Conseil de sécurité: justice, sécurité et réintégration sont attendues dans le processus de paix en Colombie, malgré la vague de violence
Le 24 novembre 2018 a marqué le deuxième anniversaire de la signature de l’Accord de paix final en Colombie, un accord décrit comme « historique », voire « exemplaire à bien des égards », par certains membres du Conseil de sécurité ce matin, mais aussi un processus entaché d’une vague de violence, la dernière en date étant l’attentat à la voiture piégée qui a visé l’école de police à Bogota la semaine dernière et qui a coûté la vie à 21 personnes.
La vague d’assassinats de leaders sociaux qui ont eu lieu au cours de la première semaine de janvier 2019 ne fait que renforcer les préoccupations sécuritaires exprimées par le Secrétaire général dans son rapport, a expliqué le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général en Colombie, M. Carlos Ruiz Massieu, qui est à la tête de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie: 31 attentats ont été commis cette semaine-là dans 10 départements, et sept leaders ont ainsi été tués. Selon les enquêtes du Procureur général, 75% de ces attentats seraient imputables à des groupes armés illégaux alors que les figures visées par ces attaques comprennent des dirigeants de Conseils locaux, du programme de restitution des terres et du programme de substitution volontaire des cultures illicites ainsi, ou encore des communautés autochtones, a précisé M. Ruiz Massieu.
Cette violence a été catégoriquement rejetée par la classe politique colombienne et par le peuple qui s’est mobilisé dimanche dernier en manifestant, ce qui a amené le Représentant spécial à appeler au renforcement de ce consensus national pour le refus de la violence.
Faire tomber les obstacles à la consolidation de la paix, et en particulier remédier à la situation sécuritaire dans les anciennes zones de conflit, doit être la priorité absolue du Gouvernement colombien en ce début d’année, a souligné la Fédération de Russie, « car si celui-ci échoue à assurer la sécurité, les populations n’auront d’autre choix que de le faire elles-mêmes ». Son homologue de la France a estimé que ce phénomène est manifestement l’œuvre d’une stratégie de terreur qui cherche à éroder la confiance dans le processus de paix. Pour l’Allemagne, ces attaques démontrent bien la nécessité urgente de protéger ceux qu’elles prennent pour cible, notamment parce que ces derniers soutiennent l’Accord de paix.
M. Ruiz Massieu qui, depuis sa prise de fonctions le 7 janvier, a déjà rencontré des dirigeants de la FARC à Bogota et s’est rendu dans deux zones territoriales de formation et de réintégration, a ainsi constaté le désir marqué des anciens combattants de trouver leur place dans la société colombienne. Il a noté en même temps leurs fortes incertitudes par rapport à leur sécurité, en soulignant que 87 membres des FARC-EP ont été assassinés depuis la signature de l’Accord de paix.
Face à la violence, le Représentant spécial, à l’instar d’autres membres du Conseil, a appelé à asseoir la présence de l’État sur tout le territoire et à y assurer le respect de l’état de droit, ce qui est précisément l’une des priorités du plan « La paix par le droit » du Président Duque.
Le Ministre des affaires étrangères colombien, M. Carlos Holmes Trujillo, a tenu à préciser que cette initiative vise plus de 11 000 villages et qu’elle bénéficiera à des millions de Colombiens. Il a saisi cette occasion pour réaffirmer que le Gouvernement colombien entend agir sur le long terme pour éliminer les conditions ayant conduit à la violence au cours de l’histoire du pays. C’est d’autant plus urgent que la Colombie s’apprête à tenir ses élections régionales et locales cette année auxquelles le parti FARC participera pour la première fois.
La plupart des intervenants ont rappelé que le succès du processus de paix colombien passe également par la réconciliation nationale. Le pays s’est doté pour cela d’un système unique de justice transitionnelle qui repose sur la coopération de tous les acteurs du conflit avec la Juridiction spéciale pour la paix dont l’indépendance, l’autonomie et les décisions doivent impérativement être respectées au nom de la sécurité juridique des femmes et des hommes qui ont eu le courage de déposer les armes, comme l’ont souligné plusieurs membres du Conseil.
M. Trujillo a souligné le bilan déjà positif présenté par cette juridiction un an à peine après son entrée en vigueur. Ce sont des milliers de gens -anciens combattants des FARC, anciens fonctionnaires et soldats de l’armée régulière- qui ont pris l’engagement de respecter les décisions qui seront prises par cette juridiction.
