La Troisième Commission se penche sur les droits des personnes âgées handicapées et les solutions à apporter aux discours de haine en ligne
Bien que 180 États soient désormais parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les personnes concernées sont encore loin de jouir de tous leurs droits, a fortiori si elles se trouvent au carrefour de la vieillesse et du handicap: tel est l’un des constats alarmants dressés aujourd’hui par les experts qui se sont succédé à la tribune de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles.
Les débats du jour ont également porté sur d’autres questions relevant des droits de l’homme, comme la diffusion en ligne de discours de haine et la responsabilité des institutions financières dans la mise en œuvre de réformes économiques peu respectueuses des droits économiques, sociaux et culturels.
S’agissant des personnes handicapées, force est de reconnaître que, partout dans le monde, elles ne sont « toujours pas reconnues comme titulaires de tous les droits », a fait observer le Président du Comité des droits des personnes handicapées. M. Danlami Basharu a notamment déploré l’insuffisance des efforts déployés pour réviser ou modifier les lois qui nient ou restreignent le droit des personnes handicapées à l’égalité devant la loi, à la liberté et à l’intégrité physique et mentale. C’est ainsi, a-t-il dit, que des régimes de tutelle persistent, en particulier pour les personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel.
Il a averti que ces dernières encourent « un risque accru » de violences et d’abus. Si les femmes et les jeunes filles handicapées sont particulièrement exposées, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les déplacés handicapés encourent eux aussi ces risques, notamment dans les situations de crise ou d’urgence humanitaire.
À cela s’ajoute la question de l’âge. Car comme l’a souligné la Rapporteuse spéciale sur cette question, la population des personnes âgées handicapées augmente et, avec elle, les défis associés au plein exercice de leurs droits. D’après Mme Catalina Devandas-Aguilar, l’intersection entre la vieillesse et le handicap génère même des « formes uniques de discrimination et des violations spécifiques des droits fondamentaux ». De fait, a-t-elle pointé, les personnes âgées handicapées sont souvent perçues comme un « fardeau », ce qui leur vaut être considérées comme des personnes « ne méritant pas la garantie du plein respect de l’ensemble de leurs droits ».
Ces pratiques sont particulièrement pernicieuses en ce qui concerne les personnes atteintes de démence, a fait remarquer la Rapporteuse spéciale. Le simple diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou d’une perte des capacités cognitives justifie qu’on leur refuse l’exercice d’une série de droits, tels que le droit de se marier ou de faire un testament. De surcroît, le cumul âge-handicap tend à exclure les personnes concernées des pensions d’invalidité ou des prestations de mobilité.
La diffusion de discours de haine ou de fausses nouvelles en ligne a été abordée par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression sous l’angle de l’assistance à apporter aux États et aux entreprises numériques pour faire face à cette « source de préoccupation mondiale ». Pour M. Davi Kaye, il importe en effet de protéger les droits des utilisateurs ainsi que ceux du public face à ces attaques qui peuvent pousser à commettre des actes de violence « hors ligne », agir de manière discriminatoire à l’encontre des communautés marginalisées et nier la liberté de parole, voire même le droit de vote.
Selon le Rapporteur spécial, les lois appliquées par les États pour contrer les discours de haine ne répondent pas aux normes de légalité, de nécessité et de légitimité, celles-ci étant souvent vagues et accordant un pouvoir d’appréciation excessif aux autorités gouvernementales en ce qui concerne les sanctions. De plus, les efforts déployés sur le plan législatif pour retirer les contenus haineux diffusés en ligne poussent souvent les entreprises à créer des filtres pour empêcher la mise en ligne de contenus considérés comme haineux. Il a jugé cet élan mal avisé car il pousserait les plateformes à réglementer et retirer des contenus considérés comme légaux. De plus, de tels outils automatisés confèrent, selon lui, trop de pouvoirs à ces sociétés dotées de très peu, voire d’aucun, mécanismes de contrôle et de réparation.
Face à ces dangers, il a conseillé aux États de strictement définir dans la loi ce qui peut être considéré comme un contenu interdit et de ne pas criminaliser ce type de discours, sauf dans les cas les plus graves. Il recommande par ailleurs aux plateformes d’évaluer les impacts de leurs produits et services sur les droits de l’homme et de s’assurer que les analyses contextuelles sont faites avec des membres des communautés affectées par ces contenus.
Avant de reprendre son débat général sur la promotion et la protection des droits de l’homme, la Troisième Commission a également débattu de la responsabilité des institutions financières internationales qui se sont rendues « complices » dans la mise en œuvre, par les États, de réformes économiques violant les droits économiques, sociaux et culturels.
De l’avis de M. Juan Pablo Bohoslavsky, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, il importe de réaliser des études d’impact sur les droits de l’homme lors de la conception de tels programmes de réforme par les institutions financières internationales, et ce, afin de prévenir les dommages. Et si le mal ne peut être évité, il doit être dûment indemnisé et des garanties de non-répétition mises en place, a-t-il soutenu, ajoutant qu’un fait internationalement illicite, facilité par un prêteur donné peut être considéré comme une « violation des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels ».
La Troisième Commission poursuivra l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous ses différents aspects demain, mardi 22 octobre, à partir de 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Application des instruments relatifs aux droits de l’homme (A/74/40, A/74/44, A/74/48, A/74/55, A/74/56, A/74/146, A/74/148, A/74/228, A/74/233, A/74/254, A/74/256)
Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales (A/74/147, A/74/159, A/74/160, A/74/161, A/74/163, A/74/164, A/74/165, A/74/167, A/74/174, A/74/176, A/74/179, A/74/181, A/74/183, A/74/185, A/74/186, A/74/190, A/74/191, A/74/197, A/74/198, A/74/212, A/74/213, A/74/215, A/74/226, A/74/227, A/74/229, A/74/243, A/74/245, A/74/255, A/74/261, A/74/262, A/74/178, A/74/189, A/74/270, A/74/271, A/74/277, A/74/285, A/74/314, A/74/318, A/74/335, A/74/349, A/74/351, A/74/358, A/74/460)
Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux (A/74/166, A/74/188, A/74/196, A/74/268, A/74/273, A/74/275, A/74/276, A/74/278, A/74/303, A/74/311, A/74/342)
Application intégrale et suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (A/74/36)
Exposé du Président du Comité des droits des personnes handicapées
Dans un premier temps, M. DANLAMI BASHARU, Président du Comité des droits des personnes handicapées, a indiqué que quelque 180 États sont désormais parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et que le statut de ratification du Protocole facultatif a été revu à la hausse, ce qui porte le nombre à 96 États parties. Il a expliqué cette progression par l’impact positif des activités du programme de renforcement des capacités des organes conventionnels du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.
Dressant le bilan des activités de son comité, il a précisé que 47 rapports initiaux ou périodiques seront examinés prochainement. Pour éviter ces retards, le Comité a décidé d’accorder temporairement la priorité à l’examen des rapports initiaux, et cette politique fera l’objet d’une évaluation à chaque session.
Il s’est préoccupé du fait que plusieurs des États parties aient formulé des réserves et interprétations au titre de la Convention. Celles-ci sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention, a-t-il regretté. Il a, dès lors, recommandé aux États parties d’examiner constamment les réserves et les déclarations interprétatives en vue de leur retrait, de manière à élargir la protection des droits et des garanties énoncés dans la Convention.
En ce qui concerne le Protocole facultatif à la Convention, le Comité a examiné et adopté des décisions au titre de neuf communications individuelles et constaté des violations dans cinq cas. Cela porte à 34 le nombre de plaintes individuelles examinées. Il a également adopté deux rapports sur la suite donnée aux observations, s’assurant ainsi un suivi approfondi des mesures prises par les États parties concernés pour mettre en œuvre les recommandations adoptées.
Le Comité a également entrepris une enquête confidentielle sur des allégations de violations graves ou systématiques de la part de l’État partie concernant les droits énoncés dans la Convention. Le Comité a accru sa productivité et est disposé à examiner davantage de cas au cours de ses sessions afin de traiter les arriérés. Mais, a déploré son Président, il le fait dans un contexte de capacité limitée.
M. Basharu a également prévenu que la mise en œuvre de la Convention demeure un défi, les personnes handicapées, dans toutes les régions du monde, n’étant toujours pas reconnues comme titulaires de tous les droits. Il a déploré l’insuffisance des efforts déployés pour réviser ou modifier les lois qui nient ou restreignent le droit des personnes handicapées à l’égalité devant la loi, à la liberté et à leur intégrité physique et mentale sur la base de déficiences réelles ou perçues. Les régimes de tutelle persistent, notamment en ce qui concerne les personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel. Le Comité a formulé des recommandations spécifiques sur les mesures législatives, administratives et autres que les États parties devraient prendre dans ce sens.
Selon la description des pays examinés au cours des 12 derniers mois, quels que soient le système juridique ou la situation politique, les personnes handicapées encourent un risque accru de violation de leurs droits, notamment de violence et d’abus. C’est particulièrement le cas pour les femmes et les jeunes filles handicapées, ainsi que les demandeurs d’asile, les réfugiés et les déplacés handicapés, notamment dans les situations de risque ou d’urgence humanitaire.
« Les personnes handicapées ne peuvent souvent pas se soustraire à de telles situations et n’ont pas accès à un soutien, y compris pour leurs besoins quotidiens, ainsi que pour un appui salvateur », s’est-il inquiété. En outre, les États parties n’ont pas pris suffisamment de mesures pour identifier les personnes handicapées parmi les personnes en quête d’une protection internationale. L’absence de documents d’identité peut alors se traduire par des formes de discrimination multiples et intersectionnelles, notamment le déni d’accès aux services et au soutien dans la communauté.
