Iraq: la Représentante spéciale rappelle la nécessité d’achever la formation du Gouvernement pour consolider les acquis
La Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Iraq, Mme Jeanine Hennis-Plasschaert, a souligné, ce matin, devant le Conseil de sécurité, la nécessité de finaliser la formation du Gouvernement iraquien pour préserver les acquis et maintenir l’« optimisme » qui règne dans le pays depuis la fin de l’occupation de Daech, lequel a tout de même laissé des « pépinières du terrorisme résiduel », selon les mots de l’Iraq.
Mme Hennis-Plasschaert, qui est aussi Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), a présenté deux rapports* du Secrétaire général. Elle a salué la nomination par consensus du nouveau Premier Ministre iraquien, M. Adel Abdul-Mahdi, il y a quatre mois, et indiqué que le Gouvernement reste néanmoins incomplet avec quatre vacances, y compris aux ministères de la défense, de l’intérieur et de la justice qui font l’objet de désaccords profonds, alors que la session du Parlement iraquien est suspendue.
La formation du gouvernement est pourtant essentielle pour consolider les acquis en matière de sécurité et travailler au relèvement du pays, a souligné la Représentante spéciale. Car si sa défaite militaire a laissé la place à l’optimisme et à l’espoir, Daech, a-t-elle prévenu, continue de poser une menace pour l’Iraq et la région.
Les huit délégations qui se sont exprimées ont, elles aussi, souhaité la formation rapide du Gouvernement iraquien. La mise en place d’un gouvernement inclusif, a estimé la Côte d’Ivoire, permettrait de mettre en œuvre les réformes urgentes nécessaires. Le nouveau Gouvernement, a embrayé l’Afrique du Sud, doit commencer à remplir les promesses sur les plans de la sécurité, du retour digne des personnes déplacées, de la réhabilitation des services publics ou encore de la revitalisation de l’économie. Le programme politique « ambitieux » du nouveau Premier Ministre a été salué par la Guinée équatoriale.
Le Koweït a souligné l’importance de la coopération internationale, avant de regretter que le vingt-huitième anniversaire de l’invasion de son territoire par l’Iraq ait été entachée par la question toujours en suspens de la restitution des dépouilles de nombreux disparus koweïtiens. L’Iraq a dit accorder toute l’attention requise à cette question. Nous entrons à présent, a-t-il affirmé, dans une phase de « confrontation sécuritaire » avec les « pépinières du terrorisme résiduel ». « C’est aussi une phase de « bataille intellectuelle » pour faire reculer la radicalisation. » Réalisme et détermination seront cruciaux pour assurer la stabilisation à long terme de l’Iraq, qui est loin d’être aisée, a reconnu la Représentante spéciale, en jugeant « crucial » le soutien international.
*S/2019/78 et S/2019/101
SITUATION CONCERNANT L’IRAQ
Vingt et unième rapport établi par le Secrétaire général en application du paragraphe 4 de la résolution 2107 (2013) du Conseil de sécurité
Déclarations
Mme JEANINE HENNIS-PLASSCHAERT, Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Iraq, a rappelé la nomination par consensus du nouveau Premier Ministre, M. Adel Abdul-Mahdi, il y a quatre mois. Le Gouvernement reste néanmoins incomplet avec quatre vacances, y compris aux ministères de la défense, de l’intérieur et de la justice qui font l’objet de désaccords profonds, alors que la session du Parlement iraquien est suspendue. La formation du Gouvernement est essentielle pour consolider les acquis en matière de sécurité et travailler au relèvement du pays, a souligné la Représentante spéciale. Elle a appelé tous les acteurs politiques à surmonter leurs divergences et à faire prévaloir l’esprit de compromis dans l’intérêt supérieur du peuple iraquien. Ce sont les Iraquiens qui paient le prix fort de cette impasse, a-t-elle rappelé, en saluant néanmoins l’adoption de la loi des finances, le 23 janvier au Parlement, et celle des mesures contre la corruption.
