En cours au Siège de l'ONU

Soixante-quatorzième session,
21e & 22e séances plénières, matin & après-midi
AG/SHC/4268

La Troisième Commission alertée sur les impacts de la lutte antiterroriste et des mesures coercitives unilatérales en matière de droits de l’homme

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, culturelles et humanitaires, a poursuivi aujourd’hui son examen de la protection et la promotion des droits de l’homme, concentrant ses débats sur la protection de ces droits dans le contexte de plus en plus complexe de la lutte antiterroriste ainsi que sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales, l’indépendance des juges et des avocats, le droit au développement et la promotion d’un ordre international démocratique et équitable.

Face aux menaces croissantes que font peser, sur les droits de l’homme, le terrorisme et les mesures coercitives unilatérales, deux rapporteurs spéciaux ont tiré le signal d’alarme dans leur domaine respectif.  En charge de la promotion et de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Mme Fionnuala Ní Aoláin a ainsi attiré l’attention de la Commission sur la prolifération, depuis le 11 septembre 2001, d’instruments de « droit souple » -un droit simplement recommandé, par opposition au caractère contraignant du droit impératif- dans la régulation et la gouvernance de la lutte antiterroriste. 

De fait, a observé l’experte, un nombre toujours plus grand d’États recourent aux normes de droit souple pour réglementer les activités de prévention et de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  On assiste en outre à l’évolution de certaines normes du droit souple en normes de droit impératif, ce qui tend, selon elle, à « marginaliser les droits de l’homme dans l’architecture antiterroriste ».  Autre motif de préoccupation: ces lois dites souples ont été élaborées, non pas au sein du système multilatéral et des institutions mondiales, mais dans des « clubs d’États » créés à cette fin, qui ne sont ni équitables ni ouverts et qui sont également caractérisés par une absence d’expertise en matière de droit international et de droits de l’homme, a-t-elle déploré.

Pour Mme Ní Aoláin, cette opacité a des implications pour la souveraineté et l’égalité des États dans le processus d’établissement des normes, d’autant plus, a-t-elle prévenu, que certaines des lois souples ainsi élaborées peuvent se retrouver, via un parcours détourné, intégrées à des résolutions du Conseil de sécurité, entre autres.

La Rapporteuse spéciale a donc appelé à faire briller sur cette « zone grise » la « lumière antiseptique du jour » pour permettre aux États et aux experts des droits de l’homme d’interagir afin de saisir les implications de cet élargissement du droit souple. 

Dans un domaine connexe, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats a fait état d’une « énorme menace » pesant sur les sociétés et les institutions, celle de la corruption mondiale et transnationale. 

Préoccupé par le peu de progrès réalisés pour enrayer le phénomène, M. Diego García-Sayán a notamment alerté que « la corruption a un effet dévastateur sur le système judiciaire en sapant à juste titre la confiance des populations dans son administration ». 

À cette menace s’ajoute celle du poids du crime organisé sur le travail des juges et des magistrats partout dans le monde.  Un danger rendu particulièrement prégnant du fait de l’essor de la criminalité transnationale, qui, a ajouté le Rapporteur spécial, a de graves conséquences sur la sécurité et la santé publiques, les institutions démocratiques et la stabilité économique.  Cette forme de criminalité, qui empiète sur les frontières nationales et régionales, utilise « non seulement les armes et la violence, mais aussi l’argent et les pots-de-vin pour corrompre les institutions », a-t-il énoncé. 

En écho à ces avertissements, la question des effets négatifs des mesures coercitives unilatérales aurait pu allonger la longue liste des menaces auxquelles est confronté l’exercice des droits de l’homme.  Elle n’a toutefois pu être abordée que partiellement, le Rapporteur spécial en charge de ce thème n’ayant pu participer à la réunion « en raison de circonstances indépendantes de sa volonté ».  Le Président de la Commission s’est engagé à transmettre à M. Idriss Jazairy les commentaires des délégations, notamment ceux de la République islamique d’Iran et de la République arabe syrienne, qui ont toutes deux dénoncé le « terrorisme économique » pratiqué à leur encontre par les États-Unis. 

Venu s’exprimer sur la participation publique et le processus décisionnel dans les espaces de gouvernance mondiaux, l’Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable a expressément estimé qu’un tel ordre ne peut « accepter le recours à des mesures coercitives unilatérales », y voyant autant de menaces pour le multilatéralisme.  Dans cet esprit, M. Livingstone Sewanyana a appelé les forums intergouvernementaux, intersectoriels et privés à s’ouvrir à la société civile afin de réduire le déficit démocratique du processus décisionnel mondial et de gagner ainsi en légitimité et en crédibilité.

De son côté, le Rapporteur spécial sur le droit au développement, M. Saad Alfarargi, a mis en évidence les liens existant entre le droit au développement et la réduction des risques de catastrophe et ses implications pratiques, dans le contexte où, depuis 1980, le nombre d’événements catastrophiques annuel ne cesse de croître, en raison des changements climatiques, de la croissance de la population, de l’urbanisation et de la dégradation ou la perte des écosystèmes naturels. 

Avant lui, M. Zamir Akram, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, avait fait le point sur les travaux de son instance, désormais focalisée sur l’élaboration d’un projet d’instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement. 

