En cours au Siège de l'ONU

8511e séance – matin 
CS/13778

Conseil de sécurité: le Chef de la Mission de l’ONU en Colombie inquiet face à « l’incertitude » autour du processus de paix

Le Représentant du Secrétaire général en Colombie a fait part au Conseil de sécurité, ce matin, de sa préoccupation face à « l’incertitude » qui entoure actuellement le processus de paix, en raison du manque de visibilité sur le statut des anciennes zones de conflit, de la lenteur dans la réintégration des ex-combattants, de l’insécurité grandissante et des divisions sur la justice transitionnelle.  Sans aller jusqu’à nier l’ampleur des défis, le Ministre colombien des affaires étrangères a dit aborder la conjoncture actuelle avec « optimisme ».

« L’insécurité et l’incertitude » continuent de peser sur le processus de paix en Colombie, s’est inquiété le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies.  M. Carlos Ruiz Massieu a rappelé la nature « historique » de l’Accord de paix final signé en 2016 entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP), après des décennies de conflit.  Mais nous savons tous, a-t-il prévenu, que c’est durant le processus de mise en œuvre « souvent long et difficile que se forge véritablement la paix ».

Le Gouvernement, a-t-il pressé, doit régler la question des 24 « secteurs territoriaux de formation et de réintégration » créés temporairement par l’Accord de paix, dont le statut légal arrive à expiration le 15 août prochain.  Il s’agit d’une source de préoccupation majeure pour les ex-combattants, a souligné le Représentant spécial, ajoutant que le Gouvernement doit également accélérer le processus d’approbation et d’allocation de fonds pour les projets de réintégration économique des ex-membres des FARC-EP.  Ces derniers, a fait observer le Représentant spécial, en parlant de la situation sécuritaire, font aussi l’objet d’assassinats au même titre que les leaders communautaires et les défenseurs des droits de l’homme.  M. Massieu a alerté sur les activités de groupes armés illégaux dans les secteurs territoriaux.

Après le rejet par le Président colombien, M. Iván Duque, de six articles de la loi statutaire de la Juridiction spéciale pour la paix, le Représentant spécial a appelé les autorités à régler promptement ce « dernier élément manquant du cadre légal » de justice transitionnelle créé par l’Accord de paix.  Compte tenu de l’intention du Président Duque de présenter trois projets de réforme constitutionnelle, il a aussi mis en garde les autorités contre toute initiative susceptible de rouvrir des éléments clefs de l’Accord final.

« Nous, au contraire, nous abordons la conjoncture actuelle avec optimisme », a répondu le Ministre colombien des affaires étrangères, M. Carlos Holmes Trujillo García, tout en se disant conscient que « les tâches les plus ardues à accomplir pour consolider la paix sont à venir ».  Face aux préoccupations « valides » sur la nécessité d’accélérer la réintégration des ex-combattants, M. Trujillo a indiqué que son gouvernement achève un processus « rigoureux » de planification et de budgétisation, qui bénéficierait prochainement à 6,6 millions de Colombiens dans les municipalités les plus affectées par le conflit. 

S’agissant du statut légal de ces zones, conçues « dès le départ comme temporaires », le Ministre s’est voulu rassurant.  L’engagement du Gouvernement à offrir des « conditions de stabilité et de certitude » aux ex-membres des FARC-EP n’est, lui, « aucunement temporaire », a-t-il affirmé, précisant qu’à l’expiration de leur statut, ces zones seraient intégrées à « l’ordre territorial ».  Là où cela ne sera pas possible, a-t-il précisé, nous envisagerons des « alternatives » pour la relocalisation des personnes démobilisées.  Le Ministre a aussi expliqué que la décision du Président Duque de faire objection à six articles de la loi statutaire de la Juridiction spéciale vise à doter la Juridiction du « cadre juridique le plus clair et le plus cohérent possible ».  Du reste, a-t-il précisé, le Président Duque « respectera la décision » du Congrès colombien, qui doit se prononcer sur le texte.

