Après l’annonce du « retour aux armes » d’anciens commandants des FARC-EP, le Conseil de sécurité résonne d’appels à préserver l’Accord de paix
Un dialogue est « essentiel » pour vaincre les obstacles à la mise en œuvre de l’Accord de paix en Colombie, a déclaré ce matin le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays M. Carlos Ruiz Massieu, en s’alarmant de l’annonce du retour aux armes par d’anciens commandants des Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP).
Venu présenter le rapport du Secrétaire général aux membres du Conseil de sécurité, M. Massieu a jugé ce dialogue d’autant plus essentiel que, deux ans après avoir déposé les armes, la vaste majorité des anciens combattants de l’ancienne rébellion des FARC-EP reste engagée en faveur de l’Accord de paix. « Mieux encore, des milliers d’entre eux ont repris des études universitaires, reçoivent des formations professionnelles, ont trouvé du travail dans des coopératives ou encore dans des activités liées à la mise en œuvre de l’Accord de paix », s’est-il réjoui.
En effet, plus de 90% des anciens combattants des FARC-EP respectent les engagements pris et les deux tiers se montrent confiants dans l’avenir, a confirmé le Ministre des affaires étrangères de la Colombie, assurant de la détermination de son gouvernement à les réintégrer, comme le souhaite le peuple colombien.
Mais cette « success story », selon la délégation allemande, semble menacée aujourd’hui, notamment par la récente annonce dont le Secrétaire général s’est également fait l’écho dans son rapport. Dans une déclaration vidéo datant du 29 août dernier, leur ancien négociateur en chef aux pourparlers de paix de La Havane, M. Iván Márquez, avait annoncé un retour aux armes, arguant que l’État colombien avait « trahi » l’Accord de paix. Márquez a appelé les dissidents des FARC-EP à revenir dans le giron du groupe et annoncé que celui-ci allait chercher à se coordonner avec l’Armée de libération nationale (ELN).
D’autres faits menacent aussi le processus de paix, notamment le retour de la violence, a fait observer le Représentant spécial. Ainsi, durant la période considérée, la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, dont M. Massieu est le Chef, a confirmé 21 meurtres d’anciens membres des FARC-EP, ce qui porte à 52 le nombre total d’homicides commis en 2019. Si cette tendance venait à se poursuivre, les meurtres commis en 2019 dépasseraient ceux signalés en 2018, s’est-il alarmé. Depuis la signature de l’Accord de paix, la Mission a recensé un total de 147 homicides, 12 disparitions et 21 tentatives de meurtre, précise le rapport.
En outre, la situation de 8 000 ex-combattants vivants hors des anciens secteurs territoriaux de formation et de réintégration pose un danger potentiel pour le processus. Ces personnes ont en effet un accès limité aux bénéfices de l’Accord de paix et sont donc de fait plus vulnérables à la violence et au recrutement par les groupes armés illégaux.
Une situation susceptible de s’aggraver à l’approche des élections du 27 octobre, qui se tiendront en vue de désigner les 3 306 fonctionnaires locaux et départementaux, y compris les gouverneurs, maires et membres des administrations locales qui entreront en fonctions au 1er janvier 2020, a mis en garde le Représentant spécial, tout en notant que 12 partis se sont engagés à rejeter la violence.
Le Gouvernement colombien est au courant de cette situation, a reconnu son Ministre, ajoutant que plus de 20 mesures ont été prises pour protéger les défenseurs des droits et plus de 15 pour protéger les candidats aux élections.
« Rien ne peut justifier la violence », pas plus que l’annonce « mesquine » d’anciens commandants des FARC de revenir à la lutte armée ne remettra en cause l’engagement des autres envers la paix, ont commenté respectivement les représentants de la République dominicaine et du Pérou. La reprise des armes montre en tout cas que « ces hommes ne sont pas intéressés par la paix », a ajouté l’Indonésie.