La Troisième Commission poursuivra, jeudi 17 octobre 2019, à partir de 10 heures, son examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous ses différents aspects. 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Application des instruments relatifs aux droits de l’homme (A/74/40, A/74/44, A/74/48, A/74/55, A/74/56, A/74/146, A/74/148, A/74/228, A/74/233, A/74/254, A/74/256)

Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales (A/74/147, A/74/159, A/74/160, A/74/161, A/74/163, A/74/164, A/74/165, A/74/167, A/74/174, A/74/176, A/74/179, A/74/181, A/74/183, A/74/185, A/74/186, A/74/190, A/74/191, A/74/197, A/74/198, A/74/212, A/74/213, A/74/215, A/74/226, A/74/227, A/74/229, A/74/243, A/74/245, A/74/255, A/74/261, A/74/262, A/74/178, A/74/189, A/74/270, A/74/271, A/74/277, A/74/285, A/74/314, A/74/318, A/74/335, A/74/349, A/74/351, A/74/358, A/74/460)

Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux (A/74/166, A/74/188, A/74/196, A/74/268, A/74/273, A/74/275, A/74/276, A/74/278, A/74/303, A/74/311, A/74/342)

Application intégrale et suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (A/74/36)

Exposé de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste

Mme FIONNUALA NÍ AOLÁIN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a indiqué que l’espace qu’occupe la société civile et les défenseurs des droits de l’homme continue de figurer en première ligne du mauvais usage des lois et mesures antiterroristes, précisant que 66% des communications que son mandat a reçues entre 2005 et 2018 portent sur cette problématique.  Ce n’est pas là un moyen efficace de lutter contre le terrorisme, a-t-elle souligné.

Elle s’est félicitée de l’établissement du Groupe des Amis des victimes du terrorisme, avec à sa tête l’Afghanistan et l’Espagne.  Elle a également encouragé les États Membres à suivre l’exemple de pays comme la France qui ont introduit dans leur dispositif législatif une approche basée sur les droits de l’homme pour la protection des victimes du terrorisme.  En effet, a-t-elle poursuivi, les victimes ont davantage besoin de droits que de platitudes et autres discours sur la solidarité. 

La Rapporteuse spéciale a ensuite indiqué que cette année, elle s’était rendue au Kazakhstan pour un « dialogue ouvert », ainsi qu’en Belgique où elle avait pu aborder la problématique de l’application de la peine de mort dans le contexte de crimes liés au terrorisme.  La question des combattants étrangers a été aussi à l’ordre du jour de son mandat lors de la conférence régionale qui s’est tenue au Qatar en octobre 2018. 

En venant à son rapport, Mme Ní Aoláin a expliqué que celui-ci est consacré au rôle du droit souple et des nouvelles institutions dans la régulation et la gouvernance de la lutte antiterroriste.  Une attention particulière est accordée à l’impact de la prolifération d’instruments de droit souple, et des initiatives d’établissement des normes qui y sont liées, sur la gouvernance mondiale et la promotion et protection des droits de l’homme.

La Rapporteuse spéciale a expliqué que le droit souple est une catégorie qui pose un réel défi en matière de législation pour les États car il est rarement admis d’une loi qu’elle soit souple.  Or ce type de loi peut avoir un impact positif en matière des droits de l’homme, en donnant une clarté aux États sur la nature et la forme précise de leurs obligations juridiques, en plus de fournir des outils législatifs innovants face aux défis et problèmes nouveaux. 

Cependant, a-t-elle noté, les lois souples sont en augmentation constante dans le domaine de l’action antiterroriste et contrairement à d’autres domaines juridiques, ce droit souple est en train d’être créé par une architecture antiterroriste complexe qui a la capacité de mettre en œuvre des normes souples d’une manière qui les rend effectivement « impératives » et contraignantes pour les États dans la pratique.

Mme Ní Aoláin s’est également préoccupée de la « profonde marginalisation » des droits de l’homme dans l’architecture antiterroriste.  Une grande portion de ces lois dites souples n’ont pas été élaborées en dehors du système multilatéral et des institutions mondiales mais dans des « clubs d’États » créés à cette fin et qui ne sont ni équitables, ni ouverts.  Et ces nouvelles institutions sont également caractérisées par une absence d’expertise en matière de droit international et de droits de l’homme, a-t-elle déploré.

Rappelant que l’établissement de normes juridiques en matière de terrorisme n’a cessé de croître depuis le 11 septembre, la Rapporteuse spéciale a prévenu que la prolifération de lois ne signifie pas qu’elles sont meilleures, de même que la multiplication de règles ne débouche pas forcément sur une plus grande efficacité.  Elle a expliqué que le droit souple occupe une grande partie de ce nouvel espace juridique et que l’absence d’intégration d’une dimension des droits de l’homme est profondément problématique en matière de respect des normes juridiques internationales.

Mme Ní Aoláin a mis en garde au sujet des implications, pour la souveraineté et l’égalité des États dans le processus d’établissement de normes, de l’élaboration de lois souples au sein d’institutions fermées qui limitent la participation d’acteurs des droits de l’homme, lesquelles normes se retrouvent ensuite, via un parcours détourné, intégrées à des résolutions du Conseil de sécurité, entre autres. 

Elle a également estimé les instruments de droit souple élaborés par les entités de l’ONU dans le domaine de la lutte antiterroriste doivent référencer les obligations découlant des traités des droits de l’homme et inclure de manière consistante des normes relatives aux droits de l’homme.

Elle a aussi insisté sur l’importance de rendre les processus d’établissement et d’évaluation de normes plus participatif, notamment en y incluant la société civile et des experts en droit international des droits de l’homme, en droit international humanitaire et en droit des réfugiés.  Un tel processus et une plus grande transparence, couplés à une expertise significative, permettraient d’améliorer le respect des droits de l’homme au sein des normes établies et de leur mise en œuvre, a-t-elle affirmé.  Mme Ní Aoláin a insisté sur l’impératif d’assurer une participation véritable de la société civile.  Cela ne revient pas, a-t-elle affirmé, à inviter les groupes ou individus occasionnellement, ni uniquement ceux qui ne sont pas critiques dans leur analyse, organiser une séance photo et ignorer ensuite leur contribution, tout en proclamant que la société civile est un partenaire essentiel dans la lutte contre le terrorisme. 