L’absence de mesures cohérentes pour la collecte de données ventilées sur les personnes en situation de handicap est également un autre problème qui préoccupe le Comité, a poursuivi M. Basharu. Des données de meilleure qualité sont indispensables pour identifier et améliorer la compréhension des différences dans les expériences vécues par les personnes handicapées et pour rendre plus visible, pour les décideurs, la portée des défis restants en matière d’égalité et de non-discrimination, a-t-il fait observer.
Le Président a ensuite indiqué que la trente et unième réunion des présidents des organes conventionnels, qui s’est tenue à New York du 24 au 28 juin 2019, avait été l’occasion de faire le point sur l’examen du système des organes de traités prévu en avril 2020. En 2019, à l’approche du Sommet Action Climat, le Comité a également publié une déclaration conjointe avec plusieurs comités sur les droits de l’homme, insistant sur le devoir de tous les États d’agir dans l’urgence face aux changements climatiques. Ceci est essentiel étant donné que les répercussions des changements climatiques contribuent à exacerber les inégalités et la vulnérabilité des personnes handicapées, a-t-il ajouté.
En collaboration avec le Comité des droits de l’enfant, le Comité a revitalisé sa coopération et son groupe de travail conjoint sur les droits des enfants handicapés. Les deux comités se sont également réunis pour mieux comprendre les obstacles que les pays rencontrent pour améliorer la situation des enfants handicapés et la manière dont ils peuvent être surmontés. Une réunion de suivi est prévue l’année prochaine.
M. Basharu a par ailleurs fait savoir que certains aspects liés à l’accessibilité peuvent demeurer un obstacle aux travaux du Comité. Il a notamment évoqué certaines dispositions relatives aux aménagements individualisés, en particulier le braille et le sous-titrage pour les experts handicapés afin d’assurer leur participation pleine et effective. Néanmoins, il a salué la Stratégie des Nations Unies pour l’inclusion du handicap adoptée en juin dernier. Le Comité attend avec impatience la prochaine étape de cette stratégie.
En ce qui concerne la situation financière, il a rappelé qu’il avait été décidé d’imposer des coupes budgétaires à hauteur de 25% pour le déplacement des experts de haut niveau, mais qu’une solution temporaire avait été trouvée pour que les sessions puissent se dérouler comme prévu.
Néanmoins, et face aux graves problèmes de liquidités dont souffre l’Organisation et leur impact sur le financement des activités prescrites sur son budget ordinaire, il a exhorté les États Membres à prévoir les ressources nécessaires pour assumer les responsabilités qui leur incombent en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme.
Dialogue interactif
Le Japon a voulu savoir quel rôle le sport pourrait jouer pour façonner une société plus inclusive, rappelant dans la foulée que Tokyo accueillera l’an prochain les Jeux paralympiques.
Le Qatar a rappelé qu’il avait été l’un des premiers pays à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2002. Depuis, il a pris des mesures législatives et réglementaires visant notamment à fournir à ces personnes des garanties sociales et une assurance santé.
Seule organisation régionale à être partie à la Convention, l’Union européenne a estimé que le concept d’accessibilité doit se traduire en mesures pratiques, élaborées avec le concours des personnes concernées. À cet égard, elle a souhaité obtenir des exemples de ce type de coopération.
Le Luxembourg a indiqué avoir reconnu la langue des signes allemande et le droit à l’enseignement en langue des signes. Il a également pris, cette année, des mesures d’assistance destinées à encourager les employeurs à embaucher des personnes handicapées. Par ailleurs, comment impliquer au mieux les enfants dans les processus décisionnels qui les concernent? a voulu savoir la délégation
Après que le Nigéria a indiqué qu’il avait promulgué une loi sur le handicap, le Royaume-Uni a voulu savoir comment les États peuvent faire davantage pour promouvoir l’utilisation des normes internationales en matière d’accessibilité pour la conception de produits et de services. Les États-Unis ont annoncé, de leur côté, leur intention d’appuyer la résolution du Mexique, qui insiste sur le thème de l’accessibilité, rappelant en outre qu’ils avaient voté en faveur de la résolution 2475 du Conseil de sécurité sur la situation des personnes handicapées en période de conflit armé.
La Chine a noté que 85 millions de personnes handicapées vivent en Chine et assuré que le Gouvernement accorde une grande importance à la protection de leurs droits, par le biais notamment d’une éducation intégrée et d’un accès à l’emploi. À l’approche des 25 ans de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, elle a voulu savoir ce que le Comité prévoit en ce qui concerne les femmes handicapées.
Dans un premier temps, le Président du Comité des droits des personnes handicapées a salué le Japon qui s’emploie à lever tous les obstacles aux personnes handicapées par le biais du sport, notamment en rendant les stades accessibles pour tous lors du prochain rendez-vous sportif.
M. Basharu a ensuite indiqué attendre avec impatience la prochaine conférence de Doha qui va aider à la promotion des personnes handicapées, promettant au Qatar que « ces personnes participeront pleinement » à cette rencontre. S’adressant à l’Union européenne, il a salué son travail sur l’article 9 qui est considéré comme la colonne vertébrale de la Convention. Car, a-t-il résumé, « nul progrès sans accès », soulignant que l’accessibilité et l’inclusion vont de pair. Évoquant l’initiative du Luxembourg, il s’est également réjoui de la participation du secteur privé dans la promotion de la langue des signes.
Sur la question de l’intégration des enfants dans la prise de décisions, il a constaté que beaucoup d’États parties disposent de parlements de jeunes qui leur permettent de participer au processus de prise de décisions. Se tournant vers les États-Unis, il a fait part de sa reconnaissance de leur soutien à la résolution sur les personnes handicapées en période de conflit, car très « souvent, on a tendance à oublier » ces personnes prises dans le piège des guerres. Il a promis, pour finir, la pleine implication des femmes handicapés dans les préparatifs de la Conférence Beijing + 25.
Exposé de la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées
Venue présenter son dernier rapport en date, disponible au format facile à lire et en braille, Mme CATALINA DEVANDAS-AGUILAR, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, a commencé par observer que la population mondiale vieillit. D’ici à 2050, a-t-elle relevé, une personne sur quatre vivant en Europe et en Amérique du Nord pourrait avoir 65 ans ou plus. Ce constat ne concerne pas les seuls pays à revenu élevé puisque presque tous les pays du monde connaissent une augmentation de la proportion des personnes âgées dans leur population. Le vieillissement de la population dans les pays à faible revenu est toutefois beaucoup plus rapide que dans les pays à revenu intermédiaire ou élevé, a-t-elle noté, ajoutant que ce phénomène a un impact direct sur les travaux de son mandat.
D’une part, en effet, la prévalence des maladies chroniques et des carences augmente avec l’âge. D’autre part, a poursuivi Mme Devandas-Aguilar, grâce aux progrès de la médecine et à l’amélioration des conditions de vie, les personnes handicapées vivent, elles aussi, plus longtemps. En conséquence, la population des personnes âgées handicapées augmente et, avec elle, les défis associés au plein exercice de leurs droits.
Pour la Rapporteuse spéciale, l’intersection entre la vieillesse et le handicap génère des formes uniques de discrimination et des violations spécifiques des droits fondamentaux des personnes âgées handicapées. Ces dernières, constate-t-elle, sont discriminées et défavorisées non seulement à cause de leur handicap, mais aussi à cause des préjugés et des stéréotypes existant à leur égard. De fait, les personnes âgées handicapées sont souvent perçues comme un « fardeau », ce qui leur vaut être considérées comme des personnes ne méritant pas la garantie du plein respect de l’ensemble de leurs droits. Elles sont pourtant victimes de stigmatisation, de discrimination, d’un déni d’autonomie et de capacité juridique, ainsi que d’un manque de soutien de la part de la communauté, de violence et d’abus, et d’une insuffisance de protection sociale, s’est-elle alarmée.
Ces pratiques sont particulièrement pernicieuses en ce qui concerne les personnes atteintes de démence, a fait remarquer la Rapporteuse spéciale. Le simple diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou de la démence justifie souvent qu’on leur refuse l’exercice d’une série de droits, tels que le droit de se marier ou de faire un testament.
L’intersection entre la vieillesse et le handicap engendre également des lacunes dans la protection des droits de l’homme et une interprétation biaisée des normes conçues pour protéger les personnes handicapées et les personnes âgées, a-t-elle pointé, citant l’exemple des personnes âgées handicapées souvent exclues des services et des prestations d’invalidité, tels que les pensions d’invalidité ou les prestations de mobilité. En outre, alors que les jeunes handicapés bénéficient de plus en plus d’encouragements et de soutien pour vivre de manière autonome, de nombreuses personnes âgées handicapées se voient obligées de vivre dans des établissements de soins de longue durée. D’après Mme Devandas-Aguilar, cette situation concerne particulièrement les femmes âgées handicapées, qui ont une espérance de vie plus longue que leur partenaire masculin.
De plus, a-t-elle poursuivi, les personnes âgées handicapées étant généralement perçues comme un « fardeau » pas nécessairement digne de soutien, les politiques publiques ne leur accordent pas la priorité. Elles sont donc exclues de nombreux services ou reçoivent des services de moindre qualité, surtout en cas de pénurie de ressources. Dans ces conditions, elles présentent un risque élevé d’être laissées pour compte dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
De l’avis de la Rapporteuse spéciale, il importe de réévaluer l’expérience du handicap et de la vieillesse. « Les personnes âgées handicapées ne peuvent continuer à être perçues comme un fardeau, un problème ou un coût économique, mais comme des détenteurs de droits, tout comme les autres membres de la société », a-t-elle plaidé, précisant que son rapport propose diverses mesures concrètes aux États.
