En cours au Siège de l'ONU

Soixante-quatorzième session,
44e séance plénière – matin
AG/12225

Assemblée générale: les références aux soins de santé sexuelle et procréative et aux assouplissements prévus par l’Accord sur les ADPIC sapent le consensus

L’Assemblée générale a adopté ce matin, par consensus, la résolution* annuelle sur « la santé mondiale et la politique étrangère », après être passée à un vote sur les dispositions relatives aux soins de santé sexuelle et procréative et aux assouplissements prévus par l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, dit « Accord sur les ADPIC ».

La résolution intitulée « Une démarche intégrée visant à renforcer les systèmes de santé » et ses 43 paragraphes de fond ont été présentés par la France, au nom des sept membres de l’initiative « Diplomatie et santé », regroupant l’Afrique du Sud, le Brésil, la France, l’Indonésie, la Norvège, le Sénégal et la Thaïlande.  Cette initiative a comme objectif à la fois de plaider en faveur d’une plus grande reconnaissance des synergies entre la santé mondiale et la politique étrangère et de promouvoir les questions de santé mondiale à l’Assemblée générale.

L’inclusivité, le thème choisi pour cette année, prône une approche inclusive double: une inclusivité en matière de gouvernance et une inclusivité en matière d’accès aux soins de santé.  La première inclusivité suppose l’association de la société civile à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de santé.  L’objectif est de permettre aux citoyens de faire les meilleurs choix pour leur propre santé, mais aussi de participer pleinement aux débats sur les choix de politique publique visant à assurer la pérennité et à renforcer la résilience du système de soins dont ils bénéficient.  L’inclusivité en matière d’accès aux soins de santé implique de fournir les services de santé, les médicaments ou les vaccins à l’ensemble des populations, y compris les plus difficiles d’accès, ainsi que celles qui sont vulnérables ou en situation de vulnérabilité.

L’Indonésie, qui coiffera l’initiative en 2020, a dit avoir choisi le thème « Couverture sanitaire accessible à tous » pour revitaliser l’initiative et traduire la coopération en actions et résultats concrets et abordables pour tous.  Il faudra, a-t-elle expliqué, impliquer tous les acteurs, dont le secteur privé et les organisations de santé.  Cette belle unanimité a été quelque peu bousculée par les États-Unis qui ont demandé un vote sur l’alinéa 13 et le paragraphe 29 de la résolution.

L’alinéa 13, qui a finalement été adopté par 121 voix pour, 8 voix contre et 19 abstentions, dispose que l’Assemblée générale réaffirme l’engagement pris d’assurer un accès universel aux soins de santé sexuelle et procréative, ainsi qu’il a été décidé dans le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement, le Programme d’action de Beijing et les documents finals des conférences d’examen qui ont suivi.  Dans son intervention, le Saint-Siège a rejeté l’interprétation selon laquelle l’avortement ou l’accès à l’avortement, l’avortement sélectif en fonction du sexe, l’avortement pour cause d’une maladie du fœtus, la maternité pour autrui et la stérilisation font partie de la santé sexuelle et procréative.  La Libye a, au nom de l’Iraq, voulu que l’on évite des « questions litigieuses » qui relèvent des choix sociaux de chaque État.  Chaque État a le droit souverain de choisir ses propres politiques, conformément à sa confession religieuse et à ses us et coutumes. 

Adopté par 148 voix pour, l’opposition des États-Unis et l’abstention du Burundi, le paragraphe 29 réaffirme le droit de se prévaloir pleinement des dispositions de l’Accord sur les ADPIC, qui prévoient d’assouplir les dispositions applicables à la protection de la santé publique et promeuvent l’accès universel aux médicaments, et des dispositions de la Déclaration de Doha sur la santé publique, dans laquelle la protection de la propriété intellectuelle est considérée importante pour le développement de nouveaux médicaments, et où sont énoncées les préoccupations concernant ses effets sur les prix.  On ne peut, a argué la Suisse, réduire les effets sur les prix des médicaments à la protection de la propriété intellectuelle; leur fixation dépendant de nombreux autres facteurs.  Elle a dit soutenir les mécanismes complémentaires au système de propriété intellectuelle, qui s’appliquent surtout en cas de défaillance du marché, lorsque le système ne génère pas d’incitations suffisantes à l’investissement.  C’est précisément la protection des droits de propriété intellectuelle qui encourage la mise au point et la distribution de médicaments « salvateurs », ont estimé les États-Unis.

