.
Le 11 avril, sous la présidence allemande, le Conseil tenait un débat public sur la manière d’appuyer plus efficacement la participation « pleine, effective et véritable » des soldates de la paix aux opérations des Nations Unies. Au-delà des statistiques, le Secrétaire général disait voir dans la présence de femmes parmi les Casques bleus, les services de police et les experts civils un message important pour les populations des pays hôtes quant à l’égalité entre les genres et l’autonomisation des femmes. Face à la Ministre de la défense allemande qui plaidait en faveur de « modèles pour nourrir l’imagination » et de « femmes mentors qui racontent leur succès aux jeunes filles », la Fédération de Russie préconisait toutefois un processus « réfléchi » évitant tout « engouement excessif » et répondant aux besoins « réels » des missions et de la particularité de chaque pays hôte. Le renforcement de la présence des femmes dans les opérations de paix ne saurait être « une fin en soi », ajoutait-elle.
Le 7 mai, c’est la formation et le renforcement des capacités au sein des opérations de paix qui était au centre d’un débat public organisé par la présidence indonésienne. Face à des environnements de plus en plus complexes et hostiles, la formation « sauve des vies », déclarait le Secrétaire général, qui rappelait que celle-ci constituait un des engagements majeurs de son initiative Action pour le maintien de la paix. Au nom des pays fournisseurs de contingents, l’Indonésie demandait une consultation plus étroite entre le Conseil, les pays hôtes, les pays fournisseurs de contingents et le Secrétariat. Le Conseil adoptait une déclaration présidentielle pour souligner la nécessité de donner suite aux engagements pris en ce sens lors de la Réunion ministérielle des Nations Unies sur le maintien de la paix de mars 2019.
L’implication et la consultation des pays fournisseurs de contingents, surtout au niveau de la formulation des mandats des opérations de paix, revenait lors du débat du 10 juillet, consacré au renforcement du dialogue entre les principales parties prenantes du maintien de la paix à l’ONU. L’idée était de proposer des mesures concrètes pour améliorer la coopération triangulaire entre ces États, le Conseil et le Secrétariat de l’ONU. Malgré l’institutionnalisation de principe d’une telle coopération par la résolution 1353 (2001), aucune initiative n’a encore abouti à un processus « régulier et systématique », relevait une chercheuse invitée. Plusieurs intervenants préconisaient un mélange de réunions formelles et de consultations informelles, évitant de charger encore plus l’ordre du jour du Conseil tout en traitant des « sujets qui fâchent » par un « dialogue franc, transparent et constructif » utilisant mieux les voies existantes.
Le maintien de la paix est désormais « mieux préparé, plus robuste et plus réactif », affirmait le 9, septembre M. Lacroix à l’occasion d’un débat marquant le premier anniversaire de la Déclaration d’engagements communs concernant les opérations de paix. Il ajoutait que les missions de l’ONU jouaient désormais un rôle proactif pour « maintenir l’espace nécessaire permettant de dégager une solution politique », ce qui a suscité les réserves de la Fédération de Russie face aux opérations dites « robustes et proactives », auxquelles elle préférait les principes fondamentaux comme la neutralité et le non-emploi de la force. Le Secrétaire général adjoint mais aussi la France ou les États-Unis mettaient l’accent sur la culture de performance et de responsabilisation. En revanche, l’Égypte dénonçait une approche qui passait sous silence la dimension politique du maintien de la paix et mettait « injustement » l’accent sur les « manquements » des pays fournisseurs de contingents. D’autres pays appelaient au renforcement du dialogue entre le Conseil, le Secrétariat et ces pays, et à son élargissement aux pays hôtes, passant ainsi d’une coopération triangulaire à une collaboration quadripartite.
Par ailleurs et comme chaque année, le Conseil a eu l’occasion d’échanger avec les commandants de forces des opérations de paix. Le 18 juin, il entendait ainsi les chefs des composantes militaires des opérations de paix au Darfour et à Chypre qui répondaient aux questions sur les moyens d’améliorer les conditions dans lesquelles opèrent les Casques bleus ainsi que sur les résultats obtenus. Ils expliquaient aussi les défis spécifiques rencontrés sur le terrain, y compris dans leurs relations avec le pays hôte, parfois délicates, comme le reconnaissait le Secrétaire général adjoint. Celui-ci rappelait l’importance du soutien du Conseil et le rôle primordial du Secrétariat, notamment lors de la formulation des mandats.
Le Conseil tenait le même type de réunion le 6 novembre avec les commandants de police de plusieurs opérations de paix. Ses membres saluaient le rôle important joué par les policiers, en particulier dans les phases de transition, pour rassurer et protéger les populations tout en appuyant la restauration de l’état de droit, y compris par le renforcement des capacités des forces de police locales. Certains déploraient toutefois le déploiement d’unités mal équipées et mal formées nuisant à la crédibilité et à l’efficacité des missions. M. Lacroix mentionnait le rôle croissant des policiers dans les villes et les camps de déplacés et plaidait pour un accroissement de la présence du personnel féminin.
Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales
- 6 séances publiques: 27 février, 7 mars, 12 mars, 13 juin, 25 septembre, 30 octobre
- 1 résolution: 2457(2019)
- 1 déclaration présidentielle: PRST/2019/5
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Opérations de paix des Nations Unies des Nations Unies; Lutte contre le terrorisme; Paix et sécurité en Afrique; Libye; Ukraine
À l’image du partenariat privilégié entre les Nations Unies et l’Afrique, la première séance de l’année sur le thème de la coopération entre l’ONU et les organisations régionales, le 27 février, concernait ce continent. À l’occasion d’un débat ouvert organisé par la présidence équato-guinéenne, marqué par une cinquantaine d’interventions, Rosemary DiCarlo, Chef du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix, qualifiait le partenariat Union africaine-ONU de « pierre de touche des initiatives de paix et de sécurité onusiennes en Afrique » et en mentionnait les fruits, notamment en République centrafricaine, où venait d’être conclu un accord de paix, et au Soudan du Sud.
Au début de la séance, le Conseil adoptait sa résolution 2457 (2019), par laquelle il se déclarait « prêt à soutenir la mise en œuvre » du Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020. Le Conseil apportait son appui aux initiatives visant à trouver des « solutions africaines aux problèmes africains », tout en reconnaissant la nécessité de la coopération et des partenariats internationaux. Il rappelait les cadres de coordination entre l’ONU et l’Union africaine, notamment dans le domaine du maintien de la paix, et engageait les deux organisations à redoubler d’efforts pour coordonner leur action dans toutes les formes de réponse aux conflits, de la prévention à la reconstruction postconflit. En revanche, la résolution restait silencieuse sur le financement des opérations de soutien à la paix dirigées par l’Union africaine et autorisées par le Conseil. La question était pourtant largement abordée lors du débat. Président de la séance, le Ministre des affaires étrangères de la Guinée équatoriale rappelait qu’il existait toujours un projet de résolution en suspens sur la question et ajoutait que l’espoir de faire taire les armes en Afrique « serait une utopie s’il n’était pas accompagné par cette mesure importante ».
La question du financement revenait sur la table du Conseil le 30 octobre à l’occasion d’un autre débat sur la coopération ONU-Union africaine, organisé par la présidence sud-africaine. Toutefois, la séance était surtout l’occasion pour les trois membres africains du Conseil de réclamer que ce dernier prenne en compte la contribution du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine dans ses efforts pour résoudre le conflit en Libye, y compris sa requête de nommer un envoyé spécial conjoint. La Fédération de Russie soutenait la demande africaine en vertu du principe des « solutions africaines aux problèmes africains ». L’Allemagne souhaitait voir la coopération inclure l’Union européenne, « voisine du continent africain ».
Auparavant, le 7 mars, l’intervention annuelle du Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) devant le Conseil était l’occasion pour le Ministre des affaires étrangères et européennes de la Slovaquie, Miroslav Lajčák, également ancien Président de l’Assemblée générale de l’ONU, de défendre un « multilatéralisme efficace ». Il le présentait comme un outil fondamental que le monde « semble commencer à oublier » pour la résolution des problèmes et le règlement des conflits. M. Lajčák plaidait pour un renforcement de la coopération entre l’OSCE et l’ONU dans divers domaines thématiques et passait en revue les zones de crise en Europe, en premier lieu l’Ukraine. Les États-Unis saluaient l’approche globale de l’OSCE dans ce pays et plusieurs délégations appuyaient le rôle de sa mission spéciale en Ukraine.
Le 12 mars, c’est l’intervention annuelle de la Haute-Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité que le Conseil entendait. Federica Mogherini jugeait la « voie européenne » vers la paix et la sécurité « identique » à la voie onusienne, ajoutant que l’Union investissait dans sa coopération avec le système de l’ONU « comme jamais auparavant ». Elle mettait en avant les contributions « novatrices » de l’Union à un multilatéralisme plus effectif, qu’elle illustrait par le format trilatéral établi avec l’Union africaine et l’ONU sur la question des migrants africains détenus en Libye. Lors du débat, la France relevait que l’Union européenne et l’ONU ne se limitaient plus à coopérer au cas par cas mais étaient devenues complémentaires sur tout le spectre des opérations de paix. Elle rappelait aussi que les États membres de l’Union contribuaient pour un tiers au budget de maintien de la paix de l’ONU. La Fédération de Russie saluait elle aussi le travail de l’Union européenne, notamment en Afrique, tout en lui reprochant de ne pas avoir de ligne politique claire propre et de se laisser aller à une « mentalité euro-atlantique » et une « logique de blocs ».