La réintégration socioéconomique des anciens combattants des FARC-EP est un autre volet essentiel du processus de paix, et, compte tenu de la lenteur des progrès enregistrés dans ce domaine, le Gouvernement a été appelé à renforcer les activités de réintégration aux niveaux régional et local. Cela passe par plus de sécurité et un meilleur accès à l’éducation, à la santé, à la terre, à des infrastructures et à des moyens de substitution viables aux activités économiques illégales. Les autorités colombiennes entendent adopter une nouvelle politique intégrée pour faire face au trafic de drogue, a précisé le Ministre Trujillo. Plus de 30 262 hectares de plantation de coca ont été détruits, mais le principal défi, a-t-il noté, est d’offrir aux communautés vulnérables, aux victimes du confit et aux anciens combattants des alternatives crédibles pour les détourner des activités répréhensibles.
La délégation américaine a apporté son soutien aux efforts du Gouvernement Duque dans la lutte contre les stupéfiants, tandis que le représentant sud-africain et la Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie ont voulu partager avec la Colombie leurs expériences respectives dans la mise en œuvre de processus de paix. Le succès de ce processus est étroitement lié à la possibilité pour tous les Colombiens de devenir partie prenante à la vie économique, sociale et politique du pays, a conclu le Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine.
LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) (S/2018/1159)
Déclarations
Le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, M. CARLOS RUIZ MASSIEU, a souligné d’emblée que les évènements tragiques de la semaine dernière à Bogota mettent en exergue qu’il est impératif de faire cesser la violence et de poursuivre les efforts pour garantir un avenir plus pacifique aux Colombiens. L’attentat à la voiture piégée, qui a fait 21 morts et a été revendiqué par les FARC, a été condamné par le Conseil de sécurité et par le Secrétaire général. Il a immédiatement suscité une réponse de rejet de la classe politique, et entraîné des marches partout dans le pays dimanche dernier. Le Représentant spécial a appelé à renforcer ce consensus autour du refus de la violence.
Depuis sa prise de fonctions le 7 janvier, M. Ruiz Massieu a rencontré les interlocuteurs qui sont cruciaux pour la Mission, y compris ceux du Gouvernement colombien, des FARC et de la communauté internationale. Il a également eu des réunions productives avec le Président Duque, le Ministre des affaires étrangères Trujillo, le Haut Conseiller Archila et la Haute Commissaire Ceballos. M. Ruiz Massieu a également rencontré des dirigeants des FARC à Bogota et s’est rendu dans deux zones territoriales de formation et de réintégration dans les départements d’Antiquia et Caqueta. Ces visites ont confirmé non seulement le fort désir des anciens combattants de travailler et de trouver leur place dans la société colombienne, mais aussi leurs incertitudes par rapport à leur sécurité, y compris leur protection sur les plans juridique et économique.
Lors de ses réunions avec le Coordonnateur résident et des membres de l’équipe de pays des Nations Unies, M. Ruiz Massieu a souligné l’importance de leur partenariat avec la Mission en matière de réintégration comme pour les garanties légales et de sécurité. Il a également mis en évidence la complémentarité de leur soutien à la mise en œuvre des accords portant sur le développement rural, la participation politique, la justice transitionnelle et la substitution volontaire des cultures illicites.
M. Ruiz Massieu a indiqué que le Forum gouvernemental de haut niveau sur l’égalité des sexes s’est réuni pour la première fois le 16 janvier alors que cette date marquait aussi la première année de fonctionnement de la Juridiction spéciale pour la paix, qui est chargée de la justice transitionnelle. Les cinq premières affaires qu’elle a traitées mettent en jeu la responsabilité pour des incidents violents ayant fait pas moins de 32 000 victimes, a précisé le Représentant spécial. Les progrès réalisés dans l’examen de ces affaires se poursuivent puisque la Juridiction a recueilli les témoignages de 46 membres des FARC dans le contexte d’exécutions extra-judiciaires, tandis que 31 autres membres des FARC doivent témoigner sur leur responsabilité individuelle et collective dans des cas d’enlèvements. Pour le Représentant spécial, il est essentiel que la Juridiction spéciale pour la paix puisse compter sur l’appui nécessaire à son indépendance, à son autonomie et à son bon fonctionnement.