La Représentante spéciale a en outre salué l’accord signé le 16 janvier entre le Gouvernement fédéral et le Gouvernement régional du Kurdistan pour harmoniser les pratiques douanières. Les négociations pour la formation du gouvernement dans la région du Kurdistan se poursuivent. L’appui à la stabilisation du pays demeure une priorité internationale, dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Iraq, a affirmé la Représentante spéciale pour qui la situation sécuritaire demeure préoccupante.
Malgré sa défaite militaire, Daech continue de poser une menace pour l’Iraq et la région, a-t-elle déclaré, en assurant de l’appui de la Mission d'assistance des Nations Unies pour l'Iraq (MANUI). Elle a ajouté que les autorités iraquiennes ont condamné les frappes turques dans le nord du pays contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et appelé les deux pays à s’engager dans la voie du dialogue. Mme Hennis-Plasschaert a souligné la nécessité d’une bonne administration de la justice dans le pays; la répression des crimes commis par Daech étant un élément clef pour la cohésion de l’Iraq. Elle a déploré la faible participation des femmes aux processus de prise de décisions et exhorté les dirigeants politiques à y remédier.
Cette année, la communauté humanitaire va se concentrer sur les besoins des 1,75 million d’Iraquiens vulnérables, y compris les personnes déplacées. Nous avons besoin, a dit la Représentante spéciale, de 700 millions de dollars pour financer le Plan d’aide humanitaire de 2019. Elle a précisé que depuis la Conférence internationale de février 2018 pour la reconstruction de l’Iraq, 53 projets ont été lancés portant notamment sur les services publics, la protection ou bien encore la réconciliation. Quant à la question des nationaux du Koweït disparus et de la restitution des biens koweitiens, « priorité » de son mandat, elle a appelé les États à renforcer leur appui par la fourniture d’équipes techniques et d’équipes de médecins légistes.
La Représentante spéciale a indiqué que l’atmosphère de désespoir qui régnait lors de l’occupation de Daech a laissé la place à l’optimisme et à l’espoir. Cependant, a-t-elle prévenu, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur le fait que la stabilisation à long terme de l’Iraq, ardemment désirée, est loin d’être aisée, a nuancé Mme Hennis-Plasschaert. Réalisme et détermination seront cruciaux face aux défis à venir. L’engagement de toutes les composantes iraquiennes sera crucial, la volonté politique sera une condition préalable et la fierté d’une histoire partagée et d’un avenir commun devra être de mise, a-t-elle conclu, ajoutant que la poursuite du soutien international sera cruciale.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a salué les efforts déployés par la MANUI pour répondre aux besoins humanitaires et créer les conditions d’un développement durable en Iraq, en coopération avec l’équipe de pays des Nations Unies. Alors que nous reconnaissons que la phase actuelle, marquée par la victoire contre Daech, est cruciale pour l’Iraq, nous soulignons que des efforts internationaux sont indispensables pour fournir une assistance au peuple iraquien, d’autant plus qu’il faudra redoubler d’efforts pour favoriser la réconciliation. Le représentant a, à cet égard, salué le dialogue national et a affirmé que depuis l’émergence de Daech, le Koweït n’a ménagé aucun effort pour aider l’Iraq, préoccupé par la menace que continuent de faire peser les organisations terroristes sur la stabilité et la sécurité de la région.
