Troisième Commission: la Haut-Commissaire aux droits de l’homme avertit que le manque de fonds provoque une « crise de crédibilité » pour les organes conventionnels
« Donnez-nous de l’argent!» a lancé aujourd’hui, devant la Troisième Commission, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, sous les applaudissements nourris des États Membres venus nombreux dialoguer avec la haute fonctionnaire sur les moyens de promouvoir et protéger les droits de l’homme dans un contexte marqué par les défis croissants portés au multilatéralisme.
La réaction de Mme Michelle Bachelet a été encouragée par les nombreuses questions et préoccupations des États parties quant à la santé financière de l’architecture des droits de l’homme qui forment, avec le développement et la paix et la sécurité, l’un des trois piliers de l’ONU.
Soulignant qu’un système d’organes conventionnels plus fort renforcerait l’action en matière de droits de l’homme, la Haut-Commissaire a notamment regretté que le financement n’ait pas suivi le rythme de l’augmentation constante des travaux des organes de traités.
Une situation d’autant plus préoccupante que le monde est témoin, a-t-elle averti, d’une augmentation de la xénophobie, des discours haineux, d’un recul en matière de droits des femmes et des minorités, ainsi que de restrictions dans l’espace civique, d’inégalités croissantes en matière de revenus et d’accès aux ressources et à la justice, sans oublier la « menace majeure » que représente l’urgence climatique pour les droits de l’homme.
Mme Bachelet a notamment averti que faute de ressources suffisantes, les organes de traités ne peuvent pas entretenir un dialogue régulier avec tous les États parties ou enquêter sur des violations graves ou systématiques des droits. Les retards accumulés signifient que de nombreux pétitionnaires doivent désormais attendre plus de quatre ans pour obtenir une décision sur une plainte individuelle, a-t-elle déploré, précisant par ailleurs que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) représente 3% à 4% du budget ordinaire de l’ONU.
« Cette situation représente une crise de crédibilité pour les organes conventionnels, pour le HCDH -et pour les États-, et plus important encore, il s’agit d’un déni de justice pour les victimes de violations des droits de l’homme dans le monde », a déclaré Mme Bachelet, qui présentait son rapport en présence de M. Tijjani Muhammad-Bande, Président de l’Assemblée générale.
Cette situation alarmante a fait réagir de nombreux pays, dont le Royaume-Uni qui a annoncé un versement de 9 millions de dollars en 2019 dans le cadre de la contribution volontaire, tandis que la Suisse a promis de maintenir son engagement au sein de la Cinquième Commission pour assurer que le HCDH reçoive du budget ordinaire les ressources nécessaires pour financer tous les mandats qui lui ont été confiés.
En attendant, a temporisé l’Union européenne (UE), il faut faire « reculer le recul » à travers notamment le soutien des efforts de la société civile, le secteur privé et autres intervenants.
Au cours de son intervention, Mme Bachelet a également insisté sur l’importance de l’examen périodique universel (EPU), y voyant un point de départ essentiel pour interagir avec les États et d’autres parties prenantes sur des questions essentielles relatives aux droits de l’homme. Elle s’est également félicitée du fait que les États acceptent de plus en plus les recommandations émises dans le cadre de cet examen, précisant que la moyenne est désormais de plus de 75%.
« Les questions de fonds soulevées dans le cadre de l’EPU reflètent souvent les recommandations émises par les procédures spéciales, les organes de traités et mon Bureau, et considérées dans leur ensemble, elles donnent un aperçu des lacunes les plus critiques en matière de droits de l’homme qui, si on y répond, permettront de bâtir des sociétés plus résilientes et d’assurer le développement et la paix », a-t-elle notamment commenté.
Dans l’après-midi, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne a dénoncé avec force la prévalence de l’impunité face à l’étendue des violations et des attaques contre ces derniers.
Pour les seules années 2017 et 2018, les Nations Unies ont vérifié 431 meurtres, au rythme de huit par semaine, de défenseurs des droits de l’homme, journalistes et syndicalistes dans 41 pays, s’est alarmé M. Michel Forst, qui a expliqué que ces actes sont souvent perpétrés par les États eux-mêmes ou traités avec complaisance par des gouvernements. « Car sinon, comment expliquer que dans certains pays, 98% des assassinats contre des défenseurs restent impunis? » a-t-il ajouté, soulignant par ailleurs que la lutte contre l’impunité est avant tout « un choix politique », tout comme le fait de ne pas s’y attaquer et de la laisser se développer.
Au préalable, l’Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale s’est inquiété des répercussions néfastes des « lacunes » en matière de solidarité internationale dans la réponse des États aux flux mondiaux de réfugiés, citant notamment le problème des « boat people ». M. Obiora Chinedu Okafor a également pointé l’action des partis politiques extrémistes et des groupes d’autodéfense qui ont adopté des mesures contre ceux qui agissent en solidarité avec les réfugiés et migrants.
L’Expert a également signalé qu’à peine 10 États du Nord fournissent 75% du budget onusien consacré à la protection des réfugiés, et que huit pays du Sud accueillent, à eux seuls, 90% des réfugiés dans le monde. À ses yeux, la « crise » actuelle de protection des réfugiés serait plutôt une crise de « responsabilité équitablement partagée » émanant d’une solidarité internationale insuffisante.
Les États Membres ont également entendu le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association expliquer comment la fermeture de l’espace civique exacerbe l’exclusion des personnes vivant dans la pauvreté et perpétue les privilèges des puissants.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 16 octobre, à partir de 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Application des instruments relatifs aux droits de l’homme (A/74/40, A/74/44, A/74/48, A/74/55, A/74/56, A/74/146, A/74/148, A/74/228, A/74/233, A/74/254, A/74/256)
Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales (A/74/147, A/74/159, A/74/160, A/74/161, A/74/163, A/74/164, A/74/165, A/74/167, A/74/174, A/74/176, A/74/179, A/74/181, A/74/183, A/74/185, A/74/186, A/74/190, A/74/191, A/74/197, A/74/198, A/74/212, A/74/213, A/74/215, A/74/226, A/74/227, A/74/229, A/74/243, A/74/245, A/74/255, A/74/261, A/74/262, A/74/178, A/74/189, A/74/270, A/74/271, A/74/277, A/74/285, A/74/314, A/74/318, A/74/335, A/74/349, A/74/351, A/74/358, A/74/460)
Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux (A/74/166, A/74/188, A/74/196, A/74/268, A/74/273, A/74/275, A/74/276, A/74/278, A/74/303, A/74/311, A/74/342)
Application intégrale et suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (A/74/36)
Déclaration liminaire
M. TIJJANI MUHAMMAD-BANDE, Président de l’Assemblée générale, a déclaré avoir fait du respect des droits de l’homme et de la dignité ses priorités, citant notamment la promotion de la paix et de la sécurité par l’intermédiaire de la prévention des conflits, l’élimination de la pauvreté, l’éducation de qualité ainsi que la mise en œuvre d’une réponse efficace et axée sur la personne pour faire face à « l’urgence climatique ». Il a également souligné que l’inclusion est le fondement du respect des droits, et ce, à tous les niveaux. « Nous ne pouvons pas avoir une ONU qui exclue », a-t-il insisté.
