En cours au Siège de l'ONU

8543e séance – matin
CS/13835

Le Conseil de sécurité lance son premier appel collectif pour résoudre la priorité humanitaire qu’est la question des personnes disparues dans les conflits

Le Conseil de sécurité a adopté aujourd’hui la résolution (2474) (2019) sur les personnes disparues en période de conflit, « le premier appel collectif pour traiter de cette priorité humanitaire », selon les États-Unis.  Dans ce texte, défendu par le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, qui a présidé la séance et fait part de l’expérience « tragique » de son pays après la première guerre du Golfe, le Conseil demande aux parties à un conflit armé de prendre toutes les mesures voulues pour rechercher activement les personnes disparues, permettre le retour de leur dépouille et mettre en place des moyens d’action pour communiquer avec les familles.

À ce jour, a reconnu Mme Reena Ghelani, Directrice des opérations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, il n’y a pas de statistiques fiables sur le nombre des personnes disparues mais le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a reçu par exemple plus de 10 000 demandes d’informations sur des personnes disparues en Syrie et 13 000 sur des personnes au Nigéria.  En 2018 seulement, a confirmé le Président du CICR, plus de 45 000 nouveaux cas ont été enregistrés par l’Agence centrale de recherches du CICR.  Ce chiffre, qui n’est que la partie émergée de l’iceberg, ne dit rien sur l’ampleur réelle du problème et ne rend pas justice à la souffrance des familles. 

Chaque fois que quelqu’un disparaît, les familles attendent des réponses.  Ballotées entre espoir et désespoir, elles marquent les anniversaires: un an, deux ans, 10 ans, a scandé M. Peter Maurer.  Le traumatisme d’une perte « ambiguë » est l’une des blessures les plus profondes de la guerre.  La douleur touche des communautés entières, durant des décennies, empêchant les sociétés de se réconcilier, a-t-il insisté.  Plusieurs décennies après, des clarifications sont toujours attendues sur des personnes disparues dans les Balkans, au Liban, au Népal ou encore au Sri Lanka, a ajouté la Directrice des opérations de l’OCHA.

La résolution, qui compte 62 coauteurs, illustrant la position « ferme » du Conseil de sécurité pour le respect du droit international humanitaire, contient des mesures qui peuvent « contribuer au renforcement de la confiance entre les parties à un conflit et permettre ainsi d’accélérer les négociations et accords de paix, les processus de justice transitionnelle, la réconciliation, et la consolidation et la pérennisation de la paix ».

Le Conseil demande aux parties au conflit d’établir des bureaux nationaux d’information ou d’autres mécanismes dès qu’un conflit éclate pour échanger des informations sur les détenus et les civils appartenant à une partie adverse.  Elles doivent permettre l’accès libre et en toute sécurité du personnel humanitaire, y compris le personnel participant aux opérations de recherche et d’identification des personnes disparues et, lorsqu’elles négocient ou appliquent un accord de paix, inclure des dispositions visant à faciliter la recherche et prendre toutes les mesures pour protéger les victimes et les témoins dans les affaires de personnes disparues. 

Après que le Cheikh Sabah Khaled Al-Hamad Al-Sabah, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït a fait part de l’expérience « tragique » de son pays et précisé que depuis la première guerre du Golfe, seuls 236 des 605 disparus ont été retrouvés, les États-Unis ont ajouté que l’Iraq et le Koweït ont montré comment deux pays, émergeant d’un conflit, peuvent travailler dans la coopération et l’amitié.  C’est un exemple qui mérite les applaudissements de la communauté internationale en ce qu’il constitue un pas important vers la justice et la réconciliation, ont-ils estimé.

Les États sont priés, dans la résolution, d’assurer que les infractions liées à la disparition des personnes donnent lieu à des enquêtes exhaustives, promptes, impartiales et efficaces et à des poursuites.  L’Allemagne a avoué qu’elle aurait souhaité des dispositions plus explicites et plus « fermes » sur l’« établissement des responsabilités », comme par exemple une référence à la Cour pénale internationale (CPI) et au Statut de Rome.  La France a reproché au texte de ne pas mentionner explicitement la Convention pour la protection de toutes les personnes des disparitions forcées.

Le Conseil de sécurité prie aussi les États de s’investir dans la mise en place de réseaux et dans l’échange de données d’expérience, de pratiques optimales et de recommandations techniques ainsi que dans tout autre forme de coopération et de coordination avec les institutions nationales et selon qu’il convient, avec les commissions nationales chargées des personnes disparues et les organisations et mécanismes régionaux et internationaux compétents.

Au-delà de la résolution, le Président du CICR a insisté sur quatre points, alors que l’Agence centrale de recherches de son Comité se prépare à célébrer ses 150 ans l’année prochaine.  Il s’est d’abord attardé sur le respect par les États et les parties au conflit du droit international humanitaire dont le droit des familles de savoir, la protection des civils, et la gestion systématique et digne des morts.  Le Président du CICR a aussi insisté sur les mesures préventives, sur le caractère strictement humanitaire et apolitique de la question des disparus et sur le respect de la nature « professionnelle, neutre et impartiale » de l’action humanitaire.  La Chine a acquiescé, elle qui a mis en avant avec l’Indonésie sur le principe de souveraineté nationale.  

PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ

Personnes disparues en période de conflit armé (S/2019/458)

Texte du projet de résolution (S/2019/475)

Le Conseil de sécurité,

Guidé par les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies,

Rappelant qu’il tient de la Charte des Nations Unies la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et qu’il se doit donc de promouvoir le respect des règles et des principes du droit international humanitaire,

Réaffirmant qu’il importe, pour instaurer une paix et une sécurité durables, de s’attaquer aux causes profondes des conflits armés, en engageant un dialogue, une procédure de médiation, des consultations et des négociations politiques afin d’aplanir les divergences et de mettre fin aux conflits,

Rappelant les dispositions du droit international concernant la question des personnes disparues du fait d’un conflit armé, conformément au droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire applicables, en particulier les Conventions de Genève du 12 août 1949 et les Protocoles additionnels de 1977 s’y rapportant, et rappelant également l’obligation qui incombe aux États parties aux Conventions de Genève de 1949 de respecter et de faire respecter les Conventions en toutes circonstances,

Rappelant toutes ses résolutions sur la protection des civils en période de conflit armé, notamment les résolutions 1265 (1999), 1296 (2000), 1674 (2006), 1738 (2006), 1894 (2009), 2222 (2015) et 2286 (2016), ainsi que toutes les déclarations de sa présidence sur le sujet,

Rappelant toutes ses résolutions sur la protection du personnel humanitaire, notamment les résolutions 2417 (2018), 2175 (2014) et 1502 (2003),

Rappelant également la résolution 73/178 de l’Assemblée générale intitulée « Personnes disparues »,

Prenant acte du rapport du Secrétaire général en date du 7 mai 2019 sur la protection des civils en période de conflit armé (S/2019/373) et des conclusions pertinentes qui y figurent,

Sachant que 2019 marque le soixante-dixième anniversaire des Conventions de Genève de 1949, qui, avec les Protocoles additionnels s’y rapportant, constituent le fondement du dispositif juridique de protection des civils en période de conflit armé,

Sachant également que 2019 marque aussi le vingtième anniversaire du moment où il a examiné pour la première fois la question de la protection des civils en période de conflit armé en tant que question thématique, et constatant qu’il demeure nécessaire que lui-même et les États Membres renforcent encore la protection des civils en période de conflit armé,

Demandant instamment aux États qui ne l’ont pas encore fait d’envisager de devenir parties dès que possible aux Protocoles additionnels I et II de 1977 se rapportant aux Conventions de Genève,

Réaffirmant que les parties à un conflit armé ont la responsabilité principale de prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection des civils et qu’il incombe au premier chef aux États de respecter et de faire respecter les droits fondamentaux de toutes les personnes présentes sur leur territoire et relevant de leur juridiction, conformément aux dispositions pertinentes du droit international,

Soulignant que certaines mesures contribuent largement à prévenir les disparitions de personnes en période de conflit armé, notamment, entre autres, l’adoption d’une législation nationale, l’enregistrement des détenus, la formation appropriée des forces armées, la production et la distribution de moyens d’identification adéquats, y compris aux membres des forces armées, la création de bureaux nationaux d’information lors de l’éclatement d’un conflit armé, de services d’enregistrement des tombes et de registres des décès, et la mise en place de procédures visant à établir les responsabilités selon qu’il convient dans les affaires de disparition de personnes,

Conscient que les grands progrès scientifiques et technologiques accomplis notamment dans les domaines de la criminalistique, de l’analyse de l’ADN, des cartes et de l’imagerie satellite et de l’utilisation du géoradar, ont largement contribué à l’accroissement de l’efficacité de la recherche et de l’identification des personnes disparues,

Soulignant l’importance des principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance applicables à l’action humanitaire, réaffirmant que celles et ceux qui participent à cette action dans des situations de conflit armé doivent les défendre et les respecter pleinement, et rappelant à cet égard la déclaration de sa présidence en date du 9 mars 2000 (S/PRST/2000/7),

Réaffirmant son appui résolu aux efforts déployés par les organisations internationales, en particulier le Comité international de la Croix-Rouge, pour régler la question des personnes disparues, conformément aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels de 1977 s’y rapportant, et saluant le travail accompli par les organisations et mécanismes nationaux, régionaux et internationaux dans ce domaine,

Se déclarant préoccupé par l’augmentation impressionnante du nombre de personnes portées disparues du fait de conflits armés, qui a des conséquences dans l’immédiat et à long terme pour les personnes portées disparues elles-mêmes et pour leurs familles, en particulier les femmes et les enfants, ainsi que pour les communautés, et réaffirmant à cet égard qu’il importe de permettre aux familles de savoir ce qu’il est advenu de leurs proches disparus et où ils se trouvent, conformément au droit international humanitaire applicable, ce qui est d’une grande importance humanitaire,

Considérant qu’il est capital que les États abordent la question de manière globale, de la prévention des disparitions à la restitution des restes humains aux familles, en passant par la localisation et l’identification des personnes disparues, sans distinction préjudiciable, qu’une action avisée et rapide est essentielle pour traiter les cas de personnes disparues de façon efficace et crédible, et que la manière dont ces affaires sont traitées a des incidences sur les relations entre les parties à un conflit armé et les efforts visant à régler les conflits,

Considérant l’importance de la vérité, de la justice et de l’établissement des responsabilités au regard de la réconciliation et du règlement pacifique des conflits, ainsi que de la lutte contre l’impunité,

Reconnaissant qu’un appui sans réserve apporté en temps voulu aux composantes humanitaires peut s’avérer essentiel pour ce qui est d’assurer et renforcer la viabilité de tout accord de paix et de tout effort de consolidation de la paix après un conflit, et soulignant qu’il importe d’inclure des éléments humanitaires dans les négociations et accords de paix, y compris la question des prisonniers de guerre, des détenus, des personnes disparues et des autres personnes protégées par le droit international humanitaire,

1.    Réaffirme qu’il condamne fermement la pratique consistant à prendre délibérément pour cibles des civils ou d’autres personnes protégées dans les situations de conflit armé, et demande à toutes les parties à un conflit armé d’y mettre fin, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire;