Le 13 juin, sous la présidence koweïtienne, le Conseil adoptait une déclaration présidentielle sur le renforcement de sa coopération avec la Ligue des États arabes. Le Conseil engageait notamment le Secrétaire général de cette organisation à faire un exposé annuel devant lui. Il se prononçait aussi en faveur d’une réunion informelle annuelle entre ses membres et ceux du Conseil de la Ligue. Il se félicitait en outre de l’ouverture, le même mois, du Bureau de liaison des Nations Unies au siège de la Ligue, au Caire.
Le 25 septembre, le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergey Lavrov, présidait un débat public sur la coopération entre les organisations régionales et les Nations Unies dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, avec un accent mis sur les organisations régionales d’Asie centrale. La trentaine d’intervenants évoquaient notamment le retour des combattants terroristes étrangers dans leur pays, la « nouvelle frontière » créée par le cyberterrorisme et la situation en Afghanistan. C’était aussi, pour plusieurs membres du Conseil, l’occasion de rappeler que la lutte contre le terrorisme devait se faire dans le cadre défini par la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, et dans le respect des droits de l’homme, ce dernier point étant l’occasion d’échanges vifs entre les représentants des États-Unis et de la Chine à propos de la minorité ouïgoure.
Consolidation et pérennisation de la paix
- 2 séances publiques: 18 juillet, 19 novembre
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Opérations de paix des Nations Unies, Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix
Le 18 juillet, sous la présidence péruvienne, le Conseil était invité à réfléchir au « renforcement des partenariats facilitant le déroulement des transitions dirigées par les pays » aux fins de consolidation et pérennisation de la paix, à la lumière des enseignements tirés de plusieurs transitions précédentes. Anciens hôtes d’une opération de maintien de la paix et engagés dans un processus de consolidation des acquis, la Côte d’Ivoire, Haïti et le Timor-Leste apportaient leurs contributions, de même que le Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP) et des représentants de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Le Secrétaire général présentait la transition d’une opération de paix à un processus de consolidation des acquis comme « un moment d’espoir, de possibilité et de promesse », permettant « d’aider les gouvernements eux-mêmes à promouvoir des politiques et des programmes qui s’attaquent aux causes profondes des crises et des conflit ». Plusieurs membres du Conseil se prononçaient pour un renforcement de la coopération entre ce dernier et la CCP, décrite par son Président comme chargée de « combler le déficit de capacités institutionnelles et structurelles et d’aider les pays en transition à faire face au risque croissant de récurrence d’un conflit ».
Le 19 novembre, la présidence britannique organisait un débat public sur le rôle de la réconciliation dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. La soixantaine de délégations participantes insistaient, souvent sur la base de l’expérience, sur l’absence de panacée, modèle unique ou autre « feuille de route pratique » en la matière, chaque société étant appelée à trouver la « bonne combinaison », la réussite dépendant de l’appropriation nationale et de l’inclusivité. À l’exemple du Secrétaire général, de nombreux États Membres excluaient l’impunité pour les crimes graves, la lutte contre celle-ci et pour la justice étant jugée indispensable à une réconciliation juste et durable. Certains, comme les États-Unis, appuyaient les mécanismes internationaux d’enquête sur les violations des droits de l’homme en Syrie ou au Myanmar, mais la Fédération de Russie comme la Chine mettaient en garde contre les « solutions venues de l’extérieur » et les dispositifs de justice internationaux accusés d’être souvent marqués par la pratique du deux poids, deux mesures.
Missions du Conseil de sécurité
- 4 séances publiques: 26 février, 27 mars, 11 juillet, 19 juillet
Le Conseil de sécurité a effectué en 2019 quatre missions, en Afrique de l’Ouest, au Sahel, en Iraq et en Colombie. Les séances de compte rendu sont traitées sous les rubriques nationales ou régionales respectives.
NON-PROLIFÉRATION
Non-prolifération – armes de destruction massive
- 2 séances publiques: 19 mars, 2 avril
Voir aussi: Non-prolifération Iran, Non-prolifération RPDC, Organes subsidiaires
Dans un environnement international tendu, les deux réunions consacrées par le Conseil à la non-prolifération en général ont été marquées par des inquiétudes concernant aussi le financement des mécanismes de contrôle.
Le 19 mars, le représentant de l’Indonésie et Président du Comité créé en vertu de la résolution 1540 (2004), Dian Triansyah Djani, avertissait le Conseil qu’à moins de trouver une solution aux problèmes financiers du Comité avant la fin avril, ce dernier aurait d’« énormes » difficultés à honorer ses obligations. Alors que l’objectif du Comité, chargé de lutter contre le risque de voir des armes de destruction massive tomber aux mains d’acteurs non étatiques, est considéré comme une priorité internationale, M. Djani expliquait que, faute d’argent pour payer des experts, une vingtaine de demandes d’assistance restaient en suspens. Les États-Unis demandaient au Secrétariat de l’ONU de veiller à ce que le Comité dispose des ressources nécessaires pour recruter « le personnel le plus talentueux et compétent possible ».
