L’Assemblée générale décide de poursuivre pour la onzième année consécutive ses négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité
L’Assemblée générale a convenu cet après-midi, par décision orale, de poursuivre « immédiatement » et pour la onzième année consécutive ses négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité qui porte sur cinq points: les catégories de membres permanents et non permanents, la représentation géographique, la relation avec l’Assemblée générale, la taille d’un Conseil élargi et méthodes de travail, et la question du droit de veto.
La question de la représentation équitable et de l’augmentation du nombre des membres du Conseil de sécurité, a avoué la Présidente de l’Assemblée générale, relève du processus « le plus important, le plus complexe et le plus délicat » des Nations Unies. Cette année, a poursuivi Mme María Fernanda Espinosa Garcés, les négociations intergouvernementales ont été « riches, émaillées d’idées inédites, difficiles et parfois polémiques ».
Elle a dit s’être attachée au dialogue et à la diplomatie pour rechercher le consensus et aboutir à des progrès tangibles. La Présidente a remis aux délégations les « Éléments de convergence révisés et les questions qui méritent un examen plus avant » sur lesquelles ils devront fonder la suite des négociations.
Le document n’est ni parfait ni complet, a reconnu le Luxembourg, cofacilitateur des négociations. Pas complet? L’Ukraine a dénoncé le fait que seule une « poignée de propositions » y ait été intégrée. Elle a fait observer que les cofacilitateurs ont passé sous silence son idée et celle de la Géorgie, de limiter, dans certaines situations, la faculté d’une partie à un conflit d’exercer son droit de veto. En revanche, a embrayé le Brésil, des propositions qui ont à peine été débattues figurent en bonne place dans le document qui comprend même des suggestions qui n’ont pas été clairement appuyées par les États Membres. Ce document est « un recul » par rapport au document initial, a-t-il tranché.
Mais, s’est défendu le Luxembourg, le document représente des progrès qui résultent directement de nos discussions et notre dialogue sur les questions clefs et montre qu’il faut encore rapprocher les points de vue. Une réforme, qui jouit du plus grand soutien possible, ne peut aboutir que si nous avons de meilleurs dialogues, de meilleurs échanges et une vraie volonté politique, a-t-il plaidé.
Les divergences peuvent être surmontées si l’on parvient à un accord global sur les principes qui sous-tendent la réforme elle-même, a argué le Groupe « Unis pour le consensus » par la voix de l’Italie. Notre objectif commun, a-t-elle estimé, doit être de renforcer la légitimité du Conseil aux yeux des États Membres et de l’opinion publique mondiale. Au nom du Groupe des États d’Afrique, la Sierra Leone a espéré que le large appui à la Position commune africaine, y compris l’allocation de sièges dans les deux catégories de membres, sera souligné avec exactitude à la fin de la prochaine session des négociations intergouvernementales.
Le Brésil, qui a parlé, au nom du G4 -Allemagne, Inde, Japon et Brésil-, a été plus virulent. La conduite des négociations intergouvernementales est « peut-être symptomatique » de tout ce qui ne va pas, a-t-il estimé. Il s’est étonné que les « Éléments de convergence révisés » ne reprennent pas le fait qu’une majorité d’États Membres, 80% selon l’Afrique du Sud, veut le lancement de négociations basées sur un texte. Il nous faut, a martelé le Brésil, de véritables négociations, de vrais « donnant, donnant » pour parvenir à un texte qui nous projette vers l’avant au lieu de nous répéter sans cesse. « Asseyons-nous et discutons de propositions concrètes », a-t-il pressé, appelant aussi à un processus plus ouvert et plus transparent.
Nous n’avons aucune archive officielle, a-t-il énuméré. Nos sessions ne sont pas disponibles sur le Webcast. La mémoire institutionnelle est peu fiable, voire inexistante et les documents finaux comme les « Éléments » ne nous permettent même pas d’identifier l’origine des propositions et le niveau d’appui dont elles bénéficient. La réforme du Conseil de sécurité, a-t-il prévenu, ne viendra pas des discussions abstraites et des positions répétées mais d’un vrai processus de négociations, conforme à la pratique de l’Assemblée générale. Il est désormais urgent de passer des négociations intergouvernementales à un texte de négociation, a renchéri l’Afrique du Sud. Les décisions orales comme celle d’aujourd’hui ne nous permettront pas de sortir de l’impasse. Il est temps, a-t-elle insisté, que l’Assemblée générale fixe le mandat des négociations dans une vraie résolution.
