Troisième Commission: préoccupations au sujet de l’exploitation des enfants et la responsabilité des entreprises face à la traite
La situation des enfants déplacés ou victimes d’esclavage a mobilisé l’attention de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, qui poursuivait, aujourd’hui, son examen de tous les aspects de la promotion et de la protection des droits de l’homme. La responsabilité des entreprises face au fléau de la traite a également été abordée.
À cette occasion, la Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays a notamment indiqué que selon les estimations, le monde comptait au moins 17 millions d’enfants déplacés par les conflits et la violence en 2018, attirant l’attention sur la grande vulnérabilité de cette population face au risque d’effondrement des structures familiales et communautaires, ce qui les expose à davantage de formes d’exploitation, de sévices et de négligence.
Mme Cecilia Jimenez-Damary a également souligné que certains groupes ou catégories d’enfants déplacés encourent des risques particuliers, notamment les mineurs non accompagnés, les orphelins, les enfants des rues, ou encore les enfants vivant avec un handicap ou ayant subi de graves traumatismes, sans oublier les enfants associés à des forces ou groupes armés.
La Rapporteuse spéciale a profité de son intervention pour rappeler aux délégations qu’il est de la responsabilité des gouvernements de veiller, en toutes circonstances, à la protection des enfants déplacés internes, et à ce qu’ils aient accès aux services et à l’assistance, dans les situations de conflit plus particulièrement. Elle a également recommandé aux États d’intégrer « une optique de déplacement » aux systèmes de gestion des données sur les enfants.
Au cours du dialogue avec les États Membres, nombre de délégations ont, par ailleurs, placé de nombreux espoirs dans le travail du Groupe de haut niveau sur les déplacements internes, dont la création a été annoncée le 23 octobre 2019 par le Secrétaire général.
Le sort des enfants a également mobilisé l’attention de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, qui s’est attardée sur le problème du travail des mineurs, alertant que 4,3 millions d’enfants de moins de 18 ans seraient astreints à un travail forcé, dont un million sont soumis à une exploitation sexuelle à des fins commerciales, tandis que 300 000 enfants seraient soumis à un travail forcé imposé par les autorités étatiques. Dans les pays les moins développés, environ un enfant sur quatre travaillerait.
« Bien que le travail des enfants ne soit pas constitutif d’esclavage en tant que tel, la nature du travail et les circonstances dans lesquelles il est effectué peuvent constituer une forme d’esclavage d’enfants, en particulier si l’employeur exerce un pouvoir de propriété sur un enfant », a notamment expliqué Mme Urmila Bhoola.
Outre le recrutement de garçons et de filles par des groupes armés, la Rapporteuse spéciale a signalé que 5,6 millions d’enfants sont l’objet de mariages forcés et que certains seraient même vendus en mariage, par exemple au Moyen-Orient et du Myanmar à la Chine. Or, a alerté Mme Bhoola, lorsqu’une union est arrangée sur la base d’un échange économique, le risque de mariage servile est élevé et tend à conférer une présomption de propriété.
Pour faire face à ce fléau, Mme Bhoola a appelé à s’attaquer aux causes profondes de l’esclavage des enfants, citant en premier lieu la pauvreté, exhortant en outre les États à pénaliser toutes les formes d’esclavage et garantir un recours juridique efficace aux enfants dont les droits ont été violés.
L’importance du recours juridique figurait également parmi les appels de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et enfants, qui s’est penchée sur les violations commises par des entreprises et leurs fournisseurs, notant que de nombreuses préoccupations se posent concernant l’accès à la justice et la réparation pour les victimes de la traite.
Insistant à plusieurs reprises sur la reddition de comptes du secteur privé, Mme Maria Grazia Giammarinaro a notamment estimé que les entreprises doivent être tenues de mettre en place des mécanismes d’alerte et de réclamation, permettant aux travailleurs de signaler des cas d’exploitation ou de traite sans craindre d’être licenciés ou expulsés, ainsi que des procédures pour évaluer la situation de leurs subsidiaires, sous-traitants et fournisseurs.
