Soixante-quatorzième session,
3e séance – matin
AG/DSI/3624

Première Commission: l’élimination des armes nucléaires reste « la plus haute priorité de l’ONU en matière de désarmement »

Le coup d’envoi du débat général de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a été donné, ce matin, par la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, qui a relayé les messages du Secrétaire général figurant dans son programme « Assurer notre avenir commun: un programme de désarmement ».  La séance, pendant laquelle une vingtaine de délégations ont pris la parole, a été marquée par les interventions des groupes régionaux –qui ont notamment appelé au désarmement nucléaire et au contrôle des armes classiques– et par celle des États-Unis, qui ont plaidé pour une « ère nouvelle en matière de contrôle des armes » tout en s’en prenant vivement à la Fédération de Russie et à la Chine. 

La question du désarmement doit être au premier plan des activités de l’ONU, en atténuant les risques et en tenant compte de l’évolution des nouvelles technologies, a déclaré le Président de l’Assemblée générale, M. Tijjani Muhammad-Bande, à l’ouverture du débat général.  C’est ce que fait « Assurer notre avenir commun: un programme de désarmement », a ensuite souligné Mme Nakamitsu, qui a présenté ce programme comme la réponse de M. Guterres à la détérioration de l’environnement sécuritaire mondial et à l’érosion du mécanisme multilatéral de désarmement. 

Un des quatre piliers du programme, « le désarmement pour sauver l’humanité », alerte sur la menace existentielle que fait peser la présence massive d’armes nucléaires, a poursuivi la Haute-Représentante.  Celle-ci a ensuite invité les délégations de la Première Commission -qui, à ce jour, n’ont réussi à se mettre d’accord que sur une partie de leur programme de travail- à trouver des solutions novatrices pour parvenir à l’élimination totale des arsenaux nucléaires, cet objectif demeurant « la plus haute priorité de l’ONU en matière de désarmement ».

Mme Nakamitsu a ainsi souhaité que la prochaine Conférence d’examen du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), l’année prochaine, soit l’occasion de prendre des mesures fortes restaurant l’autorité du régime découlant du Traité.  Elle a estimé que rien de décisif en matière de désarmement nucléaire ne pouvait être accompli sans l’implication active des États dotés de l’arme nucléaire. 

À cet égard, le Royaume-Uni a rendu compte de discussions récentes menées par les cinq puissances nucléaires officiellement reconnues par le TNP.  Il a annoncé que ces dernières présenteraient leur doctrine de défense lors d’un événement parallèle à la Conférence d’examen de 2020 et que la France organiserait l’an prochain une réunion technique sur l’élaboration d’un traité interdisant les matières fissiles, lequel ne pourra être négocié que dans le cadre d’une Conférence du désarmement revitalisée. 

Pour sa part, l’Union européenne a condamné « le lancement répété de missiles balistiques par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) » qui empêche la dénucléarisation de la péninsule coréenne.  Tout comme l’Allemagne, l’Union européenne s’est également inquiétée des récentes annonces par la République islamique d’Iran de l’abandon de certaines des dispositions prévues par le Plan d’action global commun conclu en 2015 et dénoncé en mai 2017 par les États-Unis.  Le Plan d’action a en revanche été cité comme exemple de succès par le Mouvement des pays non alignés.

Les États-Unis ont pour leur part appelé à un basculement du cadre stratégique et doctrinaire actuel, « hérité de la guerre froide », vers une nouvelle ère dans le domaine du contrôle des armements.  Ils ont ensuite affirmé qu’il n’était plus possible d’ignorer la réalité: la Chine et la Russie sont déterminées à saper l’ordre démocratique mondial né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et fondée par les Nations Unies. 

Dénonçant les « régimes non démocratiques » qui, en défiant l’ordre fondé sur des règles, oublient les liens entre sécurité et désarmement et désarmement et démocratie, le représentant américain a accusé la Russie d’être un « contrevenant en série » des accords de sécurité et lui a imputé la pleine responsabilité de la fin du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire.  Il a ensuite exhorté la Chine, « puissance nucléaire la moins transparente de toutes », à sortir de son silence continu sur les questions nucléaires, une attitude qu’il a qualifiée de « déstabilisante ».  Les États-Unis appellent tous les États Membres « attachés au mode de vie démocratique » à demander à la Chine et à la Russie de les rejoindre à la table des négociations, afin d’y lancer « une ère nouvelle dans le contrôle des armes et la recherche de la paix et de la sécurité internationale ». 

Les pays d’Amérique latine et du Groupe africain, pour qui les près de 2 000 milliards de dollars de dépenses militaires annuelles devraient plutôt être consacrées à la réalisation des objectifs de développement durable, ont fait entendre leur voix sur le fléau des armes classiques, qui affectent 50 millions de personnes victimes de conflits armés dans le monde.

La Communauté des Caraïbes a ainsi rappelé l’importance que les États de la région accordent à la pleine mise en œuvre du Programme d’action de l’ONU sur les armes légères, estimant que son succès repose sur une mobilisation constante de la coopération internationale pour éradiquer ces arsenaux qui alimentent violence et instabilité régionales.  De même, pour être efficace, l’autre dispositif phare de lutte contre les armes classiques que constitue le Traité sur le commerce des armes doit être mis en œuvre de bonne foi par tous, « à commencer par les pays qui fabriquent, exportent et importent des armes classiques ».

Le Groupe africain, par la voix de la Zambie, a tenu à réaffirmer l’attachement du continent au programme « Faire taire les armes d’ici à 2020 » de l’Union africaine, lequel, a-t-il salué, complète efficacement les mesures prises dans le cadre du Programme d’action sur les petites armes. 

La Première Commission poursuivra son débat général demain, vendredi 11 octobre, à 10 heures. 

Déclarations liminaires

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ, Président la Première Commission, a déclaré que « nous vivons dans une ère d’incertitude », marquée par une hausse constante des dépenses militaires mondiales et une intensification d’un commerce des armes « sans scrupule ».  Il a ainsi noté, qu’en 2018, près de 2 000 milliards de dollars avaient été consacrés aux dépenses militaires.  L’insécurité mondiale s’accroît en même temps que l’érosion des traités de désarmement s’accentue, y compris le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), a déclaré M. Llorentty Solíz. 