S’agissant de la réintégration des anciens combattants des FARC-EP, M. Ruiz Massieu a salué l’approbation de nouveaux projets du Conseil national pour la réintégration et le versement d’avances pour les financer. Le prochain défi sera d’accélérer ces efforts et d’en garantir la pérennité, de progresser en matière d’acquisition de terres et de travailler sur le développement de marchés pour les produits et services provenant de ces terres, y compris avec la participation des gouvernements locaux et du secteur privé.
Le Représentant spécial s’est félicité de la décision, en décembre, de poursuivre pendant huit mois supplémentaires la distribution de denrées alimentaires aux anciens combattants se trouvant dans les zones de formation et de réintégration, ainsi que les paiements d’allocations aux anciens membres des FARC.
S’agissant de la réintégration politique des membres des FARC, il s’est félicité du fait que le 27 octobre prochain, le parti FARC participera pour la première fois aux élections régionales et locales, « un nouveau jalon dans la participation politique ». Pour garantir la sécurité des candidats politiques des FARC au niveau local pendant ces élections, le Comité technique chargé de la sécurité et de la protection a commencé à élaborer un plan de protection, a précisé le Représentant spécial qui a noté que les élections présidentielles de 2018 ont été les plus pacifiques depuis des décennies. En vue de garantir un climat similaire lors des prochaines élections, M. Ruiz Massieu a estimé qu’il fallait prendre des mesures pour assurer la sécurité de tous les candidats et des leaders communautaires.
La vague d’assassinats de leaders sociaux qui ont eu lieu au cours de la première semaine de janvier ne fait que renforcer les préoccupations sécuritaires exprimées par le Secrétaire général dans son rapport, a poursuivi M. Ruiz Massieu en citant le chiffre de 31 attentats ayant eu lieu cette semaine dans 10 départements, avec la mort de 7 leaders à la clef. Selon les enquêtes du Procureur général, 75% de ces attentats sont imputables à des groupes armés illégaux. Les figures visées par ces attaques comprennent des leaders de Conseil locaux, du programme de restitution des terres et du programme de substitution volontaire des cultures ainsi que des communautés autochtones, a précisé M. Ruiz Massieu.
Il a indiqué que le Président Duque s’est personnellement engagé à y faire face et à lancer un plan d’action pour la protection des leaders dans des départements spécifiques. M. Ruiz Massieu a appelé à mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires sans tarder. Il a salué la décision du Président Duque de convoquer une Commission nationale sur les garanties de sécurité le 30 janvier en vue de définir une stratégie pour démanteler les groupes criminels et armés illégaux, avec la participation de la société civile. Au total, ce sont 87 membres des FARC qui ont été assassinés depuis la signature de l’Accord de paix, ce qui atteste, pour M. Ruiz Massieu, de l’importance de mesures de protection en dehors des zones de formation et de réintégration.
La sécurité des communautés, des figures de la société civile et des FARC est liée à la capacité de l’État à assurer la sécurité et sa présence dans les zones de conflit, a poursuivi le Représentant spécial, saluant le plan « La paix par le droit » qui offre une feuille de route à cet égard et fait clairement un lien avec l’aide à apporter à 100 000 familles dans le cadre de la substitution des cultures. Le Représentant spécial a, en concluant, souligné combien les Colombiens se félicitent du soutien de la communauté internationale et en attendent un accompagnement crucial pour consolider la paix. Le soutien du Conseil de sécurité reste un pilier vital du processus de paix colombien, a-t-il ajouté.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a condamné l’attentat perpétré la semaine dernière à Bogota, soulignant que cela démontre l’importance de la paix pour tout le pays. L’appui du Conseil est essentiel pour la réussite du processus de paix, a-t-elle dit avant de promettre, en tant que délégation porte-plume du Conseil de sécurité sur la Colombie, de tout faire pour que ce processus soit couronné de succès. Mme Pierce a également salué les mesures prises par le Gouvernement colombien dans le cadre de l’intégration socioéconomique des anciens combattants des FARC.
Pour le Royaume-Uni, l’assassinat des membres de la société civile dans certaines zones où l’État n’est pas présent risque de saper les efforts de paix. La représentante a dès lors plaidé pour que soient menées des actions de développement dans les anciennes zones de conflit. Elle a conclu en remerciant l’ancien Représentant spécial, M. Jean Arnault, dont le mandat a pris fin, et en exprimant tout son appui à son remplaçant, M. Carlos Ruiz Massieu.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a rappelé que le 24 novembre dernier avait marqué le deuxième anniversaire de la signature de l’Accord de paix colombien et que les gains réalisés depuis étaient importants. Pour lui, la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie a été un élément clef de ce succès. Mais l’heure n’est pas à l’autosatisfaction, a-t-il poursuivi en mentionnant l’attentat à la voiture piégée qui a frappé Bogota la semaine dernière. Les États-Unis sont toujours préoccupés par l’instabilité, le manque de sécurité et l’absence de l’État dans nombre de zones rurales où l’État doit encore asseoir sa présence pour la pérennisation de la paix.