La Rapporteuse a notamment fait observer que le recours à des mécanismes de plainte entraîne souvent une perte d’emploi pour les travailleurs et des résultats incertains en ce qui concerne le recouvrement des salaires. Dans cette situation, a-t-elle expliqué, les travailleurs migrants sont encore plus vulnérables car la peur d’être expulsés les empêche de déposer plainte auprès des autorités, notamment à la suite de menaces répétées de la part des employeurs selon lesquelles leur visa, permis de travail et permis de séjour dépendent de leur contrat de travail.
C’est là la conséquence des politiques migratoires en vigueur qui expulsent rapidement les migrants sans papiers, sans laisser le temps nécessaire à une évaluation initiale pour identifier les victimes potentielles de la traite, a-t-elle déploré.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux mardi 29 octobre, à partir de 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Application des instruments relatifs aux droits de l’homme (A/74/40, A/74/44, A/74/48, A/74/55, A/74/56, A/74/146, A/74/148, A/74/228, A/74/233, A/74/254, A/74/256)
Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales (A/74/147, A/74/159, A/74/160, A/74/161, A/74/163, A/74/164, A/74/165, A/74/167, A/74/174, A/74/176, A/74/179, A/74/181, A/74/183, A/74/185, A/74/186, A/74/190, A/74/191, A/74/197, A/74/198, A/74/212, A/74/213, A/74/215, A/74/226, A/74/227, A/74/229, A/74/243, A/74/245, A/74/255, A/74/261, A/74/262, A/74/178, A/74/189, A/74/270, A/74/271, A/74/277, A/74/285, A/74/314, A/74/318, A/74/335, A/74/349, A/74/351, A/74/358, A/74/460)
Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux (A/74/166, A/74/188, A/74/196, A/74/268, A/74/273, A/74/275, A/74/276, A/74/278, A/74/303, A/74/311, A/74/342)
Application intégrale et suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (A/74/36)
Exposé de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants
Venue présenter son dernier rapport, Mme MARIA GRAZIA GIAMMARINARO, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, s’est préoccupée du droit de recours des victimes de traite pour des violations commises par des entreprises et leurs fournisseurs, notant les nombreuses préoccupations qui se posent concernant l’accès à la justice et la réparation pour les victimes.
Pour la plupart des travailleurs victimes de traite et/ou de violations des droit du travail, la principale préoccupation est de récupérer les salaires impayés, de conserver leurs contrats de travail et d’améliorer leurs conditions de travail. Cependant, a-t-elle relevé, dans la plupart des cas, le recours à des mécanismes de plainte, étatiques ou non, entraîne une perte d’emploi pour les travailleurs et des résultats incertains en ce qui concerne le recouvrement des salaires et autres paiements dus.
En outre, a poursuivi Mme Giammarinaro, la peur des travailleurs migrants d’être expulsés les empêche de déposer plainte auprès des autorités, notamment à la suite de menaces répétées de la part des employeurs selon lesquelles leur visa, permis de travail et permis de séjour dépendent de leur contrat avec cet employeur. Ceci est une conséquence des politiques migratoires en vigueur qui expulsent rapidement les migrants sans papiers, sans laisser le temps nécessaire à une évaluation initiale pour identifier les victimes potentielles de la traite. Pour ces raisons, les travailleurs ne considéreront probablement pas les voies de recours possibles comme étant accessibles et fiables, a regretté Mme Giammarinaro, qui a également signalé que la plupart des processus judiciaires sont coûteux et de longue durée.
Elle a ensuite expliqué que dans quelques pays, comme le Royaume-Uni, l’Australie et la France, ainsi que dans l’État de Californie, une législation sur la transparence a été adoptée, laquelle a permis de placer le problème de la traite « sur les écrans radar » de nombreuses entreprises. Elle a précisé que ce type de législation oblige les entreprises à exercer un certain suivi de leurs opérations et de celles de leurs fournisseurs.
Cependant, il est désormais nécessaire d’aller au-delà des obligations minimales en matière de notification et d’imposer un engagement plus ferme des entreprises. Mme Giammarinaro a notamment estimé que les entreprises doivent être tenues d’adopter un plan établi sur la base d’une cartographie des risques, ainsi que des procédures pour évaluer la situation de leurs subsidiaires, sous-traitants et fournisseurs. Des mesures sont également nécessaires en matière d’atténuation des risques, de même qu’un mécanisme d’alerte.
