SG/SM/19009-SC/13317

La consolidation et la pérennisation de la paix exigent un appui cohérent aux gouvernements et des partenariats solides contre les racines des conflits

On trouvera, ci-après, l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à la réunion du Conseil de sécurité sur la consolidation et la pérennisation de la paix:

Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir organisé la présente séance d’information sur la consolidation et la pérennisation de la paix – deux aspects fondamentaux du travail du Conseil de sécurité et du système des Nations Unies tout entier.

Consolider et pérenniser la paix passe d’abord et avant tout par le renforcement de notre cohérence stratégique afin d’appuyer les efforts des gouvernements nationaux et de leurs populations pour prévenir l’éclatement, l’escalade, la poursuite ou la reprise d’un conflit.  Le Conseil de sécurité peut y contribuer de plusieurs manières.  Je remercie le Conseil d’avoir saisi cette occasion pour adopter une perspective à long terme des difficultés qui menacent la paix et la sécurité.

La consolidation et la pérennisation de la paix exigent des partenariats solides, au-delà du système des Nations Unies, à l’appui de solutions nationales.  Nous devons adopter une approche large et sans exclusive de ces partenariats, tout en collaborant étroitement avec les autorités des pays hôtes, les organisations régionales et sous-régionales, les institutions financières internationales comme la Banque mondiale et d’autres donateurs multilatéraux, le monde des affaires, la société civile et les acteurs locaux.  Je suis heureux de la présence de M. Chergui, Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, notre partenaire la plus pertinente dans le domaine de la paix et de la sécurité dans le monde et avec laquelle nous entretenons une coopération exemplaire.

La Commission de consolidation de la paix est capable de renforcer considérablement la cohérence stratégique des efforts internationaux en offrant un espace de complémentarité et de partenariat à tous les piliers de l’Organisation des Nations Unies.  Elle permet également de faire participer des voix locales et nationales.  Le Conseil de sécurité a déjà tiré profit de l’appui de la Commission, notamment au Sahel.  Je l’engage à faire fond sur cet exemple pour accroître sa cohérence opérationnelle et politique dans d’autres contextes et situations.

La pérennisation de la paix impose de travailler à n’exclure personne, en particulier ceux qui sont fréquemment marginalisés et exclus, c’est-à-dire les femmes et les filles, les personnes âgées, les jeunes, les personnes handicapées et les minorités quelles qu’elles soient.  L’autonomisation des femmes, en favorisant leur participation constructive, est un moyen avéré d’approfondir l’efficacité et la viabilité de la consolidation de la paix.  Le Conseil a les moyens de garantir une ouverture et une réussite accrues en suivant plus régulièrement son solide programme relatif aux femmes et à la paix et la sécurité.

En début de semaine, dans cette même salle, les Membres ont eux-mêmes entendu parler du rôle important que peuvent jouer les jeunes dans la pérennisation de la paix (voir S/PV.8241).  Les jeunes femmes et hommes sont des artisans indispensables de la paix.

Nous devons travailler beaucoup plus efficacement avec eux et pour eux.  Plus fondamentalement encore, pour consolider et pérenniser la paix, il nous faut nous attaquer aux racines des conflits et des crises, qui sont souvent la pauvreté, l’exclusion, les inégalités, la discrimination et les violations graves des droits de l’homme.  Focaliser nos efforts sur des interventions en réaction aux crises s’accompagne d’un coût humain et financier intenable.  J’ai fait ouvertement part de mon appui à la prévention – fondement de la consolidation et de la pérennisation de la paix.  Investir dans la prévention, c’est gagner en vies humaines sauvées, en économies financières et en acquis du développement.

Un développement durable et sans exclusive, profondément ancré dans le respect de tous les droits de l’homme –économiques, sociaux, culturels, civils et politiques–, est non seulement une fin en soi, mais aussi le meilleur instrument de prévention des conflits violents et de l’instabilité.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est la feuille de route mondiale que nous suivons tous pour éliminer ces causes profondes et créer des sociétés plus pacifiques, plus stables et plus résilientes, fondées sur une mondialisation équitable.