2.    Demande aux parties à un conflit armé de prendre toutes les mesures voulues pour rechercher activement les personnes portées disparues, permettre le retour de leur dépouille et faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues sans distinction préjudiciable, de mettre en place des moyens d’action appropriés permettant de communiquer avec les familles quant au processus de recherche, et d’envisager de leur donner des informations concernant les services disponibles si elles rencontrent des difficultés ou ont des besoins d’ordre administratif, juridique, économique et psychologique liés à la disparition d’un proche, notamment grâce aux contacts avec des organisations et institutions nationales et internationales compétentes;

3.    Demande également aux parties à un conflit armé, conformément aux obligations internationales qui leur incombent, de prendre les mesures voulues pour empêcher que des personnes ne disparaissent du fait de ce conflit, en facilitant le regroupement des familles dispersées du fait de ce conflit armé, et de permettre aux familles d’échanger des nouvelles;

4.    Demande en outre aux parties à un conflit armé d’accorder la plus grande attention au cas des enfants portés disparus du fait de conflits armés et de prendre les mesures appropriées pour les rechercher et les identifier;

5.    Demande aux parties à un conflit armé, conformément aux obligations internationales qui leur incombent, d’enregistrer et de communiquer les données personnelles des personnes appartenant à une partie adverse privées de leur liberté du fait d’un conflit armé, y compris les prisonniers de guerre, et de leur permettre de correspondre avec leur famille;

6.    Demande aux États, en cas de disparition du fait d’un conflit armé, de prendre des mesures, selon qu’il convient, pour s’assurer que les infractions liées à la disparition de personnes donnent lieu à des enquêtes exhaustives, promptes, impartiales et efficaces et à des poursuites, conformément au droit interne et international, en vue d’établir pleinement les responsabilités;

7.    Exhorte les parties à un conflit armé, conformément au droit interne et international applicable, à recueillir, protéger et gérer toutes les données et toutes les pièces relatives aux personnes disparues du fait d’un conflit armé, dans le respect de la vie privée;

8.    Exhorte également les parties à un conflit armé à rechercher et à exhumer les personnes mortes du fait d’un conflit armé, à les identifier, notamment en procédant à l’enregistrement de toutes les informations disponibles et en recensant les lieux d’inhumation, à avoir des égards pour les dépouilles, notamment en respectant les tombes des personnes décédées et en veillant à ce qu’elles soient convenablement entretenues, et à les restituer aux familles, dans toute la mesure possible, conformément aux obligations applicables du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l’homme; en ce qui concerne la protection des données personnelles, à s’abstenir de déplacer délibérément les corps des charniers, à éviter que les fouilles et les exhumations soient effectuées par des personnes sans expérience et que les dépouilles soient ainsi endommagées ou détruites, et à veiller à ce que, à l’occasion de toute exhumation ou fouille, les données qui pourraient permettre d’identifier la personne décédée soient dûment collectées et enregistrées;

9.    Demande instamment aux parties à un conflit armé d’établir des bureaux nationaux d’information ou d’autres mécanismes, dès qu’un conflit éclate, pour échanger des informations sur les détenus et les civils appartenant à une partie adverse, transmettre ces informations à ladite partie, avec l’aide de l’Agence centrale de recherches en qualité d’intermédiaire neutre, si nécessaire, et demander des renseignements au sujet de ces personnes;

10.   Réaffirme qu’il appuie l’action menée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour accéder aux informations relatives aux personnes portées disparues, et demande à toutes les parties à un conflit armé de respecter leurs engagements en matière d’accès à ces informations et de coopérer avec le CICR et son Agence centrale de recherches pour régler la question des personnes disparues, conformément aux obligations applicables en vertu du droit international humanitaire;

11.   Souligne qu’il importe de renforcer le rôle et les capacités des mécanismes nationaux, régionaux et internationaux qui aident à régler la question des personnes disparues du fait d’un conflit armé afin qu’ils procurent conseils et appui aux États Membres ainsi qu’aux organisations et autres mécanismes nationaux, internationaux et régionaux existant dans ce domaine, donnent des cours de formation, échangent des renseignements sur les registres des affaires de personnes disparues et mettent en commun des pratiques optimales en étroite coopération avec toutes les organisations compétentes;

12.   Demande instamment à toutes les parties à un conflit armé de permettre l’accès libre et en toute sécurité du personnel humanitaire, y compris le personnel participant aux opérations de recherche et d’identification des personnes disparues ou de leurs dépouilles, dès que les circonstances le permettent;

13.   Demande à tous les États Membres de s’investir dans la mise en place de réseaux et dans l’échange de données d’expérience, de pratiques optimales et de recommandations techniques, ainsi que dans toute autre forme de coopération et de coordination avec les institutions nationales, et, selon qu’il convient, avec les commissions nationales chargées des personnes disparues et les organisations et mécanismes régionaux et internationaux compétents;

14.   Souligne que l’établissement des responsabilités dans les affaires de personnes disparues du fait d’un conflit armé peut jouer un rôle dans les négociations et les accords de paix et dans les processus de consolidation de la paix, s’agissant notamment des mécanismes d’administration de la justice et de promotion de l’état de droit;

15.   Demande à toutes les parties à un conflit armé, lorsqu’elles négocient ou appliquent un accord de paix, d’inclure des dispositions visant à faciliter la recherche des personnes disparues et de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour protéger les victimes et les témoins dans les affaires de personnes portées disparues, pour mettre fin à l’impunité;

16.   Souligne que les mesures énoncées dans la présente résolution peuvent contribuer au renforcement de la confiance entre les parties à un conflit armé et permettre ainsi d’accélérer les négociations et accords de paix, les processus de justice transitionnelle, la réconciliation, et la consolidation et la pérennisation de la paix;

17.   Encourage les États Membres à accroître l’assistance volontaire qu’ils apportent aux États qui le demandent durant les procédures d’exhumation et d’identification liées à la recherche des personnes disparues du fait d’un conflit armé, qu’il s’agisse de financement, de formation technique ou de soutien logistique, en particulier pour promouvoir les progrès scientifiques et méthodologiques dans le domaine de la criminalistique afin que les dépouilles ou les restes humains soient exhumés, identifiés et traités dans le respect de la dignité humaine;

18.   Encourage les représentants, envoyés, coordonnateurs et conseillers spéciaux du Secrétaire général concernés à prendre en compte, dans l’exécution de leur mandat respectif, la question des personnes disparues du fait d’un conflit armé;

19.   Prie le Secrétaire général, dans les rapports sur la protection des civils, de consacrer une section à la question des personnes disparues du fait d’un conflit armé, dans laquelle seront recensées les mesures prises par les parties à un conflit armé pour appliquer les dispositions de la présente résolution, et de lui faire tous les 12 mois un exposé sur l’application de celle-ci, dans le cadre de l’exposé annuel sur la protection des civils.