Le Président du Comité faisait par ailleurs état de « progrès significatifs » dans la mise en œuvre de la résolution 1540 (2004). Plusieurs membres du Conseil appelaient à se pencher sur la question des technologies émergentes, toujours susceptibles d’être instrumentalisées à des fins terroristes. Le rôle du secteur industriel était mis en avant, dans le cadre notamment du Processus de Wiesbaden, lancé en 2012.
La question des ressources allouées aux organes de contrôle était également posée lors de la séance du Conseil du 2 avril, convoquée par la présidence allemande afin d’appuyer le processus préparatoire à la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui aura lieu en 2020. Le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, opposait la quasi-stagnation des ressources de son agence à l’augmentation constante des sites nucléaires placés sous le régime des garanties de l’AIEA et prévenait que les activités de vérification de l’Agence pourraient en être gravement affectées. Quant au Traité lui-même, les intervenants en saluaient les succès mais la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Izumi Nakamitsu, avertissait que sa pérennité n’en était pas acquise pour autant. Elle jugeait en particulier qu’une régression dans l’un des deux premiers piliers du TNP -désarmement et non-prolifération- s’accompagnerait inévitablement d’un recul dans l’autre. Plus largement, la Chine, les États-Unis et la Fédération de Russie s’accusaient mutuellement d’affaiblir l’architecture mondiale de sécurité.
Non-prolifération – Iran
- 2 séances publiques: 26 juin, 19 décembre
Voir aussi: Non-prolifération – armes de destruction massive; Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Yémen
Quatre ans après l’adoption du Plan d’action global commun (PGAC) approuvé par le Conseil par sa résolution 2231 (2015), et plus d’un an après le retrait des États-Unis du Plan, le Conseil a dû faire face aux premières mesures prises par la République islamique d’Iran pour se retirer de ses propres engagements, au risque de mettre en danger « un succès diplomatique multilatéral important » jouissant d’un large appui auprès des États Membres, comme le rappelait en décembre la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo.
Alors que les États-Unis imposaient à l’Iran des sanctions toujours plus lourdes, la première réunion semestrielle du Conseil sur le suivi de la résolution 2231 (2015), le 26 juin, voyait se multiplier les appels à la préservation du Plan. L’Iran, dont l’Agence internationale de l’énergie atomique avait toujours constaté le respect de ses engagements, avait en effet annoncé son intention de s’affranchir des restrictions imposées sur ses stocks d’uranium enrichi et d’eau lourde, à moins que les autres participants au Plan ne tiennent compte, dans un délai de 60 jours, de ses demandes de compensations pour les sanctions américaines. Une décision qui, rappelait l’Iran, était pleinement conforme aux dispositions du Plan.
Parmi les autres parties, la Fédération de Russie disait comprendre la « grande déception » de l’Iran, à qui l’on demandait de respecter strictement le Plan sans pouvoir en tirer les bénéfices, et ajoutait que le pays avait le droit d’attendre des participants restants qu’ils lui démontrent l’intérêt qu’il avait à y rester attaché. L’Union européenne promettait de tout faire pour que le peuple iranien tire les dividendes du Plan. La France s’inquiétait du dangereux retour en arrière, « porteur d’incertitudes et potentiellement de lourdes conséquences pour la région, pour le régime de non-prolifération et pour notre sécurité collective » qu’entraînerait la disparition de l’accord, résultat de 12 années de diplomatie intense et de négociations techniques. De leur côté, les États-Unis accusaient l’Iran de s’attaquer à leurs partenaires au Moyen-Orient et d’y inciter au terrorisme. Ils invitaient le Conseil à ne pas minimiser un comportement « irresponsable » au nom de la préservation d’un accord qui, selon eux, ne lui barre pas vraiment la route aux armes nucléaires. Facilitatrice de la mise en œuvre de la résolution, la Belgique évoquait les sources de désaccord quant au respect de la résolution, notamment les activités de l’Iran relatives aux missiles balistiques, ainsi que les transferts d’armes iraniennes dans la région.
L’Iran reprenait progressivement ses activités nucléaires à partir de juillet. Le 19 décembre, il expliquait qu’il agissait ainsi pour « corriger le déséquilibre » au sein du Plan et faisait observer qu’à l’inverse des dommages imposés par les sanctions américaines à sa population, toutes les mesures qu’il prenait étaient « réversibles ». Mme DiCarlo et les 14 autres membres du Conseil regrettaient une nouvelle fois le retrait des États-Unis du Plan. La plupart regrettaient aussi les mesures prises par l’Iran, jugeant qu’elles l’engageaient sur une voie « profondément préoccupante ». « Nous ne pouvons imposer à l’Iran de respecter toutes les résolutions pertinentes du Conseil alors que les États-Unis ne le font pas », répondait la Fédération de Russie, alors que la Chine demandait que les rapports de l’ONU traitent des intérêts « légitimes » de l’Iran. Les États-Unis accusaient l’Iran de défier la résolution 2231 (2015) et de chercher à déstabiliser toute la région du Golfe.