Pour le Président de la Première Commission, tandis que la Conférence du désarmement est dans l’impasse depuis 20 ans et que la Commission du désarmement n’est pas parvenue cette année à s’accorder sur son programme de travail, les travaux au sein de la Première Commission sont plus importants et déterminants que jamais.  Le Secrétaire général des Nations Unies ne s’y est pas trompé, a-t-il indiqué, qui nous a demandé de mettre la personne humaine au centre de nos délibérations.  M. Llorentty Solíz a invité instamment les délégations à conduire des négociations « ouvertes à toutes les délégations » dans un état d’esprit « faisant le pari que nos résolutions et nos décisions feront la différence dans le quotidien des populations ». 

M. TIJJANI MUHAMMAD-BANDE, Président de l’Assemblée générale, a souligné l’importance primordiale des questions de désarmement dans l’ordre du jour des activités des Nations Unies.  Nous ne pourrons pas progresser vers la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 si nous ne vivons pas dans un monde sûr, a-t-il estimé, avant de mettre l’accent sur les liens entre les objectifs de développement, de maintien de la paix et de la sécurité. 

Le Président de l’Assemblée générale a jugé essentiel que le mécanisme de désarmement puisse travailler dans les meilleures conditions, avant de rappeler l’urgence d’éviter toute prolifération « verticale ou horizontale » des armes nucléaires.  Il a dit l’importance de la tenue en 2020 de la prochaine conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). 

Alors que se prépare la septième Réunion biennale des États Membres pour le Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre, M. Muhammad-Bande a exhorté à traiter tous les aspects de la prévention des conflits.  Toutes les délibérations des Nations Unies devaient répondre aux attentes des peuples que nous servons. 

 « Je vous demande de traiter de tous les moyens de prévenir les conflits en tenant compte de la situation spécifique des femmes avant, pendant et après les conflits », a aussi dit M. Muhammad-Bande, avant de préciser que nous ne parviendrons à aucun de nos objectifs si nous excluons la moitié de la population mondiale de nos travaux en matière de désarmement. 

La question du désarmement doit être au premier plan des activités de l’ONU en atténuant les risques et en tenant compte de l’évolution des nouvelles technologies, a poursuivi le Président, qui a précisé que l’Assemblée générale avait mis en place deux processus visant à faciliter des discussions dans les domaines de l’information et des télécommunications, citant le Groupe de travail à composition non limitée et le Groupe d’experts gouvernementaux.  « Ne pas faire de mal » doit être le slogan des États Membres, a insisté M. Muhammad-Bande, avant d’appeler à être cohérent en reconnaissant l’importance du multilatéralisme et en donnant suite aux accords qui ont été signés.

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a rappelé que c’est en réponse à la détérioration de l’environnement sécuritaire mondial et en raison de l’érosion des dispositifs internationaux de contrôle des armes que le Secrétaire général avait lancé, l’an dernier, l’initiative « Assurer notre avenir commun: un programme de désarmement ».  Ce programme, a-t-elle ajouté, replace le désarmement au centre des efforts internationaux pour maintenir et promouvoir la paix et la sécurité dans le monde.  Mme Nakamitsu a salué à cet égard l’engagement de 19 États et organisations régionales regroupés sous la bannière « Champions of Supporters » à mettre en œuvre le programme.  Elle a précisé que l’un des piliers du programme, « Le désarmement pour sauver l’humanité », alerte sur la menace existentielle que continue de faire peser la présence massive d’armes nucléaires.  À cette aune, a-t-elle dit, cette menace doit nous motiver pour trouver des solutions novatrices et décisives pour parvenir à l’élimination totale de ces arsenaux, cet objectif demeurant la plus haute priorité des Nations Unies en matière de désarmement.

Mme Nakamitsu a exhorté les États Membres à encourager les parties au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques (New START) à aller plus loin dans les négociations à venir sur des réductions supplémentaires.  Elle a également demandé instamment aux États de redoubler d’efforts pour accélérer l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) et de relancer les négociations multilatérales sur un traité interdisant la production des matières fissiles à des fins militaires. 

Si elle a salué l’adoption, en 2017, du Traité d’interdiction des armes nucléaires, la Haute-Représentante a rappelé que le désarmement nucléaire, tel que prévu par les résolutions pertinentes de l’ONU, ne pourrait être réalisé sans l’implication des États dotés.  Aussi a-t-elle préconisé que, dans l’immédiat, des terrains d’entente soient trouvés pour régler les questions relatives notamment aux nouvelles vulnérabilités causées par les technologies émergentes et pour bâtir des capacités techniques efficaces de vérification du désarmement nucléaire.  Selon elle, c’est à ce prix que le régime du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) pourra être sauvegardé. 

Mme Nakamitsu a, par ailleurs, formé le vœu que la première conférence sur l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires dans la région du Moyen-Orient, qui se tiendra l’an prochain à New York, permette d’avancer dans la réalisation de cet objectif datant de 1995 et, partant, qu’elle ait une incidence positive sur la Conférence d’examen du TNP de 2020. 

Sur le fléau des armes classiques, qui, a-t-elle indiqué en citant des chiffres du Comité international de la Croix-Rouge, affecte 50 millions de personnes victimes de conflits armés dans le monde, la Haute-Représentante a rappelé l’importance d’élaborer une déclaration politique destinée à renforcer la protection des civils contre les armes explosives dans les zones peuplées.  La septième Réunion biennale des États pour l’examen de la mise en œuvre du Programme d’action de l’ONU sur les armes légères, qui se tiendra en juin prochain, donnera l’occasion aux États d’avancer de manière constructive dans la prise en compte des différents développements technologiques récents, a-t-elle estimé.  Mme Nakamitsu s’est en outre réjouie de l’établissement en cours de « Saving Lives Entity », une initiative développée par son Bureau, le Bureau d’appui à la consolidation de la paix et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) pour promouvoir, au niveau national, une approche programmatique et holistique destinée à juguler la violence armée et le flux d’armes légères et de petit calibre (ALPC).  J’appelle les États donateurs à appuyer cette nouvelle approche et remercie ceux ayant déjà apporté leurs contributions à cet effort, a-t-elle ajouté. 

La Haute-Représentante a ensuite averti que, sans transparence et normes de régulation adaptées, les innovations technologiques, qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de technologies spatiales émergentes, de véhicules aériens téléguidés ou d’armes hypersoniques, auront des conséquences négatives sur la sécurité collective.  Pour cette raison, le Secrétaire général appelle à la tenue de discussions approfondies dans les enceintes spécialisées de l’Organisation et dans les organismes régionaux pour, notamment lutter contre la fréquence et la sévérité des cyberattaques, qui se multiplient à un rythme inquiétant, a-t-elle dit. 

