En cours au Siège de l'ONU

Session de 2019,
10e et 11e séances plénières, Matin & après-midi
ECOSOC/6978

Face aux défis de la numérisation, la réunion spéciale de l’ECOSOC sur la coopération en matière fiscale plaide pour une réforme globale et inclusive

La fiscalité dans le contexte de la numérisation de l’économie, de la protection de l’environnement et des inégalités était au menu de la réunion spéciale du Conseil économique et social (ECOSOC) qui s’est tenue aujourd’hui sur le thème de la coopération internationale en matière fiscale, l’occasion de faire le point sur l’impact des nouveaux modèles d’affaires sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable. 

Les spécialistes et représentants de gouvernements, d’organisations internationales, de la société civile et du monde des affaires réunis ont ainsi exploré les moyens de soutenir les efforts déployés à tous les niveaux pour mobiliser les ressources publiques nécessaires à la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Cette rencontre faisait suite à la dix-huitième session du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, qui s’est tenue du 23 au 26 avril 2019.

« La numérisation de l’économie n’a pas créé mais exacerbé les risques d’évasion fiscale fondés sur les règles fiscales existantes », a déclaré la Présidente de l’ECOSOC, Mme Inga Rhonda King, à l’ouverture de la réunion.  Connaître l’origine des profits des entreprises et le lieu où ces profits devraient être imposés est donc une question « fondamentale ».

Alors que la nature du travail évolue au même rythme que les techniques, la question de savoir « comment imposer les activités commerciales qui se déroulent dans plusieurs pays à la fois » demeure sans réponse, a déploré de son côté M. Elliot Harris, Sous-Secrétaire général et Économiste en chef du Département des affaires économiques et sociales. 

Les panélistes qui ont pris part aux trois tables rondes interactives n’ont pas manqué de faire écho à ces préoccupations.  En vertu des règles fiscales internationales en vigueur, les États sont trop souvent incapables d’imposer les bénéfices des nouveaux modèles d’affaires ne nécessitant pas la présence physique des entreprises sur leur territoire, a constaté la modératrice de la première table ronde, Mme Kosha Gada, journaliste à Forbes et CNBC. 

Le cadre fiscal actuel, vieux d’un siècle, ne répond plus aux besoins des États en matière de développement, ont aussi déploré les intervenants.  « Aucun pays ne peut ignorer les conséquences de la numérisation sur la mobilisation des ressources », a d’ailleurs prévenu le Coprésident du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, M. Eric Nii Yarboi Mensah, qui a noté les efforts entrepris pour revoir les modalités fiscales, notamment au sein du Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 

Le Coprésident de l’équipe spéciale sur l’économie numérique de cette organisation, M. Brian Jenn, a mis en garde contre la « lassitude » envers le système actuel, qui conduit les États à adopter des mesures unilatérales, ce qui contribue à une incertitude économique croissante et à des risques accrus pour les entreprises. 

Devant ce constat, plusieurs panélistes ont prôné l’élaboration d’une « approche commune », suffisamment « simple » pour être appliquée par les pays en développement, et qui permettent aussi d’éviter les mesures unilatérales.  « Il faut introduire davantage de multilatéralisme dans le débat fiscal actuel », a fait valoir M. Irving Aw, du Fonds monétaire international (FMI), avec l’appui de l’ONU. 

La fiscalité ne doit pas affecter les recettes fiscales des pays les plus fragiles, a renchéri M. Harris, en appelant à tenir compte de l’impact de ces réformes sur les objectifs de développement durable.  De même, l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques doivent s’appuyer sur des réformes fiscales soucieuses de l’environnement, notamment la taxation du carbone. 

La lutte contre la pauvreté et les inégalités, la protection de l’environnement et la mise en place de modes de production et de consommation durables sont en effet nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable, ont rappelé tour à tour les panélistes de la seconde table ronde, consacrée à la fiscalité et la protection de l’environnement. 

Pour porter ses fruits, la fiscalité environnementale doit être complémentaire d’autres mesures administratives, a relevé la modératrice.  Il faut en effet tenir compte des principes de compétitivité et d’équité dans l’imposition de taxes environnementales, a ajouté M. Kurt van Dender, de l’OCDE, tout en évitant des mesures régressives qui risquent d’aggraver la pauvreté. 

