Commission de la condition de la femme: le Secrétaire général, aux côtés des femmes de la société civile, plaide pour l’égalité en milieu rural
La Commission de la condition de la femme a donné, ce matin, le coup d’envoi des travaux de sa soixante-deuxième session sous la présidence de Mme Geraldine Byrne Nason, Représentante permanente de l’Irlande auprès des Nations Unies, en entendant les témoignages poignants de deux « femmes rurales », illustrant le thème de la session, l’une d’elles ayant quitté sa communauté et pris l’avion pour la première fois pour se rendre à New York.
La jeune kenyane Purity Soinato Oiyie a ainsi monté les « grandes marches » de la salle de l’Assemblée générale parée d’un collier masaï portant l’inscription « Stop MGF » (arrêtez les mutilations génitales féminines), affichant ainsi ses convictions pour une lutte qui lui est chère: lorsqu’elle était enfant, son père voulait la faire exciser et la marier de force à un homme de 70 ans. Si ce n’était sa fugue et l’aide de la police à l’époque, elle n’aurait pas pris la parole aujourd’hui, à la même tribune que le Secrétaire général et d’autres hauts fonctionnaires des Nations Unies.
À ses côtés, une militante quechua du mouvement des femmes autochtones des Amériques, Mme Tarcila Rivera Zea, a témoigné des trésors que représentent l’alphabétisation et l’accès à l’information pour sortir les femmes rurales de la pauvreté.
La participation et l’accès des femmes aux médias et aux technologies de l’information et des communications figurent parmi les questions qui seront examinées au cours des deux semaines que durera la session, outre le thème prioritaire portant sur les femmes rurales. Au programme chargé de débats, tables rondes et consultations, s’ajoute une multitude d’évènements parallèles permettant des échanges plus spécialisés entre États Membres, agences de l’ONU et organisations de la société civile.
La Commission, qui est un organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC), abordera ces questions en gardant à l’esprit la place centrale de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, comme l’a rappelé la Présidente de l’ECOSOC, Mme Marie Chatardova.
En ouvrant la session, le Secrétaire général, M. António Guterres, s’est dit « fier féministe », avant de dénoncer vivement l’effet préjudiciable du patriarcat. Il a appelé à changer la dynamique de pouvoir qui favorise la discrimination et la violence à l’encontre des femmes, un appel qui a résonné vivement dans une salle pleine à craquer.
De « MeeToo », à « Time is Up » en passant par « The Time is Now », les femmes et les filles dénoncent les comportements abusifs et les attitudes discriminatoires, a-t-il salué, avant que la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, Mme Dubravka Šimonović, n’évoque aussi le mouvement argentin « Ni Una menos », qui lutte contre la violence basée sur le sexe.
En dépit du fait que les femmes rurales sont souvent l’épine dorsale de leur famille et communauté, elles sont fréquemment marginalisées, s’est inquiété M. Guterres, ce qui est une aberration quand on sait que beaucoup de ces femmes sont expertes dans la résistance aux chocs climatiques et en matière de développement durable. Elles sont à l’origine de nombreuses initiatives importantes dans ces domaines, a confirmé le Président de l’Assemblée générale, M. Miroslav Lajčák, en regrettant qu’elles soient « insuffisamment présentes dans les salles de réunion des Nations Unies ».
La Présidente de la Commission n’a pas dit autre chose en qualifiant les femmes rurales de véritables « agents de changement ». Mais pour que ces femmes réalisent leur potentiel, il faut commencer par rejeter les pratiques qui normalisent l’inégalité entre les sexes, l’exclusion et la discrimination, a plaidé la Directrice exécutive d’ONU-Femmes.
Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka a notamment pointé le fait que les femmes constituent 60% de la main-d’œuvre agricole dans certaines régions, mais que seules 13% d’entre elles sont propriétaires des terres qu’elles cultivent à l’échelle mondiale, un problème auquel s’ajoutent ceux de l’analphabétisme, des mariages précoces, de la discrimination et du manque de capacités. Pour remédier à cette situation, elle a recommandé d’améliorer l’accès des femmes en milieu rural à la technologie, aux infrastructures sanitaires, à des modes de transport adéquats, au crédit et aux marchés.
La situation des femmes rurales, examinée en détail dans le rapport* du Secrétaire général intitulé « Problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural », a aussi été longuement débattu au cours de quatre tables rondes ministérielles tenues dans l’après-midi en parallèle avec le débat général.
L’ouverture des travaux de cette session a également été marquée par les inquiétudes de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, qui a parlé de « ressac idéologique » en évoquant le mouvement sur « l’idéologie du genre » présent en Amérique latine et dans certains pays d’Europe. Plus positivement, elle s’est appuyée sur le « mouvement transformateur » #MeToo pour appeler à faire de ces « quelques mots puissants » le guide des travaux de cette session.
En début de séance, la Commission a élu son bureau pour la présente session ainsi que pour la suivante. En plus de la Présidente, la Commission aura comme Vice-Présidents M. Mauricio Carabali Baquero (Colombie), M. Shah Asif Rahman (Bangladesh) et Mme Rena Tasuja (Estonie), tandis que Mme Koki Muli Grignon (Kenya) occupera le poste de Rapporteur. Pour les deux mêmes sessions, le Groupe de travail chargé des communications relatives à la condition de la femme sera dirigé par la Belgique, avec comme membres le Nigéria, le Qatar et la Fédération de Russie.
La Commission de la condition de la femme, qui a également adopté l’ordre du jour provisoire* de la session, poursuivra ses travaux demain, mardi 13 mars, à partir de 10 heures.
