Le Conseil de sécurité adopte sa toute première résolution sur la protection des personnes handicapées dans les conflits armés
À l’initiative de la Pologne et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité a adopté, aujourd’hui, à l’unanimité, sa toute première résolution sur la protection des personnes handicapées en période de conflit armé.
Dans le préambule de la résolution 2475 (2019), un texte « phare » qui marque une avancée majeure, selon la Pologne, le Conseil de sécurité se déclare gravement préoccupé par les conséquences « disproportionnées » des conflits armés sur les personnes handicapées, qui sont délaissées, soumises à des violences et privées de l’accès aux services de base.
Toujours dans le préambule, le Conseil rappelle la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en particulier l’article 11 sur les situations à risque et les situations d’urgence humanitaire, mais aussi les initiatives internationales en cours, comme la stratégie des Nations Unies pour l’inclusion des personnes handicapées et les directives sur l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire. Il prend acte de la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire et insiste, dans le dispositif de la résolution, sur l’utilité d’offrir en temps voulu aux civils handicapés, touchés par les conflits armés une assistance « durable, adaptée, inclusive et accessible », y compris un appui à la réintégration et à la réadaptation et un soutien psychosocial, afin de répondre efficacement aux besoins qui leur sont propres, en particulier ceux des femmes et des enfants handicapés.
Les États Membres sont exhortés à faire en sorte que les personnes handicapées, y compris les organisations qui les représentent, soient véritablement associées à l’action humanitaire, à la prévention et au règlement des conflits et aux activités de réconciliation, de reconstruction et de consolidation de la paix, et à consulter les spécialistes de la prise en compte de la question du handicap.
Le Conseil lui-même exprime son intention d’inviter des personnes handicapées, y compris des membres des organisations qui les représentent, à lui présenter des exposés sur les thèmes et zones géographiques qui l’intéressent et à envisager d’ajouter au programme de ses missions la tenue de débats interactifs avec des personnes handicapées et les organisations locales qui les représentent.
La résolution, a expliqué la Pologne, répond à trois objectifs: mieux faire connaître les droits et les besoins particuliers des personnes handicapées au personnel des Nations Unies chargé du maintien et de la consolidation de la paix; disposer en temps voulu de données et d’informations concernant les effets des conflits armés sur les personnes handicapées; et les associer véritablement à l’action humanitaire, à la prévention et au règlement des conflits et aux activités de réconciliation, de reconstruction et de consolidation de la paix.
Les personnes handicapées sont déjà marginalisées en temps de paix et leur marginalisation est encore plus grande en temps de guerre, ont fait valoir les États-Unis, en remarquant que les services humanitaires dans les situations de conflits sont souvent inaccessibles à ces personnes handicapées qui sont donc abandonnées. Alors que 15% de la population mondiale vit avec un handicap, « nous devons et nous pouvons collectivement » faire plus pour défendre les droits des personnes en situation de handicap, garantir la prise en compte de leurs besoins spécifiques de protection et lutter contre les discriminations, en particulier dans le cadre des conflits armés, a acquiescé la France. Le Royaume-Uni a particulièrement insisté sur la collecte de données ventilées.
La Fédération de Russie et la Chine ont émis des réserves sur un texte dont toute une série de dispositions « échappent » au mandat du Conseil de sécurité. Ce dernier, a prévenu la Chine, ne devrait pas reproduire ou remplacer le travail des organes des Nations Unies chargés des questions humanitaires. Pourquoi créer de nouvelles distinctions? s’est étonnée la Fédération de Russie qui a estimé que dans ces textes sur la protection des civils en période de conflit armé, tous les groupes sociaux sont censés être protégés sur un pied d’égalité. Elle a rejeté l’idée de créer de nouvelles obligations juridiques.
« Je veux que nos opérations humanitaires, de développement et de paix reconnaissent et améliorent pleinement les droits des personnes handicapées ». Ces mots prononcés par le Secrétaire général de l’ONU lors de la douzième Conférence des États parties à la Convention ont été rappelés par la République dominicaine, au nom de l’Allemagne, de la Belgique, du Koweït et du Pérou.