Mme Devandas-Aguilar estime ainsi qu’il est nécessaire que les États réforment leurs cadres juridique et politique pour garantir la pleine réalisation de tous les droits de l’homme des personnes âgées handicapées. Il est urgent, selon elle, d’abandonner les approches médicales et caritatives et d’adopter une approche des droits de l’homme. De même, il est nécessaire d’intégrer les droits des personnes âgées handicapées dans toutes les politiques et tous les programmes, a-t-elle fait valoir, avant d’appeler les États à interdire toutes les formes de discrimination fondées sur le handicap ou l’âge, ou situées au croisement des deux. Les dispositions qui, en raison de l’âge ou du handicap, excluent ou limitent l’accès des personnes âgées handicapées aux services et avantages liés au handicap ou à l’âge, ou à tout programme de protection sociale, ne peuvent être autorisées, a-t-elle soutenu.
Troisièmement, a-t-elle ajouté, les États doivent garantir l’accès effectif des personnes âgées handicapées à un large éventail de services et de mécanismes de soutien, y compris l’assistance personnelle, l’aide à la décision, les aides à la mobilité, les aides techniques, les soins palliatifs et l’assistance à la vie autonome. À ses yeux, aucune personne âgée handicapée ne devrait être institutionnalisée pour pouvoir recevoir des services d’assistance. Enfin, il est nécessaire que les États adoptent d’urgence des mesures pour protéger les personnes âgées handicapées de toutes les formes d’exploitation, de violence et de maltraitance qu’elles subissent. La violence et les abus envers ces personnes dans les sphères publique et privée constituent un problème mondial, a souligné la Rapporteuse spéciale, jugeant qu’un accès effectif à la justice, ainsi que l’existence de systèmes de protection et de contrôle sont essentiels pour y remédier.
Dialogue interactif
L’Italie a souhaité savoir quelle sont les étapes que les États devraient suivre afin de lutter contre la stigmatisation des personnes souffrant d’un handicap, notamment psychosocial et intellectuel.
L’Espagne a indiqué que sa stratégie sur le handicap essaie de garantir le droit à la santé des personnes âgées handicapées, notamment par le biais d’un dépistage précoce des déficiences et la formation de professionnels de la santé. Elle a précisé qu’elle collabore aux projets de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en la matière et au réseau des villes favorables aux personnes âgées handicapées.
La Nouvelle-Zélande a demandé à la Rapporteuse spéciale quel est le principal obstacle empêchant de lutter contre les stéréotypes et les normes sociales négatives qui peuvent nuire aux personnes handicapées. Et quelles sont les mesures urgentes que doivent prendre les États en matière de discrimination à l’encontre des personnes âgées handicapées, a demandé l’Argentine.
L’Indonésie a expliqué que dans son système juridique, le Ministère des droits de l’homme travaille avec le Parlement afin de garantir l’accès à la justice et l’égalité devant la loi pour les personnes handicapées. Il met aussi en place pour ces personnes vulnérables des mécanismes d’assurance dans le domaine de la santé. Relevant qu’il n’existe pas de normes contre les discriminations visant les personnes âgées handicapées, le Brésil a voulu savoir quelles mesures pourraient prendre la communauté internationale pour y remédier.
De son côté, la Suisse a voulu savoir quel serait l’élément essentiel pour permettre aux personnes âgées en situation de handicap de participer effectivement, en toute autonomie et sur un pied d’égalité à la vie en société. En outre, comment les organisations de personnes handicapées et de personnes âgées peuvent-elles favoriser une meilleure prise en compte de ce groupe cible?
La Finlande, au nom des pays nordiques et des pays baltes, a relevé que la technologie et l’intelligence artificielle peuvent aider les personne âgées et handicapées, à condition que l’approche soit fondée sur les droits de l’homme et élaborée en étroite collaboration avec les personnes concernées. À cet égard, elle a voulu savoir comment assurer que les travaux des organes conventionnels tiennent compte des droits des personnes âgées handicapées.
Le Mexique a voulu connaître des exemples de bonnes pratiques afin de garantir l’inclusion en adoptant une approche fondée sur le respect des droits de l’homme.
Les États-Unis ont souhaité savoir quelle serait la manière la plus efficace de lutter contre les stéréotypes concernant les personnes âgées handicapées, notamment les membres de groupes minoritaires qui sont confrontés à de multiples obstacles à la jouissance de leurs droits.
Les Maldives ont indiqué s’être dotées d’un programme 2019-2023 pour favoriser la participation des personnes handicapées à tous les secteurs de l’économie et que des systèmes d’assistance et de formation de personnels spécialisés sont prévus.
L’Union européenne a estimé que les États doivent adapter leur lois et réglementations pour remédier aux violations subies par les personnes âgées handicapées et a voulu savoir quelles seraient les mesures les plus importantes à prendre dans un avenir proche. Eu égard à la situation des femmes âgées handicapées, l’Irlande a demandé comment les États Membres pourraient assurer le respect de leurs droits, tandis que l’Australie a assuré qu’elle prenait en compte dans ses lois et programmes la conjonction négative de l’âge et du handicap.
L’Algérie a rappelé qu’elle avait adopté une loi d’assistance aux personnes handicapées dès 2002, soit avant sa ratification de la Convention, et qu’elle avait, depuis lors, mis en œuvre des mesures dans les domaines de la formation, de l’emploi, de la protection sociale et de la santé.
La République de Corée a souhaité connaître des mesures efficaces que les gouvernements pourraient prendre pour améliorer l’accessibilité, notamment l’accès des personnes handicapées à l’information et aux technologies.
Quelles mesures permettraient aux personnes âgées handicapées de participer aux prises de décisions publiques qui les concernent? a voulu savoir la Pologne, tandis que le Costa Rica a voulu en savoir plus sur l’égalité juridique des personnes handicapées et les obstacles qui empêchent ces dernières d’y accéder. Comment inciter les États à développer des programmes permettant de changer la perception sociétale du handicap et de l’âge, a demandé à son tour le Royaume-Uni. La Chine a espéré que la Rapporteuse spéciale, qu’elle a invitée à se rendre en Chine, donnera des exemples de bonnes pratiques de façon à permettre au pays d’améliorer ses résultats.
Enfin, le Maroc s’est inquiété de l’absence de financements nécessaires et du manque de services sociaux, et a voulu connaître la perception qu’a la Rapporteuse spéciale de ce problème, notamment dans l’optique de la réduction de la pauvreté et de la promotion de l’égalité des chances.
La Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées a mis en garde contre le risque majeur que représente la réduction des investissements en faveur des personnes âgées considérées comme déficientes et en fin de vie. Il faut au contraire adopter des normes élevées en leur faveur, et cela est, à ses yeux, fondamental. Il faut éviter « toute restriction » de leurs droits, a-t-elle martelé. Elle a rejeté les ségrégations et le placement en institution des personnes âgées handicapées loin de leurs communautés, et ce, sans leur donner le choix. Il s’agit, pour elle, d’éviter de se contenter d’un diagnostic médical qui ne tienne pas compte des droits de la personne âgée handicapée. Il faut plutôt discuter de l’élimination des barrières et obstacles sociaux en termes de perception, a-t-elle estimé.
Mme Devandas-Aguilar a également souligné que les femmes âgées handicapées méritent « une attention particulière » eu égard à leurs perspectives de vie qui sont pires que celles des personnes âgées non handicapées. Plus pauvres, elles risquent d’être confrontées à la violence au sein de leurs foyers et dans les institutions. Leurs droits sont violés d’autant plus que leur espérance de vie est plus longue, s’est-elle inquiétée.
La Rapporteuse spéciale a par ailleurs estimé que les progrès technologiques doivent être accessibles aux personnes âgées handicapées, tout en avertissant du risque que ces technologies soient utilisées pour isoler davantage ces personnes. Une solution pour lutter contre les discriminations passerait, selon elle, par leur participation aux débats et à la prise de décisions sur le vieillissement et le handicap. Pour finir, Mme Devandas-Aguilar a appelé à promouvoir l’autonomie de ces personnes car dans le cas contraire, « nous allons nous heurter à des problèmes, notamment en matière de santé et de soins palliatifs ».
Suite du débat général
S’exprimant au nom du Groupe des Amis des personnes âgées, Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a signalé que la population de ce groupe d’âge atteindra 1,4 milliard de personnes en 2030, la croissance la plus importante et la plus rapide dans le monde en développement. Selon les prévisions, en 2030, le nombre des personnes âgées sera supérieur à celui des jeunes et à celui des enfants de moins de 10 ans dans le monde. En 2050, il y aura environ le même nombre de personnes âgées que d’enfants, a-t-elle précisé, en mettant l’accent sur la nécessité de reconnaître les besoins croissants et urgents à accorder à cette tranche de la population, y compris dans le domaine des droits de l’homme. Elle a rappelé que les personnes âgées ne sont pas seulement des récipiendaires de soins spéciaux et de protection sociale, mais ont également des droits spécifiques et sont à la fois des acteurs autonomes et indépendants et des bénéficiaires du changement.
La représentante s’est ensuite inquiétée des multiples formes de discrimination qui affectent les personnes âgées et la jouissance de leurs droits et libertés fondamentales, notamment les marginalisées, celles en butte à la stigmatisation, à la discrimination ou à l’exclusion ainsi que celles appartenant à des groupes vulnérables ou vivant dans des situations de vulnérabilité. Elle a invité à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et programmes visant à la promotion de ces droits, et exhorté à la « consolidation des droits » des personnes âgées en un document universel spécifique et contraignant pour remédier à « l’éparpillement dans la réglementation » actuelle en termes de protection de ce groupe d’âge.
Mme SHEILA GWENETH CAREY (Bahamas), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a déclaré qu’alors que les pays de la CARICOM travaillent assidûment à l’universalisation des droits et libertés fondamentales, ils sont régulièrement confrontés à des défis, notamment dans la présentation de rapports et la mise en œuvre en raison d’un manque de capacités et d’expertise technique.
Elle a indiqué que les États de la CARICOM sont vulnérables aux chocs économiques, qui sont de plus aggravés par les catastrophes naturelles, précisant que les impacts des changements climatiques seront ressentis plus durement par les couches de la population qui sont déjà en situation de vulnérabilité. Elle a prévenu que la gravité des changements climatiques représente une crise existentielle qui affecte la jouissance des droits de l’homme dans leur ensemble, et en particulier les droits à la vie, à l’autodétermination, au développement, à l’alimentation, à l’eau et à l’assainissement, à la santé, au logement et à l’éducation.
