Assemblée générale : L’arrestation de Félicien Kabuga, un des sept fugitifs du Tribunal pénal international pour le Rwanda, démontre l’importance « cruciale » de la coopération des États
L’Assemblée générale a entendu aujourd’hui le juge Carmel Agius, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie, saluer « l’avancée majeure » qu’a été l’arrestation, le 16 mai dernier, en France, de Félicien Kabuga, un des sept fugitifs qui a échappé à la justice pendant plus de 20 ans. Cette arrestation, a souligné le juge qui présentait son huitième rapport d’activités, démontre l’importance « cruciale » de la coopération des États avec le Mécanisme.
Le juge Agius a invoqué la résolution 2529 (2020) du Conseil de sécurité qui exhorte les États à intensifier leur coopération avec le Mécanisme pour arrêter les désormais cinq derniers fugitifs du Tribunal pour le Rwanda, Augustin Bizimana ayant rendu l’âme. L’arrestation de Félicien Kabuga, a-t-il dit, n’aurait pas pu être possible sans la collaboration des forces de l’ordre et des autorités judiciaires de la France mais aussi de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, des États-Unis, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, du Rwanda, et de la Suisse, sans oublier Europol et INTERPOL. La France a souligné qu’il s’agit d’un moment important pour les victimes rwandaises du génocide, pour la réconciliation nationale au Rwanda après le génocide des Tutsis, et pour la justice pénale internationale. Cette avancée, s’est félicité le Royaume-Uni, appuyé par tous les 10 autres intervenants dont les États-Unis qui offrent une récompense pour l’arrestation des fugitifs, montre que la justice internationale peut triompher, avec l’appui de la communauté internationale, même des décennies après les faits.
En dépit de ce succès, a regretté le Rwanda, le Bureau du Procureur a toujours du mal à obtenir la coopération totale des États, pour l’arrestation des fugitifs dont cinq doivent être jugés par les juridictions rwandaises. Le Rwanda a rappelé qu’il a envoyé en vain plus de 1 000 demandes de coopération à plusieurs pays du monde. Il a demandé des mesures « contre ceux qui ne coopèrent pas » car l’absence de coopération est « un obstacle majeur » au travail du Mécanisme. Nous nous étonnons, a d’ailleurs avoué le Zimbabwe, d’être accusés de ne pas coopérer. Il a attribué ce malentendu aux changements intervenus au sein de l’Unité de recherche des fugitifs du Mécanisme. « Nous ne savons pas qui est chargé des enquêtes et encore moins si la nouvelle stratégie est toujours d’actualité », a affirmé le Zimbabwe. L’idée de nous entraîner dans les rapports du Procureur et de nous accuser d’un manque de coopération, pour des raisons inconnues et infondées, est tout simplement regrettable, a tranché le pays.
Félicien Kabuga sera, à sa demande, transféré temporairement à La Haye au lieu d’Arusha. La Fédération de Russie s’est dite surprise d’un « luxe » refusé à Ratko Mladic. Elle s’est en effet inquiétée de l’état de santé du détenu serbe au chevet duquel ne peuvent se rendre ni ses médecins serbes et russes, ni ses avocats et ni même sa famille. La Serbie a déploré « ce manque de respect » des droits de la personne. Depuis 2009, a-t-elle de nouveau affirmé, le Mécanisme refuse de répondre à notre demande de transférer chez nous les personnes condamnées pour qu’elles y purgent leur peine.
Le juge Agius a pourtant parlé aujourd’hui de l’exécution des peines qui elle aussi dépend de la coopération des États. Il a salué l’offre généreuse de la Belgique d’ouvrir ses prisons à un autre condamné qui a été transféré en septembre. À ce jour, 50 personnes condamnées par le Tribunal pénal pour le Rwanda, celui pour l’ex-Yougoslavie et le Mécanisme résiduel purgent leur peine dans différents États. Seules deux personnes attendent encore leur transfèrement, l’une est toujours à Arusha et l’autre à La Haye.
Au vingt-cinquième anniversaire des Accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre dans les Balkans occidentaux, plusieurs délégations ont condamné la glorification des criminels de guerre, dans certains cas, encouragée par le soutien ouvert de certaines autorités nationales et locales, comme l’a dit la France. Ne perdons pas de vue, ont renchéri les États-Unis, la lueur d’espoir qui a vu le jour à Dayton. Si nous ne pouvons pas ressusciter les victimes, nous devons au moins leur rendre justice à elles et à leurs proches, a plaidé le pays, en dénonçant ceux qui recherchent des bouc-émissaires et nient des faits historiques.