Concernant précisément les véhicules aériens téléguidés, Mme Nakamitsu, qui a rappelé que les attaques contre l’Arabie saoudite condamnées par le Secrétaire général avaient été menées par ce moyen-là, a indiqué que le Bureau des affaires de désarmement, avec l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), préconisait la prise de mesures rapides pour renforcer le contrôle de ces nouvelles catégories d’armes. 

Aux délégations de la Commission, la Haute-Représentante a rappelé que le mécanisme de désarmement onusien était le baromètre de la sécurité internationale.  Alors que la Commission du désarmement n’a pas pu tenir cette année, et ce pour la première fois depuis 2005, sa session de fond, et tandis que la Conférence du désarmement est au point mort depuis plus de deux décennies, il est plus urgent et nécessaire que jamais que la Première Commission enregistre cette année des résultats significatifs, a-t-elle conclu. 

Débat général sur tous les points de l’ordre du jour touchant le désarmement et la sécurité internationale

Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. PANGERAN IBRANI SITUMORANG (Indonésie) s’est inquiété de l’augmentation des dépenses militaires au niveau mondial en suggérant que la réduction de ces dépenses pourrait servir le développement durable.  Il a regretté le manque de volonté des pays détenteurs de l’arme nucléaire pour désarmer, ainsi que les nouvelles doctrines qui visent à la modernisation de ces armes et de leurs vecteurs.  Le représentant a de nouveau exhorté les pays détenteurs de l’arme nucléaire à respecter leurs obligations juridiques et à s’engager vers un désarmement nucléaire total, d’une manière transparente, irréversible et vérifiable au niveau international.

M. Situmorang a jugé décevante l’incapacité à trouver un consensus pour la mise en œuvre d’une zone exempte d’armes nucléaires dans la région du Moyen-Orient, en raison des oppositions exprimées par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, lors de la conférence d’examen du TNP en 2015.  Il a estimé que la non-mise en œuvre de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient minait la crédibilité du TNP.  Il a salué la tenue en novembre 2019, sous la présidence de la Jordanie, de la première session de la conférence pour la mise en œuvre d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.  « Le Mouvement appelle tous les États de la région à participer activement à cette conférence et à négocier de bonne foi pour parvenir à un traité juridiquement contraignant pour cette zone », a ajouté son représentant.  Il a aussi précisé que la non-prolifération tirait sa légitimité de l’objectif plus large du désarmement nucléaire. 

Par ailleurs, le Mouvement des pays non alignés estime que les politiques de non-prolifération ne doivent pas porter atteinte aux droits inaliénables des États d’acquérir, d’avoir accès à, d’importer ou exporter des matériels, équipements et technologies nécessaires à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.  Faisant référence à la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité, il a souhaité que les futures résolutions du Conseil ne viennent porter atteinte aux principes de la Charte des Nations Unies, aux traités existants relatifs aux armes de destruction massive, aux travaux des organisations internationales et aux positions de l’Assemblée générale. 

M. Situmorang a rappelé la conclusion positive des négociations nucléaires entre l’Iran et le groupe E3/EU+3 qui s’était traduite par un Plan d’action global commun adopté par la résolution 2231(2015) du Conseil de sécurité. 

En outre, M. Situmorang a mis l’accent sur les nouveaux défis liés à l’abrogation du Traité sur les systèmes antimissiles balistiques alors que le développement et le déploiement de tels systèmes antimissiles se double désormais de la menace de la militarisation de l’espace.  « Le Mouvement des pays non alignés rejette les déclarations des États-Unis qualifiant l’espace de « zone de combat » ou de « prochain champ de bataille », a dit le représentant, avant de saluer les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale, d’appeler au lancement de travaux de la Conférence du désarmement sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace. 

Le représentant du Mouvement des pays non alignés a aussi condamné fortement le recours illicite aux nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC) au détriment des États Membres.  Dans ce contexte, il a salué la convocation d’un Groupe de travail à composition non limitée chargé de travailler, sur la base du consensus, à développer des règles, des normes et des principes de comportements responsables de la part des États.  Il l’a appelé à continuer d’étudier la possibilité de tenir des dialogues institutionnels réguliers, de voir comment appliquer le droit international à l’utilisation par les États des technologies de l’information et des communications et d’imaginer des mesures de renforcement de la confiance et de développement de capacités.  Il a noté les conclusions des rapports 2013 et 2015 du Groupe d’experts gouvernementaux qui insistent que le droit international, en particulier la Charte de l’ONU, est pertinent et essentiel pour maintenir la paix et la stabilité dans la promotion d’un environnement des TIC ouvert, sûr, accessible, stable et pacifique. 

Enfin, le représentant du Mouvement a jugé urgent de continuer à travailler à la préparation d’un instrument juridiquement contraignant relatif au système d’armes létales autonomes.  Il a souhaité que cette question soit débattue conformément au droit international, au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme.  Les États membres du Mouvement des pays non-alignés qui sont parties à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques saluent l’adoption par consensus du rapport 2019 du Groupe d’experts gouvernementaux sur la question. 

M.  KYAW MOE TUN (Myanmar), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a soutenu le programme complet pour le désarmement du Secrétaire général, qui a été lancé en mai 2018.  Compte tenu de la menace pour l’humanité que représentent les armes nucléaires, l’ASEAN soutient également les initiatives et discussions relatives aux conséquences humanitaires de ces armes, a précisé le représentant. 

Pour l’ASEAN, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) reste la pierre angulaire du régime de non-prolifération mondial et le représentant a exhorté tous les États parties à renouveler leur engagement en faveur de la pleine application des obligations existantes, en particulier celles qui découlent de l’Article VI, qui dispose que « chacune des parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ». 

À cet égard, l’ASEAN félicite la Malaisie pour les efforts inlassables qu’elle a déployés dans des circonstances difficiles en présidant le troisième Comité préparatoire du TNP.  Ce Comité préparatoire a soumis des recommandations qui ont envoyé un message positif malgré l’absence de consensus, a estimé le représentant.  L’ASEAN en appelle à toutes les parties, y compris aux puissances nucléaires, à faire preuve de bonne foi et de volonté politique ainsi qu’à promouvoir la compréhension mutuelle et la coopération, de manière à pouvoir obtenir des résultats tangibles lors de la Conférence d’examen de 2020, pour parvenir au désarmement nucléaire.

