Après les frappes aériennes en Syrie, le Secrétaire général rappelle les États à leur obligation d’agir conformément à la Charte et au droit international
On trouvera ci-après le discours du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à la réunion du Conseil de sécurité sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales:
J’ai suivi de près les rapports sur les frappes aériennes menées par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni en Syrie. Hier soir, à 22 heures, heure de New York, le Président des États-Unis a annoncé le début des frappes aériennes avec la participation de la France et du Royaume-Uni, indiquant qu’elles visaient les capacités du Gouvernement syrien en matière d’armes chimiques afin de décourager leur utilisation à l’avenir. Cette déclaration a été suivie de celles de la Première Ministre May et du Président Macron.
D’après les informations, les frappes aériennes se sont limitées à trois sites militaires à l’intérieur de la Syrie. La première cible était le Centre syrien d’études et de recherche scientifiques situé à l’aéroport de Mazzé à Damas, la deuxième une installation de stockage présumée d’armes chimiques à l’ouest de Homs et la troisième, un site suspecté de servir d’entrepôt de matériel de production d’armes chimiques et de poste de commandement, près de Homs également. Le Gouvernement syrien a déclaré avoir répliqué par des tirs de missiles sol-air. Les sources américaines aussi bien que russes indiquent qu’il n’y a pas eu de victimes civiles. Toutefois, l’ONU n’est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les détails de toutes ces informations.
En tant que Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, il est de mon devoir de rappeler aux États Membres qu’il y a une obligation, notamment lorsque des questions de paix et de sécurité sont en jeu, d’agir en conformité avec la Charte des Nations Unies et le droit international de manière générale. La Charte est très claire sur ces questions. La Charte des Nations Unies est très claire sur ces questions.
Le Conseil de sécurité a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. J’appelle les membres du Conseil de sécurité à s’unir et à exercer cette responsabilité, et j’exhorte tous les membres à faire preuve de retenue dans ces circonstances dangereuses et à éviter tout acte qui pourrait aggraver la situation, ainsi que les souffrances du peuple syrien. Comme je l’ai fait hier (voir S/PV.8231), il importe, je le souligne, d’éviter que la situation ne devienne incontrôlable.
Toute utilisation d’armes chimiques est odieuse et les souffrances qui s’ensuivent sont horribles. J’ai exprimé à plusieurs reprises ma profonde déception que le Conseil de sécurité ne soit pas parvenu à se mettre d’accord sur un mécanisme spécifique chargé d’assurer effectivement le principe de responsabilité pour l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. J’exhorte le Conseil de sécurité à assumer ses responsabilités et à combler cette lacune, et je continuerai de collaborer avec les États Membres pour contribuer à la réalisation de cet objectif. La non-application du principe de responsabilité encourage ceux qui utilisent de telles armes en leur donnant l’assurance de l’impunité, ce qui affaiblit encore davantage la norme interdisant l’utilisation des armes chimiques, ainsi que l’architecture internationale de désarmement et de non-prolifération dans son ensemble.
La gravité des récentes allégations d’utilisation d’armes chimiques à Douma exige une enquête approfondie faisant appel à une expertise impartiale, indépendante et professionnelle. Je réaffirme mon plein appui à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et à sa mission d’établissement des faits en République arabe syrienne dans le cadre de l’enquête requise. Son équipe est déjà en Syrie. On m’informe que son plan d’opérations pour la visite du site est terminé et que la mission est prête à commencer. Je suis persuadé qu’elle bénéficiera d’un plein accès, sans aucune restriction ou entrave à l’exercice de ses activités.
Pour répéter ce que j’ai dit hier, la Syrie représente la menace la plus grave pour la paix et la sécurité internationales dans le monde d’aujourd’hui. En Syrie, nous assistons à des affrontements et à des guerres par procuration impliquant plusieurs armées nationales, un certain nombre de groupes d’opposition armés, de nombreuses milices nationales et internationales, des combattants étrangers du monde entier et diverses organisations terroristes. Depuis le début, nous avons été témoins de violations systématiques du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme et du droit international en général, au mépris total de la lettre et de l’esprit de la Charte des Nations Unies. Depuis huit longues années, le peuple syrien endure des souffrances incessantes. Il a vécu une litanie d’horreurs, de crimes atroces, de sièges, de famine, d’attaques aveugles contre les civils et les infrastructures civiles, l’utilisation d’armes chimiques, les déplacements forcés, la violence sexuelle, la torture, la détention et les disparitions forcées. La liste est longue.
À ce stade critique, j’appelle tous les États Membres à agir conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international, y compris les normes contre les armes chimiques. Si la loi est ignorée, elle est affaiblie. Il ne peut y avoir de solution militaire à la crise. La solution doit être politique et nous devons trouver les moyens de progresser réellement vers une solution politique authentique et crédible qui réponde aux aspirations du peuple syrien à la dignité et à la liberté, conformément à la résolution 2254 (2015) et au Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe). J’ai demandé à mon Envoyé spécial de venir à New York dès que possible pour me consulter sur la manière la plus efficace d’accélérer le processus politique.