L’Inde a défendu une position contraire, estimant « essentiels » l’exploitation des assouplissements prévus par l’Accord sur les ADPIC, la mise au point de médicaments génériques, le renforcement des capacités de production locales, la transparence dans la fixation des prix des médicaments et autres technologies, et les partenariats novateurs dans la recherche-développement.  Nous avons vu, s’est réjouie l’Inde, le « potentiel transformateur » de l’accessibilité quand nos entreprises pharmaceutiques ont fourni des médicaments contre le VIH/sida en Afrique pour moins d’un dollar par jour.  L’Inde, qui s’est targuée d’être le plus grand fournisseur de médicaments génériques au monde, a aussi affirmé qu’elle répond à plus de 60% de la demande mondiale de vaccins.

Après le Sommet de septembre dernier, le Japon a exprimé sa disposition à accélérer les efforts pour parvenir à une couverture sanitaire universelle d’ici à 2030.  Des manifestations telles que le deuxième Forum sur la couverture sanitaire universelle, la troisième Conférence de reconstitution de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) et le Sommet de Tokyo sur la nutrition au service de la croissance, tous prévus en 2020, prépareront le monde à la Réunion d’examen de haut niveau sur la couverture sanitaire universelle prévue à New York en 2023, a estimé le Japon.

L’Assemblée générale poursuivra ses travaux demain, jeudi 12 décembre, à partir de 10 heures, pour débattre de la culture de la paix et adopter des projets de résolution dont un sur l’enquête relative à la mort de l’ancien Secrétaire général, Dag Hammarskjöld. 

* A/74/L.26 

SANTÉ MONDIALE ET POLITIQUE ÉTRANGÈRE

Pour l’examen de cette question, l’Assemblée générale était saisie du rapport du Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur les moyens de renforcer la coordination et la coopération internationales pour répondre aux besoins constatés en matière de santé et surmonter les obstacles à l’avènement d’un monde plus sain grâce à une meilleure nutrition (A/74/470). 

Le projet de résolution intitulé « Une démarche intégrée visant à renforcer les systèmes de santé » (A/74/L.26) a été présenté par le représentant de la France, au nom des sept membres de l’initiative « Diplomatie et santé », connue sous le nom « Santé mondiale et politique étrangère » et regroupant l’Afrique du Sud, le Brésil, la France, l’Indonésie, la Norvège, le Sénégal et la Thaïlande.  M. NICOLAS DE RIVIÈRE est d’abord revenu sur l’initiative elle-même.  Il a expliqué que son objectif est à la fois de plaider en faveur d’une plus grande reconnaissance des synergies entre la santé mondiale et la politique étrangère et de promouvoir les questions de santé mondiale à l’Assemblée générale.  Chaque année, le pays coordinateur propose un thème de travail en rapport avec les sujets retenus dans le programme d’action de l’initiative « Diplomatie et santé » tel que présenté dans la Déclaration ministérielle d’Oslo en 2007. 

Le thème choisi donne alors lieu à un projet de résolution discuté par le groupe des sept en amont, à Genève, avant d’être négocié et finalisé à New York, entre tous les États Membres.  Cette année, a poursuivi le représentant, l’inclusivité est le thème du projet de résolution.  Cette approche inclusive est double, a-t-il dit: il s’agit à la fois d’une inclusivité en matière de gouvernance et d’une inclusivité en matière d’accès aux soins de santé.  La première inclusivité suppose l’association de la société civile à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de santé.  L’objectif est de permettre aux citoyens de faire les meilleurs choix pour leur propre santé, mais aussi de participer pleinement aux débats sur les choix de politique publique visant à assurer la pérennité et à renforcer la résilience du système de soins dont ils bénéficient. 

