L’Assemblée générale rend hommage à la mémoire de l’Émir du Koweït, « doyen de la diplomatie arabe » et élit 15 États au Conseil des droits de l'homme
Avant d’élire ou de reconduire 15 États au Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale a rendu hommage aujourd’hui à la mémoire du « doyen de la diplomatie arabe », l’Émir Sabah Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah du Koweït, décédé le 29 septembre dernier, à l’âge de 91 ans. Je suis fier, a déclaré le Président de l’Assemblée, de compter ce grand homme parmi nous, les diplomates.
M. Volkan Bozkir a en effet rappelé que pendant 40 ans, avant de passer 20 ans à la tête de son pays, l’Émir a été Ministre des affaires étrangères, jouant un rôle déterminant dans la création du Conseil de coopération du Golfe. Le Président de l’Assemblée s’est souvenu de deux interventions de l’Émir, ici-même à l’Assemblée générale, et d’abord au Sommet de 2015 où il a confirmé l’engagement du Koweït en faveur du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le Président s’est aussi souvenu de l’intervention de l’Émir en 1963 quand son pays est devenu le cent onzième État Membre de l’ONU. Pour le Koweït, avait alors expliqué le souverain, la participation aux activités internationales est un moyen de partager la responsabilité de garantir une meilleure vie à son peuple et à tous les peuples du monde.
« Un homme d’État, un humanitaire remarquable, un bâtisseur de ponts et un messager de la paix », c’est à ce dirigeant-là auquel le Secrétaire général de l’ONU a rendu hommage, après la minute de silence. M. António Guterres a salué un homme qui a su mobiliser la communauté internationale dans un acte de solidarité et dont le leadership a été décisif dans certains des plus importants efforts humanitaires du monde. Son travail pour appuyer et autonomiser les femmes à tous les niveaux s’est manifesté par l’octroi du droit de vote aux Koweïtiennes. « Nous avons perdu un dirigeant du monde et un symbole de l’humanité. »
Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Cameroun a également loué la contribution généreuse de l’Émir aux efforts humanitaires, incarnée par les centaines de millions de dollars d’aide octroyée aux pays en développement, notamment en Afrique qui ont « sauvé des vies » et donné l’exemple de la coopération internationale. L’Uruguay, au nom du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes, a, à son tour, insisté sur la « vocation humaniste » de l’Émir qui a conduit l’ONU à en faire « un humanitaire exemplaire » en 2014. « Dirigeant d’un petit pays au grand cœur », comme l’a dit la Lettonie, au nom du Groupe des États d’Europe orientale, l’Émir a joué un rôle clef dans la stabilité de la région, grâce à son talent de médiateur pragmatique, stimulé par le souvenir « douloureux » de l’invasion de son pays par les troupes de Saddam Hussein en 1990.
L’implication de l’Émir dans le rapprochement avec l’Iraq, son aide et ses bons offices dans les conflits en Syrie et au Yémen, son attachement à la cause palestinienne, apparaissaient fondés sur les idéaux des Nations Unies. En 2018, ont ajouté les États-Unis, pays hôte, l’Émir a accueilli un sommet durant lequel une somme de 30 milliards de dollars a été annoncée pour la reconstruction de l’Iraq après sa guerre contre Daech. Il a fait de même pour alléger les souffrances des Syriens. Le Président Donald Trump n’a donc pas hésité une seconde à le faire Commandant du prestigieux « Legion of Merit ». Nous pleurons, se sont confiés les États-Unis, « un ami cher, un leader exceptionnel, un humaniste et un amoureux de la paix et de la stabilité dans sa région ».
Dire adieu à l’Émir, a renchéri l’Égypte, au nom du Groupe des États arabes, c’est dire adieu à l’un des leaders du projet d’édification des nations arabes. « Il a défini et réalisé les aspirations de nos peuples. » C’est une perte immense pour le monde musulman, ont confirmé les Émirats arabes unis, au nom de l’Organisation de la coopération islamique. L’Émir nous a légué un héritage enviable fait de défense du multilatéralisme et de la diplomatie préventive. Nous saluons sa sagesse, sa compassion et la force dont il a fait preuve dans les moments les plus difficiles de la paix et de la stabilité dans la région.
