Le Conseil de sécurité appelle la Serbie et les nouvelles autorités du Kosovo à surmonter leurs divergences et à reprendre le dialogue
Réunis cet après-midi pour examiner la situation au Kosovo, les membres du Conseil de sécurité ont appelé les parties serbe et kosovare à reprendre leur dialogue, interrompu depuis près d’un an, en profitant de la dynamique créée par les élections du 6 octobre qui ont donné la victoire à l’opposition, sans taire leurs inquiétudes sur le manque de progrès.
Dans son exposé, M. Zahir Tanin, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) est revenu sur les incidents du 28 mai, lors desquels deux membres du personnel de la Mission ont été arrêtés par la police du Kosovo, sérieusement passés à tabac et blessés, avant d’être finalement remis en liberté.
Les conclusions de l’enquête que M. Tanin avait mandatée a détaillé les graves blessures et leurs conséquences, confirmant que les deux personnels se trouvaient dans l’exercice de leurs fonctions au moment de leur arrestation. Il a rappelé que le personnel international a été ensuite déclaré « non grata » par les autorités, un « concept inapplicable à un membre de l’ONU », a-t-il relevé.
Cependant, le haut fonctionnaire a salué la tenue des élections générales du 6 octobre qui semblent avoir donné la victoire à l’opposition et espéré que cette nouvelle équipe dirigeante promouvrait l’état de droit. Surtout, « la communauté internationale attend des responsables qu’ils réaffirment leur engagement à négocier avec Belgrade et à lever les obstacles au dialogue, à l’arrêt depuis un an », a-t-il insisté en appelant Belgrade et Pristina à « se montrer responsables ».
Les incidents de mai ont été unanimement condamnés par les membres du Conseil qui ont rappelé la police kosovare à ses devoirs au regard du droit international. La Belgique a regretté un climat « d’intimidation et un choix limité offert aux électeurs » lors du scrutin au Kosovo, appelant à la prudence tant que le processus de décomptage et de vérification n’est pas achevé, « afin d’éviter toute contestation du résultat ».
Mais l’enjeu essentiel, ont-ils convenus, est désormais de renouer le dialogue entre les deux capitales sous l’égide de l’Union européenne. Pour la France, il faut mobiliser toutes les énergies en vue de normaliser les relations entre Pristina et Belgrade: sa représentante a espéré « que le nouveau Gouvernement du Kosovo, dès qu’il sera formé, en fera sa priorité et qu’il trouvera à Belgrade un partenaire engagé ». La Côte d’Ivoire a déploré le peu de progrès réalisés dans la mise en œuvre des accords et de la normalisation entre les deux parties, appelant les autorités kosovares à œuvrer en faveur de l’apaisement et de la décrispation.
« Trop de temps a déjà été perdu », a estimé l’Allemagne, qui a prié le Gouvernement kosovar de lever les droits de douane (de 100%) imposés aux biens serbes tout en demandant à la Serbie de reconnaître l’existence du Kosovo. Pour le Royaume-Uni également, la reprise du dialogue doit être une priorité et les deux parties s’abstenir de toute provocation. Mais il les a aussi appelées à poursuivre les auteurs de crimes et de violences sexuelles, 19 ans après la fin du conflit.
La République dominicaine a plus largement suggéré aux parties de reconsidérer toutes les mesures unilatérales qui ralentissent la reprise du dialogue et à prendre celles susceptibles de rétablir la confiance de la population.
Pour la Russie, c’est la complaisance des Occidentaux en faveur de Pristina qui favorise les agressions de Serbes du Kosovo, qui veut le départ de la Mission et la boycotte de facto, a accusé le représentant. « Mais les problèmes ne se règlent pas et même s’accumulent. » Aussi pour lui, « les appels à réduire la MINUK sont infondés ».
Lors de leurs prises de parole respectives, le Ministre des affaires étrangères de Serbie et la représentante du Kosovo ont chacun rejeté sur l’autre la responsabilité de l’impasse actuelle. L’Accord de Bruxelles a été mis en œuvre côté serbe, a affirmé le Ministre. Il a assuré que son pays reste disposé au dialogue « dès demain » et dénoncé les « caprices de Pristina » et ses actions unilatérales qui ne visent qu’à faire « avorter la poursuite du dialogue ». Compte tenu de la situation sur le terrain, la Serbie estime que la MINUK, de même que les autres missions au Kosovo et à Metohija –EULEX, KFOR, OMIK- doivent continuer leur travail, dans la droite ligne de la résolution 1244 (1999).