Les inégalités constituent non seulement un obstacle à la construction de sociétés stables, mais également un frein au développement économique et social des États, ont fait valoir les panélistes de la troisième table ronde.  Ses effets délétères se font particulièrement sentir en Afrique, a déploré le Directeur exécutif du Tax Justice Network Africa (TJNA): c’est sur ce continent que se trouvent 10 des 19 pays les plus inégaux de la planète. 

Mme Elfrieda Tamba, membre du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, a donc appelé les Nations Unies et ses États Membres à mettre en place des politiques capables de réduire les inégalités, notamment par la redistribution des revenus.

Le Directeur exécutif d’OXFAM Mexique a toutefois souligné la « méfiance et la colère grandissante » de la population à l’égard des institutions.  Il a appelé à mettre « l’éthique fiscale » au cœur d’un contrat social « fort ». 

RÉUNION SPÉCIALE SUR LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE FISCALE

Observations d’ouverture

Après les idées générées, il y a deux semaines, par le Forum sur le financement du développement, la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme INGA RHONDA KING, a souhaité que la réunion d’aujourd’hui permette d’approfondir le rôle de la fiscalité dans la mobilisation des ressources nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable.  Elle a dit que la première table ronde, sur la « fiscalité et la numérisation de l’économie », présenterait des propositions destinées à apporter des changements majeurs à l’impôt sur les transactions transfrontalières des sociétés commerciales.  « La numérisation de l’économie n’a pas créé mais exacerbé les risques d’évasion fiscale sur la base des règles fiscales existantes », a dit Mme King, en dénonçant la « prolifération des structures corporatives » qui permettent de transférer les profits pour éviter l’impôt ou profiter de politiques fiscales à bas taux.  Connaître l’origine des profits des entreprises et le lieu où ces profits devraient être imposés est donc une question « fondamentale ». 

La seconde table ronde prévue l’après-midi, a-t-elle poursuivi, examinera comment la fiscalité peut contribuer à mettre en œuvre l’Accord de Paris sur les changements climatiques et le Programme de développement durable à l’horizon 2030, afin de ne laisser personne de côté.  Un équilibre judicieux entre la fiscalité environnementale et la fiscalité des ressources naturelles, combiné à une stratégie de mise en œuvre progressive, pourrait contribuer à la protection du climat et à un développement durable, a envisagé Mme King.  Enfin, la troisième table ronde se penchera sur la fiscalité et les inégalités, notamment le potentiel des systèmes budgétaires pour réduire les inégalités entre les pays à différents niveaux de développement.  Les grandes fortunes, souvent concentrées entres les mains de quelques-uns, sont peu soumises à l’impôt, voire même exemptes d’impôts dans les pays en développement, a déploré la Présidente.  « Ce ne sont pas seulement les impôts que nous percevons qui auront un impact sur les objectifs de développement durable, mais aussi la manière dont nous les dépensons », a-t-elle conclu. 

M. ELLIOT HARRIS, Sous-Secrétaire général chargé du développement économique et Économiste en chef du Département des affaires économiques et sociales (DAES), a dit que le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement avait changé l’approche de la fiscalité.  « Nous devons maintenant faire des choix entre différentes options politiques », a-t-il relevé, en notant que cette réunion était l’occasion rêvée de générer des contributions en matière fiscale.  Alors que l’économie se numérise rapidement, il a remarqué qu’il fallait toujours une présence physique des entreprises pour pouvoir imposer leurs bénéfices.  Toutefois, la nature du travail évolue au même rythme que les techniques, a poursuivi M. Harris, en déplorant que la question de savoir « comment imposer les activités qui se déroulent dans plusieurs pays » demeure sans réponse.  Selon lui, toute réforme de la structure actuelle devra s’intéresser à tous les pays, développés comme en situation particulière. 