L’inclusivité en matière d’accès aux soins de santé implique de fournir les services de santé, les médicaments ou les vaccins à l’ensemble des populations, y compris les plus difficiles d’accès, ainsi que celles qui sont vulnérables ou en situation de vulnérabilité. 

À titre national, le représentant a cité l’exemple de la participation de la société civile et des communautés affectées par le sida, la tuberculose et le paludisme à la gouvernance du Fonds mondial de lutte contre ces maladies, tant à Genève que dans les pays.  Il a ajouté que la reconnaissance de l’expertise communautaire dans la programmation, la mise en œuvre et le suivi des subventions est au fondement des résultats « exceptionnels » atteints par le Fonds qui a sauvé plus de 32 millions de vies depuis sa création et dont la France est le deuxième contributeur « historique ».  À l’occasion de la sixième Conférence de reconstitution des ressources, le 10 octobre dernier, à Lyon, une somme de 14 milliards de dollars a été recueillie pour les trois années à venir. 

Le représentant a également réitéré l’appel du Président français à faire de la réduction des inégalités une des priorités de l’action de la communauté internationale.  Cela implique de garantir un accès universel à des services de santé sexuelle et reproductive ainsi qu’aux droits en matière de reproduction.  Dans les situations de catastrophe naturelle, d’urgence humanitaire et de conflit armé, la garantie de soins non discriminatoires et la prise en compte des besoins spécifiques des victimes de violences sexuelles sont « fondamentales », a insisté le représentant. 

Déclarations

M. CARLOS CASAL RODRÍGUEZ, de l’Union européenne, a souligné que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 reste le cadre directeur, y compris pour les questions de santé et de politique étrangère.  Il a exprimé l’attachement de l’Union à la promotion, à la protection et au respect de tous les droits de l’homme, y compris aux droits à la santé sexuelle et génésique.  À cet égard, M. Casal Rodríguez a salué l’importance que donne la résolution à l’accès à des soins de santé non discriminatoires pour les personnes victimes de violences sexuelles dans les catastrophes naturelles, les cas d’urgence sanitaire et les conflits armés.  Il a toutefois regretté que le texte définitif n’ait pas un libellé « plus robuste » sur les droits de l’homme.  La santé, s’est-il expliqué, est un investissement essentiel pour garantir des sociétés prospères et stables.  Les politiques de l’Union européenne mettent l’accent sur l’équité, par exemple dans l’accès aux vaccins et dans la mise à disposition sur le marché de médicaments abordables. 

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) s’est érigée d’emblée contre un monde mû par des intérêts égoïstes où le capitalisme considère la santé comme une marchandise et non comme un droit.  Partant, il serait impossible d’atteindre l’objectif 3 de développement durable et la couverture sanitaire universelle pour tous.  Selon les estimations de l’OMS, 5,4 millions d’enfants sont morts en 2017 avant leur cinquième anniversaire et 2,5 millions de ces décès ont eu lieu pendant les 28 premiers jours après la naissance.  Par ailleurs, 4,3 millions de morts ont été enregistrées en 2016 à cause du sida, de la tuberculose, du paludisme, de l’hépatite et des maladies tropicales non traitées.  Les maladies non transmissibles, quant à elle, ont été à l’origine de 41 millions de décès en 2017, autant de tragédies évitables, a commenté la représentante, qui a insisté sur la volonté politique, l’action concertée de la communauté internationale et, surtout, sur le changement d’un ordre international « injuste » pour inverser la situation mondiale dans le domaine de la santé. 

À Cuba, a-t-elle indiqué, la santé est un droit fondamental consacré par l’article 72 de la Constitution, l’État étant en effet responsable de garantir l’accès, la gratuité et la qualité des prestations sanitaires, de la protection et du rétablissement.  Ainsi, à la fin 2018, l’espérance de vie était de 78,45 ans, le taux de mortalité infantile de 4 pour 1 000 naissances, le niveau immunitaire de 98%, avec 14 maladies infectieuses éradiquées, dont 9 qui ne constituaient pas un problème de santé publique et 29 maladies transmissibles contrôlées. 