Le Gouvernement colombien « fait de son mieux » pour dégager un consensus social sur des questions fortement polarisées, a reconnu le Royaume-Uni, pour qui l’Accord de paix reste un exemple positif pour le reste du monde.  Mais, a dit la Fédération de Russie, « un ami se doit toujours de dire la vérité même quand elle est désagréable ».  Elle a dénoncé les lenteurs de la réforme rurale, de la réinsertion socioéconomique des ex-combattants et du lancement des programmes sur les cultures de substitution à la coca.  Nous pourrions partager avec la Colombie notre expérience de développement de cultures alternatives, a proposé le Pérou, alors que la France espérait que les réformes constitutionnelles envisagées par le Président colombien n’auront aucun effet rétroactif.

La Colombie, ont mis en avant les États-Unis, a montré sa force de leader régional quand elle a appuyé le Gouvernement intérimaire « légitime » du Venezuela dirigé par M. Juan Guaidó.  La Colombie, ont-ils rappelé, a accueilli 1,5 million de Vénézuéliens dont plus de 700 000 ont reçu un permis de séjour temporaire, facilitant leur accès aux services sociaux et à l’emploi.  « Nous vous sommes reconnaissants pour vos efforts », ont lancé les États-Unis à un pays avec lequel le partenariat « n’a jamais été aussi fort ». 

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) ET (S/2019/265)

Déclarations

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a rappelé la nature « historique » de l’Accord de paix final, qui a mis fin à des décennies de conflit dans le pays et montré au monde qu’il est possible de trouver des solutions négociées aux conflits armés.  « Dans le même temps, nous savons que c’est durant le processus de mise en œuvre souvent long et difficile que se forge véritablement la paix », a-t-il déclaré, jugeant fondamental que l’Accord de paix et ses « engagements interdépendants » soient appliqués « pleinement et intégralement ». 

Le Représentant spécial a rappelé que, la semaine dernière, il a participé à une manifestation en compagnie du Président colombien, M. Iván Duque, à Icononzo, un secteur territorial de formation et de réintégration, dans les chaînes montagneuses du centre du pays, où environ 200 anciens combattants vivent avec leur famille et entreprennent diverses activités productives.  À cette occasion, les anciens combattants ont exprimé de nombreuses préoccupations concernant leur sécurité, l’appui du Gouvernement à leurs activités productives et l’avenir des 24 secteurs territoriaux de formation et de réintégration après l’expiration de leur statut juridique, le 15 août prochain.  Le Représentant spécial a indiqué que le Président Duque, dont c’était la troisième visite dans un secteur territorial, s’était voulu rassurant.  M. Massieu y a vu le signe de la volonté des autorités de maintenir le dialogue, face à « l’insécurité et l’incertitude » qui continuent de peser sur le processus de paix et dont le dernier rapport du Secrétaire général se fait l’écho.

S’agissant de la réintégration, M. Massieu a indiqué que des projets de réintégration de 1 774 anciens membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP), dont 520 femmes, ont d’ores et déjà été approuvés.  D’après l’Agence pour la réintégration et la normalisation, le nombre d’anciens FARC-EP participant au processus de réintégration s’élève désormais à 10 500 personnes.  Afin de maintenir une forme « d’optimisme » dans le climat « d’incertitude » actuel, M. Massieu a encouragé le Gouvernement à accélérer le processus d’approbation et d’allocation de fonds pour les projets de réintégration lesquels ont trait à des activités diverses telles que la création de pâtisseries, de restaurants, d’entreprises de textile ou de chaussures et d’exploitations agricoles.  Le Représentant spécial a invité le Gouvernement colombien à faciliter l’accès aux marchés des produits fabriqués par les anciens combattants. 

M. Massieu a en outre salué les efforts récents entrepris par le Gouvernement pour tenter de régler la question du statut des 24 secteurs territoriaux de formation.  Il a invité les autorités colombiennes à communiquer au plus vite sur ces différentes mesures avec les anciens membres des FARC-EP.

S’agissant de la sécurité, M. Massieu s’est dit gravement préoccupé par le meurtre de leaders communautaires, de défenseurs des droits de l’homme et d’anciens membres des FARC-EP.  En dehors des périmètres de sécurité des secteurs territoriaux, où sont déployés les Forces armées et de police colombiennes, des groupes armés illégaux se disputent le contrôle des territoires et menacent les anciens combattants et les communautés, a précisé M. Massieu, appelant à ce que la présence des forces de sécurité du Gouvernement se doublent d’une présence accrue des institutions civiles, notamment pour développer les zones concernées.