Notant que cette année marque le quarantième anniversaire du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, il a appelé les États à s’engager à prévenir et mettre un terme à toutes les formes de violence sexuelle ou sexiste. M. Muhammad-Bande a reconnu que des progrès considérables ont été réalisés depuis l’adoption du Programme d’action de Beijing, mais a toutefois jugé nécessaire de redoubler d’efforts pour retirer les obstacles structurels et culturels qui entravent la participation égale des femmes et des filles, ainsi que leurs perspectives.
Le Président de l’Assemblée générale s’est notamment inquiété du fait qu’à l’heure actuelle, un enfant sur cinq n’est pas scolarisé. Il faut respecter les droits des enfants pour qu’ils puissent réaliser leur plein potentiel, a-t-il souligné. Et si nous n’agissons pas collectivement dès à présent, a-t-il prévenu, nous aurons échoué, aussi bien envers ces enfants que les générations à venir. Le trentième anniversaire, en novembre, de la Convention relative aux droits de l’enfant doit donc être, selon lui, l’occasion pour les États Membres de renforcer leur engagement en la matière.
Évoquant également l’approche du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, il a rappelé que la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que nous sommes « doués de raison et de conscience » et devons « agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Et je suis sûr que cela implique également une bonne dose de sororité, a-t-il ajouté avant de conclure.
Exposé de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
Venue présenter le dernier rapport de son Bureau, Mme MICHELLE BACHELET, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré qu’« indéniablement », le multilatéralisme fait face à des défis croissants, de même que de nombreux traités « fondamentaux » des droits de l’homme, lois et valeurs.
Nous sommes témoins, s’est-elle inquiétée, d’une augmentation de la xénophobie, des discours haineux, d’un recul en matière de droits des femmes et des minorités, ainsi que de restrictions dans l’espace civique et d’inégalités croissantes en matière de revenus, de richesses, d’accès aux ressources et à la justice.
Elle s’est néanmoins dite convaincue de la possibilité, pour son Bureau et les États Membres, de travailler ensemble pour renforcer le consensus autour de la Déclaration universelle des droits de l’homme, quel que soit le type de gouvernement ou de système économique et par-delà toutes les cultures et les traditions.
« Un dialogue ouvert et honnête avec les États Membres est souvent l’approche la plus productive pour faire avancer les droits des personnes sur le terrain », a estimé Mme Bachelet.
La Haut-Commissaire a ensuite rappelé que lorsque les lacunes en matière de droits de l’homme résultent de l’insuffisance des ressources nationales, des capacités ou des institutions, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) offre son soutien aux États Membres par le biais de programmes de coopération technique, de renforcement des capacités, d’orientations et d’activités d’assistance sur le terrain.
Jusqu’à présent, en 2019, le HCDH a ainsi participé à la mise en œuvre de plus de 1 500 activités avec les États, des institutions nationales de protection des droits de l’homme, des organisations de la société civile et le secteur privé. Par exemple, à Madagascar, les capacités des avocats spécialistes en droits de l’homme ont été renforcées, et en Colombie, le HCDH a facilité la conclusion d’un accord entre les autorités autochtones et le Gouverneur d’Amazonas sur l’établissement d’un système de santé interculturel.
Mme Bachelet a également souligné que l’égalité des sexes est au cœur du travail du HCDH. Ainsi, en Argentine, au Panama, en République-Unie de Tanzanie et en Uruguay, le HCDH a collaboré avec les autorités judiciaires et les institutions pour lutter contre les stéréotypes et préjugés sexistes, et assurer un meilleur accès des femmes et des filles à la justice.
Un appui est également dispensé au secteur privé pour appuyer la mise en œuvre des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, a ajouté la Haut-Commissaire. Elle a notamment cité un programme mis sur pied aux Fidji pour renforcer les capacités de la société civile et des agences de l’ONU à évaluer l’impact sur les droits de l’homme des activités commerciales dans le contexte des changements climatiques.
Poursuivant, Mme Bachelet a indiqué que l’examen périodique universel (EPU) est un point de départ essentiel pour interagir avec les États et d’autres parties prenantes sur des questions vitales relatives aux droits de l’homme. Elle s’est félicitée du fait que les États acceptent de plus en plus les recommandations émises dans le cadre de cet examen, pour atteindre une moyenne de plus de 75%. Mme Bachelet a passé en revue certaines des actions adoptées par les 42 États examinés au cours de l’année passée: le Tchad a aboli la peine de mort pour les crimes de droit commun, l’Érythrée a ratifié la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les pires formes de travail des enfants, la Côte d’Ivoire a révisé son Code pénal pour lutter contre le viol conjugal et la violence domestique, tandis que Malte a mis en place une institution nationale des droits de l’homme.
De plus, par le biais du Fonds de contributions volontaires pour l’assistance financière et technique aux fins de la mise en œuvre des recommandations faites à l’issue de l’EPU, le HCDH appuie de nombreux pays, dont les efforts de la Mongolie pour établir un mécanisme national de prévention de la torture.
La Haut-Commissaire a souligné que les questions de fonds soulevées dans le cadre de l’EPU reflètent souvent les recommandations émises par les procédures spéciales, les organes de traités et son Bureau. Considérées dans leur ensemble, elles donnent un aperçu des lacunes les plus critiques en matière des droits de l’homme qui, si on y répond, permettront de bâtir des sociétés plus résilientes et d’assurer le développement et la paix, a-t-elle affirmé.
Selon Mme Bachelet, il existe un grand potentiel pour une meilleure utilisation des recommandations relatives aux droits de l’homme dans le cadre d’une action à l’échelle du système des Nations Unies. Par exemple, la semaine prochaine, une consultation régionale sera organisée au Panama afin de permettre aux entités des Nations Unies et aux représentants de 18 États d’Amérique latine de discuter des moyens par lesquels les recommandations relatives aux droits de l’homme peuvent stimuler la mise en œuvre des objectifs de développement durable. Cette initiative s’aligne avec les efforts déployés pour renforcer les relations du HCDH avec le système reformulé d’équipes de pays et de coordonnateurs résidents, a-t-elle précisé.
Mme Bachelet a également souligné qu’il existe un besoin crucial pour les activités de consolidation et de maintien de la paix d’intégrer la dimension des droits de l’homme. Le HCDH travaille en étroite collaboration avec le Département des opérations de paix et les pays fournisseurs de contingents pour veiller à ce que ces opérations soient respectueuses des droits de l’homme, par exemple par le biais de formations ou du renforcement des systèmes nationaux de sélection.
La lutte contre l’impunité et une justice transitionnelle sont essentielles pour soigner les blessures, résoudre les griefs et soutenir la paix, a également souligné Mme Bachelet. Le HCDH a ainsi continué d’aider les États et autres parties prenantes à concevoir et à mettre en œuvre des processus de responsabilisation et de justice transitionnelle.
Mme Bachelet a ensuite averti que l’urgence climatique représente une menace majeure pour les droits de l’homme. Afin de poursuivre l’objectif d’une action cohérente et coordonnée et d’encourager une plus grande acceptation du droit à un environnement sain, le Haut-Commissariat a signé un protocole d’accord avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en août. Le HCDH a également élaboré un plan de travail conjoint avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour faire progresser le droit à la santé. Le HCDH a aussi conclu des accords avec des entités de l’Union africaine et prévoit notamment de signer prochainement un mémorandum d’accord avec la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).
Sur le continent américain, a-t-elle poursuivit, le HCDH continue de renforcer son partenariat avec des organisations régionales. Elle a notamment indiqué que le Mécanisme d’action conjointe établi avec la Commission interaméricaine avait permis de renforcer le suivi de la situation des défenseurs des droits de l’homme sur le terrain et de renforcer les capacités de ces derniers.