La délégation a souligné la nécessité de poursuivre les auteurs d’actes terroristes en justice, avec l’aide de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes. Le représentant a regretté que le vingt-huitième anniversaire de l’invasion du Koweït par l’Iraq ait été entaché par la question de la restitution toujours en suspens des dépouilles de nombreux disparus koweïtiens. Il s’est cependant félicité de ce que le Conseil de sécurité ait maintenu cette question à son ordre du jour. Il a exhorté la MANUI à continuer de mettre en œuvre son mandat, s’agissant du suivi des poursuites judiciaires contre des membres présumés de Daech. Le représentant a, en conclusion, jugé malheureux que le sort des archives koweïtiennes, partie intégrante de l’histoire de son pays, ne soit toujours pas connu.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) s’est félicité, à son tour, de la formation du nouveau Gouvernement et a dit attendre avec impatience les nominations aux ministères restants. Il a aussi salué les élections de l’année dernière dans la région du Kurdistan et les progrès dans les relations entre Bagdad et Erbil. Il a appelé au règlement des questions en suspens par le dialogue et le consensus, conformément à la Constitution iraquienne. S’agissant de la sécurité, le représentant a noté que le terrorisme demeure un problème grave, avec la présence active de Daech dans plusieurs provinces iraquiennes et dans des zones isolées. Il a rendu hommage aux Forces de sécurité iraquiennes et appelé à une approche globale face aux défis sécuritaires. Il a estimé à cet égard que le renforcement de la coopération régionale et internationale est essentiel, tout comme l’est l’appui de la Mission des Nations Unies dont il a salué le travail. Il a particulièrement salué les efforts pour améliorer les relations entre l’Iraq et les pays de la région, dont le Koweït. La clôture des dossiers sur les personnes disparues du Koweït ne peut que consolider les relations entre ces deux « pays frères », a insisté le représentant.
M. MA ZHAOXU (Chine) a souligné la nécessité d’œuvrer à la cohésion de l’Iraq, ajoutant que tout soutien international doit respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays. L’Iraq est en première ligne face à la menace terroriste et nous devons l’aider. Le représentant a appuyé les efforts menés par l’ONU pour veiller à ce que les crimes commis par Daech soient punis. Mon pays, a-t-il dit, soutient les efforts de la MANUI et le relèvement de l’économie iraquienne.
M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a félicité les autorités iraquiennes pour les progrès réalisés dans la formation d’un gouvernement national, et a encouragé toutes les parties prenantes à travailler de concert pour finaliser le cabinet. C’est une étape essentielle pour que le Gouvernement puisse commencer à remplir ses promesses sur les plans de la sécurité, du retour digne des personnes déplacées, de la réhabilitation des services publics ou encore de la revitalisation de l’économie et de la reconstruction. Le représentant a encouragé le Gouvernement iraquien à associer davantage les femmes au processus politique et à veiller à ce qu’elles soient représentées à tous les niveaux des structures politiques.
Il a fait part de ses préoccupations face à la menace que continue de représenter Daech, selon le Secrétaire général. Il a soutenu les efforts de l’Iraq pour poursuivre et traduire en justice les responsables des crimes commis dans le pays, conformément à la résolution 2379 du Conseil de sécurité et a appuyé le mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Iraq (MANUI). L’Afrique du Sud, a-t-il dit, se félicite de la plus grande implication des organisations régionales dans le processus politique iraquien et réaffirme leur rôle de soutien au Gouvernement iraquien dans la reconstruction du pays. Le représentant a salué la reprise de la coopération entre le Gouvernement fédéral de l’Iraq et le Gouvernement régional du Kurdistan et les a encouragés à dégager un consensus sur les questions en suspens. La formation complète du Gouvernement iraquien, a insisté le représentant, serait un pas dans la bonne direction pour des relations plus équilibrées entre les pays du Moyen-Orient.
M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a dit regretter la persistance des dissensions entre les différentes forces politiques du pays, ce qui empêche la formation d’un nouveau gouvernement par le Premier Ministre Adel Abdul-Mahdi. Pourtant, après la défaite militaire de Daech, la mise en place d’un gouvernement inclusif aurait permis, a-t-il noté, de mettre en œuvre les réformes urgentes pour relever les nombreux défis auxquels l’Iraq est confronté. La Côte d’Ivoire exhorte donc tous les acteurs politiques à privilégier l’intérêt national en surmontant ces dissensions. Le représentant a aussi encouragé la poursuite d’un dialogue constructif entre le pouvoir central et les autorités de la région autonome du Kurdistan, afin de trouver une issue pacifique au différend né de l’organisation du référendum d’autodétermination de cette région le 25 septembre 2017.