Le Représentant spécial a ensuite rappelé que, le 8 février, le Congrès colombien a transmis la loi statutaire de la Juridiction spéciale pour la paix au Président Duque pour signature.  Le 10 mars, après quatre semaines de vifs débats publics, le Président a annoncé qu’il faisait objection à six articles de la loi statutaire et renvoyait le texte au Congrès.  M. Massieu a appelé les autorités du pays à régler promptement la question de la loi statutaire, « dernier élément manquant du cadre légal » de la Juridiction spéciale pour la paix.  Parallèlement, il a salué les « résultats impressionnants » de la Juridiction spéciale, qui a d’ores et déjà ouvert sept affaires sur des violations dont auraient souffert 820 000 personnes. 

Compte tenu de l’intention du Président Duque de présenter trois projets de réforme constitutionnelle, M. Massieu a mis en garde le Gouvernement colombien contre toute initiative susceptible de rouvrir des éléments clefs de l’Accord de paix final.  Le Représentant spécial a réaffirmé que les autorités du pays peuvent compter sur le « soutien indéfectible » des Nations Unies pour relever l’ensemble de ces défis.

Mme ROSA EMILIA SALAMANCA, Codirectrice de Corporación de Investigación y Acción Social y Económica (CIASE), a appelé à une attention soutenue sur la mise en œuvre de l’Accord de paix en Colombie et à un soutien ferme au processus de mise en œuvre.  La plus grande richesse de l’Accord est qu’il se fonde sur « une approche interconnectée de la paix », a-t-elle dit.  Comme élément important de la mise en œuvre, elle a cité en premier l’intégration des anciens combattants.  Sous l’angle de la société civile, elle a souligné combien la réintégration et la réconciliation sont bénéfiques aux sociétés et à la paix durable.  Elle a énuméré sept mesures à prendre à cet effet, comme accélérer la mise en œuvre de l’aspect genre, éliminer les incertitudes sur les garanties physiques et juridiques pour les anciens combattants, ou encore accélérer le versement de fonds pour rendre opérationnels les « projets productifs ». 

Mme Salamanca a ensuite fait des recommandations pour garantir le bon fonctionnement du Système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition, qui a été « vanté au niveau mondial pour son équilibre entre paix et justice ».  Elle a plaidé en faveur d’un vrai leadership et d’une bonne défense des droits de l’homme.  Elle a jugé cruciale la réactivation du Processus national en matière de garanties et appelé à soutenir la Commission nationale des garanties de sécurité.  La protestation sociale est un mécanisme légitime de toute démocratie, a-t-elle souligné en invitant le Gouvernement à le dire clairement.  Mme Salamanca a terminé son intervention en soulignant que l’État ne peut augmenter sa présence et ses capacités dans le pays sans l’armée.  Elle a aussi insisté sur la lenteur de la prise en compte de l’aspect genre dans le processus de paix, alors qu’il y a un grand potentiel de ce côté-là.

Pour Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni), l’Accord de paix reste un exemple positif pour le reste du monde, et le Gouvernement colombien « fait de son mieux » pour dégager un consensus social sur des questions fortement polarisées.  Elle a mis l’accent sur la justice transitionnelle et a demandé un appui politique à l’instance qui en est responsable de manière à étoffer la confiance du public dans le processus.  Elle s’est fait l’écho des défenseurs des droits de l’homme, victimes de violences et d’assassinats, et a demandé des mesures concrètes pour améliorer leur sécurité.  À ce titre, elle a demandé une présence plus forte de l’État dans les zones rurales.  Elle a aussi appelé à accélérer le rythme du processus de paix, s’agissant, en particulier, des programmes d’alternatives aux cultures illicites.  La représentante a voulu que la communauté internationale reste aux côtés de la Colombie tout au long du processus de mise en œuvre de l’Accord de paix. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a proposé des mesures pouvant renforcer la confiance en Colombie.  Il a salué la volonté du Gouvernement de mettre pleinement en œuvre l’Accord de paix et demandé l’intensification du dialogue national, se félicitant de la volonté du Président colombien de « tourner la page du conflit ».  Il faut, a conseillé le représentant, poursuivre l’intégration socioéconomique des anciens combattants et veiller à leur offrir des garanties de sécurité, en particulier dans les zones rurales plus vulnérables à la violence que les zones urbaines.  Le représentant a aussi préconisé un plan d’action pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, les autres activistes et les journalistes.  Nous pouvons, a-t-il conclu, partager avec la Colombie notre expérience de développement de cultures alternatives pour lutter contre les stupéfiants.  Il n’a pas manqué d’insister sur le fait que la Juridiction spéciale pour la paix est « un pilier fondamental » de l’Accord de paix dont le bon fonctionnement est « essentiel ».

