Assemblée générale: Les 15 affaires impliquant toutes les régions du monde et portant sur un large éventail de questions montrent la confiance accrue des États dans la Cour internationale de Justice
Dans les propos que le Président de la Cour internationale de Justice (CIJ) a tenus hier, les délégations ont décelé avec satisfaction une confiance accrue dans cette « institution essentielle pour la paix et l’ordre juridique international ». L’Assemblée générale achevait aujourd’hui l’examen du rapport annuel du seul des six organes principaux des Nations Unies à ne pas avoir son siège à New York.
Le Président de la CIJ, M. Abdulqawi Ahmed Yusuf, indiquait en effet hier que depuis le 1er août 2019, le rôle de la Cour est chargé de 15 affaires contentieuses impliquant des États de toutes les régions du monde et portant sur un large éventail de sujets dont la délimitation maritime, les relations diplomatiques, les réparations pour des violations de l’interdiction du recours à la force et des violations alléguées de traités bilatéraux et multilatéraux concernant, entre autres, l’élimination de la discrimination raciale, la prévention du génocide et la répression du financement du terrorisme.
Le Japon a salué ces recours à « la sagesse juridique » de la Cour, le Mexique ajoutant: si le rôle de la Cour est « moins visible médiatiquement » que celui du Conseil de sécurité, c’est parce que ses décisions sont motivées et justes, sans entraîner une escalade des tensions. La CIJ, a renchéri la France, demeure une « institution essentielle pour la paix et l’ordre juridique international ». Elle a félicité la Cour pour s’être adaptée à la crise sanitaire que nous traversons collectivement, afin de faire avancer les procédures pendantes.
La Cour est prête, « aujourd’hui plus que jamais » à poursuivre son action, promettait hier son Président. Mais, l’une des règles « fondamentales » de son Statut, c’est la reconnaissance par les États de sa compétence, laquelle s’exprime le plus souvent au moyen d’une déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire ou d’une clause compromissoire dans un traité bilatéral ou multilatéral. Le Président a donc demandé à l’Assemblée générale d’user de son autorité pour recommander l’insertion dans tous les traités multilatéraux de ces clauses, « afin de faciliter le règlement pacifique des différends et renforcer la place centrale de l’état de droit dans l’ordre multilatéral ».
C’est bien le règlement pacifique des différends et le respect de l’état de droit que plusieurs délégations ont réclamé avec force aujourd’hui. Le Bangladesh s’est dit très intéressé par l’ordonnance de la Cour sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée dans l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, opposant la Gambie au Myanmar. Le risque de génocide de la population rohingya est « réel et imminent », a alerté le Bangladesh, non sans rappeler qu’il abrite sur son territoire plus d’un million de Rohingya. Outre le Myanmar, la Fédération de Russie a été placée sur le banc des accusés.
La Géorgie lui a reproché son « mépris » pour le droit international, comme en attestent l’occupation des territoires géorgiens et les violations des droits de l’homme. L’arrêt que la Cour a rendu le 8 novembre 2019, est restée lettre morte, a embrayé l’Ukraine, en parlant de l’affaire relative à l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L’Ukraine a accusé la Fédération de Russie de mener une campagne de « punition culturelle » contre les Tatars de Crimée. La communauté internationale doit empêcher ce pays d’utiliser la pandémie pour justifier ses atermoiements, s’est impatientée l’Ukraine, avant que la délégation russe n’exerce son droit de réponse.
La même Convention contre la discrimination raciale a été invoquée devant la Cour par le Qatar, inquiet du sort que réservent les Émirats arabes unis à ses ressortissants. Le Qatar a aussi rappelé au même pays les arrêts que la Cour a rendus le 14 juillet 2020, dans les affaires de l’appel concernant la compétence du Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’opposant aussi à l’Arabie saoudite, au Bahreïn et à l’Egypte. Ces pays ont maintenu fermé leur espace aérien sans se préoccuper de l’impact humanitaire d’une telle décision, pendant cette pandémie de COVID-19, a accusé le Qatar, avant le droit de réponse des Émirats arabes unis.
Aux prises avec les États-Unis, dans l’affaire, toujours en délibéré, relative à des violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955, l’Iran a dénoncé des mesures coercitives « illégales » et le mépris de l’Administration américaine pour les mesures conservatoires décidées par la Cour le 3 octobre 2018. Ces mesures, a-t-il martelé, obligent les États-Unis à lever tout obstacle aux importations iraniennes.