La représentante a fait observer que tous ces résultats ont été obtenus en dépit de l’isolement géographique de Cuba et de l’impact du blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis depuis 60 ans et qui vient de se durcir.  Elle en a profité pour dénoncer le Gouvernement américain qui s’attaque désormais aux programmes bilatéraux et intergouvernementaux de coopération en matière de santé, tous légitimement établis entre le Gouvernement cubain et ceux de dizaines de pays dans le respect des normes onusiennes de coopération Sud-Sud et des priorités établies par les bénéficiaires.  Elle a enfin déploré la campagne « intense et injurieuse » contre la coopération médicale qu’offre Cuba. 

M. SATOSHI EZOE (Japon) a souligné l’importance de la couverture sanitaire universelle qui, pour son pays, est la clef pour le développement économique et pour une société vieillissante.  Le Japon compte défendre la couverture sanitaire universelle partout, y compris dans des forums comme le G7 ou le G20 qu’il vient de présider.  Ici, à New York, il a cherché à faire mieux comprendre la problématique en tant que Président fondateur du Groupe des Amis de la couverture sanitaire universelle et de la santé mondiale.  Après avoir rendu hommage à la mémoire de Nakamura Tetsu, le médecin japonais tué en Afghanistan auquel il a consacré plus de 30 ans de sa vie, le représentant a insisté sur la disposition de son pays à accélérer les efforts pour parvenir à une couverture sanitaire universelle d’ici à 2020.  Des manifestations telles que le deuxième Forum sur la couverture sanitaire universelle, la troisième Conférence de reconstitution de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) et le Sommet de Tokyo sur la nutrition au service de la croissance, tous prévus en 2020, prépareront le monde à la Réunion d’examen de haut niveau sur le couverture sanitaire universelle prévue à New York en 2023, a estimé le représentant.

Enfin, il a voulu que la résolution soit la plus inclusive possible et un véritable moteur de la promotion de la santé mondiale et de la politique étrangère.  La sélection du thème, l’élaboration du texte et la facilitation des négociations doivent se faire dans l’inclusivité et la transparence pour que la résolution puisse renforcer les discussions en cours et les engagements pris dans les réunions de haut niveau de l’Assemblée.  L’« intégrité technique » de la résolution doit aussi être maintenue, grâce à l’apport des agences de l’ONU comme l’OMS, a conclu le représentant.

Il n’est d’investissement plus bénéfique que la bonne santé des gens, a souligné M. NAGARAJ NAIDU KAKANUR (Inde).  Investir dans la santé, c’est investir dans l’élimination de la pauvreté, la création d’emplois, la productivité, la croissance économique durable et bien évidemment des sociétés plus saines, plus sûres d’elles et plus justes.  Les services abordables sont la clef d’un accès équitable à la santé, a martelé le représentant, en conseillant l’exploitation des flexibilités de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC), la mise au point et l’utilisation de médicaments génériques, le renforcement des capacités de production locales, la transparence dans la fixation des coûts et des prix des médicaments et autres technologies, les partenariats novateurs dans la recherche et le développement et le recours adéquat à la médecine traditionnelle. 

Les secteurs public et privé, a poursuivi le représentant, ont un rôle à jouer dans l’édification de systèmes de santé plus solides.  Mais il a appelé à la prudence face au risque de commercialisation des services de santé.  Le système public de santé, a-t-il argué, doit agir comme « garant ».  Les gouvernements doivent assurer un leadership stratégique et des synergies entre les systèmes de santé, promouvoir des incitations claires pour obtenir l’implication des différents acteurs du secteur privé et établir des cadres réglementaires pour assurer qualité et accessibilité.  Le représentant a insisté sur la formation du personnel de santé, avant de souligner l’importance de la recherche et de l’innovation cliniques et pharmaceutiques pour renforcer les systèmes de santé. 

L’Inde, a-t-il dit, après avoir passé en revue les initiatives sanitaires de son pays, développe des médicaments, des thérapies, des pratiques et des politiques porteuses de solutions locales et mondiales aux problèmes des systèmes de santé.  Nous avons vu, s’est-il réjoui, le « potentiel transformateur » de l’accessibilité quand nos entreprises pharmaceutiques ont fourni des médicaments contre le VIH/sida en Afrique pour moins d’un dollar par jour.  L’Inde n’est pas seulement le plus grand fournisseur de médicaments génériques au monde, elle répond aussi à plus de 60% de la demande mondiale de vaccins.  Nous créons aussi des partenariats avec des pays africains pour développer des infrastructures de télémédecine, a indiqué le représentant, en conclusion. 