M. QASIM AZIZ BUTT (Pakistan) a indiqué que l’emprise croissante de la xénophobie et des sentiments antimusulmans, créés par certains partis politiques dans sa région et au-delà, l’inquiète tout particulièrement. Il s’est notamment inquiété de la situation au Jammu-et-Cachemire occupé par l’Inde, qui subit le plus draconien des verrouillages et des blocages des communications depuis plus de deux mois et demi. « Les droits de l’homme les plus basiques des Cachemiriens sont niés en toute impunité », a-t-il alerté, avant d’appeler les délégués à « une action collective immédiate ».
Le représentant a également appelé à lutter contre le « deux poids, deux mesures » qui, selon lui, fait que certaines situations sont largement couvertes alors que d’autres sont ignorées. Il a estimé que les pires violations des droits de l’homme étaient commises dans le cas des conflits armés liés à une occupation étrangère. Il s’est félicité de la constitution d’une commission nationale des droits de l’homme « indépendante et autonome » selon les Principes de Paris.
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a indiqué qu’en janvier dernier, son pays avait achevé son troisième cycle d’Examen périodique universel. Sur les 291 recommandations reçues, le Viet Nam en a accepté 241, soit près de 83%. Il a précisé que celles-ci couvrent un large éventail de questions liées au renforcement du système juridique, à la promotion et la protection des droits civils, politiques, socioéconomiques et culturels, et au renforcement du dialogue et de la coopération avec les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies.
En juin dernier, l’Assemblée nationale du Viet Nam a ratifié la Convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le Viet Nam poursuit de plus ses efforts en vue de l’approbation de la Convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé et de la Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical dans les meilleurs délais.
Par ailleurs, en ce qui concerne les droits des enfants, le Viet Nam a adhéré à l’engagement global volontaire « Pour chaque enfant, tous ses droits » et, une fois les procédures internes terminées, le Viet Nam soumettra la lettre d’approbation en vue de son adhésion à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.
Dans une déclaration conjointe avec la Belgique, M. RODRIGO A. CARAZO (Costa Rica), au nom d’un groupe de 56 États, a indiqué qu’une attention particulière doit être apportée au calendrier de présentation de rapports qui devrait prévoir que les obligations imposées à chaque État en vertu des différents traités soient réparties uniformément. Cela faciliterait l’obligation qui revient aux États en matière de rédaction ainsi que la mise en œuvre des différentes recommandations. De plus, M. Carazo a recommandé d’explorer les moyens d’améliorer la cohérence dans l’application des procédures de communication individuelles.
Par ailleurs, M. Carazo a souligné les inquiétudes du groupe de 56 États quant aux représailles contre les individus qui coopèrent avec les organes conventionnels, et encouragé ces derniers, ainsi que le Bureau du Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, dans leurs efforts pour répondre à ces représailles.
M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a rappelé que la Constitution de son pays reconnaît la pleine protection des droits de la personne. Sur cette base, a-t-il dit, le Gouvernement s’emploie à assurer l’égalité des chances et à instaurer de meilleures conditions de vie afin de parvenir au bien commun. De même, l’Assemblée nationale a adopté des lois qui garantissent les droits du peuple et les placent au cœur du Programme national de développement humain, dans lequel la femme et les enfants jouent un rôle essentiel, a précisé le représentant.
Relevant qu’en matière de sécurité citoyenne, le pays est considéré comme l’un des plus sûrs en Amérique centrale, il a souligné l’attachement de son gouvernement à l’égalité femmes-hommes afin d’insuffler un élan économique et social. Il a aussi fait état de résultats importants en matière de lutte contre la pauvreté générale, passé de 42,5% en 2009 à 24,9% en 2016, la pauvreté extrême ayant reculé dans le même temps de 14,6% à 6,9%. Le délégué a ensuite évoqué les efforts du Gouvernement de réconciliation nationale dans le domaine social, des efforts salués par des institutions internationales comme l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), laquelle a souligné que le Nicaragua a réussi à réduire son indice de sous-alimentation, faisant de la sécurité alimentaire une réalité.
Le représentant a ensuite indiqué que le Nicaragua avait présenté son rapport dans le cadre du troisième cycle de l’Examen périodique universel et entendait poursuivre sa collaboration avec les instruments des droits de l’homme des Nations Unies. Avant de conclure, il a jugé inacceptable que certains pays développés imposent à des pays en développement des mesures unilatérales coercitives, ce qui entrave l’éradication de la pauvreté et le développement des peuples.
Mme KAITLYN SHELAGH ELIZABETH PRITCHARD (Canada) a déploré que beaucoup de personnes soient exclues des décisions économiques, politiques et sociales qui affectent pourtant leur vie. Elle s’est inquiétée du rétrécissement des espaces de liberté, relevant également que les acteurs de la société civile font face à de plus en plus de restrictions dans l’exercice de leur travail. Elle a aussi relevé que nombre d’entre eux, y compris des journalistes, ont été directement pris pour cible, et que d’autres font l’objet de représailles pour avoir coopéré avec l’ONU dans le but d’attirer l’attention sur des violations et abus des droits de l’homme. Elle a appelé à protéger l’espace civique ainsi que les défenseurs des droits de l’homme. La représentante a appelé à délibérer sur des enjeux émergents et trouver des solutions pour que les voix des personnes en danger soient entendues.
M. HUMBERTO RIVERO ROSARIO (Cuba) a estimé qu’une plus grande visibilité devrait être accordée à la lutte contre l’extrême pauvreté, l’analphabétisme, la manque d’accès aux services de base comme la santé, l’éducation et l’alimentation, autant de fléaux qui caractérisent, selon lui, un ordre international injuste. Il a dénoncé à cet égard les approches sélectives et les initiatives menées contre des pays en développement, notamment celles fondées sur des intérêts hégémoniques ou ayant des motivations politiques. Le délégué a ainsi rappelé l’opposition de son pays aux listes unilatérales comme celles publiées par les États-Unis sur de soi-disant violations des droits de l’homme. Ces pratiques sont contraires au droit international et à la Charte des Nations Unies, a-t-il martelé.
Selon lui, l’Examen périodique universel constitue l’instrument idoine pour traiter de la situation des droits de la personne dans tous les pays, sans distinction ni politisation. S’agissant des États-Unis, qui donnent des leçons en la matière, le représentant cubain a rappelé que ce pays s’est rendu coupable d’agressions, d’enlèvements, de détentions secrètes et d’exécutions extrajudiciaires. De plus, il sépare les enfants migrants de leurs parents et les enferme dans des cages, a-t-il poursuivi, dénonçant également les discours de haine délivrés par les États-Unis, qui entraînent des tueries comme celle survenue au Texas. Évoquant enfin les privations arbitraires de liberté comme à Guantanamo, les assassinats d’Afro-Américains par la police et l’imposition à Cuba d’un blocus commercial et financier depuis 60 ans, il a accusé les États-Unis d’être les principaux auteurs de violations des droits de l’homme dans le monde.
Mme FLOR DE LIS VASQUEZ MUÑOZ (Mexique) a fait valoir sa « communication fluide » avec les organes et mécanismes du système onusien des droits de l’homme. Cette coopération a eu des incidences positives sur le Mexique, y compris pour ce qui a trait à son ordre constitutionnel et à son cadre normatif. Elle a appuyé toute initiative tendant au renforcement des capacités nationales en matière de droits de l’homme et prenant en considération les groupes en situation de vulnérabilité et de marginalisation comme les filles, les garçons et les adolescents, les femmes, les peuples autochtones, les migrants, les LGBTI et les personnes handicapées. Elle a également souligné que le Mexique oriente ses efforts en faveur de la tolérance, et contre la discrimination, la xénophobie et le racisme, notamment en ciblant le discours de haine qui les alimente. « Nous, gouvernements, devons répondre à la discrimination et à la xénophobie par des politiques centrées sur les droits de l’homme », a-t-elle souligné.
Mme MERYL MICHELLE DIEDRICKS (Afrique du Sud) a souligné que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne peut être réalisé sans la pleine réalisation de tous les droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pour elle, l’existence d’une pauvreté extrême à large échelle empêche la jouissance de ces droits. L’exclusion sociale est une violation de la dignité humaine, a-t-elle martelé. Elle a insisté sur la complémentarité entre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la Déclaration de Vienne.
L’Afrique du Sud travaille d’arrache-pied pour défendre l’état de droit et les libertés fondamentales et redouble d’efforts pour traduire dans les faits les droits entérinés dans sa Constitution.
M. ANDRÉS JOSÉ RUGELES (Colombie) a indiqué que son pays s’était doté d’un plan d’action, et la politique publique intégrale pour le respect et la garantie du travail de défense des droits de l’homme cherche à créer les conditions nécessaires à la protection des défenseurs des droits de l’homme et des chefs de file sociaux.
D’autre part, l’Unité de recherche des personnes disparues est chargée de faire la lumière sur le sort de celles-ci durant le conflit armé, de rendre justice aux victimes, notamment par le droit à la vérité et à une réparation intégrale. En outre, la Stratégie d’aide à la migration depuis le Venezuela a été élaborée conformément aux dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Système national d’information sur la traite des personnes (SNITP) et l’Observatoire du délit de traite ont notamment été mis sur pied.
Abordant la question de l’accueil des migrants fuyant le Venezuela, le représentant a indiqué que la Colombie a décidé d’accorder la nationalité à tout enfant né sur son sol de parents vénézuéliens à partir d’août 2015. Il a toutefois prévenu que tant que les facteurs d’exode perdureront au Venezuela, la Colombie et d’autres pays d’accueil en Amérique latine verront augmenter des risques imminents en matière de santé publique, pression sur le système de l’enseignement public, pénurie de logements et de refuges ainsi que d’eau et d’assainissement, entre autres. Il a appelé la communauté internationale à intensifier la coopération pour remédier à la profonde crise qui affecte le peuple vénézuélien.