Déclarations

Mme REENA GHELANI, Directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a salué l’adoption de la résolution sur les personnes disparues en période de conflit armé.  Cette résolution, a-t-elle estimé, vient à point nommé compte tenu du nombre important des personnes disparues qui sont, soit victimes d’exécutions extrajudiciaires jetées dans des fosses communes, soit des civils qui ont fui la violence, des enfants séparés de leurs familles, de personnes handicapées incapables de partir ou encore de combattants.  Les familles sont plongées dans le désarroi, ne sachant pas ce qu’il est advenu de leurs proches et encore moins où ils auraient été enterrés. 

L’angoisse et l’incertitude affectent la reconstruction du tissu social, a poursuivi Mme Ghelani.  À ce jour, il n’y a pas de statistiques fiables sur le nombre des personnes portées disparues mais le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a reçu par exemple plus de 10 000 demandes d’informations sur des personnes disparues en Syrie et 13 000 sur des personnes au Nigéria.  Au Myanmar, au Soudan et au Yémen, les Nations Unies ont fait état de cas de disparitions forcées.  Plusieurs décennies après, des clarifications sont toujours attendues sur des personnes disparues dans les Balkans, au Liban, au Népal ou encore au Sri Lanka.

Les parties, a insisté Mme Ghelani, doivent respecter le droit international humanitaire pour que l’on puisse compter les personnes disparues après un conflit armé et informer leurs proches.  Il faudra pour ce faire créer des mécanismes d’enquête et adopter les législations et politiques pertinentes.  Les mécanismes doivent être chargés de la collecte, de la gestion et de la protection des informations; de l’établissement des faits; de la gestion des dépouilles; et d’un soutien psychologique et juridique aux familles.

Comme le souligne la résolution « ambitieuse » adoptée aujourd’hui, c’est aux États parties aux conflits d’adopter ces mesures.  Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) les encourage à solliciter l’aide du CICR et d’autres acteurs pertinents pour créer les cadres juridique et politique adéquats.  La résolution souligne à juste titre qu’il faut renforcer le rôle et la capacité des mécanismes nationaux, régionaux et internationaux pour appuyer les États Membres.  L’intervenante s’est félicitée de la mise en place cette année du Projet sur les personnes portées disparues du CICR qui permettra de rassembler des experts et de compiler les meilleures pratiques pour pouvoir aider les familles, les États Membres, les organisations internationales et d’autres acteurs de manière à stopper le phénomène des personnes disparues, retrouver certaines d’entre elles et aider les familles.  L’ampleur du problème est telle qu’il faut trouver une réponse, a estimé Mme Ghelani, en insistant sur le respect du droit international humanitaire.

M. PETER MAURER, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a déclaré que certaines des conséquences les plus horribles de la guerre sont celles que nous ne pouvons pas voir.  Lorsque les traumatismes sont invisibles, ils sont négligés, ignorés ou dépriorisés.  C’est peut-être ce qui est le plus flagrant en ce qui concerne le problème crucial des personnes disparues.  Chaque jour, a rappelé le Président, des personnes disparaissent dans les conflits, les situations de violence, les catastrophes ou les migrations.  Le CICR a constaté une augmentation alarmante de ces cas ces dernières années.  En 2018 seulement, plus de 45 000 nouveaux cas ont été enregistrés par l’Agence centrale de recherches du CICR.  Ce chiffre, qui n’est que la partie émergée de l’iceberg, ne dit rien sur l’ampleur réelle du problème et ne rend pas justice à la souffrance des familles, a poursuivi M. Maurer.  Se félicitant de l’adoption de la résolution, « qui est la première résolution entièrement consacrée aux personnes disparues dans les conflits », il a dit que chaque fois que quelqu’un disparaît, les familles attendent des réponses.  Ballotées entre espoir et désespoir, elles marquent les anniversaires: un an, deux ans, 10 ans.

M. Maurer a affirmé que le traumatisme d’une perte « ambiguë » est l’une des blessures les plus profondes de la guerre.  La douleur touche des communautés entières, durant des décennies, empêchant les sociétés de se réconcilier.  Le CICR est un témoin quotidien de cette souffrance.  Nos équipes sont souvent sollicitées par des mères à la recherche de fils, des maris à la recherche de leurs épouses.  Parfois, il y a des réponses: chaque minute, le CICR aide une famille séparée par un conflit à se parler au téléphone.  Mais on peut faire plus.  Si les parties au conflit remplissent leur obligation de rechercher des personnes disparues et si elles gèrent les décès systématiquement et avec respect, on pourrait retrouver les personnes, identifier les restes et donner des réponses.  Nous avons, a souligné M. Maurer, le cadre juridique.  Le droit international humanitaire nous donne en effet des conseils pour éviter que les personnes disparaissent dans les conflits armés et clarifier le sort des disparus et connaître le lieu où ils se trouvent.  Nous avons une expérience pratique: empêcher la séparation des familles par exemple lors des évacuations, enregistrer toutes les personnes privées de liberté ou donner des capacités de stockage d’identité aux forces armées.  Ce sont là des mesures concrètes qui peuvent être prises aujourd’hui, a proposé le Chef du CICR. 