Saluant la bonne connaissance par le Président Duque des défis auxquels fait face son pays, le représentant a aussi salué sa détermination à lutter contre le trafic de stupéfiants ainsi que sa gestion de la crise migratoire vénézuélienne. Le représentant a rappelé que le Président Trump avait fait de la lutte contre les stupéfiants une priorité nationale et que les États-Unis continuent de travailler avec le Gouvernement colombien pour que la culture de la cocaïne soit réduite de moitié dans les meilleurs délais. Ils appuient aussi la réponse à la crise migratoire vénézuélienne en Colombie et ont versé 92 millions au Gouvernement colombien à cette fin.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a tout d’abord condamné l’attentat de la semaine dernière à Bogota. Il a ensuite rappelé qu’en novembre dernier, a été commémoré le deuxième anniversaire de la signature de l’Accord de paix colombien. Il a salué à cet égard les efforts du Gouvernement visant à faciliter la réinsertion des anciens combattants. Il a en même temps déploré la vague d’assassinats d’acteurs de la société civile.
Saluant le plan « La paix par le droit » qui vise à assurer le développement des anciennes zones en proie au conflit, il a souhaité que cette initiative cible également les zones rurales et tienne compte des femmes et des jeunes. Le représentant a également invité à lancer une réflexion inclusive sur l’avenir des anciens combattants, notamment en tablant sur les cultures alternatives qui permettraient de lutter contre les stupéfiants. Il a aussi plaidé en faveur de la Juridiction spéciale pour la paix qui devrait permettre de rendre justice tout en favorisant la réconciliation nationale. Le Pérou espère que le Conseil de sécurité saura se montrer uni pour consolider la paix dans la région d’Amérique latine et des Caraïbes, a-t-il conclu.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé que la situation sécuritaire dans les anciennes zones de conflit est la priorité absolue en ce début d’année. Notant l’assassinat en moins de deux semaines d’au moins sept défenseurs des droits de l’homme, le délégué a estimé que ce phénomène prend de telles proportions qu’il est manifestement l’œuvre d’une stratégie de terreur. Ce niveau de violence dans les anciennes zones de conflit érode la confiance dans le processus de paix, a-t-il déclaré. Il a ainsi appelé à la pleine mise en œuvre du plan d’action pour la protection des leaders de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. La réincorporation économique des anciens combattants est une autre priorité de cette année, a poursuivi M. Delattre, en espérant une solution de long terme pour les combattants installés dans les zones de regroupement et de réintégration.
Le délégué a souhaité qu’une attention particulière soit accordée à la Juridiction spéciale pour la paix. En effet, le processus de pays colombien a mis en place un système unique de justice transitionnelle qui repose sur la coopération de tous les acteurs du conflit avec cette juridiction, a-t-il expliqué. M. Delattre a ainsi appelé tous les acteurs politiques, quelle que soit leur tendance, à réaffirmer à chaque occasion l’indépendance de cette juridiction, gage de la sécurité juridique des femmes et des hommes qui ont eu le courage de déposer les armes. « Le processus de paix colombien mérite toute notre admiration; il constitue aussi une profonde source d’inspiration pour les Nations Unies et pour ce Conseil », a conclu M. Delattre.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a affirmé que la sécurité doit être la priorité du Gouvernement colombien, car si celui-ci échoue à l’assurer, les populations n’auront d’autre choix que de le faire elles-mêmes. Il a aussi plaidé pour une représentation équitable des FARC au parlement national, tout en insistant sur des mesures appropriées pour leur réinsertion socioéconomique.
La Fédération de Russie a rappelé que la Colombie constitue la « vitrine et l’exemple à suivre » dans le cadre de la coopération internationale en matière de paix. Il a fermement condamné l’attentat commis le 17 janvier contre l’Académie de police à Bogota, expliquant que les auteurs de cet acte ont pour but de faire dérailler le processus de paix. Le délégué a dit faire confiance à la sagesse des Colombiens pour faire échouer cette entreprise.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a salué le Gouvernement colombien pour ses initiatives visant à assurer la réintégration des ex-combattants des FARC et l’a encouragé à redoubler d’efforts en ce sens, malgré la lenteur des progrès enregistrés à ce jour, car la pérennité du processus de paix en dépend. Pour ce qui est de la justice transitionnelle, le représentant a félicité la Juridiction spéciale pour la paix pour le travail abattu cette année et a encouragé le Gouvernement à fournir des garanties politiques et sécuritaires aux ex-combattants des FARC.