Poursuivant, Mme Bachelet a rappelé la tenue, en 2020, de l’examen des organes de traités des droits de l’homme et a souligné que les traités internationaux des droits de l’homme et la jurisprudence des organes de traités constituent l’épine dorsale juridique de l’ensemble de l’architecture de protection des droits de l’homme.
« Un système d’organes conventionnels plus fort renforcerait toute l’action en matière de droits de l’homme », a affirmé la Haut-Commissaire. Malheureusement, a-t-elle regretté, le financement de l’Assemblée générale n’a pas suivi le rythme de l’augmentation constante des travaux des organes de traités. Les comités ne disposent pas de ressources suffisantes pour entretenir un dialogue régulier avec tous les États parties ou pour enquêter sur des violations graves ou systématiques des droits. Les retards accumulés signifient que DE nombreux pétitionnaires doivent désormais attendre plus de quatre ans pour obtenir une décision sur une plainte individuelle, a-t-elle déploré.
Elle a prévenu que cette situation représente une crise de crédibilité pour les organes conventionnels, pour le HCDH -et pour les États- en termes d’efficacité d’un système de protection vital. Et, plus important, il s’agit d’un déni de justice pour les victimes de violations des droits de l’homme dans le monde, a-t-elle insisté. Elle a précisé que son Bureau est en train d’envisager des solutions intermédiaires pour atténuer certains des problèmes, notamment en ayant recours à des fonds extrabudgétaires.
Mme Bachelet a ensuite indiqué que la performance du HCDH en 2017-2018 a été évaluée par le Réseau d’évaluation de la performance des organisations multilatérales (MOPAN) qui a conclu que « l’écart entre le mandat du Haut-Commissariat et ses ressources s’accroît, et le financement devient moins prévisible. Néanmoins, la performance organisationnelle du HCDH n’a, paradoxalement, jamais été aussi bonne ».
Dialogue interactif
L’Espagne a souhaité que le vingt-cinquième anniversaire du Programme d’action de Beijing soit l’occasion de renforcer le travail collectif en faveur de la protection des droits de l’homme.
Le Soudan a mis en avant son « évolution positive » et s’est engagé à mettre en œuvre une justice de transition pour faire face aux crimes commis dans le pays. Il a également annoncé avoir présenté sa candidature au Conseil des droits de l’homme pour la première fois cette année.
Le Maroc a salué les actions entreprises par Mme Bachelet sur les questions des changement climatiques, des migrations, de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme, du refus des discours de haine et des droits de l’homme dans l’espace digital.
Le Mexique a dénoncé les attaques menées sur la base de théories qui reposent sur la supériorité d’un groupe ou d’une race, citant notamment l’attentat commis le 3 août, à El Paso, au Texas, contre des personnes d’origine mexicaine. Soulignant que les discours de haine nécessitent une réponse unie de la communauté internationale, il a voulu savoir comment les États peuvent réagir à ces discours en mettant l’accent sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales.
« Et comment les États peuvent-ils mieux coopérer avec les mécanismes des droits de l’homme afin de soutenir les défenseurs des droits de l’homme qui travaillent dans des environnements difficiles? » a demandé à son tour la Suède, au nom des pays nordiques.
La République islamique d’Iran s’est inquiétée de l’impact, sur les plus vulnérables, des mesures unilatérales illégales imposées à son encontre. Ces victimes innocentes méritent d’être entendues, leurs souffrances méritent réparation, a-t-elle dit.
Le Royaume-Uni a annoncé qu’après avoir versé une contribution volontaire de 8 millions de dollars en 2018, il fera de même à hauteur de 9 millions en 2019. Il a voulu savoir comment Mme Bachelet veille à ce que tous les États coopèrent vraiment avec le Haut-Commissariat.
Le Sénégal, au nom du Human Rights/Conflict Prevention Caucus, groupe coprésidé par l’Allemagne et la Suisse, a voulu savoir comment utiliser au mieux l’élan généré par les réformes de l’ONU pour promouvoir le rôle préventif des droits de l’homme. Par ailleurs, quels moyens permettraient de renforcer le rôle des droits de l’homme dans la prévention et la résolution des conflits?
L’Allemagne a remercié Mme Bachelet d’avoir mis en exergue le recul des droits à la santé sexuelle et procréative. La délégation a affirmé que l’on ne parviendra à la paix dans des pays comme la République arabe syrienne que lorsque les crimes commis feront l’objet de poursuites, pour ensuite inviter Mme Bachelet à se rendre dans des pays comme le Myanmar et la Chine.
La Suisse a indiqué qu’elle maintiendra son engagement au sein de la Cinquième Commission pour assurer que le pilier des droits de l’homme reçoive du budget ordinaire les ressources nécessaires pour financer tous les mandats qui lui sont confiés par les États Membres. Elle a appelé l’ensemble des États à s’engager pour le renforcement de la base financière du Haut-Commissariat et a voulu savoir comment la Haut-Commissaire évalue le soutien financier des États à son Bureau depuis début 2019.
Le Bélarus a appelé à renforcer les capacités des États Membres par le biais d’une coopération accrue.
Lui emboîtant le pas, l’État de Palestine a rappelé que le Haut-Commissariat avait l’obligation de créer une base de données de toutes les entreprises israéliennes se trouvant sur le territoire de la Palestine.
La Géorgie a jugé nécessaire d’établir un mécanisme international pour garantir que les défenseurs des droits de l’homme puissent être présents « en Abkhazie sous occupation russe », avertissant d’une détérioration de la situation dans cette région. La délégation a notamment fait état de restrictions en matière de déplacements et a dénoncé l’absence de justice pour les cas de torture et de meurtre.
Notant que le HCDH a aidé les banques multilatérales à définir des politiques visant à mettre les défenseurs de l’environnement et des droits de l’homme à l’abri des représailles, le Luxembourg a demandé des exemples de ces politiques. Il a aussi voulu savoir quel rôle pourraient jouer les États dans ce cadre. Enfin, il a demandé à la Haut-Commissaire quels étaient ses projets dans le domaine des nouvelles technologies.
La Roumanie a regretté l’absence de coopération de certains pays et a rappelé que tous les États doivent défendre les droits des plus vulnérables, notamment dans les situations de crise humanitaire. La délégation a par ailleurs voulu savoir comment les médias numériques pouvaient être utilisés à l’avantage des droits de l’homme afin d’éviter leurs violations.
Le Canada a salué les efforts déployés par la Haut-Commissaire pour aborder les défis émergents, à commencer par les changements climatiques et l’intelligence artificielle. Sur ce dernier point, il a voulu savoir comment le Haut-Commissariat entend orienter ses travaux dans ce cadre.
Le Liechtenstein s’est préoccupé de la situation financière du Haut-Commissariat, et a demandé à Mme Bachelet ce que compte faire son Bureau pour atteindre les objectifs de la feuille de route de 2020.
Les Émirats arabes unis ont souhaité obtenir plus de précisions sur les liens entre changements climatiques et droits de l’homme et sur le rôle du HCDH en la matière.
Le Pérou, qui s’exprimait au nom d’un groupe de pays, a condamné la situation grave des droits de l’homme au Venezuela, rappelant que quatre millions d’habitants de ce pays l’ont fui depuis 2015 et a appelé le « régime illégal » de Maduro à coopérer avec la mission internationale indépendante d’établissement des faits.