*E/CN.6/2018/1 et E/CN.6/2018/1/Add.1
SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ DES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE » (E/CN.6/2018/2 ET E/CN.6/2018/5)
Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives (E/CN.6/2018/3)
Thème prioritaire: problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural
Thème de l’évaluation: participation et accès des femmes aux médias et aux technologies de l’information et des communications, et incidence et intérêt de ceux-ci pour la promotion et l’autonomisation des femmes (E/CN.6/2018/4)
Questions nouvelles, tendances, domaines d’intervention et approches novatrices des problèmes ayant des répercussions sur la condition de la femme et sur l’égalité des sexes
Prise en compte de la problématique hommes-femmes, situations et questions intéressant les programmes (E/CN.6/2018/6, E/CN.6/2018/7, E/CN.6/2018/8 et E/CN.6/2018/8/Corr.1, E/CN.6/2018/9 et E/CN.6/2018/12
Déclarations
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande), Présidente de la Commission de la condition de la femme, a fait part de son émotion d’être élue à la tête de cette Commission en cette semaine de commémoration de la Saint Patrick. Elle a salué la présence de la société civile dont « l’énergie et le dynamisme viennent rappeler que les résolutions adoptées au cours de la présente session ne resteront pas dans cette enceinte onusienne: elles auront des répercussions dans tous les coins du monde ». « Nous avons entendu de grands discours, maintenant nous voulons des résultats concrets, et c’est ce à quoi cette session va s’atteler », a-t-elle annoncé. Elle a souhaité que la Commission de la condition de la femme ne reste pas connue comme un acronyme (CSW), mais plutôt qu’elle devienne un instrument pour changer la vie des femmes et des filles du monde entier.
Mme Byrne Nason a ensuite parlé de la condition des femmes rurales de son pays, l’Irlande, soulignant leur dynamisme et voyant en elles de véritables « agents de changement ». Elle a souhaité que les femmes rurales du monde entier soient également des agents de changement, déplorant le fait que ces femmes et filles des zones rurales soient les plus en retard sur la société. Elle a en même temps reconnu le travail de celles parmi elles qui, en tant que militantes et actrices de la société civile, participent à la lutte contre la pauvreté en milieu rural. « J’espère que notre travail permettra aux femmes et filles du monde rural de se rapprocher de la table de négociations », a déclaré la Présidente de la Commission, tout en invitant les femmes rurales de la salle à se lever, sous des salves d’applaudissements.
« Notre engagement de ne laisser personne de côté va se manifester par des changements dans nos législations », a espéré la Présidente de la Commission, avant d’appeler les délégations représentées à la présente session à « travailler pour que la discrimination à l’égard des femmes et des filles soit une histoire du passé ». « L’époque où les femmes étaient en deuxième position est derrière nous », a-t-elle conclu.
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général des Nations Unies, s’est félicité du fait que les femmes sont en train de raconter leurs histoires et de susciter des conversations « provocantes et nécessaires » dans le monde entier. De « MeeToo », à « Time is Up » en passant par « The Time is Now », les femmes et les filles dénoncent les comportements abusifs et les attitudes discriminatoires, a-t-il salué, déclarant dans la foulée que « le pouvoir n’a pas été conçu pour être donné, mais pour être pris ».
Le Secrétaire général a noté que des siècles de patriarcat et de discrimination avaient eu un effet préjudiciable, dénonçant notamment les attitudes sexistes et les stéréotypes qui sont répandus au sein des gouvernements, du secteur privé, du milieu universitaire, ainsi que dans les filières de la culture, la science et la technologie, « et même dans la société civile et les organisations internationales comme les Nations Unies ».
Les femmes, « pionnières de la science et des mathématiques », occupent moins de 30% des emplois dans le secteur de la recherche et du développement, a-t-il dénoncé, pointant aussi le fait que cette année, à la cérémonie des Oscars, 33 hommes ont obtenu une statuette, contre seulement 6 femmes. Il s’est également inquiété du fait que les femmes « négociatrices et communicatrices talentueuses » représentent seulement 20% des ambassadeurs dans le monde. Ce n’est que lorsque nous aurons changé des statistiques comme celles-ci que nous pourrons véritablement dire que nous sommes entrés dans une nouvelle ère pour les femmes et les filles, a-t-il insisté.
M. Guterres a aussi fait observer qu’une fille née dans la pauvreté est plus susceptible d’être déscolarisée, de se marier jeune et d’être victime de violence, entre autres, et de transmettre ensuite ce legs à ses propres enfants. En outre, a-t-il relevé, les veuves, les femmes autochtones ou handicapées ainsi que celles qui ne correspondent pas aux normes de genre font face aux plus grands défis d’entre tous. Le Secrétaire général a souligné qu’en « bâtissant » l’égalité, on ne donne pas seulement aux femmes l’opportunité d’atteindre leur plein potentiel, on bâtit également des sociétés plus stables.
Abordant la situation particulière des femmes rurales, le Secrétaire général a noté qu’alors que ces dernières font face à une marginalisation notable, elles sont pourtant souvent l’épine dorsale de leur famille et communauté, susceptibles en outre d’être expertes dans la résistance aux chocs climatiques et le développement durable. « Nous parlons souvent de l’autonomisation des femmes. Quand les femmes agissent déjà, nous devons les écouter et les soutenir. » C’est ce que fait la Commission de la condition de la femme, a rappelé à cet égard M. Guterres.
