Sommet pour le climat: face à une nature « déchaînée », le Secrétaire général appelle à l’action pour mettre fin au « crime » des changements climatiques
On trouvera ci-après le message du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, au Sommet Action Climat 2019, aujourd’hui à New York:
La nature est déchaînée.
Et il faudrait être fou pour croire que l’on peut ruser avec elle.
Car elle rend coup pour coup.
Et elle laisse aujourd’hui exploser sa colère dans le monde entier.
Il n’y a qu’à regarder les derniers mois.
Juillet a été le mois le plus chaud que l’on ait jamais vu.
De juin à août, l’hémisphère Nord n’avait jamais connu un été aussi chaud;
Et c’était le second hiver le plus chaud à avoir jamais été observé dans l’hémisphère Sud.
Les années 2015 à 2019 ont été les cinq années les plus chaudes jamais enregistrées.
La Terre se réchauffe et le message est glaçant: il faut arrêter, tout de suite.
Si nous ne changeons pas de toute urgence nos habitudes, c’est la vie même sur Terre qui sera en danger.
Regardez autour de vous.
Le niveau des mers monte et les océans s’acidifient.
Les glaciers fondent et les coraux blanchissent.
Les sécheresses sont de plus en plus fréquentes et les forêts brûlent.
Les déserts s’étendent et l’accès à l’eau se raréfie.
Les vagues de chaleur se succèdent et les catastrophes naturelles se multiplient.
Partout, les tempêtes sont plus intenses. Plus fréquentes. Plus mortelles.
Je l’ai vu de mes propres yeux: en Dominique, au Sahel, dans le Pacifique Sud…
En mai, je me suis rendu dans les Tuvalu. Dans ce pays insulaire, j’ai vu un pays tout entier se battre contre la montée des eaux pour sa survie.
Il y a deux mois, je suis allé au Mozambique, qui a été frappé par deux cyclones coup sur coup, du jamais vu.
Il y a quelques jours, je me suis rendu aux Bahamas, qui ont été pilonnées par l’ouragan Dorian pendant deux longues journées.
L’ampleur des destructions n’était pas juste désolante. C’était un tableau apocalyptique.
Ces images, soyez-en sûrs, ce ne sont pas que des scènes de dévastation.
Ce que nous voyons, c’est notre avenir sur Terre, si nous n’agissons pas immédiatement.
On m’a demandé récemment si face à cette situation, je ne sombrais pas dans le désespoir.
J’ai répondu sans hésiter: non!
Je suis plein d’espoir.
Je crois en vous.
Ce sommet n’a pas pour but de prononcer des discours sur le climat. Nous avons assez parlé.
Nous ne sommes pas là non plus pour engager des négociations. On ne négocie pas avec la nature.
Nous sommes là pour agir. C’est un sommet d’action pour le climat.
Depuis le début, j’ai dit que pour avoir sa place ici, un beau discours ne suffisait pas. Ce qu’il faut, ce sont des actions concrètes.
Et si vous êtes venus, c’est pour prendre des engagements.
Les gouvernements sont venus montrer qu’ils sont résolus à améliorer les contributions déterminées au niveau national dans le cadre de l’Accord de Paris.
Les villes et les entreprises sont venues montrer la voie et investir dans un avenir vert.
Les acteurs financiers sont venus redoubler d’efforts et déployer des ressources de manière novatrice et fructueuse.
Les coalitions sont venues porter des partenariats et des initiatives qui faciliteront l’avènement d’un monde résilient et neutre en carbone d’ici à 2050.
Je suis très reconnaissant envers les dirigeants et les membres des 9 grandes coalitions qui ont travaillé avec beaucoup de créativité et de passion afin de tirer le meilleur résultat du Sommet.
Et les jeunes sont venus proposer des solutions, insister pour que nous assumions nos responsabilités et exiger de nous que nous agissions face à l’urgence de la situation.
Ils ont raison.
Ma génération a failli en sa responsabilité de protéger la planète. Il faut y remédier.
L’urgence climatique est une course que nous sommes en train de perdre, mais c’est une course que l’on peut encore gagner.
Nous avons provoqué cette crise climatique – et c’est à nous de trouver les solutions.
Nous en avons les moyens: la technologie joue en notre faveur.
Aujourd’hui, grâce aux outils technologiques dont nous disposons, des solutions de remplacement pour plus de 70% des émissions de gaz à effet de serre existent déjà.
Nous avons aussi une feuille de route claire: le Programme d’action pour le développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur le climat.
Et nous avons une raison impérieuse d’agir: la science, indéniable, irréfutable.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat nous a appris que, d’après les études les plus rigoureuses sur le plan scientifique, une élévation de la température de plus de 1,5 degré Celsius entraînerait des dégâts majeurs et irréversibles sur les écosystèmes dont nous dépendons pour notre survie.
Mais les scientifiques nous disent aussi qu’il n’est pas trop tard. Nous pouvons y arriver. Il est encore temps de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius.