Elle a également appelé les entreprises à mettre en place des mécanismes de réclamation permettant aux travailleurs de signaler des cas d’exploitation ou de traite sans craindre d’être licenciés ou expulsés, et de prévoir des réparations en cas d’exploitation. Les entreprises doivent également être tenues pour responsables si elles échouent à honorer leurs engagements.
Ensuite, a poursuivi Mme Giammarinaro, les États, le secteur privé, les syndicats et la société civile doivent parvenir à un équilibre dans la combinaison judicieuse d’efforts menés par le public et par le secteur privé. À cet égard, la loi sur le devoir de vigilance de la France est un pas dans la bonne direction.
Cependant, a-t-elle insisté, cet effort ne peut aboutir que si la voix des travailleurs est intégrée aux mécanismes de conformité sociale. À cette fin, les entreprises doivent mettre en place des procédures permettant aux travailleurs d’accéder aux mécanismes de règlement des griefs et de signaler les cas d’exploitation. De telles initiatives devraient également fournir aux travailleurs qui ont dénoncé et/ou se trouvent dans des situations d’exploitation des solutions viables, par exemple en imposant à un sous-traitant un plan visant à améliorer les conditions de travail et à fournir réparation aux travailleurs. Lorsqu’un contrat avec un sous-traitant a pris fin, on pourrait également envisager d’offrir aux travailleurs des réparations, des possibilités de trouver un autre emploi et, en coopération avec les gouvernements, un statut de résident si nécessaire.
Enfin, Mme Giammarinaro a encouragé les entreprises à collaborer avec les travailleurs et leurs représentants afin de développer des mécanismes basés sur la coopération entre les institutions publiques, les entreprises et les acteurs sociaux. Les mécanismes de réclamation et autres mécanismes de recours internes devraient être facilement accessibles aux travailleurs et fondés sur la confiance. Cette confiance ne peut être obtenue que lorsque les travailleurs et leurs représentants sont impliqués en tant qu’acteurs centraux dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des outils de réparation.
Dialogue interactif
L’Italie a demandé à la Rapporteuse spéciale de développer sa vision du rôle des entreprises de première ligne dans les chaînes d’approvisionnement. Comment doivent-elles agir en cas de comportement délétère de leurs sous-traitants à l’égard de migrants?
Les Philippines ont observé qu’un grand nombre de migrants sans visa, ni passeport, se retrouvent totalement dépendants de leur employeur pendant leur séjour à l’étranger. Par peur d’une expulsion, ils attendent parfois très longtemps que leur dossier soit traité et pour déposer d’éventuelles plaintes, ont-elles relevé, demandant à la Rapporteuse spéciale des recommandations afin de faire face à cette problématique.
La Grèce a indiqué qu’elle avait développé un cadre sexospécifique pour venir en aide aux victimes de la traite et qu’elle accordait une grande importance à la due diligence des entreprises dans ce domaine.
Le Luxembourg a voulu savoir comment les entreprises peuvent établir des mécanismes de réclamation qui soient véritablement effectifs, tandis que le Royaume-Uni a demandé des exemples de meilleures pratiques dans la fourniture de recours aux victimes de la traite.
L’exploitation commence par la non-prise en considération des droits fondamentaux des travailleurs, a opiné à son tour l’Irlande, qui a jugé que les mécanismes de réparation devraient être systématiquement élaborés en concertation avec les travailleurs.
La Chine a indiqué avoir mis en place un plan d’action 2013-2020 contre la traite des êtres humains, et Bahreïn a expliqué avoir adopté une législation spécifique de lutte contre la traite en 2018. Il a dit coopérer aussi avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), et le Qatar a déclaré avoir adopté une loi pour protéger les droits et la dignité des travailleurs migrants et renforcé les procédures d’inspection et les mesures relatives à la santé et à la protection de ces travailleurs. En outre, il a créé un fonds spécifiquement dédié aux travailleurs migrants.
De son côté, le Bélarus a rappelé la récente déclaration du Groupe d’Amis unis contre la traite des êtres humains avertissant de l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) par les trafiquants pour développer leurs activités. Il a proposé de rédiger l’an prochain, au nom du Groupe, un rapport consacré à l’influence des TIC dans la « demande en chair humaine ».