Plus concrètement, le Secrétaire général a mentionné le partenariat entre l’ONU et l’Union européenne dans le cadre de l’initiative « Spotlight », qui vise à mettre un terme à la violence contre les femmes et les filles. Il a également mis en exergue l’importance de l’autonomisation des femmes à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et sa promesse de ne laisser personne de côté.
Poursuivant, M. Guterres a indiqué que depuis le début de son mandat de Secrétaire général, la parité avait été, pour la première fois, atteinte au sein du Conseil de direction. Il a précisé que sa feuille de route vise le même objectif pour les fonctionnaires de haut niveau d’ici à 2021 et pour tout le personnel au sein du système de l’ONU d’ici à 2028. Il s’est aussi félicité du fait que les femmes occupent dorénavant, pour la première fois, un tiers des postes de chefs et de chefs adjoints de missions de maintien de la paix. Il a également parlé de son « engagement total » dans la politique de tolérance zéro, citant à cet égard son initiative pour faire face au problème de l’exploitation et les abus sexuels commis par des représentants de l’ONU.
Le Secrétaire général a poursuivi son intervention en soulignant que, pour réaliser des progrès en faveur des femmes et des filles, il importe de changer la dynamique de pouvoir qui favorise la discrimination et la violence. C’est pourquoi, a-t-il affirmé, tous les hommes doivent appuyer le droit des femmes et l’égalité des sexes. Et c’est pourquoi, a-t-il encore dit, « je me considère comme un fier féministe ».
Après avoir insisté sur la nature essentielle du travail de la Commission pour combattre les stéréotypes et la discrimination dont pâtissent les femmes et les filles, M. Guterres a exhorté chacun, « des écoles jusqu’aux bureaux, en passant par les laboratoires, le cinéma, la publicité et les médias », à souligner que « les capacités des femmes sont sans limites, et leurs ambitions infinies ». Ce travail est essentiel pour créer un monde plus juste et plus décent pour tous, a-t-il affirmé.
Mme MARIE CHATARDOVA (Tchéquie), Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a souligné qu’elle était « seulement » la troisième femme à ce poste sur les 72 présidents que l’ECOSOC a connus. Elle a indiqué que le Forum politique de haut niveau de juillet prochain avait prévu d’examiner la mise en œuvre de certains des objectifs de développement durable, tout en rappelant la place centrale de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes et des filles pour le progrès dans la mise en œuvre de tous ces objectifs, comme le veut le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
La Présidente de l’ECOSOC a rappelé l’importance de la contribution des femmes et des filles rurales pour l’édification de sociétés résilientes et prospères. Selon elle, l’inclusion est un élément clef pour parvenir à des sociétés résilientes dans les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable. C’est pourquoi, a-t-elle indiqué, l’une des priorités de sa présidence est de développer des initiatives visant à promouvoir des sociétés durables, résilientes et inclusives grâce à la participation de tous. Elle a par exemple signalé la tenue d’une réunion spéciale de l’ECOSOC, en mai prochain, pour explorer et faire avancer ces questions. Cette réunion est précédée d’une série de dialogues préparatoires avec les États Membres, la société civile, les universités et le secteur privé.
Mme Chatardova a ensuite rappelé que la Commission de la condition de la femme avait, au cours des deux dernières années, placé la barre très haut en fournissant une feuille de route complète pour veiller à ce que la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 prenne en compte l’égalité des sexes, et pour que l’on arrive à l’autonomisation économique des femmes dans un monde du travail en pleine mutation. Elle a souhaité que ces résultats continuent de guider les États Membres et toutes les autres parties prenantes dans leur travail de mise en œuvre de l’ensemble du Programme 2030, de façon à ce que leurs efforts contribuent à un réel changement et à des améliorations réelles de la situation des femmes et des filles sur le terrain.
M. MIROSLAV LAJČÁK, Président de l’Assemblée générale, a rappelé le rôle « fondamental » de la Commission de la condition de la femme qui, a–t-il rappelé, a contribué à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. « Je n’ai jamais vu les Nations Unies aussi énergétiques que pendant les travaux de la Commission », s’est-il félicité sous une clameur enthousiaste, regrettant toutefois qu’il n’en soit pas de même tout au long de l’année.
M. Lajčák a ensuite insisté sur l’importance de tenir compte des femmes rurales dans tous les travaux de l’ONU. Rappelant que 50% des femmes rurales n’ont pas accès à l’alphabétisation, il a invité à bien comprendre l’impact que cela a sur leur vie. À son avis, il ne faut pas seulement parler de l’important taux de chômage dans les zones rurales, mais il faut aussi répondre au problème de l’écart salarial important entre les genres, qui peut atteindre 40% dans ces zones. Boudées par les journaux et les médias, souvent marginalisées lors des processus de prise de décisions, les femmes rurales ne sont pas non plus suffisamment présentes dans les salles de réunion des Nations Unies, a-t-il aussi déploré.
Pourtant, a-t-il enchaîné, les femmes rurales, sont souvent à l’origine de nombreuses initiatives importantes. Il a cité en exemple une jeune femme du Kenya qui a mis sur pied un système d’irrigation dans le but de faire face aux aléas des changements climatiques. « L’égalité des sexes est la priorité des priorités », a conclu le Président de l’Assemblée générale, avant d’exhorter les États Membres à faire en sorte que tous leurs engagements en ce sens se concrétisent sur le terrain.
