La Commission de la condition de la femme ouvre sa soixante-troisième session axée sur la protection sociale et les infrastructures durables
« Imaginez un monde dirigé par une femme. Je suis prête à imaginer cet avenir », a lancé la Présidente de la soixante-troisième session de la Commission de la condition de la femme, lors de la séance d’ouverture qui s’est tenue ce matin à New York, plaçant ainsi la barre très haut pour les discussions qui dureront jusqu’au 22 mars 2019.
« Lorsque cette Présidente du monde arrivera au pouvoir, elle pourra compter sur des légions de femmes éduquées, libérées du joug du travail domestique non payé, de petits boulots à temps partiel et des responsabilités de la prise en charge des enfants - des femmes libres et prêtes à la soutenir », a ainsi visualisé Mme Geraldine Byrne Nason. L’égalité des sexes est fondamentalement une « question de pouvoir », a renchéri le Secrétaire général de l’ONU en évoquant les racines patriarcales profondes de la culture occidentale.
Pour M. António Guterres, « c’est le pouvoir qu’il faut redéfinir, plutôt que les femmes ». Il a rappelé son insistance à l’ONU pour que la parité hommes-femmes soit réalisée au sein du Conseil de direction, qui comprend à présent plus de femmes que d’hommes. « Une première dans l’histoire des Nations Unies », s’est-il enorgueilli en assurant que l’ONU atteindrait la parité dans tous les échelons supérieurs d’ici à 2021, et dans tous les domaines d’ici à 2028.
À quelques mois du vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, la Présidente de la Commission a voulu rappeler d’où l’on était parti: en 1995, « nous avons accepté que les droits des femmes sont des droits de l’homme ». Mais près de 25 ans plus tard, il y a beaucoup d’espoirs déçus, a-t-elle relevé.
Aujourd’hui, les femmes représentent moins de 7% des chefs d’État et un quart des parlementaires. Seulement 46 pays, sur 193 États Membres, ont nommé une femme comme représentant permanent auprès des Nations Unies. Les filles, elles, sont encore trop nombreuses -130 millions– à ne pas être scolarisées. Et pour ce qui est de la parité entre les sexes en termes de rémunération et d’emploi, on estime qu’il faudra 217 ans pour y parvenir, s’est impatientée Mme Byrne Nason. Le Secrétaire général a relevé en outre une augmentation du nombre de meurtres de femmes dans certains pays, tandis que d’autres connaissent un recul de la protection juridique contre la violence domestique ou les mutilations génitales féminines.
Ajoutant à cette liste, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a déploré que chaque jour, 830 femmes meurent de complications de grossesse ou d’accouchement et que la fracture numérique entre les genres persiste, voire augmente. Soulignant les progrès « inégaux, insuffisants et susceptibles de reculer », elle a jugé cette tendance inquiétante dans le contexte de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
La protection sociale universelle fait partie de la vision du Programme 2030, a-t-elle fait observer, alors que le « thème prioritaire » de la session porte justement sur « les systèmes de protection sociale, l’accès aux services publics et les infrastructures durables au service de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles ».
Les présidents des trois organes principaux de l’ONU –l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social (ECOSOC)–, tous trois des femmes, ont prononcé des allocutions à l’ouverture de la session, marquant ainsi l’importance de ce qui est considéré comme le deuxième plus grand évènement de l’année à l’ONU, après la session plénière de l’Assemblée générale. Plus de 9 000 délégations de la société civile se sont en effet inscrites pour y participer, un record.
La Commission de la condition de la femme est une « pièce maîtresse » du système de l’ECOSOC, a affirmé la Présidente de cet organe, Mme Inga Rhonda King, car elle permet d’accélérer les efforts dans la réalisation des objectifs de développement durable qui ont un lien avec l’autonomisation des femmes et la parité entre les sexes. La Présidente de l’Assemblée générale, Mme María Fernanda Espinosa Garcés, a rappelé, pour sa part, que l’égalité des sexes est l’une des priorités de son mandat.
De son côté, le Conseil de sécurité a un rôle capital à jouer pour assurer la mise en œuvre complète de l’agenda « femmes, paix et sécurité », a fait observer Mme Marlène Schiappa, Secrétaire d’État de la France chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, qui intervenait en sa qualité de Présidente du Conseil de sécurité. « Lorsque nous excluons les femmes des négociations, tout le monde en paie le prix, tandis que lorsque nous les incluons, tout le monde gagne », a rappelé le Secrétaire général, raison pour laquelle l’ONU lutte toujours pour que les femmes soient incluses dans les équipes de négociation.
Pourtant la participation des femmes aux processus de paix reste faible, a regretté Mme Schiappa en déplorant aussi que les femmes et les filles soient trop souvent les cibles de violences, particulièrement des violences sexuelles, dans des situations de conflit armé ou d’après conflit.
Dans l’après-midi, au cours de quatre tables rondes de haut niveau tenues en parallèle du débat général, les participants ont examiné les bonnes pratiques adoptées par chaque État Membre pour valoriser les soins et travaux domestiques non rémunérés, ainsi que celles qui promeuvent la représentation des femmes dans divers secteurs et à tous les niveaux.
En début de matinée, la Commission a élu son Bureau pour cette session: les Vice-Présidents sont M. Mauricio Carabali Baquero (Colombie), Mme Koki Muli Grignon (Kenya), M. Mohammed Marzooq (Iraq) et Mme Rena Tasuja (Estonie), cette dernière occupant également la fonction de rapporteur. L’ordre du jour provisoire* de la Commission a également été adopté.
En outre, le Secrétaire général a présenté ses condoléances aux familles des victimes de l’accident d’avion survenu hier près d’Addis-Abeba, avant de demander une minute de silence.
* E/CN.6/2019/1
SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE » (E/CN.6/2019/2 et E/CN.6/2019/5)
Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives (E/CN.6/2019/3)
Thème prioritaire: les systèmes de protection sociale, l’accès aux services publics et les infrastructures durables au service de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles
Thème de l’évaluation: autonomisation des femmes et lien avec le développement durable (conclusions concertées de la soixantième session) (E/CN.6/2019/4)
Questions nouvelles, tendances, domaines d’intervention et approches novatrices en vue d’aborder les problèmes ayant une incidence sur la situation des femmes, notamment l’égalité des sexes
Prise en compte de la problématique femmes-hommes, situations et questions intéressant les programmes (E/CN.6/2019/6, E/CN.6/2019/7 et E/CN.6/2019/10)
Déclarations liminaires
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande), Présidente de la soixante-troisième session de la Commission de la condition de la femme, a commencé son allocution en racontant l’histoire de cette petite fille d’un collègue qui lui a dit qu’elle voulait être Présidente du monde quand elle sera grande. « Ce poste n’a pas encore été inventé, mais qui peut dire qu’il n’existera pas en 2063 par exemple? » Imaginez si ce premier Président du monde est une femme, arrivée au pouvoir grâce à son intégrité, empathie, justice, s’est-elle mise à rêver. « Imaginez un monde dirigé par une femme. Je suis prête à imaginer cet avenir », a-t-elle poursuivi, car « autrement, pourquoi serai-je sur ce podium aujourd’hui »?