Non-prolifération - République populaire démocratique de Corée (RPDC)
- 2 séances publiques: 10 avril, 11 décembre
- 1 résolution: 2464 (2019)
Le 10 avril, le Conseil prorogeait jusqu’au 24 avril 2020 le mandat du Groupe d’experts chargé d’assister le Comité des sanctions 1718, qui surveille l’application des sanctions imposées au pays. La résolution 2464 (2019) était adoptée à l’unanimité. Les États-Unis estimaient qu’une bonne mise en œuvre du régime de sanctions était essentielle pour garantir la dénucléarisation « vérifiable et irréversible » de la péninsule coréenne et appelaient à lutter contre les contournements « de plus en plus complexes » du régime de sanctions. Le Conseil demandait à recevoir avant le 6 septembre un rapport de mi-mandat, le rapport final étant prévu six mois plus tard.
Le Conseil restait ensuite silencieux alors qu’à partir de mai, la RPDC effectuait 13 tirs ou essais de missiles balistiques de portée variable, en violation des résolutions du Conseil.
Mais, le 11 décembre, la présidence américaine du Conseil convoquait une réunion à la suite d’un essai de missile effectué le 7 et dans un contexte de déclarations jugées inquiétantes, laissant envisager un changement dans la « position stratégique de la RPDC dans un proche avenir ». Le Sous-Secrétaire général de l’ONU pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, Mohamed Khaled Khiari, notait aussi que la RPDC était revenue sur certains de ses engagements diplomatiques pris avec les États-Unis et la République de Corée. Il appelait à la reprise des pourparlers, suivi par l’ensemble des membres du Conseil, en premier lieu les États-Unis, qui se disaient prêts à continuer de faire preuve de souplesse et parlaient d’accord équilibré tout en mentionnant l’objectif de « dénucléarisation complète de la RPDC ». Le Royaume-Uni et la France insistaient sur le fait qu’il n’était « pas trop tard » et que « la main restait tendue ». La Chine et la Fédération de Russie regrettaient que le Conseil n’ait pas réussi depuis deux ans à se mettre d’accord sur des mesures politiques et à « agir positivement », notamment en revenant sur les vagues de sanctions imposées au deuxième semestre 2017. Les aspirations de la RPDC en termes de développement n’ont pas reçu toute l’attention nécessaire, estimait la Chine. La Fédération de Russie ajoutait qu’il ne pourrait y avoir d’accord si on ne proposait rien en échange. Elle précisait que la dénucléarisation ne devait pas concerner que la RPDC mais « toute la péninsule coréenne ».
JUSTICE INTERNATIONALE
Cour pénale internationale (CPI)
Les exposés de la Procureure de la CPI devant le Conseil sont traités sous la rubrique des pays concernés. Voir: Soudan, Libye
Le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux
- 2 séances publiques: 17 juillet, 11 décembre
Voir aussi: maintien de la paix et de la sécurité internationales
Créé par la résolution 1966 (2010), le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux a repris l’ensemble de l’activité du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), fermé fin décembre 2015, et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), qui a clôturé ses travaux le 31 décembre 2017. Créé pour une période initiale de quatre ans, reconductible ensuite automatiquement tous les deux ans sauf décision contraire du Conseil, le Mécanisme, conçu comme « une petite entité efficace à vocation temporaire, dont les fonctions et la taille iront diminuant », fait l’objet, comme les tribunaux avant lui, d’un examen semestriel par le Conseil, à laquelle participent son Président et son Procureur, respectivement le juge Carmel Agius et M. Serge Brammertz.
Le 17 juillet puis le 11 décembre, le Président Agius détaillait le fonctionnement de ses services et notamment le rapprochement entre ses deux branches situées à La Haye et Arusha, dans un contexte de ressources budgétaires en baisse. Comme M. Brammertz, il s’inquiétait du révisionnisme et du déni de génocide renaissants aussi bien dans les pays de l’ex-Yougoslavie qu’au Rwanda. Le Procureur dénonçait en outre le manque de coopération des États, s’agissant en particulier des huit derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR. En décembre, il citait nommément l’Afrique du Sud, membre élu du Conseil, qui abrite depuis « au moins 18 mois » l’un des fugitifs. L’Afrique du Sud assurait le Président de sa « pleine coopération ».