L’Islande a notamment constaté que la bureaucratie entrave souvent la confiance des travailleurs migrants dans les mécanismes de recours et a demandé à la Rapporteuse spéciale de fournir des précisions sur la campagne qu’elle mène sur les droits des travailleurs.
À leur tour, les États-Unis ont rappelé qu’ils ont adopté, en 2015, une législation obligeant les entreprises à notifier leurs pratiques à l’égard des sous-traitants. Ne pas respecter ces conditions peut entraîner une annulation du contrat ou une suspension de l’employeur, ont-ils précisé. Sur le plan international, ils collaborent depuis 2017 avec plusieurs gouvernements, avec lesquels ils ont adopté des principes communs dans la lutte contre la traite. Ils ont demandé des exemples de bonnes pratiques dans le domaine des réparations.
Se basant sur les conclusions de la Rapporteuse spéciale selon lesquelles les travailleurs ignoraient leurs droits, l’Union européenne a voulu savoir comment et quand les travailleurs pourraient être sensibilisés sur ces droits. Elle a également demandé quelles seraient les mesures à prendre pour encourager les États à adopter ou réviser leur législation pour pousser les entreprises à davantage de transparence en matière de chaîne d’approvisionnement.
Lui emboîtant le pas, l’Allemagne a estimé que l’accès à des mécanismes de recours pour les victimes devrait être renforcé, insistant par ailleurs sur l’importance de travailler avec la société civile, tandis que le Liechtenstein a voulu obtenir des précisions sur les indicateurs et les mesures retenus en matière de justice pénale.
Comment renforcer la coopération entre le gouvernement et le secteur privé, a voulu savoir l’Indonésie, qui a indiqué que dans sa région, la traite des êtres humains est souvent connectée au trafic de drogue et à la pêche non réglementée. Le Mexique s’est dit préoccupé par le niveau de vulnérabilité des femmes qui travaillent comme domestiques ou dans le secteur agricole, relevant par ailleurs que l’absence de connaissances des migrants peut être un obstacle au dépôt des plaintes.
La Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a souligné que le renforcement de la coopération entre le secteur privé et le gouvernement est une manière de mieux sensibiliser au respect des normes sociales. Elle a également préconisé d’établir des lignes directrices supplémentaires pour renforcer la coopération avec les syndicats.
En raison de l’absence d’accès à la justice ou à d’autres recours, les travailleurs migrants sont souvent à la merci de l’employeur, ne disposent pas de documents d’identité et c’est là l’un des principaux problèmes auxquels on doit s’attaquer, a-t-elle souligné. À cet égard, elle a félicité le Bahreïn qui a aboli le système de la « kafala » qui asservissait l’employé à son employeur.
Elle a reconnu qu’il était difficile de combiner les initiatives des secteurs privé et public, tout en se disant convaincue de l’importance de la convergence des normes contraignantes et des normes volontaires initiée par le secteur privé. Elle a appelé à l’élaboration de lois à cette fin, car « nous devons aller plus loin que de simples plans d’action », soulignant que celles-ci doivent être plus précises et plus ciblées. Elle a également invité les entreprises à réfléchir aux rapports qu’elles doivent présenter pour qu’ils soient plus documentés.
S’agissant des systèmes d’identification dans la chaîne d’approvisionnement, elle a regretté le manque de transparence, hormis quelques exemples positifs « ici et là ». Elle est revenue sur l’effondrement de l’immeuble du Rana Plaza à Dakha, au Bangladesh, qui a fait 1 138 morts parmi les ouvriers et ouvrières du textile, notant que le système de réparation reste très fragile en l’absence de transparence en amont.
Elle a par ailleurs invité les entreprises mères à divulguer les noms des sous-traitants. Elles doivent être en mesure d’identifier des cas de traite avec à la clef des recours et une réparation, a insisté la Rapporteuse spéciale, qui a regretté que les entreprises mères rechignent à cet exercice.
Exposé de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences
Mme URMILA BHOOLA, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, a fait le point sur les différentes formes et manifestations d’esclavage qui affectent les enfants, ainsi que les devoirs des États et des entreprises à cet égard.