Mme Byrne Nason a ensuite estimé que les 63 premières années de la Commission de la condition de la femme avaient été « considérables », rappelant au passage qu’en 1995, « nous avons accepté que les droits des femmes sont des droits de l’homme ». Mais, en dépit des espoirs suscités à cette époque, « nous avons été déçus », et, alors que nous préparons Beijing +25 et le dixième anniversaire d’ONU-Femmes, il va falloir redoubler d’efforts, a-t-elle indiqué.
En effet, aujourd’hui, moins de 7% des chefs d’État sont des femmes, et seulement un parlementaire sur quatre dans le monde. Seuls 46 gouvernements ont décidé que leurs représentants permanents auprès des Nations Unies seraient des femmes, et il y a toujours 130 millions de filles non scolarisées. On estime même qu’il faudra 217 ans pour parvenir à la parité entre les sexes en termes de rémunération et d’opportunités d’emploi, s’est inquiétée Mme Byrne Nason, pour laquelle « les chiffres comptent »!
Collectivement, a-t-elle poursuivi, nous n’avons pas été en mesure de faire en sorte que « les femmes soient là où les décisions se prennent ». Il ne suffit pas, a-t-elle insisté, de juste « ajouter des femmes et de remuer ». L’autonomisation des femmes et la parité entre les sexes prennent du temps certes, a-t-elle reconnu, mais c’est avant tout une question de conviction et de courage politique. « Pourquoi? » Parce que l’autonomisation des femmes signifie la passation du pouvoir d’un groupe de personnes à un autre, ou, tout au moins, accepter de partager le pouvoir, « et nous savons tous comme c’est difficile ». « Le job de l’autonomisation des femmes n’est pas fait pour des mauviettes », a-t-elle d’ailleurs lancé, et il s’agit également de veiller à ce que les hommes aient leurs droits et « rien de plus », d’où l’importance du thème de cette année qui est de comprendre en quoi les protections sociales et l’accès aux services et infrastructures publics peuvent contribuer à autonomiser les femmes et réaliser la parité entre les sexes.
Mme Byrne Nason a expliqué que les délibérations sur ces questions concrètes au quotidien porteront notamment sur la protection de la maternité, les retraites, les transports publics, les écoles équipées pour les jeunes filles, l’accès à la santé, et une distribution équitable des tâches ménagères et domestiques entre hommes et femmes.
Des milliers de femmes mettent un terme à leurs carrières parce qu’elles n’ont pas accès aux protections de la maternité requises pour être à la fois mamans et actives dans la force de travail, s’est indignée la Présidente. En adoptant les bonnes politiques, « nous serons en mesure de libérer des millions de femmes et de filles », a-t-elle signalé, ajoutant que la sécurité sociale représente à la fois un filet de sécurité et un trampoline pour cela.
Cette année est, selon elle, celle où l’on pourra se mettre d’accord sur de nouvelles normes pour « libérer les femmes et leur permettre d’atteindre leur plein potentiel ». À ce sujet, elle n’a pas manqué de relever que lorsque les hommes sont opprimés, on a tendance à parler de tragédie, alors que lorsqu’il s’agit de femmes, on invoque souvent les traditions et les normes culturelles. Alors « appelons un chat un chat », s’est-elle impatientée, surtout dans le contexte actuel où le multilatéralisme est remis en question et qu’il faut plus de femmes aux tables de décision pour avoir un impact sur les politiques mondiales.
« Plus que jamais nous avons besoin de femmes, a soutenu Mme Byrne Nason, pour laquelle les guerres, les déplacements massifs de personnes, les changements climatiques et la faim sont les conséquences désastreuses de l’absence de multilatéralisme. Or, a-t-elle poursuivi, il a été prouvé que les processus de paix sont plus durables lorsque les femmes sont assises à la table. « La résilience est dans l’ADN des femmes et le monde a besoin de cet ADN plus que jamais. »
« Ce poste de femme Présidente du monde commence à ressembler de plus en plus à un vrai job, ne pensez-vous pas? » a-t-elle demandé en précisant que le multilatéralisme est par définition coopératif et collaboratif, qu’il se base sur l’écoute et la prise en compte des avis des autres ainsi que sur la recherche « patiente » de solutions, bref, un « job de femmes ». Alors « saisissons cette occasion afin que lorsque cette Présidente du monde arrivera au pouvoir, elle pourra compter sur des légions de femmes éduquées, libérées du joug du travail domestique non payé, de petits boulots à temps partiel et des responsabilités de la prise en charge des enfants - des femmes libres et prêtes à la soutenir », a-t-elle conclu en citant la poète irlandaise Eavan Boland: « votre avenir deviendra le passé d’autres femmes ».
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a relevé que la Commission de la condition de la femme aurait bien pu porter le nom de « Commission sur le statut du pouvoir », soulignant que « c’est bien là le nœud du problème », car l’égalité des sexes est fondamentalement une question de pouvoir. En effet, depuis des millénaires, les femmes ont été systématiquement marginalisées, ignorées et réduites au silence.
Il a parlé d’un livre écrit par Mme Mary Beard, de l’Université de Cambridge, qui démontre à quel point les racines patriarcales profondes de la culture occidentale contribuent à expliquer les profonds déséquilibres de pouvoir actuels. Ainsi, dans la Grèce antique et à Rome, la parole était littéralement définie comme une affaire d’hommes, a-t-il relaté. Homère commence son épopée avec un fils qui dit à sa mère de se taire et de retourner au tissage. Et si Aristophane a écrit une pièce de théâtre sur des femmes dirigeant l’État, ce fut bien entendu « une comédie ». Pour le Secrétaire général, ces illustrations ne sont pas du tout de l’histoire ancienne. Citant le professeur Beard, il a d’ailleurs noté que « si les femmes ne sont pas perçues comme faisant partie des structures du pouvoir, c’est bien le pouvoir qu’il nous faut redéfinir, plutôt que les femmes ».