Mme PHUMZILE MLAMBO-NGCUKA, Secrétaire générale adjointe et Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a estimé que le statut des femmes en milieu rural, thème de la soixante-deuxième session de la Commission de la condition de la femme, est l’une des plus importantes questions qui puisse être débattue. Notant que le secteur de l’agriculture emploie près du tiers des femmes qui travaillent, elle a déclaré que le statut des femmes rurales touche à la lutte contre la pauvreté et l’inégalité, et fait partie intégrante du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Alors que les femmes constituent 60% de la main-d’œuvre agricole dans certaines régions, seules 13% d’entre elles sont propriétaires des terres qu’elles cultivent à l’échelle mondiale, a-t-elle noté. L’analphabétisme, le mariage en bas âge et la discrimination sont autant de défis auxquels sont confrontées les femmes et les filles en milieu rural, a-t-elle aussi relevé, ajoutant que leurs capacités limitées les empêchent de parvenir à des solutions à même de corriger la situation.
Selon le rapport sur l’écart entre les sexes dans le monde du Forum économique mondial de 2017, ledit écart s’est élargi pour la première fois depuis 2006, a poursuivi la Secrétaire générale adjointe, pour qui il y a urgence à agir. Cette session représente à ses yeux une occasion unique d’agir pour accélérer les progrès, bâtir un consensus large et partager les meilleures pratiques afin de permettre à la Commission de soutenir « les plus pauvres des pauvres ». « Il faut refuser d’accepter les pratiques qui ont conduit à la normalisation des inégalités entre les sexes, des inconduites sexuelles, de l’exclusion et de la discrimination dans tous les milieux », a martelé Mme Mlambo-Ngcuka.
Pour ce faire, les femmes en milieu rural doivent avoir accès à la technologie, à des infrastructures sanitaires, à des modes de transport adéquats, au crédit et aux marchés, a-t-elle soutenu, saluant l’initiative « Spotlight », de l’Union européenne et de l’ONU, qui fournit des investissements conséquents dans la lutte contre la violence envers les femmes en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
Le fait que la parité hommes-femmes ait été atteinte au sein de l’équipe dirigeante de l’ONU montre qu’un changement est possible, selon Mme Mlambo-Ngcuka, qui a également cité en exemple le mouvement « MeToo ». Rappelant les premiers mots de la Charte des Nations Unies, elle a insisté sur l’importance d’écouter les femmes et les filles en milieu rural et d’accélérer le rythme des changements.
Mme CORNELIA RICHTER, Vice-Président du Fonds international de développement agricole (FIDA), s’exprimant au nom des trois agences des Nations Unies basées à Rome -l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial (PAM) et la FIDA-, a salué le choix du thème de la présente session de la Commission de la condition de la femme, qui est consacrée aux femmes et aux filles en milieu rural. Elle a souligné qu’alors que les femmes font entendre leur voix à travers le monde pour combattre l’injustice, l’inégalité et les abus, celles qui vivent en région éloignée courent le risque d’être laissées pour compte. Comme le note le rapport du Secrétaire général, les femmes des milieux ruraux vivent une situation pire que celles des milieux urbains selon presque tous les indicateurs du développement, a-t-elle relevé. Pour elle, il est de la responsabilité des agences de l’ONU d’assurer leur autonomisation pour réaliser les objectifs de développement durable.
Alors que d’importants progrès ont été réalisés dans la sécurité alimentaire, la nutrition, la santé maternelle et la fréquentation scolaire des filles, les femmes demeurent plus à risque que les hommes de souffrir de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, a relevé Mme Richter. Elle s’est dite préoccupée par la discrimination qui prive les femmes d’accès à la propriété foncière, sachant que celle-ci est la source d’une plus grande productivité agricole et de moyens de subsistance durables. Les agences onusiennes basées à Rome sont résolues à assurer l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes en milieu rural, et à répondre aux besoins nutritionnels des femmes et des filles, a déclaré Mme Richter, ajoutant que le Comité de la sécurité alimentaire mondiale avait adopté les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire.
Par ailleurs, les trois agences contribuent, par le programme conjoint d’autonomisation économique des femmes en milieu rural et l’école pratique d’agriculture, à l’amélioration des conditions de vie, de la productivité et du respect des droits des femmes, a-t-elle noté.
Afin de continuer sur cette lancée, Mme Richter a plaidé pour l’élimination des obstacles juridiques à l’autonomisation des femmes, l’adoption de politiques agricoles tenant compte du genre, un meilleur accès à l’éducation et aux technologies, un renforcement des institutions et des organisations rurales, ainsi qu’une meilleure compréhension de la contribution des femmes en milieu rural et des difficultés auxquelles elles font face.
Au cours d’une intervention conjointe qui a pris la forme d’une conversation, la Péruvienne TARCILA RIVERA ZEA, militante quechua et leader au sein du mouvement des femmes autochtones des Amériques, a témoigné que c’est sur les conseils de sa mère, elle-même illettrée, qu’elle avait appris à lire et à écrire à l’âge de 10 ans. Elle a aussi insisté sur l’importance de reconnaître la complexité des questions auxquelles doivent faire face les femmes et les filles vivant en milieu rural.
Son interlocutrice, Mme PURITY SOINATO OIYIE, une jeune kenyane de 22 ans originaire de la communauté masaï, a expliqué que, pour participer aux travaux de la Commission, elle avait pris l’avion et quitté sa communauté pour la première fois de sa vie. Elle a raconté avec émerveillement ses impressions lorsqu’elle a vu le bâtiment du Siège des Nations Unies et les « grandes marches » menant à l’Assemblée générale. Elle a ensuite demandé à Mme Rivera Zea de mettre l’accent sur ce que, à son avis, la jeune génération devrait apprendre.