La mise en œuvre de l’Accord de paix est désormais à un point critique et beaucoup de problèmes restent à régler, a déclaré M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis).  Il a donc salué les efforts du Gouvernement pour élargir sa présence dans les zones affectées par le conflit pour empêcher les groupes armés illégaux et les organisations criminelles de remplacer les FARC et de créer de nouvelles sources de violence.  Le représentant a exhorté le Gouvernement à renforcer les institutions et les programmes visant à prévenir le recrutement d’enfants par les groupes armés.  Il s’est dit profondément préoccupé par les attaques contre les leaders sociaux et les défenseurs des droits de l’homme et a encouragé le Gouvernement à redoubler d’efforts pour protéger ces « membres vulnérables » de la société et à continuer de protéger, d’aider et d’autonomiser les déplacés.  La justice et l’établissement des responsabilités pour les crimes commis pendant toutes ces années sont essentiels pour la réconciliation, a martelé le représentant.  La Colombie, a-t-il insisté, doit veiller à ce que les responsables de ces crimes soient traduits en justice, qu’il s’agisse des FARC, des paramilitaires ou des agents de l’État, dont les militaires. 

Pour les États-Unis, le système de justice transitionnelle prévue par l’Accord de paix est vital pour traiter des crimes de guerres et des violations des droits de l’homme.  Le représentant a salué les efforts visant à assurer la conformité de la loi sur la Juridiction spéciale pour la paix avec l’Accord de paix, la Constitution, les institutions démocratiques du pays et ses obligations en vertu du droit international.  Il a souligné l’importance qu’il y a à adopter la loi statutaire pour mettre en place un cadre juridique solide, efficace et indépendant.  Le partenariat entre la Colombie et les États-Unis n’a jamais été aussi fort, s’est félicité le représentant en parlant de la lutte conjointe contre les organisations criminelles et le trafic de drogue, y compris la réduction de moitié d’ici à 2023 de la culture de coca et de la production de cocaïne.  La Colombie, s’est-il encore félicité, a montré sa force de leader régional, en appuyant le Gouvernement intérimaire « légitime » du Venezuela dirigé par M. Juan Guaidó.  La Colombie, a-t-il rappelé, a accueilli 1,5 million de Vénézuéliens dont plus de 700 000 ont reçu un permis de séjour temporaire, facilitant leur accès aux services sociaux et à l’emploi.  Nous vous sommes reconnaissants pour vos efforts, a conclu le représentant.

Nous avons toujours appuyé le processus de paix en Colombie, a souligné M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) mais « un ami se doit toujours de dire la vérité même quand elle est désagréable ».  Deux ans et demi après la signature de l’Accord de paix, il faut éviter de faire machine arrière, a prévenu le représentant.  Il s’est dit que le Gouvernement ait renvoyé au Congrès, la loi statutaire de la Juridiction spéciale pour la paix, provoquant l’ire de la société civile.  Rassuré par les explications du Ministre colombien des affaires étrangères, le représentant a tout de même déploré les lenteurs de la réforme rurale, de la réinsertion socioéconomique des anciens combattants et du lancement des programmes sur les cultures de substitution à la coca.  Il s’est aussi dit inquiet de la présence de nouvelles mines dans des zones qui avaient été déminées.  Au nom de la viabilité de la paix, le représentant a appelé à un dialogue direct entre les parties. 