« La mise en œuvre effective de cette décision serait un coup dur porté au processus de paix », a affirmé leur homologue ivoirien, son collègue belge estimant que « l’Histoire montrera à quel point ils ont tort ». Le Président colombien Ivan Duque a été appelé aujourd’hui à renforcer et garantir la sécurité des candidats, des dirigeants sociaux, des défenseurs des droits de l’homme et des ex-membres des FARC-EP dans un contexte préélectoral à hauts risques.
Mais paradoxalement, l’annonce d’anciens commandants des FARC-EP démontre aussi à quel point l’Accord de paix est « bien vivant », a analysé la France, la Pologne considérant que les élections du 27 octobre, ainsi que la signature du pacte de non-violence pendant la campagne, sont « des jalons pour la paix ». Selon le Royaume-Uni également, les seules solutions sont de renforcer la mise en œuvre de l’Accord et de poursuivre la réintégration économique et sociale des anciens combattants.
« Ce qu’il faut, c’est redoubler d’efforts pour que ce type de menaces n’échappent pas à notre contrôle », a résumé la délégation britannique, tandis que l’Indonésie a souligné « l’obligation d’honorer nos engagements pour que le processus de paix se poursuivre » et que les États-Unis souhaitaient que le Gouvernement colombien étende son autorité sur l’ensemble du territoire national.
Certes, mais ce sont les Colombiens eux-mêmes qui doivent décider du chemin qu’ils vont prendre pour parvenir à la paix, a nuancé la délégation russe. Le Conseil de sécurité ne doit pas en effet perdre de vue que la mise en œuvre de l’Accord ne peut « se faire d’un jour à l’autre », s’est justifié le Ministre colombien, en rappelant qu’il faudra compter « au moins 15 ans », ce que prévoit d’ailleurs l’Accord lui-même.
LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) – (S/2019/780)
Déclarations
M.CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a indiqué que le processus de paix suivait son cours en Colombie, malgré la période difficile qu’il a connue depuis son dernier exposé devant le Conseil de sécurité. Deux ans après avoir déposé les armes, la vaste majorité des anciens combattants de l’ancienne rébellion des FARC-EP restent engagés en faveur de l’Accord de paix. Des milliers d’entre eux ont repris des études universitaires, reçoivent des formations professionnelles, ont trouvé du travail dans des coopératives ou encore dans des activités liés à la mise en œuvre de l’Accord de paix. Il est important de souligner cet aspect, dans un contexte marqué par l’annonce, faite par d’anciens commandants rebelles du mouvement, d’un retour aux armes et ont mené des actions regrettables et injustifiés, a-t-il dit.
M. Massieu a également affirmé que des pas importants avaient été franchis depuis l’approbation par le Conseil national de réintégration de projets productifs. Le Gouvernement a en outre temporairement étendu le versement d’allocations mensuelles dans les anciens secteurs territoriaux de formation et de réintégration, où il a également mis en place des services publics et de sécurité, ainsi que l’aide alimentaire.
« Mais il faudrait aller plus loin », car aujourd’hui, seulement 14,7% des projets élaborés par d’anciens combattants et envoyés au Gouvernement ont été financés, a plaidé le Représentant spécial. Or, il est de première importance d’accélérer le décaissement des fonds, de garantir l’accès à la terre et d’assurer la pérennité et la viabilité des projets, à la fois pour les anciens combattants, mais aussi pour les communautés alentours. Par ailleurs, 8 000 ex-combattants vivants hors des anciens secteurs territoriaux de formation et de réintégration ont un accès limité aux bénéfices de l’Accord de paix et sont donc de fait plus vulnérables à la violence et au recrutement par les groupes armés illégaux, a mis en garde le haut fonctionnaire, avant d’ajouter que tout doit être fait en faveur de cette population.
