En cours au Siège de l'ONU

Soixante-quinzième session,
Dialogue virtuel avec les commissions régionales, matin
AG/EF/3540

Deuxième Commission: le dialogue avec les commissions économiques régionales met en vedette les actions et les solutions à l’échelon régional

Tout au long de l’histoire de l’ONU, certaines des réponses « les plus fortes, les plus cohérentes et les plus efficaces » aux crises mondiales ont été initiées dans les régions.  C’est fort de ce constat fait par le Président de la Deuxième Commission que les États Membres ont dialogué, ce matin, avec les secrétaires exécutives des cinq commissions économiques régionales des Nations Unies.  Le dialogue a mis au jour les résultats évidents que produit, dans les pays, l’aide au renforcement des capacités offerte au niveau régional.

Alors que nous commémorons le soixante-quinzième anniversaire de l’ONU et que nous entamons la décennie d’action pour atteindre les objectifs mondiaux de développement durable, le message est clair, a déclaré d’emblée le Président de la Commission: nous devons répondre au « bourbier mondial de la maladie » par le « multilatéralisme vaccinal ».

Or, a observé M. Amrit Bahadur Rai, le niveau régional est essentiel pour faire face aux problèmes transfrontaliers et pour ouvrir la voie à une action concertée au niveau mondial.  Les objectifs immédiats, à ce niveau, sont de reconnecter entre elles les économies, de remédier aux perturbations affectant les liaisons commerciales et les transports et d’exploiter le potentiel des technologies numériques.

En somme, la coopération régionale peut largement aider à faire face aux impacts de la pandémie de COVID-19 et à réaliser les aspirations du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Ce dialogue à la Deuxième Commission n’a fait que confirmer que les actions à l’échelon régional sont des pierres angulaires de l’action multilatérale, et qu’elles offrent des solutions à ne pas négliger.  Ainsi, le rôle des commissions régionales a été vu comme « plus essentiel que jamais », dans l’idée de « régionaliser le multilatéralisme », comme l’a suggéré l’Éthiopie.  La Fédération de Russie a loué les « capacités analytiques importantes » de ces commissions.  « Au-delà des études et des rapports », les commissions économiques régionales « apportent une vraie plus-value aux régions » et elles devraient être « préservées et renforcées », a estimé le Maroc.

Au cours de cette séance animée par M. Amr Nour, Directeur du Bureau de New York des commissions régionales, les délégations ont tenté de répondre à plusieurs questions qui leur étaient suggérées dans la note de concept.  Elles ont notamment expliqué comment la coopération régionale et les cadres normatifs régionaux luttent contre les risques transfrontières et renforcent la résilience environnementale.

L’ONU À 75 ANS - LA COOPÉRATION RÉGIONALE: UN ÉLÉMENT FONDATEUR DU MULTILATÉRALISME ET DE LA PROSPÉRITÉ PARTAGÉE À L’ÈRE DE LA COVID-19 ET AU-DELÀ

Présentations des commissions économiques régionales

Intervenant la première à cause du décalage horaire avec l’Asie, Mme ARMIDA SALSIAH ALISJAHBANA, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), a reconnu un retard de sa commission régionale sur quasiment tous les objectifs de développement durable (ODD) en raison de la pandémie de COVID-19.  Elle a en même temps assuré de la détermination de ses pays membres pour, l’an prochain, emboîter le pas au programme actuel dans le but de « reconstruire en mieux ».

La Secrétaire exécutive a offert une vue d’ensemble sur les différentes missions de la CESAP dont l’un des objectifs est de protéger les individus en portant assistance aux très petites entreprises touchées par les répercussions économiques du virus, surtout celles dirigées par des femmes: « des initiatives ont été lancées dans de nombreux pays », a-t-elle appuyé.

La CESAP a comme autres priorités d’améliorer la gestion de la dette, promouvoir des politiques de financement ainsi que bâtir une résilience durable, grâce à des instruments financiers novateurs.  La CESAP renforce la résilience en particulier en matière de connectivité et de logistique pour « atténuer les vulnérabilités » et « faciliter les échanges transfrontières ».  Plusieurs initiatives ont été lancées dans les secteurs de l’énergie, des transports, de la technologie pour généraliser la mise en place de structures « numérisées, résilientes et décarbonées ».  « La coopération régionale est essentielle à cette fin », a déclaré Mme Alisjahbana.