Avant la pandémie, a expliqué le juge au début de son intervention, le Mécanisme était bien parti pour achever la plupart de ses affaires en cours d’ici à la fin de cette année. Toutefois, compte tenu de la crise sanitaire mondiale et des diverses restrictions qu’elle a imposées, le calendrier a été interrompu voire retardé. Mais, s’est réjoui le juge, le Mécanisme a saisi cette occasionpour démontrer sa résilience, sa créativité et sa détermination, et malgré les nombreux défis, il est resté opérationnel tout au long de la période considérée, grâce à la « remarquable » Section des services technologiques.
L’Assemblée générale a prévu de tenir une autre séance publique lundi 26 octobre pour commémorer la Journée des Nations Unies.
MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX
Déclaration liminaire
Chacun d’entre nous, chaque pays et chaque organisation internationale, a déclaré le juge CARMEL AGIUS, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux, a été affecté d’une façon ou d’une autre par la pandémie de COVID-19 et le Mécanisme n’a pas fait exception. Avant la pandémie, il était même bien parti pour achever la plupart de ses affaires en cours d’ici à la fin de cette année. Toutefois, compte tenu de la crise sanitaire mondiale et des diverses restrictions qu’elle a imposées, le calendrier a été interrompu voire retardé.
Mais, s’est réjoui le juge, le Mécanisme a saisi cette occasion pour démontrer sa résilience, sa créativité et sa détermination. Je suis fier, a-t-il dit, de vous apprendre que malgré les nombreux défis, le Mécanisme est resté opérationnel tout au long de la période considérée. En effet, la plupart du personnel s’est mis au télétravail grâce la « remarquable » Section des services technologiques et quand la pandémie s’est calmée au milieu de l’année, les bureaux de la gestion et autres ont immédiatement commencé à élaborer des mesures pour un retour graduel et sûr du personnel et pour la reprise des procédures dans les deux divisions.
En conséquence, à La Haye, les locaux ont été remodelés et renforcés techniquement pour permettre la participation à distance. Les auditions en appel dans l’affaire Mladić ont donc pu se faire à la fin du mois d’août, dans ce qui était « une prouesse technique ». Quatre juges ont participé par vidéo à partir de deux autres continents alors qu’un juge et d’autres parties étaient dans la Chambre. Les auditions dans l’affaire Stanišić & Simatović ont recommencé en septembre, les deux derniers témoins de la défense ayant été entendus, il y a deux semaines. Le procès pour outrage tant attendu contre Turinabo et autres devrait commencer demain à la division d’Arusha, où la Chambre a subi des modifications similaires.
Le juge a aussi a parlé de la résolution 2529 (2020) du Conseil de sécurité, aux termes de laquelle le Secrétaire général a renouvelé son mandat, ainsi que ceux des juges ad litem, et a nommé un nouveau greffier, M. Abubacarr Tambadou de la Gambie. La résolution, a souligné le juge, exhorte les États à intensifier leur coopération avec le Mécanisme et arrêter les derniers fugitifs du Tribunal pénal international pour le Rwanda. L’importance cruciale de cette coopération a été démontrée au mois de mai de cette année, lorsque le Bureau du Procureur a, en pleine pandémie, réussi à sécuriser l’arrestation de Félicien Kabuga en France, recherché depuis plus de 20 ans.
À sa demande, M. Kabuga sera transféré temporairement à La Haye au lieu d’Arusha. Son arrestation n’aurait pas pu être possible sans la collaboration des forces de l’ordre et des autorités judiciaires de la France mais aussi de l’Autriche, de la Belgique, de l’Allemagne, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Rwanda, de la Suisse, du Royaume-Uni, des États-Unis, d’Europol et d’INTERPOL, a énuméré le juge. Il a cité un autre « grand exemple » de la coopération des États dans l’exécution des peines; la Belgique ayant généreusement offert d’ouvrir ses prisons à un autre condamné qui a été transféré en septembre. À ce jour, 50 personnes condamnées par le Tribunal pénal pour le Rwanda, celui pour l’ex-Yougoslavie et le Mécanisme résiduel purgent leur peine dans différents États. Seules deux personnes attendent encore leur transfèrement, l’une est toujours à Arusha et l’autre à La Haye.