L’Indonésie procède actuellement à l’évaluation de la politique de couverture sanitaire universelle mise en place en 2014, a souligné M. MOHAMMAD KURNIADI KOBA.  D’ores et déjà, plusieurs étapes importantes ont été franchies, s’est-il réjoui, chiffres à l’appui.  En l’espace de cinq ans, l’assurance-maladie a couvert plus de 223 millions de personnes, soit 83,5% de la population totale.  L’État et les gouvernements locaux subventionnent à hauteur de 44% ceux qui n’ont pas les moyens de payer les cotisations.  Enfin, plus de 25 000 prestataires de soins de santé ont été enregistrés et intégrés dans le réseau de couverture sanitaire.  En plus d’élargir la couverture médicale, le Gouvernement travaille à améliorer également la qualité, l’accès et les installations des services de soins.  L’Indonésie, qui sera, l’année prochaine, Présidente de l’initiative « Diplomatie et santé », a choisi pour thème « Couverture sanitaire accessible pour tous ».  Nous souhaitons, a conclu le représentant, revitaliser l’initiative et traduire la coopération en actions et résultats concrets et abordables pour tous.  Il faudra impliquer tous les acteurs, dont le secteur privé et les organisations de santé. 

Adoption de la résolution « Une démarche intégrée visant à renforcer les systèmes de santé » (A/74/L.26)

La résolution a été adoptée par consensus après des votes séparés sur l’alinéa 13 du préambule et le paragraphe 19 du dispositif.  Adopté par 121 voix pour, 8 voix contre (Arabie saoudite, Bélarus, États-Unis, République islamique d’Iran, Iraq, Libye, Nauru et Qatar) et 19 abstentions, l’alinéa 13 se lit comme suit: « Réaffirmant l’engagement pris d’assurer un accès universel aux soins de santé sexuelle et procréative, ainsi qu’il a été décidé dans le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement, le Programme d’action de Beijing et les documents finals des conférences d’examen qui ont suivi, » 

Adopté par 148 voix pour, l’opposition des États-Unis et l’abstention du Burundi, le paragraphe 29 du dispositif se lit: « Réaffirme le droit de se prévaloir pleinement des dispositions de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC), qui prévoient d’assouplir les dispositions applicables à la protection de la santé publique et promeuvent l’accès universel aux médicaments, en particulier pour les pays en développement, et des dispositions de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, dans laquelle la protection de la propriété intellectuelle est considérée importante pour le développement de nouveaux médicaments et où sont énoncées les préoccupations concernant ses effets sur les prix; »

Explications de vote

Le représentant de la France a regretté qu’un vote ait été demandé sur l’alinéa 13 du préambule.  Cet alinéa, a-t-il dit, est rappelé de la résolution 74/2 intitulée « Déclaration politique issue de la réunion de haut niveau sur la couverture sanitaire universelle sur le thème “Œuvrer ensemble pour un monde en meilleure santé” ».  Il s’agit du paragraphe 68 qui a été très longuement négocié et adopté il y a seulement quelques semaines, sans vote, a rappelé le représentant.  Il a avancé les mêmes arguments pour le paragraphe 29 du dispositif qui est tiré de la résolution 73/132 « Une meilleure nutrition pour un monde plus sain ».  Il traite des dispositions de l’Accord sur les ADPIC, a fait observer le représentant, avant d’arguer que la résolution dans son ensemble reflète un équilibre sur tous les sujets sensibles. 

Au nom de l’Union européenne, le représentant de la Finlande a fait part de sa déception quant à la mise aux voix de l’alinéa 13, pourtant en tout point conforme à la cible 5.6 de l’objectif 5 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, relative à l’accès universel à la santé sexuelle et reproductive et aux droits reproductifs, conformément au Programme d’action de la Conférence sur la population et le développement et au Programme d’action de Beijing sur les femmes. 