Il a ensuite commenté le rapport du Secrétaire général pour s’étonner de l’absence de certaines informations importantes dont le soulèvement des populations du sud-ouest qui bloquent les routes depuis des semaines, créant une confusion qui risque de laisser le champ libre aux groupes armés.  Le représentant a mis en garde contre toute tentative de prétexter des troubles au Venezuela pour retarder la mise en œuvre de l’Accord de paix.  La Colombie, a-t-il prévenu, a elle-même pas moins de cinq points chauds impliquant des milliers de combattants opposés aux forces gouvernementales.  Le nombre des anciens combattants qui reprennent les armes a augmenté, à la fin de l’année dernière, a-t-il ajouté, avant d’inviter la Mission de vérification à continuer d’appuyer la réinsertion des anciens combattants dans la vie civile. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a relevé que le processus de paix constitue une occasion unique de tenir compte des droits des victimes, de rompre les cycles de violence et de mettre en œuvre une dynamique de transformation.  De même, la finalisation des plans de développement territorial est une étape importante.  Il a tout de même noté une polarisation et des tensions ces derniers mois.  Parmi les mesures qui peuvent atténuer ces tensions, le représentant a cité l’accélération du processus de réintégration socioéconomique, la promotion d’un meilleur accès à la terre et des éclaircissements sur l’avenir des zones de concentration, avec la pleine participation des FARC aux fora créés dans le cadre de l’Accord de paix.  Il a aussi appelé à la mise en œuvre des actions de la stratégie nationale de réintégration liées au genre et à la mise en place rapide de la commission intersectorielle pour la sécurité des femmes dirigeantes et défenseures des droits de l’homme.  De même, une attention particulière doit être portée à la protection des droits de l’enfant et à la lutte contre les violations dont les enfants font l’objet, par exemple leur recrutement et leur utilisation par des groupes armées non étatiques. 

Le représentant a également attiré l’attention sur la violence persistante contre les défenseurs des droits humains et les dirigeants sociaux en dehors des périmètres de sécurité.  Il a donc vivement encouragé les autorités colombiennes à affirmer la présence de l’État sur l’ensemble du territoire, y compris par le biais de programmes sociaux.  Ces mesures contribueront aussi à faire face à la problématique de la violence contre d’anciens combattants des FARC.  La justice transitionnelle, a souligné le représentant, est la pierre angulaire de l’Accord de paix.  Il a exhorté toutes les parties concernées à prendre des mesures en vue de l’adoption rapide de la loi statutaire de la Juridiction spéciale pour la paix, non sans oublier de saluer la solidarité dont les Colombiens font preuve à l’égard des nombreux réfugiés et migrants du Venezuela. 

Pour Mme JOANNA WRONECKA (Pologne), la signature de l’Accord de paix doit être comptée parmi les succès dans les situations dont le Conseil est saisi.  Elle a appelé le Président Duque à éviter les mesures qui viendraient fragiliser le processus de paix.  Elle a par exemple regretté que la loi statutaire de la Juridiction spéciale pour la paix n’ait toujours pas été adoptée.  Cette Juridiction, a-t-elle insisté, doit être dotée de tous les outils pour fonctionner en toute indépendance.  Mme Wronecka a aussi souligné la nécessité de réintégrer pleinement les anciens combattants et attiré l’attention, à cet égard, sur la question importante de la propriété foncière.  Or, à ce jour, aucune terre n’a été affectée à d’anciens membres des FARC.  Quant à la crise migratoire vénézuélienne, elle a remercié les autorités et le peuple colombiens d’avoir avoir ouvert leurs portes aux réfugiés et migrants. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé, à son tour, que la Colombie se situe à un moment charnière de son histoire.  Deux ans après le désarmement et la réintégration politique des FARC, il est essentiel de réussir le processus de réincorporation dans son intégralité.  Le représentant a insisté sur la préservation de la justice transitionnelle et appelé à une adoption rapide de la loi statutaire sur la juridiction spéciale pour la paix.  Prises entre le ressentiment d’une partie de la population et le sentiment d’insécurité juridique et physique des anciens combattants, les autorités colombiennes, a dit le représentant, ont la difficile tâche de maintenir et de renforcer le lien de confiance qui unit tous les acteurs du processus de paix.  Il s’est donc dit inquiet de l’intention du Gouvernement de mener des réformes constitutionnelles.  « Il est essentiel de réitérer leur caractère non rétroactif », a-t-il insisté.  Il a ensuite souligné que la réincorporation économique et sociale est l’autre clefs d’un processus de paix durable.  L’enjeu est maintenant d’accélérer la mise en œuvre globale du processus et de traiter de la question de l’accès à la terre.  Enfin, le représentant a jugé comme priorité la situation sécuritaire fragile dans les anciennes zones de conflit où les défenseurs des droits de l’homme et les anciens combattants restent les cibles privilégiées des groupes criminels.  Un déploiement des services de base de l’État apparaît essentiel pour stabiliser ces zones, a estimé le représentant qui a aussi appelé à des mesures pour garantir le déroulement dans les meilleures conditions des élections départementales et municipales d’octobre prochain. 