Pour M. Harris, l’impact de ces réformes sur les objectifs de développement durable doit également être pris en compte.  La fiscalité ne doit pas devenir un jeu à somme nulle.  Elle ne doit pas non plus affecter les recettes fiscales des pays les plus fragiles.  De même, l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques doivent s’appuyer sur des réformes fiscales tenant compte de l’environnement, notamment la taxation du carbone.  De telles pratiques existent déjà, a noté M. Harris, en appelant à mettre en place ces mesures de façon globale, en tenant compte des objectifs de développement durable.  Notant également les liens entre la fiscalité et les inégalités, et relevant que celles-ci avaient beaucoup progressé au niveau national, M. Harris a déclaré que des politiques de redistribution pouvaient aussi avoir des effets sur la croissance, qui doit demeurer inclusive et conforme aux objectifs de développement durable. 

Table ronde 1: « Fiscalité et numérisation de l’économie »

En appliquant simplement les règles fiscales internationales actuelles, les États sont trop souvent incapables d’imposer les bénéfices découlant de nouveaux modèles d’affaires ne nécessitant pas de présence physique sur leur territoire, a déclaré d’emblée la modératrice, Mme KOSHA GADA, collaboratrice à Forbes et Consumer News and Business Channel (CNBC), en soulignant que les petites économies font face au défi supplémentaire de l’absence complète de législation nationale permettant d’aborder efficacement ces nouveaux modèles. 

Le cadre fiscal actuel date déjà de plus d’un siècle, a noté M. IRVING AW, Conseiller au Département juridique du Fonds monétaire international (FMI), ajoutant que les entreprises ne requièrent pas nécessairement de présence physique dans un pays pour y mener leurs activités.  Le débat sur la numérisation met donc en lumière les lacunes du système actuel et pose des problèmes qui demandent des réponses globales et inclusives. 

« Aucun pays ne peut ignorer les conséquences de la numérisation sur la mobilisation des ressources », a renchéri le Coprésident du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, M. ERIC NII YARBOI MENSAH, qui est Commissaire adjoint de l’Autorité fiscale du Ghana.  Des efforts sont en cours pour réexaminer la fiscalité fondée sur la présence physique des entreprises, a-t-il noté, notamment au sein du Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices de l’OCDE. 

La Directrice du Groupe intergouvernemental des Vingt-Quatre pour les questions monétaires internationales et le développement (G24), Mme MARILOU UY, a reconnu qu’il restait beaucoup de chemin à faire avant de parvenir à l’équité en matière fiscale.  Si les pertes de revenus découlant de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices sont plus importantes pour les pays développés que pour les pays en développement, la part de ces recettes dans l’économie demeure plus importante dans les pays en développement.  Il faut donc élaborer des solutions suffisamment simples pour être mises en place dans les pays en développement tout en déployant le prélèvement de l’impôt à la source pour les entreprises numériques. 

Toutefois, a fait valoir le Conseiller du FMI, les pays à faibles revenus ont tendance à puiser leurs recettes fiscales chez les entreprises plutôt que chez les particuliers ce qui, dans le cadre actuel, entraîne de nouvelles vulnérabilités.  « Nous devons tenir compte du fait qu’il n’y a pas d’approche unique possible », a renchéri l’expert du Ghana, en rappelant que les pays en développement n’ont pas les capacités nécessaires pour mettre en œuvre des réformes fiscales complexes, telles que l’imposition à la source. 

Notre objectif doit donc être d’élaborer une approche commune et suffisamment simple pour être appliquée de façon globale, tout en évitant les approches unilatérales, a dit M. BRIAN JENN, Coprésident de l’équipe spéciale sur l’économie numérique de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et Conseiller adjoint en matière de fiscalité internationale au Département du trésor des États-Unis.  Au terme de consultations menées auprès d’entreprises et de parties prenantes, l’OCDE a défini deux piliers devant sous-tendre le présent débat, à savoir la répartition des pouvoirs fiscaux et le renforcement de certains aspects du Projet concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.  Selon lui, le présent débat témoigne d’une « lassitude » envers le système actuel, alors que les États ont le sentiment que les règles de répartition des pouvoirs fiscaux sont devenues insuffisantes.  Cette lassitude a d’ailleurs conduit de nombreux États à adopter des mesures unilatérales, ce qui contribue à une incertitude économique croissante et à des risques accrus pour les entreprises. 