« La pandémie a montré les liens entre destruction des écosystèmes, perte de biodiversité et apparition de la pandémie », a poursuivi l’oratrice: c’est pourquoi la CESAP se concentre sur les normes en matière de qualité de l’air, de promotion de l’utilisation durable des océans, et de réduction des risques de catastrophes.  La CESAP distingue là la reconstruction « verte » (lutte contre la pollution de l’air) de la reconstruction « bleue » (lutte contre les déchets marins).  Concernant la réduction des risques de catastrophes, la région de la CESAP est particulièrement touchée, et ses populations les plus vulnérables fortement impactées.

Concernant la coopération régionale, la Secrétaire exécutive a indiqué que la CESAP s’appuie sur les accords et les plateformes existants, en les approfondissant.  Elle fournit un soutien technique pour tout ce qui tend à « renforcer les infrastructures » et « consolider les expériences nationales ».

Mme ROLA DASHTI, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Asie occidentale (CESAO), a signalé que la région n’est pas sur la bonne voie dans la réalisation des ODD.  La région voit même des régressions pour certains de ces objectifs.  La responsable a noté que les conflits dans la région avaient déplacé plus de 20 millions de personnes et rendu plus de 55 millions de personnes dépendantes de l’aide humanitaire.  Ces 75 millions d’individus risquent de tomber dans la pauvreté, a prévenu Mme Dashti qui a appelé la communauté internationale à s’efforcer de pérenniser la paix dans la région.  Elle a en effet craint que la « fatigue humanitaire » ne s’y installe.  Les pays de la région ne doivent pas laisser cette situation sans alternative, a recommandé la Secrétaire exécutive en leur conseillant d’investir dans la prévention de conflit et d’ériger des institutions plus fortes afin de prévenir les tragédies futures.

S’agissant des problèmes économiques, Mme Dashti a chiffré à 70 milliards de dollars les besoins des pays de la région pour se relever après la pandémie de COVID-19, qui a fait plus 10 millions de nouveaux pauvres.  Elle a aussi regretté que la région n’ait mobilisé que 1 milliard de dollars pour les PME qui sont menacées.  Les groupes vulnérables risquent également de voir disparaître leurs moyens de subsistance, a-t-elle averti.  Mme Dashti a aussi plaidé pour l’allégement des dettes des pays de la CESAO avant la fin de 2021.  Elle a demandé qu’ils bénéficient des prêts concessionnels et de dettes durables sur la base des neuf principes de l’ONU pour restructurer les dettes souveraines.  Il faut aussi lutter contre le flux financier illicite, a-t-elle ajouté.  La Secrétaire exécutive a dénoncé les inégalités criantes dans la région en pointant du doigt le fait que les 37 milliardaires de la région détiennent une fortune équivalente aux biens de toute la population arabe.

Concernant les changements climatiques, la responsable a rappelé que la région enregistre des températures très élevées, de l’ordre de 55°C, alors que les ressources en eaux sont limitées.  Dix-huit pays vivent déjà dans la pénurie d’eau et 80 millions de personnes en souffrent, a signalé Mme Dashti.  Il faut gérer cette question dès maintenant pour éviter des crises futures, a préconisé la Secrétaire exécutive.  Elle a conclu en rappelant l’importance, pour les pays de la région, de disposer de politiques énergiques durables et d’investir dans la résilience climatique.

La crise de la COVID-19 a montré les limites d’une action sans coordination, et il est temps de renforcer notre action collective, a lancé, à son tour, Mme OLGA ALGAYEROVA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Europe (CEE).  « Heureusement, le multilatéralisme prévaut toujours », a-t-elle dit, en insistant sur l’importance de la coopération régionale; « un outil essentiel ».

Revenant sur l’historique de la création de la CEE, qui a surgi des ruines de l’Europe, Mme Algayerova a rappelé que la Commission avait servi de base pour préserver la paix sur le continent.  « Sa mission de relier les pays et d’améliorer des vies reste plus que jamais d’actualité.  Ayant fait preuve d’une grande souplesse, elle a saisi les occasions pour reconstruire en mieux », a-t-elle rappelé.

La Secrétaire exécutive a indiqué que l’action de la CEE s’articule autour de plusieurs pôles.  D’abord l’amélioration de la connectivité, qui a beaucoup souffert des restrictions sanitaires.  Elle a souligné que dans ce contexte, la chute du commerce pèse lourdement sur l’économie au sein des pays de la CEE.  Pour faciliter la connectivité, la CEE a mis en œuvre un cadre normatif, notamment dans le secteur des transports.  La numérisation des systèmes routiers, par, exemple, peut freiner la transmission du virus, en faisant limiter les contacts entre douaniers et routiers.