Concernant la situation sécuritaire, le représentant spécial a fait état de sa préoccupation, liée notamment au fait que des anciens combattants des FARC-EP continuent de faire l’objet d’attaques ciblées. Depuis le dernier exposé du Représentant spécial il y a trois mois, pas moins de 20 d’entre eux ont été tués, portant à 151 le nombre total de tués depuis la signature de l’Accord. Il y a eu quelques avancées depuis la mise en œuvre de diverses mesures visant à garantir et renforcer leur sécurité, mais il faudrait faire plus, en particulier pour le budget de l’entité chargée de la sécurité des anciens combattants, a-t-il recommandé.
Alors que des élections départementales et locales doivent se tenir dans moins de trois semaines, lesquelles sont propices aux actes de violence, le Représentant spécial s’est réjoui de la signature d’un pacte entre 12 partis politiques rejetant toute forme de violence et appelant à la tenue d’une campagne et d’élections pacifiques.
S’agissant de l’Accord de paix, M. Massieu a indiqué que le dialogue était « essentiel » pour vaincre les obstacles à sa mise en œuvre. Pour cette raison, il a encouragé les parties, c’est-à-dire le Gouvernement et les FARC-EP à s’engager constructivement en faveur de ce processus, notamment à se saisir des mécanismes établis par ledit accord, à savoir la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’application de l’Accord de paix (CSIVI), mais aussi la Commission de la vérité. Les victimes doivent continuer de rester au centre du processus de paix, a souligné le haut fonctionnaire, en se réjouissant que 10 anciens commandants des FARC-EP se soient présentés devant la Juridiction spéciale pour la paix afin de reconnaître leurs responsabilités et de demander pardon aux victimes. Cela a été un moment fort de la mise en œuvre de l’Accord de paix, qui vise aussi la vérité, la réconciliation et la responsabilité.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a souligné que, près de trois ans après la signature de l’Accord de paix, des progrès significatifs avaient été enregistrés et que des milliers d’ex-combattants avaient été réintégrés. Néanmoins, ces progrès sont limités par d’importants défis, notamment la reprise d’activités armées d’une partie des anciens commandants des Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP). Le Gouvernement colombien, les FARC et autres parties ont immédiatement réagi, et la majorité des ex-FARC restent attachés au processus de paix, a relevé la représentante: Il faudra toutefois redoubler d’efforts pour que ce type de menaces n’échappent pas à notre contrôle, a-t-elle insisté.
Mme Pierce a reconnu les défis financiers et politiques auxquels est confronté le Gouvernement colombien mais a insisté sur l’importance d’un financement suffisant pour les zones rurales, essentiel pour la réconciliation, et sur celle du système de justice transitionnelle, car il est essentiel à la confiance du public et des anciens combattants. La présence accrue de l’État dans les zones rurales est d’autant plus importante face aux meurtres de dirigeants politiques et sociaux et d’ex-FARC, a ajouté la représentante.
Fait nouveau, des élections locales et départementales se tiendront fin octobre et c’est un jalon supplémentaire pour la paix, a estimé Mme Pierce, qui a déploré que certains candidats aient été tués ou menacés, mais s’est félicitée du pacte de non-violence pendant le scrutin signé par les parties. Elle a engagé chacun à l’appuyer.