La Chine a mis en garde contre toute « précipitation » qui risquerait d’exacerber la confrontation et de nuire aux acquis. Les sessions précédentes de l’Assemblée générale ont bien montré le danger de bâcler cette question, a renchéri la Fédération de Russie.
La prochaine séance de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
QUESTION DE LA REPRÉSENTATION ÉQUITABLE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ ET DE L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE SES MEMBRES
Pour l’examen de cette question, l’Assemblée générale était saisie de deux lettres de sa Présidente datées du 14 et du 24 juin 2019 et demandant une décision sur la prolongation des négociations intergouvernementales.
Explications de position
Au nom du Groupe des États d’Afrique, Mme VICTORIA MANGAY SULIMANILA (Sierra Leone) s’est félicitée des « Éléments de convergence révisés et des questions qui méritent un examen plus avant ». Elle a tout de même regretté que la référence à la Position commune africaine reste « vague » quant à la représentation du continent dans la catégorie des membres permanents du Conseil de sécurité. Elle a espéré que le large appui à la Position commune africaine, y compris l’allocation de sièges dans les deux catégories de membres, sera souligné à la fin de la prochaine session des négociations intergouvernementales.
Au nom du G4 -Allemagne, Japon, Inde, Brésil-, M. MAURO VIEIRA (Brésil) a noté que la décision de cette année est différente de celles des années précédentes et qu’elle ne comprend que deux textes, à savoir les Éléments de convergence et les questions qui méritent un examen plus avant. Si la fin de cette session a été loin d’être satisfaisante, voire très éloignée de ce que nous espérions, le changement de cette année reflète la nécessité de modifier les choses dans les négociations intergouvernementales.
La conduite de ces négociations était « peut-être symptomatique » de tout ce qui ne va pas, a tranché le représentant. Le document final a été présenté à la fin du processus, ne laissant aux États Membres qu’un seul cycle de discussions pour le consulter. La logique est simple, a poursuivi le représentant. Si les négociations intergouvernementales relèvent d’un processus dirigé par les États Membres, ces mêmes États Membres doivent avoir l’opportunité de débattre et de faire connaître leur point de vue sur le document présenté par les cofacilitateurs.
Nous avions par exemple, a-t-il expliqué, demandé une description plus précise de la Position commune africaine, une référence à la résolution 53/30, qui est l’une des bases juridiques de notre travail, la reconnaissance du fait qu’une majorité d’États Membres veut le lancement de négociations basées sur un texte et une attribution claire des positions.
En revanche, des propositions qui ont à peine été débattues figurent en bonne place dans le document qui comprend même des propositions qui n’ont pas été clairement appuyées par les États Membres. Ce document, a estimé le représentant, est « un recul » par rapport au document initial.
Cela fait 10 ans que nous menons des négociations intergouvernementales sans progrès tangibles, s’est-il impatienté. Les choses « très frustrantes » que nous avons vues au cours de cette session rendent encore plus difficile d’accepter le statu quo. Les négociations intergouvernementales, qui ont commencé il y a 10 ans, doivent encore concrétiser leur promesse de conduire à de véritables négociations. L’ONU approche de son soixante-quinzième anniversaire et il est temps de passer à un nouveau type de processus avec un sentiment d’urgence renouvelé.
Réticent mais prêt à poursuivre les négociations intergouvernementales, le représentant a dit ne pas comprendre pourquoi elles ne commenceraient qu’en janvier pour finir au mois de mai. S’il y a des divergences entre États, pourquoi travailler moins? s’est-il étonné. Bien au contraire, nous devrions travailler plus et plus efficacement. Le représentant a aussi espéré une nomination très rapide des cofacilitateurs et appelé à des discussions plus ciblées et plus orientées vers les résultats. Si notre but est de rapprocher les points de vue, pourquoi tenir des débats? Il nous faut, a martelé le représentant, de véritables négociations, de vrais « donnant, donnant » pour parvenir à un texte qui nous projette vers l’avant au lieu de nous répéter sans cesse. « Asseyons-nous et discutons de propositions concrètes », a pressé le représentant.