De son côté, la représentante du Kosovo a jugé que le maintien de la Mission était inutile dans un pays en paix, de même que les séances régulières du Conseil de sécurité consacrées à son pays. Quant au dialogue, « ce n’est pas se serrer les mains, mais accepter l’autre sur un pied d’égalité » et « reconnaître son existence et son indépendance ». Elle a enfin affirmé que la police du Kosovo avait fait preuve d’un « professionnalisme exemplaire » quand elle a interpellé les deux membres de la MINUK qui, selon elle, « entendaient protéger les membres du gang qu’elle était venue arrêter ».
RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ - (S/2019/797)
Déclarations
M. ZAHIR TANIN, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) a rappelé la tenue, le 6 octobre dernier, des élections générales qui semblent donner la victoire à l’opposition, selon les premiers résultats, modifiant ainsi le paysage politique. Le scrutin s’est tenu à un moment de fortes divisions politiques internes et de doute de la part de la population sur les capacités de la classe politique à tenir ses promesses. Il a mobilisé un taux de participation inédit dans l’histoire récente et a été jugé positivement par les observateurs internationaux, a noté le haut fonctionnaire. Pour la première fois, un des principaux partis a désigné une femme comme candidate au poste de premier ministre, a-t-il résumé.
Le représentant a en conséquence espéré que cette nouvelle équipe dirigeante allait promouvoir l’état de droit, lutter contre la corruption et la criminalité organisée et lutter contre le chômage. La communauté internationale attend des responsables qu’ils réaffirment leur engagement à négocier avec Belgrade et à lever les obstacles au dialogue, à l’arrêt depuis un an. M. Tanin a salué les efforts des acteurs internationaux pour le relancer, estimant toutefois que ce dialogue ne serait viable que si Belgrade et Pristina se montrent responsables.
Il est ensuite revenu sur les incidents en date du 28 mai, au cours desquels deux membres du personnel de la MINUK, un local et un international, ont été arrêtés par la police du Kosovo, malmenés et blessés lors d’une opération visant le crime organisé, avant d’être finalement remis en liberté. Il a alors désigné une équipe d’enquête composée de membres du secrétariat et extérieurs à la Mission, qui a interrogé plus de 50 témoins et examiné de nombreuses preuves. Cette équipe a présenté les faits et la nature des graves blessures et leurs conséquences, confirmant que les deux personnels se trouvaient dans l’exercice de leurs fonctions au moment de leur arrestation et qu’ils n’avaient pas commis d’infractions. Leur arrestation, détention et les procédures judiciaires qui s’en sont ensuivies ont constitué une claire violation de l’immunité dont ils bénéficient, a accusé le Représentant spécial.
D’autant que le personnel international a été déclaré « non grata », concept inapplicable à un membre de l’ONU: ces actions sont inacceptables et déplorables, a tonné le haut fonctionnaire. Les procédures en cours doivent donc cesser dans les meilleurs délais et les autorités du Kosovo ouvrir une enquête pour déterminer les responsables et prendre des mesures. Tant que le Conseil conserve le mandat d’une présence internationale au Kosovo, il a espéré que les autorités du Kosovo et la MINUK agiraient dans le respect mutuel. Ce mandat consiste justement à mettre l’accent sur l’état de droit et l’accès à la justice, notamment avec la création en cours au Nord du Kosovo du premier centre régional d’accueil des victimes de violences sexistes. La Mission avance également pour établir le premier dictionnaire albanais-serbe et serbe-albanais depuis 1984 grâce au recrutement d’experts, a ajouté M. Tanin. En revanche, il a appelé à davantage de contributions pour répondre aux besoins des communautés vulnérables ashkali, égyptienne et rom.