Quels sont les plus grands défis que la communauté internationale doit relever pour faire progresser l’égalité des sexes et les droits de femmes? ont demandé à leur tour l’Argentine et le Japon.
L’Irlande a voulu savoir ce que les États Membres pouvaient faire pour améliorer la défense des espaces prévus pour les défenseurs des droits de l’homme, tandis que le Chili a demandé des précisions sur le processus de révision des organes conventionnels en 2020.
Le Pakistan a appuyé l’appel lancé par le Haut-Commissariat pour créer une commission d’enquête sur les graves violations au Jammu-et-Cachemire, dont il a dénoncé « l’effroyable réalité » .
L’Italie a voulu savoir si l’examen périodique universel pouvait contribuer à appuyer la complémentarité du système des droits de l’homme.
Après avoir insisté sur l’importance de l’assistance technique, la Zambie, au nom du Groupe des États d’Afrique, a appelé le HCDH à éviter la politisation et le « deux poids, deux mesures », et a critiqué l’adoption de « normes étroites ». La délégation s’est aussi interrogée sur la détermination des priorités de la Haut-Commissaire, alors que ses activités dépendent de plus en plus de ressources préattribuées.
Le Qatar a salué les efforts déployés par le HCDH pour autonomiser les femmes sur le plan économique.
Partisan d’une coopération et d’un dialogue constructif, le Myanmar a appelé la communauté internationale à comprendre la complexité de la situation dans son pays.
La Lettonie a souhaité connaître l’avis de la Haut-Commissaire au sujet de la liberté d’expression en « Crimée annexée » depuis l’adoption de nouvelles lois par la Fédération de Russie sur les délits d’insulte publique à l’encontre des autorités d’État. Elle s’est aussi interrogée sur les moyens d’améliorer le contrôle international des lieux de détention en « Crimée annexée ».
La Pologne s’est dite préoccupée de la réduction de l’espace de la société civile et a par ailleurs voulu savoir comment promouvoir un dialogue interreligieux et la réconciliation.
Évoquant sa candidature au Conseil des droits de l’homme, l’Arménie a dit œuvrer pour l’émancipation économique et politique des femmes et des jeunes et la promotion de la tolérance
« Que peuvent faire les États Membres pour réduire le retard dans l’examen des rapports? » s’est interrogé le Portugal.
Il faut faire « reculer le recul » à travers notamment le soutien des efforts de la société civile, le secteur privé et autres intervenants, a commenté à son tour l’Union européenne, qui a appelé toutes les entités des Nations Unies à renforcer la coopération avec le HCDH et tous les mécanismes.
La Malaisie a évoqué la visite de la Haut-Commissaire les 4 et 5 octobre 2018, soulignant que son pays continuera de soutenir les priorités de Mme Bachelet.
L’Égypte a salué les efforts déployés par le HCDH pour promouvoir le droit au développement dans le contexte des crises politiques, environnementales et autres. À cet égard, la délégation a attiré l’attention sur la désertification qui touche le Sahel et son pays et a appelé à une coopération transfrontalière constructive pour faire face à la pénurie de l’eau.
L’Indonésie a appelé à éviter la polarisation et la politique du « deux poids, deux mesures » et s’est inscrite en faveur de leur promotion dans le cadre du renforcement d’une coopération triangulaire.
La Slovénie s’est félicitée que la Haut-Commissaire ait soulevé la question des changements climatiques et a fait part de ses préoccupations concernant le sous-financement de ses activités.
La Tunisie a insisté sur l’impératif de protéger les défenseurs des droits de l’homme contre toutes représailles.
Les États-Unis ont salué la mise sur pied d’une mission d’établissement des faits sur les violations des droits de l’homme commises par le régime Maduro, et ont fait part de leur satisfaction que Mme Bachelet ait pu se rendre au Venezuela, même si les conditions n’étaient « pas très idéales ». La délégation s’est également inquiétée de la situation au Burundi, en République arabe syrienne, au Myanmar et au Soudan du Sud, pour ensuite dénoncer les abus commis à l’encontre des Kazakhs musulmans arrêtés en Chine de manière arbitraire et placés dans des camps.
Cuba s’est inquiétée de l’impact de l’absence de liquidités sur l’action du HCDH, pointant notamment les États-Unis. La délégation a également affirmé que ce pays représente la plus grande menace au système du multilatéralisme, rappelant leur retrait du Conseil des droits de l’homme.
La Chine a indiqué avoir pris des mesures pour lutter contre le terrorisme, et a invité des experts étrangers impartiaux à se rendre au Xinjiang, tout en s’emportant contre les politiques de deux poids, deux mesures. La Chine a également fustigé l’attitude « arrogante » de l’Allemagne et a invité ce pays, ainsi que les États-Unis, à réfléchir à leurs propres problèmes.
L’Érythrée a appelé à allouer plus de moyens financiers au HCDH pour lui permettre de s’acquitter de ses objectifs.
La République arabe syrienne a appelé la Haut-Commissaire à présenter une image « objective » de la situation en Syrie et a affirmé que son Bureau ne coopère pas avec le Gouvernement syrien et fournit des informations erronées. Elle a également appelé le Haut-Commissariat à suivre la situation dans les territoires palestiniens et dans le Golan occupés.
La Fédération de Russie s’est déclarée satisfaite par la politique de dépolitisation des droits de l’homme. Elle a cependant estimé que le Haut-Commissariat devrait adopter une approche plus nuancée à l’égard de certains pays, tout en se félicitant de l’ouverture d’une antenne du Haut-Commissariat au Venezuela. Enfin, elle a exprimé sa préoccupation face à la volonté des États-Unis de politiser cette discussion, appelant ce pays à ne pas utiliser la Troisième Commission pour attaquer ses opposants politiques.
La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a déploré que la politisation et le « deux poids, deux mesures » soient de plus en plus communs dans le domaine des droits de l’homme, et a demandé à la Haut-Commissaire de respecter les principes d’objectivité, d’impartialité et de non-sélectivité, et de ne pas interférer dans ses affaires intérieures.
Djibouti a demandé à la Haut-Commissaire d’évaluer la portée du mouvement de protestation des jeunes contre les changements climatiques, et a demandé des précisions sur son action pour assurer une représentation géographique équitable au sein du Haut-Commissariat.
Le Mali a fait part de ses besoins en matière d’appui technique, précisant que la violation des droits de l’homme sur son territoire est la résultante de la faible présence de l’État dans certaines localités due à l’insécurité et aux activités des organisations terroristes et criminelles présentes dans le pays.
L’Algérie a recommandé que toutes les opérations de maintien de la paix de l’ONU prennent en compte la dimension droits de l’homme, notamment pour ne pas faire de laissés-pour-compte.
Le Cota Rica a mis en avant la gravité de la crise climatique et ses effets directs sur la multiplication des conflits et a applaudi l’élaboration conceptuelle du nécessaire respect des droits de l’homme pour faire face aux défis de l’humanité.
Mme BACHELET, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, s’est félicitée des nombreuses questions qui dénotent « l’intérêt » des États Membres, y voyant le signe de leur volonté d’œuvrer à l’amélioration du système de promotion et de protection des droits de l’homme dans le monde.