Alors que la majorité des membres du Conseil saluaient les travaux du Mécanisme, la Fédération de Russie jugeait en décembre « malheureux » que la communauté internationale « traîne encore le poids de tribunaux crées il y a un quart de siècle ». En juin, elle avait dénoncé dans « l’allant » dont faisait preuve le Mécanisme une « violation permanente de l’objectif principal » de la résolution 1966 (2010) et lui reprochait d’avoir « repris le flambeau » du « mythe construit par le TPIY » pour rendre la Serbie « exclusivement responsable » de la guerre des Balkans. Le juge Agius rappelait en décembre que le Mécanisme devrait encore travailler pendant de nombreuses années pour s’acquitter de ses différentes tâches, y compris la gestion des peines des condamnés, la protection des témoins ou encore les archives. Il parlait aussi de la sécurité de plusieurs personnes acquittées ou libérées par le TPIR, qui demeuraient en résidence sécurisée en Tanzanie faute de terre d’accueil, une activité qui, précisait-il, « n’a jamais été dans les fonctions » du Mécanisme.
AUTRES QUESTIONS THÉMATIQUES
Exposés de hauts dirigeants des Nations Unies
- 1 séance publique: 9 avril
Voir aussi: Libye, Myanmar, Syrie
À l’invitation de sa présidence allemande, le Conseil entendait le 9 avril le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, lequel dressait un bilan alarmant de la crise mondiale des migrations forcées. Ces dernières, expliquait-il, sont la conséquence directe des situations des conflits, et c’est pourquoi le Conseil a un rôle à jouer pour y remédier. Il appelait le Conseil à s’unir pour « mettre fin à l’escalade » en Libye, sous peine de voir de nouveaux réfugiés s’aventurer en Méditerranée. Les membres du Conseil discutaient notamment de la question du retour des réfugiés, en particulier s’agissant des Syriens et des Rohingya du Myanmar, décrits comme étant « sous pression » pour rentrer chez eux par M. Grandi.
Protection des civils en période de conflit armé
- 3 séances publiques: 23 mai, 11 juin, 20 juin
- 2 résolutions: 2474(2019), 2475(2019)
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales
Vingt ans après l’inscription de la question de la protection des civils à l’ordre du jour du Conseil, un débat public organisé le 23 mai au niveau ministériel par la présidence indonésienne amenait le Secrétaire général à constater à la fois un renforcement du cadre normatif de protection et une détérioration de son respect. Comme souvent dans les débats touchant au droit international humanitaire, le principal défi apparaissait comme étant le renforcement de son respect dans la conduite des hostilités, un impératif unanimement reconnu mais d’une application jugée « au mieux discutable ». Le Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Peter Maurer, faisait observer que l’absence de convergence politique au Conseil de sécurité, était considérée sur le terrain par trop d’acteurs comme « un blanc-seing pour mener leurs opérations militaires, sans aucune limite ni responsabilité ». La Fédération de Russie déplorait une sorte de « compétition » dans « l’identification sans fin de nouvelles catégories de personnes qui ont besoin d’une protection spéciale en vertu du droit international ». Elle jugeait le Conseil « infecté » par cette tendance qui ne pouvait, selon elle, qu’affaiblir la protection accordée aux civils par les normes juridiques internationales existantes.
C’est pourtant une catégorie particulière, les personnes handicapées, qui faisait l’objet de la résolution 2475 (2019) adoptée le 20 juin à l’initiative de la Pologne et du Royaume-Uni. Le Conseil s’y déclare gravement préoccupé par les conséquences « disproportionnées » des conflits armés sur les personnes handicapées. Il insiste en particulier sur « l’utilité d’offrir en temps voulu aux civils handicapés touchés par les conflits armés une assistance durable, adaptée, inclusive et accessible » afin de répondre efficacement « aux besoins qui leur sont propres ». Tout en contribuant à une adoption unanime, la Fédération de Russie demandait à nouveau pourquoi créer de nouvelles distinctions. En outre, elle estimait, comme la Chine, que toute une série de dispositions de la résolution échappaient en fait au mandat du Conseil de sécurité.
Auparavant, le 11 juin, à l’initiative du Koweït, le Conseil avait adopté à l’unanimité sa résolution 2474 (2019), consacrée aux personnes disparues en période de conflit. Ce « premier appel collectif pour traiter de cette priorité humanitaire », selon les États-Unis, se fonde principalement sur les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels. Par ce texte, le Conseil demande aux parties à un conflit armé de prendre « toutes les mesures voulues pour rechercher activement les personnes portées disparues, permettre le retour de leur dépouille et faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues sans distinction », mais aussi de prendre les mesures voulues pour empêcher de telles disparitions et de poursuivre leurs responsables. Le Conseil réaffirme aussi son appui au CICR et appelle à la coopération avec son Agence centrale de recherches, laquelle, précisait le Président du CICR, avait enregistré rien qu’en 2018 plus de 45 000 nouveaux cas de disparitions.