Il est grand temps, a-t-il conclu, d’avoir un processus plus ouvert et plus transparent. Nous n’avons aucune archive officielle. Nos sessions ne sont pas disponibles sur le Webcast. La mémoire institutionnelle est peu fiable, voire inexistante. Les documents finaux ne nous permettent même pas d’identifier l’origine des propositions et le niveau d’appui dont elles bénéficient. Si nous ne changeons pas notre manière de travailler, si nous ne brisons pas le cycle des répétitions à l’infini, le sentiment de frustration persistera, érodant la légitimité même du processus. Le représentant a même perçu un « veto de facto » de ceux qui agissent contre les progrès. Mais, s’est-il emporté, la réforme du Conseil de sécurité ne viendra pas des discussions abstraites et des positions répétées mais d’un vrai processus de négociations, conforme à la pratique de l’Assemblée générale.
Au nom du Groupe L.69, Mme INGA RHONDA KINGLA (Saint-Vincent-et-les Grenadines), a appelé, à son tour, à un texte de négociation pour normaliser le processus en le rendant conforme à tous les autres processus de négociations de l’Assemblée générale. Nous ne réformerons le Conseil de sécurité que lorsque nous serons en mesure de négocier de manière ouverte, transparente, respectueuse, sur la base d’un texte global opérationnel, a prévenu la représentante. Elle a regretté que sa position et celles d’autres groupes n’aient pas été correctement reflétées. La « rigidité » des procédures qui caractérisent les négociations intergouvernementales ne permet pas des négociations dynamiques, a-t-elle prévenu.
L’échec à attribuer les différentes propositions à leurs auteurs illustre parfaitement les problèmes des États Membres dans ces négociations. Nous devons nous réengager en faveur de la transparence, a dit la représentant, qui a regretté que la révision des Éléments de convergence ait été faite du jour au lendemain sans refléter avec précision ce qui a été effectivement dit pendant les négociations. Le document comprend même des éléments qui n’ont jamais été soulevés, a conclu la représentante, qui s’est tout de même dite prête à poursuivre le travail.
Au nom du Groupe « Unis pour le consensus », Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) s’est félicitée de la décision de poursuivre les négociations intergouvernementales et de la version finale des Éléments de convergence qui reflète les progrès enregistrés. Malgré les divergences, a-t-elle poursuivi, les cofacilitateurs ont réussi à élargir le champ des Éléments de convergence, ce qui confirme que les négociations intergouvernementales fonctionnent et, mieux encore, qu’elles donnent des résultats. Les divergences, a-t-elle estimé, peuvent être surmontées si l’on parvient à un accord global sur les principes qui sous-tendent la réforme elle-même. Notre objectif commun doit être de renforcer la légitimité du Conseil aux yeux des États Membres et de l’opinion publique mondiale. Nous sommes convaincus, a-t-elle conclu, qu’avec la volonté politique et la souplesse nécessaires, nous pourrons avancer vers une réforme consensuelle et viable.
Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. RUDOLPH MICHAEL TEN-POWLE (Guyana) a espéré que les États Membres vont consolider leur engagement afin d’aboutir à des progrès tangibles au cours de la prochaine session, en faisant montre de la volonté politique et de la souplesse nécessaires pour faire de la réforme une réalité.
Au nom du Groupe des États arabes, M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) s’est félicité de la décision orale adoptée aujourd’hui et a salué le travail des cofacilitateurs. Il a reconnu la difficulté du processus et prôné en conséquence le compromis. Ces négociations sont un forum qui permettront, avec la volonté nécessaire, d’avancer dans la réforme du Conseil, a-t-il conclu.
M. EDUARD FESKO (Ukraine) a précisé que la décision qui vient d’être adoptée ne devrait pas être considérée comme « entérinée par consensus par tous les États Membres ». Il a en effet vivement regretté que seule une « poignée de propositions » ait été intégrée dans les Éléments de convergence révisés. Cette façon de prendre certaines suggestions et d’en ignorer d’autres est « extrêmement injuste », a-t-il souligné. Il a en effet rappelé que pendant les négociations, son pays et la Géorgie ont défendu l’idée de limiter, dans certaines situations, la faculté d’une partie à un conflit d’exercer son droit de veto. Or, cette idée n’est reprise nulle part dans les Éléments de convergence, a-t-il fait observer.