PROTECTION DES CIVILS DANS LES CONFLITS ARMÉS
Texte du projet de résolution (S/2019/503)
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant qu’il a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et, à cet égard, se déclarant résolu à s’attaquer à la question des répercussions disproportionnées des conflits armés et des crises humanitaires qui en découlent sur les personnes handicapées,
Se déclarant gravement préoccupé par les conséquences disproportionnées des conflits armés sur les personnes handicapées, qui, notamment, sont délaissées, soumises à des violences et privées de l’accès aux services de base, soulignant que toutes les populations civiles touchées ont besoin de protection et d’assistance et insistant sur la nécessité de prendre en compte les besoins particuliers des personnes handicapées dans les interventions humanitaires,
Rappelant les dispositions applicables des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels de 1977,
Rappelant la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en particulier l’article 11 sur les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire,
Réaffirmant que les parties à un conflit armé ont la responsabilité principale de prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection des civils et rappelant qu’il incombe au premier chef aux États de respecter et de faire respecter les droits fondamentaux de toutes les personnes présentes sur leur territoire et relevant de leur juridiction, conformément aux dispositions du droit international,
Rappelant que tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales sont universels, indivisibles, intimement liés et interdépendants et qu’il est nécessaire de garantir aux personnes handicapées, y compris les personnes présentant des déficiences physiques, intellectuelles, psychosociales ou sensorielles, et aux personnes marginalisées du fait de leur handicap, la possibilité d’exercer pleinement ces droits et libertés sans subir de discrimination,
Conscient de la contribution essentielle que les personnes handicapées et les organisations qui les représentent apportent à la prévention et au règlement des conflits, à la réconciliation, à la reconstruction, à la consolidation de la paix et à l’action visant à s’attaquer aux causes profondes des conflits, et, à cet égard, soulignant l’importance d’une concertation et d’un dialogue continus entre les personnes handicapées – et les organisations qui les représentent – et les organisations humanitaires et décideurs nationaux et internationaux,
Conscient des obstacles particuliers auxquels se heurtent les personnes handicapées pour ce qui est d’accéder à la justice, y compris à des recours effectifs et, quand cela est possible, d’obtenir une réparation, en cas de violations du droit international humanitaire,
Estimant qu’il importe de prendre en compte les points de vue des personnes handicapées dans les plans d’intervention humanitaire et les plans de redressement et de reconstruction au lendemain de conflits, notamment en ce qui concerne l’accessibilité et l’aménagement raisonnable,
Sachant qu’il est nécessaire de disposer en temps voulu de données et d’informations concernant les effets des conflits armés sur les personnes handicapées, ainsi que d’analyses de ces effets,
Réaffirmant qu’il est déterminé à ce que les buts et principes consacrés dans la Charte soient observés,
Réaffirmant son plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les États conformément à la Charte des Nations Unies,
Réaffirmant qu’il importe, pour instaurer une paix et une sécurité durables, de s’attaquer aux causes profondes des conflits armés,
Notant la pertinence des initiatives internationales en cours, notamment la stratégie des Nations Unies pour l’inclusion des personnes handicapées et l’élaboration, par le Comité permanent interorganisations, de directives sur l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire, et prenant acte de la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire,
1. Demande instamment à toutes les parties à un conflit armé de prendre des mesures, conformément aux obligations que leur impose le droit international applicable, pour protéger les civils, y compris les personnes handicapées, et pour prévenir les violences et les exactions commises contre des civils en situation de conflit armé, comme le meurtre ou les atteintes à l’intégrité physique, l’enlèvement et la torture, ainsi que le viol et d’autres formes de violences sexuelles en temps de conflit et après un conflit;
2. Souligne que les États doivent faire en sorte que les actes criminels qui sont commis contre les civils, notamment contre les personnes handicapées, ne restent pas impunis et que ces dernières aient accès à la justice et à des voies de recours utiles, notamment, quand cela est possible, à une réparation;
3. Demande à toutes les parties à un conflit armé de permettre et de faciliter l’accès rapide, sans entrave et en toute sécurité de l’aide humanitaire à toutes les personnes qui ont besoin d’une assistance;
4. Insiste sur l’utilité d’offrir en temps voulu aux civils handicapés touchés par les conflits armés une assistance durable, adaptée, inclusive et accessible, y compris un appui à la réintégration et à la réadaptation et un soutien psychosocial, afin de répondre efficacement aux besoins qui leur sont propres, en particulier ceux des femmes et des enfants handicapés;
5. Encourage les États Membres à prendre des mesures adéquates pour faire en sorte que les personnes handicapées aient accès, sur un pied d’égalité avec les autres, aux services de base fournis en période de conflit armé, notamment dans les domaines de l’éducation, des soins de santé, du transport et des technologies et systèmes de l’information et des communications;
6. Exhorte les États Membres à faire en sorte que les personnes handicapées, y compris les organisations qui les représentent, soient véritablement associées à l’action humanitaire, à la prévention et au règlement des conflits et aux activités de réconciliation, de reconstruction et de consolidation de la paix, et à consulter les spécialistes de la prise en compte de la question du handicap;
7. Souligne qu’il importe de mieux faire connaître les droits et les besoins particuliers des personnes handicapées au personnel des Nations Unies chargé du maintien et de la consolidation de la paix et de renforcer les moyens dont ils disposent en la matière et exhorte les États Membres à jouer un rôle central à cet égard;
8. Exhorte les États Membres à prendre toutes les mesures voulues pour éliminer la discrimination contre les personnes handicapées en période de conflit, et leur marginalisation, en particulier celles qui sont victimes de formes de discrimination multiples et croisées;
9. Prie le Secrétaire général de faire figurer, lorsque cela est pertinent, des informations et des recommandations intéressant la question des personnes handicapées en période de conflit armé dans ses rapports thématiques, dans ses rapports sur la situation dans telle ou telle zone géographique et dans les exposés qu’il lui présente régulièrement, et d’y inclure, lorsque cela est pertinent, des données ventilées par type de handicap, dans la limite des mandats existants et des ressources disponibles;
10. Est conscient qu’il importe que ses membres échangent avec la société civile et, à cet égard, exprime son intention d’inviter des personnes handicapées, y compris des membres des organisations qui les représentent, à lui présenter des exposés sur les thèmes et zones géographiques qui l’intéressent et à envisager d’ajouter au programme de ses missions la tenue de débats interactifs avec des personnes handicapées et les organisations locales qui les représentent;
11. Exhorte les États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées à s’acquitter des obligations qui leur incombent au titre de ce texte.