Mais tout récemment, ce pays a intensifié ses pressions en plein milieu de la pandémie et sanctionné de nombreuses banques iraniennes, présentant à la Cour des objections « fallacieuses ». Nous avons d’ailleurs porté, a annoncé l’Iran, une autre affaire devant la Cour, qui s’est déclarée compétente, concernant la série de mesures contre la faculté des entreprises iraniennes de jouir de leurs biens, y compris la confiscation des avoirs de la Banque centrale iranienne.
L’Observateur de l’État de Palestine est revenu sur l’avis consultatif que la Cour a émis en 2004 concernant la violation du droit international que constitue l’édification du mur par Israël dans le territoire palestinien occupé. Il a demandé à la communauté internationale de refuser le statu quo dans cette situation « illégale ». Sous un ciel plus clément, le Guatemala a assuré qu’avec Belize, il est prêt à ce que la Cour règle « une fois pour toutes » le différend lié à la frontière maritime. Le Guatemala a indiqué qu’il présentera sa défense en 2021 et Belize, en 2022, selon le calendrier convenu.
Avant de saisir la Cour, Chypre s’est dite prête à engager des négociations avec tous les pays concernés sur un accord relatif à la délimitation des zones maritimes en Méditerranée orientale, « dans le plein respect du droit international et conformément aux principes des relations de bon voisinage ».
L’Assemblée générale a prévu une autre séance publique en personne, jeudi 5 novembre à partir de 10 heures pour examiner plusieurs questions dont le renforcement du système des Nations Unies et le rapport du Conseil des droits de l’homme.
RAPPORT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE - A/75/4, A/75/313
Déclarations
M. MD MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a réaffirmé la nature universelle de la juridiction de la CIJ et appelé les États membres à accepter ses décisions. Félicitant la Cour pour son « rôle crucial » dans le règlement pacifique des différends et le respect du droit international, le Bangladesh, a souligné le représentant, a examiné avec intérêt le règlement sur les questions relatives aux frontières maritimes et reconnu les arrêts et ordonnances. Mon pays qui accueille plus d’un million de réfugiés rohingya, voit avec intérêt, a dit le représentant, que la Cour s’est déclarée compétente pour connaître de l’affaire Gambie contre Myanmar sur l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Le risque de génocide de la population rohingya est « réel et imminent », a alerté le représentant qui a appelé le Myanmar à respecter les mesures conservatoires de la Cour.
M. HERMOGENES LÓPEZ GARCÍA DE LOMANA (Espagne) s’est félicité de la prompte réaction de la Cour à l’impact de la pandémie. Il a salué les travaux de la Cour, au cours de la période considérée et surtout le fait qu’elle n’ait pas « tourné le dos » à l’aspect « protection des droits de l’homme » des affaires dont elle est saisie. Le représentant a tout de même souligné que la Cour comme le Tribunal international sur le droit de la mer ne sont pas des juridictions internationales des droits de l’homme. Il a dit tenir à la « sectorialisation progressive et intense » de l’ordre international contemporain.
M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a réitéré que l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité de la Cour internationale de Justice (CIJ) garantissent son rôle principal de gardien et de promoteur du droit international et de l’ordre fondé sur des règles. Pour y parvenir, a insisté le représentant, outre les qualifications professionnelles des juges qui sont essentielles, une participation équitable des différents États à la composition de la Cour, ainsi qu’un meilleur équilibre entre les sexes sont nécessaires et doivent être encouragés. À l’approche des élections pour ces postes importants, a-t-il insisté, ces éléments devraient être particulièrement pris en compte. Pour la première fois, la Croatie présente au poste de juge de la CIJ aux prochaines élections un candidat qui respecte pleinement les critères mentionnés. La Croatie, qui défend sans équivoque de l’état de droit et le règlement pacifique des différends entre États conformément au droit international, continuera d’appuyer pleinement les efforts et les activités de la CIJ.
