Instance permanente sur les questions autochtones: appels à lutter contre la prévalence « disproportionnée » de certaines maladies chez les autochtones
La session 2019 de l’Instance permanente sur les questions autochtones a poursuivi ses travaux, ce matin, au Siège de l’ONU, l’occasion pour plusieurs intervenants de tirer la sonnette d’alarme face à la prévalence « disproportionnée » de certaines maladies chez les peuples autochtones et aux « discriminations » qu’ils subissent dans l’accès à des soins respectueux de leurs traditions, s’agissant de la tuberculose, du virus du sida ou de la santé mentale des jeunes et personnes LGBT. Un membre de l’Instance permanente s’est inquiété, à cette occasion, des rapports faisant état de stérilisations forcées des femmes autochtones dans certains pays, une pratique qui, si elle était avérée, équivaudrait selon lui à une « forme de contrôle de la population, voire de génocide ».
« La tuberculose n’est pas une maladie du passé », a déclaré Mme Mariam Wallet Aboubakrine, membre malienne de l’Instance permanente, qui présentait ce matin un état des lieux de la maladie chez les peuples autochtones. Ces derniers sont touchés « de manière disproportionnée » par la tuberculose, a-t-elle déploré, une tendance notamment très marquée au Canada, où la différence de la prévalence de la maladie entre les peuples autochtones et le reste de la population est, selon elle, la plus élevée au monde. Pour Mme Aboubakrine, la persistance de la tuberculose chez les peuples autochtones est enracinée dans l’histoire coloniale. Outre la pauvreté, le manque d’accès à des professionnels de santé autochtones et les insuffisances alimentaires, qui contribuent à sa propagation, Mme Aboubakrine a en effet dénoncé les « pratiques historiques choquantes » consistant à « déraciner » les malades de leur culture pour les traiter, ainsi que les pratiques de soin « discriminatoires », telles que l’absence de formation du personnel médical national aux coutumes et langues autochtones.
Dans la perspective de l’objectif de développement durable n°3, qui s’engage notamment à éradiquer la tuberculose d’ici à 2030, Mme Aboubakrine a appelé les États à allouer les ressources nécessaires pour atteindre cette cible chez les peuples autochtones, « sans les éloigner contre leur volonté de leur territoire ». Cela suppose, a-t-elle précisé, de respecter leurs droits d’exercer leurs propres pratiques médicinales, de les associer pleinement à l’élaboration des programmes de santé les concernant et de ne pas les discriminer ou les traiter sans leur consentement. « Cela relève du bon sens », a-t-elle insisté. « Qui voudrait se voir imposer des pratiques médiales étrangères à ses valeurs? »
La tuberculose est l’une des 10 premières causes de mortalité dans le monde, a rappelé la représentante de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui a élaboré un plan d’action stratégique pour éradiquer la maladie d’ici à 2030. Or, nous risquons de ne pas être en mesure d’atteindre l’objectif fixé, a-t-elle mis en garde, appelant les États à intégrer davantage les bonnes pratiques préconisées par l’OMS pour accélérer l’éradication de la maladie, notamment en renforçant la consolidation et l’analyse des données ventilées par région, y compris chez les peuples autochtones. Il convient également d’évaluer davantage le fardeau social et économique de la maladie chez ces peuples, a ajouté la représentante, afin de mieux comprendre les obstacles à l’accès aux tests de dépistage et aux soins.
Nous devons avoir accès à des services de santé adaptés à nos cultures pour maintenir « la santé de nos esprits autant que celle de nos corps », a estimé un représentant autochtone de l’ONG International Indian Treaty Council. À ses yeux, en effet, l’un des principaux problèmes de santé dont sont victimes les peuples autochtones a trait au nombre « alarmant » de suicides des jeunes autochtones, le groupe démographique selon lui le plus touché au monde par ce phénomène, aux côtés des jeunes LGBT autochtones. Le risque de maladies mentales augmente quand les discriminations sont élevées, a, quant à elle, déclaré une représentante LGBT du peuple Sami. « Or, nous sommes encore un tabou au sein de notre communauté », a-t-elle déclaré, soulignant que les organisations LGBT samies existantes étaient paralysées par le manque de financement. Elle a appelé le Parlement Sami à commanditer un rapport sur la question et à entreprendre des recherches sur l’amélioration de l’accès à la santé mentale des Samis LGBT.
Les données montrent également que les peuples autochtones sont particulièrement touchés par la transmission du virus du sida, a noté une représentante du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA). Accéder aux soins pour ces populations est très difficile, a-t-elle regretté, précisant que l’ONUSIDA travaillait avec le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour accélérer l’accès des peuples autochtones aux systèmes de prévention et de traitement. Elle a appelé les États à renforcer les programmes nationaux de lutte contre le sida pour qu’ils bénéficient aussi aux peuples autochtones, recommandant d’entamer avec eux un dialogue sur la santé reproductive, afin qu’ils puissent s’approprier les pratiques sanitaires et traitements disponibles.
« Plusieurs personnes sont venues me voir ces derniers jours pour mettre l’accent sur l’existence de formes de stérilisation des femmes autochtones », a par ailleurs déclaré M. Les Malezer, membre australien de l’Instance permanente. Certains pays, y compris les États-Unis, mais d’autres également, se livreraient encore à ces pratiques, a-t-il ajouté, tout en admettant qu’il existe à l’heure actuelle peu de données sur l’ampleur du phénomène. « C’est peut-être une forme de contrôle de la population, voire de génocide dans certains cas », a hypothéqué M. Malezer, pour qui cette pratique reviendrait à tenter de « refuser l’identité et l’existence des peuples autochtones à travers l’Histoire ». M. Malezer a demandé conseil au FNUAP sur la façon de donner suite à la question dans les travaux et recommandations de l’Instance permanente, afin notamment de commanditer un futur rapport.