M. IVICA DAČIĆ, Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangère de la Serbie, a déclaré que cette intervention était la vingt-deuxième qu’il faisait devant le Conseil de sécurité. « Malheureusement, en sept ans, rien n’a été fait au Kosovo et à Metohija pour permettre que les populations serbes et autres non albanaises puissent vivre une vie digne d’un être humain », a-t-il dit, en ajoutant que ces populations ne devaient pas être prisonnières dans l’attente d’une « solution durable » qui n’est toujours pas trouvée. Avant tout accord, ces peuples doivent pourvoir jouir du droit à la sécurité, au retour, à l’emploi, et jouir de leurs droits politiques, culturels et religieux, a-t-il aussi indiqué.
M. Dačić a ensuite déclaré que l’Accord de Bruxelles, qu’il avait lui-même signé lorsqu’il était Premier Ministre de Serbie il y a six ans, représente une lueur d’espoir, tant il était le résultat de négociations et de décisions politiques difficiles. Il était le signe de la volonté de la Serbie d’avancer sur la question du Kosovo par un compromis, a-t-il dit. Cet accord a donc été mis en œuvre du côté serbe. Pour cette raison aussi, la Serbie reste disposée au dialogue et à la reprise des discussions dès demain, a assuré son Ministre des affaires étrangères, ajoutant que les habitants du Kosovo et Metohija ne devraient pas dépendre des caprices de Pristina et de ses actions unilatérales qui ne visent qu’une seule chose: faire avorter la poursuite du dialogue.
Le Ministre serbe s’est également exprimé sur la décision du Kosovo d’imposer une taxe douanière de 100% sur les produits en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine, après avoir tenté d’adhérer à INTERPOL. Alors que cette décision a été condamnée par la communauté internationale dans son entièreté, ces tarifs continuent d’être appliqués depuis un an, causant des dommages équivalents à des centaines de millions de dollars, a chiffré le représentant, en refusant par ailleurs que l’on dresse un parallèle entre les actions de Belgrade et celles de Pristina. Selon lui, les actions de la Serbie sont motivées par la campagne menée par le « soi-disant Kosovo » pour se faire reconnaître au plan international, après l’autoproclamation de son indépendance, « avec le soutien de certains d’entre vous », a-t-il dit.
« Si vous demandez à la Serbie de cesser sa campagne, demandez en autant à Pristina et cessez vous-mêmes la vôtre », a encore lancé le Ministre des affaires étrangères, ajoutant que pendant que l’on demande à la Serbie de cesser ses actions, le « soi-disant Kosovo », avec des diplomates albanais, bat campagne tout autour du monde pour se faire reconnaître. Pendant ce temps, l’Organisation pour la coopération islamique demande aux pays musulmans de reconnaître le Kosovo; pendant ce temps, les États-Unis et le Royaume-Uni en particulier demandent aux États Membres et au Conseil de sécurité, à chacune de ses réunions, de reconnaître le Kosovo. « Nous sommes petits, mais nous ne sommes pas stupides », a-t-il dit, ajoutant que la reconnaissance du Kosovo par 15 pays nuit au dialogue, de même que l’absence de volonté de Pristina de mettre en œuvre l’Accord de Bruxelles. La Serbie reste pour sa part prête au dialogue, a-t-il redit.
M. Dačić est également revenu sur les élections générales organisées au Kosovo et à Metohija. Il a indiqué que son Gouvernement avait pourtant mis en garde sur la possibilité que ces élections soient utilisées pour cibler les Serbes. Malheureusement, c’est ce qui est arrivé, a-t-il dit, assurant que des Serbes ont été victimes de provocation, attaqués et leurs cimetières vandalisés. En dépit de cela, le résultat a déplu à Pristina, au point de demander qu’elles soient reprises. Cette « manipulation » devrait montrer à la communauté internationale la véritable intention de Pristina. Par ailleurs, Pristina continue de faire circuler de fausses informations, y compris sur la violence sexuelle, allant jusqu’à chiffrer à 20 000 le nombre de victimes, lorsque le rapport du Secrétaire général ne mentionne que 406 personnes reconnues comme telles, sur 1 057 requêtes reçues.
Sur la base de ces faits et compte tenu de la situation sur le terrain, le ministre des affaires étrangères a indiqué que son Gouvernement estime que la MINUK, de même que les autres missions au Kosovo et à Metohija –EULEX, KFOR, OMIK- devraient continuer leur travail, dans la droite ligne de la résolution 1244 (1999) qui réaffirme l’intégrité territoriale de la République de Serbie, a conclu M. Dačić.