Le Président a aussi indiqué qu’il a publié des directives révisées sur le pardon, la commutation des peines et la liberté anticipée pour simplifier et rendre le processus plus transparent. Il a également parlé du dilemme lié aux personnes acquittées qui se trouvent toujours à Arusha et a appelé les États à coopérer en la matière. Plus que jamais auparavant, a-t-il conclu, la justice pénale internationale a besoin de l’attention et de l’engagement de la communauté internationale. Le juge s’est dit heureux de l’engagement des États en faveur du multilatéralisme puisqu’il préside lui-même un organe qui en est le fruit.
Déclarations
Au nom du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (groupe CANZ), M. LUKE ROUGHTON (Nouvelle-Zélande) a réitéré le soutien de son groupe au Mécanisme dont les travaux font en sorte que les legs des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, perdurent. Ces Tribunaux et le Mécanisme ont joué un rôle déterminant dans la jurisprudence, la pratique du droit pénal international et la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves. Ces travaux ont ajouté de l’ampleur et de la profondeur à la jurisprudence en matière de droit pénal international et ont administré la justice dans les affaires impliquant certains des crimes les plus horribles de l’histoire récente. Il s’agit d’un exemple concret de la façon dont la communauté internationale peut utiliser des institutions fondées sur des règles pour juger les crimes graves commis dans des situations de conflit complexes.
Le groupe CANZ, a déclaré le représentant, salue le Mécanisme qui poursuit ses travaux même au milieu de la pandémie de COVID-19. Le groupe prend note du fait que le Mécanisme est en bonne voie de conclure son travail judiciaire d’ici à la fin de l’année, à l’exception de tout nouvel appel. Le groupe CANZ, a dit le représentant, salue le Mécanisme qui s’est rapidement adapté à la nouvelle donne, en prenant des mesures pour protéger la santé et la sécurité des membres de son personnel et continuer de s’acquitter de son mandat. Le représentant a appelé la communauté internationale à appuyer le Mécanisme.
Le représentant a également attiré l’attention sur l’arrestation de Félicien Kabuga en France, que le Mécanisme a qualifié d’« avancée majeure ». Avec cette arrestation, deux des trois principaux fugitifs inculpés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda sont désormais arrêtés. L’arrestation de Félicien Kabuga après près de 23 ans de cavale a été rendue possible grâce à la coopération judiciaire, non seulement en France, mais aussi en Autriche, en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Rwanda, en Suisse, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans d’autres pays, a rappelé le représentant. Cette avancée souligne l’importance de la coopération pour permettre à tous les tribunaux internationaux de faire leur travail de lutte contre l’impunité.
Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne (UE), a affirmé que les récents succès, notamment l’arrestation de deux des derniers fugitifs inculpés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, soulignent, une fois encore, l’importance de la coopération entre les États Membres et le Bureau du Procureur pour la localisation et l’arrestation des fugitifs.
Néanmoins, elle a regretté profondément « le manque de coopération de la part de certains États Membres », soulignant que celle-ci constitue une obligation juridique. La représentante s’est aussi dite impressionnée par la capacité du Mécanisme à rester opérationnel malgré les contraintes actuelles dues à la pandémie, et par sa capacité à continuer à remplir son mandat tout en préservant la santé et la sécurité de ses employés ainsi que celles des détenus.
Reconnaissant que la pandémie a entraîné des retards inévitables par rapport au calendrier prévu, l’oratrice a salué la mise en œuvre de procédures pour tenter de les minimiser, et jugé important que les affaires en cours soient conclues d’ici au premier semestre de 2021, comme prévu et comme s’y est engagé le Mécanisme. La représentante a en outre pointé avec satisfaction que les directives sur la fourniture de services d’aide et de protection aux victimes et aux témoins ont intégré davantage les approches qui tiennent compte de leurs besoins. Elle s’est félicitée de cette évolution, ainsi que des autres mesures prises pour renforcer la transparence des mécanismes de justice internationale.