M. GIORGI MIKELADZE (Géorgie) a indiqué que son pays reconnaît la compétence obligatoire de la CIJ. La Cour a répondu aux attentes qui sont placées en elle et joue un rôle clef dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a déclaré le délégué. Il a salué la poursuite des travaux de la CIJ malgré la pandémie. Il a déploré le « mépris » de la Fédération de Russie pour le droit international et son occupation de territoires géorgiens. En tant que puissance occupante, la Fédération de Russie doit protéger les populations de ces territoires et est responsable des violations commises, a insisté le délégué. Enfin, il a rappelé l’attachement de la Géorgie au règlement politique des différends.
Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a reconnu les efforts continus de la CIJ et souligné son rôle fondamental dans la défense du droit international. La fonction contentieuse de la Cour, a-t-elle rappelé, permet de résoudre les différends internationaux de manière pacifique, pour préserver la paix, la sécurité et la justice internationales. Elle a salué la modification du règlement de la CIJ pour intégrer la technologie numérique, notamment la visioconférence, telle qu’utilisée lors de l’examen du contentieux « Guyana contre Venezuela ». Pour l’Argentine, c’est une manifestation positive de la vocation de la CIJ, qui est de promouvoir le droit international tout en exerçant ses fonctions judiciaires. L’Argentine, a rappelé la déléguée, appartient au groupe de pays à l’origine du projet de résolution relatif à la mise en œuvre d’un programme de bourses pour des diplômés en droit issus des pays en développement afin qu’ils poursuivent leurs études à la Cour. Elle a appelé les États membres à soutenir le projet.
Mme MARY ELIZABETH FLORES (Honduras) a déclaré que sa délégation a toujours eu recours aux mécanismes de règlement pacifique de la CIJ pour résoudre ses différends avec d’autres États. Le Honduras, a ajouté la représentante, approuve les principes et les pratiques du droit international qui favorisent la solidarité humaine, le respect de l’autodétermination des peuples et le renforcement de la paix et de la démocratie dans le monde. Pour elle, la validité et l’application obligatoire de l’arbitrage et des décisions de la Cour sont incontournables. Le respect de bonne foi des engagements pris par le biais de traités garantit également la paix, l’harmonie et la sécurité entre les peuples et les gouvernements. La représentante a salué les efforts déployés par la CIJ pour maintenir son efficacité pour résoudre les différends internationaux ou émettre des avis consultatifs, malgré l’augmentation de ses travaux au cours des 20 dernières années. En conclusion, elle a réitéré la volonté de sa délégation de contribuer à la recherche de solutions aux préoccupations et aux demandes soulevées dans le rapport.
Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a jugé plus nécessaire que jamais de soutenir les activités de la CIJ, y compris financièrement. Elle a indiqué que son pays a porté son différend avec les Émirats arabes unis devant la CIJ s’agissant de l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Elle a indiqué qu’en 2018 la Cour a donné raison à son pays. Elle a donc regretté que les Émirats arabes unis ne se soient pas conformés à la décision de la Cour, en remédiant aux discriminations frappant les ressortissants qataris. Elle a rappelé aussi l’arrêt rendu par la CIJ s’agissant du conflit avec l’Arabie saoudite, le Bahreïn, l’Égypte et les Émirats arabes unis qui ont institué un blocus aérien. En conclusion, la déléguée a déploré le manque d’égard de ces quatre pays précités pour les conséquences humanitaires d’un tel blocus en ces temps de pandémie.
M. MILENKO ESTEBAN SKOKNIC TAPIA (Chili) a relevé l’importance pour le développement du droit international du nombre croissant de sujets dont est saisie la Cour, à la fois dans ses fonctions contentieuses et consultatives. Ce nombre témoigne de la confiance accrue qu’ont les États en cette institution solide, d’autant que le recours à la Cour est volontaire. La jurisprudence de la Cour suscite un intérêt toujours plus grandissant. L’indépendance donc la crédibilité de cette Cour est de la plus haute importance, a martelé le représentant. Conscient des immenses responsabilités de la Cour, il a souligné son rôle « fondamental » pour interpréter le droit international et a appelé au respect « total » de ses décisions. Mettant en avant les efforts consentis pour accélérer les procédures et donc renforcer l’efficacité de l’état de droit, le représentant a salué les efforts de la CIJ pour toucher un public plus large et se rapprocher des gens pour lesquels elle travaille. Le représentant s’est félicité du Programme de bourses lequel doit être soutenu.