Elle a indiqué que la nature secrète de l’esclavage des enfants entraîne un manque de données empiriques cohérentes à ce sujet. Bien que le travail des enfants ne soit pas constitutif d’esclavage en tant que tel, la nature du travail et les circonstances dans lesquelles il est effectué peuvent constituer un esclavage d’enfants, en particulier si l’employeur exerce un pouvoir de propriété sur un enfant. Dans les pays les moins développés, environ un enfant sur quatre travaillerait. En outre, 4,3 millions d’enfants de moins de 18 ans seraient astreints à un travail forcé, dont un million sont soumis à une exploitation sexuelle à des fins commerciales, principalement des filles, et 300 000 enfants seraient soumis à un travail forcé imposé par les autorités étatiques.
Les enfants continuent d’être victimes de l’esclavage de nombreuses manières, a poursuivi Mme Bhoola. Les groupes armés recrutent souvent des garçons et des filles en tant que membres des forces armées, pour les exploiter sexuellement ou pour les forcer à travailler dans une grande variété de rôles, allant de la logistique à la restauration. La perte des moyens de subsistance des ménages, les déplacements forcés et la perturbation des communautés, entre autres facteurs, rendent les enfants touchés particulièrement vulnérables à l’exploitation.
Les mariages forcés touchent 5,6 millions d’enfants, principalement des filles en Asie et en Afrique subsaharienne. De plus, certains enfants seraient vendus en mariage, par exemple au Moyen-Orient et du Myanmar à la Chine. Or, lorsqu’une union est arrangée sur la base d’un échange économique, le risque de mariage servile est élevé et tend à conférer une présomption de propriété, a souligné Mme Bhoola.
Parmi les causes de l’esclavage d’enfants, Mme Bhoola a cité notamment la pauvreté, le manque d’accès à l’éducation, la discrimination ethnique et de classe et les traditions culturelles et religieuses préjudiciables, ainsi que la discrimination à l’égard des femmes et des filles, les conflits et la dégradation de l’environnement, et, enfin, la faiblesse de l’application des lois et l’insuffisance ou l’inadéquation de la législation.
Mme Bhoola a appelé les États à pénaliser toutes les formes d’esclavage, poursuivre ceux qui le pratiquent et garantir un recours juridique efficace aux enfants dont les droits ont été violés. Ensuite, il faut garantir l’accès à un travail décent, par exemple en étendant la protection salariale minimale dans le secteur informel, le travail des enfants étant plus répandu dans les régions où le travail décent fait défaut. De leur côté, les entreprises ne doivent pas tolérer l’esclavage des enfants. Elles doivent aussi s’attacher à surveiller le respect des dispositions et prendre des mesures correctives en cas de non-respect pour remédier à la situation.
Elle a également recommandé de recueillir des données ventilées sur les différentes formes d’esclavage des enfants au niveau national. Enfin, Mme Bhoola a appelé à s’attaquer aux causes profondes de l’esclavage des enfants, notamment par une vaste campagne de sensibilisation aux droits de l’enfant au niveau national. Il est également nécessaire de redoubler d’efforts pour faire évoluer les mentalités en matière d’éducation des filles, de mariage précoce et de violence à l’égard des enfants, par le biais de campagnes de sensibilisation au niveau de la communauté.
Dialogue interactif
Les statistiques montrent à quel point il est urgent de maintenir l’action contre le fléau de l’esclavage, a observé le Royaume-Uni, qui a voulu savoir comment les acteurs de la communauté internationale pourraient travailler ensemble afin de permettre des interventions efficaces. Il a également dit avoir adopté en 2015 une législation qui prévoit des efforts de plaidoyer afin de garantir la protection des victimes d’esclavage, notamment les enfants.
Les États-Unis ont mis en avant un plan d’action qui vise à garantir que chaque enfant puisse s’épanouir au sein d’une famille. Par le biais de son aide internationale, le Gouvernement américain investit en outre dans le domaine de l’éducation, de l’alimentation et de la santé, ont-ils précisé, demandant des exemples de réussites dans ce domaine.