« Notre monde est un peu perdu », a lancé le Secrétaire général, qui a dit que « les hommes ont parfois du mal à reconnaître quand ils se perdent », ils ne l’admettent pas et ont du mal à demander la direction et ne peuvent même pas lire une carte, alors que selon lui, « notre monde d’aujourd’hui a besoin de direction ». S’adressant à l’assistance de femmes, il leur a dit être là « parce que je sais que vous pouvez aider à guider le chemin ». Surtout que « parfois, on a l’impression de voyager à toute vitesse » dans les deux sens en même temps. Ainsi, les gens sont plus connectés, mais les sociétés sont de plus en plus fragmentées. Les grands défis comme les changements climatiques, l’insécurité et les conflits vont dans un sens alors que les gens se tournent vers l’autre. Plus que jamais, « nous avons besoin de réponses mondiales aux défis mondiaux », a-t-il insisté, et pourtant, plus que jamais, le multilatéralisme comme moyen de résolution des problèmes internationaux est sous le feu des critiques.
M. Guterres s’est également inquiété du fait qu’en dépit de la forte mobilisation des défenseurs de l’égalité des sexes, « dans le monde entier, il y a un recul des droits des femmes ». Et ce recul est profond, omniprésent et implacable, s’est-il alarmé, pointant notamment l’augmentation de la violence à l’égard des femmes défenseurs des droits de l’homme et des femmes qui se présentent à des fonctions politiques, ainsi que le harcèlement et les abus en ligne contre des femmes qui élèvent la voix. Dans certains pays, les taux d’homicides sont en baisse, mais les meurtres de femmes augmentent. Dans d’autres encore, on assiste à un recul de la protection juridique contre la violence domestique ou les mutilations génitales féminines. Il a aussi cité des chiffres de l’Organisation internationale du Travail (OIT) selon lesquels l’an dernier, les femmes étaient 26% moins susceptibles d’avoir un emploi que les hommes, et que moins du tiers des cadres sont des femmes, même si ces dernières sont probablement mieux instruites.
M. Guterres a rappelé que la participation des femmes rend les accords de paix plus durables, mais l’ONU lutte toujours pour que les femmes soient incluses dans les équipes de négociation. Et même les gouvernements qui défendent ce programme ne parviennent pas à mettre en œuvre leurs propos quand il le faut, a-t-il déploré. Dans le même temps, on observe des fractures numériques énormes et persistantes, une bataille ardue pour les droits de reproduction et une terrible violence sexuelle et sexiste qui est endémique. Les programmes nationalistes, populistes et d’austérité déchirent le tissu social, aggravant les inégalités, divisant les communautés, limitant les droits des femmes, et supprimant des services essentiels, s’est-il également inquiété.
Convaincu de l’importance de gagner ce combat, le Secrétaire général a promis de « repousser le refoulement » des droits des femmes, et de continuer à œuvrer pour le changement global, rapide et significatif dont notre monde a besoin, et en commençant par remédier au déséquilibre des relations de pouvoir. C’est pourquoi, ici, à l’ONU, « j’ai insisté pour la parité hommes-femmes », a témoigné le Secrétaire général en faisant observer que le Conseil de direction de l’Organisation comprend à présent plus de femmes que d’hommes. « Une première dans l’histoire des Nations Unies », s’est-il enorgueilli. « Regardez autour dans le monde et vous verrez la parité entre nos coordonnateurs résidents et nos plus hauts fonctionnaires sur le terrain », a-t-il encore lancé en soulignant que c’est une première dans l’histoire des Nations Unies. Il a assuré que l’ONU atteindra la parité dans tous les échelons supérieurs d’ici à 2021, et dans tous les domaines d’ici à 2028. Mais, a-t-il noté, cela ne se fait pas sans critique, puisque « certains ont même osé jouer la carte de compétence ». Il a fustigé ce « non-sens total », arguant au contraire que « pour tirer parti de toutes les compétences des femmes, il faut parvenir à la parité », d’autant plus que la parité bénéficie à tous. Il a, par exemple, rappelé que lorsque les femmes sont à la table des négociations, les chances d’une paix durable augmentent, et quand les femmes ont les mêmes chances sur le marché du travail, les économies peuvent débloquer des milliers de milliards de dollars. « La parité est liée à notre efficacité même à garantir la paix, à faire progresser les droits de l’homme et à atteindre les objectifs de développement durable », a-t-il indiqué. En termes simples, lorsque nous excluons les femmes, tout le monde en paie le prix, et lorsque nous incluons les femmes, le monde gagne.
Au sujet du thème de cette session consacrée aux infrastructures, le Secrétaire général a souligné que les femmes doivent être impliquées de manière égale dans tous les aspects de la société. Et cela signifie changer les relations de pouvoir, combler les lacunes, s’attaquer aux préjugés et lutter pour préserver les avancées durement gagnées et, justement, gagner de plus en plus de terrain, a-t-il martelé. Le Secrétaire général a ensuite clamé son optimisme devant l’engagement et l’énergie des femmes, avant de dire sa fierté d’être « féministe ». Il a conclu en invitant les femmes à continuer de mener le monde vers un endroit où les femmes et les hommes jouissent des mêmes droits, libertés et pouvoirs, notamment alors que le Programme d’action de Beijing aura 25 ans l’an prochain.
La Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme INGA RHONDA KING, s’est dit fière de faire partie, ce matin, des « nombreux fers de lance de l’autonomisation des femmes et de la parité entre les sexes », et a souligné l’importance du travail de la Commission de la condition de la femme pour renforcer le cadre normatif dans ces deux domaines d’action. Cette Commission est une « pièce maîtresse » du système de l’ECOSOC, qui permet de promouvoir et d’accélérer les efforts dans la réalisation des objectifs de développement durable qui ont un lien avec les domaines d’intervention de la Commission.
En juillet 2019, lors du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, l’ECOSOC réfléchira aux moyens d’autonomiser les individus et de promouvoir l’inclusivité pour tous, a rappelé Mme King. En septembre, aura lieu un sommet du Forum politique de haut niveau pour faire un bilan général du Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’occasion de faire un état des lieux des avancées dans la réalisation des 17 objectifs, en vue de formuler des recommandations pour aller plus avant.
« C’est là précisément que les recommandations que fera cette année la Commission de la condition de la femme seront essentielles pour soutenir le travail de l’ECOSOC en vue de la réalisation des objectifs de développement durable », a estimé Mme King, martelant combien il est important d’adopter une approche intégrée qui reconnaisse notamment l’importance des régimes de protection sociale et l’égalité entre les sexes. Investir dans ces domaines est indispensable, à ses yeux, pour répondre aux droits et aux besoins des femmes et des filles de manière holistique. « Ce qui est bon pour les femmes et les filles est bon pour l’ensemble de nos sociétés », a conclu la Présidente de l’ECOSOC sous les applaudissements de la salle.
La Présidente de l’Assemblée générale, Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, a demandé de protéger les avancées faites dans le cadre des droits des femmes, tout en défendant les femmes victimes de violences et de marginalisation. Les politiques et normes de la Commission de la condition de la femme sont importantes dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a-t-elle souligné. Elle a demandé que la Commission, au cours de ses délibérations, tienne compte des femmes dans leur diversité, notamment celles qui n’ont pas souvent voix au chapitre, comme les femmes autochtones et les réfugiées.