Pour M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda), les États doivent continuer à rechercher des solutions judiciaires à leurs différends par l’intermédiaire de la CIJ. « La paix par la loi est possible », a plaidé le représentant. Grâce au succès de la Cour, a-t-il dit, la confiance de la communauté internationale s’est accrue. De nombreux conflits ont été évités et avec eux, des souffrances humaines. Cette confiance croissante, en particulier parmi les pays en développement, dans les capacités, la crédibilité et l’impartialité de la Cour repose sur les normes, les valeurs et les aspirations énoncées dans la Charte des Nations Unies, a souligné le représentant.
Il a estimé que le mandat de la CIJ est aujourd’hui plus pertinent que jamais. Elle devrait en effet s’attaquer aux défis complexes du monde actuel, tels que les différends environnementaux, le terrorisme international et les activités liées à la cybersécurité. Le délégué a demandé au Conseil de sécurité d’examiner sérieusement l’Article 96 de la Charte des Nations Unies et de solliciter davantage les avis consultatifs de la Cour, en particulier sur les questions les plus actuelles et les plus controversées touchant la paix et la sécurité internationales.
M. SYED MOHAMAD HASRIN AIDID (Malaisie) a insisté sur le caractère unique et universel de la CIJ, comme l’atteste son activité, et noté la confiance que lui portent les États membres. Le délégué a insisté sur le grand poids et l’autorité morale des avis consultatifs de la Cour, bien qu’ils soient dépourvus de force juridique, avant de citer les avis les plus connus, dont celui sur la licéité de l’emploi de l’arme nucléaire. Dans cet avis, la Cour reconnaît que la menace d’user ou l’emploi d’armes nucléaires est généralement contraire aux règles du droit international applicables aux conflits armés. Sur la base de cet avis, la Malaisie parraine depuis 1996 une résolution devant la Première Commission et l’Assemblée générale sur le suivi de cet avis. Le délégué a également évoqué l’avis intitulé « Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé », par lequel la Cour conclut à l’illicéité d’un tel mur. Enfin, le délégué a souhaité qu’il soit fait davantage recours aux avis consultatifs de la CIJ.
M. JOSÉ LUIS FIALHO ROCHA (Brésil) a déclaré qu’en encourageant le dialogue dans la langue commune du droit international, la CIJ est un canal efficace de la diplomatie préventive et de la coopération. Il a félicité la Cour et ses membres pour les efforts déployés face à une charge de travail croissante, malgré toutes les restrictions résultant de la pandémie de COVID-19. Il a aussi loué les efforts de sensibilisation de la Cour qui contribue ainsi à la diffusion du droit international. Le représentant a salué, comme de bons exemples d’activités de sensibilisation efficaces, les stages, les plateformes multimédias, le recours aux médias sociaux et la participation de la Cour aux manifestations organisées par les universités. Il n’a pas manqué d’applaudir aux efforts de la CIJ pour promouvoir la diversité géographique et linguistique des juristes via son Programme de bourses pour les étudiants du monde entier.
M. KAWASE TARO (Japon) a dit que l’augmentation du nombre d’affaires portées devant la CIJ montre que de plus en plus d’États respectent et soutiennent sa « sagesse juridique » et le rôle qu’elle joue dans le règlement pacifique des différends internationaux. Le Japon, a réaffirmé le représentant, soutient pleinement la résolution 74/191 de l’Assemblée générale, qui a appelé les États qui ne l’ont pas encore fait à envisager d’accepter la compétence obligatoire de la CIJ conformément à son Statut. Il a réitéré le soutien du Japon à la création d’un fonds d’affectation spéciale pour le Programme des boursiers judiciaires, une initiative, a-t-il estimé, qui contribuera à améliorer la diversité géographique et linguistique des juristes. En familiarisant davantage de juristes du monde entier avec les procédures et les méthodes de travail de la CIJ, il sera possible d’améliorer cette diversité parmi les juristes et les magistrats de la Cour. À quelques jours de l’élection de cinq juges, le délégué a rappelé la responsabilité qui incombe à tous d’élire les candidats les mieux qualifiés et ayant un caractère moral élevé.