Elle a reconnu que certains pays sont confrontés à plus de problèmes que d’autres, tout en soulignant que la problématique des droits de l’homme demeure importante partout. « Nous continuerons à travailler de sorte à garantir un accès aux différents pays et régions pour recueillir plus d’informations pour que nos rapports reflètent la réalité sur le terrain et que les recommandations soient meilleures », a-t-elle assuré.
Sur la question de la situation financière du HCDH qui préoccupe de nombreuses délégations, Mme Bachelet a expliqué que son organisme représente 3% à 4% du budget de l’ONU en plus des contributions volontaires qui sont utilisées « là où il n’y a pas un conflit d’intérêt ». Elle a saisi cette occasion pour demander aux bailleurs de fonds de contribuer davantage, précisant que des fonds non préaffectés seront alloués pour répondre aux demandes spécifiques des États Membres.
Évoquant la question des organes conventionnels, Mme Bachelet a expliqué que les experts des organes travaillent pro bono et ne touchent pas de salaire. L’Assemblée générale est censée renforcer ces organes mais n’a malheureusement pas augmenté le nombre de membres du personnel, ce qui explique le retard dans le traitement des communications.
Pour 2020, elle s’est engagée à mener une réflexion en vue d’une meilleure utilisation des ressources pour éviter les doublons et palier le fait que certains organes conventionnels réduisent leurs activités.
S’agissant de la représentation géographique, la Haut-Commissaire a expliqué travailler en faveur d’une meilleure diversité au niveau du personnel du HCDH. Elle a reconnu toutefois que « nous devons suivre aussi les règles du Secrétariat ».
Quant à savoir, par ailleurs, en quoi l’examen périodique universel (EPU) contribue aux objectifs de développement durable, elle a suggéré de s’attaquer aux causes profondes qui entravent le développement durable et d’honorer les priorités. Il s’agit, pour elle, d’identifier les laissés-pour-compte. Cependant, a-t-elle regretté, certaines données ne sont pas suffisamment ventilées pour identifier ceux à la marge. C’est le cas par exemple des minorités (personnes d’ascendance africaine, personnes âgées, femmes…) qui sont le plus souvent victimes de marginalisation lors de l’élaboration des politiques et programmes de développement. Au Kenya, nous sommes en train d’identifier les groupes ethniques pour aider à mettre en œuvre des politiques adéquates. L’EPU peut aider dans cette démarche, a-t-elle fait savoir.
Au sujet du renforcement de la coopération entre Genève et New York, Mme Bachelet a fait observer que le HCDH, l’EPU et les organes conventionnels sont utiles pour identifier les signes précoces et prévenir certains conflits.
Sur un autre registre et au vu du recul des droits de l’homme, notamment au regard des représailles dont font l’objet les défenseurs des droits de l’homme, elle a appelé les États à renforcer les mesures de protection et d’appui. Elle a aussi cité les partenariats établis avec certains organismes, notamment le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) pour venir en aide aux militants œuvrant dans le domaine des changements climatiques. Elle a appelé les États d’Amérique latine à adopter l’Accord d’Escazú (Accord régional sur l’accès à l’information, la participation publique et l’accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes), et plus particulièrement le Mexique à veiller à la protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes.
Quant aux discours de haine et au dialogue interreligieux, elle a plaidé en faveur d’un langage constructif prônant la cohésion, promotion et protection de la diversité. Elle a cité également les 18 engagements contenus dans la Déclaration de Beyrouth et salué la tenue, sur initiative de la Pologne, d’une réunion du Conseil de sécurité en formule Arria consacrée à la promotion de la tolérance.
Sur l’utilisation des technologies de l’information, Mme Bachelet a indiqué que sa visite dans la Silicon Valley lui a permis de constater que 80% des développeurs étaient des hommes blancs. Cela « a une incidence sur les plateformes » qu’ils développent et le message véhiculé, a-t-elle signalé. Elle a estimé que l’Organisation peut apporter sa contribution pour remédier à cette situation en établissant des partenariats avec les secteurs privé, public, la société civile, les universitaires et d’autres intervenants.
La Haut-Commissaire a promis de se pencher de manière approfondie sur toutes les questions soulevées par les États Membres, mais avant de clore son propos elle leur a lancé, sous les applaudissements: « Donnez-nous de l’argent! »
Exposé de l’Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale
M. OBIORA CHINEDU OKAFOR, Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, a rappelé que le rapport soumis à la quarante et unième session du Conseil des droits de l’homme examinait la question de l’incrimination et de la répression de la fourniture d’une assistance humanitaire aux migrants et aux réfugiés qui entrent sur le territoire d’un État de manière irrégulière. Il y a analysé les législations et pratiques nationales réprimant ou supprimant ces manifestations de solidarité ainsi que les actions menées par une partie de la société civile pour les empêcher.
M. Okafor a jugé pertinent de se pencher sur cette question car les mesures prises par certains États, organisations régionales et groupes de la société civile pour incriminer ou réprimer l’expression de la solidarité internationale envers les migrants en situation irrégulière et les réfugiés ont de lourdes conséquences sur les droits de l’homme.
Il a indiqué qu’au total, il existe environ 285 millions de personnes ayant fui leurs foyers depuis que le monde dispose de données fiables sur de tels mouvements de population. En réalité, a-t-il constaté, le monde n’est pas confronté à « une crise de nombre » mais bien « à une crise de solidarité ». Cette « crise », a-t-il insisté, est davantage le produit de l’absence de volonté de bien trop de pays à accepter autant de réfugiés que possible qu’une conséquence de l’ampleur perçue du nombre total de ceux ayant besoin de protection. Tandis qu’à peine 10 États du Nord fournissent 75% du budget onusien consacré à la protection des réfugiés, huit pays du Sud accueillent, à eux seuls, 90% des réfugiés dans le monde. Il en découle que la « crise » actuelle de protection des réfugiés est une crise de « responsabilité équitablement partagée » émanant d’une solidarité internationale insuffisante.
L’Expert indépendant a signalé que, dans les réponses des États et d’autres parties prenantes aux flux mondiaux de réfugiés, il existe de nombreuses lacunes en matière de solidarité internationale fondée sur les droits de l’homme, et que cela avait eu des répercussions néfastes sur les droits de l’homme des réfugiés, illustrées par le problème universel des « boat people ». Il a estimé, à cet égard, que l’adoption de mesures qui limitent ou refusent l’accès aux territoires des États membres de l’Union européenne à des réfugiés potentiels, notamment des mesures repoussoirs et d’expulsions collectives, constitue une autre importante lacune.
M. Okafor a également noté que les partis politiques extrémistes, les groupes d’autodéfense, voire paramilitaires, ont également pris des mesures contre « ceux qui agissent en solidarité avec les réfugiés et migrants », et que des groupes racistes de la société civile comme « la droite alternative » continuent de s’opposer à toute forme de solidarité avec les réfugiés. Dans certains pays, des particuliers et groupes armés vont même jusqu’à patrouiller les frontières de leur pays pour bloquer ou encercler les réfugiés irréguliers, s’est-il alarmé. En raison de l’ampleur du problème, l’Expert indépendant a recommandé à l’Assemblée générale de veiller à l’adoption et à la pleine application, et le cas échéant, à la révision et au renforcement, du Pacte mondial sur les réfugiés.