Celle-ci a alors évoqué l’histoire du mouvement des femmes dans lequel elle milite, en soulignant l’importance pour les femmes d’être fortes. À l’époque, a-t-elle raconté, on pensait que l’élément clef était l’éducation et l’information, car c’est seulement en sachant lire et en étant informée qu’il est possible de prendre conscience de nos droits. « Nous rêvions d’un avenir meilleur pour nos filles, c’est pour cela que nous sommes ici », a-t-elle reconnu, avant de s’interroger sur les problèmes auxquels fait face la génération actuelle. « Vous avez 22 ans, vous êtes ici entourée d’hommes et de femmes puissants. Quels sont vos rêves? Comment vous représentez-vous l’avenir », a-t-elle interrogé sa collègue.
Mme Soinato Oiyie, qui était parée d’un collier masaï avec au centre l’inscription « Stop MGF » (arrêtez les mutilations génitales féminines), a alors indiqué que lorsqu’elle était en classe de sixième, son père voulait la faire mutiler et la marier de force à un homme de 70 ans. Mais elle s’était enfuie et avait été sauvée par la police avant d’être envoyée dans un centre de protection. Seulement, lorsque son père avait pris connaissance de sa fugue, il avait violement battu sa mère, tandis qu’il renvoyait son frère de la maison pour qu’il gagne de l’argent: il fallait rassembler les fonds nécessaires pour dédommager la famille du fiancé comme l’exige leur coutume. Mme Soinato Oiyie a indiqué qu’elle avait alors vécu huit ans dans le centre d’accueil pour ensuite devenir la première jeune femme de sa communauté à achever des études universitaires. « J’espère à présent obtenir une maîtrise et, qui sait, un doctorat », a-t-elle exprimé, ses propos étant accueillis par des applaudissements.
L’interrompant brièvement, Mme Rivera Zea s’est vivement félicitée du fait que la génération de sa collègue puisse envisager d’aller à l’université. « Pour la mienne, ce n’était tout simplement pas possible », s’est-elle remémorée.
Poursuivant, Mme Soinato Oiyie a expliqué que depuis l’obtention de son diplôme, elle s’évertuait à donner des conseils aux jeunes filles de sa communauté en se basant sur sa propre expérience, pour les encourager à aller à l’école et à ne pas se marier si jeune. « Imaginez si j’étais mariée à cet homme de 70 ans! Je ne suis peut-être pas la plus belle, a-t-elle lancé avec humour, mais maintenant je peux me marier n’importe où avec la personne que j’aime. »
Mme DALIA LEINARTE, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a présenté le rapport de son organe. Elle a rappelé que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes comptait 189 parties et demeurait le seul instrument des droits de l’homme offrant une protection complète aux femmes. L’année dernière, a-t-elle poursuivi, le Comité a continué de promouvoir le Programme de développement durable à l’horizon 2030 en se focalisant sur trois priorités.
La première est d’encourager les États parties à faire des rapports sur les efforts qu’ils consentent pour la réalisation des cibles relatives à l’égalité des genres. Une révision des règles relatives à l’établissement de ces rapports est ainsi en cours afin d’intégrer cet aspect. Deuxièmement, le Comité a contribué à la mise au point d’indicateurs pour mesurer la mise en œuvre de l’objectif d’égalité des genres. Et troisièmement, le Comité a fait des propositions de fond à la session 2017 du Forum politique de haut niveau, identifiant ainsi des étapes concrètes que les États se doivent de suivre pour assurer le respect des droits des femmes et réaliser les objectifs de développement durable sur l’éradication de la pauvreté et la promotion de la prospérité dans un monde en mutation.
En ce qui concerne l’autonomisation des femmes rurales, Mme Leinarte a rappelé que la Convention susmentionnée était le seul traité international garantissant la protection des femmes rurales, notamment en son article 14. Le Comité a rappelé aux États parties que sa Recommandation 34 (2016) sur les droits des femmes rurales les invite à promouvoir la participation de ces dernières à la vie politique, à la prise de décisions sur les questions de développement rural et de formulation de politiques visant la promotion des opportunités génératrices de revenus, ou encore à l’autonomisation économique, la sécurité alimentaire, la réponse face aux catastrophes et la réduction des risques qui y sont liés tout comme les changements climatiques. Justement, le 7 mars dernier, le Comité a adopté la Recommandation générale 37 (2018) pour rappeler que les femmes rurales ont le droit de participer à la planification des activités de développement et à celles relatives aux réformes agricoles, lesquelles sont essentielles pour l’élaboration et la mise en œuvre effective des programmes de réduction de risques de catastrophe et de ceux sur les changements climatiques.
En outre, le Comité a souligné l’importance de l’éducation comme instrument d’autonomisation des femmes et des filles. C’est pourquoi sa Recommandation 36 (2017) sur « le droit à l’éducation des filles et femmes » relève l’importance de l’accès pour les femmes aux technologies de l’information et des communications (TIC) pour leur essor et leur autonomisation. Cette recommandation suggère que lorsque les fonds manquent, les TIC doivent être mises à profit pour faciliter l’éducation des femmes et des filles par le biais de l’éducation à distance. Cette recommandation prévient aussi que les TIC et certains médias sociaux sont souvent utilisés pour les brimades en ligne, notamment contre les adolescentes qui risquent deux fois plus que les garçons d’en être les victimes ou les auteurs.