Autre pilier sur lequel s’appuie la CEE: l’action pour contrer les risques transfrontières.  « De nombreux instruments normatifs ont été mis au point par la CEE pour renforcer les cadres réglementaires face à ces risques », a dit l’oratrice.  Elle a donné en exemple le risque de pollution aérienne face auquel a été conclue la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, dans le but de réduire les émissions. 

Dernier pôle cité par Mme Algayerova, la résilience verte: de nombreux outils sont au service de l’économie circulaire, qui représente seulement 11% du total de l’économie de la CEE.  Renforcer la part de l’économie circulaire sera d’ailleurs le thème de la prochaine réunion des membres de la CEE.

Mme ALICIA BÁRCENA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), a, elle aussi, reconnu que le multilatéralisme est en crise.  « La confiance manque à tous les niveaux. »  La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’empirer les choses, a ajouté Mme Bárcena en soulignant que la région connaît une baisse de 9% des PIB.  Avec le taux de pauvreté extrême qui augmente, il y a urgence à aider les mécanismes régionaux, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) notamment, qui est la région la moins touchée par la pandémie.  Les pays à bas revenu et les pays à revenu intermédiaire nécessitent, pour leur relèvement, de bonnes conditions financières et non une politique d’austérité, a mis en garde la Secrétaire exécutive.  « L’austérité n’est pas envisageable. »

Mme Bárcena a ensuite énoncé les six propositions de la Commission.  Premièrement, il faut étendre pendant 12 mois le revenu universel et les périodes de grâces pour les petites et moyennes entreprises (PME).  Deuxièmement, il faut une connectivité numérique des échanges économiques et commerciaux.  Troisièmement, les pays doivent adopter des politiques budgétaires expansives.  Quatrièmement, ils doivent élaborer des plans de création d’emplois, avec des pactes financiers et fiscaux pour affronter la crise.  En cinquième point, Mme Bárcena a réitéré l’importance de l’intégration régionale.  Sixièmement, elle n’a pas oublié d’insister sur la participation des femmes au relèvement en demandant l’augmentation de leurs salaires.

Mme Bárcena a aussi préconisé la promotion de la sécurité et de la paix dans la région.  Avant de terminer, elle a demandé au Fonds monétaire international (FMI) d’augmenter ses financements aux pays de la région de l’Amérique latine et des Caraïbes.  Elle a plaidé pour que soient élargis les allégements de dettes des pays à revenu intermédiaire.  « Il faut même annuler les dettes sans conditions », a-t-elle demandé avant de conclure en appelant à changer de stratégie de développement et à promouvoir les nouvelles technologies.

La Coordonnatrice des commissions régionales, Mme VERA SONGWE, qui est la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), s’est déclarée inquiète de la crise qui fait rage en Afrique.  « Sortirons-nous de cette pandémie de COVID-19 et de la crise économique qui s’en est suivie ? »  Nombre de pays connaissaient déjà des crises budgétaires bien avant la pandémie, a rappelé Mme Songwe, en soulignant leur besoin d’allégement de la dette et de la crise des liquidités, en particulier les pays vulnérables, pour mobiliser les secteurs public et privé.  C’est selon elle l’une des conditions pour mettre un terme à l’hémorragie sur le marché du travail.  Il faut en outre réduire le coût des envois de fonds de l’étranger qui sont essentiels pour des millions de personnes en Afrique, a-t-elle préconisé.

La Secrétaire exécutive a en outre plaidé pour l’amélioration des conditions du commerce international.  Pour l’Afrique, l’objectif est de pouvoir produire davantage sur le continent et de créer une valeur ajoutée.  Pour cela, elle a besoin d’un système commercial qui fonctionne pour tous et qui mette tout le monde sur le même pied d’égalité.  Mme Songwe a également prédit que l’énergie sera le moteur qui permettra à l’Afrique de sortir de la crise.  « Le continent a beaucoup de ressources et doit savoir attirer des investissements dans ce secteur. »  Il doit également trouver des solutions pour le financement des PME, a-t-elle ajouté.

Mme Songwe a enfin abordé le problème des conséquences désastreuses qu’entraînent les changements climatiques en Afrique et assuré qu’il existe de nombreuses initiatives pour y remédier.  Finalement, il faut reconcevoir le multilatéralisme pour sortir de cette situation, a conclu Mme Songwe.