La Rapporteuse spéciale a vivement recommandé d’augmenter l’appui financier et institutionnel afin de renforcer la composante des droits de l’homme au sein de l’architecture antiterroriste de l’ONU.  Elle a également exhorté le Groupe d’action financière (GAFI) et le Forum mondial de lutte contre le terrorisme, entre autres, à embaucher du personnel spécialisé et à intégrer les droits de l’homme dans tous les aspects d’établissement des normes.

Mme Ní Aoláin a également fait part de sa profonde préoccupation face à l’absence de cohérence ou de compréhension de la part des États, organisations internationales et autres acteurs, quant au fait que les nouvelles normes et institutions empiètent sur les droits de l’homme et les obligations en matière de droit international des États. 

La prolifération du droit souple et de nouvelles institutions dans le cadre de la lutte contre le terrorisme exige l’attention de tous les États car ils en ressentent tous les effets régulateurs, a-t-elle souligné.  À ses yeux, la « zone grise » de la pratique des États exige la « lumière antiseptique du jour » pour qu’États et experts des droits de l’homme interagissent de manière véritable pour saisir les implications de l’élargissement du droit souple et de la prolifération des nouvelles institutions.  L’efficacité de la loi, a-t-elle souligné, dépend du fait de savoir ce à quoi on est tenu.

Car l’un de ses objectifs est d’identifier où existent les incohérences juridiques, particulièrement celles qui affectent la pleine jouissance des droits de l’homme.  Pour finir, elle a prié les États d’accorder une attention particulière, en ces temps de prolifération de « lois flexibles » et de nouvelles institutions dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, aux « zones grises » et brèches en matière de droit.  Elle admet qu’un travail de réparation considérable doit être fait pour s’assurer que ces nouvelles normes soient conformes aux obligations du droit international. 

Dialogue interactif

Comment les États peuvent-ils veiller à ce que la société civile soit mieux intégrée aux dispositifs antiterroristes? ont demandé les États-Unis qui ont fait part de leur appui au Forum mondial de lutte contre le terrorisme, y voyant un modèle en la matière.  La délégation a aussi dénoncé la pratique de certains États qui utilisent la lutte contre le terrorisme pour réprimer des minorités religieuses. 

L’Espagne a salué le rôle des femmes dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. 

La Suisse s’est félicitée de la proposition de la Rapporteuse spéciale d’intégrer de manière plus systématique les normes des droits de l’homme dans les instruments de droit souple.  Elle a cependant dit craindre qu’une formalisation de ces instruments ne bloque la création de droit souple, laquelle offre aux États un appui pratique, rapide et conforme aux droits de l’homme pour la mise en œuvre du droit impératif.  Si ce risque existe, comment éviter qu’il se concrétise, s’est-elle interrogée. 

Que pouvons-nous faire au niveau multilatéral pour vous aider et garantir la participation de la société civile à la lutte antiterroriste? a demandé à son tour l’Irlande

L’Union européenne a souhaité savoir si des mesures avaient été prises en faveur de personnels spécialisés dans la lutte antiterroriste.  Comment cela pourrait-il contribuer à l’élaboration de normes dans ce domaine?

Le Royaume-Uni a estimé que le processus de définition des normes devrait être plus ouvert et a préconisé une plus grande participation des experts de la société civile. 

La Fédération de Russie a souligné qu’il n’existe pas d’approche globale basée sur les droits de l’homme dans la lutte antiterroriste, pour ensuite affirmer que les droits de l’homme sont souvent utilisés comme un outil politique pour recourir à la méthode du « deux poids, deux mesures ».  Pour elle, la coopération est indispensable et doit reposer sur le strict respect des normes internationales, y compris pour protéger les droits de l’homme, a insisté la délégation, qui a pris note du rôle et de la place du « droit souple » dans la lutte antiterroriste. 

Les Pays-Bas ont souhaité connaître les étapes envisageables pour les différentes parties prenantes sur le terrain. 

De son côté, le Mexique a noté que, face à l’absence de traité sur la lutte antiterroriste, les résolutions des organes de l’ONU doivent veiller à ce que les mesures prises respectent le droit international.  Il a aussi relevé que, dans son rapport, la Rapporteuse spéciale signale que les États devraient veiller à incorporer les normes de droit souple élaborées dans des environnements fermés et non transparents au processus d’élaboration de normes contraignantes du Conseil de sécurité.  À cet égard, il a souhaité savoir comment les États et les organismes internationaux pourraient mettre en œuvre cette recommandation. 

La Chine a jugé qu’il convient de mettre en œuvre de manière équilibrée la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et d’éliminer les causes du terrorisme, tout en aidant les pays à atteindre les objectifs de développement durable.  À ce sujet, elle a voulu connaître les meilleures pratiques relevées par la Rapporteuse spéciale. 

Enfin, le Kazakhstan a rappelé que la Rapporteuse spéciale s’était rendue récemment dans le pays et a assuré avoir pris note des recommandations de son rapport. 

Au sujet du défi que représente l’extrémisme violent qui débouche sur le terrorisme, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a souligné qu’il n’existe pas de définition, au niveau international, de l’extrémisme ou de l’extrémisme violent.  Elle a également insisté sur le fait que les États ne doivent pas utiliser la lutte contre le terrorisme pour lutter contre ceux qui pensent différemment, alors même que ce phénomène est en augmentation.