M. ELSADIG ALI SAYED AHMED (Soudan) a souligné l’apport précieux des arrêts de la CIJ à la jurisprudence internationale. La Cour participe à la consolidation de l’état de droit et joue un rôle plus important que jamais, a-t-il affirmé. Le délégué soudanais a noté la charge de travail croissante de la CIJ et souhaité un renforcement de l’appui financier qu’on lui apporte. Enfin, il a invité les États qui ne l’ont pas encore fait à accepter la compétence obligatoire de la CIJ.
Pour M. MAVROYIANNIS ANDREAS (Chypre), il est de la plus haute importance, dans la difficile situation financière actuelle des Nations Unies, de veiller à ce que la CIJ dispose des moyens financiers et des outils technologiques nécessaires à la bonne exécution de son mandat. Soulignant que son pays a reconnu la compétence obligatoire de la CIJ en 1988, il a encouragé tous les autres États membres à faire de même. Nous tenons, a dit le représentant, à tous les moyens pacifiques pour régler les différends conformément aux Articles 2 et 33 de la Charte des Nations Unies, y compris dans le domaine du droit de la mer. Dans ce contexte, le représentant a insisté sur la disposition que son pays a exprimée plusieurs fois à engager des négociations avec tout pays concerné, en vue de parvenir pacifiquement et de bonne foi à un accord sur la délimitation des zones maritimes en Méditerranée orientale, dans le plein respect du droit international et conformément aux principes des relations de bon voisinage. En cas d’échec, nous pourrons toujours saisir la CIJ, a-t-il dit.
M. GENG SHUANG (Chine) a dit que la Cour est l’autorité la plus compétente en matière juridique au niveau mondial. De ce fait, a estimé le représentant, elle doit continuer son travail de défendre l’état de droit et faire respecter la Charte des Nations Unies et tous les autres principes et buts de l’ONU afin de préserver l’équité et la justice au niveau mondial. Comme la CIJ joue un rôle de plus en plus croissant, a-t-il poursuivi, elle devrait aider les États membres à privilégier le règlement pacifique de leurs différends et à promouvoir l’état de droit. À cet égard, l’ONU et toute la communauté internationale doivent accorder à la Cour les moyens financiers nécessaires à la bonne exécution de son mandat. La Chine, a indiqué le représentant, est prête à coopérer avec la communauté internationale pour aider la CIJ à défendre le multilatéralisme.
M. CHEIKH NIANG (Sénégal) a observé que les activités judiciaires de la CIJ, telles que décrites à travers le rapport font apparaître une nette augmentation du nombre de décisions rendues sur le fond et sur les procédures incidentes, sans oublier une diversité croissante des affaires. Force est aussi de constater qu’en plus des litiges traditionnels, portant notamment sur la souveraineté territoriale ou la délimitation maritime, la Cour est de plus en plus souvent saisie de différends ayant trait à des sujets très divers, comme les droits humains, les relations diplomatiques ou la protection de l’environnement.
Le représentant a également réaffirmé l’engagement de son pays à soutenir et promouvoir l’initiative de la Cour de mettre en place un fonds d’affectation spéciale en faveur de ce programme « Judicial Fellows » qui permet notamment à des étudiants de différents horizons de se familiariser avec l’institution et de parfaire leur formation en droit international. Le Sénégal rejoint ainsi l’Argentine, les Pays-Bas, la Roumanie et Singapour, en tant que membre du Groupe restreint chargé d’assurer la facilitation du projet de résolution relatif, en vue de son adoption rapide par l’Assemblée générale.
Mme IRINA ALEXANDRA BARBA BUSTOS (Équateur) s’est dite fermement convaincue que l’état de droit est la base du système international et du règlement pacifique des différends. Constatant que le rapport de la CIJ rend compte d’un travail intense et d’un cahier des charges toujours croissant, au cours de ces 20 dernières années, la représentante a vu là la confiance des États dans la Cour. Elle a donc insisté pour que la CIJ ait toutes les ressources nécessaires à une bonne exécution de son mandat.
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a souligné l’impressionnante charge de travail de la Cour avec 15 affaires inscrites à son rôle, ainsi que la diversité géographique des États concernés. Cela témoigne de l’universalité de la Cour et de la confiance dont celle-ci bénéficie, a-t-il dit. Il a jugé essentiel de préserver la qualité du travail de la Cour, ainsi que son efficacité et son impartialité. Le délégué a estimé qu’il existe une marge importante pour accroître la coopération de la CIJ avec l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, en vue de la réalisation des objectifs des Nations Unies. Il a rappelé que les États ont l’obligation d’exécuter de bonne foi les arrêts et ordonnances rendus par la CIJ une fois qu’ils ont accepté sa compétence. Enfin, il a salué les programmes éducatifs et de sensibilisation mis en place par la CIJ, en particulier le Programme des boursiers judiciaires.