La représentante de la Hongrie a souscrit aux propos de l’Union européenne et fait état du plein engagement de son pays à suivre les normes les plus élevées en matière de santé.  Elle a avoué qu’elle aurait préféré une référence « plus neutre » à la Déclaration politique issue de la réunion de haut niveau sur la couverture sanitaire universelle.

Son homologue de la République islamique d’Iran s’est dit sceptique quant à la faculté de la résolution d’atteindre les objectifs voulus.  Dans mon pays, a-t-il indiqué, les mesures coercitives unilatérales ont compliqué le financement durable des médicaments et des équipements médicaux.  Or, la résolution ne parle pas de ces mesures qui sont pourtant des obstacles à la santé publique.  Le texte, a-t-il tranché, manque d’équilibre. 

La représentante de la Suisse a voulu préciser que son pays adopte une approche large incluant tous les facteurs pertinents qui contribuent à l’accès aux produits médicaux.  Concernant le paragraphe 29 du dispositif de la résolution, elle a estimé qu’on ne peut réduire les effets sur les prix des médicaments à la protection de la propriété intellectuelle; leur fixation dépendant de nombreux autres facteurs.  En ce qui concerne les paragraphes 30, 31 et 35 se référant aux mécanismes d’incitation et de financement, elle a fait remarquer que son pays soutient les mécanismes complémentaires au système de propriété intellectuelle, qui s’appliquent surtout en cas de défaillance du marché, lorsque le système ne génère pas d’incitations suffisantes à l’investissement.  La représentante a encouragé tous les pays à contribuer aux travaux menés par l’OMS, l’OMC et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Le représentant de la Libye a souligné qu’avec l’Iraq, ils se joignent habituellement au consensus du fait de l’importance des questions abordées.  Mais cette année, a-t-il avoué, nous ne pouvons qu’inviter les États Membres à éviter les questions « litigieuses » telles que l’éducation sexuelle et la santé reproductive, qui relèvent des choix sociaux de chaque État.  Le représentant a défendu le droit souverain des États de choisir ses propres politiques, conformément à leur confession religieuse et à leurs us et coutumes.  Il a donc réitéré son opposition à l’alinéa mis aux voix. 

Son homologue d’Israël a estimé que l’objectif 3 du Programme 2030 relatif à la promotion d’une vie saine et du bien-être à tous les âges est un exemple clair de la corrélation intrinsèque entre tous les objectifs de développement durable.  Elle a souligné l’importance du droit fondamental des femmes à la santé sexuelle et reproductive et a appelé à une approche « volontariste » s’agissant des personnes âgées.  Elle a aussi appuyé le libellé sur les personnes handicapées et a encouragé à l’innovation dans les politiques nationales de santé.

Le représentant de la Fédération de Russie a relevé des dispositions controversées et des termes non agréés qui ne sont pas directement liés au thème de la résolution.  Année après année, a-t-il dénoncé, des tentatives sont faites pour dévier le cap de ce document important.  On risque, a-t-il mis en garde, de multiplier les chevauchements avec le travail des agences spécialisées de l’ONU, de détourner l’attention des problèmes urgents de coopération internationale dans l’agenda de la santé et de politiser les discussions sur les politiques sectorielles.  Nous n’appuyons pas cette approche, a tranché le représentant, qui a insisté pour que la résolution s’en tienne à la question de la santé.  Le processus de négociation n’a d’ailleurs pas été optimal, a-t-il estimé, puisque le début des consultations a coïncidé par le pic des travaux des Deuxième et Troisième Commissions, ce qui a empêché une participation active des délégations.  L’examen « sélectif » des propositions avancées par les États Membres et les modes de travail « injustes » ont suscité des préoccupations, a-t-il ajouté.  Cette précipitation inédite à mettre fin aux discussions sur un texte pourtant non agréé ne peut que mettre à mal le consensus, lequel est un élément clef du succès de tout le processus, a souligné le représentant. 