La Présidente de l’Assemblée générale a rappelé que les femmes sont essentielles pour la réussite du développement durable. En même temps, s’est-elle inquiétée, l’objectif 5 sur l’égalité des sexes risque de ne pas être réalisé d’ici à 2030. La cause de ce problème, selon elle, tient des inégalités structurelles entre les sexes, lesquelles risquent de prolonger les injustices. Elle a rappelé que l’égalité des sexes est l’une des priorités de son mandat en tant que Présidente de l’Assemblée générale. Elle a notamment plaidé pour une plus grande participation des femmes aux postes de responsabilité, une thématique qui sera au cœur de la manifestation de haut niveau sur le thème « Les femmes au pouvoir ». Elle a donc conclu en demandant de prendre des mesures concrètes pour transformer le monde, « en travaillant ensemble, femmes et hommes, afin de façonner des sociétés plus justes et plus pacifiques ».
Mme MARLÈNE SCHIAPPA, Secrétaire d’État de la France chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, intervenant en sa qualité de Présidente du Conseil de sécurité, a constaté à regret qu’en 2019, ce sont les femmes et les filles qui constituent la majorité des plus de quatre milliards de personnes ne disposant pas de protection sociale. Elle a apporté son soutien aux efforts entrepris par le Secrétaire général et ONU-Femmes afin de réaliser concrètement l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes, ainsi que l’élimination de toutes formes de violence contre les femmes et les filles, à la fois au sein du système onusien et bien au-delà.
Pour sa part, le Conseil de sécurité a un rôle capital à jouer pour assurer la mise en œuvre complète de l’agenda « femmes, paix et sécurité », ainsi que toutes les résolutions du Conseil de sécurité qui sont pertinentes à cet égard, a rappelé Mme Schiappa, d’autant plus que 2020 marquera le vingtième anniversaire de la résolution 1325. C’est une « opportunité pour chacun et chacune d’entre nous de renforcer nos efforts pour garantir la participation pleine, effective et significative des femmes dans les processus politiques et de paix, à tous les niveaux, ainsi que la prévention et l’élimination de toutes les formes de violence contre les femmes et les filles, y compris les violences sexuelles, dans les situations de conflit armé et d’après conflit ».
Il s’agit de l’une des priorités de la présidence jumelée du Conseil de sécurité par la France et de l’Allemagne, a-t-elle assuré. Cette participation trouve une traduction concrète sur le terrain, avec la mise à disposition d’une expertise en matière de genre et le déploiement progressif des femmes Casques bleus au sein des opérations de maintien de la paix. Plus généralement, 76 plans d’action nationaux et 11 plans régionaux ont été élaborés pour la mise en œuvre de l’agenda « femmes, paix et sécurité », a précisé Mme Schiappa pour laquelle le Conseil doit néanmoins redoubler d’efforts et continuer à prendre des mesures concrètes. Elle a notamment mis l’accent sur la faible participation des femmes aux processus de paix alors même que l’on sait que leur participation rend la paix plus durable.
Les femmes et les filles sont aussi trop souvent les cibles de violences, particulièrement des violences sexuelles, dans des situations de conflit armé ou d’après conflit. Le Conseil de sécurité condamne ces actes avec la plus grande fermeté et prend note avec une vive préoccupation que pas moins de 51 groupes sont listés dans le rapport thématique du Secrétaire général de 2018, alors qu’aucun individu associé à Daech ou Boko Haram n’a été traduit en justice pour des actes de violence sexuelle. Le Conseil continuera de traiter cette question et étudiera avec attention le prochain rapport du Secrétaire général dans les prochaines semaines.
S’exprimant ensuite en sa capacité nationale, Mme Schiappa a affirmé que l’égalité femmes-hommes n’est plus une option, et, dans cet esprit, la France s’est engagée depuis un an dans « la diplomatie féministe » pour que cette égalité devienne une véritable cause mondiale. Elle accueillera la grande Conférence « Pékin+25 » sous l’égide de l’ONU et mènera une campagne active pour universaliser la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. La France va également mettre en place une banque spéciale pour soutenir l’entrepreneuriat social des femmes au Sahel. Elle a d’ores et déjà créé un fonds de dotation de 120 millions d’euros avec pour objectif de soutenir les mouvements féministes et les ONG, particulièrement dans les pays du Sud.
En 2019, le monde maltraite encore une moitié de l’humanité, s’est indignée la Secrétaire d’état. « Dans le pire des cas, cette moitié de l’humanité est vendue, mariée de force, mutilée, violée, enfermée, chosifiée. Mais aucun pays dans le monde ne lui garantit dans les faits l’égalité parfaite. Même dans le meilleur des cas, cette moitié de l’humanité sera moins bien payée, chargée davantage des corvées ménagères, davantage harcelée sur les réseaux sociaux, discréditée. Nous ne pouvons plus nous contenter du moins pire des cas, nulle part dans le monde. »
À ses yeux, la France a une double responsabilité cette année à l’ONU et au G7 et, par conséquent, « la France est déterminée à devenir le pays des droits des femmes », a conclu Mme Schiappa.
Mme PHUMZILE MLAMBO-NGCUKA, Directrice exécutive de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), a relevé qu’au cours des 20 dernières années, de nombreux pays, notamment en développement, ont investi dans les infrastructures et étendu l’accès à la protection sociale pour leurs populations. Elle a salué le fait que davantage de filles sont plus que jamais scolarisées et davantage de pays ont réalisé la parité des genres à l’école. Au cours de la dernière décennie par exemple, 274 réformes de lois et de règlements soutenant l’égalité des genres ont été adoptées, dans 131 pays. De plus, 80% de femmes dans les pays à revenu intermédiaire utilisent ou ont accès au téléphone portable, et 48% de ces femmes utilisent désormais Internet. Mais, a-t-elle relevé, ces avancées sont fragiles et on observe même des tendances inverses.
Ainsi, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes a indiqué que 131 millions de filles à travers le monde ne vont pas à l’école, et des données récentes laissent voir une augmentation de 6% de la part de filles qui sont privées d’école primaire. En moyenne dans le monde, « les femmes bénéficient des trois quarts des droits dévolus aux hommes », et plus d’un milliard de femmes ne disposent d’aucun recours contre la violence, et sont confrontées à des restrictions en matière d’éducation ou d’emploi. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui « la violence économique », a-t-elle souligné. En outre, chaque jour, 830 femmes meurent de complications de grossesse ou d’accouchement, ce qui rentre dans la catégorie des « maladies évitables ». Et 99% parmi elles sont des femmes de pays en développement dont la mort est étroitement liée à la pauvreté et au manque de services et d’infrastructures. La fracture numérique entre les genres persiste et est même en train d’augmenter, a-t-elle aussi déploré.