Pour y parvenir, il faudra transformer du tout au tout nos sociétés: notre agriculture, notre utilisation des terres, nos modes de transport et la manière dont nous nous y prenons pour assurer la croissance de nos économies.
Il faut ancrer la lutte contre les changements climatiques dans un nouveau modèle de développement, celui d’une une mondialisation équitable, avec moins de souffrances, plus de justice et d’harmonie entre les peuples et la planète.
Tout à un coût.
Mais c’est le coût de l’inaction qui est le plus élevé.
Il n’y a pas de plus grand coût que de continuer à subventionner une industrie des combustibles fossiles mourante, à construire toujours plus de centrales à charbon et à nier l’évidence.
Nous sommes enfoncés dans un fossé climatique profond. Pour en sortir, encore faut-il que nous cessions de creuser.
Après tout, est-il normal de donner des milliers de milliards de dollars à l’industrie des combustibles fossiles, de l’argent que les contribuables ont gagné à la sueur de leur front? Alors que cela revient à donner plus de force aux ouragans, à favoriser la propagation des maladies tropicales et à aggraver les conflits?
Est-il normal de construire encore plus de centrales à charbon et d’étouffer notre avenir dans leur fumée?
Est-il normal de récompenser la pollution quand la saleté de l’air tue des millions de personnes et qu’il peut même être parfois dangereux pour les habitants de certaines villes de sortir de chez eux?
L’heure est venue de taxer le carbone plutôt que les salaires. Ce sont les pollueurs qui doivent payer.
La communauté scientifique ne cesse de nous le rappeler: nous devons à tout prix réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici à 2030; atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050; et limiter la hausse de la température globale à 1,5 degrés Celsius d’ici à la fin du siècle.
Une accélération des financements climatiques est donc nécessaire.
Il est ainsi indispensable de reconstituer les ressources du Fonds vert pour le climat, tout comme il est essentiel que les pays développés respectent l’engagement pris de mobiliser, d’ici à 2020, 100 milliards de dollars par an de fonds publics et privés, afin de soutenir les pays en développement dans leurs efforts d’atténuation et d’adaptation.
Car même si l’on réussit à baisser les émissions, les effets dramatiques des changements climatiques sont déjà là. L’adaptation est donc devenue une priorité absolue et une condition essentielle pour augmenter la résilience des pays et des communautés et éviter la souffrance humaine.
Je remercie les pays qui ont d’ores et déjà augmenté leurs engagements, en particulier ceux qui ont doublé leurs contributions au Fonds vert pour le climat.
J’en appelle à votre audace: avançons vers une transformation planétaire de la finance, une finance compatible avec un monde neutre en carbone.
Ce sommet n’est pas censé résoudre tous nos problèmes du jour au lendemain, mais il doit donner l’élan nécessaire pour activement mettre en œuvre les objectifs de l’Accord de Paris.
La dynamique créée ici aujourd’hui doit guider nos prochaines rencontres: la Conférence des Nations Unies sur le climat, qui aura lieu en décembre au Chili et, l’année prochaine, la Conférence sur le transport durable à Beijing, la Conférence sur les océans à Lisbonne, la Conférence sur la biodiversité à Kunming et le Sommet sur la nature à New York.
N’ayons pas peur d’être ambitieux, n’ayons pas peur d’accentuer la pression et, surtout, n’ayons pas peur de sans cesse rappeler la vérité et la réalité de la situation.
Adressons aux dirigeants politiques et aux marchés le message suivant: la transition vers une économie verte aboutira à de meilleures conditions de vie, à de meilleurs emplois, à une meilleure santé, à une meilleure sécurité alimentaire, à davantage d’égalité et à une croissance durable.
Si nous avançons ensemble, personne ne sera laissé de côté.
Les scientifiques sont catégoriques: si nous ne faisons rien, la température augmentera d’au moins 3 degrés Celsius avant la fin du siècle.
Je ne serai plus là pour le voir, mais mes petites-filles, elles, le vivront.
Et vos petits-enfants également.
Je refuse d’être complice de la destruction de leur seule maison.
Je ne resterai pas sans rien dire tandis que s’accomplit sous nos yeux un crime: la condamnation de notre monde et l’annihilation du droit pour les générations futures à un avenir durable.
C’est mon devoir, c’est notre devoir, que de tout faire pour arrêter la crise climatique avant qu’elle ne nous arrête.
Le temps presse, mais il n’est pas encore trop tard.
Le moment est venu de répondre à l’appel de toutes celles et ceux qui font preuve de sagesse, qu’ils viennent du monde religieux ou des affaires, et en particulier à l’appel de tous les jeunes qui descendent dans la rue pour exiger que nous changions tout de suite notre rapport à la nature.
Soyons tous sur la ligne de départ et gagnons la course contre les changements climatiques. C’est l’avenir de l’humanité qui en dépend.