M. HAITAO WU (Chine) a invité la communauté internationale à soutenir la Colombie alors que le pays est engagé dans la reconstruction et la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Il a espéré que les parties colombiennes vont s’accorder sur la question de la Juridiction spéciale pour la paix qui les divise.  Il a invité la Mission de l’ONU à poursuivre son rôle d’accompagnement du processus de paix colombien. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a axé son intervention sur la justice transitionnelle, la réintégration des anciens combattants et l’appui de la communauté internationale.  Il a milité pour un ferme appui à la juridiction spéciale pour la paix par toutes les parties concernées.  Il a insisté sur l’indépendance et l’autonomie de la juridiction ainsi que sur le strict respect de ses décisions.  Le représentant a noté que le Président Duque s’est opposé à 6 des 159 articles de la loi statutaire et à la renvoyer devant le Congrès.  Il a tout de même espéré que la loi sera rapidement adoptée.  Il a ensuite mis l’accent sur l’importance qu’il y a à ce que les anciens combattants aient accès aux sources de revenus et à la terre.  La réintégration est un processus de longue haleine et ne doit pas concerner que les anciens combattants mais aussi les communautés d’accueil.  Il a salué les projets pour faciliter la réconciliation nationale et la réintégration, et en particulier l’implication des femmes dans ces efforts.  Le représentant a appelé à un soutien inconditionnel de la communauté internationale, dont le Conseil de sécurité qui doit rester aux côtés du Gouvernement et du peuple colombiens pour relever les défis restants.