Dialogue interactif
Au nom du Mouvement des pays non alignés, le Venezuela a rappelé que la solidarité internationale et les droits de l’homme représentent des valeurs fondamentales et historiques sur lesquelles s’est fondé le Mouvement, citant en exemple la coopération Sud-Sud. Cette coopération contribue à la réalisation du droit au développement sur la base des principes de respect de la souveraineté, de l’intégrité nationale, d’indépendance et de non-ingérences dans les affaires internes. Il a ajouté que, lors de sa conférence ministérielle de juillet dernier à Caracas, le Mouvement a reconnu que la solidarité constituait l’expression la plus élevée de respect, d’amitié et de paix entre les États.
Cuba a accusé les États-Unis d’utiliser la solidarité internationale pour imposer leur politiques xénophobes et racistes. « Ceux qui construisent des murs ne feront jamais preuve de solidarité », a-t-elle lancé, ajoutant que tous les États doivent partager ce qui fait leurs richesses. Elle a ainsi précisé qu’elle faisait profiter d’autres États de son expertise en matière de santé et d’éducation.
La Fédération de Russie a dit voir les limites de la solidarité internationale dans l’absence d’aide aux réfugiés et dans les lacunes de l’action des États face aux flux migratoires. Elle a accusé des groupes d’autodéfense nationalistes et des milices d’empêcher l’entrée de migrants, notamment dans les pays de l’Union européenne. Soulignant que la cause première de la crise migratoire actuelle est la politique d’ingérence étrangère dans les affaires d’États souverains, elle a regretté que cet aspect ait échappé à l’Expert indépendant.
L’Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale a convenu que l’idée de la solidarité internationale est indispensable à la réalisation des droits de l’homme, et ce, dans tous les domaines qui sont liés aux souffrances humaines. La solidarité internationale peut s’exprimer de diverses manières, a précisé M. Okafor, selon qui on peut parler de solidarité préventive et de solidarité réactive.
Il a également fait observer que certains types de solidarité ne conduisent pas forcément à la jouissance des droits de l’homme, citant en exemple la solidarité de groupes d’extrême droite ou d’opposants aux migrants. Ce pourquoi M. Okafor a expliqué qu’il a parlé de solidarité basée sur les droits de l’homme, pour circonscrire cette expression. Il a précisé que lors de son intervention liminaire, il avait souhaité dire que la construction de mur n’est pas une expression de solidarité.
M. Okafor a partagé l’inquiétude de la Fédération de Russie face aux tentatives de restreindre toute forme de migration, notant que les migrations régulières sont elles aussi menacées. Les actions de ces groupes privés sont une source d’alarme, a-t-il affirmé.
Exposé du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association
M. CLÉMENT NYALETSOSSI VOULE, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, a expliqué que son nouveau rapport examine comment la fermeture de l’espace civique exacerbe l’exclusion des personnes vivant dans la pauvreté et perpétue les privilèges des puissants.
Il a souligné que les acteurs de la société civile sont des partenaires clefs du développement quand ils peuvent librement se rassembler et s’associer: la société civile est nécessaire pour renforcer la cohésion sociale et la gouvernance démocratique, et faciliter le dialogue et les partenariats entre les communautés, a-t-il insisté. Grâce à la liberté de rassemblement et d’association, la société civile peut participer au développement et assurer aussi la transparence et la reddition de comptes dans la mise en œuvre des stratégies de développement et d’élimination de la pauvreté. Pour ceux qui vivent dans la pauvreté et aux marges de la société, a-t-il ajouté, pouvoir se rassembler est un pas vers l’autodétermination et pour se sentir membres à part entière de la société, agents autonomes de leur propre développement.
Pourtant, malgré ces constats établis, l’espace de participation de la société civile n’a fait que se rétrécir et se fermer au fil des années, et cette tendance préoccupante n’a fait que se renforcer: nombre de gouvernements recourent à des mesures extrajuridiques pour supprimer les libertés individuelles et civiles de manifester pacifiquement, de se rassembler et de s’exprimer. Mais ces États ignorent qu’ils portent ainsi préjudice à leurs programmes de développement alors que séparer droits humains et développement est à la fois contraire au droit international et une mauvaise politique, a-t-il affirmé.
M. Voule a notamment alerté que la corruption bat des records dans les espaces de restriction des libertés civiques tandis que l’exploitation des travailleurs s’en trouve facilitée. Le risque de conflits augmente alors que la capacité d’adaptation et la résilience aux crises climatiques sont amoindries.
De plus, un lien direct peut être établi entre la fermeture de l’espace public et les occasions économiques ratées, l’instabilité économique et le creusement du fossé économique.
Tout ceci montre à quel point la croissance et le progrès économiques sont fragiles sans de réelles avancées des libertés civiques, a-t-il insisté, en se disant néanmoins « encouragé » par nombre d’États où les bonnes pratiques ont garanti un environnement juridique, politique, économique et social permettant à la société civile de jouir pleinement de ses droits.
Dialogue interactif
La Suisse a voulu savoir comment les entreprises, qui sont des acteurs de développement, peuvent contribuer à créer un espace favorable à l’action de la société civile dans les pays où elles ont des activités.
La République tchèque a demandé des exemples positifs du dialogue avec la société civile, tandis que l’Indonésie a réclamé des exemples de bonnes pratiques.
Quelle mesure chaque acteur peut-il prendre pour élargir le droit des plus pauvres à exercer leur droit de réunion, a demandé à son tour l’Estonie, qui s’exprimait au nom des pays nordiques et des pays baltes. Le Mexique a ensuite souhaité obtenir des exemples de contribution de la société civile aux initiatives d’élimination de la pauvreté.
Les États-Unis ont constaté que les droits fondamentaux sont bafoués dans de nombreux pays du monde, souvent sous des prétextes de lutte antiterroriste ou de sécurité nationale, citant notamment la province du Xinjiang, en Chine, le Tibet, l’Iran, « où des objecteurs de conscience ont été emprisonnés », et le Nicaragua, où le nombre des manifestations se réduit en raison des craintes de répression. Ils ont fait aussi état de restrictions des droits de réunion et d’association en Ouzbékistan, au Togo et au Kazakhstan. Enfin, la délégation a demandé au Rapporteur spécial de commenter les tendances dont il a été témoin.
L’Union européenne a convenu que les restrictions juridiques qui limitent les espaces civiques dans le monde entier posent un problème fondamental pour ce qui est du développement. Elle a demandé des exemples de bonnes pratiques et de résultats positifs dont le Rapporteur spécial aurait été témoin au cours de ses visites et recherches.
Les Pays-Bas ont estimé que les bailleurs de fonds peuvent jouer un rôle essentiel en créant des partenariats avec la société civile et ont voulu savoir comment resserrer ces liens.
La Fédération de Russie s’est dite surprise par le choix du thème retenu par le Rapporteur spécial, estimant que la question de la liberté de réunion et d’association mériterait plutôt d’être traitée sous l’angle des droits économiques et sociaux. Elle a demandé au Rapporteur spécial d’adopter à l’avenir une approche plus équilibrée dans le choix de ses recherches pour ne pas outrepasser le mandat qui lui a été confié.
La République islamique d’Iran a estimé que le nombre de manifestations relevées sur son territoire est la preuve du haut niveau de démocratie qu’elle pratique, « d’autant plus que des mesures ont été prises pour restreindre les activités de la police ». Elle a cependant fait valoir que si les défenseurs des droits de l’homme ont la responsabilité de protéger les droits humains, les gouvernements ont, eux, la responsabilité de protéger l’ordre public.