Une nouvelle Recommandation, la 35 (2017), portant sur l’élimination de la violence sexiste, indique que l’exposition des femmes à la violence est liée à diverses formes d’inégalités et qu’elle est généralement la conséquence de formes croisées de discriminations. Le Comité se félicite du reste de voir que l’interdiction de la violence sexiste à l’encontre des femmes est en passe de devenir un principe du droit international coutumier.
En novembre dernier, a poursuivi Mme Leinarte, le Comité a invité le Myanmar à lui soumettre un rapport exceptionnel, d’ici la fin du mois de mai 2018, sur les cas de violence sexuelle, y compris les viols, contre les femmes et filles Rohingya par les forces de sécurité. Le Gouvernement du Myanmar doit également fournir des informations sur les mesures prises pour assurer le retour volontaire et sûr de ces femmes, ainsi que leur réintégration économique, et les dédommagements pour perte de terre ou de biens.
Mme Leinarte a enfin déploré le manque de ressources du Comité, ce qui a un impact négatif sur son travail: 30 rapports sont en retard d’examen. Sans des ressources adéquates, a-t-elle averti, le Comité ne pourra pas mettre en œuvre la résolution 68/268 de l’Assemblée générale intitulée « Renforcement et amélioration du fonctionnement de l’ensemble des organes conventionnels des droits de l’homme ».
Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, s’est plainte de la réponse insuffisante des États qui, s’est–elle inquiétée, conduit à une normalisation de la violence faite aux femmes et de leur harcèlement. Elle s’est félicitée de l’élan vers un changement notable qui semble être à l’œuvre dans le monde entier depuis le lancement du « mouvement transformateur » #MeToo. Elle s’est dite convaincue que ces quelques mots puissants devaient servir de guide aux travaux de cette session. Elle a aussi attiré l’attention sur le mouvement Ni Una menos, un mouvement argentin qui dénonce le féminicide et qui appelle à l’établissement d’observatoires sur ce crime dans le monde entier.
La Rapporteuse s’est toutefois inquiétée de l’émergence d’un « ressac idéologique » sous la forme du mouvement sur « l’idéologie du genre » qui est en train de se propager en Amérique latine et dans certains pays d’Europe. Ce mouvement, a-t-elle estimé, utilise une fausse interprétation de la terminologie « genre » pour l’étiqueter comme une idéologie nuisible aux familles et s’opposer à l’adoption de lois favorables à l’égalité des sexes. Elle a appelé à la promotion d’une interprétation « constructive, positive et véridique » du terme « genre » et à combattre ce « contrecourant régressif » à l’égard des femmes en promouvant la nouvelle recommandation 35 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui porte sur la violence sexiste faite aux femmes.
Mme Šimonović a par ailleurs indiqué que dans le cadre de son mandat, une initiative avait été lancée pour établir une coopération institutionnelle thématique entre l’ONU et les principaux mécanismes indépendants régionaux qui traitent du problème de la violence faite aux femmes.
La Rapporteuse spéciale a ensuite fait observer que si l’accès et la représentation des femmes dans le secteur des technologies de l’information et des communications (TIC) sont extrêmement importants pour accélérer l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, les TIC sont en même temps à l’origine de cas de violence cybernétiques qui sont souvent le prolongement d’actes de violence sexistes commis hors ligne. Elle a indiqué qu’elle comptait consacrer un prochain rapport à cette question importante.
Mme Šimonović s’est aussi souciée du fait que de nombreux États semblent considérer l’établissement de centres d’accueil pour les femmes qui ont besoin d’un refuge comme un « engagement volontaire » et non pas comme une partie intégrale de leurs obligations en matière de respect des droits de l’homme. Elle a rappelé son appel en faveur de l’établissement d’une base de données sur ces centres, ainsi que pour la mise en œuvre à l’échelle mondiale d’un plan d’action de lutte contre la violence faite aux femmes.
Tables rondes
Thème A: bonnes pratiques en matière d’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural, notamment grâce à l’accès à l’éducation, aux infrastructures et à la technologie, à la sécurité alimentaire et à la nutrition
« Nous, les femmes rurales, nous ne sommes pas un fardeau » a lancé, d’une voix cassée par l’émotion, Mme Luz Haro Guanga, de l’Équateur, au cours de ce débat ministériel, tenu en deux sessions d’une heure et demie chacune, et à laquelle ont pris part une trentaine de ministres venus partager les bonnes pratiques en matière d’autonomisation des femmes rurales.
Si les échanges ont confirmé la nécessité de redoubler d’efforts pour qu’aucune femme ou fille rurale ne soit laissée pour compte, le témoignage de l’Équateur a été parmi les plus émouvants, car son auteure, elle-même femme rurale de 69 ans, a parlé de son parcours de jeune fille marchant pieds nus dans les montagnes de son village, avant de décrocher, à 35 ans, un diplôme universitaire lui ouvrant les portes de l’autonomie. Elle a plaidé la cause de « ces centaines de milliers de femmes rurales du monde qui souffrent en silence ». « Je suis fière d’être une paysanne équatorienne », a-t-elle lancé entre deux sanglots, avant d’inviter ces femmes rurales à aller à l’école pour s’en sortir comme elle l’a fait.
Accès à l’éducation
De nombreux intervenants, présentant les méthodes qui ont fait leurs preuves dans leur pays, ont également souligné le rôle crucial de l’éducation pour autonomiser les femmes et les filles rurales. En Guinée, a dit sa représentante, le Gouvernement offre des bourses scolaires aux filles rurales, tout en offrant des formations à celles qui ont quitté l’école. En Côte d’Ivoire, les enfants de 6 à 16 ans bénéficient depuis 2015 d’une scolarisation gratuite, ce qui a fait diminuer le taux d’abandon scolaire, a témoigné la Ministre des femmes, de la protection de l’enfance et de la solidarité.