S’il s’est dit satisfait des résultats encourageants enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix le 24 novembre 2016, M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a cependant estimé que cette dynamique positive n’occulte pas les défis qui restent à relever concernant les questions sécuritaires, la réintégration socioéconomique et la justice transitionnelle.  Sur le plan sécuritaire, il s’est dit toujours préoccupé par la recrudescence des assassinats de dirigeants sociaux, de membres des FARC et de défenseurs de droits de l’homme.  Aussi a-t-il exhorté les autorités colombiennes à redoubler d’efforts afin de réduire davantage le niveau de violence et à assurer une meilleure protection des dirigeants et membres des FARC dans les zones concernées.  S’agissant de la réintégration socioéconomique, il a salué les mesures prises par le Gouvernement colombien pour permettre aux ex-combattants d’accéder à la propriété foncière, élément essentiel du processus.  De même, il est nécessaire d’accélérer le processus d’approbation de projets d’activités génératrices de revenus et d’allouer des fonds aux projets déjà approuvés, a recommandé le représentant, en appelant les bailleurs de fonds et les partenaires bilatéraux à accompagner le Gouvernement colombien dans le financement de ce programme.  Enfin, en ce qui concerne la justice transitionnelle, M. Ipo a appuyé les recommandations du Secrétaire général sur les mesures urgentes à prendre pour mettre en place la loi statutaire et allouer des moyens adéquats à la Juridiction spéciale pour la paix. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Guinée équatoriale) a dit que la réinsertion sociale des anciens combattants est un pilier essentiel du processus de paix, notamment pour les empêcher de reprendre les armes.  Il a donc invité la communauté internationale à poursuivre son soutien au Gouvernement colombien en vue de consolider la paix et salué la volonté affichée par le Président Duque de poursuivre la mise en œuvre de l’Accord de paix.  La justice, a-t-il dit, à son tour, est un élément clefs de la paix.  Il est donc important que la juridiction spéciale pour la paix fonctionne selon la loi statutaire.  Le représentant a aussi déploré les actions de l’Armée de libération nationale (ELN), avant d’inviter la Mission de vérification à poursuivre son travail de soutien au processus de réinsertion des anciens combattants. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a pointé du doigt les défis qu’il faudra relever pour aller de l’avant.  Il a appelé à la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix et de la loi statutaire.  Il a pris de la décision du Président Duque d’examiner la juridiction spéciale pour la paix laquelle, a-t-il reconnu, peut-être une chance de dégager un consensus sur la justice transitionnelle.  Nous comptons que ce processus ne fasse pas monter la tension dans le pays, a dit le représentant.  La juridiction spéciale pour la paix est une composante « essentielle » de l’Accord et tout retard dans sa mise en place pourrait saper les perspectives politiques, socioéconomiques et sécuritaires du pays, a-t-il averti.  Le représentant a insisté sur les droits des victimes.  L’Afrique du Sud, a elle-même été aidée par la communauté internationale pour surmonter ses décennies de division et de méfiance.  Il a donc exhorté les États et les partenaires internationaux à aider la Colombie à préserver l’Accord de paix et ce faisant, à tenir compte des droits des victimes, à élargir l’accès à la justice et aux réparations, à offrir des garanties de sécurité, à maintenir un dialogue inclusif et à régler pacifiquement toute tension. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a salué le travail abattu depuis la signature de l’Accord de paix.  Il reste cependant des progrès à faire sur le plan de la réinsertion socioéconomique des anciens combattants, a-t-il reconnu.  Il a appelé le Gouvernement colombien à fournir toutes les garanties de sécurité aux anciens combattants mais aussi pour les leaders communautaires, les autochtones et les défenseurs des droits de l’homme, visés par les assassinats, les actes violents et autres intimidations.  Il a salué à cet égard la signature du « Pacte pour la vie » et s’est félicité des efforts de la Mission de vérification pour impliquer les jeunes et les femmes dans tous les aspects du processus de paix. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a estimé que, depuis la signature de l’Accord de paix, la Colombie s’est érigée en « exemple pour la paix ».  Il a salué les efforts du Gouvernement dans le processus de réintégration des anciens combattants et a appelé à l’accélération de la mise en œuvre de certaines dispositions sur la réinsertion.  Les objectifs n’ont été atteints qu’à hauteur de 20%, a-t-il estimé.  Mais les sacrifices économiques de la réinsertion seront compensés, a-t-il affirmé, par les gains de la cohésion économique et sociale.  M. Singer a donc jugé urgent de régler l’accès à la terre.  Déplorant l’assassinat de 12 anciens combattants, il a rappelé l’État colombien à sa responsabilité de traduire les coupables en justice.  De même, les menaces et le meurtre de leaders sociaux et de défenseurs des droits de l’homme sont tout simplement « inacceptables ».  L’État colombien doit régler ce problème d’insécurité, s’est impatienté le représentant avant de réclamer l’intégration de la question genre dans les garanties de sécurité et la reconnaissance du rôle « fondamental » des jeunes dans la promotion de la paix.  Il a conclu en plaidant pour l’indépendance et l’autonomie de la Juridiction spéciale pour la paix et demandé au peuple colombien d’éviter la polarisation dans le débat public sur la mise en œuvre de l’Accord de paix.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a rappelé les défis qui restent à surmonter notamment l’indépendance et le fonctionnement normal de la Juridiction spéciale pour la paix et des autres mécanismes de vérité, de justice, de réparation et de non-répétition.  Le représentant a encouragé le Gouvernement à soutenir ces institutions et à leur octroyer des moyens financiers adéquats.  Il a regretté que plus de deux ans après la signature de l’Accord de paix, la Juridiction spéciale pour la paix n’ait pas encore de cadre juridique.  Il a aussi noté un sentiment croissant d’incertitude concernant le statut juridique des combattants « qui pourrait être préjudiciable à la consolidation du processus de paix. »  Concernant la situation sécuritaire, il l’a jugée très préoccupante dans les zones rurales.  Les leaders sociaux et les militants des droits de l’homme qui soutiennent l’Accord de paix sont en danger, a-t-il alerté. 

Le représentant s’est aussi dit préoccupé par la situation des dirigeants autochtones, des femmes leaders et des militantes des droits de l’homme.  Il faut de toute urgence assurer leur protection, a-t-il dit, voyant des taux d’assassinats « élevés et inquiétants ».  Il a encouragé le Gouvernement à élargir la présence des institutions de l’État dans les zones isolées et touchées par le conflit « afin de créer un environnement sûr et stable pour tous les Colombiens ».  S’agissant de la réintégration des anciens combattants des FARC, le représentant a estimé que les progrès devraient être plus probants.  Il a appelé le Gouvernement à redoubler d’efforts dans la mise en œuvre des dispositions sur le genre de l’Accord de paix, en particulier la réintégration des combattantes « qui devrait être une priorité ».  Il a encouragé le Gouvernement à accélérer le processus de développement socioéconomique et à offrir des perspectives d’avenir aux jeunes.      