Mme VLORA ÇITAKU, du Kosovo, a estimé que sa présence devant le Conseil n’était pas le signe d’une crise mais un signe de confiance, en rappelant la tenue des élections du 6 octobre et les progrès effectués depuis 20 ans « grâce aux efforts de l’ONU ». La démocratie n’est pas un exercice facile mais selon elle, le Kosovo n’a cessé de se montrer à la hauteur de la tâche. Ces élections, a-t-elle indiqué, se sont déroulées dans un saint esprit de compétition de la part de tous, à l’exception des citoyens serbes qui ont menacé, intimidé et fait pression pour faire voter en faveur de leur parti, comme cela a été méticuleusement consigné par les observateurs internationaux, a-t-elle argué. Mme Çitaku a accusé le Gouvernement de Serbie d’instrumentaliser les citoyens serbes du Kosovo et de violer quotidiennement leurs droits. Ceci doit prendre fin, a-t-elle souligné. Depuis 20 ans, les Serbes avancent de faux chiffres concernant 200 000 d’entre eux qui auraient fui le Kosovo en 1999. Or, en 1981, le recensement indiquait qu’ils étaient 209 000, donc comment peuvent-ils être 60 000 aujourd’hui? a-t-elle demandé en appelant les Serbes à cesser de brandir de fausses données et à surmonter leur rancœur, car la réalité est là, a-t-elle tranché: le Kosovo ne se laissera pas dicter sa conduite ou être intimidé. L’intervenante a ensuite accusé la Serbie d’avoir bloqué la candidature du Kosovo à INTERPOL par une campagne de diffamation, tout en assurant qu’elle sera de nouveau présentée l’an prochain.
Le Kosovo a selon elle déjà fait la preuve de sa capacité à engager une transition en douceur et fait des efforts considérables de modernisation, renforcement des capacités et harmonisation avec les normes de l’OTAN et prend une part active à la coalition anti-Daech. Selon elle, la police du Kosovo a fait preuve d’un « professionnalisme exemplaire » quand elle a interpellé les deux membres de la MINUK qui entendaient protéger les membres du gang qu’elle était venue arrêter. Cette opération de police a été filmée et la vidéo rendue publique. De plus, elle a affirmé avoir les preuves que la MINUK avait prévenu les employés de l’ONU de se tenir à l’écart ce jour-là, mais ils sont passés outre, a regretté Mme Çitaku. Une enquête est en cours dont elle a promis de partager les conclusions le moment venu.
Enfin, la représentante a estimé qu’il n’y avait plus de raisons pour le Conseil de se réunir aussi souvent sur le Kosovo ni de prolonger une mission « dénuée de tout objectif », alors que le Kosovo est devenu un « pays libre, indépendant et souverain ». Pour elle, ces réunions ne servent qu’à permettre à la Serbie de nier la réalité et le fait qu’elle refuse de reconnaître l’existence de « l’État » du Kosovo n’en fait pas moins un véritable État. C’est ce qui rend le dialogue si important, a-t-elle poursuivi, mais il ne peut s’établir sur du vide: comment croire que la Serbie est sincèrement prête au processus de réconciliation alors qu’elle n’a mis en œuvre aucun des engagements auxquels elle a souscrit à Bruxelles? a-t-elle insisté. « Le dialogue, ce n’est pas se serrer les mains mais d’accepter l’autre sur un pied d’égalité » et de reconnaître son existence et son indépendance. Le Kosovo n’étant pas un projet temporaire mais qui va durer. Il n’y a pas de « Grande Albanie », c’est un mythe, a-t-elle insisté. « Le Kosovo veut la paix, il est prêt à poursuivre le dialogue, mais pas aux dépends de la vérité ». Enfin, il n’y aura pas de paix sans justice et il est temps d’en faire une priorité: on le doit aux victimes, a-t-elle fait valoir. Ceux qui ont perpétré des crimes atroces doivent être traduits devant la Cour de justice et le tribunal de la conscience, a ajouté Mme Çitaku.