Renforcer le Bureau d’appui à la consolidation de la paix lui permettra de jouer un rôle plus important s’agissant de faire la liaison entre nos efforts en matière de paix et de sécurité et notre action à l’appui du développement durable.  Ma proposition de réforme du pilier paix et sécurité inclut une augmentation de 50% du nombre de postes permanents au sein du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, sans coût supplémentaire, grâce à des gains d’efficacité dans d’autres secteurs.  Dans le même temps, mes envoyés et les missions politiques spéciales de l’ONU se consacrent à faciliter les processus politiques, à jouer un rôle de médiation et à prévenir l’éclatement d’un conflit ouvert.  Le Comité consultatif de haut niveau chargé des questions de médiation fera fond sur le savoir-faire d’habiles diplomates et renforcera nos relations avec les organisations régionales, les groupes non gouvernementaux et d’autres parties prenantes qui se consacrent à cette activité essentielle pour la paix.

Les soldats de la paix des Nations Unies ont un rôle particulièrement essentiel à jouer, en première ligne de nos efforts.  Nous avons une énorme dette envers eux pour leur service et leur sacrifice.  Les résolutions jumelles de 2016 (70/262 de l’Assemblée générale et 2282 (2016) du Conseil de sécurité) prennent acte des contributions des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et s’en félicitent.  Leur tout premier objectif est d’ouvrir la voie à un processus politique.  Elles jouent un rôle vital s’agissant de contenir la violence et de protéger les civils tout en laissant aux solutions politiques le temps de s’enraciner.

Pour créer des opérations de maintien de la paix adaptées aux défis auxquels nous sommes confrontés, j’ai lancé l’initiative « Action pour le maintien de la paix » dans cette salle le mois dernier (voir S/PV.8218).  Action pour le maintien de la paix permettra de recentrer les opérations de maintien de la paix des Nations Unies sur trois domaines clefs.  Cette initiative vise à définir des attentes réalistes pour nos opérations, à les rendre plus robustes et plus sûres et à mobiliser davantage d’appui, aussi bien pour les solutions politiques que pour des forces bien structurées, bien équipées et bien entraînées et pour leur mission.

Nous avons besoin d’opérations de paix qui soient mieux à même de répondre aux besoins et contextes spécifiques des pays dans lesquels elles opèrent, qui puissent s’adapter à l’évolution des conditions sur le terrain et en partir lorsque leur travail est accompli.  Les principaux critères de réussite seront clairs et précis, avec des mandats plus ciblés, une perspective à long terme et des stratégies de sortie appropriées.  Investir plus intelligemment dans la consolidation et la pérennisation de la paix doit abaisser le coût du maintien de la paix.  Cela nous permettra d’accroître notre appui afin que nos missions politiques et de maintien de la paix puissent s’acquitter plus efficacement de leurs mandats.

Dans mon rapport sur la consolidation et la pérennisation de la paix (S/2018/43), j’ai proposé pour examen par les États Membres plusieurs options en vue d’accroître le financement des activités de consolidation de la paix des Nations Unies, de le restructurer et de mieux en hiérarchiser les priorités, au moyen notamment de contributions statutaires et volontaires et de financements innovants.

Le Fonds pour la consolidation de la paix est un instrument clef pour renforcer la cohérence de l’ensemble de nos activités et de nos partenariats en matière de consolidation de la paix, ainsi qu’un catalyseur pour inciter les autres à agir.  Je renouvelle mon appel en faveur d’un pas de géant dans le soutien apporté par les États Membres aux travaux essentiels du Fonds, et je me réjouis à la perspective de nouveaux débats sur ces options.  J’attends avec intérêt l’adoption par l’Assemblée générale d’une résolution, à la suite de mon rapport, traçant la voie que nous allons suivre ensemble.

Nous avons eu, ces derniers jours, des débats enrichissants et prenants sur la façon dont nous consolidons et pérennisons la paix, avec la médiation, le règlement des conflits, le maintien de la paix et le soutien à des institutions efficaces et responsables.  Nous pouvons bâtir notre travail sur nos succès.  Je crois que le succès le plus important de ces derniers temps a été celui en Côte d’Ivoire.  Je profite de cette occasion pour exprimer au Ministre ivoirien des affaires étrangères mes sincères condoléances suite au décès de notre grand ami et collègue, l’Ambassadeur Bernard Tanoh-Boutchoue, qui a toujours, au Conseil, joué un rôle extrêmement positif et important.

Le moment est venu de passer à l’acte.

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