Son homologue du Paraguay a salué la parité scolaire parfaite entre filles et garçons dans son pays, tandis que la Ministre de la promotion de la femme et de la famille du Cameroun saluait la politique de gratuité de l’éducation primaire adoptée par son gouvernement qui a, en plus, recruté des enseignants pour les déployer en priorité dans les zones rurales. Le taux d’alphabétisation est ainsi passé de 34% en 2011 à 77% en 2017.
La même courbe ascendante a été constatée au Kenya où la gratuité de l’école primaire a permis d’augmenter le taux de fréquentation scolaire, a dit la représentante du Gouvernement. Une représentante du Ministère coréen du genre, de l’égalité et de la famille s’est, quant à elle, vantée d’un taux de scolarisation de 100% dans son pays, aussi bien en zone urbaine que dans les régions rurales.
Malheureusement, le bilan des actions menées n’est pas toujours aussi positif. En Afghanistan par exemple, 90% des femmes ne savent ni lire ni écrire, a dit son Ministre de la femme. La Ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille du Mali, dont le pays vit un conflit armé, a dépeint une situation désastreuse faite d’enlèvements d’élèves, de viols, d’enrôlements d’enfants soldats et de destruction d’infrastructures scolaires. Elle a invité la communauté internationale à soutenir la femme malienne en appuyant notamment la reconstruction des infrastructures.
Accès aux infrastructures et à la technologie
Justement, les infrastructures sont cruciales pour soutenir l’autonomisation de la femme rurale, ont soutenu plusieurs délégations. Il faut par exemple s’assurer qu’Internet est présent partout, même dans les zones les plus reculées du pays, comme c’est le cas en Estonie.
En Guinée, l’État a engagé la construction de 9 500 écoles dans les zones rurales, en plus de 10 000 points d’eau aménagés et l’entretien de 4 500 Km de routes rurales pour faciliter les déplacements des femmes et filles qui y vivent. Au Niger, des efforts ont permis d’améliorer les conditions d’hygiène et d’assainissement au bénéfice des femmes rurales par la construction de latrines modernes et des systèmes d’adduction d’eau.
Au Maroc, le « Plan Maroc vert », a témoigné le Secrétaire d’État auprès du Ministère de l’agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, a permis notamment l’électrification des zones rurales reculées, surtout dans les régions montagneuses.
Le Rwanda s’est engagé à créer des infrastructures de technologies de l’information et des communications (TIC) afin de promouvoir un gouvernement électronique. Pour le pays, la « métamorphose numérique » est en marche, a affirmé la Ministre du genre et de la promotion de la famille. Conscientes de l’importance de la technologie, les autorités rwandaises se sont notamment engagées à offrir un ordinateur à chaque élève.
Un programme similaire a permis de distribuer six millions de tablettes et d’ordinateurs portables au Venezuela. La représentante de ce pays s’est aussi félicitée de la révolution initiée par l’ancien Président Hugo Chavez en 1999, ce qui a permis de faire du pays le second dans la région en matière d’alphabétisation.
La Ministre des femmes, du revenu et des services financiers de l’Australie a salué le vaste réseau Internet à larges bandes passantes qui a permis d’effacer les zones d’ombres dans les zones rurales de son pays. En ce qui concerne la Suisse, les agriculteurs et agricultrices reçoivent des informations utiles par le biais de leur téléphone portable, a indiqué le délégué helvète, tandis que la représentante de la Chine a déclaré que la formation au commerce électronique dispensée dans son pays encourage les femmes rurales à participer à l'économie numérique.
Malgré tous ces efforts, et alors même que les technologies mobiles sont de plus en plus répandues, la fracture numérique est encore bien réelle, en particulier sur le plan sexospécifique: la plupart des 3,9 milliards de personnes déconnectées qui vivent dans les zones rurales, sont plus pauvres, moins instruites et sont généralement des femmes et des filles, relève le Secrétaire général dans son rapport sur les « Problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural » (E/CN.6/2018/3).
Accès à la sécurité alimentaire, à la nutrition et à la propriété des terres agricoles
La situation n’est pas différente en matière de sécurité alimentaire et de nutrition. Le rapport souligne en effet qu’un milliard de personnes vivent toujours dans des conditions de pauvreté et d’insécurité alimentaire inacceptables, lesquelles sont en majorité concentrées dans les zones rurales. La base de données Genre et droit à la terre de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) laisse par exemple apparaître que moins de 20% des propriétaires fonciers dans le monde sont des femmes, ce qui renforce leur insécurité alimentaire par rapport aux hommes.
Dans 59% des pays recensés par l’étude de la FAO, s’il existe des lois garantissant aux femmes et aux hommes les mêmes droits, les coutumes et les pratiques religieuses sont discriminatoires à l’égard des femmes et sapent l’application intégrale des législations nationales. Dans 4% de ces pays, la loi dénie expressément aux femmes le droit de posséder, d’occuper ou de contrôler la terre, alors qu’à l’échelle mondiale, près d’un tiers des femmes actives travaillent dans le secteur agricole, notamment dans la foresterie et la pêche.
C’est dans ce contexte que le Secrétaire général du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse a déploré le fait qu’à peine 6% des femmes de son pays sont propriétaires d’entreprises agricoles. En Italie en revanche, près du tiers des entreprises agricoles ont une femme à leur tête et le Gouvernement a créé un fonds spécial pour les soutenir, a témoigné la Vice-Ministre du développement économique de l’Italie.