M. VITRENKO YURIY (Ukraine) a réaffirmé le caractère obligatoire des mesures conservatoires de la Cour et malgré cela, a-t-il dénoncé, certains États continuent de les ignorer. Le représentant a en effet accusé la Fédération de Russie de mener une campagne de « punition culturelle » contre les Tatars de Crimée, citant la disparition de biens culturels et une éducation limitée en langues tatare et ukrainiennes, en violation flagrante du droit international contre la discrimination raciale.
Concernant l’interprétation et l’application de la Convention internationale sur la répression du financement international, la CIJ, a rappelé le représentant, a obligé la Fédération de Russie à aider les Tatars de Crimée à préserver leurs institutions. Or, trois ans après la décision de la CIJ, cette décision est restée vaine. Dans le « territoire ukrainien occupé », la Fédération de Russie « viole » les décisions contraignantes de la CIJ, « méprisant » par extension le droit international et la Charte des Nations Unies. La communauté internationale devrait obtenir des explications et empêcher la Fédération de Russie d’utiliser la pandémie pour justifier ses atermoiements, s’est impatienté le représentant.
M. BRICE FODDA (France) a souligné que la CIJ demeure une institution essentielle pour la paix et l’ordre juridique international. Il a félicité la Cour pour la façon dont elle a su s’adapter à la crise sanitaire que nous traversons collectivement, afin de faire avancer les procédures pendantes, et a salué particulièrement sa contribution au règlement pacifique des différends, tout en rappelant que sa fonction contentieuse repose sur le consentement des États.
Le représentant a insisté sur l’importance que son pays attache au respect du régime linguistique de la Cour, lequel contribue à la qualité de ses travaux ainsi qu’à l’autorité de ses décisions. À cet égard, il a soutenu l’initiative en faveur de la création d’un fonds d’affectation spéciale pour le programme de bourses afin d’améliorer la diversité géographique et linguistique des participants, sur la base des seuls mérites et talents.
M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) s’est inquiété de ce que moins de la moitié des États aient accepté la compétence obligatoire de la Cour, et a réitéré l’importance des clauses pertinentes dans les traités multilatéraux. Différends territoriaux, immunités des fonctionnaires, juridiction et compétences des organisations internationales: toutes ces affaires traitées par la CIJ nécessitent une attention particulière, car elles intéressent toute la communauté internationale, a souligné le représentant, non sans insister sur l’importance des avis consultatifs. Quoique non juridiquement contraignants, ces avis permettent de délimiter certaines questions, et à cet égard, le Secrétaire général devrait être autorisé à solliciter la Cour, a estimé le représentant. Si le rôle de la Cour est « moins visible médiatiquement » que celui du Conseil de sécurité, c’est parce que ses décisions sont motivées et justes et qu’elles n’entraînent aucune escalade des tensions, a tranché le représentant.
M. LUIS UGARELLI (Pérou) a réaffirmé son attachement au multilatéralisme et au droit international. Le représentant a mis en exergue le rôle fondamental de la CIJ dans le règlement pacifique des différends, en voyant dans la Cour un « outil essentiel » pour préserver la paix et la sécurité internationales, tout en veillant au respect l’état de droit. Le représentant a donc exhorté les États membres à respecter les décisions et les avis de la CIJ. Il a aussi invité les États qui ne l’ont pas encore fait à reconnaître la compétence obligatoire de la Cour. Il s’agit, s’est-il expliqué, d’une institution « dynamique » servie par un personnel excellent. Le représentant a plaidé pour que l’Assemblée générale dote la Cour des fonds nécessaires à la bonne exécution de son mandat. La Cour, a-t-elle reconnu, a su s’adapter aux contraintes imposées par la pandémie de COVID-19 et continuer son travail. Il a réitéré son appui à une Cour qui défend un ordre international fondé sur des règles.