M. RICHARD M. MILLS, JR (États-Unis) a voulu que l’on n’oublie pas les engagements pris à Dayton il y a 25 ans en faveur de la justice. La pandémie, a-t-il dit, nous a tous affectés mais le Mécanisme a réussi à poursuivre son travail. Le délégué a salué l’arrestation de Félicien Kabuga et souligné importance du Mécanisme pour rendre justice aux victimes du génocide rwandais. Il a appuyé les efforts en vue d’appréhender les six fugitifs et précisé que son pays participe à de tels efforts en offrant notamment des récompenses pécuniaires. En ce qui concerne les affaires d’outrage, il a dénoncé toute tentative d’intimider un témoin et souligné la nécessité d’y remédier. Le représentant a souhaité que ces affaires d’outrage soient closes d’ici à 2021. Il a salué la bonne gestion du Mécanisme, ainsi que la nomination d’un nouveau greffier.
Alors que le Mécanisme continue de mettre en lumière les crimes perpétrés, il s’est dit très troublé par les tentatives consistant à réviser la vérité et à nier les crimes de génocide, au Rwanda comme dans les pays de l’ex-Yougoslavie. Ne perdons pas de vue, a-t-il dit, la lueur d’espoir qui a vu le jour à Dayton. Si nous ne pouvons pas ressusciter les victimes, nous devons au moins leur rendre justice à elles et à leurs proches, a plaidé le représentant, en dénonçant ceux qui recherchent des bouc-émissaires et nient des faits historiques. C’est au nom des victimes que les États-Unis appuient les efforts du Mécanisme, a conclu le délégué.
Mme JANA BADE (Allemagne) a loué les efforts consacrés par le Bureau du Procureur à la recherche et à l’arrestation des derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, dont l’arrestation en France, en mai 2020, du fugitif Félicien Kabuga, « qui fera enfin face à la justice et à l’état de droit ». Elle a qualifié cet acte d’« exemple » et de « signal fort » dans la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves. « Cette année, le vingt-cinquième anniversaire du génocide de Srebrenica, est un rappel puissant de l’appel à la justice des victimes », a noté la représentante.
La représentante a dit partager sa vision du Mécanisme comme celle d’une institution « petite, temporelle et efficace », au service de la justice internationale. Elle a félicité le Mécanisme d’avoir poursuivi son travail avec un minimum de perturbations malgré la pandémie de COVID-19, et s’est dite heureuse qu’il soit resté opérationnel tout au long de l’année, en continuant d’obtenir des résultats malgré la crise sanitaire mondiale.
M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda) a salué le Mécanisme qui a continué son travail en dépit de la pandémie de COVID-19. Rappelant la résolution de l’Assemblée générale désignant le 7 avril comme la Journée internationale de commémoration des victimes du crime de génocide, le représentant a réitéré que tous ceux qui ont participé au génocide des Tutsis au Rwanda doivent rendre compte de leurs actes. Il a donc salué l’arrestation en France, de Félicien Kabuga et son transfèrement à la division d’Arusha du Mécanisme. C’est là qu’il doit être jugé, a estimé le délégué qui a demandé un procès rapide vu son âge avancé. Cela contribuera à la cause de la réconciliation et de la justice pour les survivants. Cette arrestation montre l’importance de la coopération entre les États Membres sur la question de l’arrestation des fugitifs, a souligné le représentant.
Il a toutefois regretté qu’en dépit de ce succès, le Bureau du Procureur ait toujours du mal à obtenir la coopération totale des États Membres. Ce Bureau, a-t-il rappelé, a émis plusieurs demandes d’assistance, notamment en ce qui concerne les passeports faux ou obtenus illégalement qui permettent aux fugitifs de circuler. Le Rwanda, a insisté le représentant, a envoyé plus de 1 000 demandes de coopération à plusieurs pays du monde pour arrêter les individus présumés coupables mais peu d’entre eux ont répondu. Il a rappelé que les résolutions du Conseil de sécurité exhortent les États Membres à coopérer avec le Procureur afin d’arrêter les fugitifs lorsqu’ils sont soupçonnés de génocide. Lorsque les États Membres ne coopèrent pas, c’est tout simplement inacceptable, a jugé le délégué qui a également demandé des mesures contre ceux qui ne coopèrent pas. Avant de terminer, il a fait remarquer que l’absence de coopération est un obstacle majeur au travail du Mécanisme et que le déni de génocide est une grave préoccupation. Il a dénoncé les tentatives de nier le génocide qui détournent l’attention des faits et contribuent à l’essor des idéologies génocidaires auxquelles adhèrent les fugitifs.