Pour ce qui est de la situation sécuritaire, il a estimé que les violences qui ont frappé le pays au cours de l’année passée sont un obstacle à la mise en œuvre de l’Accord de paix. À cet égard, il a condamné l’attentat de la semaine dernière qui a visé l’Académie de police à Bogota et a présenté ses condoléances au Gouvernement colombien et aux familles des victimes. Le Koweït, a-t-il ajouté salue le plan de travail du Président Duque qui vise à assurer la protection de figures importantes de la société civile et des communautés autochtones.
En évoquant l’attentat de la semaine dernière, M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a demandé de ne pas tomber dans le piège tendu par ceux qui veulent voir la situation escalader. Il a notamment exhorté l’Armée de libération nationale (ELN) à libérer toutes les personnes enlevées. Il a insisté sur l’unité du Conseil de sécurité sur la question de la paix en Colombie, avant de saluer la présence du Ministre colombien des affaires étrangères à cette séance.
Pour l’Allemagne, les attaques ciblant les membres de la société civile, notamment parce que ces derniers soutiennent l’Accord de paix, démontrent la nécessité urgente de les protéger. Le représentant a aussi évoqué la question de la justice transitionnelle, appelant le Gouvernement colombien à renforcer la Juridiction spéciale pour la paix. Le représentant a aussi demandé le renforcement des mesures visant la réinsertion des anciens combattants dans le tissu social et dans l’économie, y compris les femmes ex-combattantes.
M. WU HAITAO (Chine) a fermement condamné l’attentat commis la semaine dernière à Bogota. Il a salué les efforts de stabilisation de la Colombie, tout en relevant que la situation dans certaines régions reste préoccupante. Il a appelé toutes les parties colombiennes à porter en haute estime l’Accord de paix. Au Conseil de sécurité, il a demandé de respecter les choix du peuple colombien et de soutenir ses efforts en faveur de la paix. Il a aussi dit espérer que le nouveau Représentant spécial et la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie allaient poursuivre leur soutien en faveur de la réinsertion des anciens combattants et la mise en œuvre complète de l’Accord de paix.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a salué l’engagement du nouveau Gouvernement colombien en faveur du processus de paix comme en témoigne le plan « La paix par le droit ». « La mise en œuvre de toutes les parties de l’Accord de paix est indispensable dans le cadre d’un effort urgent, inclusif et concerté pour faire avancer le processus de paix dans tout le territoire. » Il s’est ensuite dit préoccupé par la violence qui vise des défenseurs des droits de l’homme et des dirigeants sociaux, notant qu’au cours de ce mois, qui n’est pas encore terminé, sept personnes ont déjà été assassinées. « Nous encourageons vivement les autorités colombiennes à affirmer la présence de l’État sur tout son territoire », a plaidé M. Pecsteen en encourageant les autorités colombiennes à répondre aux attentes des communautés rurales et des minorités ethniques historiquement défavorisées.
Enfin, le délégué a jugé que la réintégration socioéconomique et juridique des FARC est un élément essentiel du succès de l’Accord de paix. Il a souligné la nécessité de progresser aux niveaux national, régional et local. « Tout en garantissant la justice transitionnelle, nous devons démontrer aux anciens combattants qui ont déposé les armes qu’il est avantageux pour eux de se situer du bon côté de l’histoire », a-t-il conclu. En s’adressant directement au Ministre colombien des affaires étrangères présent aujourd’hui, il a dit que la Colombie est « une source d’inspiration pour le monde ».
M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a condamné l’attentat qui a coûté la vie à plus de 20 personnes à Bogota la semaine passée et jugé important d’œuvrer pour asseoir la présence de l’État sur tout le territoire colombien, a fortiori dans les zones touchées par les conflits et laissées vacantes par les FARC. Il a félicité le Gouvernement colombien pour ses efforts visant à encourager le dialogue et la mise en œuvre de l’Accord de paix ainsi que pour son plan « La paix par le droit ». L’Afrique du Sud appuie pleinement le travail de la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que le processus de justice transitionnelle dont l’indépendance, l’autonomie et les décisions doivent être pleinement respectées.