Sur le plan humanitaire, il a exhorté les autorités iraquiennes à trouver, avec l’aide de la communauté internationale, des solutions au sort des quelque 1,8 million de personnes déplacées depuis 2014. En ce qui concerne les droits de l’homme, la Côte d’Ivoire renouvelle son soutien à M. Karim Asad Ahmad Khan, Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes. Il a invité le Conseil de sécurité et la communauté internationale à lui apporter toute l’assistance nécessaire au succès de sa mission. De même, sur le plan sécuritaire, la Côte d’Ivoire appelle la communauté internationale à poursuivre ses efforts en apportant l’assistance et la formation nécessaires aux Forces armées iraquiennes, en vue de mettre un terme, le plus rapidement possible, aux activités de Daech, a conclu le représentant.
M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a salué la nomination il y a quatre mois du nouveau Premier Ministre, M. Adel Abdul-Mahdi, et son programme politique « ambitieux », qui a soulevé un véritable espoir populaire. Il s’est dit néanmoins préoccupé par les difficultés rencontrées dans la formation du gouvernement iraquien. Les parties doivent rapprocher leurs positions, afin de pouvoir se concentrer sur le relèvement du pays, a-t-il encouragé. Il a rappelé la menace asymétrique que fait encore peser Daech, avant d’appeler la Turquie et l’Iraq à régler la situation sécuritaire dans le nord iraquien, dans le respect de la souveraineté de l’Iraq. Le représentant s’est d’ailleurs félicité de l’élimination des postes de douanes entre le Kurdistan iraquien et le reste de l’Iraq.
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a rappelé que son pays avait mené à bien des élections caractérisées par leur transparence et leur intégrité, les partis politiques œuvrant à surmonter les obstacles pour placer les intérêts du peuple iraquien au-dessus de tout. En outre, l’Iraq a mis en place un plan de développement 2018-2022 en vue de réduire la pauvreté et relancer la croissance économique, et s’aligner sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030, a annoncé le représentant, qui a fait également état de l’ouverture, en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), du tout premier refuge pour les femmes victimes de violences sexuelles. De plus, a-t-il ajouté, le Gouvernement a entamé la mise en œuvre de projets de lutte contre le terrorisme, assortis de plans de réinsertion des jeunes, y compris pour faciliter leur accès à des opportunités économiques.
Le pays s’est également fixé pour objectif de relever les défis qui sont les siens avec le soutien de la communauté internationale, notamment dans le champ éducatif, qui était « vibrant dans les années 1970 ». Le représentant a appelé les pays « amis et frères » à tenir les engagements qu’ils ont pris lors de la Conférence internationale pour la reconstruction de l’Iraq, qui s’est tenue l’an dernier au Koweït. M. Aluloom a appelé les États Membres à appuyer la réhabilitation des sites archéologiques détruits par Daech et demandé leur inscription sur la liste du Patrimoine mondial de dressée par l’UNESCO. Il les a également appelés à renforcer les Forces armées iraquiennes, qu’il s’agisse des militaires, des policiers, « ou même des peshmergas ». Nous entrons à présent, a-t-il affirmé, dans une phase de « confrontation sécuritaire » avec les « pépinières du terrorisme résiduel ». C’est aussi une phase de « bataille intellectuelle » pour faire reculer la radicalisation.
S’agissant des relations avec des pays de la région, le délégué a dénoncé les attaques et incursions de la Turquie dans le nord du pays, qu’il a jugées inacceptables, quelles qu’en soient les raisons. Les relations avec le « Koweït frère » se sont épanouies considérablement, s’est félicité le représentant, qui a réitéré l’importance que l’Iraq accorde à la restitution des dépouilles des disparus koweïtiens.