M. LUIS UGARELLI (Pérou) a salué les efforts du Gouvernement colombien pour mettre en œuvre les termes de l’Accord de paix, de même que pour son engagement en faveur de la stratégie de paix et de réincorporation, qu’il assortit de mesures favorisant l’accès à la terre des communautés locales. Il est également important selon lui de continuer de soutenir les plus des deux tiers des anciens combattants des FARC qui se trouvent toujours en dehors des zones de transition consacrées à la formation et à la réintégration (EPTR). Les assassinats d’ex-combattants et leaders sociaux, exacerbés par la campagne électorale en cours, exigent d’avantage d’action pour protéger les candidats, notamment ceux de l’opposition et arrêter les responsables, a exhorté le représentant, qui a engagé le Président Duque à garantir le respect et la sécurité de ses opposants. Le délégué péruvien a catégoriquement rejeté l’annonce d’un retour à la lutte armée faite par d’anciens commandants des FARC. Mais cette décision « mesquine » ne remettra pas en cause l’engagement des autres envers la paix. Il a enfin insisté sur le rôle joué par la Commission vérité et réconciliation et les institutions de justice transitionnelle dans l’établissement des responsabilités, la garantie de justice, la réconciliation et le devoir de mémoire des victimes.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a dit saluer les progrès réalisés par le Président Duque et son gouvernement pour mettre en œuvre l’Accord de paix. Mais la République dominicaine estime aussi que les anciens combattants doivent être davantage intégrés, notamment par la pérennisation de leurs projets. De la même manière, elle estime que les 8 000 ex-combattants vivants hors des anciens secteurs territoriaux doivent bénéficier eux aussi des dispositions et avantages de l’Accord de paix.
La République dominicaine condamne fermement l’annonce par certains combattants de leur intention de reprendre les armes. « Rien ne peut justifier la violence », a dit le représentant, appelant le Gouvernement à prendre davantage de mesures pour mettre en œuvre de l’Accord de paix, en particulier dans le contexte des élections à venir. Ces mesures doivent toucher y compris les femmes et les combattants afro-colombiens, a-t-il insisté.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a souhaité que le Gouvernement colombien étende son autorité sur l’ensemble du territoire national, saluant notamment les efforts du Gouvernement d’Ivan Duque dans la lutte contre la drogue, puisque la culture de coca aurait diminué sensiblement en 2018.
Les deux tiers des anciens combattants se trouvent cependant encore en dehors des zones de transition consacrées à la formation et la réintégration (EPTR), a regretté la représentante, qui a condamné les violences à l’encontre de tous les responsables politiques et sociaux, surtout à la lumière des premières élections depuis la signature de l’Accord. Elle a salué le pacte de non-violence signé à cette occasion et encouragé chacun à le respecter mais s’est dite alarmée des menaces qui pèsent contre ceux qui conduisent les programmes indispensables de substitution à la coca. Pour réussir, il faut mettre fin à l’impunité, a-t-elle insisté.
Enfin, M. Cohen a salué les efforts faits par la Colombie pour accueillir les Vénézuéliens qui fuient le « régime Maduro », ainsi que le rôle dirigeant du Président Duque, qui a appuyé l’opposant Juan Guaidó à Caracas. Les États-Unis sont en faveur de la paix dans la région mais il faut pour cela des efforts concrets et les mots ne suffisent pas face à la crise au Venezuela, « entièrement fabriquée » par le régime, a conclu la représentante.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que la Colombie était parvenue à une étape importante de son histoire avec la signature et la mise en œuvre de cet Accord de paix. Toutefois, son application incombe d’abord aux autorités et aux autres signataires, et non à une entité extérieure, a-t-il estimé. Le représentant a ensuite rappelé que le Secrétaire général lui-même avait, dans ses précédents rapports, alerté le Conseil de sécurité sur les risques de reprise de la violence. Et on le constate aujourd’hui, a-t-il dit, en s’alarmant de l’annonce faite par d’ex-combattants de reprendre les armes, du retour des violences ou encore de l’exclusion de l’Accord de paix de 8 000 ex-combattants. « Cela montre que la paix n’est pas encore irréversible en Colombie », a mis en garde le délégué. M. Nebenzia a ensuite insisté sur la nécessité pour tous les acteurs de respecter l’Accord et le protocole de garantie dont il est assorti. L’objectif doit être la discussion avec l’ensemble de la population et le règlement de tous les différends par les mécanismes existants, a plaidé la Fédération de Russie. Ce sont les Colombiens eux-mêmes qui doivent décider du chemin qu’ils vont prendre pour parvenir à la paix, a-t-il tranché, ajoutant que la communauté internationale, le Conseil de sécurité et les Colombiens eux-mêmes doivent assumer leur responsabilité respective dans le règlement du conflit.
