En cours au Siège de l'ONU

Forum politique de haut niveau,
13e, 14e & 15e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7003

Le Forum politique achève l’examen de six objectifs de développement durable: la réponse mondiale se voit attribuée la note « non ambitieuse »

Le Forum politique de haut niveau sur le développement durable a achevé, aujourd’hui, la première partie de sa session placée sous les auspices du Forum économique et social (ECOSOC) en faisant le bilan de quatre années de mise en œuvre des objectifs de développement durable, en particulier six d’entre eux.  La Présidente de l’ECOSOC et la Sous-Secrétaire générale à la coordination politique et aux affaires institutions ont infligé une note qui souligne le caractère « non ambitieux » de la réponse mondiale au défi posé par la réalisation des objectifs de développement durable. 

Cette appréciation a été confirmée ce matin lorsque, au cours d’une table ronde sur la question du financement de ces objectifs, les participants ont souligné l’insuffisance de la mobilisation des ressources, en particulier au niveau de l’aide publique au développement (APD) qui décroit alors qu’elle reste la principale source de financement, tout en constatant la montée d’autres moyens comme les envois de fonds de l’étranger, la « manne » du continent africain.

Dans sa déclaration de clôture de cette première semaine du Forum politique, Mme Inga Rhonda King, Présidente de l’ECOSOC, a constaté les progrès accomplis mais jugé la réponse mondiale pas assez ambitieuse, ce qui s’ajoute à des tendances inquiétantes.  À moins de 100 jours du Sommet sur le développement durable et du Forum politique placé sous les auspices de l’Assemblée générale, elle a invité à lancer une « décennie ambitieuse d’action » pour mettre le monde sur la trajectoire qui aboutira à la réalisation des objectifs de développement durable. 

Mme Maria-Francesca Spatolisano, Sous-Secrétaire générale à la coordination politique et aux affaires interorganisations, a partagé l’avis de Mme King sur l’insuffisance des actions menées en réclamant plus d’ambition pour permettre « une transformation collective », car les réponses existent. 

Cette appréciation de niveau passable s’est basée notamment sur le bilan de quatre ans de présentation d’examens nationaux volontaires, objet de la séance de l’après-midi.  Les participants ont ainsi examiné les leçons apprises dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable à travers les examens nationaux volontaires menés jusqu’à présent dans le cadre du Forum politique de haut niveau.  Au total, 102 pays ont présenté leurs rapports de synthèse depuis 2016, et 47 autres sont programmés cette année, dont 7 qui reviennent pour une seconde fois.  Une des remarques qui a été faite portait sur l’objectif 10, relatif à la réduction des inégalités: c’est l’objectif le moins mentionné depuis le début des examens nationaux volontaires, a relevé un membre du Comité des politiques de développement de l’ONU.  Ainsi, même si tous les pays répètent à volonté leur engagement de « ne laisser personne de côté », dans la pratique, a-t-elle noté, on voit peu de politiques et de mesures concrètes tendant à réduire les inégalités ou à favoriser les groupes marginalisés. 

Pour mieux mesurer le rythme de la réalisation du Programme 2030, le Chef de la Section du développement Web et de la visualisation des données de la Division de la statistique du DESA a présenté une plateforme en ligne des progrès sur les objectifs de développement durable et les examens nationaux volontaires.  Le but de cet exercice est que les décideurs utilisent les données ainsi rassemblées pour prendre les décisions appropriées, a-t-il expliqué, tandis que d’autres utilisateurs peuvent classifier les pays en fonction de leur niveau de mise en œuvre des objectifs. 

Au cours de la table ronde du matin sur le financement du développement, les données fournies par la Division de la statistique du Département des affaires économiques et sociales (DESA) ont fait apparaître que l’APD a atteint 149 milliards de dollars en 2018 mais qu’elle ne fait que diminuer ces dernières années.  Pourtant l’APD a un rôle crucial à jouer, ont répété les intervenants.  En effet, a observé un chercheur de Brookings Institution, si l’objectif de 0,7% du PIB consacré à l’APD était atteint par tous les pays donateurs, cela mobiliserait 200 milliards de dollars par an en faveur du développement. 