M. DAVID CLAY (Royaume-Uni), dont le Gouvernement reconnaît le Kosovo, a salué toutes les mesures prises par Pristina, y compris en matière de justice. Le Kosovo devrait cependant faire plus pour lutter contre le crime organisé transnational, a-t-il souhaité. Pour le Royaume-Uni, la police du Kosovo doit pouvoir opérer dans le nord du Kosovo, conformément au droit. La délégation espère que le nouveau Gouvernement travaillera à la reprise du dialogue avec Belgrade et à la construction d’une société multiculturelle. Elle déplore que certains aspects de l’Accord de Bruxelles ne soient pas totalement mis en œuvre, a conclu le représentant.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a rappelé que le Kosovo avait tenu, le 6 octobre, des élections législatives qui se sont déroulées dans de bonnes conditions malgré des mesures d’intimidation dans certaines localités. La représentante a appelé à la formation rapide du nouveau gouvernement afin qu’il mette en œuvre les réformes dans le domaine de l’état de droit. Elle a relevé que les efforts constants de la MINUK contribuent à la promotion de la sécurité, de la stabilité et au respect des droits de l’homme au Kosovo et dans la région.
L’enjeu essentiel qui doit mobiliser toutes les énergies, reste la normalisation des relations entre Pristina et Belgrade, a poursuivi la représentante, dans le cadre du dialogue mené sous l’égide de l’Union européenne. « Nous regrettons qu’il soit interrompu depuis près d’un an et espérons que le nouveau Gouvernement du Kosovo, dès qu’il sera formé, en fera sa priorité et qu’il trouvera à Belgrade un partenaire engagé », a déclaré Mme Gueguen. Avant de terminer, elle a réaffirmé que la France est convaincue de l’avenir européen de la Serbie et du Kosovo. Cela implique selon elle la poursuite des réformes nécessaires pour consolider l’état de droit. Au Kosovo, l’EULEX (mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo) contribue à cet objectif, en mettant l’accent sur l’efficacité, la déontologie et le caractère multicommunautaire du système judiciaire kosovar, a-t-elle souligné en prônant, pour aller au-delà, la normalisation complète des relations entre Belgrade et Pristina, condition nécessaire à l’avenir européen des deux pays.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit souscrire aux préoccupations exprimées par la délégation serbe. Tout comme elle, la sienne constate que « la situation n’est pas à l’optimisme » d’autant que les activités de l’UE semblent « au point mort ». Il est dans ce contexte important que ces activités reprennent, et la Fédération de Russie a espéré que la formation de la nouvelle Commission européenne le permettra « sans parti pris », a insisté le représentant.
M. Nebenzia a ensuite déclaré qu’il fallait cesser « la pratique de connivence », qui favorise « les provocations » de Pristina et tue le dialogue. Cette « complaisance des Occidentaux » favorise par ailleurs les agressions de Pristina contre la MINUK, a assuré le représentant, en se félicitant au passage de la « retenue de Belgrade ».
Revenant sur l’agression dont a été victime un membre du personnel de la MINUK, il s’est alarmé de sa violence, en pleine violation de l’immunité dont jouissent les personnels de la Mission. Ces évènements montrent « l’absence de maturité » des forces du Kosovo et « leur faible niveau de culture », outre qu’ils posent la question de l’éventualité de leur entrée dans des instances internationales comme INTERPOL, a indiqué le représentant.
L’attitude de Pristina montre aussi que le Kosovo souhaite le départ de la MINUK, appuyée par « les voix » qui, ici, demandent une réduction de sa présence, en pleine violation de la résolution 1244 (1999). Ce projet est dans la grande ligne du projet d’une « grande Albanie », qui en réalité, est une « bombe » et une menace à la paix et à la stabilité dans la région, a prévenu le représentant.
Il a également déclaré que l’incapacité des porte-plumes est « préoccupante ». Selon lui, ils ne sont même pas capables de dire ce qui se passe dans cette région. Mais imposer une normalisation entre Belgrade et Pristina, « selon un calendrier artificiel », est contreproductif. La Fédération de Russie pour sa part préparé un projet de déclaration présidentielle qu’elle espère voir adoptée à l’unanimité des membres du Conseil de sécurité, a-t-il annoncé en conclusion.