« C’est toujours une success story », s’est félicité M. JUERGEN SCHULZ, (Allemagne), évoquant le processus de paix en Colombie, tout en s’inquiétant de la décision d’un groupe d’ex-commandants des FARC-EP de reprendre les armes. Le représentant a ensuite salué la condamnation de cette annonce par le parti des FARC-EP ainsi que la réaffirmation par de nombreux ex-combattants de leur soutien au processus de paix. Il a aussi salué l’engagement renouvelé du Président Duque en faveur de la réintégration de la grande majorité des anciens combattants.
Le représentant a appelé toutes les parties à consacrer plus d’attention au sort des plus de 8 000 ex-combattants qui résident hors des anciens secteurs territoriaux de formation et de réintégration, « qui font face à des défis encore plus importants en termes de sécurité, de services de base et d’opportunités professionnelles ». Le délégué allemand a aussi appelé le Gouvernement à prioriser la réintégration des anciennes combattantes.
« La situation sécuritaire demeure préoccupante, notamment dans les zones rurales », a-t-il estimé. M. Schulz s’est particulièrement dit inquiet des risques pesant sur les défenseurs des droits de l’homme, les responsables des mouvements sociaux et les chefs des communautés autochtones, et ce, tout particulièrement s’il s’agit de femmes. M. Schulz a appelé le Gouvernement à étendre « la présence des institutions de l’État aux zones reculées et affectées par le conflit, afin de créer un environnement sécurisé et stable pour tous les Colombiens ».
M. HAITO WU (Chine) a jugé que la sécurité fragile dans certaines régions de la Colombie demeure source d’inquiétude et menace la mise en œuvre du processus de paix à long terme, qui implique la réintégration économique et politique des anciens combattants des FARC. Il a espéré que les parties concernées « maintiendraient le cap » et accorderaient la priorité à la mise en œuvre de l’Accord en renforçant la confiance via le dialogue et le développement. La Chine s’est déclarée prête à apporter sa contribution pour parvenir au plus tôt à la paix, à la stabilité et au développement de la Colombie.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a commencé par condamner, « avec la plus grande fermeté », la déclaration d’un nombre limité d’ex-combattants des FARC-EP selon laquelle ils comptaient reprendre les armes. « L’Histoire montrera à quel point ils ont tort », a-t-il tranché. S’exprimant sur le processus de paix à proprement parler, le représentant a estimé qu’il est important de renforcer et d’intensifier la confiance et la coopération. Les parties ont tout intérêt à utiliser les institutions et mécanisme de consultation, de suivi et de vérification crées à cette fin, a-t-il préconisé.
De même, la sécurité des dirigeant sociaux, des défenseurs des droits de l’homme et des ex-membres des FARC doit être renforcée et assurée, notamment dans le contexte des élections prévues le 27 octobre et en accordant une attention particulière aux zones touchées par le conflit. La Belgique a insisté sur la protection de tous les candidats et de leurs familles, en tenant compte des spécificités auxquelles sont confrontées les femmes candidates, a conclu son représentant.
En vue des élections du 27 octobre prochain en Colombie, M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire), a exhorté le Gouvernement « à renforcer les mesures de sécurité à l’égard de tous les candidats. » Il s’est félicité de l’engagement de toutes les parties en faveur du processus de paix, notant toutefois avec préoccupation « des difficultés majeures dans la mise en œuvre de l’Accord: climat d’insécurité, pénurie de ressources pour financer les projets et insuffisance des mesures sociales pour permettre la réinsertion des soldats des FARC démobilisés ». Le représentant a ensuite encouragé le Gouvernement colombien à « redoubler d’efforts » pour mener les réformes politiques, socioéconomiques, foncières et judiciaires qui sont nécessaires pour garantir une paix durable dans le pays.