Le Danemark a atteint cet objectif depuis 40 ans et la Nouvelle-Zélande « fait les efforts nécessaires pour y parvenir », ont témoigné les représentants de ces pays, tandis que leur homologue de la Suisse a reconnu ne pas y être encore arrivé.  Au niveau régional, l’Union européenne a rappelé qu’elle est le plus grand donateur en matière d’aide au développement.  De son côté, la Chine a notamment investi dans 130 grands projets d’infrastructure sur le continent africain à hauteur de 20 milliards de dollars sur 10 ans, par le biais de la banque ICBC Africa.

L’une des solutions au problème de financement est d’augmenter le nombre de pays qui respectent leur objectif d’APD, a conclu le Groupe de la Banque mondiale.  « Les pays développés doivent accepter le fait que lorsque leurs revenus augmentent, l’APD augmente aussi », a insisté la Banque. 

Les intervenants ont toutefois énuméré les autres sources ou catalyseurs de financement qui accompagnent les efforts de développement, comme les envois de fonds de la diaspora présentés comme « une manne ».  L’Afrique a reçu quelque 550 milliards de dollars de ses enfants en 2019, selon le DESA, qui voit aussi l’Internet comme une source de financement et d’inclusion financière des zones isolées et des groupes marginalisés.  De même, des données robustes et de qualité sont des éléments susceptibles de booster le financement à condition d’investir 0,3% du PIB dans les services statistiques.  L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a, par ailleurs, plaidé pour un rôle accru du commerce dans le financement du développement.  La Commission économique pour l’Afrique (CEA) a conseillé, quant à elle, d’augmenter de 12% à 15% le taux de pression fiscale en Afrique pour gagner 200 milliards de dollars supplémentaires par an.  Enfin, à l’instar du Nigéria et de la Norvège, la CEA a milité pour une lutte efficace contre les flux financiers illicites dans ce continent, ce qui permettrait de récupérer 80 milliards de dollars par an. 

Le Forum politique de haut niveau poursuivra ses travaux demain, mardi 16 juillet, à 8 h 30 en ouvrant sa session ministérielle qui coïncide avec le débat ministériel de l’ECOSOC.

DONNER DES MOYENS D’ACTION AUX POPULATIONS ET ASSURER L’INCLUSION ET L’ÉGALITÉ

Financer les objectifs de développement durable: passer des paroles à l’action

Lorsqu’il s’agit de financer les mesures visant le développement durable, il est parfois difficile de passer des paroles à l’action, car beaucoup de pays subissent des tensions et rencontrent des difficultés pour trouver des fonds.  De plus, l’objectif des pays développés de consacrer 0,7% du PIB à l’aide publique au développement (APD) n’est pas respecté, alors que l’APD demeure la principale source de financement du développement.  Il existe néanmoins d’autres sources de financement.  Quelles sont-elles?  Comment les mobiliser et les utiliser? a demandé le modérateur, M. COURTENAY RATTRAY, de la Jamaïque, en lançant la discussion. 

Pour planter le décor, Mme YONGYI MIN, de la Division de la statistique du Département des affaires économiques et sociales (DAES), a présenté une étude de ce département sur l’APD.  Celle-ci a atteint 149 milliards de dollars en 2018, mais elle est en constante baisse depuis plusieurs années.  Cette baisse s’explique cette année notamment par la réduction de l’aide destinée à l’accueil des réfugiés dans les pays en développement.  Cette étude montre également que les pays les moins avancés (PMA) ont reçu moins d’aide alors que ce sont ceux qui en ont le plus besoin.  L’Afrique, notamment, a vu une diminution de 4% de l’aide.  En revanche, « le continent africain a vu tomber la manne des envois de fonds de la diaspora » -l’équivalent de 550 milliards de dollars en 2019-, enregistrant une hausse de 9,6%, ce qui en fait « la ressource financière la plus importante pour l’Afrique ».  Mme Min a aussi parlé d’autres « ressources » qui favorisent le développement comme l’Internet, qui favorise l’inclusion des zones isolées et des groupes marginalisés, et les données.  Elle a constaté une augmentation des demandes de données de qualité et fiables et a soutenu l’obligation pour les pays d’avoir des plans statistiques robustes.  Pour y parvenir, il faut investir 0,3% du PIB dans les services statistiques, a-t-elle suggéré.