La Chine a rejeté les « allégations sans fondement » des États-Unis, affirmant qu’il n’y a pas de problème de droits de l’homme au Xinjiang et que les activités relevées sont des activités antiterroristes qui ne prennent aucunement pour cibles des groupes ethniques ou religieux.
Le Royaume-Uni s’est préoccupé de l’impact des outils de surveillance visant à dissuader les défenseurs des droits de l’homme de se réunir « comme ils en ont le droit ».
Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association a insisté sur la nécessité d’impliquer la société civile dans le processus de développement, expliquant que son rapport vise à faire changer la donne qui veut voir la société civile comme un trouble. La société civile est en effet considérée dans certains pays comme un agent étranger, comme un agent contre le développement, alors que « la société civile ne doit pas être vue comme un ennemi au développement, mais comme un agent de développement ».
En réponse à la Fédération de Russie qui estime que ce rapport relèverait d’un autre mandat, M. Voule a expliqué que son mandat inclut les causes de restriction de la société civile.
À ceux qui ont demandé des exemples de bonnes pratiques, M. Voule a répondu que, s’il n’a pas eu le temps de les développer à l’oral, des exemples figurent dans la déclaration écrite qui a été distribuée. Il en a tout de même développé un: en Tunisie, la société civile a organisé une communauté en coopérative et a pu développer une production de dattes. La vente de ces fruits a ensuite permis à la communauté de payer une ambulance, de couvrir les frais de scolarité, et de réduire la pauvreté. Il est important d’encourager ce type d’action, a-t-il souligné.
Par ailleurs, a poursuivi M. Voule, les entreprises, en tant qu’acteurs du développement, doivent s’engager elles aussi à protéger l’espace civique. Car un espace civique protégé est une garantie pour l’entreprise de mener des affaires à long terme, a-t-il souligné. De plus, l’organisation des travailleurs en syndicats permet d’éradiquer la pauvreté en permettant de discuter de questions importantes en lien avec les revenus et conditions de travail. Les entreprises doivent pouvoir s’engager à travailler avec les communautés, et les griefs ne doivent pas être perçus comme une menace à la production de l’entreprise mais comme un indicateur de la manière dont elles peuvent s’améliorer, a développé M. Voule.
Sur la manière de créer des liens entre les États et la société civile, M. Voule a souligné que la société civile ne doit pas être considérée comme un ennemi, mais comme un rappel aux gouvernements du sentiment des communautés. Lorsque l’espace civique est fermé, on donne ce sentiment aux citoyens qu’ils n’ont pour seuls moyens que des moyens non démocratiques. M. Voule a ensuite précisé, en réponse à l’Iran, que ce n’est pas parce qu’un manifestant devient violent dans une manifestation que cette manifestation n’est pas pacifique: il appartient aux forces de l’ordre de retirer ce manifestant de la manifestation.
Le Rapporteur spécial a jugé important de continuer de mener des études sur des indicateurs, soulignant que dans les pays où la société civile est libre d’entreprendre, il y a moins de pauvreté.
Il est important de faire de la place aux société civiles, de leur permettre de s’organiser et de pouvoir critiquer les politiques, a dit M. Voule, qui a conclu son intervention en racontant que la société civile lui dit souvent: « Nous aimons notre pays, nous voulons contribuer au développement de ce pays, mais les lois de ce pays ne nous laissent pas faire notre travail. »
Exposé du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne
C’est en pensant à tous les défenseurs des droits de l’homme assassinés parce qu’ils défendaient « nos droits fondamentaux et dont les meurtriers courent encore dans la nature » que M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne, a décidé de consacrer son rapport aux questions d’impunité. En cette nécessaire quête de la vérité, de la réparation et de la non-répétition des violences, un constat est inlassablement le même partout: l’impunité est l’une des meilleures armes pour ceux qui veulent saper les fondements de l’état de droit.
Dans certains pays, elle est un fléau qui touche indistinctement la population, mais force est de constater qu’elle est de plus en plus souvent instrumentalisée pour faire taire ceux qui se battent pour l’état de droit, a-t-il dit. Tout d’abord, a-t-il fait observer, s’il a choisi de présenter ce rapport devant à l’Assemblée générale des Nations Unies c’est parce que la lutte contre l’impunité est avant tout « un choix politique » tout comme le fait de ne pas s’y attaquer et de la laisser se développer. Sinon, s’est-il interrogé, comment expliquer que dans certains pays, 98% des assassinats contre des défenseurs restent impunis? Pour lui, ce ne sont pas des actes isolés car ils font partie de modes d’action qui cherchent à intimider et à réduire durablement au silence les voix critiques.
Pire, les violations et attaques contre les défenseurs sont souvent perpétrées par les États eux-mêmes ou traitées avec complaisance par des gouvernements qui ne considèrent pas la question des droits humains comme fondamentale. Il a pu mesurer, au travers de ses visites officielles au Mexique, au Honduras et en Colombie, à quel point cette lutte, aux causes structurelles nombreuses, ne peut être gagnée que si l’ensemble de la société se mobilise et que si les appareils étatique, judiciaire et policier sont repensés de manière systémique.
Il a prévenu qu’à moins de répondre avec force au problème de l’impunité, le cycle de violence à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme se perpétuera, entravant ainsi la réalisation des droits de tous.
M. Forst a ensuite indiqué que pour les seules années 2017 et 2018, les Nations Unies ont vérifié 431 meurtres (au rythme de huit par semaine) de défenseurs des droits de l’homme, journalistes et syndicalistes dans 41 pays. Qu’est ce qui a été fait pour punir les responsables de la mort du Brésilien Rosenildo Pereira de Almeida et 10 autres défenseurs des droits à la terre, tués lors du massacre de Pao d’Arco? Ou encore la disparition forcée du défenseur camerounais des droits de l’homme Franklin Mowha? Et qu’a-t-on fait pour rendre justice à la défenseuse des droits des femmes, Loujain Al-Htahloul, détenue arbitrairement et torturée en Arabie saoudite? Il a également cité le cas de la journaliste indienne Rana Ayuub, menacée sur Internet et ailleurs, et les actes d’intimidation à l’encontre du Russe Sergey Belogorokhoy, défenseur de l’environnement ou des défenseurs ouïghours qui cherchent à intervenir auprès de l’ONU.
S’il ne peut fournir de statistiques sur l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes en l’absence d’informations officielles, M. Forst a prévenu que peu de régions dans le monde sont épargnées par l’impunité.
Il a rappelé qu’en vertu du droit international des droits de l’homme, les défenseurs doivent avoir accès à des recours accessibles et efficaces, tandis que les États ont l’obligation d’enquêter sur toute violation des droits de l’homme. Il a également expliqué que les défenseurs font face à des obstacles supplémentaires pour accéder à la justice en raison de leur travail, à commencer par l’absence de volonté politique, de pratiques négligentes, des ressources limités des organes d’enquête, ainsi que de l’échec à enquêter sur la responsabilité des « auteurs intellectuels » et l’influence des groupes puissants. Qui plus est, certaines catégories de défenseurs qui sont le plus à risque font également face à des formes de discrimination systémiques.
Il a précisé que son rapport donne quelques directives en matière d’enquête sur les violations dont sont l’objet les défenseurs des droits de l’homme, soulignant que combattre l’impunité est non seulement une obligation morale mais également juridique pour les États.
Dialogue interactif
Le Mexique a voulu savoir quelles ont été les expériences du Rapporteur spécial sur la participation de la communauté internationale au renforcement des mécanismes de protection.