Pour le European Network on Debt and Development (EURODAD), cependant, les 36 membres de l’OCDE ne sont pas représentatifs des pays en développement et leurs priorités sont donc différentes.  Nous devons donc mettre au point de nouvelles règles pour faire en sorte que les réformes fiscales permettent de mettre les États sur un pied d’égalité réel, ont renchéri la Thaïlande et l’Inde, tout en favorisant la réalisation des objectifs de développement durable et du Programme 2030. 

« Il faut introduire davantage de multilatéralisme dans le débat fiscal actuel », a diagnostiqué le Conseiller du FMI.  Alors que l’économie incorporelle se numérise un peu plus chaque jour et ne peut donc pas être cantonnée, M. CARLOS PROTTO, membre du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, qui est Directeur des relations fiscales internationales du Ministère du trésor de l’Argentine, a estimé qu’il incombe à l’ONU de favoriser la mise en place de normes simplifiées ne laissant personne de côté, tout en permettant d’augmenter les échanges transfrontaliers. 

L’adoption d’un consensus sur cette question demeure toutefois improbable, a reconnu l’expert des États-Unis, en mettant en garde contre les approches unilatérales qui pourraient en résulter.  Pourtant, « la coopération est requise », a conclu l’expert de l’Argentine, en appelant les États Membres à parvenir à un consensus sur ces questions. 

Table ronde 2: « Fiscalité et protection de l’environnement »

La protection de l’environnement évoque des régimes réglementaires et des obligations, a reconnu la modératrice de cette discussion, Mme JANET MILNE, Directrice de l’Environmental Tax Policy Institute, Vermont Law School, avant de tracer l’historique des réglementations fiscales relatives à l’environnement et de leur application.  Pour porter ses fruits, la fiscalité environnementale doit être flexible et complémentaire d’autres mesures administratives, a-t-elle relevé. 

Les réformes fiscales environnementales fonctionnent mieux que bien d’autres instruments pour protéger l’environnement, a renchéri M. KURT VAN DENDER, Chef de l’Unité fiscalité et environnement du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, citant en exemple l’impact décisif de la mise en place d’une taxe sur le carbone en Australie.  Ces taxes permettent en outre de réduire les émissions à moindre coût, tout en laissant le soin aux entreprises d’en définir les modalités d’application. 

Au Canada, ce sont les provinces qui ont le choix des modalités d’application selon leurs priorités environnementales et fiscales, a témoigné M. GERVAIS COULOMBE, Directeur principal de la Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, Ministère des finances du Canada, en présentant les grandes lignes du système fédéral de tarification de la pollution par le carbone du Canada. 

De son côté, le Gouvernement chilien a imposé, en 2014, trois « taxes vertes », a dit l’ancien Ministre de l’environnement du Chili, M. RODRIGO PIZARRO, de l’Université de Santiago.  Il a décrit les infrastructures institutionnelles mises en place pour assurer la mise en œuvre de ces taxes, dont l’impact se fait déjà sentir, notamment pour accompagner la réalisation des objectifs de développement durable. 

Prenant ensuite la parole, Mme NATALIA ARISTIZABAL, du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies et Coordonnatrice du Sous-Comité sur les questions de fiscalité environnementale, a parlé du Manuel sur la taxation du carbone mis au point par l’ONU, tout en déplorant que ce type d’imposition soit peu utilisé dans les pays en développement.  Pourtant, ces États, souvent signataires de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, ont tout à gagner à imposer de telles taxes, y compris de nouvelles recettes.  

Pour que la fiscalité environnementale soit un succès, il faut en effet tenir compte des principes de compétitivité et d’équité, tout en évitant des mesures régressives qui risquent d’aggraver la pauvreté, a ajouté le spécialiste de l’OCDE

Ainsi, la taxe sur les émissions de carbone du Chili a permis d’envoyer un « vrai message » aux entreprises, a dit l’expert de l’Université de Santiago, celles-ci ayant abandonné la production de charbon dans la foulée.  Il faut également faire preuve de transparence et expliquer à la population l’utilisation qui sera faite des recettes des taxes environnementales, a ajouté le spécialiste du Canada, en montrant notamment comment est mis en œuvre l’Accord de Paris.  Pour la spécialiste de l’ONU, la transparence permet également de gagner en légitimité en donnant à la population le sentiment de participer à quelque chose de « plus grand ». 