Les pays de l’ASEAN réaffirment également leur détermination à préserver la zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive dans leur région.  Le représentant a d’ailleurs relevé l’importance de ce type de zone régionale pour le régime de non-prolifération, et a plaidé en faveur de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires dans la région du Moyen-Orient. 

L’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires en juillet 2017, en plus du Traité sur la zone exempte d’armes nucléaires de l’Asie du Sud-Est et d’autres traités sur des zones de ce type, représente, selon le délégué, un pas essentiel vers le désarmement nucléaire mondial.  Le Traité de juillet 2017 complète le régime de non-prolifération existant, a-t-il estimé, avant de saluer les récentes signatures et ratifications par certains pays de la région de ce traité, « autant de pas en avant pour l’entrée en vigueur rapide de cet instrument juridiquement contraignant ».

Abordant la situation dans la péninsule coréenne, le représentant a appelé à la reprise d’un dialogue constructif en vue de parvenir à « la paix et la stabilité dans une péninsule dénucléarisée », notamment à travers la pleine application de la Déclaration de Panmunjom, la Déclaration conjointe de Pyongyang et de la Déclaration conjointe des États-Unis et de la République populaire démocratique de Corée (RPDC).

L’ASEAN réaffirme, par ailleurs, que chaque État a le droit d’accéder aux usages pacifiques des technologies nucléaires.  Elle a l’intention de renforcer sa coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur des questions ayant trait à la sécurité et aux garanties nucléaires.  Le représentant a rappelé que l’ASEAN avait signé les arrangements pratiques avec l’AIEA en septembre 2019 en vue de promouvoir la coopération dans les domaines des sciences et des technologies nucléaires, leurs applications, ainsi que la sûreté et les garanties nucléaires. 

Mme KITTY SWEEB (Suriname), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a déclaré que l’escalade des tensions et les conflits entre États, l’influence grandissante des acteurs non étatiques mal intentionnés, la prolifération des nouvelles menaces à la sécurité et l’internationalisation du terrorisme étaient autant de défis auxquels il fallait apporter des réponses stratégiques multilatérales.  Seul le multilatéralisme peut transformer positivement la donne internationale en des opportunités bénéfiques à l’ensemble de l’humanité, a-t-elle affirmé. 

La représentante a ensuite souligné combien la criminalité organisée et la violence armée, qui prospèrent grâce à la prolifération d’armes et de munitions illicites, le trafic de stupéfiants, le blanchiment d’argent et le cybercrime, entravent le développement socioéconomique des pays de la CARICOM.  Elle a expliqué à cet égard que CARICOM IMPACS, une agence régionale de sécurité qui lutte de manière multidimensionnelle contre la criminalité organisée, concentre son action sur le traçage des armes et munitions illicites et la poursuite en justice des auteurs d’actes criminels.  Ce qu’entreprend la CARICOM en matière de sécurité collective est guidé par l’idée que le développement durable de nos sociétés dépend de leur niveau de sécurité et du bien-être des citoyens, a-t-elle expliqué. 

S’agissant des dispositifs onusiens de désarmement, Mme Sweeb a réitéré l’importance que la CARICOM accorde à la pleine mise en œuvre du Programme d’action de l’ONU sur les armes légères, dont le succès, a-t-elle souligné, repose sur une mobilisation constante de la coopération internationale pour éradiquer ces arsenaux.  Elle a précisé que la Déclaration de la CARICOM sur les armes légères et de petit calibre (ALPC) prévoyait le développement et la mise en œuvre de plans d’action nationaux en phase avec le Programme d’action et destinés notamment à renforcer les capacités des structures nationales et régionales ainsi que les cadres juridiques et politiques pertinents.  Sur le Traité sur le commerce des armes, Mme Sweeb, qui est brièvement revenue sur la cinquième conférence des États parties tenue récemment, a attiré l’attention sur la nécessité que cet instrument, pour être efficace, soit mis en œuvre de bonne foi par tous, à commencer par les pays qui fabriquent, exportent et importent des armes classiques. 

Concernant les armes de destruction massive, y compris les armes nucléaires, la représentante a rappelé que la CARICOM avait été la première région densément peuplée au monde à se déclarer, via le Traité de Tlatelolco, zone exempte d’armes nucléaires.  Soulignant les risques pour l’existence même de l’humanité d’une reprise incontrôlée de la course aux armements nucléaires, elle a réaffirmé le rôle central du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales et rappelé le caractère historique de la signature, le 20 septembre 2017, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN).  De nombreux pays de la CARICOM doivent bientôt signer et ratifier le Traité, contribuant ainsi à son entrée en vigueur future et à son universalité, a-t-elle conclu. 

M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte), au nom de la Coalition pour un nouvel ordre du jour (NAC), a expliqué que, tout au long de l’année dernière, ce groupement interrégional qui travaille à la réalisation de progrès concrets en matière de désarmement nucléaire, avait plaidé pour que soient prises en matière nucléaire des mesures irréversibles, vérifiables, transparentes, concrètes et qui se renforcent mutuellement, ainsi que pour le respect des obligations et engagements qui découlent du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). 

Le représentant a constaté la lenteur des progrès et a réfuté l’argument de l’émergence de nouveaux défis pour la sécurité internationales pour justifier cette lenteur.  « L’environnement sécuritaire mondial n’est pas une excuse pour l’inaction », a-t-il lancé, « c’est au contraire la preuve qu’il faut agir urgemment ».  Ce qui manque, selon le représentant, ce ne sont pas des conditions favorables mais la volonté politique et la détermination.  Pour la Coalition, le désarmement nucléaire représente à la fois une obligation juridique internationale et un impératif moral et éthique.  M. Edrees s’est indigné que, malgré le consensus international croissant sur l’illégitimité du recours aux armes nucléaires, il existe toujours environ 15 000 dispositifs nucléaires et que ces armes restent au cœur des doctrines sécuritaires des puissances nucléaires et de ceux qui ont conclu des alliances avec ces puissances. 