L’Irlande a voulu en savoir plus sur le rôle des entreprises pour la promotion des droits de l’homme et leur respect.
L’État de Palestine a appelé à la libération d’Omar Shakir, voyant dans sa détention le mépris que réserve Israël aux défenseurs des droits de l’homme, et a voulu savoir quelles mesures prendre pour assurer la responsabilisation d’Israël.
La France a expliqué qu’elle s’emploie à lutter contre les violations des droits des journalistes, avocats, lanceurs d’alerte ou personnes impliquées dans la protection de l’environnement. Cela implique, selon elle, d’inviter les pays à lutter contre l’impunité dont bénéficient ceux qui portent atteinte aux droits fondamentaux et aux défenseurs des droits de la personne.
Les États-Unis se sont préoccupés de la situation des défenseurs des droits de l’homme au Venezuela, au Zimbabwe, dans le Xinjiang et en Iran, « où le régime a emprisonné plus de 700 objecteurs de conscience et défenseurs des droits de l’homme ». Par ailleurs, en Syrie, le régime Assad emprisonne systématiquement et torture des milliers d’opposants, tandis qu’en Russie, les défenseurs des droits de l’homme sont régulièrement harcelés et font même l’objet d’attaques violentes, ont-ils décrié. La République arabe syrienne est alors intervenue pour prier la délégation américaine de respecter les pratiques des Nations Unies et le nom de son pays.
Que peut-on faire contre les attaques en ligne et pour la responsabilisation de leurs auteurs? a demandé l’Australie, appuyée par l’Allemagne.
Le Brésil a mis en avant le programme national destiné à protéger les défenseurs des droits de l’homme, y compris contre les représailles, et s’est par ailleurs réjoui d’accueillir le Rapporteur spécial en 2020.
La Slovénie a souhaité savoir quels seraient les meilleurs mécanismes pour protéger ceux qui œuvrent dans les zones rurales.
Le Royaume-Uni s’est préoccupé des menaces subies par les défenseurs dans l’espace numériques.
Pour sa part, la Colombie s’est enorgueillie du fait que, depuis l’élection du Président Duque, les atteintes aux droits et libertés des défenseurs des droits de l’homme ont été réduites de 30%.
Alors que le Canada et la Norvège ont demandé des exemples de bonnes pratiques sur les mécanismes spéciaux d’enquête visant à défendre les droits de la personne, la Belgique a relevé les lignes directrices que doivent suivre les entreprises.
La République tchèque a appelé au renforcement de l’indépendance des organes d’enquête et judiciaires. Elle a également souhaité savoir comment des outils comme le protocole sur l’identification des violences sexistes à l’égard des femmes peuvent servir d’inspiration à l’échelle régionale et internationale.
Comment mieux combiner les efforts pour lutter contre l’impunité pour les violations des droits de l’homme à l’encontre à la fois des journalistes et des défenseuses et défenseurs des droits de l’homme? a demandé à son tour la Suisse, avant que l’Union européenne ne fasse part de son appui au renforcement de la reconnaissance du rôle des défenseurs des droits.
L’Indonésie a voulu en savoir davantage sur les méthodes utilisées par le Rapporteur spécial, tandis que la Fédération de Russie a jugé évident qu’une protection efficace des défenseurs des droits de l’homme ne peut être garantie que par une justice compétente.
Comment les entités de l’ONU peuvent-elles agir dans les régions où elles ne peuvent se rendre? a voulu savoir la Géorgie, évoquant la situation en Abkhazie et en Ossétie du Sud, « où les défenseurs continuent de subir des violations de leurs droits ».
Les Pays-Bas ont demandé aux États d’encourager la participation des défenseurs des droits de l’homme aux discussions des Nations Unies et de traduire en justice les auteurs d’atteintes contre ces personnes. Ils ont aussi voulu en savoir plus sur la manière dont les États pourraient adopter une approche différenciée intersectionnelle à ce sujet.
La Chine a fait valoir que le terme « défenseur des droits de l’homme » n’a pas de définition universellement reconnue et est souvent utilisé de manière abusive. Traiter différemment les défenseurs des droits de l’homme revient à mettre en cause l’état de droit et à contrecarrer la lutte contre l’impunité, a estimé la délégation, qui a d’autre part indiqué que les personnes citées dans le rapport de M. Forst ne sont pas des défenseurs des droits de l’homme. Elle a enjoint le Rapporteur spécial de ne plus s’ingérer dans ses affaires et de ne plus faire de commentaires irresponsables.
Le Cameroun a souhaité savoir quelles mesures permettraient de lutter contre toutes les formes d’impunité en l’absence d’une catégorie juridique formelle des défenseurs des droits de l’homme.
Après avoir cité Aristote, la République arabe syrienne a fustigé l’agression des États-Unis à son encontre. Ce pays continue d’occuper une partie du pays et lui impose des mesures unilatérales, a-t-elle dénoncé.
Suite à cette série de commentaires, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne a précisé que la pierre de touche de son mandat, c’est la résolution qui en fait un mandat de coopération, un mandat qui lui permet d’apporter une expertise aux États, plutôt qu’un mandat de dénonciation.
Il a expliqué que la responsabilité première de lutter contre l’impunité revient aux États, mais que d’autres acteurs ont aussi un rôle à jouer, notamment les entreprises transnationales. Des lignes directrices pourraient guider les efforts des entreprises dans leur lutte contre l’impunité.
Sur les attaques digitales et l’utilisation des réseaux sociaux pour attaquer les défenseurs des droits de l’homme, M. Forst a recommandé d’essayer de convaincre les entreprises qui gèrent ces réseaux d’agir.
Les défenseurs vivant dans les régions isolées devraient être l’objet d’une attention suffisante de la part de la communauté internationale, a également recommandé M. Forst. Il a encouragé les ambassadeurs à se rendre dans ces régions pour rencontrer ces défenseurs, notamment les défenseurs des droits sexuels et reproductifs, ceux qui travaillent sur les identités de genre et l’identité sexuelle, qui peuvent être rejetés lorsqu’ils se plaignent à la police à cause de la sensibilité du sujet.
Que faire avec les États qui n’ont pas de volonté politique de s’attaquer aux causes profondes de la lutte contre l’impunité? M. Forst a donné des éléments de réponse, en indiquant que les parlements, les organisations régionales, les organisations transrégionales, la communauté des démocraties sont des cadres dans lesquels les États peuvent parler aux États.
Quant aux défenseurs qui sont dans des pays dont l’autorité de l’État est « faible », M. Forst a indiqué qu’il consacrera un prochain rapport à la question des défenseurs qui vivent dans des situations de conflit, postconflit ou dont l’autorité de l’État est faible, et formulera à cette occasion des recommandations.
Le Rapporteur spécial Forst a enfin remercié les États qui ont soutenu ses efforts lors de ses visites et a proposé une visite de suivi au Mexique et à la Colombie afin de voir si les recommandations de son rapport ont été utiles.
Pour terminer, M. Forst a eu un mot pour « ceux qui doutent de l’appellation de défenseur »: il y a 20 ans, a-t-il expliqué, tous les États ont adopté une définition commune qui a été largement acceptée par tous les États. Les défenseurs sont l’objet de plus d’attaques que les autres, ce pourquoi il y a davantage besoin de mécanismes de protection pour eux, a conclu M. Forst.