Dans l’ensemble, a-t-elle noté, « les progrès sont inégaux, insuffisants et susceptibles de reculer ». Elle a jugé cette tendance inquiétante dans le contexte de la mise en œuvre du Programme 2030. Il faut donc « insister sur les changements qui durent et qui peuvent résister aux chocs de climats politiques qui seraient inconciliables avec les droits humains et les droits des femmes ». « Nous avons besoin de grandes étapes audacieuses et non pas d’avancées par petits pas », a-t-elle martelé. Elle a affirmé que les familles et communautés les plus à la traîne sont celles qui manquent d’accès aux infrastructures adéquates, celles ayant des restrictions de mobilité et celles qui ne peuvent payer des services privés comme le baby-sitting, l’eau courante, les installations sanitaires, l’énergie, les soins de santé, l’éducation ou encore les infrastructures de télécommunications. Ces personnes dépendent donc du gouvernement, de la société civile et des services publics pour leurs besoins.
Mme Mlambo-Ngcuka a rappelé que la protection sociale universelle fait partie de la vision du Programme 2030, mais qu’« à l’heure actuelle, 71% de la population mondiale n’a qu’un accès partiel à ses bénéfices transformateurs ». « Investir dans une protection sociale, des services publics et des infrastructures durables sensibles au genre s’avère donc crucial. » Cela permettrait ainsi « de libérer du temps pour les femmes, soutenir leur mobilité, renforcer leur accès aux opportunités économiques et renforcer leur résilience face aux chocs ». La Directrice exécutive a, par exemple, souligné qu’un acte de naissance et une carte d’identité pourraient permettre aux femmes d’avoir accès aux services comme les banques, et aux bénéfices de la propriété foncière et de la participation aux scrutins. Dans certaines situations, a-t-elle déploré, le manque de services peut même être fatal, comme c’est le cas pour des femmes rurales, dont l’accès aux services d’assistance spécialisée à la naissance est de 20% inférieur à celui des femmes urbaines.
La Directrice exécutive d’ONU-Femmes a évoqué des cas qui montrent que les infrastructures apportent des bénéfices énormes aux femmes. Par exemple, l’approvisionnement des ménages en eau courante grâce à des canalisations apparaît comme une révolution dans un environnement où les femmes sont exposées au risque de violence sexuelle. Elle a souligné l’importance de l’implication des femmes et filles dans l’établissement de politiques, de services et d’infrastructures qui ont un impact sur leur vie. Ces grandes infrastructures, a-t-elle précisé, doivent être établies dans la transparence et tenir compte des droits des personnes. Aucun défenseur des droits ne doit perdre la vie en protégeant les terres contre des investissements que les populations ne veulent pas, a-t-elle aussi plaidé.
En ce qui concerne l’espace urbain, les femmes ont besoin que leur sécurité et leur mobilité soient prises en compte dans la planification des terminaux de bus par exemple, ou encore dans l’éclairage public. L’initiative mondiale « Villes sûres et espaces publics sûrs » d’ONU-Femmes insiste pour que les femmes soient impliquées dans la prise de décisions pour les changements radicaux du paysage urbain. De même, les technologies doivent être inclusives et viser clairement l’amélioration de la vie de ceux qui sont à la traîne. La technologie mobile qui facilite de nombreux services est essentielle pour le développement, a-t-elle dit, expliquant qu’elle offre en effet une opportunité historique d’accès universel et d’accélération de la disponibilité des services. Elle a pris l’exemple de payements mobiles qui peuvent permettre aux femmes des sites les plus reculés d’avoir accès aux services sociaux.
Enfin, Mme Mlambo-Ngcuka a parlé de l’importance des données. Elle a relevé que des « données biaisées sur le genre peuvent conduire au recyclage des inégalités », alors que « de bonnes politiques pourraient servir de rééquilibrage et changer radicalement le monde pour les pauvres ». Par ailleurs, des investissements dans des services publics peuvent permettre de créer des emplois pour les femmes. Au Mexique par exemple, des subventions du Gouvernement pour les garderies, en faveur des femmes qui travaillent, ont permis de créer 8 000 garderies en deux ans. Une projection d’ONU-Femmes laisse aussi voir que si tous les enfants avaient accès aux soins de santé en Afrique du Sud, cela permettrait la création de 2,5 millions d’emplois. Avec les changements démographiques
-l’augmentation probable du nombre de jeunes et le vieillissement de la population- il faut donc établir des plans qui tiennent compte de ces deux extrêmes du spectre de la pyramide des âges. Ces plans, a précisé Mme Mlambo-Ngcuka, doivent tirer parti de la quatrième révolution industrielle, puisque les nouvelles technologies comme la télémédecine permettent d’avoir plus rapidement accès aux services pour ceux qui se trouvent dans des zones mal desservies.
Dans une déclaration conjointe, deux représentantes de la société civile, Mmes MUNEEBA ISHFAQ et MARY FATIYA JOSEPH, ont plaidé pour un monde meilleur qui garantisse l’accès aux femmes non seulement aux services de base comme l’éducation et la santé, mais aussi à des infrastructures adaptées aux besoins des personnes handicapées, afin de permettre aux femmes de pleinement vivre et participer à la vie publique.
Mme Ishfaq, Pakistanaise accidentée de voiture qui vit avec une colonne vertébrale brisée et se déplace en chaise roulante, a expliqué ne pas se sentir « différente ». « Cette chaise roulante est ma force », a-t-elle même ajouté, tout en reconnaissant qu’elle avait connu des découragements et difficultés énormes dans son parcours de porte-parole des personnes handicapées au Pakistan. Cela ne l’empêche pas de continuer à croire que « le handicap ne fait pas partie du corps humain et que c’est l’environnement qui en fait un handicap ». C’est la raison pour laquelle elle plaide, notamment dans son émission télévisée, pour des infrastructures accessibles à tous en vue de contrecarrer les deux obstacles majeurs qu’elle dit avoir rencontrés depuis son accident: ne pas être acceptée à part entière, et les difficultés d’accès que ce soit à un dîner, un parc, un tribunal ou encore au métro.
De son côté, Mme Joseph, originaire du Soudan du Sud, a parlé essentiellement des difficultés qu’elle a connues tant pour se rendre à l’école que dans l’enceinte de l’établissement, « une école de 600 élèves avec seulement deux toilettes. Une école où elle ne pouvait pas aller lorsqu’elle avait ses règles ».