Pour la Coalition, une telle situation ne contribue en rien à la paix et la sécurité mondiales.  Au contraire, a accusé le représentant, cela ne fait qu’aggraver les tensions et les conflits et mettre en jeu le bien-être collectif des pays et des peuples ainsi que la réalisation des objectifs de développement durable.  Le statu quo sur le désarmement nucléaire est inacceptable, a poursuivi M. Edrees en rappelant que le TNP est entré en vigueur il y a près de 50 ans.  Il est grand temps que les États respectent enfin leurs obligations sous le TNP « au nom de la sauvegarde des générations futures », a-t-il exigé, en ajoutant qu’il y allait de l’intégrité et de la survie du désarmement nucléaire et du régime de non-prolifération.

Le représentant a rappelé que le TNP avait été adopté et indéfiniment prolongé sur la base d’une « grande entente » selon laquelle les puissances nucléaires s’engageaient juridiquement à parvenir au désarmement nucléaire et qu’en contrepartie, les pays non nucléaires s’engageaient à ne pas développer de telles armes.  Le Plan d’action de la Conférence d’examen du TNP de 2010 a réaffirmé les décisions prises en 1995 et 2000, y compris les 13 pas essentiels, pour parvenir à l’application de l’Article VI du TNP, a rappelé M. Edress.  Il a également mis en exergue la contribution importante des zones exemptes d’armes nucléaires aux efforts de désarmement nucléaire et a réitéré, à cet égard, l’importance de la mise en œuvre rapide de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient.  La Coalition prend note de la décision 73/546 de l’Assemblée générale qui charge le Secrétaire général de convoquer une conférence pour l’élaboration d’un traité sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, sur la base d’accords librement passés entre les pays de la région.

Pour la Coalition, la Conférence d’examen du TNP de 2020 représente une opportunité pour les États parties de faire une évaluation complète du statut actuel du Traité, de la mise en œuvre des obligations et engagements précédents et des défis posés à son application.  Il est temps que la communauté internationale traduise ses mots en actions concrètes sur la base de repères et d’échéanciers clairs et acceptés, a conclu le représentant.

M. MOEZZ LAOUANI (Tunisie), au nom du Groupe des États arabes, a affirmé que l’établissement de la paix et la sécurité ne se ferait pas tant qu’il resterait des armes nucléaires dans le monde.  Il a ainsi dit sa grave préoccupation face à l’absence de progrès dans le désarmement nucléaire.  Il a estimé que le refus d’Israël d’adhérer au Traité de non-prolifération et de placer ses installations nucléaires sous la surveillance du régime de garantie de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) représentait une menace à la paix et une violation de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité. 

Le Groupe des États arabes souhaite que tout soit mis en œuvre pour parvenir à une zone exempte d’armes nucléaires dans la région du Moyen-Orient.  M. Laouani a salué la tenue de la conférence convoquée en Jordanie en novembre 2019 en vertu de la résolution 73/46 de l’Assemblée générale avec pour objectif de parvenir à un traité visant à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires dans la région du Moyen-Orient.  Il a indiqué que le Groupe arabe présenterait à la Commission un projet de résolution intitulé « menace de prolifération nucléaire au Moyen-Orient ».

Par ailleurs, M. Laouani a appelé à des initiatives pour éviter la militarisation de l’espace extra-atmosphérique.  Le Groupe arabe salue les progrès observés dans le contexte de discussions de fonds par le Groupe des experts gouvernementaux en relation avec les menaces que constituent les nouvelles technologies. 

Le représentant a aussi mis l’accent sur la nécessité de promouvoir le Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre et le Traité sur le commerce des armes afin de tout mettre en œuvre pour que ces armes ne tombent plus entre les mains de groupes non étatiques.  Dans ce contexte, il s’est félicité de l’adoption du document de clôture de la troisième Conférence d’examen du programme d’action.  En ce qui concerne la cybersécurité, il a salué le renforcement de la coopération internationale pour lutter contre les nouvelles menaces liées au développement de nouvelles technologies.  Il a exhorté les Nations Unies à développer des normes de sécurité en la matière. 

M. HÉCTOR ENRIQUE JAIME CALDERÓN (El Salvador), au nom du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), a estimé que le contrôle des armements était essentiel au maintien de la paix au niveau régional.  La violence, urbaine en particulier, est surtout liée à la présence de marchés d’armes classiques d’origine illicite.  C’est pourquoi les États membres du SICA mettent l’accent sur la prévention du trafic illicite d’armes légères et de petit calibre en liant leurs législations nationales au Programme d’action de l’ONU sur les armes légères, a-t-il expliqué. 

Le représentant a également souligné que la priorité du SICA était de diminuer le détournement de ces armes vers des acteurs non étatiques.  Pour garantir la mise en œuvre des mesures internationales et régionales, « la coopération est une condition indispensable », a-t-il insisté.  Tout contrôle des armes classiques et de leurs munitions doit avoir pour objectif la prévention des conflits et des violations du droit international et du droit humanitaire, a-t-il encore estimé. 

M. Calderón a par ailleurs insisté sur l’importance d’une pleine mise en œuvre des objectifs de développement durable, une action partagée qu’entrave l’augmentation des dépenses militaires dans le monde.  Il a ainsi appelé les États à utiliser les ressources consacrées « vainement » à ces dépenses pour soutenir la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  S’agissant du mécanisme de désarmement onusien, le représentant a déploré qu’il soit l’otage de positions politiques inconciliables.  La Conférence du désarmement doit pouvoir s’acquitter de son mandat, qui est de négocier des traités multilatéraux, a-t-il notamment demandé. 

M. ANDRÉS JATO (Suède), au nom des pays nordiques, a rappelé que, pendant 50 ans, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires avait été la pierre angulaire du régime de désarmement et de non-prolifération.  C’est par ce Traité que la communauté internationale pourra progresser vers la réalisation d’un monde sans armes nucléaires, a-t-il ajouté, souhaitant que la Conférence d’examen de 2020 du TNP débouche sur un document final prévoyant des mesures concrètes dans le domaine précis du désarmement nucléaire. 

À cet égard, le représentant a exhorté les États dotés de faire preuve de la volonté politique requise pour mettre en œuvre les principales dispositions du Traité, notamment l’article VI sur l’élimination de leurs arsenaux.  Il a appelé à l’entrée en vigueur rapide du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN).  Sur ce dernier point, il a plaidé pour un maintien des moratoires existants jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité et a demandé instamment à la République populaire démocratique de Corée (RPDC) de le ratifier sans tarder.  Soulignant que le désarmement nucléaire renforçait la confiance et la transparence interétatiques, M. Jato a souhaité que les États-Unis et la Russie, qui ont mis fin au Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, trouvent un nouvel accord sur la réduction des armes non stratégiques, et relancent l’application du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques (New START).  De telles avancées représenteraient une contribution de choix en vue de la prochaine Conférence d’examen du TNP, a-t-il jugé. 