M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a vivement critiqué la longueur des interventions de la Serbie et du Kosovo devant le Conseil de sécurité, « très au-delà des cinq minutes allouées par le règlement », a-t-il noté. Il a cependant noté que l’opposition kosovare avait pu mener campagne pour des élections libres et justes au Kosovo qui ont conduit à un changement de gouvernement. Il faut maintenant qu’un gouvernement soit rapidement formé et qu’il respecte la primauté du droit, et que le dialogue facilité par l’Union européenne entre les deux capitales se poursuive sans tarder: trop de temps a déjà été perdu, a estimé le représentant. Il a prié le Gouvernement kosovar de lever les droits de douane et demandé à la Serbie de reconnaître l’existence du Kosovo. La MINUK doit s’adapter à la nouvelle situation et l’heure est venue d’engager une transition des tâches de la Mission vers les autorités kosovares, a souhaité le représentant en estimant que « le dictionnaire c’est très bien, mais d’autres organisations peuvent sans doute s’en charger ». Enfin sur les incidents du 28 mai, il a répété la nécessité de respecter le droit international et les personnels de l’ONU.
M. JOSÉ MANUEL TRULLOLS YABRA (République dominicaine) a estimé que les élections parlementaires du 6 octobre ont été un modèle de civisme et d’esprit démocratique. Il s’est alarmé en revanche de l’impasse du processus de normalisation des relations entre Belgrade et Pristina laquelle, si elle vient à se prolonger, mettrait en péril la stabilité observée jusqu’à présent. Il a donc exhorté les parties à poursuivre les discussions formelles sous le format actuel pour insuffler un nouvel élan aux négociations pour la paix tant du pays que de la région. Le représentant a aussi lancé un appel aux parties en vue de reconsidérer toutes les mesures unilatérales qui ralentissent la reprise du dialogue et encouragé à des mesures susceptibles de rétablir la confiance de la population.
Les activités de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK) visant à la promotion de l’autonomisation des jeunes, du multilinguisme, du dialogue intercommunautaire et du respect des droits de l’homme sont fondamentales dans ce contexte, a-t-il affirmé, en évoquant également la participation des femmes et des jeunes au processus démocratique et à la prise de décisions. Le représentant a salué par ailleurs la reprise de travaux de recherche des personnes disparues et l’amendement à la loi sur ces personnes au Kosovo, facteur clef de la réconciliation et du droit des familles à connaître le sort de leurs proches. Il a également plaidé pour le traitement des survivantes de violences sexuelles commises au lendemain du conflit et qui sont toujours exclues des plans de réparations. À ce sujet, il a considéré que le calcul du nombre des victimes ne se termine pas avec la fin du conflit, et encore moins dans les cas de violences sexuelles. M. Trullols Yabra a espéré par ailleurs que l’enquête de l’équipe ad-hoc sur la détention de deux membres de la MINUK débouchera sur une description détaillée de l’incident et répondra aux inquiétudes de la communauté internationale relatives à cette situation pour le moins confuse. Il a enfin appelé toutes les parties à respecter les engagements pris dans la Déclaration de Bruxelles et dans la résolution 1244 (1999).
M. MICHAEL BARKIN (États-Unis) a rappelé que la MINUK a été créée en 1999, et 20 ans plus tard, a—t-il jugé, certains de ses objectifs ont été réalisés alors que d’autres sont devenus tout simplement obsolètes. Il a donc estimé que l’ONU peut accompagner autrement le développement du Kosovo, en insistant sur le fait que Mission n’a plus de raison d’être. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président Trump a désigné un ambassadeur pour les pourparlers entre la Serbie et le Kosovo.
M. Barkin a ensuite relevé que les droits de douane appliqués par le Kosovo sur certains produits serbes aggravent la situation sur le terrain, de même que la campagne de non reconnaissance du Kosovo par la communauté internationale, engagée par la Serbie, n’arrange pas la situation. Il a donc invité cette dernière à mettre fin à cette campagne, tout en invitant les deux pays à intégrer toutes les composantes de leur société dans la gestion des affaires publiques, notamment les femmes.