M. CHANAKA WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a salué le fait que le Mécanisme ait réussi à poursuivre son travail malgré la pandémie. Il a réitéré l’engagement indéfectible de son pays en faveur du Mécanisme auquel son pays apporte son concours pour qu’il puisse s’acquitter de son mandat et épouse la vision d’une organisation temporaire, efficace et de taille réduite. Il a salué l’arrestation de Félicien Kabuga, qui montre que la justice internationale peut triompher, avec l’appui de la communauté internationale, même des décennies après les faits. Il a appelé les États Membres à coopérer encore davantage avec le Mécanisme en vue de l’arrestation des six derniers fugitifs, au nom de la justice que méritent les victimes.
Le représentant a salué les progrès accomplis dans les affaires Mladić, et Stanišić & Simatović malgré les défis. Il a noté la persistance des obstacles à la coopération dans les Balkans occidentaux et exhorté les États à honorer les engagements pris dans la Déclaration commune sur les crimes de guerre lors du Sommet de Londres de 2018. Cela est d’autant plus important en cette vingt-cinquième commémoration du génocide de Srebrenica et de l’Accord de paix de Dayton, a-t-il souligné, avant de dénoncer la glorification de criminels de guerre des deux côtés et condamné tous ceux qui continuent de nier ce qui s’est passé au Rwanda et dans les Balkans occidentaux.
Mme SANDRA PEJIC-GLYMPH (Serbie) a affirmé que son pays a continué de coopérer avec le Mécanisme en dépit des difficultés causées par la pandémie. Elle a tenu à souligner « l’engagement de haut niveau » de la Serbie qui tient à honorer ses obligations internationales. La représentante a aussi salué les résultats positifs « largement reconnus » de cette coopération. La Serbie, a-t-elle dit, a répondu à toutes les demandes de documents, d’archives et de témoignages, sans négliger aucune demande d’assistance. Elle a confirmé que toutes les demandes de présentation de témoins ont été honorées, avec la garantie que l’on protège leur identité. Les libérations conditionnelles ont elles aussi été honorées, conformément aux conditions requises par le Mécanisme et par les Chambres.
La déléguée a néanmoins déploré « le manque de respect » des droits des personnes mises en accusation. Depuis 2009, a-t-elle précisé, le Mécanisme refuse de répondre à la demande de transférer en Serbie les personnes condamnées par La Haye pour qu’elles y purgent leur peine. Elle a aussi critiqué le manque d’accès des condamnés aux soins médicaux, alors qu’il s’agit là d’un « droit fondamental ». Assurant que la collaboration avec le Mécanisme reste « positive et un succès », prenant pour preuve la formation que vient de recevoir le Procureur de la Serbie à La Haye, la représentante a conclu: « la Serbie veut coopérer avec le Mécanisme et l’Union européenne ».
Selon, M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie), les Tribunaux pénaux internationaux créés par le Conseil de sécurité ont existé pendant plus de 25 ans sans véritable système de planification judiciaire; les activités du prédécesseur du Mécanisme, à savoir le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), « ont sapé la confiance placée dans la justice internationale ». Or, a tranché le représentant, le Mécanisme a hérité des défauts du TPIY. S’il est vrai que la COVID-19 vient d’ébranler le bon fonctionnement du Mécanisme, il est tout aussi vrai, a souligné le représentant, que cela n’enlève rien aux droits des prévenus, y compris à une assistance médicale de qualité.
Le représentant s’est en effet inquiété de l’état de santé de M. Radko Mladić, « qui s’est considérablement dégradé ces dernier temps ». Ses avocats et ses proches sonnent l’alarme et la juge de la Chambre d’appel a même insisté pour qu’il puisse être hospitalisé rapidement. Malgré cela, ses médecins serbes et russes, ses avocats et même sa famille n’ont pas pu se rendre à son chevet, M. Mladić ayant été privé du traitement réservé à M. Félicien Kabuga, dont le « luxe » de choisir le lieu de sa détention préventive. Le Procureur lui-même, s’est indigné le représentant, a soutenu l’idée d’une expertise indépendante. Pendant ce temps, M. Kabuga reçoit la visite d’un « médecin indépendant », une visite refusée à M. Mladić qui est pourtant « dans la dernière phase de son existence ».
Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a réitéré son soutien au Mécanisme, avant de rappeler l’arrestation de Félicien Kabuga sur le territoire français le 16 mai 2020, après 20 années de recherche active. Saluant cette « avancée majeure », la représentante a estimé que cette arrestation n’aurait pas été possible sans une coopération internationale « étroite » entre magistrats français et internationaux, services de police européens, et enfin entre les gouvernements et le Mécanisme. Il s’agit d’un moment important pour les victimes rwandaises, pour la réconciliation nationale au Rwanda après le génocide des Tutsis, et pour la justice pénale internationale, a ajouté la représentante. Elle a aussi jugé « primordial » que les derniers fugitifs puissent comparaître devant la justice et que les États coopèrent sans entrave avec le Mécanisme, conformément à leurs obligations internationales.
S’agissant de l’ex-Yougoslavie, la représentante a déploré que, partout dans la région, la glorification des criminels de guerre se perpétue, dans certains cas, encouragée par le soutien ouvert de certaines autorités nationales et locales. Aucune réconciliation durable ne peut avoir lieu sans une reconnaissance des crimes et des responsabilités, a insisté la représentante, concluant que les avancées récentes démontrent le dynamisme du Mécanisme, qui poursuit son travail d’enquête et d’établissement des faits et des responsabilités. Il s’agit de développements positifs pour l’achèvement progressif et ordonné des travaux de la juridiction.
M. KINGSTONE ZIYERA (Zimbabwe) s’est dit gravement préoccupé par l’évaluation du Président du Mécanisme selon lequel la coopération avec les autorités zimbabwéennes est « en grande partie au point mort ». C’est très regrettable, a jugé le représentant, qui s’est étonné que le Mécanisme attribue la responsabilité de cette situation aux autorités zimbabwéennes, sans mentionner le fait que le Chef de l’Unité de recherche du Mécanisme a changé durant la période considérée. Le Mécanisme, a rappelé le délégué, a été confronté à des problèmes de personnel qui ne sont pas abordés dans le rapport. Le départ à la retraite de M. Bob Reid et la nomination de M. Akingbolahan Adeniran à la tête de l’Unité de recherche ont donné lieu à une nouvelle stratégie d’enquête sur Protais Mpiranya, a expliqué le représentant.
Ce changement de stratégie a fait que le Mécanisme a abandonné celle qui avait permis de confirmer ou d’abandonner plus de 95% des pistes qui avaient été soumises à l’équipe de M. Reid. La nouvelle stratégie n’a pas été soutenue par des mesures concrètes. M. Adeniran n’a rien fait pour faire progresser la coopération avec les autorités zimbabwéennes. Quelques mois après sa nomination, il a tout abandonné. Le représentant a affirmé que le Bureau du Procureur a aussi cessé toute communication avec le Zimbabwe. Il ne fait aucun doute que le manque d’un leadership adéquat et cohérent au sein du Mécanisme a eu une incidence négative sur le travail de l’Équipe spéciale qui a été créé pour coordonner les activités d’enquête et la coopération. Le Mécanisme a perdu un temps précieux.
Le représentant a précisé que le Chef de l’Unité de recherche du Mécanisme a été alerté d’un article de presse publié dans le New Times, un journal rwandais, le 22 juillet 2019, alléguant qu’un fugitif anonyme se cachait dans un pays voisin d’Afrique australe. Toutefois, il a semblé se désintéresser d l’article quand l’Équipe spéciale a demandé des éclaircissements. Comme si le changement de stratégie ne suffisait pas, a ajouté le délégué, M. Adineran a démissionné de son poste au mois de septembre 2019. M. Bob Reid a repris ses fonctions antérieures et depuis lors, le Mécanisme n’a rien communiqué au Gouvernement zimbabwéen. Nous ne savons pas qui est chargé des enquêtes et encore moins si la nouvelle stratégie est toujours d’actualité, a affirmé le représentant.
Il a aussi annoncé que son Ministère des affaires étrangères a transmis toutes ces informations au Bureau du Procureur du Mécanisme, le 6 février dernier. Il est donc surprenant que les ratés causés par les changements au sein de l’Unité de recherche du Mécanisme et dans la stratégie d’enquête n’aient pas été mentionnés dans le rapport dont est saisie l’Assemblée générale. L’idée d’entraîner le Zimbabwe dans les rapports du Procureur et de l’accuser d’un manque de coopération, pour des raisons inconnues et infondées, est tout simplement regrettable, a tranché le représentant.