M. Jato a conclu en appelant à défendre le multilatéralisme: « Lors de nos délibérations et négociations sur le désarmement et la non-prolifération, donnons l’exemple en le revitalisant en nous concentrant sur ce qui nous unit, et non sur ce qui nous sépare », a-t-il dit. 

M. LAZAROUS KAPAMBWE (Zambie), au nom du Groupe africain, a d’abord constaté la lenteur des progrès dans la signature et la ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires adopté en 2017 et a appelé les États Membres à suivre l’exemple des 21 États africains qui l’ont déjà ratifié, pour un total de 32 États parties actuellement.

Le Groupe africain réaffirme en outre le rôle central des zones exemptes d’armes nucléaires pour la consolidation du TNP et la paix et la sécurité internationales, mais également pour le renforcement du régime de non-prolifération des armes nucléaires.  C’est dans cet esprit que les pays du Groupe restent engagés en faveur du Traité de Pelindaba qui affirme le statut de zone exempte d’armes nucléaires de l’Afrique.  Dans la même veine, le Groupe africain reste préoccupé par le fait que la résolution de 1995 sur la création d’une telle zone au Moyen-Orient soit restée lettre morte.  Il salue l’organisation d’une Conférence des pays du Moyen-Orient, sous les auspices des Nations Unies, pour négocier un traité juridiquement contraignant sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient.  « La résolution de 1995 reste une partie intégrale et essentielle de l’ensemble des mesures et la base sur laquelle se fonde le consensus qui avait été trouvé sur l’extension indéfinie du TNP cette année-là », a fait valoir le représentant.

Le Groupe africain exhorte aussi les pays, et en particulier les puissances nucléaires, à prendre en considération les catastrophes humanitaires catastrophiques de l’utilisation des armes nucléaires sur la santé, l’environnement et les ressources économiques essentielles.  M. Kapambwe a insisté sur le fait que l’existence et la possession d’armes nucléaires ne garantit en rien la sécurité, mais exacerbe au contraire les risques de leur potentielle utilisation.  Notre monde, y compris l’espace extra-atmosphérique, doit être exempt d’armes nucléaires et de destruction massive, a-t-il insisté en mettant l’accent sur la responsabilité qu’ont les puissances nucléaires de cesser de moderniser, d’améliorer et de prolonger la vie de leurs arsenaux et installations nucléaires.  Le Groupe africain appelle en outre à l’universalisation du TICE et salue la récente ratification de ce traité par le Zimbabwe. 

Le Groupe africain souhaite la reprise le plus rapidement possible du travail de fond de la Conférence du désarmement, dans l’impasse depuis des années, ce qui l’empêche de s’acquitter de son mandat en tant qu’unique forum multilatéral de négociations sur le désarmement.  Le Groupe africain exprime également ses graves préoccupations face à l’incapacité de la Commission du désarmement d’organiser ses sessions organisationnelles et de fond en 2019 et espère qu’il sera possible de régler les questions qui sous-tendent cette situation et d’éviter la politisation de ses travaux, pour que la Commission puisse reprendre ses travaux de fond en 2020.  Le représentant a également regretté qu’il n’ait pas été possible de parvenir à un consensus quant au point à son ordre du jour relatif au désarmement nucléaire.

Enfin, le Groupe africain exhorte les États parties au Traité sur le commerce des armes à l’appliquer de manière équilibrée et objective, en veillant à protéger les intérêts de tous les États et pas seulement ceux des plus grands producteurs et exportateurs d’armes.  À cet égard, le Groupe africain tient à réaffirmer le droit souverain de chaque État d’acquérir, produire, exporter, importer et posséder des armes classiques, ainsi que leurs pièces et composants, à des fins de sécurité et d’autodéfense.  Il reconnaît cependant que le transfert d’armes classiques vers des destinataires non autorisés par leurs gouvernements alimente les conflits et le terrorisme.  S’agissant des armes légères et de petit calibre, le représentant a réitéré l’attachement de l’Afrique au Programme d’action des Nations Unies pour prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite de ce type d’arme ainsi que l’attachement du continent au programme « faire taire les armes d’ici 2020 » de l’Union africaine.  Cela exige cependant des efforts concertés de la part de tous les membres de la communauté internationale, a remarqué le représentant.

M. JACEK BYLICA, Envoyé spécial pour le désarmement et la non-prolifération de l’Union européenne, a dit combien l’Union européenne et ses États membres étaient inquiets des tensions internationales et régionales et de la détérioration de l’environnement sécuritaire.  Celles-ci affectent l’architecture de la non-prolifération et du désarmement et risquent de nous entraîner dans une spirale de la course aux armements, de conflits et de violence. 

Face à ce constat, l’Union européenne appelle à préserver tous les processus de désarmement et de non-prolifération.  L’Union européenne souhaite en particulier se concentrer en 2020 sur la réussite de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  Il a souhaité que le cinquantième anniversaire de l’entrée en vigueur de ce traité soit l’occasion d’assurer son succès.  « L’Union européenne soutien les trois piliers du TNP et continuera de promouvoir une application équilibrée de son plan d’action 2010 », a-t-il insisté, avant de souligner l’objectif ultime de parvenir à l’élimination de toutes les armes nucléaires.  Il a ajouté que les États membres de l’Union européenne étaient engagés dans une variété de processus et initiatives visant à renforcer les régimes de désarmement et de non-prolifération. 

L’Union européenne soutient les quatre mesures du programme du Secrétaire général pour le désarmement et souhaite l’universalisation et l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN).  Elle souhaite aussi le lancement immédiat de négociations, dans le cadre de la Conférence du désarmement, en vue d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes nucléaires.  M. Bylica a précisé que l’Union européenne finançait des processus de renforcement de la confiance sous l’égide de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR) pour parvenir à une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient. 

Par ailleurs, M. Bylica a regretté que certains États ne respectent pas leurs obligations et jugé impératif d’identifier les auteurs des attaques chimiques observées en Syrie.  Il a condamné les violations continues par la Syrie de ses obligations en tant qu’État partie à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.