Mme Ní Aoláin a également indiqué avoir travaillé avec des entreprises en ligne comme Facebook.  Le danger ici serait que trop de régulation risque de porter atteinte aux droits, a-t-elle signalé.

La Rapporteuse spéciale a ensuite rappelé que l’implication de la société civile est essentielle et va de l’intérêt collectif.  En écoutant la société civile, on a de meilleures politiques, de meilleurs résultats, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a expliqué Mme Ní Aoláin.

En réponse à la Suisse, sur les risques de durcissement de ces processus, Mme Ní Aoláin a expliqué qu’en les rendant plus transparents, on s’assure qu’ils sont davantage connus.  Il faut, a-t-elle souligné, que les États soient prêts à entendre des messages contraires aux leurs, et à prendre en compte les recommandations de la société civile.

Sur la question de l’amendement des différents instruments mentionnés, Mme Ní Aoláin a recommandé que l’on fasse référence au respect du droit international.  Elle a également appelé à garantir une implication cohérente avec les différentes entités et les différents experts, et à mettre davantage d’informations en ligne sur ce que font les organes comme le Groupe d’action financière (GAFI). 

Mme Ní Aoláin s’est par ailleurs déclarée préoccupée par le recours à la peine de mort dans le contexte du terrorisme, par exemple en Iraq.  La Rapporteuse spéciale a ensuite indiqué que le Mexique a reconnu l’importance d’adopter une approche sexospécifique en matière de lutte antiterroriste et a regretté que ces questions soient marginalisées dans l’élaboration de normes souples. 

Saluant, en conclusion l’ouverture et la transparence dont le Kazakhstan a fait preuve lors de sa venue, Mme Ní Aoláin a souligné la valeur et l’intérêt de ces visites.

Exposé du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats

M. DIEGO GARCÍA-SAYÁN, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, a attiré l’attention sur trois thèmes principaux à la veille du trente-cinquième anniversaire de l’adoption des « Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature », confrontés selon lui à de graves menaces.  La première, une « énorme menace », a-t-il averti, est la corruption mondiale et transnationale et ses conséquences sur les sociétés et les institutions: selon une étude réalisée en 2018 dans 180 pays, sur un indice 100, plus des deux tiers des pays et territoires ont obtenu moins de 50 points et la moyenne se situait à 43.  Le plus préoccupant est que la majorité des pays évalués n’ont pas fait ou ont fait peu de progrès et que seuls une vingtaine ont avancé.  Or la corruption a un effet dévastateur sur le système judiciaire en sapant à juste titre la confiance des populations dans son administration.  Le Rapporteur spécial a donc insisté sur la nécessité non seulement de respecter l’indépendance de la justice, mais aussi de mettre en place des mesures pour la protéger. 

En deuxième lieu, il a dénoncé le poids du crime organisé sur le travail des juges et des magistrats partout dans le monde avec une menace particulière émanant du crime transnational, avec de graves conséquences sur la sécurité et la santé publiques, les institutions démocratiques et la stabilité économique.  Le crime transnational, affirme-t-il, pose une menace grave à la paix et au développement ainsi qu’à la souveraineté des États, utilisant non seulement les armes et la violence, mais aussi l’argent et les pots de vin pour corrompre les institutions.

Enfin, il a rappelé que les « Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire » ont établi des normes internationales sur l’éthique des juges et une conduite éthique de la justice.  Ils ont élaboré des principes d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité, de bonne conduite et d’équité ainsi que de rapidité.  Aussi, le Rapporteur a appelé la communauté internationale à poursuivre ses efforts pour faire appliquer et respecter les « Principes fondamentaux » et les « Principes de Bangalore ».  Il a recommandé de promouvoir ces principes ainsi que la Convention contre la corruption et suggéré la création d’un groupe de travail intergouvernemental d’experts à composition ouverte pour étudier la possibilité de compléter les « Principes fondamentaux ».  Toutes ces questions pourront être avantageusement prises en considération lors du quatorzième Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime l’an prochain, à Kyoto, a-t-il conclu.

Dialogue interactif

Les États-Unis se sont opposés aux États qui exercent des pressions politiques sur le judiciaire.  Ils se sont par ailleurs félicités du rôle des réseaux sociaux pour soutenir l’action des juges et des avocats et ont demandé au Rapporteur spécial s’il a noté des divergences majeures entre les comportements de ces professionnels et les organes nationaux. 

L’Espagne a estimé que l’exigence d’intégrité du judiciaire doit être complétée par l’aide apportée par l’État.  Selon elle, ces principes doivent être remis à jour car les juges font aujourd’hui face à la criminalité transnationale organisée qui parfois compte sur la connivence du pouvoir politique. 

Le Liechtenstein a voulu en savoir davantage sur la portée de la formation des juges dans le processus d’indépendance du système judiciaire.  Affirmant chercher à améliorer les procédures nationales de nomination des magistrats, il a voulu avoir les conseils du Rapporteur spécial à ce propos. 

Pour la Norvège, les juges et les procureurs doivent pouvoir exercer leurs fonctions sans interférence du politique.  Il est, selon elle, essentiel d’assurer l’indépendance du système judiciaire dans son ensemble.  À cet égard, elle a tenu à saluer l’action de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et notamment de son groupe d’experts chargé de lutter contre la corruption à grande échelle. 

Le Pérou a jugé indispensable de compléter les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés en 1985 et de mettre en œuvre des politiques publiques fermes et efficaces pour combattre la corruption, tout en garantissant l’application des mécanismes juridiques internationaux. 

L’Union européenne a estimé que la lutte contre la corruption mondiale transnationale et ses effets sur la magistrature doit être la priorité des États.  Notant que la Convention contre la corruption est au cœur de cette action, elle a souhaité savoir comment inclure dans ce texte les recommandations du Rapporteur spécial. 