Ce qu’il faut, a-t-il poursuivi, c’est une volonté politique et une coopération plus fortes.  Les activités du CICR vont de la présidence de mécanismes de coordination à l’élaboration de législation et de politiques en passant par l’enregistrement des détenus, le soutien aux familles et l’offre de compétences techniques en criminalistique.  Nous avons vu ce qui peut être réalisé grâce à la volonté politique et à la coopération.  L’accord sur l’identification des restes de soldats non identifiés impliqués dans le conflit des îles Falkland/Malvinas en est un exemple frappant.  Nous notons également les efforts conjoints de la Commission tripartite de la guerre du Golfe sur la récupération des dépouilles dans le sud de l’Iraq au cours des dernières semaines.  Ces avancées offrent un énorme espoir aux familles qui attendent des réponses depuis des décennies, a dit M. Maurer.

Les guerres d’aujourd’hui posent de nouveaux défis, mais aussi de nouvelles possibilités de recherche des personnes disparues, a-t-il aussi indiqué.  Bien que la question reste complexe, il existe maintenant une multitude de nouvelles sources d’information qui peuvent faciliter la recherche.  Alors que l’Agence centrale de recherches du CICR se prépare à célébrer ses 150 ans l’année prochaine, nous modernisons nos approches, notamment en investissant dans des technologies de recherche améliorées telles que la reconnaissance faciale.  En outre, il existe un nombre croissant d’expertise et d’expérience, notamment en criminalistique, pour améliorer les tactiques de prévention et d’intervention. 

Le CICR est en train de créer une communauté de pratiques et, dans le cadre du projet « Personnes disparues », il fait appel à des experts et des praticiens, des organisations internationales et non gouvernementales, des institutions nationales et des familles pour identifier les meilleures pratiques, élaborer des recommandations techniques et coordonner les efforts.  La manière dont la question des personnes disparues est traitée pendant et après un conflit peut déterminer l’ampleur du problème, ses répercussions sur les communautés et les relations futures entre les parties au conflit, a encore ajouté le Président pour qui les cas de personnes disparues doivent être traités sans discrimination.  « Les personnes disparues et leurs familles ne sont pas des pièces de monnaie. »

M. Maurer a ainsi exhorté les États Membres, dans le cadre de la résolution d’aujourd’hui et au-delà, à adopter quatre mesures.  Premièrement, les États et les parties à des conflits armés doivent respecter et faire respecter le droit international humanitaire dans leurs opérations.  Ils doivent défendre le droit des familles de savoir; veiller à la protection des civils, faire en sorte que personne ne « disparaisse » dans un conflit armé à la suite des hostilités ou après son arrestation, et assurer une gestion systématique et digne des morts.  Le Président a appelé les parties à un conflit à donner au CICR l’accès aux lieux de détention et à faciliter les contacts familiaux.  Cette étape importante contribuerait grandement à empêcher la disparition des détenus. 

Deuxièmement, les États doivent mettre en place des mesures préventives.  Sans action rapide, le travail visant à prendre en compte les personnes disparues ne fait que se compliquer, aggravant les souffrances des familles et compromettant le soutien nécessaire pour répondre à leurs besoins.  Les obligations ne commencent pas après la fin des hostilités, a rappelé M. Maurer. 

Troisièmement, la question des disparus doit être avant tout humanitaire et ne pas faire partie des agendas politiques et des processus de responsabilisation.  Les États doivent traiter les cas de personnes disparues sans discrimination.  « Trop souvent, nous assistons à une manipulation politique de cette question ou à la stigmatisation des familles d’anciens ennemis », s’est-il indigné. 

Quatrièmement, les États doivent soutenir une action humanitaire professionnelle, neutre et impartiale sur la question des disparus.  « Grâce à vos experts techniques et à vos institutions, vous pouvez vous associer au CICR et aux organisations locales et internationales pour soutenir la création d’une communauté de pratique mondiale, de normes techniques et de recommandations universellement reconnues », a indiqué M. Maurer avant de demander aux États de se hisser à la hauteur de leurs responsabilités et de prendre les mesures nécessaires pour relever ce défi humanitaire profond et pourtant négligé. 

M. SABAH KHALID AL HAMAD AL SABAH, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, s’est félicité de l’adoption de cette résolution d’une grande importance « humaine et humanitaire », dont sa délégation a été porte-plume.  D’une manière plus générale, ce texte s’inscrit dans une série de résolutions relatives aux questions humanitaires auxquelles s’intéresse de près le Koweït, « loin de toute considération politique », a-t-il rappelé.  Pour le Chef de la diplomatie koweitienne, les personnes disparues sont les principales victimes « de tout conflit ou de toute guerre », c’est la raison pour laquelle les retrouver doit devenir une priorité.  Dans ce contexte, il est nécessaire de tenir pour responsables les individus qui s’emploient à dissimuler les dépouilles pendant des conflits.  L’État du Koweït a une expérience « tragique » en la matière, comme l’illustrent ses difficultés à retrouver ses ressortissants disparus lors de la première guerre du Golfe.  Seuls 236 ont été retrouvés sur les 605 disparus.  M. Al Sabah a renouvelé son engagement à faire de la consolidation de la paix un axe majeur de la diplomatie préventive, en expliquant que retrouver les personnes disparues est un outil de prévention des conflits.  Le Ministre a indiqué la disposition de son gouvernement à promouvoir les capacités des autres États pour les aider à mieux protéger les civils. 