Mme HILARY GBEDEMAH, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a rappelé que cette année, la communauté internationale va célébrer le quarantième anniversaire de l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Convention, en tant qu’instrument de promotion de la femme, continue malheureusement d’être mise à mal, a-t-elle déploré. Néanmoins, le Comité a continué de promouvoir activement la mise en œuvre des objectifs de développement durable, notamment en encourageant continuellement les États parties à faire rapport sur les mesures prises pour atteindre les objectifs fixés d’ici à 2030. De même, dans l’optique d’influencer l’élaboration des politiques mondiales et nationales en faveur des droits des femmes, le Comité fait régulièrement des suggestions au Forum politique de haut niveau.
Pour que les femmes et les filles bénéficient pleinement de systèmes de protection sociale, toutes les formes de discrimination devraient être éliminées, a préconisé la Présidente, qui a précisé que certains groupes de femmes vulnérables ont besoin de politiques et d’institutions adaptées à leurs problèmes. Elle a ensuite mentionné un certain nombre de recommandations du Comité sur des questions spécifiques à la pauvreté des femmes et des filles, à la protection des femmes du secteur informel, et au respect des droits des femmes rurales. Mme Gbedemah a aussi plaidé pour une approche sexospécifique pour la conception, la budgétisation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des systèmes de protection sociale. Cela devrait faciliter la disponibilité, l’accessibilité, l’adéquation, l’acceptabilité et la qualité des services aux femmes et aux hommes sur un même pied d’égalité. De même, les femmes devraient être également impliquées dans l’élaboration et le renforcement des systèmes de protection sociale, a-t-elle estimé.
Poursuivant, la Présidente a indiqué que le Comité avait observé qu’en raison des responsabilités liées à la garde des enfants, les femmes travaillent souvent à temps partiel, ce qui affecte leurs cotisations de retraite, entraînant une pauvreté après la retraite. Par conséquent, l’accès à la protection de la maternité devrait être garanti, et le principe de partage des responsabilités domestiques doit être valorisé par le biais de la flexibilité des heures de travail.
La traite des femmes et des filles dans le contexte de la migration mondiale est un autre enjeu des travaux du Comité qui entend élaborer une recommandation générale sur les mesures à prendre pour lutter contre le fléau. Mme Gbedemah a notamment signalé que les femmes et les filles migrantes ont un accès limité ou inexistant aux mécanismes de protection sociale, souvent du fait des restrictions d’éligibilité dues à leur statut ou alors aux exigences documentaires. En l’absence de protection sociale, ces femmes et filles sont exposées à un risque accru de pauvreté, d’exploitation et d’exclusion, a-t-elle alerté. Il est donc essentiel de renforcer la résilience des femmes et des filles en mouvement pour assurer leur accès aux systèmes de protection sociale afin de prévenir leur exploitation.
Elle a également plaidé pour l’élaboration de programmes d’enseignement, de manuels et matériels pédagogiques non stéréotypés visant à éliminer les clichés de genre traditionnels qui reproduisent et renforcent la discrimination liée au genre. Elle a aussi réclamé des infrastructures durables pour l’égalité des sexes, notamment des infrastructures respectueuses de l’environnement et résistantes aux chocs climatiques, ainsi que dans le domaine des technologies et des télécommunications numériques, en particulier celles qui facilitent la création d’emplois en faveur des femmes dans des domaines non traditionnels. Elle a aussi insisté sur l’importance de la participation des femmes à l’élaboration et la mise en œuvre d’infrastructures liées à la préparation aux risques de catastrophes, qui, en l’état actuel, négligent très souvent les besoins spécifiques en matière d’accessibilité de divers groupes de femmes, y compris les femmes handicapées, les femmes âgées et les femmes autochtones.
Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a rappelé que son mandat fête son vingt-cinquième anniversaire cette année et qu’il s’agit du premier mécanisme des droits de l’homme indépendant sur les violences faites aux femmes. Elle a espéré que le processus de « Beijing +25 » serait l’occasion d’examiner le rôle de ce mandat, disant attendre à cet égard les contributions des États Membres pour son prochain rapport.
Regrettant le peu de temps alloué à la présentation orale de son rapport, elle s’est limitée à mettre l’accent sur les recommandations les plus importantes, notamment celle qui prône des mesures robustes, à savoir un plan d’action mondial sur la lutte contre la violence faite aux femmes. Mme Šimonović a souligné l’importance de la mobilisation massive des femmes et de l’émergence des récents mouvements transformateurs, y compris le mouvement « Me too ». Trop souvent cependant, a-t-elle regretté, ces mouvements sont accusés de promouvoir une « idéologie » alors même qu’ils se limitent à défendre des concepts qui ont été inscrits dans le Plan d’action de Beijing il y a bientôt 25 ans. À la question de savoir comment faire face à ces mouvements d’opposition, elle a estimé qu’il fallait « terminer ce chantier inachevé », à commencer par la ratification et la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de la Convention d’Istanbul ou encore du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle a également proposé qu’à chaque session de la Commission de la condition de la femme, le thème de la violence faite aux femmes soit inscrit à l’ordre du jour.
Mme Šimonović a également passé en revue un certain nombre d’initiatives qui s’inscrivent dans la mise en œuvre de son mandat, que ce soit par le biais d’une meilleure coopération avec le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, ou encore de ses rapports thématiques. Ceux-ci portent notamment sur les codes de conduite visant à réduire le sexisme dans les assemblées parlementaires du monde, sur la défense des femmes en matière de droits de l’homme dans le domaine numérique, ou encore sur les sévices à l’égard des femmes qui accouchent. Elle a également préconisé des observatoires de féminicides en vue de mettre l’accent sur la prévention. Avant de conclure, la Rapporteuse spéciale a mis l’accent sur l’importance de ses visites sur le terrain, et a annoncé ses prochains déplacements qui seront notamment en Bulgarie, à Madagascar et au Soudan du Sud.
Tables rondes ministérielles
Thème A: Bonnes pratiques en matière de protection sociale, de services publics et d’infrastructures durables, permettant notamment de prendre en compte et de valoriser les soins et travaux domestiques non rémunérés
Cet après-midi, le coup d’envoi a été donné au segment ministériel des tables rondes de la soixante-troisième session de la Commission de la condition de la femme sous le thème des « Bonnes pratiques en matière de protection sociale, de services publics et d’infrastructures durables, permettant notamment de prendre en compte et de valoriser les soins et les travaux domestiques non rémunérés », un thème qui s’inscrit dans le droit fil de l’objectif de développement durable 5, cible 5.4.
La première partie de cette table ronde était présidée par la Ministre des services publics, du genre et de la jeunesse du Kenya, Mme MARGARET KOBIA, alors que la deuxième partie l’était par la Vice-Présidente et Ministre pour l’égalité des genres de la Colombie, Mme MARTA LUCÍA RAMÍREZ.