Pour M. HOMI KHARAS, Vice-Président par intérim et Directeur du « Global Economy and Development program » à Brookings Institution, le message est simple: des opportunités importantes de financement du développement existent.  Il a toutefois remarqué que les économies à faible revenu investissent peu dans le développement.  Elles investissent principalement dans l’aide sociale comme l’éducation, la santé et les infrastructures.  De plus, investir dans les objectifs de développement durable ne signifie pas que les objectifs sont atteints ou réalisés.  M. Kharas a conseillé de s’appuyer déjà sur l’APD: si l’objectif de 0,7% consacré à l’APD est atteint, cela représente 200 millions de dollars par an, a-t-il souligné.  M. Kharas a aussi mis en exergue l’importance des ressources non assorties de conditions, comme les fonds provenant des banques de développement et des fonds privés qui pourraient apporter 1 400 milliards de dollars par an. 

Le retard dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable, c’est ce qui a inquiété M. DAG-INGE ULSTEIN, Ministre du développement international de la Norvège: on a toujours été en retard; on n’a jamais été en avance, a-t-il remarqué.  Cela l’a conduit à se demander comment le système fiscal pourrait contribuer à améliorer le financement du développement.  « Il n’y a pas de panacée », a-t-il répondu en conseillant de tirer parti au mieux des efforts des uns et des autres, en misant sur la « cohérence ».  La coopération fiscale norvégienne avec la Zambie a permis d’augmenter de 89 millions de dollars les recettes zambiennes entre 2011 et 2016, a cité en exemple le Ministre.  De même, la Norvège travaille de concert avec le Nigéria pour lutter contre le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites, a encore indiqué M. Ulstein, qui a insisté sur l’importance de la lutte contre les flux financiers illicites pour l’Afrique. 

« Si retard il y a, c’est surtout le fait des pays développés », a répondu Mme VERA SONGWE, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), en faisant observer que les pays en développement arrivent toujours à rattraper leur retard tandis que les pays développés sont de plus en plus en retard, notamment pour atteindre l’objectif de 0,7% du PIB consacré à l’APD.  En Afrique, nous sommes en retard de 1 200 milliards de dollars en matière de financement de développement, a-t-elle indiqué en s’interrogeant sur les façons de « prendre ce problème à bras le corps ».  À son avis, il faut d’abord résoudre le problème fiscal pour atteindre un taux de couverture entre 12% et 15% de la population: cela permettrait de gagner 200 milliards de dollars supplémentaires par an.  Les flux financiers illicites représentent plus de 80 milliards par an en Afrique, a-t-elle aussi rappelé.  Heureusement, a-t-elle ajouté, l’Afrique, le Fonds monétaire international(FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont décidé de résoudre ce problème en mettant leurs efforts en commun dans le domaine notamment de la transparence. 

M. THOMAS GASS, Directeur du Département de la coopération avec le Sud à l’Agence de développement et de coopération de la Suisse, a dit que cette réunion doit d’abord défendre vigoureusement les objectifs de développement durable et leur financement.  Le Directeur a salué la Norvège pour avoir atteint son objectif de 0,7% du PIB consacré à l’APD.  Faisant son mea culpa, il a reconnu que la Suisse n’avait pas atteint son objectif.  De plus, la Suisse doit 2 milliards de dollars à d’autres pays dans le cadre du recouvrement de flux financiers illicites.  M. Gass a ensuite invité à utiliser les modes de financement existant comme les investissements directs étrangers et les possibilités de financement par le secteur privé.  Selon lui, le financement n’est pas seulement une question d’argent mais aussi une manière d’investir l’argent.

L’Union européenne a réitéré que l’Europe est le plus grand contributeur d’APD et le plus important donateur en matière d’aide au développement en général.  La Nouvelle-Zélande continue de faire des efforts pour verser l’APD et pour alléger les taux appliqués aux envois de fonds, a témoigné la délégation néozélandaise.

Pour ce qui est de la Tunisie, M. ZIED LADHARI, du Ministère du développement, de l’investissement et de la coopération internationale, a déclaré que le pays finance son développement en s’appuyant essentiellement sur la fiscalité.  Un régime fiscal spécifique a été lancé pour les petites et moyennes entreprises, a-t-il indiqué avant de signaler aussi qu’il y a moins de possibilités d’exonération de la TVA.  Le Gouvernement a également décidé de lutter efficacement contre la fraude fiscale et de soutenir l’intégration du secteur informel.  En outre, il encourage l’épargne en mettant en place une politique de maîtrise des crédits de consommation et en augmentant les taux d’intérêt des épargnes.  Le Gouvernement mise également sur le partenariat public-privé (PPP) en élaborant un plan de gouvernance du PPP et en créant une plateforme pour sa mise en œuvre. 