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni), a constaté, à son tour, que chaque année des milliers de personnes sont portées disparues et que le traumatisme que cela cause sape les relations au sein des communautés et les perspectives de réconciliation dans bien des cas.  Les circonstances de ces disparitions peuvent toutefois différer, qu’il s’agisse de civils fuyant un conflit, de combattants, de victimes d’exécutions extrajudiciaires ou de disparitions forcées, de migrants ou d’otages.  Le représentant a rappelé que dans le nord-est du Nigéria, Boko Haram a enlevé un grand nombre de femmes et de filles, alors que cinq à sept mille femmes yazidies ont été enlevées par Daech.  Il s’est félicité de ce que la résolution adoptée aujourd’hui permette de renforcer la collaboration dans ce domaine et souligne que les États ont la responsabilité première de traiter de la question des personnes disparues.  Après un conflit, le soutien international est souvent essentiel pour renforcer les capacités nationales, a constaté le représentant, en saluant le rôle joué par le CICR.

La question des personnes disparues en période de conflit armé, est un problème complexe, comme on l’a vu avec l’Iraq et le Koweït, a reconnu le représentant.  Il en a profité pour saluer le rôle de la Mission des Nations Unies au Kosovo et a demandé à Belgrade et Pristina de collaborer à la recherche des personnes disparues.  Le représentant a dénoncé les exécutions extrajudiciaires, en citant le cas de la Syrie où les groupes d’opposition en font les frais.  Il a reconnu l’importance qu’il y a à créer un mécanisme international pour gérer toutes les facettes de la problématique des personnes disparues et de leurs familles.  « Quelle que soit la position des parties aux conflits, entendons-nous pour reconnaître que la question des personnes disparues est une priorité pour tous », a conclu le représentant. 

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a rappelé que la complexité croissante des conflits armés leur confère un impact « multidimensionnel » sur la population civile et rend plus difficile sa protection.  Un des aspects de cet impact est la disparition des civils, qui n’a pas seulement des conséquences sur leurs proches, mais aussi sur les perspectives de régler un conflit, sur la consolidation de la paix et le développement durable.  Le CICR, a rappelé la représentante, estime à 140 000 le nombre de personnes disparues dans le monde, dont 36 000 en Afrique principalement à cause des conflits armés.  La représentante s’est donc jointe à l’appel du Secrétaire général au respect du droit international humanitaire applicable aux civils disparus, à la prévention des disparitions et à l’établissement des responsabilités.  La responsabilité principale de protéger la population incombe à chaque État, a reconnu la représentante. 

« Bien entendu, lorsque cela s’avère impossible, et à la demande des États, la communauté internationale, y compris les organisations humanitaires, peuvent fournir un appui à une cause juste et légitime, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies et dans le respect de la souveraineté nationale ».  Le droit international humanitaire, a poursuivi la représentante, prévoit des dispositions pour éviter la disparition des personnes et établir les responsabilités.  Mais il est de la responsabilité des parties au conflit de mettre en place des mécanismes et des moyens efficaces pour retrouver les personnes disparues et s’assurer que leur disparition ne relève pas d’une « stratégie militaire ».  « Cette réunion est un pas en avant important dans la protection des civils pendant les conflits », a estimé Mme Colifa.

Après s’être félicité de la tenue de cette réunion, qui fait écho aux priorités de la présidence franco-allemande de mars et d’avril du Conseil de sécurité, M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a estimé que la Syrie demeure le cas le plus épineux.  Dans ce pays, il y aurait plus de 10 000 cas de personnes disparues, sans compter le nombre de personnes placées en détention secrète, qui serait « 10 fois supérieur ».  Aussi a-t-il engagé l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie à travailler avec les parties au conflit pour obtenir la libération de ces personnes ou leur localisation.  Il a accusé l’État syrien d’être responsable de la plupart de ces crimes.  S’agissant de la résolution adoptée d’aujourd’hui, le représentant a avoué qu’il aurait souhaité des dispositions plus explicites et plus « fermes » sur l’« établissement des responsabilités », comme par exemple une référence à la Cour pénale internationale (CPI) et au Statut de Rome.

Cela n’a pas été possible, a-t-il révélé, en raison de la réticence de certains membres du Conseil.  Toutes les parties, a exhorté M. Heusgen, doivent respecter le droit des familles à obtenir les informations pour pouvoir localiser les personnes disparues et ce, dès le début d’un conflit.  Le représentant a salué, en conclusion, l’importance du travail de la Commission internationale des personnes disparues.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a déclaré que les estimations du CICR faisant état de centaines de milliers de personnes portées disparues interpellent la conscience collective et engagent à agir de concert afin de formuler des solutions collectives appropriées.  Il a appelé le Conseil à veiller à ce qu’aucune violation du dispositif juridique de la résolution ne soit tolérée et a engagé les États à coopérer pleinement avec les mécanismes redditionnels prévus à cet effet.  Il a aussi appelé au renforcement des capacités juridiques et institutionnelles des États sortant d’un conflit afin de leur permettre de mener des enquêtes et d’engager des poursuites contre les personnes ou groupes armés coupables de disparitions forcées.

Appelant à inscrire l’action du Conseil dans une approche préventive, le représentant a relevé que l’enregistrement en amont des détenus et le partage d’informations sur les cas de détention, entre autres, peuvent permettre d’établir une cartographie des lieux et des identités des personnes détenues, facilitant ainsi l’action des agences spécialisées dans la protection de leur droit et de leur intégrité physique.  L’établissement d’une structure centrale de recherche comme référentiel pour la constitution de base de données est tout aussi pertinent pour les processus d’identification des personnes disparues, leur localisation et l’identification des dépouilles et la protection des éléments de preuve.

Le représentant a en outre relevé que c’est en fédérant les moyens de lutte et en favorisant les échanges d’expérience et de bonnes pratiques que l’on parviendra à combler les lacunes capacitaires en matière de lutte contre la disparition des personnes lors des conflits armés.  Il a encouragé la coopération entre les autorités iraquiennes et koweitiennes afin d’apporter une réponse définitive à la question des ressortissants koweitiens disparus.