Les Maldives ont évoqué les difficultés que rencontrent les États pour parvenir à un équilibre entre l’action des juges et une justice indépendante.  Elles ont fait état du projet de leur gouvernement de rendre plus transparente l’évaluation des juges et assuré que les recommandations du Rapporteur spécial seront des directives utiles. 

La Fédération de Russie a souligné que les activités des juges et des avocats sont indispensables à l’exercice des droits de l’homme, à l’accès à la justice et à des procès équitables.  De leur indépendance dépend le sort des individus.  Selon elle, le plus grand danger réside dans la corruption, qu’il convient de combattre par le biais de la coopération internationale.  Pour la Fédération de Russie, il est fondamental d’élaborer des règles communes, à l’image des Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature.  Dans ce cadre, a-t-elle souligné, la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale est l’instance idoine pour analyser et améliorer lesdits Principes fondamentaux.  Elle a appelé les procédures spéciales des droits de l’homme à fournir à cette Commission toute l’aide dont elle a besoin dans ce sens. 

La Lituanie a estimé que les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature devraient faire mention des pressions exercées par d’autres États.  Elle a ainsi dénoncé les agissements d’un comité d’enquête diligenté par la Fédération de Russie pour mener, entre juillet 2018 et avril 2019, des enquêtes sur des faits survenus en territoire lituanien en 1991. 

Suite à ces interventions, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats a insisté sur l’importance d’assurer la stabilité dans leurs fonctions et d’éviter tout mécanisme de destitution et de transfert arbitraire.  Il a aussi souligné l’importance du principe de la transparence dans le processus de désignation et de sélection des juges.

Pour ce qui est du rôle des juges et procureurs face à la corruption, notamment transnationale, M. García-Sayán a expliqué que le fonctionnement de la justice ne peut être efficace que si les juges et procureurs sont indépendants.  Lorsque les juges et procureurs perdent leur indépendance, cela réduit leur légitimité car on se fiera davantage aux décisions venant d’un juge indépendant, plutôt qu’à ce qui provient d’un juge qui obéit à des critères politiques ou qui est aux mains de la corruption. 

Quant aux mécanismes les plus adéquats pour y parvenir, nous aborderons cette question lors d’un sommet en avril prochain, a poursuivi M. García-Sayán, avant d’appeler à élargir les Principes fondamentaux aux Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire.

Commentaires adressés au Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme

M. CHRISTIAN BRAUN, Président de la Troisième Commission, a indiqué que M. IDRISS JAZAIRY, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, n’a pas été en mesure de participer à la réunion de ce jour en raison de circonstances indépendantes de sa volonté.  M. Braun a précisé que, dans son rapport, M. Jazairy examine certaines questions juridiques découlant de l’application de mesures coercitives unilatérales.  Sous cet angle, le Rapporteur spécial s’intéresse à la situation dans un certain nombre de pays et prône des mesures susceptibles de remédier aux violations des droits de l’homme qui voient le jour dans ces situations.  Le Président de la Commission a invité les délégations à lui faire des observations ou à lui poser des questions, assurant que leurs interventions seront transmises au Rapporteur spécial.

Saisissant cette occasion, le Venezuela, qui s’exprimait au nom du Mouvement des pays non alignés, a réaffirmé la position du Mouvement concernant les mesures coercitives unilatérales utilisées comme moyens de pression politique, économique et financière.  Ces mesures violent la Charte des Nations Unies ainsi que les normes et principes du droit international, a-t-il souligné, notant que cette position a été réaffirmée le 26 septembre dernier, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du Mouvement sur ce thème.  Dans ce contexte, le Venezuela a dit attendre avec intérêt la présentation des prochains rapports du Rapporteur spécial.

La République islamique d’Iran a dénoncé les mesures coercitives unilatérales prises par les États-Unis à son encontre en faisant état des effets de ces mesures sur les « enfants papillons », ces enfants atteints d’une grave maladie de peau nécessitant des bandages spécifiques.  En raison des sanctions américaines, l’importation de ces bandages est devenue presque impossible, a regretté la délégation, ajoutant que les souffrances de ces enfants témoignent de la violence contre les civils iraniens.  Rappelant enfin que ces sanctions tuent et peuvent constituer des crimes contre l’humanité, elle a évoqué un « terrorisme économique ». 

La Fédération de Russie a dénoncé les mesures coercitives unilatérales qui violent le droit international et empêchent la communauté internationale de régler les crises.  Ces pratiques nuisent au système des relations internationales et ne permettent que rarement d’aboutir aux résultats escomptés, a-t-elle commenté, accusant certains États d’avoir des objectifs politiques opportunistes. 

La Chine a relevé que l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme ont adopté des résolutions qui mettent en avant les effets des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme.  Pourtant certains pays continuent de mener cette politique, notamment l’un d’eux qui utilise sa puissance d’État pour exercer des pressions sur d’autres pays, a dénoncé la délégation.  En tant que fervente défenseuse du multilatéralisme, la Chine s’oppose à toute forme de mesure unilatérale et appelle les pays concernés à recourir à la coopération pour régler les problèmes. 

La République arabe syrienne a relevé que les mesures coercitives unilatérales ont des incidences destructrices sur le pays et les populations.  Ces mesures visent des personnes vulnérables et empêchent, entre autres, l’importation de matériels d’imagerie médicale, a-t-elle dénoncé.  De plus, l’imposition de mesures coercitives unilatérales constitue un blocus de facto et une forme de terrorisme économique qui contredit les discours sur les besoins humanitaires. 