Pour Mme SHIRAH NAIR (Singapour), garantir le développement économique et social des populations est le meilleur moyen de réaliser les droits de l’homme. Avec les mesures prises par son gouvernement, Singapour est aujourd’hui classé en neuvième position mondiale de l’indice de développement humain des Nations Unies. Le pays enregistre aussi le taux le plus élevé de propriété immobilière et la longévité moyenne la plus élevée, soit 84,8 ans. Elle a expliqué que pour son pays, les droits individuels sont assortis de responsabilités et doivent être contrebalancés avec les droits du reste de la société. Les libertés individuelles ne doivent pas être « abusées » au point de déchirer l’harmonie collective de Singapour, et c’est pour cela que les lois singapouriennes ne tolèrent pas ceux qui attisent la haine raciale et religieuse en abusant de leur liberté d’expression.
Mme Nair a estimé que les gouvernements doivent être responsables devant leur population, soulignant que c’est par la bonne gouvernance et le respect de l’état de droit qu’ils peuvent au mieux promouvoir les droits de l’homme. Elle a également affirmé qu’il n’existe pas d’approche unique en matière de droits de l’homme. Chaque pays a son histoire, son propre contexte, ses propres priorités et défis. Par conséquent, chacun doit déterminer ce qui marche le mieux pour lui. « Imposer son idéologie et son modèle sur d’autres pays, d’autres peuples, sans pour autant être responsable devant eux serait contre-productif et irresponsable », a conclu la représentante.
Exposé du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression
M. DAVI KAYE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a indiqué que son rapport thématique est consacré cette année au discours de haine en ligne, c’est-à-dire, à un sujet que le droit international conventionnel n’aborde pas et ne définit pas. De nombreux gouvernements peuvent utiliser le discours de haine ou les fausses nouvelles (infox) pour attaquer des ennemis, des non-croyants ou des dissidents ou des critiques, a expliqué M. Kaye.
C’est pour ces raisons que le rapport analyse en détail comment les principes fondamentaux du droit international des droits de l’homme peuvent aider les gouvernements à traiter la question du discours de haine et comment les entreprises numériques peuvent protéger les droits des utilisateurs ainsi que ceux du public face à ce genre de discours.
M. Kaye a averti que les discours de haine diffusés en ligne sont une source de préoccupation mondiale, certaines attaques en ligne pouvant pousser à commettre des actes de violence « hors ligne », agir de manière discriminatoire à l’encontre des communautés marginalisées, nier la liberté de parole, voire même le droit de vote. Il a également souligné que la liberté d’expression doit faire partie de la solution apportée au problème.
Selon le Rapporteur spécial, les lois appliquées par les États pour contrer les discours de haine ne répondent pas aux normes de légalité, de nécessité et de légitimité, celles-ci étant souvent vagues et accordant un pouvoir d’appréciation excessif aux autorités gouvernementales en ce qui concerne les sanctions.
De plus, les efforts déployés sur le plan législatif pour retirer les contenus haineux diffusés en ligne poussent souvent les entreprises à créer des filtres pour empêcher la mise en ligne de contenus considérés comme haineux. Il a jugé cet élan mal avisé car il pousserait les plateformes à réglementer et retirer des contenus considérés comme légaux. De plus, de tels outils automatisés confèrent trop de pouvoir à ces sociétés dotées de très peu, voire d’aucun, mécanismes de contrôle et de réparation.
Il a conseillé aux États d’adopter des lois qui encouragent les sociétés à protéger la liberté de parole tout en contrant les discours haineux en appliquant des principes de transparence pour assurer un contrôle du public, en confiant l’application des lois à des autorités judiciaires indépendantes et en déployant des efforts dans le domaine pédagogique.
Le rapport constate également que c’est sur des plateformes Internet que les contenus haineux sont diffusés et se répandent, profitant d’un modèle d’entreprise qui attire l’attention par la viralité. Ces plateformes opèrent par-delà les juridictions, le même contenu, souvent élaboré de manière anonyme, pouvant avoir des conséquences différentes d’un pays à un autre. Il a observé aussi que, par le passé, il a été demandé aux entreprises des technologies numériques de mettre en œuvre les Principes des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme. Or les entreprises gèrent les discours de haine sur leurs plateformes pratiquement sans la moindre référence aux conséquences que leurs produits peuvent avoir sur le respect des droits de l’homme.
Fort de ces constats, le Rapporteur spécial recommande donc, entre autres, aux États de strictement définir dans la loi ce qui, sur la base du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, peut être considéré comme un contenu interdit. Il leur recommande également de ne pas criminaliser ce type de discours, sauf dans les cas les plus graves, comme l’incitation à la haine raciale et à la discrimination. Il leur recommande aussi de réexaminer les lois existantes et d’élaborer des lois sur le discours de haine, en tenant compte des principes de légalité, nécessité, proportionnalité, légitimité, ou encore de mettre sur pied des mécanismes judiciaires indépendants qui garantissent un accès à la justice et un droit à la réparation pour les victimes.
Le rapport recommande par ailleurs aux entreprises, entre autres mesures, d’évaluer les impacts de leurs produits et services sur les droits de l’homme. Il leur recommande aussi de faire reposer directement leurs règles relatives aux discours de haine sur le droit international des droits de l’homme. Il est en outre recommandé aux plateformes de définir la catégorie des contenus assimilables au discours de haine et de s’assurer que les analyses contextuelles sont faites avec des membres des communautés affectées par ces contenus, a cité M. Kaye.
Dialogue interactif
« Internet a contribué aux droits de l’homme, à nous de nous attaquer aux zones d’ombre du Web! » se sont exclamés les Pays-Bas, pour qui la régulation sur les contenus en ligne doit s’aligner sur le droit international des droits de l’homme.
La Suisse a relevé que dans son rapport, le Rapporteur spécial estime que les journalistes travaillant sur les discours haineux devraient être protégés contre les restrictions apportées aux contenus qu’ils produisent, et a voulu savoir comment mettre en œuvre cette protection particulière dans la pratique.
Le Royaume Uni a insisté sur l’impératif de protéger la liberté d’expression en ligne comme hors ligne, tandis que l’Irlande a averti que la surveillance illicite peut réduire au silence ceux qui veulent dénoncer les abus.
Préoccupée par les restrictions croissantes imposées à la liberté d’expression, la France a souligné que les États doivent veiller à ce que l’établissement et la mise en œuvre de mesures soient conformes au droit international. La France a également évoqué le Partenariat pour l’information et la démocratie lancé en septembre, initiative qui vise à la possibilité de chaque individu d’accéder à l’information.
Les données personnelles doivent elles aussi être aussi protégées, a renchéri l’Union européenne, pour qui toute ingérence dans la vie privée doit s’inspirer des principes d’égalité, de nécessité et de légitimité. Quelles sont les meilleures pratiques pour défendre la liberté d’expression? a-t-elle par ailleurs demandé.
Le Canada a relevé que « trop souvent », les États abusent de la définition de ce qui est considéré comme un « discours haineux » pour restreindre indûment un débat ouvert et rigoureux.
Quelles sont vos recommandations pour que les entreprises de presse et de médias en ligne puissent contrer ce phénomène de discours haineux? a demandé à son tour le Liechtenstein. Et comment inciter les entreprises privées à promouvoir les droits de l’homme dans leurs opérations? a renchéri la Lituanie, au nom des pays nordiques et baltes. « Que recommandez-vous pour les entreprises de réseaux sociaux qui ont des normes pour les discours en ligne, mais qui ne les appliquent pas? » ont demandé à leur tour les États-Unis, qui ont par ailleurs dénoncé « l’État espion » en Chine, ainsi que l’emprisonnement de journalistes en Turquie.
De son côté la Fédération de Russie a accusé les autorités ukrainiennes de continuer leur politique de « nettoyage » de l’espace numérique et leur « hystérie antirusse ». Des journalistes russes et étrangers sont expulsés d’Ukraine ou arrêtés et emprisonnés, notamment dans le Donbass, a-t-elle poursuivi. Et en France, les journalistes de Sputnik ou de Russia Today ne peuvent plus être accrédités notamment auprès du palais de l’Élysée, et il en va de même au Royaume-Uni, a accusé la délégation.
Le Brésil a demandé des conseils en matière d’établissement de normes avant que l’Islande ne rappelle qu’un an s’est écoulé depuis le meurtre de Jamal Khashoggi, à Istanbul, et a appelé à faire la lumière sur cette affaire.
Pour la Chine, il faut respecter la liberté d’expression, tout en respectant l’état de droit et les lois. Aux pays qui ont dénoncé les mesures prises dans le Xinjiang, la délégation a répondu « ce sont des mesures antiterroristes ».
« La propagande et les fausses nouvelles sont toujours utilisées dans le cadre de l’agression armée contre l’Ukraine », a souligné la délégation qui a affirmé qu’il s’agit là d’un des principaux instruments non militaires utilisés par la Russie.
Le Bahreïn a mis en avant sa nouvelle loi sur l’information qui interdit l’emprisonnement de journalistes.
Le Royaume-Uni a expliqué qu’il dispose d’un organe indépendant qui régit les médias et que celui-ci avait jugé que certains médias, comme Russia Today, ne respectaient pas les règles.
Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection droit à la liberté d’opinion et d’expression a estimé que, dans la mesure où un gouvernement impose des lois sur le « discours de haine », celles-ci devraient être axées sur l’article 20, paragraphe 2, de la Convention internationale relative aux droits civils et politiques. S’agissant de la protection des journalistes qui dénoncent ces discours, le Rapporteur s’est référé à la Cour européenne des droits de l’homme, qui souligne le fait que le contenu haineux doit être distingué de l’incitation à la discrimination. De même, il a établi une distinction entre la presse écrite et les réseaux sociaux qui ne sont pas régis de la même manière. Lorsque les gouvernements envisagent de réglementer le discours de haine, ils devraient établir une claire distinction entre la presse écrite et les médias sociaux.