L’une des solutions au problème de financement des objectifs de développement durable est d’augmenter le nombre de pays qui respectent leur objectif d’APD, a tout simplement suggéré M. MAHMOUD MOHIELDIN, Vice-Président du Groupe de la Banque mondiale.  Selon lui, les pays développés doivent accepter le fait que lorsque leurs revenus augmentent, l’APD augmente aussi. 

M. IÑIGO URKULLU RENTERIA, Président du Gouvernement basque en Espagne, a indiqué que son gouvernement dispose sa propre autorité en tant que Gouvernement régional et reconnu comme tel par l’Union européenne.  Nous consacrons 17% de notre revenu à l’investissement vert pour la gestion de l’eau et de l’environnement, a-t-il dit en démontrant ainsi une participation à l’investissement durable.  Le moment est venu de l’avènement d’un monde plus durable, plus solidaire et plus égalitaire, a plaidé M. Renteria.  La délégation de l’Espagne, qui a insisté sur l’importance de la lutte contre les flux financiers illicites, a soutenu le « développement vert » du Gouvernement basque.

Le « financement inclusif » en Afrique est l’objectif du groupe que représente M. LUBIN WANG, ICBC Africa: « nous avons investis dans 130 grands projets d’infrastructure sur le continent africain dont des centrales hydroélectriques et solaires », des investissements à hauteur de 20 milliards de dollars.  Nos partenariats avec des institutions financières pour soutenir les PME africaines sont dotés de 10 milliards de dollars créant ainsi plus de 200 000 emplois locaux, a-t-il ajouté.  En juin 2019, la visite et la participation de 120 entreprises africaines à la Foire de Shanghai ont généré 29 accords commerciaux, a-t-il aussi fait valoir. 

Après ces exposés, les délégations ont présenté leurs positions et fait quelques annonces.  Ainsi, l’Allemagne a annoncé la création d’un nouveau fonds d’un milliard d’euros pour le financement du développement durable.  La délégation allemande a, en même temps, insisté sur l’importance de la mobilisation des recettes nationales et de l’investissement holistique.  Le Canada a annoncé la création d’un nouveau système de financement international doté de 1,59 milliard de dollars canadiens pour 5 ans, ainsi que la fourniture d’une assistance pour que les pays en développement aient plus accès aux marchés. 

Quant à lui, le Danemark a respecté pendant 40 ans l’objectif de 0,7% du PIB consacré à l’APD, a dit le représentant de ce pays en appelant tous les États à faire de même et à mettre fin aux flux financiers illicites.  Ce dernier problème a été au cœur des inquiétudes du Nigéria qui a insisté sur la lutte contre ce phénomène et contre les évasions fiscales.  Le Kenya a d’ailleurs demandé la création d’une plateforme internationale pour discuter des problèmes que posent les flux financiers illicites et des solutions à y apporter. 

Le Portugal, qui a orienté ses financements vers les objectifs de développement durable, a indiqué qu’en 2018, le pays s’est mis d’accord avec l’Afrique pour mobiliser l’investissement international en direction du continent.  Pour l’Éthiopie cependant, en l’état actuel des choses, les objectifs de développement durable ne seront pas réalisés à temps.  Selon l’Afrique du Sud, il faut être plus ambitieux dans la mobilisation des ressources sans augmenter l’endettement des pays en développement.  Les nouvelles conditions d’accès aux financements créent une discrimination à l’encontre des pays en développement, a par ailleurs dénoncé la représentante sud-africaine. 

 

La Fédération de Russie a dénoncé pour sa part les sanctions unilatérales qui touchent certains pays et les empêchent d’atteindre leurs objectifs de développement durable.  Elle a mis l’accent sur la coopération technique avec les agences des Nations Unies.  Une représentante de la société civile a aussi demandé à l’ONU de se saisir du problème de l’endettement et des flux financiers illicites.  Quant à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), elle a prié le Forum politique de haut niveau de défendre le système commercial international comme source de financement du développement.

Les Philippines ont soutenu l’importance de l’appropriation nationale du développement qui commence par la conception, la planification, le financement et la réalisation au niveau national.  Pour le Ghana, le financement doit venir du secteur privé.  La Suède a recommandé de lutter contre la corruption, de promouvoir les achats durables, de créer un cadre mondial d’investissements et d’éviter de créer des cadres de financement nationaux qui nuisent à d’autres États.