Rappelant qu’elle a elle-même connu une décennie de « sanctions injustifiées », l’Érythrée s’est inquiétée de la multiplication de telles sanctions, qu’elle a qualifiées de mesures « inhumaines ».  Pour y remédier, elle a voulu savoir quels efforts permettraient une implication de la communauté internationale en matière de sensibilisation. 

Cuba a elle aussi rappelé qu’elle subit depuis plus de 60 ans un blocus imposé par les États-Unis, encore durci cette année.  Elle a réitéré son opposition à de telles mesures et a indiqué qu’elle présenterait au cours de la session un projet de résolution sur les droits de l’homme et les mesures coercitives unilatérales. 

Exposé du Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement

M. ZAMIR AKRAM, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a rappelé qu’à l’origine, le mandat du Groupe de travail était de surveiller et d’évaluer les progrès en matière de promotion et de mise en œuvre du droit au développement aux niveaux national et international.  Mais au fil des années, ce mandat a évolué et le Groupe de travail est maintenant focalisé, en vertu de la résolution 39/9 du Conseil des droits de l’homme, adoptée en septembre 2018, sur l’élaboration d’un projet d’instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement. 

À sa dernière session, qui s’est tenue du 29 avril au 3 mai derniers à Genève, le Groupe de travail, outre des dialogues interactifs tenus avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement et d’autres experts sur la question, a commencé à discuter du projet.  Des divergences de vues sont apparues sur un tel instrument, en particulier sur son contenu et sa portée.  Certains États Membres ainsi qu’un groupe politique n’ont pas participé aux discussions car, selon eux, une norme internationale contraignante n’est pas le mécanisme approprié pour réaliser le droit au développement, a indiqué M. Akram, appelant les délégations à s’engager sur cette importante question.

Au cours de cette session, le Groupe de travail a recommandé que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) prenne les mesures nécessaires et mette à disposition des ressources pour la réalisation et la visibilité de ce droit.  Le HCDH a également été appelé à identifier des projets tangibles dédiés à ce droit.  Le Groupe de travail a aussi recommandé que son Président conduise des consultations approfondies avec les parties prenantes, dont les organisations régionales, les commissions économiques régionales et autres organisations, sur la préparation du projet d’instrument juridiquement contraignant. 

Toutes ces recommandations ont été entérinées par le Conseil des droits de l’homme en septembre dernier.  Dans sa résolution 42/23, il demande ainsi au Groupe de travail de commencer, à sa vingt et unième session, à œuvrer à l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant, s’appuyant sur le texte que rédigera son Président-Rapporteur et qu’il aura préparé en collaboration et avec l’assistance d’experts en droit international des droits de l’homme.  Ce projet sera ensuite envoyé aux États Membres avant la prochaine session du Groupe de travail en avril 2020, a précisé le Président, ajoutant qu’il est déjà engagé dans ce processus de larges consultations avant rédaction. 

Il a indiqué avoir reçu, à ce jour, 26 réponses à ses demandes de contributions, dont 1 de la part d’un groupe politique, 5 envoyées par des États Membres, 2 par des organisations intergouvernementales, 5 d’organisations régionales et 13 d’organisations de la société civile. 

Dialogue interactif

Le Venezuela a dénoncé l’impact des mesures coercitives unilatérales sur la réalisation du droit au développement, pour ensuite réitérer l’appel du Mouvement des pays non alignés en faveur de la tenue, sous les auspices de l’ONU, d’une conférence de haut niveau sur le droit au développement.

Le Pakistan a souligné que la réduction des risques de catastrophe fait partie du droit au développement.  La délégation a aussi appelé à étudier les liens entre le droit au développement et les conflits, l’occupation ou encore les mesures coercitives financières.

Lui emboîtant le pas, la République islamique d’Iran a dénoncé l’impact des mesures coercitives unilatérales sur les droits de sa population, décriant un « crime contre l’humanité » et un acte de « terrorisme économique ».

La Fédération de Russie a espéré que les recommandations du Groupe de travail permettront de créer une base normative et juridique robuste, avant que Cuba n’indique qu’elle compte présenter un projet de résolution consacré au droit au développement, dans la perspective de l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant.

La Chine a regretté que le droit au développement n’ait pas été pleinement mis en œuvre à travers le monde et a appelé à mettre l’accent sur l’innovation et l’utilisation de nouvelles technologies.  La Chine espère qu’un texte juridiquement contraignant sera adopté.

Suite à ces interventions, le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement a assuré que l’impact des mesures coercitives unilatérales et des situations de catastrophe sur la réalisation du droit au développement sera pris en compte dans le cadre de l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant.

Exposé du Rapporteur spécial sur le droit au développement

M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a indiqué que son rapport explorait les liens explicites entre le droit au développement et la réduction des risques de catastrophe et ses implications pratiques, dans le contexte où, depuis 1980, le nombre d’événements catastrophiques par année ne cesse de croître, en raison des changements climatiques, de la croissance de la population, de l’urbanisation et de la dégradation ou la perte des écosystèmes naturels.  Or la réduction des risques de catastrophe est partie intégrante du développement économique et social, en plus d’être essentiel au développement durable.  Et à ce titre, le droit au développement est explicitement mentionné au paragraphe 19(c) des principes directeurs du Cadre de Sendai, créant de fait un lien avec la réduction des risques de catastrophe, a-t-il dit. 

Afin d’intégrer le droit au développement aux efforts de réduction des risques de catastrophe, M. Alfarargi a appelé les gouvernements à promouvoir des canaux de participation à tous les étages de la préparation, mise en œuvre et suivi des politiques et programmes de réduction des risques.  Ce processus devrait inclure la participation active de toutes les parties prenantes, dont les gouvernements, les organisations régionales, gouvernementales et non gouvernementales par exemple, ainsi que le secteur privé et les médias.  Il importe également d’assurer la participation des plus désavantagés, notamment les personnes handicapées, les femmes et les enfants.