La Ministre kényane a constaté d’emblée que même si les travaux domestiques et les soins non rémunérés commencent à être reconnus, il faut aller beaucoup plus loin pour que celles qui les assurent le plus souvent aient des filets de sécurité sociale. Tout en appuyant ce point de vue, la Ministre des femmes et de la famille du Brésil a souligné la difficulté de prendre toute la mesure du rôle invisible de ces femmes qui travaillent de manière informelle, ajoutant que cela complique leur prise en compte dans les politiques publiques. La Secrétaire générale adjointe d’ONU-Femmes a constaté elle aussi les lacunes en termes de statistiques et de données ventilées, tant au plan national et régional qu’international, pour pouvoir répondre aux besoins des femmes du secteur informel et non rémunérées.
Certaines mesures phares semblent cependant faire le consensus, comme par exemple la réduction des écarts salariaux hommes-femmes, un point repris par la Ministre des femmes de la Nouvelle-Zélande où ces inégalités sont toujours de l’ordre de 9%, alors qu’en République tchèque ce chiffre se situe autour de 22%. La Ministre tchèque des affaires sociales et du travail a expliqué que pour y remédier, son gouvernement a décidé de placer ce problème au niveau public et d’investir massivement dans les infrastructures de prise en charge des enfants, comme les crèches et les haltes-garderies, de manière à permettre à leurs mères de poursuivre leur carrière. La Slovénie a opté pour la même approche en offrant en plus aux enfants des repas et des soins au niveau de l’école maternelle dans laquelle plus de 80% des enfants sont enrôlés.
L’idée de garantir un salaire décent, voire minimum, aux personnes assurant les travaux domestiques et les soins est également revenue à plusieurs reprises. Les représentants du Costa Rica et de la Hongrie ont défendu le concept de paiements et de subventions pour les travaux domestiques et de soins non rémunérés ainsi que l’idée d’octroyer des congés de maladie aux deux parents pour leur permettre de s’occuper d’un enfant malade. La promotion de la santé maternelle et infantile est également un fer de lance de la politique publique en Chine, qui a notamment mis en place des programmes pour atténuer la charge des personnes non rémunérées, comme par exemple des programmes d’accès à l’eau.
Pour la Suisse, l’égalité hommes-femmes doit se traduire dans toutes les politiques publiques, y compris dans le système de sécurité sociale et, en particulier, en termes de retraites. Ainsi la Suisse applique le système de l’universalité des retraites et de la pension minimum y compris pour les personnes n’ayant pas eu d’activité rémunérée. Elle applique aussi le principe du « splitting » où le revenu total des couples mariés est divisé à parts égales entre les conjoints pour calculer le montant de la pension.
La délégation russe s’est enorgueillie du fait que la Fédération de Russie offre un des congés de maternité les plus longs au monde, 18 mois, une période qui est de surcroît prise en compte lors du calcul du régime de retraite. En Argentine, la loi sur les retraites a également été changée pour que les personnes ayant fait des tâches non rémunérées tout au long de leur vie puissent en bénéficier.
Pour l’Union européenne, c’est l’idée de permettre aux femmes de pouvoir travailler tout en s’occupant de leur famille qui guide les protections sociales à mettre en place. Mais cela suppose aussi une meilleure répartition des tâches domestiques dans le couple et des mesures favorisant un équilibre « vie de travail-vie de famille », a fait valoir la délégation. Cette idée a été reprise par la Ministre de la famille de la Turquie, qui a indiqué que le congé de maternité était désormais de 16 semaines et que l’option de travailler à mi-temps jusqu’à ce que l’enfant ait 4 ans existe.
De son côté, la représentante des États-Unis a annoncé que l’Administration Trump avait l’intention de renforcer la prise en charge des enfants ainsi que le concept des congés parentaux payés. Au Pérou, au-delà des congés de maternité, ce sont des centres de prise en charge des femmes rurales qui ont été mis en place, partant du constat que de plus en plus de femmes sont chef de famille.
Les ministres du Mexique et de l’Uruguay ont quant à elles défendu le concept de l’accès aux soins, qu’il s’agisse de la prise en charge des enfants, des personnes âgées ou encore des personnes handicapées, notamment par le truchement d’une couverture sanitaire universelle accompagnée d’un budget adéquat car jusqu’ici, la prestation des soins retombe encore trop souvent sur les épaules des femmes.
La Ministre de l’éducation, de la famille et de l’inclusion sociale de Cabo Verde a annoncé avec fierté qu’une loi sur la parité venait d’être présentée au Parlement, alors qu’une loi similaire vient d’entrer en vigueur en Argentine.
En Côte d’Ivoire, c’est la loi sur le mariage qui a été modifiée, a indiqué sa représentante, qui s’est félicitée du fait que « la disposition selon laquelle l’homme est chef de famille a sauté ». À l’instar d’autres délégations comme celle de la Colombie, elle a également mis l’accent sur l’importance de l’accès à l’éducation, qui devrait être obligatoire au moins jusqu’à 16 ans pour tous les enfants. Dans la même veine, la Sierra Leone prône une approche plus entrepreneuriale pour permettre aux femmes de s’intégrer au marché du travail, ce qui passe notamment par l’éducation et la formation technique des filles.
La Ministre du travail et de la politique sociale de la Macédoine du Nord, un pays en pleine réforme, a expliqué que le système de protection sociale est en pleine transformation. L’une des nouveautés est d’accorder des allocations familiales aux mères alors que jusque-là seuls 5% des récipiendaires sont des femmes. L’accent est également mis sur les mères célibataires et la création d’emplois pour les femmes dans le secteur formel. Préoccupée par le fait qu’une femme sur trois fait l’objet de violences sexistes, la Ministre a jugé impératif de créer des services de protection des femmes et de lancer des actions de prévention de ce type de violence.
La Secrétaire générale adjointe d’ONU-Femmes est revenue sur l’impératif de sortir les femmes du secteur informel et de leur donner les moyens d’intégrer le secteur formel pour promouvoir l’autonomisation économique des femmes.
En fin de séance la Vice-Directrice exécutive du Centre international du commerce, Mme Tembo, a fait le point sur les grandes lignes qui se sont dégagées de ce débat, à savoir notamment l’interconnexion entre la protection sociale, les services publics et les infrastructures durables. Elle a appelé à faire de la parité hommes-femmes un aspect sous-jacent de toutes les politiques publiques, régionales et internationales. Elle a précisé qu’au sein de son organisation, il s’agit de veiller à la compétitivité des entreprises de femmes et à leur indépendance économique.
Thème B: Bonnes pratiques et politiques relatives à la conception et à la fourniture d’une protection sociale, de services publics et d’infrastructures durables, propres à promouvoir la représentation des femmes dans divers secteurs et à tous les niveaux
Les discussions autour de ce deuxième thème se sont également déroulées en deux temps, avec la première partie présidée par la Ministre de la santé de l’Estonie, Mme RIINA SIKKUT, qui a ensuite laissé la place à Mme THIKRA MOHAMMED JABIR ALWAH, maire de la ville de Bagdad (Iraq).