Le grand groupe des femmes a déclaré qu’il faut consacrer des moyens financiers à la lutte contre la violence contre les femmes.  Le grand groupe des personnes handicapées a recommandé que les dépenses publiques soient inclusives, notamment pour prendre en compte les besoins des personnes handicapées.  Il a demandé l’accès aux financements pour ces personnes. 

Quatre ans de présentation d’examens nationaux volontaires: qu’avons-nous appris sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable?

À cette question ouverte qui faisait office de thème de débat, les réponses des participants à la table ronde de cet après-midi furent variées et contrastées.  Cette session a permis d’examiner les leçons apprises de la mise en œuvre des objectifs de développement durable à travers les examens nationaux volontaires menés jusqu’à présent dans le cadre du Forum politique de haut niveau pour le développement durable.  Au total, 102 pays ont présenté leurs rapports de synthèse depuis 2016, et 47 autres sont programmés cette année, dont 7 qui reviennent pour une seconde fois. 

Pour la plupart des intervenants, ces examens nationaux volontaires ont laissé voir de nombreux obstacles et des contraintes dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Par exemple, le Ministre d’État au Ministère des communications, de l’action climatique et de l’environnement de l’Irlande, M. SEÀN CANNEY, a dit que l’examen présenté l’an dernier par son pays avait mis en exergue les problèmes sur le plan national d’égalité des genres, de lutte contre les changements climatiques ainsi que des lacunes en matière de protection de l’environnement. 

La Secrétaire d’État parlementaire du Ministère fédéral de l’environnement, de la protection de la nature et de la sécurité nucléaire de l’Allemagne, Mme RITA SCHWARZELÛHR-SUTTER, a noté qu’il y a en général un manque de clarté dans le partage des tâches entre les gouvernements et d’autres parties prenantes.  Elle a aussi relevé que la budgétisation ne tient pas assez compte des objectifs de développement.  Pour l’Allemagne, l’un des obstacles est le passage à une économie circulaire avec notamment la réduction envisagée des émissions de gaz à effet de serre. 

M. ABEL HIBERT, Chef de Cabinet adjoint du Président du Mexique, chargé de l’analyse et de l’innovation, a dit que dans son pays, le principal défi est celui des données, puisqu’il faut avoir les bons chiffres pour élaborer les bonnes politiques.  Un autre obstacle est le manque d’indicateurs nationaux qui soient centrés sur l’individu. 

Mme ARMIDA SALSIAH ALISJAHBANA, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), a aussi parlé de la disponibilité des données fiables comme l’un des principaux obstacles soulignés par les commissions économiques régionales de l’ONU. 

Mme SAKIKO FUKUDA-PARR, Professeure en affaires internationales à la New School et membre du Comité des politiques de développement de l’ONU, a affirmé que l’objectif 10 de développement durable portant sur la réduction des inégalités est le moins mentionné depuis le début des examens nationaux volontaires.  Ainsi, même si tous les pays répètent à volonté leur engagement de « ne laisser personne de côté », dans la pratique, a-t-elle noté, on voit peu de politiques et de mesures concrètes tendant à réduire les inégalités ou à favoriser les groupes marginalisés. 

Le Directeur général du Conseil de développement durable de Sri Lanka, M. SUGATH YALEGAMA, a dit qu’en plus de la question des données, son pays est surtout confronté au besoin d’améliorer le dialogue avec la société civile et le secteur privé.  Abondant dans ce sens, Mme SHANNON KINDORNAY, Directrice de la recherche, des politiques et des pratiques au Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI), a regretté que les processus d’élaboration des examens nationaux volontaires ne soient pas des espaces de partage.  Pour certains pays, a-t-elle déploré, les examens nationaux volontaires se résument à des brochures, alors que l’on attend des rapports d’évolution sur la mise en œuvre.  De plus, la plupart de ces rapports ne mentionnent même pas la question cruciale des droits civiques, alors que la pression subie par les défenseurs des droits est une raison de parler de ces sujets.