Notant par ailleurs l’importance, pour les États, d’établir des plateformes nationales de réduction des risques de catastrophe, M. Alfarargi s’est inquiété du fait qu’à ce jour, seuls 65 pays en disposent.  Il a également estimé que les États devraient disposer ou collecter un minimum de données ventilées par sexe, âge et handicap.  Ils devraient en outre mettre en place des mécanismes d’accès facile à l’information en cas de catastrophe, et prévoir des recours juridiques pour veiller à ce que ces accès ne soient pas niés.  En outre, les technologies de communication des alertes doivent être accessibles, y compris aux personnes handicapées.  Le rapport contient en outre plusieurs recommandations pour assurer la pleine participation des personnes handicapées aux efforts de réduction des risques de catastrophe. 

Dialogue interactif

L’Égypte a réitéré qu’il est temps d’adopter un instrument international contraignant sur le droit au développement, avertissant dans la foulée que les efforts n’aboutiront pas si aucune aide n’est apportée aux pays les moins avancés.

Cabo Verde a voulu des précisions sur la recommandation demandant une participation active de l’ensemble des parties prenantes pour aider les pays particulièrement vulnérables aux changements climatiques.

La Zambie, au nom du Groupe des États d’Afrique, a jugé nécessaire de procéder à une évaluation complète de la mise en œuvre des droits sociaux, politiques et culturels pour que chaque pays puisse discuter des difficultés rencontrées. 

Que peut-on faire pour intégrer le droit au développement dans certains cadres, tel que le Cadre de Sendai? a demandé l’Afrique du Sud.

L’Union européenne s’est opposée à l’élaboration d’une norme internationale juridiquement contraignante.  Elle a ensuite voulu savoir comment le Rapporteur spécial évalue l’impact sur le droit au développement des violations des droits de l’homme, y compris ceux des femmes et des filles.

« Nous devons consolider la solidarité internationale, et non dicter des priorités ou des conditions », a estimé l’Érythrée, qui a voulu plus de précisions sur les avantages des partenariats. 

Rappelant lui aussi que les pays en développement sont davantage exposés aux phénomènes climatiques extrêmes, Djibouti a apporté son soutien à la mise en place d’un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement. 

Les Maldives ont rappelé que les pays en développement sont menacés de manière disproportionnée face aux catastrophes et ont souhaité davantage d’informations sur les modalités de financement de « mesures ciblées ».

Cuba a souhaité connaître l’avis du Rapporteur spécial concernant l’importance de la coopération internationale, notamment sur le transfert des technologies.

L’Azerbaïdjan a voulu que des informations sur les personnes déplacées suite à un conflit armé figurent dans les prochains rapports du Rapporteur spécial, tandis que l’Indonésie a demandé plus d’informations sur le renforcement des capacités en matière de réduction des risques de catastrophe.

La République islamique d’Iran a attiré l’attention sur les cas où, suite à une catastrophe naturelle, les partenaires du développement ont été confrontés à des difficultés dans leurs activités d’assistance en raison de l’existence de mesures unilatérales qui auraient, par exemple, entravé la délivrance des autorisations nécessaires. 

De son côté, la Chine a appelé le Rapporteur spécial à renforcer sa coopération avec les mécanismes chargés du droit au développement.

En matière de réduction des risques de catastrophe, il faut renforcer la résilience, a préconisé dans un premier temps le Rapporteur spécial sur le droit au développement, répondant à ces commentaires.  Cela est un élément essentiel du travail auquel chaque pays doit s’atteler notamment dans la mise en œuvre du Cadre de Sendai.  S’il est appliqué de manière adéquate dans le domaine de la réduction des risques de catastrophe, le droit au développement donnera plus de chance de réussite aux efforts déployés par la communauté internationale. 

Le Rapporteur spécial a également insisté sur l’aspect sexospécifique, conscient de l’impact des catastrophes sur les femmes, « premières victimes des défaillances du développement ».  Il a souligné que la mise en œuvre des objectifs de développement durable est la « pierre angulaire de toute la coopération internationale entre les pays », a-t-il insisté.  Ironisant, il a ajouté: « ce n’est sûrement pas dans le “secteur catastrophes” que nous allons mobiliser des fonds ».  Il a également insisté sur l’importance de la collecte de données ventilées et de bien informer les communautés affectées.

S’agissant des problèmes rencontrés par les petits États insulaires en développement, il a suggéré aux pays souffrant d’une situation similaire d’établir une « plateforme commune » regroupant l’ensemble des problèmes afin d’identifier les différentes entraves au développement. 

Exposé de l’Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable

M. LIVINGSTONE SEWANYANA, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, a indiqué que son deuxième rapport devant la Troisième Commission avait pour thème la participation publique et le processus décisionnel dans les espaces de gouvernance mondiaux et leur impact sur l’ordre international démocratique et équitable.  Parmi ces espaces, a-t-il précisé, figurent le Groupe des Sept (G7), le Groupe des Vingt (G20), le groupe comprenant le Brésil, la Fédération de Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (BRICS), le Groupe des 77, le Mouvement des pays non alignés, le Forum économique mondial et le groupe Bilderberg. 

Il a indiqué que les groupes intergouvernementaux, multisectoriels et privés ont acquis une grande importance aux niveaux géopolitique, économique et financier en raison du rôle qu’ils jouent dans le développement de l’ordre international, parallèlement au système de l’ONU.  Toutefois, a-t-il relevé, ces groupes restent largement inaccessibles au public, particulièrement aux gens dont la vie et les moyens de subsistance sont touchés par les décisions prises, contribuant ainsi au déficit démocratique dans le processus décisionnel mondial.