M. ZHAOXU MA (Chine) a noté que les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels ont établi des règles claires s’agissant des personnes disparues en période de conflit armé.  Malheureusement, a-t-il reconnu, ces règles sont souvent violées.  Le nombre de personnes disparues est en hausse et derrière ces chiffres, il y a une personne et une famille.  L’adoption de la résolution d’aujourd’hui, a poursuivi le représentant, illustre la position ferme du Conseil de sécurité pour le respect du droit international humanitaire.  Mais pour lutter contre le phénomène des personnes disparues en période de conflit armé, le Conseil de sécurité doit chercher à éliminer les causes profondes des conflits, en promouvant vigoureusement le règlement des différends par la médiation et la diplomatie préventive.  Il faut, a insisté le représentant, rejeter une fois pour toutes, les idées « anachroniques » comme le choc des civilisations.

Les Gouvernements des pays touchés par les conflits ont la responsabilité première de rechercher les personnes disparues, d’enquêter sur les conditions de leur disparition et de communiquer avec les familles.  « La souveraineté nationale doit être respectée », a martelé le représentant avant de féliciter le CICR pour continuer d’honorer les principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.  Il a émis l’espoir que toutes les agences humanitaires puissent jouer un rôle constructif similaire dans la question des personnes disparues en période conflit armé.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a insisté sur la nécessité, pour les parties aux conflits, de prévenir et répondre au phénomène des personnes disparues en temps de conflit qui, a-t-il affirmé, relève de la protection des personnes ne participant pas ou plus aux hostilités.  Du Sri Lanka, au Kosovo, jusqu’en Colombie, sur tous les continents, les conflits ont laissé dans leur sillage des milliers de disparus et il est essentiel que le Conseil de sécurité appelle les parties à prévenir les disparitions, à faciliter la réunion des familles de disparus et à permettre l’échange d’informations à leur sujet et le soutien des familles.  Le « droit à la vérité » doit être garanti, a-t-il souligné, et il est essentiel pour cela de coopérer avec la CICR.

Le représentant a expliqué que dans leurs théâtres d’opération, les forces françaises informent systématiquement et dans les plus brefs délais le CICR des personnes participant aux hostilités qu’elles détiennent après un diagnostic médical et assurent l’accès du CICR à ces détenus.  Elles signalent également leur transfert aux pays hôte; s’assurent que les personnes remises ne courent pas un risque de disparition forcée, et signalent au CICR les lieux de sépultures des personnes décédées « qui sont enterrées avec dignité ».  La France contribue aussi aux efforts d’identification et de recherche des personnes disparues.  Elle soutient également la reconnaissance du statut de personne disparue pour les Casques bleus et le développement d’une politique qui prenne pleinement en compte ce statut aux Nations Unies.

M. Delattre a ensuite souligné que la disparition d’une personne constitue un crime d’une extrême gravité lorsqu’elle résulte de l’action délibérée de l’État suivie du déni ou de la dissimulation du sort de la personne disparue et du lieu où elle se trouve.  Il a rappelé le rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie de novembre 2018 qui évoque des dizaines de milliers de personnes qui ont disparu, après avoir été aux mains des forces progouvernementales.  Les certificats de décès, quand ils existent, sont une mascarade, et ne sauraient absoudre le régime de crimes dont il a encore à répondre.  Le représentant a, par ailleurs, regretté que la résolution, parrainé par la France, ne mentionne pas explicitement la Convention pour la protection de toutes les personnes des disparitions forcées.

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a dit avoir voté en faveur de la résolution par « humanisme » et dans l’espoir que ce document aidera les familles à retrouver les proches qui sont encore peut-être vivants.  Malheureusement, les disparitions ont des raisons multiples, et ce serait une simplification « intolérable » que de les réduire à une simple question de droit international humanitaire.  Les instruments juridiques internationaux pertinents existent et tout dépend de la volonté politique de les mettre en œuvre, y compris s’agissant des personnes disparues.

Pour M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie), la question des personnes disparues en période de conflit armé fait intégralement partie des efforts pour renforcer la protection des civils dans les guerres.  Reprenant les chiffres alarmants du CICR, le représentant a prôné la création de centres pour la coordination et la mise en commun des informations « ce qui est nécessaire dès l’éclatement d’un conflit ».  Il faut en outre donner une formation appropriée aux forces armées et recenser les détenus, sans oublier d’élaborer des lois nationales s’inscrivant dans les instruments juridiques internationaux comme les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels.  Le représentant a aussi encouragé le renforcement de la coopération internationale comme autre moyen de faire des progrès, notamment pour ce qui est de l’identification des dépouilles grâce aux sciences et aux technologies modernes.  Une telle assistance ne doit cependant être apportée qu’à la demande des pays concernés, a-t-il précisé. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a avoué que les données dont nous disposons sur les personnes disparues révèlent une situation « alarmante ».  Malgré tout, il est possible d’adopter des mesures préventives.  Les disparitions de civils ont une double dimension: la victime elle-même et une famille qui souffre.  La localisation a donc une fonction « consolatrice » et « réconfortante ».  C’est la raison pour laquelle, après les attentats terroristes qui ont ensanglanté les années 80, le Pérou a établi un plan national intégral visant à aider les familles.  Il faut en effet des mécanismes pour promouvoir les pratiques optimales, à échanger les expériences et garantir des financements pour faciliter la localisation et l’identification des personnes disparues.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du sud) a souligné qu’il incombe aux États de veiller à la protection et au décompte des personnes sur leur territoire.  Il s’est dit gravement préoccupé par l’augmentation du nombre de personnes disparues en période de conflit, notant qu’outre les victimes elles-mêmes, l’impact du problème se fait ressentir de manière prolongée sur les familles et les communautés.  L’incertitude est un traumatisme qui exige toute l’attention des autorités nationales, des mécanismes régionaux et de la communauté internationale.  Le représentant a insisté sur l’importance de la coopération internationale, s’agissant en particulier des technologies pour localiser les personnes disparues.  Pouvoir rapatrier les dépouilles vers leur pays d’origine est un moyen d’appuyer le processus de guérison des familles et des communautés, a-t-il insisté.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a dit que répondre aux défis des personnes disparues requiert la prévention et la gestion précoce des cas de disparition, la lutte contre l’impunité et la coopération internationale.  La prévention et la gestion précoce des cas de disparition sont dans l’intérêt des individus et de leurs familles, mais aussi dans l’intérêt des États.  Le représentant s’est réjoui que la résolution adoptée aujourd’hui décrive plusieurs mesures concrètes.  Il s’agit souvent de mesures assez simples mais qui peuvent avoir un énorme impact si on les met en œuvre dès le début d’un conflit.  Prendre ces mesures, c’est limiter la souffrance humaine, préserver le tissu social, et limiter un ressentiment porteur de nouvelles tensions.  Les disparitions forcées peuvent s’apparenter à des crimes contre l’humanité, a-t-il souligné.  Dans ce cadre, il s’est dit félicité des travaux du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires.  Il a appelé les États à adhérer à la Convention internationale sur les disparitions forcées et à la mettre en œuvre dans leur législation nationale. 