Éliminer ce problème exige des réponses systémiques qui abordent notamment les questions de justice sociale et d’égalité des sexes, afin notamment d’assurer un soutien en faveur des victimes, a souligné à son tour l’Australie. Elle a appelé à travailler avec la société civile pour mettre en œuvre le Processus de Bali et les objectifs de développement durable, et s’est interrogée sur les moyens de mieux utiliser ces partenariats pour appliquer l’objectif 8.7 qui vise à éradiquer le travail d’enfants.
Se présentant comme le pays ayant la population jeune la plus importante au monde, la Chine a souligné que la pauvreté, les inégalités sociales et les conflits armés peuvent contribuer aux formes d’esclavage moderne. Selon elle, la lutte contre ce fléau doit être intégrée aux législations nationales et doit faire l’objet d’une coopération internationale, sous l’égide des Nations Unies. Elle a en outre appelé l’ONU à intensifier sa collaboration avec INTERPOL.
Dans un premier temps, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, a souligné que les plateformes de collecte de données sur le travail des enfants sont essentielles pour leur garantir une protection. Elle a vivement encouragé la communauté internationale à développer ce type de socle pour promouvoir une stratégie reposant sur des informations claires. Elle a cité, à cet égard, l’Alliance 8.7, un partenariat mondial et multipartite créé en 2016 pour parvenir, d’ici à 2030, à un monde sans travail forcé, esclavage moderne, traite des êtres humains et travail des enfants. Il s’agit d’un socle essentiel dans l’échange d’informations qui représente une des lacunes dans le traitement de la problématique de l’esclavage moderne. Après tout, a-t-elle ajouté, il n’y a que 20 pays dans le monde où cette pratique est courante et qui pourraient être ciblés grâce à l’échange de données.
La Rapporteuse spéciale a également encouragé des processus régionaux, à l’image du Processus de Bali, pour rassembler les informations afin de définir des stratégies de lutte contre l’esclavage moderne, notamment celui des enfants. Intégrer cette problématique dans les politiques sociales, dans le marché de l’emploi est une recommandation simple mais nécessaire, mais malheureusement, aucun pays ne l’a mise en œuvre, a-t-elle déploré. La Rapporteuse a également préconisé la promotion de mesures pour venir en aide aux familles vulnérables directement touchées ou fragilisées par des crises économiques afin d’éviter que leurs membres ne sombrent dans l’esclavage moderne.
À l’avenir, a par ailleurs prévenu Mme Bhoola, « nous allons constater des changements fondamentaux dans le domaine du travail en raison des facteurs économiques et géopolitiques qui accroissent les vulnérabilités et le déplacement des populations mondiales ». Cela signifie pour elle, que « les efforts fragmentés doivent désormais céder la place à une action unifiée ».
Exposé de la Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays
Mme CECILIA JIMENEZ-DAMARY, Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, a indiqué que son rapport porte sur les droits des enfants qui se trouvent dans cette situation. Malgré l’absence de chiffres exacts, on estime qu’à la fin de 2018, au moins 17 millions d’enfants ont été déplacés par les conflits et la violence, et que beaucoup d’autres l’ont été par les catastrophes. Selon les estimations, cinq millions de jeunes de 18 à 24 ans vivent dans une situation de déplacement interne; et des recherches ont montré que le déplacement forcé affecte sans mesure les enfants.
Le rapport s’efforce donc d’attirer davantage l’attention sur l’intersectionnalité entre le fait d’être un enfant et celui d’être déplacé. Elle a mis l’accent sur les formes imbriquées de discrimination fondées sur des facteurs comme le sexe, l’appartenance à un groupe, le handicap et le déplacement lui-même. En effet, a-t-elle expliqué, certains groupes ou catégories d’enfants déplacés encourent des risques particuliers, notamment ceux qui sont non accompagnés, séparés, orphelins, enfants des rues, vivant avec un handicap physique et mental, ou ayant subi de graves traumatismes, ainsi que les enfants associés à des forces ou groupes armés.
La Rapporteuse spéciale a souligné qu’il importe d’encourager les enfants déplacés à participer et à analyser leurs situations et perspectives. Elle a évoqué les nombreux obstacles d’ordre pratique, éthique et socioculturel qui entravent la participation des enfants, notant que dans les situations d’urgence humanitaire, la priorité est rarement accordée à leur participation.