Après avoir rencontré, dans le cadre de la préparation de son rapport, des représentants des États Membres participant aux groupes cités précédemment mais aussi de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, du Forum économique mondial et de la société civile, M. Sewanyana a pu constater que l’influence des forums mondiaux de gouvernance est largement reconnue.  De l’établissement des priorités économiques à la coordination des réponses aux défis transnationaux tels que la migration, le commerce équitable, la paix et la sécurité mondiales, sans oublier les changements climatiques, le terrorisme et la corruption, les décisions de ces groupes intergouvernementaux, multisectoriels et privés affectent non seulement leurs membres et ceux qui travaillent avec eux mais également des populations vivant à l’extérieur de leurs territoires, a noté l’Expert indépendant. 

Il a de plus prédit que l’influence de ces forums devrait même gagner en ampleur compte tenu de la nature de plus en plus transfrontalière des défis politiques et économiques auxquels est confronté le monde.  Indépendamment de la structure et du mode de fonctionnement de ces espaces de gouvernance, la participation du public est une valeur fondamentale qui doit être soutenue pour garantir que le travail de ces groupes contribue à un ordre international démocratique et équitable, a plaidé M. Sewanyana. 

À ses yeux, la participation de la société civile est d’une importance cruciale pour assurer la transparence et la légitimité des processus de prise de décisions des forums mondiaux, ainsi que leur crédibilité.  Cette participation signifie que les décisions prises soient éclairées par un large éventail d’acteurs, comme les populations marginalisées qui sont les plus vulnérables aux conséquences des décisions prises.  De fait, a-t-il poursuivi, les mesures prises par le biais d’un processus participatif sont susceptibles d’être plus efficaces et durables parce qu’elles ont été approuvées par les populations affectées et des experts indépendants.  Reste que, par manque d’information et de vision des objectifs poursuivis par les forums, les représentants de la société civile ne pensent pas systématiquement à participer, a-t-il déploré. 

De plus, a poursuivi M. Sewanyana, la nature étatique des groupes de gouvernance mondiaux et leur approche improvisée en matière de participation de la société civile renvoie le message que les organisations extérieures et le grand public n’ont pas de rôle spécifique à jouer dans ces espaces.  Et l’absence d’information disponible sur la façon de s’impliquer vient renforcer le sentiment partagé selon lequel ces espaces sont exclusifs. 

Cela étant, l’Expert indépendant a indiqué que de nombreuses organisations ont considéré leur participation à ces forums comme un accomplissement, notamment parce qu’elles ont vu leurs priorités reprises dans des documents de fin de sommet.  D’autres continuent cependant d’exprimer des doutes quant à l’impact de ces documents et l’intérêt de leur participation.  Elles craignent en effet que l’absence de mécanismes de mise en œuvre et de suivi, de perspectives à long terme, d’obligations de rapport et de cibles financières ne réduisent ces résultats qu’à des formules rhétoriques, a-t-il expliqué. 

Pour parvenir à une participation effective du public à ce niveau mondial de gouvernance, il importe aussi de garantir un environnement sûr et propice au niveau local, a soutenu M. Sewanyana.  Il faut en outre que les États prennent leurs responsabilités et diligentent des enquêtes sur toutes les allégations de représailles à l’encontre d’acteurs de la société civile à la suite de leur participation ou tentative de participation, a-t-il affirmé.  De fait, a conclu l’Expert indépendant, un ordre international démocratique et équitable ne peut être atteint que si les espaces de gouvernance mondiaux consentent à devenir des espaces centrés sur la personne. 

Dialogue interactif

Le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, s’est inquiété du recours croissant à l’unilatéralisme et aux mesures imposées unilatéralement, et a lancé un appel en faveur de la démocratie. 

Les Maldives ont jugé nécessaire d’élargir aux petits États insulaires en développement l’espace de participation au processus multilatéral.

La Fédération de Russie a plaidé en faveur d’un dialogue constructif entre les gouvernements et la société civile.  La délégation a par ailleurs estimé que le rapport penche en faveur de certains sujets tels que les groupes marginalisés, ce qui, selon elle, l’éloigne de son objectif.  Elle a recommandé à l’Expert de prêter attention à l’impact qu’ont de telles décisions sur son mandat.

La Chine a insisté sur le fait qu’il faille respecter la souveraineté et l’indépendance des pays et éviter l’ingérence.

Cuba s’est dite de plus en plus préoccupée au vu des attaques contre le multilatéralisme, dénonçant tout particulièrement la politique des États-Unis qui se sont retirés de plusieurs accords internationaux, dont l’Accord de Paris.  Il est difficile de parvenir à un ordre démocratique et équitable dans de telles circonstances, a estimé la délégation.

Réagissant à ces commentaires, l’Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable a souligné qu’un ordre démocratique et équitable ne peut accepter le recours à des mesures coercitives unilatérales.  « Celles-ci sont une véritable menace au multilatéralisme », a-t-il prévenu.  Il a appelé les États à agir de concert pour réduire le recours à de telles mesures, ainsi que leurs répercussions négatives sur les sociétés.  Il s’est également inscrit contre toutes représailles, y voyant une entrave à la participation équitable de tous.

Il a souligné que les petits États insulaires en développement doivent faire entendre leur voix, et ce, à tous les niveaux si « nous voulons engranger des réussites ». 

L’Expert s’est ensuite élevé contre la prolifération des espaces de gouvernance mondiale à l’extérieur du système des Nations Unies.  C’est, a-t-il averti, un phénomène qui impacte le fonctionnement même du système multilatéral. 

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