Ce « partage de douleur » a ému le Koweït qui a retenu de son Émir les efforts en faveur du développement national, soulignant ses nombreuses contributions culturelles et politiques, lesquelles ont permis au pays de prendre sa place dans la communauté des nations. Le Koweït a aussi attiré l’attention sur les projets architecturaux et éducatifs de l’Émir qui continuent d’éclairer la voie de l’avancement du pays. Pendant son règne, l’Émir a tenu à amender le cadre législatif pour que les femmes puissent exercer leurs droits civils et politiques. Sous son leadership, a ajouté le Koweït, nous avons maintes fois traverser des fleuves houleux pour atteindre les rives de la sécurité.
Au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, l’Indonésie a en effet salué le courage d’un artisan de la paix et d’une icône du développement dans sa région et à l’échelle mondiale, tandis que le Liechtenstein, au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, évoquait le pragmatisme et la générosité d’un « médiateur » du règlement pacifique des différends, apprécié pour son rôle constructif au Conseil de sécurité, de 2018 à 2019.
Toujours ce matin, l’Assemblée générale a suivi la recommandation de sa Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires et décidé que les Comores, Sao Tomé-et-Principe et la Somalie seront autorisées à participer à ses votes jusqu’à la fin de cette session session*. Cette dérogation à l’Article 19 de la Charte des Nations Unies a également été réclamée par le Venezuela, dont le droit de vote a été suspendu en janvier 2020. Cette situation, s’est indigné le pays, est née du blocus économique et financier imposé par les États-Unis, en violation des normes internationales. Comme nous ne pouvons pas accéder au système financier international, nous n’avons pas été en mesure d’honorer notre dette vis-à-vis des Nations Unies, a rappelé le Venezuela.
L’Article 19 de la Charte dispose qu’« un Membre des Nations Unies en retard dans le paiement de sa contribution aux dépenses de l’Organisation ne peut participer au vote à l’Assemblée générale si le montant de ses arriérés est égal ou supérieur à la contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées. L’Assemblée générale peut néanmoins autoriser ce Membre à participer au vote si elle constate que le manquement est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté. »
Le Venezuela a argué que la situation dans laquelle il se trouve a été portée à l’attention de l’ensemble de responsables des Nations Unies. La licence accordée par le Gouvernement américain pour les transactions financières semble n’avoir aucun effet, a-t-il affirmé. Les États-Unis, a encore dénoncé le Venezuela, ont fait une déclaration selon laquelle la situation a été réglée, tout en continuant d’interdire aux « banques de Washington » de travailler avec nous. Nous avons, a assuré le Venezuela, les ressources financières nécessaires pour honorer notre dette et nous lançons un appel pour que nous puissions exercer nos droits et privilèges aux Nations Unies. Le Venezuela a demandé au Président de l’Assemblée générale d’enclencher ses bons offices car « n’importe quel autre État, demain, pourrait être soumis aux abus du Gouvernement des États-Unis, pays hôte des Nations Unies ». « Ce qui arrive au Venezuela peut arriver à n’importe qui si nous laissons le pays hôte agir avec impunité », a renchéri Cuba.
L’Assemblée générale a aussi décidé aujourd’hui, « sans que cela ne crée de précédent applicable à ses futures séances », que pendant cette session, lorsque des mesures de quarantaine sont en vigueur, les personnes invitées à présenter les rapports du Conseil des droits de l’homme, de la Cour internationale de Justice, de la Cour pénale internationale, de l’Agence internationale de l’énergie atomique ou encore du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux pourront chacune présenter une déclaration préenregistrée, qui sera jouée dans la salle, après introduction par le Président aux séances plénières concernées**.
L’Assemblée général a élu ou reconduit aujourd’hui 15 membres au Conseil des droits de l’homme: quatre pour l’Afrique; quatre pour l’Asie-Pacifique; deux pour l’Europe orientale; trois pour l’Amérique latine et les Caraïbes; et deux pour l’Europe occidentale et autres États. Pour un mandat de trois ans commençant le 1er janvier 2021, ont été élus la Bolivie, la Chine, la Côte d’Ivoire, Cuba, le Gabon, la Fédération de Russie, la France, le Malawi, l’Ouzbékistan et le Royaume-Uni; et reconduits, le Mexique, le Népal, le Pakistan, le Sénégal et l’Ukraine.
La procédure de vote a été adaptée en réponse aux mesures de distanciation sociale imposées par la pandémie de COVID-19 au Siège des Nations Unies à New York. Chaque délégué, que le Président a appelé par le nom de son pays, a été enjoint de quitter la salle de l’Assemblée générale après son vote afin de permettre à la délégation suivante de voter. Assis à la première place, selon le traditionnel tirage au sort, le représentant de l’Islande a glissé le premier bulletin dans l’urne.
* A/75/382
** A/75/L.3