Il a rappelé que ce cadre juridique règlemente les obligations des États, notamment les poursuites et les sanctions à l’encontre des auteurs de disparitions forcées ainsi que les dédommagements aux victimes et à leurs familles.  Nous sommes convaincus, a-t-il dit, que tout effort de réconciliation ou de paix est sapé si des familles entières sont abandonnées dans l’ignorance sur le sort de leurs proches, sans perspective de réparation, en laissant l’impunité régner sur ces disparitions.  Avant de terminer, il a souligné l’importance de la coopération internationale pour la prévention des disparitions ainsi que pour faire face à leurs conséquences.  Il est essentiel non seulement de se coordonner et d’échanger les informations concrètes, mais aussi d’échanger les expériences entre les mécanismes existants.  Il a aussi encouragé l’initiative du CICR « Projet des personnes disparues » qui vise un meilleur partage d’information, de conseils et d’expériences et l’élaboration de normes techniques qui peuvent être mises au profit de tous les États et acteurs concernés. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a rappelé à son tour que des milliers de civils syriens ont disparu ces huit dernières années, dont la majorité à cause s du « régime d’Assad ».  Ceux sont qui toujours injustement détenus doivent être libérés et les familles sont en droit d’attendre du « régime » des explications sur le sort de leurs proches.  Prendre des mesures aussi fondamentales et aussi humaines ne peut qu’aider à jeter la base nécessaire au succès du processus politique énoncé dans la résolution 2254, a souligné le représentant.  Les États-Unis, a-t-il poursuivi, financent depuis 2005 l’identification, la sécurité et l’exhumation des fosses communes en Iraq.  Sur les 6 000 Yézidis kidnappés par Daech en 2014, environ 3 000 sont toujours portés disparus avec des centaines de chrétiens et de chiites.  Les États-Unis ont aussi apporté un soutien financier à l’équipe d’enquête des Nations Unies qui vient de recevoir une somme de 2 millions de dollars pour les premières exhumations à Sinjar.

Plus de 20 ans après la guerre des Balkans, environ 10 000 personnes sont toujours portées disparues et l’expérience du Koweït n’est pas non plus à oublier.  Quelque 28 ans après la première guerre du Golfe, les États-Unis travaillent sans relâche pour fournir une imagerie satellitaire et aider à identifier les dépouilles.  La douleur et l’incertitude des familles peuvent empêcher le deuil, la réconciliation et la reconstruction.  Elles ont un impact négatif sur la capacité d’une société à rendre justice.  L’Iraq et le Koweït, a estimé le représentant, ont montré comment deux pays, émergeant d’un conflit, peuvent travailler dans la coopération et l’amitié.  C’est un exemple qui mérite les applaudissements de la communauté internationale en ce qu’il constitue un pas important vers la justice et la réconciliation.  Toutes les parties à un conflit doivent permettre aux familles de clarifier le sort de leurs proches, y compris les prisonniers de guerre.  Le Département américain de la défense a d’ailleurs créé une agence spéciale pour établir les responsabilités s’agissant des prisonniers de guerre et les personnes disparues.  La résolution adoptée aujourd’hui, a conclu le représentant, est le premier appel collectif que lance le Conseil pour traiter de cette « priorité humanitaire ».  Traduisons maintenant nos mots en actes et faisant le ensemble. 

M JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a estimé qu’il reste une marge de manœuvre pour que le Conseil de sécurité « affine » son approche de la question à l’ordre du jour.  Il a regretté qu’il n’ait pas été possible de reconnaître formellement dans la résolution le droit des familles de pouvoir localiser et identifier leurs proches.  Pourtant, les États n’honorent que peu ou pour leurs obligations, s’agissant des personnes disparues.  Toutes les parties, a insisté le représentant, doivent éviter de prendre pour cible des zones à forte densité de population et des infrastructures civiles.  Mais c’est malheureusement le cas aujourd’hui en Syrie, en Libye et en Afghanistan. Les États doivent en outre progresser dans l’harmonisation des procédures existantes relatives à l’exhumation, à l’identification, au rapatriement des dépouilles et à la localisation des fosses communes.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a constaté que dans de trop nombreux cas, les familles des personnes disparues attendent pendant des années avant de connaître le sort de leur proche et que l’incertitude dans laquelle se trouvent les communautés peut entraver les efforts de réconciliation.  Elle a appelé à des mesures préventives avant l’éclatement des conflits, notamment la création de registres listant les personnes « privées de liberté », la notification des familles, la collecte d’informations et un traitement digne des dépouilles.

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