Le représentant a également mis l’accent sur l’impératif de progresser dans la réintégration des anciens combattants, notamment à travers l’autonomisation des communautés locales, et en collaboration avec le secteur privé, les universités et les organisations de la société civile, les femmes, les victimes de la violence et les populations autochtones. L’Afrique du Sud salue en outre la contribution importante de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie à ces efforts et l’accent qu’elle a mis sur les jeunes. Elle encourage l’ONU et l’Organisation des États américains (OEA) à coordonner leurs efforts.
Faisant le parallèle entre l’histoire sud-africaine et celle de la Colombie, le représentant s’est adressé directement au Ministre des affaires étrangères colombien et lui a dit: « La paix a un coût. La paix est complexe. La patience est de mise. Le respect et l’égalité pour tous sont nécessaires. Un avenir commun doit être proposé à tous les Colombiens et la justice pour tous doit être assurée. La démocratie exige des compromis et des concessions: travaillez avec les anciens combattants, ne les diabolisez pas. »
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a condamné fermement l’attaque du 17 janvier contre l’école de police à Bogota et qui a été revendiquée par l’ELN. Le représentant a salué les actions déjà entreprises par le nouveau Président colombien qui fait voir sa volonté politique de consolider la paix. Pour la Guinée équatoriale, le plan « La paix par le droit » doit être appuyé, puisqu’il consacre cette volonté de paix.
Le représentant a déploré l’incident survenu le 4 octobre, au cours duquel des enquêteurs du Bureau du Procureur général ont pénétré dans les locaux de la Juridiction spéciale pour la paix pour saisir des copies de dossiers sur les enlèvements commis par les anciens membres des FARC-EP et cherché à interroger des magistrats travaillant sur cette affaire. Le représentant a rappelé que cette institution judicaire doit garder une certaine autonomie afin de mener à bien la mission qui lui échoit. La Guinée équatoriale appelle en outre l’Armée de libération nationale (ELN) à ne pas attaquer la population civile et à libérer les otages. En concluant, le délégué a émis le vœu que les élections d’octobre prochain se déroulent dans un climat apaisé et exempt de toute violence.
M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) s’est penché sur les résultats tangibles du processus de paix, se félicitant de la conjugaison de la volonté politique affichée par les autorités colombiennes avec l’engagement des autres parties prenantes au processus. Il a salué la mise en œuvre de l’agenda de paix visant à éradiquer la violence dans les zones touchées par le conflit, à promouvoir le développement et à lancer une nouvelle politique antidrogue. Il s’est aussi félicité de l’élaboration de projets de lois relatifs à la paix, de la tenue régulière des audiences de la Juridiction spéciale pour la paix, du démarrage des travaux de la Commission vérité et de la reprise des travaux du Conseil national de réintégration. Le représentant s’est aussi réjoui des progrès en matière de réinsertion politique, notant, entre autres, que des dispositions sont en cours pour permettre aux FARC de prendre part aux élections régionales et locales en 2019.
M. Moriko a ensuite condamné l’attentat perpétré, le 17 janvier 2019, contre l’école de police à Bogota et a appelé l’Armée de libération nationale (ELN) à renoncer à toute action armée. Concernant les défis à relever, il a déploré la persistance des attaques contre les dirigeants sociaux et des défenseurs des droits de l’homme, se préoccupant également du développement des activités des groupes illégaux et des organisations criminelles et de la reprise des armes par certaines membres des FARC, « frustrés par la lenteur du processus de paix ». Dans ce contexte, a-t-il souligné, le défi de la réintégration économique mérite une attention particulière. La Côte d’Ivoire exhorte donc le Gouvernement colombien à accroître les mesures visant le renforcement des capacités techniques des coopératives, l’accès aux terres et aux marchés, la lutte contre la corruption et la prise en compte de la dimension genre. Elle encourage par ailleurs les autorités à redoubler d’efforts pour assurer la continuité des services de base dans les zones rurales les plus reculées, et à poursuivre ses actions en vue de faciliter le bon fonctionnement de la Juridiction spéciale pour la paix.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a estimé que le processus de paix en Colombie demeure un « succès indéniable » de la société colombienne et constitue une source d’inspiration pour le monde entier. Elle a appelé à la poursuite de ce processus, malgré les difficultés, avant de se dire vivement préoccupée par les assassinats des défenseurs des droits de l’homme et des dirigeants sociaux. Pour remédier à cette question urgente, la déléguée a préconisé un engagement robuste avec la société civile, par le biais notamment de la Commission nationale de garanties.