M. CARLOS HOLMES TRUJILLO GARCÍA, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a déclaré que le Président Duque s’est attelé à la mise en œuvre de l’Accord de paix final avec une « volonté indiscutable ».  Dans ce cadre, il a dit ne pas partager les conclusions du rapport du Secrétaire général, d’après lesquelles le processus de paix en Colombie « se trouve à un moment décisif » de sa mise en œuvre.  « Nous, au contraire, nous abordons la conjoncture actuelle avec optimisme », a déclaré le Ministre, tout en se disant conscient que, pour paraphraser le rapport de M. António Guterres, « les tâches les plus ardues à accomplir pour consolider la paix sont à venir ».

Le Ministre a précisé que cet optimisme s’enracine dans l’ « engagement ferme » du Gouvernement colombien et dans la confiance qu’il a dans les institutions du pays.  Face aux préoccupations « valides » du Secrétaire général, quant à la nécessité d’accélérer l’accès aux biens et services publics dans les secteurs territoriaux de formation et de réintégration, M. Trujillo García a indiqué que son gouvernement s’est livré à un processus « rigoureux » de planification et de budgétisation, qui permettrait d’appuyer les ex-combattants dans leurs diverses activités productives et de bénéficier à 6,6 millions de Colombiens dans les municipalités les plus affectées par le conflit.  Il a également annoncé des progrès dans l’approbation des projets de réintégration, pour un montant de 6,2 millions de dollars à ce jour.

Le Ministre colombien a par ailleurs rappelé que 3 537 anciens membres des FARC-EP et 7 074 familles résident actuellement dans les 24 secteurs territoriaux de formation et de réintégration, dont le statut juridique doit expirer le 15 août prochain.  Bien que ces zones aient été conçues « dès le départ comme temporaires », l’engagement du Gouvernement à offrir des « conditions de stabilité et de certitude » aux anciens membres des FARC-EP n’est, lui, « aucunement temporaire », a déclaré M. Trujillo García, ajoutant qu’à l’expiration du statut, ces zones seraient intégrées à « l’ordre territorial ».  Là où cela ne sera pas possible, a-t-il ajouté, nous envisagerons des « alternatives » pour la relocalisation des personnes démobilisées, tout en continuant d’assurer la stabilité, la sécurité juridique et physique, la fourniture de biens et services et les conditions pour la conduite d’activités productives.

S’agissant de l’instabilité dans certaines zones du pays, M. Trujillo García a déclaré qu’elle va de pair avec l’essor du trafic de drogue, alors que la culture de coca est passée de 60 000 à 200 000 hectares entre 2013 et 2018.  « Nous ne devons pas oublier que le trafic de drogue a alimenté les violences les plus sanglantes en Colombie depuis plus de 40 ans », a-t-il insisté, ajoutant que le Président Duque vient d’adopter des mesures de sécurité pour lutter contre ce phénomène.  Quant aux meurtres de défenseurs des droits de l’homme, a-t-il ajouté, ils sont passés de 9 en août 2018 à un seul cas en février 2019.  De plus, a précisé le Ministre, les auteurs ont été identifiés dans 57% des 265 cas de meurtres enregistrés entre 2016 et 2019.

S’agissant de la décision du Président Duque de faire objection à six articles de la loi statutaire de la Juridiction spéciale pour la paix, le Ministre a assuré que cette décision a pour but de doter la Juridiction spéciale du « cadre juridique le plus clair et le plus cohérent possible », afin qu’elle puisse répondre à l’aspiration de tous les Colombiens.  Du reste, M. Trujillo García a précisé que le Président Duque « respectera la décision » du Congrès colombien, qui doit se prononcer sur le texte.

En conclusion, le Ministre a indiqué que son gouvernement continue de travailler à la réalisation de la paix « dans la légalité » et « au bénéfice de tous les Colombiens ».  En ce sens, les observations de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie et des membres du Conseil seront « toujours les bienvenues ».

Reprenant la parole, La Codirectrice de Corporación de Investigación y Acción Social y Económica (CIASE), a insisté sur la mobilisation de fonds pour la promotion de question du genre dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et sur la création d’un programme spécial pour la protection des femmes leaders engagées dans le processus de paix. 

 

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