Il a souligné que la surveillance ciblée est une menace mondiale, ajoutant que le ciblage des journalistes avait un effet problématique sur la liberté d’expression dans le monde. Il a préconisé aux États d’envisager un moratoire sur le développement des logiciels espions privés, notant que cette industrie fonctionne sans normes. Quant à la question de la surveillance ciblée, il a reconnu que celle-ci constitue une menace planétaire. Elle a une répercussion problématique sur la liberté d’expression de par le monde, a-t-il noté, avant d’encourager les États à envisager un moratoire sur les logiciels qui échappent à toutes réglementations et normes des droits de l’homme.
Exposé de l’Expert indépendant sur la dette extérieure et les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels
M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a déclaré avoir concentré beaucoup d’efforts et d’attention, ces cinq dernières années, pour mettre en lumière « l’importance de l’inégalité généralisée en tant que problème structurel profondément enraciné dans le divorce entre les droits de l’homme et la finance ».
Il a indiqué que par le biais de rapports thématiques et de visites dans les pays, il a pu attirer l’attention sur le lien fondamental qui existe entre finances et droits de l’homme, remettant en question les « silos » dans lesquels travaillent souvent les universitaires, les décideurs, les institutions financières internationales et les défenseurs des droits de l’homme. Il a ainsi attiré l’attention sur les problèmes systémiques liés aux crises et aux restructurations de la dette, aux fonds vautours, aux flux financiers illicites, aux ajustements structurels, aux réformes du travail, aux mesures d’austérité et à l’impact direct que ces questions ont sur la jouissance des droits. Il a estimé avoir su montrer qu’il existe des alternatives et d’autres choix politiques à faire, et que les droits de l’homme ont un rôle vital à jouer à cet égard.
La présentation au Conseil des droits de l’homme des Principes directeurs relatifs à l’évaluation de l’impact des politiques de réforme économique sur les droits de l’homme en début d’année constitue « une contribution pratique et constructive à (son) mandat de guider les gouvernements et d’autres acteurs à l’avenir ».
M. Bohoslavsky a également estimé avoir mis en lumière des questions qui sont rarement abordées du point de vue des droits de l’homme, même si elles touchent des millions de personnes dans toutes les régions. Il a notamment cité le rôle crucial des femmes et de leur travail domestique non rémunéré, souvent ignoré, et la manière dont cela a contribué au système économique. Ensuite, comment les mesures d’austérité actuellement en vigueur dans la plupart des pays ont un impact disproportionné sur les femmes, et enfin, la pertinence du rapatriement des avoirs volés en tant que question de droits de l’homme. Il a encore précisé que, pour sa dernière présentation devant le Conseil des droits de l’homme, en mars 2020, il prépare un rapport sur l’impact de l’endettement des ménages privés sur les droits de l’homme, un domaine qui, selon lui, pourrait constituer « l’alerte d’une possible crise de la dette dans les années à venir ».
Indiquant avoir pu visiter la Bolivie en mai et la Mongolie en septembre, M. Bohoslavsky a annoncé qu’il se rendrait en Équateur en 2020, ce qui signifie qu’il aura effectué 12 missions officielles en qualité d’expert indépendant. Il a affirmé que l’impact de son mandat ne doit pas être perçu de manière immédiate mais dans les changements à moyen et long terme des politiques publiques en matière de finances.
L’Expert indépendant est ensuite revenu à son rapport, qui porte spécifiquement sur la responsabilité des institutions financières internationales qui se sont rendues complices dans la mise en œuvre, par les États, de réformes économiques qui violent les droits économiques, sociaux et culturels.
M. Bohoslavsky a souligné l’importance de réaliser des études d’impact sur les droits de l’homme lors de la conception des programmes de réforme économique par les institutions financières internationales, notant que cet examen systématique a pour but de prévenir les dommages. Et si le mal ne peut être évité, il doit être dûment indemnisé et des garanties de non-répétition mises en place, a-t-il soutenu, ajoutant qu’un fait internationalement illicite, facilité par un prêteur donné peut être considéré comme une violation des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels.
L’Expert a relevé que les débats politiques et universitaires ont accordé peu d’attention quant à savoir si les créanciers peuvent être considérés comme complices du financement et de la promotion de politique et/ou de mesures qui violent les droits économiques, sociaux et culturels.
M. Bohoslavsky a notamment expliqué qu’alors que les mesures d’austérité peuvent être adoptées par les États sur leurs propres initiatives, elles sont souvent intégrées aux conditionnalités prescrites des accords conclus entre les États et les institutions financières internationales. Et tandis que la responsabilité des États pour toute violation des droits économiques, sociaux et culturels découlant de l’application de telles mesures peut être directement établie, le rôle des institutions financières internationales est quant à lui souvent négligé. Or ces institutions peuvent elles aussi contribuer à la violation de ces droits dans le contexte de leurs opérations de prêts, de contrôle et d’assistance technique, a-t-il indiqué. Selon lui, en prescrivant des réformes économiques entraînant des effets négatifs prévisibles en matière de respect des droits de l’homme, les institutions financières internationales peuvent être jugées responsables de complicité.
La responsabilité pour complicité doit être considérée comme un type de responsabilité partagée, a poursuivi l’Expert indépendant. Conformément au droit international, cette responsabilité implique au moins trois facteurs déterminants, à savoir la commission d’un acte considéré comme illicite en vertu du droit international; le fait que l’élément illicite était connu de l’État ou du facilitateur; et l’existence d’un lien de causalité entre les biens ou services fournis par l’agent financier et le préjudice causé.
De même, a-t-il expliqué, il convient de s’inquiéter dans le cas où l’assistance technique, la surveillance, les emprunts et les conditions qui leur sont liées sont imposés sans qu’on se demande s’ils risquent de porter atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels. Lorsque les violations des droits de l’homme résultant de la mise en œuvre de telles conditions sont prouvées, il est nécessaire de prendre en compte la responsabilité de ceux qui sont impliqués. Dans ce cas, les auteurs directs (États) et leurs complices (institutions financières internationales) pourraient être tenus pour responsables.
De l’avis de M. Bohoslavsky, toutes les politiques de réforme économique répondant aux crises économiques ne sont pas intrinsèquement contraires à la protection des droits de l’homme. Cependant, a-t-il relevé, « les mesures d’austérité manquent souvent de justification théorique et empirique sérieuse du point de vue des droits de l’homme ». Et il est frappant de constater que « les réformes économiques et les mesures adoptées par les États pour appliquer les conditionnalités imposées par les institutions financières internationales sont rarement accompagnées d’évaluations ex ante de l’impact sur les droits de l’homme ».
À la lumière de ces éléments, l’une des principales recommandations faites par M. Bohoslavsky aux institutions financières internationales est de « procéder à des évaluations indépendantes, participatives, éclairées, transparentes et tenant compte de la sexospécificité, des droits de l’homme et des mesures de réforme économique ». C’est, à son avis, « le moins que le droit international des droits de l’homme puisse demander aux institutions financières internationales ». La prochaine crise économique étant « potentiellement imminente », il a souligné que « même si les réponses financières peuvent varier, les droits de l’homme doivent toujours primer ».
Dialogue interactif
La Chine a accusé les institutions financières de ne pas respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme en imposant des politiques d’austérité. Plus de quatre milliards de personnes vivent dans la pauvreté, la communauté internationale devrait accorder davantage d’attention à cela.
Cuba a souhaité davantage de détails sur l’impact de la dette extérieure sur les droits de l’homme et la complicité des institutions financières internationales. En outre, quels sont les mécanismes de reddition de comptes à mettre en œuvre?
Dans une brève réponse, l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a estimé que l’évaluation de l’impact des réformes économiques sur les droits de l’homme doit prendre en compte toutes les politiques économiques. En ce qui concerne l’impact des mesures d’austérité, il a reconnu leurs conséquences « quelque peu négatives » sur l’égalité des sexes, notant en outre qu’il reste beaucoup à faire pour inverser cette tendance négative. Il a également estimé qu’au niveau national, la question de la responsabilité des institutions financières devrait être traitée par les autorités nationales et les tribunaux.
Suite du débat général
Pour M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne, tous les États Membres devraient mettre en œuvre, respecter et promouvoir les droits de l’homme, à commencer par les membres permanents du Conseil de sécurité qui portent la responsabilité de soutenir les trois piliers des Nations Unies que sont les droits de l’homme, la paix et la sécurité et le développement. Le délégué a critiqué les États qui tentent de créer une hiérarchie entre ces piliers, ainsi qu’une hiérarchie des droits de l’homme, et qui s’en servent comme excuse pour refuser les droits de l’homme et les libertés fondamentales, réduire l’octroi de fonds au système des droits de l’homme de l’ONU, et refuser l’accès des mécanismes des droits de l’homme et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Nous rejetons les avis selon lesquels les violations des droits de l’homme ne devraient pas être traitées dans les forums internationaux et ceux qui disent que le développement socioéconomique a la priorité devant les droits de l’homme, a-t-il affirmé.
Le représentant a indiqué que l’Union européenne a défendu politiquement et financièrement quelque 30 000 défenseurs des droits de l’homme et leurs familles depuis 2015. Il a relevé une « contradiction claire » entre les déclarations des États en faveur du multilatéralisme, leur présence au Conseil des droits de l’homme et la non-signature ou la ratification des conventions des Nations Unies sur les droits de l’homme.