M. MA ZHAOXU (Chine) a félicité la Présidente de l’Assemblée générale ainsi que les cofacilitateurs pour le travail accompli. Ces négociations pilotées par les États Membres ont facilité des discussions approfondies sur les cinq questions afférentes à la réforme du Conseil de sécurité. Il s’est réjoui des « progrès », remarquant que les États Membres ont pu dialoguer et plaider pour que les pays en développement aient davantage voix au chapitre. Il a insisté sur une représentation géographique équitable et souligné que les négociations intergouvernementales sont la principale enceinte pour la réforme du Conseil. Il a reconnu les divergences profondes et constaté qu’aucune proposition concrète n’a bénéficié d’un large appui des États Membres. « C’est ça la réalité », a-t-il martelé, avant de mettre en garde contre toute « précipitation » qui risquerait d’exacerber la confrontation et de nuire aux acquis. Nous sommes prêts à travailler avec tous les États pour dégager « peu à peu » un consensus, a assuré le représentant, qui a appelé l’ensemble de ces États à faire preuve de volonté politique.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a souligné que la réforme du Conseil de sécurité est l’une des questions les plus importantes de l’ordre du jour de l’ONU. La formule de négociations a fait ses preuves et reste pertinente, a-t-il affirmé, avant de reconnaître la persistance des clivages sur certains éléments, laquelle illustre l’importance politique « colossale » du Conseil de sécurité. Les sessions précédentes de l’Assemblée générale ont bien montré le danger de bâcler cette question. Le représentant, qui a appelé à plus de transparence, a salué le travail remarquable des cofaciliteurs.
M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a déclaré que pour surmonter les divergences profondes, l’Assemblée devrait faire preuve du leadership nécessaire. Avec cinq réunions, nous avons évoqué les priorités mais les divergences subsistent toujours sur la façon de poursuivre nos travaux. Le représentant a vu une « anomalie » dans le raisonnement de ceux qui affirmaient, en 1993, tout en se joignant au consensus, que le moment était mal choisi pour réformer le Conseil de sécurité. Il est désormais urgent, a-t-il rétorqué, d’aller de l’avant et de passer des négociations intergouvernementales à des négociations sur un texte. Plus de 80% des États Membres ont appelé à un texte de négociations comme le seul moyen d’avancer. C’est par le processus du « donnant donnant » que nous pourrons surmonter l’impasse de ces 10 dernières années.
Pendant toutes nos négociations, a rappelé le représentant, nous n’avons entendu aucune délégation s’opposer au consensus d’Ezulwini et pourtant, cette position, largement soutenue, ne figure nulle part dans les Éléments de convergence. Il a plaidé, à son tour, pour que les négociations intergouvernementales se tiennent jusqu’à la fin du mois de juin et estimé qu’il est temps que l’Assemblée générale en fixe le mandat dans une résolution. Les décisions orales ne peuvent que perpétuer l’impasse, a-t-il dit craindre, espérant une résolution fondée sur la Position commune africaine et tenant compte des positions des autres groupes.
M. KIM SONG (République populaire démocratique de Corée - RPDC) a voulu que l’on tienne dûment compte de l’avis de tous les États. Il a aussi voulu que l’on fixe un calendrier mais aussi que l’on se garde de se « précipiter » sur un texte de négociations, sans des consultations préalables.
M. DAOVY VONGXAY (République démocratique populaire lao) a appuyé la décision présentée par la Présidente qui reflète bien les progrès enregistrés. On ne peut ignorer ces progrès, a-t-il dit, en jugeant que les négociations intergouvernementales doivent se poursuivre de manière constructive et ouverte pour parvenir à un consensus. Tous les points de vue et toutes les propositions doivent être examinés pour parvenir à un résultat acceptable pour tous, a-t-il insisté.
Au nom des cofacilitateurs, M. CHRISTIAN BRAUN (Luxembourg) a reconnu qu’aujourd’hui, l’Assemblée met fin à une session « difficile » durant laquelle les États Membres ont été divisés tant sur le processus que sur le fond. Mais une réforme, qui jouit du plus grand soutien possible, ne peut aboutir que si nous avons de meilleurs dialogues, de meilleurs échanges et une vraie volonté politique. Le processus a des faiblesses inhérentes mais seul un engagement accru peut créer les conditions nécessaires pour aller de l’avant. Le document n’est ni parfait ni complet, a reconnu le représentant, mais il représente des progrès qui résultent directement de nos discussions et notre dialogue sur les questions clefs. Le document montre qu’il faut encore rapprocher les points de vue. Compte tenu de l’importance de la question, le représentant a suggéré aux États d’envisager l’idée de créer, pour les négociations intergouvernementales, des mécanismes de continuité et une mémoire institutionnelle.