Se tournant vers la notion d’équité, le spécialiste de l’OCDE a déclaré que, malgré leur caractère « régressif » dans les pays développés, les taxes sur le carbone sont généralement « progressives » dans les pays en développement, où les foyers aisés ont davantage recours au carburant.  Il faut donc distinguer entre équité et accessibilité dans la fiscalité environnementale.  À terme, ces mesures se révèlent avantageuses pour les ménages pauvres, qui vivent souvent dans des conditions environnementales dégradées, a précisé le spécialiste du Chili

Pour décarboniser l’économie d’ici à 2050, les taxes sur le carbone devraient être augmentées drastiquement, au-delà des tarifs actuellement en vigueur dans les pays développés, a préconisé le spécialiste de l’OCDE.  Le succès de la lutte contre les changements climatiques dépend des mesures que nous adoptons dès aujourd’hui, a-t-il conclu.  

Table ronde 3: « Fiscalité et inégalités »

Le modérateur, M. WILSON PRICHARD, professeur à l’Université de Toronto, a lancé la discussion en posant le principe selon lequel la fiscalité doit reposer sur des principes d’équité, « ce qui implique que les riches soient imposés davantage que les pauvres ».  En outre, le système doit être équitable sur le plan « horizontal », a-t-il précisé en exigeant qu’il doit s’appliquer de la même façon à tous, ce qui n’est pas toujours le cas dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires.  Il a dénoncé le fait que des bénéfices de sociétés soient transférés dans des pays à faibles taux d’imposition, et que des écarts persistent entre l’imposition des sociétés aux niveaux national et international.  Il faut donc réformer les systèmes fiscaux pour les rendre plus équitables et faire en sorte qu’ils contribuent à la réalisation des objectifs de développement durable, a-t-il recommandé. 

Les effets délétères des inégalités croissantes se font particulièrement sentir en Afrique, a déploré le Directeur exécutif du Tax Justice Network Africa (TJNA), M. ALVIN MOSIOMA, continent où se trouvent 10 des 19 pays les plus inégaux de la planète.  Notre continent connaît en effet une croissance « biaisée », constituée d’actifs concentrés dans certains secteurs.  En outre, les recettes fiscales proviennent surtout de taxes, ce qui a pour effet d’accentuer « agressivement » les inégalités.  De plus, la concurrence fiscale entre les pays africains qui permet d’attirer investissements et aide au développement a pour effet d’aggraver ces phénomènes.  Il a aussi dénoncé les politiques fiscales destinées à bénéficier aux riches, tout en leur permettant d’éviter de payer leur juste part. 

Afin de corriger ce déséquilibre, Mme ELFRIEDA TAMBA, du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, a estimé qu’il incombe aux Nations Unies et à ses États Membres de mettre en place des politiques à même de réduire les inégalités, notamment par la redistribution des revenus.  Cependant, selon des études menées par l’ONU en Afrique subsaharienne, les politiques qui aident à réduire la pauvreté ne contribuent pas nécessairement à réduire les inégalités.  Ainsi, une couverture sanitaire universelle permet certes de contrer certains effets de la pauvreté, mais seule l’imposition progressive des revenus permet de lutter efficacement contre les inégalités. 

Dans ce contexte, M. RICARDO FUENTES-NIEVA, Directeur exécutif d’OXFAM Mexique, a parlé de la « méfiance et de la colère grandissante » de la population à l’égard des institutions.  L’impôt est au cœur du pacte social, dans une « relation à deux sens » au sein de laquelle les gouvernements fournissent des services et les citoyens acceptent de réduire leur liberté et de verser une partie de leurs revenus.  Il a noté les différences marquées en matière de fiscalité entre les nations, évoquant une « moralité fiscale » fluctuante entre les États.  Cette « éthique fiscale » est donc au cœur d’un contrat social « fort », lui-même tributaire de la redevabilité des gouvernements. 

Ainsi, une utilisation judicieuse des recettes fiscales, sans corruption accablante, est seule à même d’obtenir l’aval de la population.  Pour une organisation de peuples autochtones, la corruption et le blanchiment d’argent doivent faire l’objet de mesures à l’échelle internationale. 

 

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