M. Ipo s’est inquiété de l’annonce, le 29 août dernier, d’une reprise des hostilités par l’ex-chef des FARC, M. Luciano Arango alias ’Iván Márquez, au nom d’une branche dissidente du mouvement. « La mise en œuvre effective de cette décision serait un coup dur porté au processus de paix », a-t-il mis en garde. Dans un contexte de tensions régionales, il a évoqué un risque de « détérioration d’une situation sécuritaire déjà préoccupante ». Le délégué a, en conclusion, appelé les responsables de la dissidence à « rester engagés en faveur du processus de paix ».
M. PAWEŁ RADOMSKI (Pologne) a regretté qu’un petit groupe d’ex-combattants des FARCS conteste l’accord de paix, qu’il a qualifié de réussite. Il a jugé ces déclarations inacceptables, appelant une condamnation universelle. Beaucoup a été fait pour protéger les populations, mais il faut réduire l’écart important qui subsiste s’agissant de la sûreté des ex-FARC qui se trouvent toujours hors des zones de formation et des garanties de sécurité qui doivent être fournies sans attendre dans les départements les plus touchés par le conflit. La réintégration des ex-combattants dans les villes fonctionne bien et il est indispensable de leur garantir un accès égal au logement, à l’éducation et à la santé, a souligné le représentant. La mise en œuvre de l’Accord est un véritable soulagement dans les zones touchées par le conflit, a-t-il encore appuyé. Alors que de grands espoirs sont placés dans la tenue des premières élections, les attaques commises contre les candidats sont alarmantes, a souligné le délégué, en saluant tout de même la signature du pacte de non-violence pendant la campagne, un « jalon » sur la route menant à l’apaisement.
M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a lui aussi exprimé ses préoccupations face à l’annonce un retour aux armes d’anciens dirigeants des FARC-EP, et aux conséquences d’une telle annonce. « Elle montre que ces hommes ne sont pas intéressés par la paix », a affirmé le représentant, en ajoutant que cela ne devait pas empêcher le Conseil de sécurité de continuer d’apporter son appui à la Colombie et à son gouvernement. « C’est notre obligation d’honorer nos engagements pour que le processus de paix se poursuivre », a encore déclaré le représentant, avant de proposer de mettre à disposition l’expérience de son pays en matière de lutte contre les cultures illicites.
Pour M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France), les réactions à l’annonce, cet été, que d’anciens commandants des FARC avaient repris les armes ont montré paradoxalement à quel point l’Accord de paix est bien vivant. En effet, à cette occasion, toutes les parties colombiennes ont condamné ces faits et réaffirmé leur attachement à l’Accord, que des choix individuels en faveur de la violence ne sauraient remettre en cause. Il a souligné que la sécurité dans les anciennes zones de conflit reste une priorité au vu du nombre élevé d’assassinats de leaders sociaux, de défenseurs des droits de l’homme, d’ex-combattants et de candidats politiques, assassinats que la France condamne. Le représentant a ensuite encouragé les autorités à intensifier leurs efforts pour apporter les garanties de sécurité nécessaires à ceux qui s’engagent, notamment dans le contexte des élections locales du 27 octobre. La seule solution est de renforcer la mise en œuvre de l’Accord et de poursuivre la réintégration économique et sociale des anciens combattants et des réformes ambitieuses, à la fois dans la réhabilitation des zones rurales et sur le plan politique. Enfin, le représentant a salué « la générosité » du Gouvernement colombien pour son hospitalité vis-à-vis de nombreux migrants.