M. CHRIS DERKSEN-HIEBERT, Directeur principal du plaidoyer, des politiques et des relations extérieures à « World Vision », a rappelé que la société civile est pratiquement absente des processus d’examens volontaires.  Et ce déficit est déplorable car les femmes, les jeunes, les personnes âgées et tous les autres sont justement ceux-là pour qui on dit vouloir réaliser les objectifs de développement durable, a-t-il relevé.  Pire encore, le secteur privé ne connaît pas encore véritablement son rôle dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a affirmé Mme JUDY NJINO, Directrice exécutive de Global compact Network Kenya et Présidente du Conseil régional du réseau du Pacte mondial pour la région d’Afrique

Pour rectifier le tir, la Banque islamique de développement entend soutenir les capacités des autorités nationales qui préparent les examens nationaux.  Certains pays comme la Tunisie ont même déjà bénéficié d’un tel appui, a confirmé le délégué.

Certains orateurs ont aussi retenu des aspects positifs dans la présentation des rapports pays, alors que d’autres ont fait des suggestions pour améliorer les examens nationaux volontaires et partant, la mise en œuvre des objectifs de développement durable. 

C’est ainsi que M. Canney, Ministre d’État d’Irlande, a parlé des programmes scolaires visant à enseigner les objectifs de développement durable aux élèves.  Afin de mieux inculquer le programme, 12 champions nationaux des objectifs seront bientôt désignés, a-t-il annoncé.

Pour le représentant du Danemark, le nombre de pays ayant fait des examens nationaux volontaires est déjà en soi un succès, car l’ONU est devenue un lieu d’apprentissage.  Mais il faut maintenant créer une plateforme en ligne où les pays pourront présenter leurs succès, a-t-il préconisé.  Pour l’Union européenne, il serait opportun que le second cycle des examens nationaux volontaires soit davantage agrémenté de données vérifiables. 

Justement, en début de séance, M. LUIS GERARDO GONZALEZ MORALES, Chef de la Section du développement Web et de la visualisation des données de la Division de la statistique du DAES, a présenté une plateforme en ligne des progrès sur les objectifs de développement durable et les examens nationaux volontaires.  Il a expliqué que des outils, en cours d’élaboration par le PNUD et le DESA, permettront de faire des liens entre les rapports de divers pays afin de mesurer les résultats au niveau mondial.  Le but de cet exercice étant que les décideurs utilisent les données ainsi rassemblées pour prendre les décisions appropriées.  En plus, ces plateformes en ligne permettent aux utilisateurs de classifier les pays et leur profil en rapport à la mise en œuvre des objectifs de développement durable. 

L’animateur du débat, M. ACHIM STEINER, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a demandé quel était le rôle des parlementaires dans la mise en œuvre, sachant que ces derniers représentent les populations.  La Secrétaire d’État allemande, Mme SCHWARZELUHR-SUTTER, a expliqué que les parlementaires de son pays surveillent l’action gouvernementale en matière de mise en œuvre des objectifs de développement durable, et certains parmi eux font partie de la délégation officielle du pays au présent Forum politique. 

Et quid de la société civile, a renchéri l’animateur.  Le délégué de l’Espagne a expliqué qu’il est important que la société civile participe au processus des examens volontaires présentés par les États, dans un contexte où le grand groupe des femmes a dit que les examens volontaires nationaux n’impliquent pas assez de femmes et ne sont pas assortis d’un cadre de responsabilité et de suivi.  La représentante du Guatemala a proposé, pour renforcer le rôle de la société civile dans ce processus, qu’on établisse un dialogue entre les autorités et celle-ci.  Le dialogue social est crucial afin d’impliquer toutes les composantes de la société, a confirmé le représentant du grand groupe des travailleurs et des syndicats, avant d’avertir des velléités de certains gouvernements de manipuler les chiffres présentés quand les partenaires sociaux ne sont pas impliqués. 

De son côté, l’Alliance des volontaires a dit être prête à travailler avec les gouvernements pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable, même si elle regrette que « les espaces de dialogue ne cessent de se rétrécir ».  La Représentante des peuples autochtones a, pour sa part, déploré le fait que certains pays ne mentionnent même pas la contribution des autochtones au développement durable.  De plus, quand ces pays reconnaissent la vulnérabilité de ce groupe, ils ne font aucune proposition pour améliorer leur situation. 

C’est face à cette désinvolture que le représentant de la Norvège a souligné que les examens nationaux s’apparentent pour certaines délégations à des occasions de venir au Siège de l’ONU faire des « selfies de groupe ».  C’est pourquoi plusieurs voix ont plaidé pour que, à l’avenir, des présentations de rapports nationaux parallèles à ceux présentés par les gouvernements soient entendues au Forum politique de haut niveau.