Elle a appelé à « une révolution de la participation » et exhorté à des approches à cet effet dans la planification et la gestion des solutions durables et les stratégies locales de relèvement et de réinsertion, ainsi que dans les processus de paix. « Les données sur les enfants déplacés dans leur propre pays existent », a poursuivi la Rapporteuse spéciale, qui a tout de même noté qu’elles ne sont ni systématiquement recueillies, ni consolidées. Elle a recommandé aux États et autres acteurs d’intégrer « une optique de déplacement » aux systèmes de gestion des données sur les enfants, et d’améliorer les pratiques d’échange de données.
Mme Jimenez-Damary a souligné qu’il est de la responsabilité des gouvernements de veiller, en toutes circonstances, à la protection des enfants déplacés internes, et à ce qu’ils aient accès aux services et à l’assistance, dans les situations de conflit plus particulièrement. Elle s’est également alarmée des écarts dans le financement des activités liées à la protection de l’enfance.
Parmi d’autres recommandations, elle a invité les États à créer les conditions propices à des solutions durables pour les enfants déplacés et leurs familles, en portant une attention particulière à la documentation, à l’éducation et aux soins psychologiques et sociaux.
Dialogue interactif
La Suisse a demandé si le Groupe de haut niveau sur les déplacements internes pouvait jouer un rôle afin de combler le manque de données spécifiques sur les enfants déplacés à l’intérieur de leur propre pays. Elle a aussi insisté sur le point de savoir comment améliorer la qualité de ce type de données.
Relevant que les enfants privés d’éducation pendant un long laps de temps sont enclins à devenir plus vulnérables, l’Autriche a appelé à se concentrer sur des actions éducatives pour les enfants déplacés internes. Elle a aussi souhaité en savoir plus sur l’influence des changements climatiques sur les déplacements internes, en particulier ceux des enfants.
Le Mali a fait état d’un grand nombre de réfugiés et de déplacés internes sur son territoire en lien avec la crise dans les régions du centre du pays. Pour y remédier, il a déclaré travailler à la mise en œuvre de l’accord de réconciliation issu du Processus d’Alger. Il a demandé à la Rapporteuse spéciale quelles modalités de coopération elle prévoit avec le Groupe de haut niveau sur les déplacements internes.
Ce groupe doit permettre des solutions pérennes à ce problème, a estimé l’Union européenne, qui s’est interrogée sur son rôle pour garantir la protection des plus vulnérables, en particulier les enfants. Elle a d’autre part demandé comment la communauté internationale pourrait utiliser les objectifs de développement durable pour atténuer les effets des déplacements.
Relevant que près de la moitié des déplacés internes ont moins de 18 ans, le Royaume-Uni a jugé urgent d’examiner leurs vulnérabilités spécifiques et a demandé à connaître les priorités du Groupe de haut niveau sur les déplacements internes.
La Norvège s’est félicitée des progrès réalisés grâce à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et a demandé à la Rapporteuse spéciale des précisions sur ses recommandations concernant les enfants.
Constatant que les enfants représentent le groupe le plus vulnérable parmi les déplacés internes, la Chine a estimé crucial que des actions soient prises à leur intention, associant les gouvernements et la société civile, soulignant en outre l’importance de respecter la Convention relative aux droits de l’enfant.
L’Arménie a déclaré avoir adopté des mesures en faveur des déplacés internes dès les années 90 alors que ses ressources étaient limitées. Plus récemment, elle a identifié les besoins des localités affectées par ce problème afin de donner aux populations les moyens de surmonter les défis liés aux affrontements. La délégation a par ailleurs dénoncé les « tentatives de manipulation » par certains États Membres qui poursuivent des « objectifs politiques obtus ».