Au sujet de l’incident du 28 mai, le délégué a dit attendre le résultat des enquêtes diligentées. En attendant, les États-Unis ont fait part de leur préoccupation quant à l’usage excessif de la force contre des personnels onusiens. En conclusion, le représentant a dit que l’on sait tous exactement ce qui est nécessaire: un accord entre les deux parties pour normaliser leurs relations. Il a invité la communauté internationale à encourager les deux pays à renoncer à tout acte contraire à la normalisation des relations, arguant que cela est contreproductif et ne conduira jamais au règlement du différend.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que le rôle historique de la MINUK est considérable. Mais la situation sur le terrain a fortement évolué dans le contexte où d’autres missions internationales ont repris son rôle. De ce fait, il est temps de faire une évaluation des avantages comparatifs de la MINUK, a plaidé la représentante. Elle a ensuite déclaré que son pays est très attaché à la paix et à la stabilité dans les Balkans. Pour cela, la Pologne estime que la normalisation entre Pristina et Belgrade est essentielle. Et elle estime aussi que l’UE devrait pousser à un instrument juridiquement contraignant pour parvenir à cette normalisation, a argué Mme Wronecka. Pour cette raison, la délégation a demandé au Kosovo de lever les taxes imposées aux biens en provenance de Serbie et à la Serbie de cesser de saboter la reconnaissance du Kosovo sur le plan international, a ajouté la représentante.
M. HAITAO WU (Chine) a rappelé que la Chine avait toujours été d’avis que la résolution de la question du Kosovo passe par un accord entre les parties, dans le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il a souhaité que le Kosovo mette fin à sa politique de hausse des droits de douane sur des produits serbes et mette pleinement en œuvre les accords de Bruxelles. Il a appelé les parties à ne pas poser d’actes susceptibles de raviver les tensions. Le délégué a estimé qu’au vu de la situation actuelle, il serait opportun que le Conseil reste saisi de la question du Kosovo. Le délégué a déploré les obstacles auxquels la MINUK se heurte dans l’exécution de son mandat, tout en invitant les parties à respecter le statut du personnel onusien de la Mission.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a invité les parties à adopter de manière sincère des mesures de désescalade des tensions sur le terrain, y compris en se gardant de mener des actes de vandalisme sur des sites religieux. Il a ensuite appelé à la reprise du dialogue, arguant que c’est la seule voie pour parvenir à une solution gagnant-gagnant pour les deux parties. Il a indiqué que ce dialogue doit se faire sous les auspices de l’UE, sans délai, afin de ramener l’unité dans la région. Le délégué a d’ailleurs regretté qu’aucune réunion de haut niveau n’ait eu lieu entre Belgrade et Pristina dans le cadre du dialogue facilité par l’UE. Il a ensuite souligné l’important rôle de la MINUK. Au sujet de l’incident de Zubin Potok, qui impliquait un membre du personnel de la Mission interpellé par les autorités dans le nord du Kosovo, M. Syihab a demandé qu’une enquête soit menée sur cet acte qui viole clairement l’immunité d’un personnel international de l’ONU selon lui.
M. JARRAH JABER ALAHMAD ALJABER ALSABAH (Koweït) a plaidé pour la reprise d’un dialogue entre Belgrade et Pristina, sous les auspices de l’Union européenne. Seul ce dialogue peut permettre une résolution de la question, a dit le représentant. Il s’est ensuite réjoui du rôle joué par la MINUK en matière d’instauration de l’état de droit et de la justice. Le Koweït est d’avis que la communauté internationale devrait continuer d’offrir un soutien au Kosovo et à la Serbie pour les aider à résoudre leurs différends et pour qu’ils puissent parvenir à une normalisation, a conclu son représentant.
M. TIÉMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a appelé les partis politiques vainqueurs des dernières élections au Kosovo à consentir aux compromis nécessaires en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. Celui-ci, a-t-il précisé, devra apporter des réponses pérennes aux nombreux défis auxquels le Kosovo est confronté, notamment la normalisation des relations avec la Serbie, la réconciliation entre les différentes communautés du Kosovo et le développement économique du pays. Le représentant a déploré le peu de progrès réalisés dans la mise en œuvre de certains des accords signés entre les deux parties, ainsi que les retards dans le processus de normalisation des rapports entre les deux pays. M. Moriko a exhorté les autorités politiques kosovares à œuvrer en faveur de l’apaisement et de la décrispation du climat sociopolitique. Il les a invitées à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’éliminer tous les obstacles à la création de l’association des municipalités à majorité serbe au Kosovo.