M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a loué la masse de travail effectuée par la Cour et salué l’amélioration de ses méthodes de travail face à la pandémie. Réaffirmant l’engagement de son pays en faveur de la Cour, le représentant a appelé les États à renforcer l’état de droit au niveau international, comme la Cour s’y emploie. Réitérant la foi de son pays dans le règlement pacifique des différends, il a encouragé les ֥États à ne pas hésiter à saisir la Cour en cas de litiges ou de problèmes dans l’interprétation du droit international.
M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a reconnu combien il est important de pouvoir compter sur une CIJ à l’expérience avérée. Il a dénoncé le manque de ressources qui a empêché la CIJ de désigner des experts indépendants et a dit craindre que les changements causés par la pandémie dans les méthodes de travail aient des conséquences sur la justice. Nous respectons, a affirmé le représentant, toutes nos obligations internationales dans toutes les affaires qui nous concernent. Il a plaidé pour des contributions volontaires au Programme des boursiers judiciaires et en a profité pour déplorer que les gouvernements aient à prendre en charge eux-mêmes les affaires qu’ils portent devant la Cour.
Mme HESSA MUNEER MOHAMMED RASHED ALATEIBI (Émirats arabes unis) ont rejeté les allégations sur ses prétendues violations de l’espace aérien. La fermeture de notre espace aérien, s’est expliquée la représentante, est « légitime » car le Qatar « soutient les violences » dans notre région. Cette affaire est toujours examinée par le Conseil d’administration de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et en attendant une décision, nous sommes attachés au respect des décisions de la Cour, a souligné la représentante, non sans rejeter une nouvelle fois les accusations « infondées et irréalistes » du Qatar.
M. MAJED S. F. BAMYA (État de Palestine) a dénoncé les failles du système international de justice comme ces États qui ne reconnaissent pas la compétence de la CIJ. Il n’y aurait pas d’ordre international basé sur des règles sans la CIJ, a tranché le représentant. Il a dénoncé la Puissance occupante qui viole les droits du peuple palestinien, le droit international, les résolutions du Conseil de sécurité, celles de l’Assemblée générale et de la CIJ. En dépit de ses défis, la Cour a montré qu’elle peut exercer partout sa compétence. L’orateur est revenu sur l’avis consultatif de la Cour, décrétant l’illégalité du mur construit par Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Il a demandé à la communauté internationale de refuser le statu quo dans cette situation illégale.
Droits de réponse
La Fédération de Russie a jugé que l’Ukraine « confond » le bâtiment de l’Assemblée générale avec le Palais des Nations Unies à Genève. L’ordre du jour de cette réunion n’est pas une question de propagande, de politique ou d’interprétation, a-t-elle répliqué.
Le Qatar a réitéré son engagement à respecter les décisions de la CIJ, contrairement aux Émirats arabes unis qui peinent à mettre en œuvre l’ordonnance du 23 juin 2018 leur demandant d’appliquer les mesures conservatoires contre toutes les formes de discrimination à l’encontre des ressortissants qataris. Le Qatar a aussi fustigé les Émirats arabes unis mais aussi trois autres pays pour avoir fermé leur espace aérien, y compris dans le contexte de la lutte contre la pandémie de COVID-19. C’est une violation de la Charte des Nations Unies et des ordonnances de la CIJ, a tranché le Qatar.
Le Qatar n’a pris aucune mesure concrète pour régler la crise et n’agit pas de bonne foi, ont rétorqué les Émirats arabes unis. Ils ont reproché aux autorités qataries de continuer à propager mensonges et de discréditer les autres États, sans oublier ses discours de haine et ses incitations au terrorisme. Le Qatar ferait mieux de « joindre l’acte à la parole », ont conseillé les Émirats arabes unis, en prévenant qu’ils ne toléreraient plus un tel comportement.
Nous parlons des faits, a répondu le Qatar, peu surpris que les Émirats arabes unis nient leurs violations à la libre circulation des personnes. Notre position, a dit le Qatar en revenant sur la fermeture de l’espace aérien, est conforme au consensus international et fondé sur le respect mutuel et la non-ingérence dans les affaires internes des États. Notre détermination dans la lutte contre le terrorisme, n’est plus à prouver, a poursuivi le Qatar, estimant que les Émirats arabes unis sont « bien connus » pour leur politique destructrice dans la région et leurs multiples violations des droits de l’homme.