L’Ukraine a indiqué que 1,5 million de personnes sont enregistrées comme déplacés internes dans le pays, expliquant que la cause sous-jacente de ce flux important est la « situation humanitaire épouvantable » dans la région du Donbass et dans les secteurs sous occupation russe. Face à ce problème, le Gouvernement ukrainien a adopté, en 2017, une stratégie nationale visant à permettre le retour et la réintégration des déplacés internes, tout en favorisant leur autosuffisance et leur indépendance. Il a pris d’autres mesures, notamment l’attribution de logements temporaires, l’octroi de prêts et la fourniture de soins de santé, mais reconnaît que des défis demeurent, comme le versement de pension de retraite aux déplacés.
À leur tour, les États-Unis ont salué l’annonce, par le Secrétaire général, de la création du Groupe de haut niveau sur les déplacements internes, espérant que celui-ci permettra de parvenir à des solutions durables. Ils ont aussi salué les membres de l’Union africaine qui ont rejoint la Convention de Kampala. Ils ont relevé, en revanche, qu’au Venezuela, le régime Maduro perpétue les violations des droits de l’homme, ce qui provoque une crise humanitaire sans précédent. Dans le nord-ouest de la Syrie, ont-ils ajouté, des millions de personnes déplacées internes font face à un avenir incertain, affirmant que le régime Assad utilise des armes chimiques contre sa population.
Plaidant pour une participation des populations déplacées aux processus les concernant, le Canada a jugé essentiel d’autonomiser les femmes et les filles dans le cadre des réponses humanitaires. Il a voulu savoir dans quelle mesure une approche interinstitutions coordonnée permettrait de venir efficacement en aide aux déplacés. Par ailleurs, que peuvent faire les États pour renforcer les discussions internationales sur ces questions et quelle serait l’enceinte la plus adaptée?
La Géorgie a indiqué qu’elle dispose d’un plan national pour les déplacés qui a déjà permis à 40 000 familles de bénéficier d’un logement durable et d’un accès aux services fondamentaux. Toutefois, a-t-elle déploré, le droit au retour de ces personnes est « ignoré » par la Fédération de Russie qui contrôle l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Malgré les appels, le régime d’occupation continue de saper ce processus et néglige les droits des personnes déplacées, a-t-elle affirmé. Elle a voulu savoir comment le Groupe de haut niveau sur les déplacements internes pourrait aider à solutionner cette situation.
La République arabe syrienne a assuré que son gouvernement vient en aide aux personnes déplacées, notamment en reconstruisant ce qui a été détruit pendant la crise et en facilitant le retour des réfugiés avec l’aide de l’ONU et des ONG syriennes et internationales. Elle a par ailleurs rejeté la manière dont les États-Unis se comportent et leur tentative de « salir l’image de la République arabe syrienne ». Selon elle, les États-Unis ne sont pas qualifiés sur le plan éthique ou morale pour donner des leçons aux autres. Rappelant que ce pays impose des mesures coercitives unilatérales au peuple syrien, elle l’a appelé à « s’abstenir d’alimenter les crises ».
La Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays a insisté sur la nécessité d’écouter et de faire participer les personnes déplacées; c’est un impératif pour pouvoir mettre en place des mesures adaptées. Elle a vu dans le Groupe de haut niveau sur les déplacements internes annoncé, il y a deux jours, par le Secrétaire général, un moyen de traiter cette problématique en profondeur en mettant l’accent sur les droits de l’homme et la prévention.
Mme Jimenez-Damary a également insisté sur l’importance de la collecte de données. Celles-ci doivent être pertinentes, coordonnées et complètes, a-t-elle recommandé, conseillant de se pencher en particulier sur certains groupes, à commencer par les enfants. Elle a aussi encouragé à intégrer les acteurs de développement qui travaillent dans les situations d’urgence. En effet, a expliqué la Rapporteuse spéciale, « nous ne pouvons pas traiter cette problématique sans les impliquer et même accroître leur rôle ». Elle a également attiré l’attention sur les gouvernements locaux qui sont sur les lignes de front, insistant sur leur action en matière de protection des personnes déplacées. L’éducation contribue en outre à assurer un avenir aux enfants mais aussi à asseoir une solution durable.
Poursuivant, elle a conseillé au Groupe de haut niveau de prendre en considération les visions établies dans le cadre des objectifs de développement durable, de prendre contact avec l’ensemble des acteurs pertinents, et surtout de se déplacer sur le terrain pour « écouter la voix des déplacés, en particulier les enfants ».