Le sort des enfants en temps de conflit armé
- 1 séance publique: 2 août
Lors du débat annuel du Conseil sur la question, le 2 août, l’accent était mis sur l’importance de la santé mentale et l’urgence de la réintégration des enfants anciennement associés à des groupes armés. Deux d’entre eux, devenus spécialistes de la protection de l’enfance, venaient expliquer l’importance d’un tel soutien psychosocial et de l’accès à l’éducation. Tant l’UNICEF que le Canada, au nom des 42 membres du Groupe des Amis des enfants touchés par les conflits armés, rappelaient le jalon qu’avait représenté l’adoption, 13 mois plus tôt, de la résolution 2427 (2018), qui invitait à traiter les enfants anciennement associés à des groupes armés avant tout comme des victimes. De multiples appels étaient par ailleurs lancés pour appuyer la Déclaration de Stockholm sur la sécurité dans les écoles.
Les femmes et la paix et la sécurité
- 2 séances publiques: 23 avril, 29 octobre (avec reprise le 4 novembre)
- 2 résolutions: 2467 (2019), 2493 (2019)
Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique, Consolidation et pérennisation de la paix; Opérations de paix des Nations Unies
Le Conseil de sécurité a tenu ses deux débats ouverts annuels sur ce thème, le premier consacré aux violences sexuelles dans les conflits armés, le second à la promotion des femmes dans le domaine de la paix et la sécurité, dans le sillage de la résolution 1325 (2000).
À l’occasion du dixième anniversaire de la création du Bureau de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit par la résolution 1888 (2009), le Conseil adoptait, le 23 avril, la résolution 2467 (2019), par laquelle il encourageait les autorités nationales à « renforcer la législation visant à amener les auteurs de violences sexuelles à répondre de leurs actes » et leur demandait de « mettre l’accent sur les enquêtes et les poursuites engagées dans des cas de violence sexuelle dans des situations de conflit et d’après-conflit ». Le texte de compromis n’était toutefois pas adopté par consensus, la Fédération de Russie et la Chine s’abstenant. La Russie expliquait notamment qu’il fallait faire « une distinction claire entre la violence sexuelle en tant que crime de guerre et la violence sexuelle en tant qu’infraction criminelle ».
Lors du débat, nombreux parmi les 91 intervenants déploraient en outre l’absence de référence, dans le texte final, à la santé sexuelle et procréative. Au sein du Conseil, c’était notamment le cas de la République dominicaine, de l’Afrique du Sud, du Royaume-Uni et de la France, laquelle se disait « consternée » par le fait qu’un pays –les États-Unis- avait exigé le retrait de la référence à cette question, pourtant agréée dans plusieurs résolutions antérieures. Auteur du texte de compromis final, l’Allemagne constatait la « triste réalité » d’une mise en œuvre « à la traîne » des résolutions sur le sujet, ajoutant que le fait de ne pas traduire en justice les auteurs de violences sexuelles créait « une impunité meurtrière ».
Des critiques similaires étaient présentées lors du débat du 29 octobre -achevé le 4 novembre- lors duquel était adoptée la résolution 2493 (2019). Celle-ci consistait essentiellement en un pressant rappel aux États Membres à appliquer pleinement les dispositions de toutes les résolutions antérieures sur le sujet et notamment à favoriser l’inclusion et la participation des femmes aux pourparlers de paix « dès le début et sur un pied d’égalité avec les hommes ». Si le texte, présenté par l’Afrique du Sud, était adopté à l’unanimité, la Fédération de Russie et la Chine n’en alertaient pas moins contre toute atteinte à la souveraineté des États en la matière et contre le risque de « doublons », reprochant au Conseil de sécurité de s’emparer de questions « fort bien traitées par l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme ». Une nouvelle passe d’armes opposait les États-Unis à la France et au Royaume-Uni sur les références faites à des documents précédents mentionnant la santé sexuelle et reproductive, et notamment le recours à l’interruption volontaire de grossesse.
Les jeunes et la paix et la sécurité
- 1 séance publique: 17 juillet
Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; paix et sécurité en Afrique
Sous la rubrique « maintien de la paix et de la sécurité internationales », le Conseil tenait le 17 juillet une séance consacrée aux jeunes, la paix et la sécurité. L’Envoyée du Secrétaire général pour la jeunesse, Jayathma Wickramanayake, dénonçait la persistance de stéréotypes dont continuent de souffrir les jeunes, qu’elle attribuait à une attention excessive accordée à une « toute petite minorité » de jeunes attirés par l’extrémisme et la violence. Elle appelait à revenir sans cesse à l’esprit et à la lettre des résolutions 2250 (2015) et 2419 (2018) du Conseil, lesquelles affirment la contribution importante et constructive des jeunes au maintien et à la promotion de la paix et de la sécurité. Alors que l’Allemagne disait son admiration pour la jeune activiste suédoise de 16 ans Greta Thunberg, l’Indonésie rappelait que les jeunes découragés par le manque d’opportunités économiques étaient un « terreau fertile pour la propagation d’histoires et d’idées dangereuses ».