L’Union européenne, a enchaîné M. Gonzato, est aussi gravement préoccupée par le refus continu d’un certain nombre d’États de coopérer avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et d’autoriser les mécanismes des droits de l’homme à entrer dans leurs territoires. Il a pointé l’absence de progrès concrets sur les droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), appelant par ailleurs la Chine à respecter les droits des minorités à Xinjiang et au Tibet. M. Gonzato a aussi rappelé les libertés fondamentales, y compris le droit de réunion pacifique et le degré élevé d’autonomie de Hong Kong sous le principe « un pays, deux systèmes ». Le délégué a évoqué la situation des droits de l’homme dans de nombreux autres pays, dont le Myanmar, la République arabe syrienne, le Yémen, le Venezuela, le Burundi, la République islamique d’Iran, la Fédération de Russie, ainsi qu’en Égypte et en Israël, « qui est appelé à respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme dans le Territoire occupé ». Aux Philippines, l’Union européenne encourage les autorités à résoudre le problème des meurtres de défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des journalistes et des dirigeants religieux. M. Gonzato a par ailleurs appelé les États qui appliquent la peine de mort à adopter un moratoire sur toutes les exécutions, jusqu’à l’abolition de la peine capitale.
Mme ANEL BAKYTBEKKYZY (Kazakhstan) a rappelé que son pays avait entrepris une transition « pacifique et transparente » marquée par la tenue, le 9 juin dernier, d’une élection présidentielle, à la suite de la démission de M. Nursultan Nazarbayev. Son successeur, M. Kassym-Jomart Tokayev, a-t-elle ajouté, a immédiatement plaidé en faveur d’un « gouvernement à l’écoute », « ouvert à la critique » et engagé en faveur de la protection des droits de l’homme. À ce titre, la représentante a indiqué que le Kazakhstan s’attachait à coopérer avec de nombreux États, agences de l’ONU et ONG internationales sur la question des droits de l’homme.
Dans le cadre d’une invitation ouverte datant en 2009, a-t-elle précisé, le pays a également réalisé plus de 15 procédures spéciales inter alia avec des rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, la liberté de religion et de croyance, la liberté de réunion pacifique, les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, ainsi que la promotion et la protection des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme. La représentante a également annoncé l’intention de son pays de créer, à Almaty, un centre régional dédié à la coopération des pays d’Asie centrale en matière de développement durable, d’espace humanitaire et de droits de l’homme.
Mme ZEBIB GEBREKIDAN (Érythrée) a regretté que les « nobles idéaux » des droits de l’homme soient l’objet d’instrumentalisation pour atteindre des objectifs politiques, alors qu’ils devraient plutôt répondre aux principes de « non-politisation, non-sélectivité, non-confrontation ».
Elle a ensuite indiqué que son gouvernement s’était lancé dans le renforcement de l’état de droit et de ses institutions. « Notre porte est ouverte pour ceux qui veulent nous aider à améliorer la qualité de vie de nos citoyens », a-t-elle dit.
M. MALICK FAYE (Sénégal) a relevé que les migrants continuent d’être victimes de xénophobie, de détention arbitraire et d’incitation à la haine. Le Sénégal, pour sa part, a défini une stratégie visant à rendre la migration sûre, ordonnée et responsable, et d’autre part, à faciliter le retour des émigrés grâce à des investissements dans des secteurs productifs.
Pour le Sénégal, qui assure cette année la présidence du Conseil des droits de l’homme, la promotion et la protection des droits de l’homme constitueront un défi aussi longtemps que le droit au développement « restera une question non résolue ». À cet égard, il a invité les États à renforcer leurs efforts pour la mise en œuvre de ce droit et au « perfectionnement » des mécanismes de promotion des droits de l’homme pour contribuer à la réalisation « devenue urgente » du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il a enfin estimé que la retraite, les 21 et 22 octobre à Dakar, du Conseil des droits de l’homme doit être l’occasion de « porter un regard » sur des problématiques aussi importantes que sont les liens entre les droits de l’homme et les changements climatiques, les migrations de masse, les inégalités croissantes et la responsabilité sociale des entreprises ou encore l’ère numérique.
Mme NELLY BANAKEN ELEL (Cameroun) s’est opposée à ce que la Troisième Commission soit utilisée comme une plateforme pour qu’un pays se présente comme un modèle des droits de l’homme. Dans aucun pays, il n’existe de degré zéro de violations des droits de l’homme: « penser le contraire, se poser en modèle et en donneur de leçons ne peut être que le symptôme d’une cécité volontairement entretenue par les pays qui la pratiquent pour peut-être se donner bonne conscience ou préserver une opinion publique nationale et internationale », a-t-elle dit. En guise d’exemple, Mme Banaken Elel a évoqué les personnes arrêtées qui n’ont commis aucun crime et qui sont gardées dans des centres de détention pour migrants insalubres et sans accès à un avocat, dénonçant « un acte grave ».
Mme Banaken Elel a ensuite indiqué que le Ministère de la justice produit chaque année un rapport sur la situation des droits de l’homme au Cameroun, qui évalue les progrès et les défis, y compris au sujet de la gestion de la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest et des droits de l’homme dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram. De plus, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés publie un rapport annuel qui présente sa perspective et celle de la société civile sur les droits de l’homme au Cameroun.
M. YEMDAOGO ERIC TIARE (Burkina Faso) a souligné la volonté de son pays de promouvoir et protéger les droits de l’homme qui s’est traduite par l’adoption, en avril 2018, de la politique sectorielle « justice et droits humains » couvrant la période 2018-2027 et dont la vision est de disposer d’une justice crédible, accessible à tous et respectueuse des règles de l’état de droit. Dans sa quête permanente de consolidation de l’état de droit, son pays bénéficie de l’appui des organisations de la société civile et des institutions nationales auprès desquelles les victimes de violations de droits humains peuvent recourir pour défendre leurs droits.
Malgré ces progrès encourageants, le représentant a reconnu que son pays fait toujours face à des défis qui inhibent ses efforts en matière de promotion et de protection des droits de l’homme. Parmi ces défis, il a cité la persistance des pesanteurs socioculturelles, la méconnaissance des droits de l’homme, les multiples attaques terroristes, la montée de la radicalisation et de l’extrémisme violent. Le Burkina Faso ne peut, à lui seul, relever ses défis sans une coopération franche entre toutes les parties prenantes, a-t-il indiqué.
M. KIM IN RYONG (République populaire démocratique de Corée (RPDC)) a constaté que l’aspiration de l’humanité à vivre dans le respect des droits de l’homme et dans un monde pacifique fait face à de graves défis. En effet, a souligné le représentant, des actes de violation de la souveraineté des États se poursuivent avec des invasions militaires et des massacres de civils dans différentes parties du globe. Il a ainsi observé que des violations comme l’islamophobie, le néonazisme, les expulsions d’immigrants et de réfugiés et la diffusion de discours de haine prévalent, notamment en Europe occidentale.
Il a d’autre part rappelé que durant son occupation militaire de la Corée, au cours du siècle dernier, le Japon a commis des crimes contre l’humanité comprenant le massacre d’un million de personnes, l’incorporation forcée de 8,4 millions d’hommes et l’utilisation, par son armée, de 200 000 esclaves sexuelles. Or, loin de faire amende honorable, ce pays ne reconnaît toujours pas ses crimes, a regretté le délégué, évoquant également l’enlèvement de 12 femmes ressortissantes de la RPDC par la « Corée du Sud » en avril 2016. « Cette réalité suscite l’inquiétude de la communauté internationale », a-t-il dit, appelant au rapatriement immédiat et sans condition de ces personnes.
Pour le représentant, il importe en outre que les droits de l’homme ne soient « ni politisés ni utilisés comme des instruments de politique internationale ». Force est pourtant de reconnaître qu’il est fait recours de cette question pour détruire les systèmes sociopolitiques de pays ayant des vues opposées à celles de certaines forces, a-t-il relevé, estimant que les résolutions sur la situation en RPDC adoptées chaque année au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale en sont l’exemple typique. De fait, a-t-il renchéri, les vrais auteurs de violations des droits de l’homme dans différentes régions du monde accusent des pays de tous les torts et agissent comme des « juges » dans l’arène internationale des droits de l’homme, ce qui constitue une « insulte » pour la communauté internationale.
M. MOHD HAFIZ BIN OTHMAN (Malaisie) a indiqué que, dans le cadre de son engagement en faveur d’un renforcement de la protection des droits de la personne, le pays était prêt à accueillir tout titulaire de mandat au titre d’une procédure spéciale. Rappelant que la Malaisie a reçu de nombreuses visites, y compris de mandats de pays, il a assuré que le pays considère les titulaires de mandat comme des mécanismes de droits de l’homme à part entière. Selon le représentant, le dialogue et la coopération entre États devraient être au cœur des travaux de ces procédures spéciales, lesquelles devraient œuvrer en étroite concertation avec les États. À cet égard, il a souhaité que le Code de conduite des titulaires de mandat soit strictement respecté et que ces derniers adhèrent aux principes d’objectivité, de neutralité, d’indépendance et d’impartialité. Il a également appelé les titulaires de mandat à éviter de propager des informations non vérifiées ou incorrectes et à s’abstenir de toute politisation, ce qui ne peut que ternir leur crédibilité et nuire à la confiance. Le délégué a enfin demandé aux titulaires de mandat de produire des rapports équilibrés et tenant compte du point de vue des gouvernements ainsi que des recommandations centrées en priorité sur la coopération technique et le renforcement des capacités.
Mme THILMEEZA HUSSAIN (Maldives) a mis en exergue l’importance de l’élection présidentielle de l’an dernier qui représentait une occasion sans pareille de réactiver la démocratie dans le pays. L’engagement du pays en faveur des droits universels de l’homme n’a jamais été aussi fort, a affirmé la représentante, soulignant que dans une large mesure, cet engagement consiste à tirer les leçons des erreurs commises par le précédent régime. La Commission présidentielle sur les décès et les disparitions enquête d’ailleurs sur les meurtres et les disparitions forcées de l’ancien Gouvernement.