La représentante a aussi encouragé toutes les parties à appuyer le travail capital accompli par la Juridiction spéciale pour la paix. La déléguée a souligné la nécessité de la pleine réintégration socioéconomique et juridique des FARC, avant de s’inquiéter des conséquences que pourrait avoir pour le processus de paix colombien la crise qui frappe actuellement le Venezuela. Enfin, la représentante a condamné l’odieuse attaque terroriste perpétrée récemment contre l’école de police nationale de Bogota.
Mme RETNO L. P. MARSUDI, Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, a indiqué qu’elle avait dirigé, en 2015, une délégation indonésienne de haut niveau comprenant le Free Aceh Movement qui s’était rendue à Bogota pour partager l’expérience de son pays qui a mis fin à un conflit de 29 ans. Elle a insisté sur l’importance de l’Accord de paix signé entre le Gouvernement colombien et les FARC, tout en reconnaissant qu’y rester fidèle n’est pas chose aisée. La Ministre a insisté sur l’importance d’une réintégration effective, à la foi sur le plan politique et socioéconomique. Il est essentiel de veiller au bien-être de tous et chacun doit pouvoir profiter des dividendes de la paix, a-t-elle dit. Elle a également évoqué le lancement, en décembre dernier, du programme « L’huile de palme pour la paix », sur l’initiative de l’Indonésie et de la Colombie.
Mme Marsudi a aussi appelé à répondre aux défis sécuritaires, se préoccupant de la persistance de groupes armés et de l’assassinat, par ces derniers, d’anciens membres des FARC, de dirigeants sociaux et de défenseurs des droits de l’homme. Elle a souligné que le maintien de l’ordre public va de pair avec le respect des droits de l’homme et a salué l’adoption, par le Gouvernement colombien, du Plan d’action pour la protection des dirigeants sociaux et communautaires, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. La Ministre a appelé l’ensemble des parties à honorer leurs engagements, soulignant que le succès du processus de paix en dépend. Et cela, a-t-elle ajouté, comprend l’ONU, car les attentes sont élevées concernant la capacité de la Mission de vérification à appuyer la mise en œuvre de l’Accord de paix.
Le Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, M. MIGUEL VARGAS MALDONADO, qui présidait cette séance, a tout d’abord condamné l’attentat de la semaine dernière qui a visé l’école de police, à Bogota. Sa délégation soutient les initiatives lancées dans le cadre de « l’Accord de paix historique en Colombie » dont elle salue les résultats tangibles. Le Ministre a salué les efforts du Gouvernement pour parvenir à un consensus national, qui apparaît clairement comme une nouvelle phase du processus de paix. Nombreux sont les progrès réalisés ces deux dernières années, notamment le cessez-le-feu entre le Gouvernement et les FARC, mais un processus si long exige des mesures intégrées et pérennes pour assurer une réelle réconciliation nationale, a estimé le Ministre, saluant au passage l’importance du travail du Conseil national pour la paix et la réconciliation.
La tenue d’élections nationales en 2019, avec, pour la première fois, la participation du parti des FARC, marquera, selon lui, un pas important sur la voie de la participation politique. Sa délégation salue en outre les initiatives de développement rural et de substitution volontaire des cultures. Pour le Ministre, il s’agit jusque-là d’un « processus exemplaire, qui pourra à bien des égards devenir un modèle pour la transition entre conflits armés et processus politiques ». À ce sujet, le Ministre est revenu sur le plan « La paix par le droit » qui consiste à éliminer la violence dans les régions qui en ont souffert pendant de longues années. Cette politique implique, à son avis, une bonne coordination, des efforts de réintégration des anciens combattants et le développement des régions qui échappaient jusque-là au contrôle de l’État. Le Ministre a souligné l’importance de la réintégration des anciens combattants tant aux niveaux économique, social que politique. Le Ministre a appelé la communauté internationale à appuyer les efforts de la Colombie en ce sens car le succès du processus de paix est étroitement lié à la possibilité pour tous les Colombiens de devenir partie prenante à la vie économique, sociale et politique du pays.