Par ailleurs, une séance du Conseil au titre de la « paix et sécurité en Afrique » était consacrée, le 30 septembre, à la « mobilisation des jeunes en vue de faire taire les armes d’ici à 2020 » sur le continent et suivie en décembre d’une déclaration présidentielle.
Exposés des présidents des organes subsidiaires du Conseil de sécurité
- 2 séances publiques: 20 mai, 17 décembre
Voir aussi: Terrorisme, Guinée-Bissau, Soudan-Darfour, Soudan du Sud, République centrafricaine
Le 20 mai, les Présidents des comités des sanctions liés aux questions de terrorisme avertissaient que, malgré leurs défaites en Syrie ou en Iraq, des groupes comme Daech et Al-Qaida continuaient de « menacer gravement » la paix et la sécurité mondiales, en mettant désormais l’accent sur les problématiques nationales et locales. Ils alertaient aussi sur le problème du retour dans leur pays d’origine des combattants terroristes étrangers et des membres de leurs familles, de même que sur les risques provenant de libération de combattants terroristes étrangers emprisonnés. Le Royaume-Uni plaidait pour un renforcement de la réactivité des États face aux nouveaux types d’attaques terroristes, par exemple contre des lieux de culte et des sites vulnérables, mais aussi l’utilisation de nouvelles technologies, comme les drones. L’Afrique du Sud s’inquiétait des ramifications de Daech en Afrique et la Fédération de Russie, de son implantation en Asie centrale. L’Allemagne et la Belgique invitaient par ailleurs la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT) à se pencher sur le phénomène de l’extrême droite et de ses éventuels réseaux transfrontières.
Le 17 décembre, ce sont les Présidents d’organes subsidiaires appelés à quitter le Conseil le 31 décembre –à savoir les ambassadeurs représentants de la Côte d’Ivoire, de la Guinée équatoriale, du Koweït, du Pérou et de la Pologne, qui dirigeaient au total neuf comités des sanctions et trois groupes de travail- qui présentaient le bilan de leur action. Membres élus du Conseil, ils en déploraient les divisions. La représentante de la Pologne rappelait les limites de la liberté d’action des présidents d’organes prenant leurs décisions par consensus dans un contexte où certains membres du Conseil ne cachent pas leur hostilité de principe aux sanctions. Les intervenants appelaient aussi à utiliser davantage les régimes de sanctions, non comme des fins en soi mais comme des outils au service d’un objectif. C’est ainsi que certains présidents préconisaient de nouvelles sanctions individuelles contre ceux qui sapent la paix en République centrafricaine, la pleine application du régime existant au Soudan du Sud, ou au contraire suggéraient une levée des sanctions imposées au Soudan ou contre les militaires de Guinée-Bissau, désormais rentrés dans le rang.
Méthodes de travail
- 1 séance publique: 6 juin
Voir aussi: Missions du Conseil de sécurité, maintien de la paix et de la sécurité internationales, coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale
Le 6 juin, une quarantaine de délégations participaient à un débat ouvert consacré aux méthodes de travail du Conseil. Au nom des 10 membres élus, l’Afrique du Sud réclamait une répartition plus équitable de la charge de travail entre membres du Conseil, en « mettant à profit les compétences diverses et variées, le regard neuf et le dynamisme » apportés par les membres non permanents. Le Conseil était également invité à adapter les méthodes de travail de ses différents comités des sanctions, sous peine de voir leur légitimité et leur efficacité remises en cause, notamment dans le contexte de litiges juridiques portant sur des sanctions ciblées. La coopération entre membres du Conseil, notamment pour la rédaction des projets de résolution, était discutée.
Se posait aussi la question de l’équilibre à trouver entre séances publiques du Conseil, toujours plus nombreuses et plus longues, auxquelles la France reconnaissait l’avantage de la transparence tout en constatant qu’elles « tendent par nature à polariser les positions », et les consultations à huis clos pour rechercher le consensus sur des actions communes. La Fédération de Russie, qui dénonçait comme contre-productifs les « discours populistes » et les « appels incessants en faveur d’une plus grande transparence des travaux du Conseil », rappelait son « approche très prudente » des questions thématiques, notamment pour éviter les débordements du Conseil sur des domaines relevant de la compétence d’autres organes du système de Nations Unies.
Rapport annuel
- 1 séance publique: 20 août
Le 20 août, le Conseil de sécurité adoptait son projet de rapport annuel à l’Assemblée générale, qui couvrait la période du 1er janvier au 31 décembre 2018. Le rapport était présenté au Conseil par le représentant du Royaume-Uni.