Pour M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale), la Colombie est un exemple clair de situation où un peuple à l’unisson peut empêcher l’intensification d’une crise et respecter un mandat de l’ONU. Cette volonté politique des Colombiens après plus de 50 ans de conflit est apparue en particulier lors des élections de 2018 et a été réaffirmée cet été lors de la signature du pacte de non-violence lors des campagnes électorales par les partis politiques pour rejeter la violence lors des scrutins. Aussi la population et toutes les parties doivent continuer sur cette voie constructive, a encouragé le représentant, qui a condamné tous ceux qui tentent d’inverser les progrès déjà accomplis dans le processus de reconstruction. Rien ne saurait justifier qu’un groupe d’ex-commandants des FARC-EP puisse reprendre les armes, a-t-il insisté. Dans le contexte préélectoral, la Guinée équatoriale a encouragé toutes les parties à respecter la loi pour que le scrutin puisse se dérouler dans le calme. Et les fauteurs de troubles et auteurs de violence devront être traduits en justice, a affirmé la délégation, pour qui le Gouvernement colombien mérite d’être appuyé car il œuvre en faveur de la paix.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a dit apprécier les mesures socioéconomiques prises par le Gouvernement colombien pour réintégrer les anciens membres des FARC-EP. Le Koweït rejette, par ailleurs, l’annonce faite par d’anciens commandants des FARC tendant à la reprise des armes. Il demande que soient protégées toutes les personnes ciblées par des attaques, notamment les anciens combattants, les défenseurs des droits de l’homme ou les dirigeants communautaires.
M. CARLOS HOLMES TRUJILLO, Ministre des affaires étrangères de Colombie, a commenté certains points du rapport du Secrétaire général pour insister sur les efforts du Gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord de Paix dans la légalité. Concernant le volet de la réintégration, le document parle d’une évolution positive et reconnaît les progrès des 14 derniers mois. Les conséquences économiques de la transformation des anciens espaces territoriaux sont importantes pour la réintégration des anciens combattants qui jouent le jeu, a-t-il affirmé: ainsi par rapport au trimestre précédent, les projets productifs collectifs sont passés de 24 à 35 et le nombre de bénéficiaires a atteint plus de 2 000 personnes et les projets individuels dépassent 600, au bénéfice de plus de 700 personnes, s’est enorgueilli le Chef de la diplomatie colombienne. D’un autre côté se pose la question de l’accès aux terres pour les anciens combattants: le Gouvernement a identifié une série de mesures permettant de mettre en place des projets agricoles, a-t-il assuré. Concernant la santé, le rapport estime que peu de progrès ont été faits, or une analyse plus approfondie montre que 98% des anciens combattants sont désormais enregistrés dans le système de santé, ce qu’il a qualifié d’avancées importantes. Le Conseil ne doit pas perdre de vue que la mise en œuvre de l’Accord ne peut se faire « d’un jour à l’autre » et qu’il faudra compter au moins 15 ans, ce que prévoit d’ailleurs l’Accord lui-même, avant que toutes les institutions publiques ne soient déployées sur l’ensemble du territoire.
Concernant la sécurité, le Ministre a reconnu les difficultés à protéger certains anciens dirigeants des FARC et leaders sociaux. Son gouvernement a pris une vingtaine de mesures en faveur des défenseurs des droits et plus de 15 autres pour protéger les candidats aux élections. Parmi les facteurs de risques, il a identifié l’intensification des économies illégales, dans le secteur minier et des stupéfiants. D’anciens commandants des FARC - ont créé un nouveau groupe de narcotrafiquants mais ils représentent selon lui une minorité rapidement condamnée et même rejetée par les FARC. De fait, plus de 90% des anciens combattants respectent les engagements pris et les deux tiers se montrent confiants dans l’avenir, a assuré M. Trujillo. Le Gouvernement reste déterminé à réintégrer ces gens, comme le souhaite le peuple colombien, a poursuivi le Ministre, avant d’estimer que des efforts supplémentaires doivent être faits dans l’indemnisation des victimes et les réparations pour les zones les plus touchées par la violence. Le Gouvernement recherche « le mariage parfait entre la sécurité et la justice », dans le respect de nos différences, mais ce processus est irréversible, a-t-il garanti en conclusion.