Le Ministre a également mis l’accent sur le rôle de premier plan à jouer par les jeunes dans le succès du processus de paix. Ce processus doit en outre permettre de rétablir l’état de droit et d’assurer la sécurité de tous les citoyens sur l’ensemble du territoire, a encore fait valoir M. Maldonaldo en soulignant l’importance des plans pour la sécurité des anciens combattants lors des prochaines élections régionales et locales. En guise de conclusion, il a appuyé la Mission des Nations Unies en Colombie et a souligné que l’accompagnement qu’elle offre aux efforts nationaux demeurera indispensable pendant un certain temps encore pour garantir le succès de l’Accord de paix colombien.
M. CARLOS HOLMES TRUJILLO, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a salué le fait que le rapport du Secrétaire général reconnaisse l’engagement du Président colombien, M. Iván Duque Márquez, en faveur de la paix au cours des 100 premiers jours de son mandat. Le nouveau Président entend faire en sorte que les délits tels que les enlèvements, le trafic de drogue ou encore les crimes sexistes ne soient plus considérés comme des actes politiques.
Le Ministre a assuré que le Gouvernement colombien entend agir sur la base d’une vision à long terme afin d’éliminer les conditions ayant conduit à la violence au cours de l’histoire du pays. Le Gouvernement a obtenu des fonds pour financer les premières phases du projet de réinsertion des anciens combattants, ciblant en particulier certaines municipalités. Le plan « La paix par le droit » vise ainsi plus de 11 000 villages et bénéficiera à des millions de Colombiens, a—t-il promis.
Ainsi, le Gouvernement a engagé 20 projets collectifs et 29 individuels qui devraient bénéficier à des milliers d’anciens combattants des FARC. Et ces projets ne sont pas uniquement liés au Gouvernement, puisque la société civile et le secteur privé y sont également associés. La remise des terres ne s’est pas faite aussi vite que prévu, a reconnu le Ministre des affaires étrangères, tout en faisant observer que le Ministère de la santé avait mené une étude pour évaluer les besoins en matière de santé dans les régions où les anciens combattants seront réinsérés.
En outre, la Juridiction spéciale pour la paix a présenté un bilan positif le 7 janvier, soit un an à peine après son entrée en vigueur, s’est enorgueilli le Ministre. Il a expliqué que ce sont des milliers de gens -anciens combattants FARC, anciens fonctionnaires et soldats de l’armée régulière- qui ont déjà pris l’engagement de respecter les décisions qui seront prises par cette juridiction. Le Gouvernement colombien condamne les « actes inadmissibles » ciblant les figures de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme, des actes qui « visent à soutenir l’expansion des cultures illicites, a expliqué M. Trujillo, avant d’expliquer que les enquêtes progressent pour en déterminer les auteurs. En ce qui concerne les garanties juridiques à donner aux anciens combattants FARC, le Haut-Conseiller pour l’après-conflit s’y attèle, a assuré le Ministre en rappelant que M. Emilio José Archila est justement présent dans la délégation colombienne venue prendre part à la présente séance.
La question des drogues étant cruciale, les autorités entendent adopter une nouvelle politique intégrée pour faire face au fléau, a-t-il poursuivi. Plus de 30 262 hectares de plantation de coca ont été détruits, mais le principal défi, a-t-il noté, est d’offrir aux communautés vulnérables, aux victimes du confit et aux anciens combattants des alternatives crédibles pour les détourner des activités répréhensibles. Le Ministre a enfin rappelé le rôle central du Gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, avant de louer la bonne coopération entre le pays et la Mission de vérification.
Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO (Cuba) a rappelé l’engagement sans faille de son pays en faveur du processus de paix en Colombie. L’Accord de paix final est à ses yeux « un fait historique » ayant permis la réinsertion au sein de la société colombienne de milliers de « guérilleros » après des décennies de conflit.
Cependant, la délégation cubaine constate d’importants revers dans la mise en œuvre de certains volets essentiels de l’Accord, notamment le manque de sécurité dans les zones les plus vulnérables et la lenteur de la réintégration socioéconomique des anciens combattants. Il serait regrettable que des années de négociations complexes soient réduites à néant, a mis en garde la représentante cubaine qui redoute les potentielles répercussions que cela pourrait avoir sur l’Amérique latine et les Caraïbes.
Présentant les condoléances de son gouvernement aux familles des victimes du récent attentat à Bogota, la représentante a martelé que Cuba rejette et condamne tous les actes terroristes sous toutes leurs formes. Son pays n’accepterait jamais que son territoire soit utilisé pour fomenter des actes terroristes, a-t-elle assuré. Elle a ajouté que Cuba respectait au pied de la lettre son rôle de garant du processus de paix entre le Gouvernement colombien et les FARC.