Le représentant a appelé à la reprise des négociations afin d’insuffler une nouvelle dynamique au processus de réconciliation. Il a aussi appelé à la promotion des droits de l’homme et à un règlement définitif de la question de la pleine reconnaissance internationale du Kosovo et de sa participation à toutes les organisations internationales. De plus, il a plaidé en faveur de la suppression totale des droits de douane sur les produits importés de Serbie et de Bosnie. Enfin, le délégué a indiqué qu’un accord entre les deux pays devrait permettre la suspension par la Serbie de sa campagne internationale visant à convaincre les pays ayant reconnu le Kosovo en tant qu’État indépendant de révoquer cette reconnaissance.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERE (Belgique) a déclaré que les récentes élections du Kosovo avaient bénéficié d’une bonne organisation. Néanmoins, a-t-il regretté, au sein de la communauté serbe-kosovare, ces élections ont été caractérisées par un climat d’intimidation et un choix limité offert aux électeurs. Il est par ailleurs important, a estimé le représentant, que le processus de comptage et de vérification soit mené à son terme afin d’éviter toute contestation du résultat. M. Pecsteen de Buytswere a également souhaité que la formation du nouveau gouvernement donne l’occasion de garantir une participation active et significative des femmes ainsi que leur représentation égale. Il a appelé les partis politiques à mettre en œuvre toutes les recommandations des missions d’observation d’élections de l’Union européenne successives, conformément à leur déclaration conjointe d’avril 2019. Enfin, le représentant a encouragé le prochain gouvernement à poursuivre le processus de réformes, notamment dans le domaine de l’état de droit.
M. AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) s’est dit préoccupé par la stagnation des tentatives visant à raviver le dialogue politique entre Belgrade et Pristina. Déplorant la « rhétorique incendiaire » et les « provocations » de part et d’autre, au détriment de la situation sur le terrain, le représentant a regretté le fait qu’aucune réunion de haut niveau entre les parties n’ait été organisée dans le cadre du dialogue facilité par l’UE, à l’image de l’annulation de la rencontre programmée à Paris en juillet dernier. Pour inverser cette tendance et garantir la stabilité du Kosovo, le représentant a invité les parties à redoubler d’efforts en vue de mettre en œuvre les accords signés et de relancer le dialogue, notamment sous l’égide de l’UE.
M. PAUL DUCLOS (Pérou) a dit être préoccupé par la détérioration de la normalisation des relations entre Pristina et Belgrade. Il a déploré la rupture du dialogue entre les deux parties. Sa délégation a espéré une reprise de celui-ci, sous les auspices de l’Union européenne. Pour cette raison, la délégation a appelé à la levée de tous les obstacles entravant la reprise de ce dialogue, notamment les taxes douanières et la rhétorique de confrontation de la classe politique.
Le Pérou a aussi estimé que la responsabilité première d’une reprise du dialogue incombe aux autorités de Belgrade et de Pristina. Pour cette raison, la délégation a espéré que la formation d’un nouveau gouvernement au Kosovo permettra la reprise de ce dialogue, dans le respect de l’Accord de Bruxelles et de la résolution 1244 (1999).
Le Pérou a en outre reconnu le rôle de la Mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX), de la MINUK, tout comme celui de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR), de l’Union européenne, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de tous les autres organismes internationaux engagés dans la consolidation de la paix durable au Kosovo, a conclu son représentant.
M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a salué l’important rôle de la MINUK qui crée un environnement favorable au compromis, à la réconciliation et à la stabilité. Il s’est également félicité de l’engagement de la Mission avec toutes les parties prenantes, en vue de bâtir la confiance entre les communautés à travers le dialogue et par le biais d’initiatives visant à autonomiser les jeunes et les femmes. Le représentant s’est dit inquiet que l’affaire de l’arrestation d’un personnel de la MINUK n’ait pas encore été réglée, avant d’inviter Belgrade et Pristina à ne pas prendre d’actions ou utiliser une rhétorique qui pourrait augmenter les tensions et accroître les divisions. Il a convoqué l’histoire de l’Afrique du Sud pour témoigner du fait que son pays n’aurait pas pu réussir s’il ne s’était engagé dans un dialogue sincère et constructif. M. Mabhongo a donc invité toutes les parties à faire preuve de flexibilité et à prendre les mesures nécessaires pour la reprise du dialogue, afin de parvenir à une solution mutuellement acceptable et la normalisation des relations entre les deux parties.