Déclarations de clôture

Pour Mme MARIA-FRANCESCA SPATOLISANO, Sous-Secrétaire générale à la coordination politique et aux affaires interorganisations, le principal message de ces cinq jours était que « notre réponse au défi posé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est non ambitieuse ».  Elle a estimé en effet qu’en dépit des actions vigoureuses des gouvernements, la réponse n’est pas suffisamment ambitieuse pour permettre « une transformation collective ».  Pour cela, a-t-elle dit, il nous faut travailler à un rythme plus rapide.  Ces cinq jours nous ont aussi rappelé les principes fondamentaux du Programme 2030: les objectifs de développement durable sont intégrés et doivent s’appuyer sur leurs synergies pour parvenir à des résultats; le principe de ne laisser personne sur le côté demeure au cœur du Programme; nous avons les moyens et les outils nécessaires pour réaliser les objectifs de développement durable.  L’importance de la technologie, de la science et de l’information a également été soulignée ces derniers jours, ainsi que la nécessité de terminer le travail dans les délais impartis et dans le cadre multilatéral, a rappelé Mme Spatolisano.  Elle a aussi salué la qualité des rapports présentés par les pays au cours de leur examen national volontaire, ainsi que les échanges très fructueux et les recommandations politiques qui seront présentées aux chefs d’État et de gouvernement en septembre pendant le Sommet sur le développement durable. 

Mme INGA RHONDA KING, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a félicité les délégations d’avoir participé activement à la première partie de session et d’avoir fait le bilan de 6 des 17 objectifs de développement durable.  Elle a dit avoir senti l’enthousiasme et l’engagement dans les discussions sur ces sujets.  Elle a rappelé que les débats avaient aussi porté sur les progrès, les obstacles et les écarts dans la mise en œuvre du Programme 2030, ainsi que sur les perspectives des pays en situations particulières et les efforts pour promouvoir l’interaction entre la science et les politiques.  Le Forum a en outre entendu les présentations nationales volontaires de sept pays qui le faisaient pour la deuxième fois, tandis que 40 autres vont le faire au cours des trois prochains jours.  La Présidente a énuméré les autres évènements de cette première partie de session avant de saluer la réponse « impressionnante » des gouvernements, du secteur privé, des autorités locales, de la société civile, de la communauté scientifique et de beaucoup d’autres. 

Il est pourtant clair que nous devons aller plus vite et plus loin pour atteindre les objectifs d’ici à 2030, a-t-elle dit.  Elle a ensuite présenté quelques-uns des messages clefs envoyés ces derniers jours: nous faisons des progrès mais la réponse globale n’est pas assez ambitieuse et certaines tendances sont inquiétantes; l’investissement dans les données et les capacités est nécessaire pour adopter les meilleures politiques; offrir une éducation inclusive de qualité est indispensable pour atteindre les autres objectifs, ce qui exige de nouveaux partenariats et plus d’investissements; les partenariats et la coopération internationale sont fondamentaux pour soutenir les petits États insulaires en développement; il faut développer des stratégies dans les pays en développement sans littoral et les pays les moins avancés pour que leur croissance économique leur permette d’inclure tout le monde; le travail décent et la croissance économique sont liés de façon dynamique; il est vital de renforcer le rôle des acteurs non étatiques pour atteindre les objectifs de développement durable; la science peut guider les gouvernements lorsqu’ils élaborent les politiques qui font le lien entre les objectifs; l’inégalité entre pays et en leur sein reste un des obstacles principaux.  Tels sont quelques messages importants résumés par Mme King.

La Présidence de l’ECOSOC a expliqué que cette session est la dernière d’un cycle de quatre ans d’examen des objectifs de développement durable par le Forum politique et par l’ECOSOC.  À moins de 100 jours du Sommet sur le développement durable et du Forum politique placé sous les auspices de l’Assemblée générale, elle a jugé essentiel de lancer une « décennie ambitieuse d’action » pour mettre le monde sur la trajectoire qui aboutira à la réalisation des objectifs de développement durable.  Elle a encouragé les chefs d’État et de gouvernement à venir à ce Sommet avec des « actions accélérées » pour montrer comment ils espèrent augmenter le rythme de la mise en œuvre.  Cela nous permettra de donner le signal de départ de cette nouvelle phase de mise en œuvre, en vue de mettre un terme à la souffrance humaine et de protéger la planète.  Les attentes sont grandes, a-t-elle rappelé, mais « on peut trouver les solutions » et atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030.

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