Dans ces conditions, a-t-il expliqué, nous sommes contraints de nous dissocier de plusieurs dispositions, dont l’alinéa 42, « qui interprète de manière erronée le mandat de l’OMC » alors que le paragraphe 12 du dispositif utilise un libellé non agréé sur les situations d’urgence humanitaire et la lutte contre la violence sexuelle.  Nous rejetons les références aux documents internes du Secrétariat qui piétinent les prérogatives des États Membres, en particulier dans le paragraphe 21 du dispositif.  Il est regrettable, a avoué le représentant, que nos préoccupations « légitimes » aient été ignorées.  Nous nous réservons donc le droit d’ignorer à notre tour les dispositions de la résolution qui ne correspondent pas à notre approche.

Expliquant pourquoi il a demandé les votes, le représentant des États-Unis a d’abord dénoncé le fait que le libellé important sur les droits de l’homme ait été « biffé ».  Il s’est aussi opposé aux références à la santé sexuelle et reproductive, avant d’insister sur le fait que c’est bien la protection des droits de propriété intellectuelle qui encourage la mise au point et la distribution de médicaments « salvateurs ».  Il s’est donc opposé au paragraphe 29 du dispositif.

Son homologue du Guatemala a commenté les références à la santé sexuelle et reproductive pour dire que son pays s’oppose catégoriquement à l’avortement. 

Faire en sorte que chacun ait accès aux soins de santé est une expression concrète de la solidarité, de la justice sociale et du partage équitable du bien public commun qu’est la santé, a commenté l’observateur du Saint-Siège.  Il est vrai, a-t-il poursuivi, que les défis émergents de la santé pointent sur la nécessité d’améliorer les systèmes et de les rendre capables d’offrir à tous des soins efficaces et abordables.  C’est sous cet angle, a-t-il dit, que le Saint-Siège comprend la notion de « démarche intégrée », à savoir un engagement à sauvegarder la santé de la personne qu’il s’agisse des plus vulnérables, des enfants dans le ventre de leur mère, des malades, des personnes handicapées ou des personnes âgées, et ce, à tous les âges de la vie et en tenant compte des dimensions physique, psychologique, spirituelle et émotionnelle. 

Dans de nombreux pays, a poursuivi l’observateur, ce sont les organisations religieuses et les associations confessionnelles qui assument une grande partie des responsabilités en matière de santé et de systèmes de santé.  Environ 100 000 associations catholiques de santé travaillent dans le monde auprès des populations vulnérables et dans des conditions difficiles.  Il est de notre devoir moral, a dit l’observateur, de prendre soin des autres et c’est la raison pour laquelle le Saint-Siège s’est tellement impliqué dans les négociations sur la résolution.  Nous tenons donc à réaffirmer, a-t-il dit, que le droit à la santé est intrinsèquement lié au droit à la vie et qu’il ne peut être manipulé pour mettre fin ou se débarrasser d’une vie humaine à quelque moment que ce soit, entre la conception et la mort naturelle.  L’observateur s’est donc réjoui du libellé sur la nécessité d’élargir l’accès à des soins prénataux de haute qualité.  Mais il a estimé que le manque de clarté sur les droits de l’homme ou leur importance dans le domaine de la santé conduit souvent à des manipulations et finira par compromettre les efforts visant à protéger et à promouvoir ces droits. 

Il est regrettable qu’un certain nombre de paragraphes de la résolution n’aient pas mobilisé le consensus, à cause des termes controversés ou d’un désaccord profond et bien connu.  Une telle situation affaiblit la résolution dans son ensemble et les efforts communs pour promouvoir une démarche intégrée de la santé.  Il est malheureux, a conclu l’observateur, que la résolution inclue des références profondément préoccupantes et controversées aux soins de santé et aux droits sexuels et reproductifs, comme composante des systèmes de santé.  Le Saint-Siège rejette l’interprétation selon laquelle l’avortement ou l’accès à l’avortement, l’avortement sélectif en fonction du sexe, l’avortement pour cause d’une maladie du fœtus, la maternité pour autrui et la stérilisation font partie de la santé sexuelle et reproductive.  Enfin, l’observateur a dénoncé l’absence d’une approche intégrale des risques encourus par les femmes et les filles dans les situations d’urgence humanitaire et de leurs besoins en matière de santé, de soins obstétriques et de sécurité alimentaire. 

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