Dialogue interactif

Après avoir entendu les cinq exposés, M. Amr Nour, Directeur du Bureau de New York des commissions régionales et modérateur du dialogue, a donné la parole aux États Membres pour entendre leurs commentaires et entamer un dialogue interactif.  Ces derniers ont d’abord exprimé leurs inquiétudes au vu des crises actuelles qui sévissent dans le monde entier.

Le Groupe des 77 et de la Chine (G77) a rappelé que la COVID-19 avait accentué les vulnérabilités des pays en développement.  La pandémie a effectivement « choqué le monde entier » et « remis en cause les acquis des pays en développement », a opiné l’Afghanistan, suivi de la Thaïlande, pour qui les inégalités ont augmenté à la fois « au sein » et « entre » les pays.  Le Mexique a mis en exergue l’impact disproportionné de la pandémie sur les femmes et les filles.  La région africaine a aussi été très touchée par la COVID-19 mais le Maroc, qui a perdu six millions d’emplois en 2020 et fait face à des pénuries alimentaires, y a vu une occasion de « renforcer l’Afrique », notamment via la coopération Sud-Sud et triangulaire, pour « reconstruire en mieux ».

Dans ce contexte et de manière générale, le rôle des commissions économiques régionales a été encensé par de nombreuses délégations.  Ce rôle est « plus essentiel que jamais », selon l’Éthiopie, qui a appelé à « régionaliser le multilatéralisme » pour « autonomiser les peuples africains », développer les transports régionaux et mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  La Fédération de Russie a loué les « capacités analytiques importantes » de ces commissions.  L’Indonésie s’est félicitée du rôle de soutien de la CESAP durant la pandémie.  Pierres angulaires du développement régional pour le Maroc, ces commissions devraient être « préservées et renforcées », car « elles apportent une vraie plus-value aux régions, au-delà des études et des rapports ».

Concrètement, la CESAP est la mieux équipée pour maintenir un dialogue entre les pays asiatiques, a relevé la Thaïlande, qui a appelé à étendre la coopération entre ladite commission et d’autres associations régionales basées sur le territoire de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).

Dans le même esprit, la Fédération de Russie a appelé à une collaboration rapprochée entre groupes régionaux existants (CEE, CESAP) dans les domaines de la sécurité routière, du développement des services numériques, ou encore de l’énergie dans lequel des projets se développent d’ailleurs entre la Russie et la CESAP.  L’Afghanistan voudrait quant à lui devenir un « bâtisseur de ponts » en Asie centrale: il a cité un projet de développement d’un oléoduc allant du Tadjikistan vers l’Inde et le Pakistan, via l’Afghanistan, comme un exemple de coopération régionale.

Le Liban, victime actuelle d’une triple crise (crise des réfugiés, de la COVID-19 et de l’explosion du 4 août), a loué le rôle joué par la CESAO en matière de conseil et de promotion d’un cadre d’évaluation des risques régionaux.

Du côté de la CEPALC, le Costa Rica, qui en sera le prochain président par intérim, a exprimé son intention de faire avancer la durabilité environnementale et le respect de droits humains.  Le Mexique a loué son rôle d’accompagnement du relèvement économique.

Concernant les réformes, le Liban a jugé nécessaire de passer d’un système de soutien direct aux pays à un système qui mettrait davantage l’accent sur « le renforcement des capacités » et « le soutien politique », en particulier pour les pays à revenu intermédiaire.  Pour la Chine, les commissions régionales ont un grand rôle à jouer dans le contexte actuel, et devraient saisir l’occasion de la réforme du système des Nations Unies pour le développement pour aider les pays à riposter.  Elle a aussi recommandé aux commissions régionales de former un lien plus solide entre le siège et les pays.  Le Bangladesh s’est, lui aussi, félicité des réformes du système des Nations Unies pour le développement, qui mettent l’accent sur la coopération régionale.

Enfin, le dialogue des États Membres a réaffirmé l’importance cruciale, plus que jamais, du multilatéralisme.  Pour l’Union européenne (UE), la pandémie a montré cette importance cruciale du multilatéralisme pour relever les défis lancés par la pandémie: « aucun pays ne peut s’en sortir seul », a-t-elle déclaré.  « Le multilatéralisme est essentiel pour reconstruire en mieux », a confirmé le Maroc.  Renforcer le système multilatéral, notamment les commissions régionales, pour mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, est également une des priorités du G77.  L’UE, qui est en elle-même une commission régionale, a encouragé les autres commissions à approfondir leurs efforts en ce sens.

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