M. Bylica s’est aussi inquiété des mesures prises par l’Iran depuis le mois de juillet, qu’il a jugées contraires aux engagements de ce pays au regard du Plan d’action global commun.  Il a regretté le retrait des États-Unis de ce plan avant d’exhorter l’Iran à s’abstenir de toutes nouvelles mesures et à faire preuve d’une totale coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique. 

« Le lancement répété de missiles balistiques par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) constitue une violation de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et empêche la réalisation d’une péninsule coréenne exempte d’armes nucléaires », a par ailleurs dénoncé M. Bylica.  Il a exhorté la RPDC à s’abstenir de toute nouvelle provocation et à prendre des mesures concrètes pour restaurer la confiance et abandonner tous ses programmes nucléaires et de missiles balistiques de manière complète, vérifiable et irréversible. 

En outre, l’Envoyé spécial a estimé que les deux principaux détenteurs d’arsenaux nucléaires portaient une responsabilité particulière en matière de contrôle et de désarmement nucléaires.  Il s’est dit particulièrement inquiet que le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire n’ait pu être préservé après avoir constitué pendant près de 30 ans un pilier de la sécurité européenne.  Il a regretté que la Fédération de Russie n’ait pas donné suite aux multiples inquiétudes exprimées concernant son non-respect dudit traité.  Il a assuré que l’Union européenne continuerait d’encourager les États-Unis et la Fédération de Russie à réduire leurs arsenaux nucléaires, stratégiques ou non stratégiques, et à poursuivre des discussions sur le renforcement de la confiance, la transparence et la vérification.  

S’agissant des défis liés aux nouvelles technologies en relation avec le cyberespace, M. Bylica a salué les discussions lancées par le Groupe de travail à composition ouverte et le Groupe des experts gouvernementaux (GEC).  Il a souligné la nécessité de parvenir à un cyberespace libre dans lequel s’applique les normes du droit international.  Il a dit l’importance de la session 2019 du Groupe d’experts gouvernementaux sur la question. 

M. AIDAN LIDDLE (Royaume-Uni) a rappelé la discussion en cours entre les cinq puissances dotées de l’arme nucléaire et reconnues comme telles par le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  Il a d’abord mis l’accent sur le fait que le Traité fournissait encore le cadre dans lequel s’exerce le droit de toutes les parties à un usage pacifique de l’énergie nucléaire.  Cette dimension du Traité doit être promue et partagée en ce qu’elle bénéficie potentiellement à l’ensemble de l’humanité dans les domaines de la santé et du développement, a-t-il fait valoir. 

Le représentant a également souligné que le Traité, qui a contribué et contribue encore au désarmement nucléaire, était toujours utile pour apaiser les tensions internationales et créer les conditions de la stabilité, de la sécurité et de la confiance entre les nations.  Assurant que les cinq États dotés restaient pleinement engagés à réaliser l’objectif d’un monde sans arme nucléaire en respectant le principe d'une sécurité non diminuée au niveau d'armement le plus bas, M. Liddle a assuré que ces États apportaient un soutien constant au travail de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et encourageaient activement l’universalisation du TNP. 

Le représentant a ensuite évoqué une réunion des délégations des cinq États dotés tenue le 8 octobre dernier, à New York, au cours de laquelle il a été décidé que ces derniers présenteraient leurs doctrines nucléaires dans le cadre d’un événement parallèle à la Conférence d’examen du TNP de 2020.  Lors de cette réunion, nous avons aussi salué l’initiative de la France d’organiser, à Paris, le 19 septembre 2020, une réunion d’experts des cinq États dotés de l’arme nucléaire sur les questions techniques posées par l’élaboration d’un traité interdisant les matières fissiles à des fins militaires, a-t-il encore indiqué, avant d’annoncer que la neuvième conférence des cinq États dotés aurait lieu à Londres en février prochain.

Mme MARÍA ANTONIETA SOCORRO JÁQUEZ HUACUJA (Mexique) a jugé inacceptable que le monde continue de vivre sous la menace de 14 000 armes nucléaires alors que nous allons célébrer les 75 ans des Nations Unies.  « Il est inacceptable que les pays qui possèdent ces armes nucléaires prétendent que ces armes protègent et sont utiles alors qu’elles représentent une menace à la survie pour l’humanité », a-t-elle insisté.  Pour le Mexique, la troisième conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération sera, en 2020, une occasion unique pour revitaliser le mécanisme de désarmement et d’adopter des mesures concrètes pour assurer que ces armes soient éliminées. 

La représentante s’est aussi inquiétée de l’utilisation d’autres armes de destruction massive.  Elle a jugé inacceptable que l’espace extra-atmosphérique puisse être considéré comme un espace de conflit légitime.  Enfin, elle a soutenu les différentes mesures du nouveau programme de désarmement de Secrétaire général. 

M. PETER BEERWERTH (Allemagne) a constaté que le contexte des délibérations de cette année était marqué par la montée des rivalités politiques et les évolutions technologiques, ce qui crée de nouveaux défis pour la sécurité collective.  Le contrôle des armes est de plus en plus sous pression, ce qui rend le monde actuel moins sûr, a-t-il poursuivi, en appelant à tout faire pour inverser cette tendance préoccupante et revenir à une action plus coopérative.

À la veille du cinquantième anniversaire du TNP, le représentant a remarqué que ce Traité « historique » était à la croisée des chemins.  Plus que jamais, il faut réduire les risques d’une escalade accidentelle et la transparence maximale sur les arsenaux nucléaires est de mise, tout comme la retenue militaire et un dialogue sur la perception des menaces et des doctrines a affirmé M. Beerwerth.  Cela permettrait, selon lui, d’atténuer les tensions actuelles.  Toutefois, a-t-il ajouté, « les mesures de réduction des risques ne doivent pas remplacer le désarmement nucléaire, mais plutôt contribuer à le faciliter ».

Pour sa part, l’Allemagne reste pleinement engagée en faveur d’un monde sans armes nucléaires et convaincue que cela reste possible à travers un dialogue entre puissances nucléaires et les États non dotés d’armes nucléaires.  C’est dans cet esprit que le Ministre des affaires étrangères, M. Heiko Maas, a convoqué en avril dernier, une réunion du Conseil de sécurité sur le soutien à apporter au TNP et que l’Allemagne soutient l’initiative suédoise de revitaliser le désarmement nucléaire sous le TNP.  Le TNP reste la pierre angulaire du désarmement nucléaire mondial et du régime de non-prolifération, a réaffirmé M. Bonn, qui a aussi appelé les États à accéder au TICEN.  En attendant l’entrée en vigueur de ce dernier, l’Allemagne appelle les États à maintenir leur moratoire sur les essais nucléaires et à éviter de prendre des actions contraires aux objectifs de ce traité.  Le représentant a également appelé la Russie et les États-Unis à faire preuve de leadership en prorogeant le traité New START et en l’ajustant au fur et à mesure. 