Le pays est en outre dans un processus d’identification des lacunes institutionnelles ayant conduit aux violations des droits de l’homme et veille à leur non-répétition, a poursuivi la déléguée. Une réforme du système judiciaire est en cours pour protéger les droits civils et politiques, notamment la liberté d’expression et de réunion, qui furent gravement érodés sous l’ancien régime. L’une des premières mesures a consisté à abolir la loi de diffamation qui avait injustement limité la liberté de la presse en infligeant aux journalistes des amendes disproportionnées et des sentences. Les Maldives envisagent également d’établir un mécanisme de justice transitionnelle et de remédier aux abus commis par le passé.
La représentante a par ailleurs signalé qu’aux Maldives, la montée du niveau de la mer induite par les changements climatiques risque de faire baisser la nappe phréatique d’au moins 3% entre 2012 et 2030 et que les conditions climatiques extrêmes perturbent l’approvisionnement régulier des îles reculées en produits essentiels, ce qui est une menace en matière de sécurité alimentaire. Elle a estimé que l’absence de réponse des États aux changements climatiques est en profond porte-à-faux avec leurs obligations afférentes aux droits de l’homme.
M. MOUSSA DOLLO (Mali) a indiqué qu’afin de donner corps à ses différents engagements, dans un contexte marqué par une attente forte des populations envers l’État, le Gouvernement malien a multiplié les initiatives visant à apporter les changements souhaités. Ainsi, l’Espace d’interpellation démocratique permet aux administrés d’interpeller l’Administration malienne, tandis que l’adoption, en décembre 2017, d’une loi assure une meilleure protection aux défenseurs des droits de l’homme.
S’agissant de la situation des droits de l’homme liée à la crise dans le nord et les violences dans le centre du Mali, M. Dollo s’est dit d’avis que la meilleure manière de protéger les droits élémentaires des populations est d’intensifier les efforts visant à aider l’État du Mali à restaurer son autorité sur l’ensemble de son territoire. De plus, le Mali reste très attaché à la reddition des comptes et à la lutte contre l’impunité, et c’est ainsi, a expliqué M. Dollo, que plusieurs auteurs présumés en lien avec ces événements malheureux ont été interpellés et se trouvent aujourd’hui entre les mains de la justice pour répondre de leurs actes.
Enfin, le Mali a exprimé un besoin de formation et d’expertises nécessaires au renforcement des capacités nationales dans les domaines de la protection des droits de l’homme, des enquêtes, des poursuites et des jugements.
M. MHER MARGARYAN (Arménie) s’est félicité de l’élection de l’Arménie au Conseil des droits de l’homme pour la période 2020-2022, le 17 octobre dernier. Il a indiqué que depuis mai 2018 son pays s’était lancé dans une série de réformes visant à renforcer la transparence et la lutte contre l’impunité, à éradiquer la corruption, à réformer totalement le système judiciaire et à mettre en place des modèles de développement centrés sur l’humain. Une stratégie et un plan d’action pour la protection des droits de l’homme, sur la période 2020-2023, sont actuellement élaborés par le Gouvernement avec la participation des partenaires de la société civile, a-t-il précisé.
Le représentant a ensuite dénoncé « les souffrances immenses, les atrocités de masse et les génocides perpétrés contre les chrétiens, les yézidis et d’autres groupes ethniques et religieux minoritaires au Moyen-Orient, en particulier en Syrie » et appeler la communauté internationale à faire plus d’efforts pour mettre un terme à leurs souffrances et à traduire les responsables en justice. Le « plus important symbole de la culture yazidie » dans le monde, le temple des sept anges, a été ouvert en Arménie il y a quelques semaines, a-t-il indiqué.
M. JOHN KYOVI MUTUA (Kenya) a dit être convaincu que la paix, la sécurité et la stabilité ne peuvent être appréciées sans la protection des droits de l’homme. C’est pour cela que depuis son indépendance, la démocratie kényane a été guidée par les principes constitutionnels, a organisé des élections libres et transparentes, et a assuré la protection des droits civils, politiques, sociaux et économiques pour tous.
Parmi les mesures prises par le Kenya, le représentant a cité les mesures importantes prises pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, la participation aux cycles de l’Examen périodique universel, la bonne coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et les invitations permanentes lancées aux titulaires de mandat de procédure spéciale.
M. KOFI NAGNO M’BEOU (Togo) a présenté les grandes lignes des efforts fournis par son pays dans le domaine des droits de l’homme, précisant que 40 articles de la Constitution y font référence. Parmi les efforts fournis, le 26 juillet 2019, le Togo a présenté son troisième rapport périodique devant le Comité contre la torture. Le Togo est aussi en plein processus de ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille qu’il a signée en 2001. Au niveau national, la dimension des droits de l’homme est intégrée dans tous les programmes, projets et actions, a également déclaré M. M’Beou.
En outre, a précisé le représentant, des efforts se poursuivent pour l’équité et l’égalité de genre, afin qu’aucun secteur, aucune branche d’activité, aucune entité territoriale ou politique n’échappe à la dynamique de prise en compte de la femme dans les processus de développement.
M. SAMSON SUNDAY ITEGBOJE (Nigéria) a appelé à ce que les institutions de protection des droits de l’homme soient utilisées en ligne avec les principes d’objectivité, d’impartialité, de non-sélectivité et de non-politisation. Il convient aussi d’éviter les préférences idéologiques, surtout quand celles-ci ne font pas l’objet de consensus et ne montrent pas de sensibilité aux énormes différences culturelles qui composent cette organisation. À cet égard, a indiqué le représentant, le système des Nations Unies devrait prendre en compte la nature délicate de l’utilisation de thèmes lesbiens, gays, bisexuels et transgenres dans des vidéos de campagne, en gardant à l’esprit la position des États Membres.
Mme CHANSORACHANA SIENG (Cambodge) a indiqué qu’avec la paix et la stabilité retrouvées, la croissance économique de son pays a été de plus de 7% par an au cours des deux dernières décennies. Le Cambodge est ainsi passé de la catégorie des pays à faible revenu à celle des pays à revenu intermédiaire. L’objectif est d’atteindre la tranche supérieure des pays à revenu intermédiaire en 2030, puis de devenir pays à revenu élevé en 2050. Elle a précisé que le taux actuel de pauvreté est d’environ 10%, pour ensuite souligner que tous ces efforts ont plus que contribué à la promotion et protection des droits de l’homme au Cambodge.
Mme Sieng a ensuite appelé à éviter toute politisation et politique de deux poids, deux mesures. À cet égard, le Cambodge est préoccupé par la tendance croissante à l’imposition de sanctions économiques et financières contre des pays en développement, qui, à terme, mettent à mal le commerce, la croissance économique, les droits de l’homme et le bien-être global des populations. De telles mesures unilatérales doivent prendre fin, tant elles sont contraires à l’esprit des Nations Unies, a encore déclaré la représentante.
Mme PAULOMI TRIPATHI (Inde) a déclaré que rien ne minait davantage la crédibilité de la cause des droits de l’homme que leur détournement à des fins de diversion et pour cacher les vrais problèmes. C’est ce qu’une délégation a tenté de faire ici, avec une référence à l’Inde, a lancé la représentante, assurant que la communauté internationale n’est que trop familière de cette « fourberie » visant à masquer des ambitions territoriales.
En ce qui la concerne, l’Inde a profondément enraciné les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans sa Constitution. Une presse et une société civile libres, de même que de nombreuses commissions aux niveaux national et local veillent en outre à la conformité des normes avec les droits de l’homme. Durant les dernières élections générales, 900 millions d’électeurs ont pu exercer leur droit de vote.
L’Inde compte en outre plus de 1,3 million femmes représentantes élues. Elle dispose aussi du plus grand programme d’assurance santé au monde, qui couvre 100 millions de familles et pourvoit des médicaments gratuits à 500 millions de personnes. Au cours des cinq dernières années, 110 millions de toilettes ont été construites, a cité la représentante, entre autres mesures adoptées par son pays pour promouvoir les droits de l’homme.
Droits de réponse
La Chine a rejeté les allégations « sans fondements » de l’Union européenne, soulignant que le Xinjiang est en proie au terrorisme violent et au séparatisme. Le gouvernement régional a mis en place certains centres pour lutter contre le terrorisme, une mesure qui ne diffère pas de celle en usage dans certains pays européens tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne. Elle a indiqué que plusieurs diplomates et journalistes qui se sont rendus dans la région ont vu des « personnes heureuses », insistant que toutes les mesures prises contribuent aux efforts mondiaux de lutte contre le terrorisme. Elle a regretté que l’Union européenne continue d’ignorer les invitations lancées par son pays à se rendre dans cette région.
Pour ce qui est de Hong Kong, la promulgation de la loi interdisant le port de masque a pour objectif de protéger les citoyens de la terreur, a poursuivi la délégation, qui a souligné qu’il s’agit là d’affaires intérieures de la Chine.
Répondant à la RPDC, le Japon a souligné que les chiffres avancés par ce pays sont le fruit d’erreurs historiques. Il a appelé la RPDC à prendre des mesures concrètes pour régler la question des enlèvements.
La RPDC a accusé l’Union européenne de politiser la question des droits de l’homme et d’adopter la politique de deux poids, deux mesures. « Il serait bon de faire le ménage chez soi avant de donner des leçons aux autres. » Le représentant a conseillé au Japon de répondre de ses crimes. Un million de personnes ont été massacrées, des milliers de jeunes coréens ont été enrôlés de force, a-t-il martelé.
La République de Corée a souligné que les ressortissants de la RPDC qui vivent sur son territoire s’y sont installées volontairement et y vivent comme des citoyens normaux. « Ils n’ont pas été enlevés », a-t-elle insisté. Ces propos ont ensuite été rejetés par la RPDC lors d’un deuxième droit de réponse.