Selon un rapport du Secrétaire général sur le thème prioritaire de cette session de la Commission, les politiques nationales doivent préserver l’accès des femmes et des filles à la protection sociale, aux services publics et aux infrastructures durables, tout en veillant à ce que leur conception et leur mise en œuvre soient repensées pour prévenir la discrimination et favoriser l’autonomisation des femmes et des filles.
Le rapport note que les investissements dans la protection sociale, les services publics et les infrastructures durables offrent des possibilités non négligeables de création d’emplois. À ce sujet, il est à noter que les femmes représentent à l’échelle mondiale 60% du personnel d’éducation et près de 70% des employés du secteur de la santé et des services sociaux qui sont des domaines connaissant des rémunérations relativement basses. Dans les secteurs technologiques de pointe, la représentation des femmes est faible, et elle l’est encore plus dans les métiers liés aux infrastructures (énergie, transports, eau et assainissement), et en particulier au niveau de la prise de décisions.
Sur le plan national, les délégations ont présenté leur expérience au cours de cette table ronde, en mettant l’accent sur les mesures prises qui ont donné des résultats probants en matière de protection sociale des femmes et d’égalité d’accès aux emplois. En Estonie, par exemple, la gouvernance électronique permet aux femmes d’avoir accès aux services gouvernementaux en ligne, ce qui réduit donc le stress de la surveillance des enfants pendant ces démarches.
Dans mon pays, a affirmé la Ministre de la condition féminine du Zimbabwe, la Constitution prévoit une protection sociale universelle. En outre, la Ministre a vanté les mérites des amendements apportés au droit foncier qui facilitent la possession par les femmes: 29% des titres fonciers sont maintenant détenus par elles. Dans le cas de la Thaïlande, le Ministre du développement social et de la sécurité humaine a signalé une loi contre la violence sexiste qui a été promulguée. Il s’est aussi enorgueilli du fait que le congé de maternité soit passé de 90 à 290 jours.
En Finlande, en plus des congés de maternité payés, les femmes sont assurées de retrouver leur emploi après l’accouchement, a noté la Vice-Ministre des affaires sociales et de la santé. Et la question de la protection sociale ne s’y pose même plus, puisque les femmes sans emploi ou celles qui prennent soin des enfants sans rémunération bénéficient d’une pleine protection sociale. Dans ce pays, les femmes ont les mêmes droits civils et politiques que les hommes depuis 1906.
Dans d’autres États Membres, les services publics et les infrastructures durables sont privilégiés afin de promouvoir la représentation des femmes dans divers secteurs et à tous les niveaux. C’est ainsi qu’aux Bahamas, la gratuité des crèches est effective, a témoigné le Ministre des services sociaux et du développement urbain des Bahamas, expliquant que cette mesure vise à permettre aux femmes-mères de pouvoir s’insérer dans le monde de l’emploi. En Côte d’Ivoire, a souligné la Ministre des femmes, de la famille et de l’enfance, cette gratuité des crèches a été même étendue aux zones rurales, et le Gouvernement entend désormais rendre universelle la couverture santé.
Au Danemark, la question est désormais de favoriser le travail des hommes dans les crèches, a indiqué la Ministre des pêches et d’égalité des opportunités. Ainsi, le Gouvernement entend promouvoir la présence de « figures masculines » auprès des tout petits, tout en veillant au partage des tâches d’éducation. Le Gouvernement de l’Irlande a pour sa part mis en place des réseaux communautaires afin de soutenir les femmes marginalisées. Le Ministre de l’égalité, de l’immigration et de l’intégration a aussi évoqué un fonds national qui soutient l’entrepreneuriat féminin.
Sur la question de la parité dans les rémunérations, la Ministre de la protection sociale de la Lettonie a regretté l’écart de salaires de 15,7% dans son pays entre femmes et hommes. À Cuba, « nous gagnons le même salaire à travail égal avec les hommes », a en revanche affirmé la Secrétaire générale de la fédération des femmes cubaines et membre du Conseil d’État. En matière de participation des femmes, le pays est même l’un des plus avancés, puisque les Cubaines représentent 53,2% des parlementaires, 62,5% des médecins et pas moins de 48,55% des scientifiques du pays.
En Iraq, a souligné la maire de Bagdad, la Constitution prévoit bien 25% de quota de femmes pour les postes décisionnels, mais « la réalité est peu reluisante » puisqu’elles sont à peine 14,5% dans la vie active. Au Timor-Leste, a dit sa représentante, la politique du quota a fait que le parlement national est désormais composé de 40% de femmes.
La Vice-Ministre fédérale des affaires familiales, des personnes âgées, des femmes et des jeunes de l’Allemagne a aussi parlé de mesures ayant permis de se rapprocher de la parité entre les sexes au sein du Gouvernement. Désormais, les conseils d’administration des entreprises doivent également promouvoir cette égalité, a-t-elle noté en annonçant que cette loi sera évaluée d’ici peu afin de voir comment l’améliorer. « Cela marche déjà chez nous », a affirmé le Ministre-Président de la Communauté française de Belgique. En effet, depuis 2011, le pays oblige les entreprises de plus de 50 employés à faire des rapports sur la parité au sein de leurs employés. Au Japon, cette mesure s’applique aux entreprises de plus de 300 employés, a dit en écho un représentant de ce pays.
Au Portugal, pour s’assurer que les bonnes politiques en matière de parité au travail sont prises, le Gouvernement entend mener une grande enquête nationale afin de se doter de données sexospécifiques, a déclaré la Secrétaire d’État à la citoyenneté et l’égalité. Au Qatar, les opportunités économiques sont déjà équitables pour les deux sexes, s’est félicité le Ministre du développement administratif de l’Émirat.
Au Luxembourg, les lois existent, mais la pratique quotidienne est toujours faite de préjugés sexistes, s’est désolée la Ministre de l’égalité des genres. Par exemple, malgré une loi qui instaurait des quotas pour les élections en 2016, le Gouvernement a eu du mal à convaincre les partis politiques et les électeurs du bien-fondé d’avoir des femmes aux postes de prise de décisions.
Par ailleurs, la Ministre de la condition féminine de la Palestine a dénoncé l’absence même de participation des femmes de l’État de Palestine, principalement, a-t-elle expliqué, « du fait des politiques discriminatoires de la Puissance occupante ».
La Directrice exécutive du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) a résumé les interventions en concluant que le plus important est désormais de voir ces bonnes pratiques vulgarisées dans le cadre de la mise en œuvre des politiques d’autonomisation des femmes.