Pour le représentant, les récents essais de missiles balistiques par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) constituent une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité, y répondre est une question de crédibilité pour le TNP et pour les efforts de non-prolifération en général.  Condamnant ces essais, le représentant a assuré le plein soutien de l’Allemagne aux efforts diplomatiques américains.

Par ailleurs, l’Allemagne reste pleinement engagée dans le Plan d’action global commun conclu avec l’Iran et regrette le retrait américain de l’accord ainsi que la réimposition de sanctions à l’encontre de ce pays.  Elle est profondément préoccupée par l’annonce faite par l’Iran de ne plus vouloir respecter certaines provisions de cet accord et l’exhorte à revenir sur cette décision.  L’Iran doit pleinement coopérer avec l’AIEA, y compris sur l’accord sur les garanties de sécurité et le protocole additionnel, a estimé le représentant, qui a également demandé à l’Iran de ne pas poursuivre ses activités dans le domaine des missiles balistiques et d’arrêter ses transferts de missiles et de technologies de missiles vers des États et des acteurs non étatiques de la région, car ces transferts représentent une violation des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

Constatant que le monde est au début d’une nouvelle course aux armements alimentée en large mesure par les nouvelles technologies, M. Beerwerth a mis en garde contre le fait que l’architecture mondiale de contrôle des armements risquait d’être mise à rude épreuve par les nouveaux systèmes d’armes qui ont des fonctions autonomes, les instruments de cyberguerre et les nouvelles technologies dont bénéficient les missiles.  C’est pour toutes ces raisons que le Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne a convoqué un dialogue cherchant à « capturer les technologies » et « repenser le contrôle des armes », dialogue qu’il souhaite poursuivre avec ses partenaires de l’ONU, a expliqué le représentant.  En ce qui concerne le cyberespace, le représentant a également attiré l’attention sur la complexité du défi de maintenir un Internet libre, stable, sûr et accessible pour tous, en appelant à renforcer le cadre normatif existant.

M. THOMAS G. DINANNO (États-Unis) a axé son intervention sur la nature et les causes de la détérioration de l’environnement sécuritaire international, « qui sapent actuellement les efforts de désarmement nucléaire ».  Aujourd’hui, l’approche héritée de la guerre froide, avec ses traités bilatéraux ne couvrant qu’un type limité d’armes nucléaires, ne suffit plus, a-t-il lancé.  Pour le représentant américain, le contrôle des armes doit entrer dans une nouvelle ère, ère dans laquelle la Chine et la Russie seront autour de la table de négociations pour y démontrer leur volonté réelle de réduire le risque nucléaire.  Il a affirmé qu’il n’était plus possible d’ignorer la réalité, à savoir que la Chine et la Russie étaient déterminées à saper l’ordre démocratique mondial né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et fondé par les Nations Unies. 

Le représentant a pointé du doigt les régimes « non démocratiques » qui défient l’ordre fondé sur des règles et qui oublient, ce faisant, les liens entre sécurité et désarmement et désarmement et démocratie.  Actuellement, des régimes non démocratiques comme la Russie et la Chine renforcent leurs arsenaux et sont impliquées dans des activités qui sapent notre possibilité de progresser sur la voie du désarmement, a-t-il affirmé.  Accusant la Russie d’être un contrevenant en série des engagements européens en matière de sécurité et de poursuivre une stratégie délibérée de destruction de la souveraineté de ses voisins, M. Dinanno a imputé à ce seul pays la fin du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire.  Au lieu de respecter ses obligations, la Russie a mis au point de nouvelles armes, dont nombre d’entre elles ne seront pas visées par le nouveau Traité de réduction des armements stratégiques, a-t-il déclaré.  Le représentant a également exhorté la Russie à prendre des mesures concrètes pour empêcher le régime syrien d’utiliser « de nouveau » des armes chimiques contre son propre peuple. 

M. Dinanno a d’autre part exhorté la Chine, qu’il a désignée comme étant la puissance nucléaire la moins transparente de toutes, de sortir de son silence continu sur les questions nucléaires, une attitude qu’il a qualifiée de déstabilisante.  Le représentant a appelé tous les États Membres attachés au mode de vie démocratique et qui partagent un intérêt sincère à voir progresser la cause du désarmement, à demander à la Chine et à la Russie de rejoindre les États-Unis à la table des négociations, cela pour y initier « une ère nouvelle dans le contrôle des armes et la recherche de la paix et de la sécurité internationale ». 

Droits de réponse

Réagissant à la déclaration de l’Union européenne, de l’Allemagne et de la Suède au nom des pays nordiques, le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a expliqué que le tir de missiles faisait partie de mesures de défense face aux menaces constantes subies par son pays dans la péninsule coréenne.  Il a invité ces délégations à exhorter les États-Unis à prendre des mesures telles qu’un moratoire sur les essais nucléaires.  Il leur a suggéré de demander aux États-Unis d’accepter un calendrier de retrait de leurs armes nucléaires de la péninsule coréenne.  Il a prévenu que les sanctions ne résoudraient aucun problème et ne feraient que renforcer la résilience de la RPDC. 

Réagissant à la déclaration de l’Union européenne, le représentant de la République arabe syrienne a regretté les « accusations infondées » proférées par le représentant et a invité ce dernier à se rappeler qu’il n’avait qu’un statut d’observateur.  Il a ajouté que les politiques coloniales des Européens avaient été la source de deux guerres mondiales et de 100 millions de morts.  Il a accusé « certains États de l’Union européenne » d’avoir fourni des agents toxiques à des combattants terroristes en Syrie.  Il a dénoncé « l’hypocrisie et les mensonges des États-Unis » en matière de désarmement, en rappelant que les États-Unis ont utilisé l’arme nucléaire au Japon et de nombreuses armes chimiques au Viet Nam.  Il s’en est également pris à Israël, rappelant que ce pays était le seul du Moyen-Orient à posséder des armes nucléaires et qu’il possédait en outre des armes chimiques. 

 

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