La Suisse a quand même entrepris de réviser ses lois pour protéger les droits fonciers des femmes en cas de divorce, tandis que la République dominicaine a lancé une réforme pour que les femmes rurales aient accès à la propriété foncière, a expliqué la Ministre de la femme de ce pays.
Comme autre exemple de bonne pratique pour autonomiser les femmes rurales, la Ministre du genre, de l’enfance et de la protection sociale du Libéria a expliqué que les coopératives des femmes dans son pays ont des facilités d’accès aux prêts afin de favoriser leur épanouissement économique à travers les activités agraires. Dans le même ordre d’idées, 35 000 femmes rurales ont reçu des financements directs pour l’agriculture en République islamique d’Iran.
Après les tables rondes, le Directeur exécutif adjoint d’ONU-Femmes, M. Yannick Glemarec, a fait le résumé de ces bonnes pratiques partagées par les États au cours des deux sessions qui étaient présidées respectivement par M. Indrek Saar, Ministre de la culture de l’Estonie, et par Mme Margaret Kobia, responsable des services publics, de la jeunesse et du genre au sein du Gouvernement kenyan.
Thème B: bonnes pratiques en matière d’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural, notamment grâce à la prévention de la violence sexiste et à la promotion de l’accès à la justice, aux services sociaux et aux soins de santé
Une quarantaine de ministres et autres hauts responsables des gouvernements ont attiré l’attention sur les mesures prises pour faire face à la prévalence, en milieu rural, de certaines pratiques nuisibles, mais aussi aux problème liés au manque d’accès à la justice et à l’éloignement des infrastructures de santé, sans oublier l’absence de services adéquats et de professionnels qualifiés.
La première table ronde était présidée par Mme MARTHA ORDOÑEZ, Conseillère de la Présidence de la Colombie pour l’égalité des sexes qui a indiqué que dans son pays, la violence faite aux femmes a été normalisée, à tel point que 45% des fonctionnaires chargés d’aider les victimes ne voient pas la nécessité de changer les choses. Cette attitude a été confirmée par la Ministre de la santé et de la protection sociale de l’Albanie. Mme Ogerta Manastirliu a avoué que les inégalités sont acceptées dans le milieu rural de son pays où vivent 42% de la population, dont 47% de femmes, une situation qui rend l’application des lois particulièrement difficile. Néanmoins, l’amendement à la loi sur la violence domestique a eu des répercussions « directes », s’est-elle félicitée; l’année 2017 ayant été celle d’une hausse de 10% des plaintes par rapport à 2016.
« Les lois ne suffisent pas. Il faut avant tout sensibiliser la population », a prévenu la Ministre des affaires étrangères, de la justice et de la culture du Liechtenstein. Elle a parlé d’une campagne novatrice lancée par son gouvernement consistant à ce que chaque boulangerie emballe le pain dans un sachet où sont imprimés des informations et des numéros de téléphone. Un programme similaire existe aussi en Espagne où on a distribué des milliers de kits de détection de la violence domestique par le biais des pharmacies, a indiqué la Directrice générale de l’Institut de la femme et de l’égalité de l’Espagne.
Encore faut-il mieux coordonner les efforts de la police, des services sociaux et des ménages, a tempéré la Ministre des affaires familiales et des services sociaux de la Finlande. La sensibilisation de toutes les catégories de profession est essentielle, a renchéri la Secrétaire d’État à l’égalité des sexes de la Suède. Elle a précisé que depuis l’été, chaque catégorie de travailleurs, des dentistes aux professeurs, doit suivre une formation sur la détection de la violence sexiste. En outre, le site Internet Youmo met des informations à la disposition des jeunes d’origine différente, les migrants notamment, dans leur langue maternelle pour les sensibiliser à l’importance de l’égalité et du consentement s’agissant des relations sexuelles. La Ministre finlandaise a elle aussi parlé d’une approche novatrice pour aider les hommes violents à modifier leur comportement. La sensibilisation, a-t-elle insisté, doit commencer dès le plus jeune âge. Abondant dans ce sens, la Ministre des pêches, de l’égalité des chances et de la coopération nordique du Danemark, a attiré l’attention sur la nécessité d’analyser la manière dont on parle de la masculinité. Le Honduras, a dit sa Ministre chargée de l’Institut national de la femme, a adopté une loi contre le harcèlement scolaire pour encourager le vivre ensemble.
L’émergence de nouveaux défis liés à Internet a été évoquée par la Secrétaire d’État parlementaire de l’Allemagne, tandis que la Secrétaire d’État pour l’égalité des sexes de la France a évoqué l’adoption de la « grande loi » sur le cyberharcèlement et la cyberviolence mais aussi le harcèlement de rue, et même la création d’une plateforme de géolocalisation des centres d’accueil. L’accès des victimes à ce type de structures demeure un problème surtout dans les zones rurales, a reconnu la Vice-Ministre des droits de l’homme, de l’égalité de chances et de la législation de la République tchèque. Toujours à propos de loi, la Magistrate du tribunal électoral du Mexique, a indiqué que son gouvernement est sur le point d’adopter une loi sur la violence politique liée au genre. Pour les victimes des violences sexistes, a expliqué, la Ministère du genre de la Zambie, mon pays vient de mettre au point un programme de redistribution des terres en faveur des femmes rurales ainsi qu’un système de transfert d’argent dont ont bénéficié 242 000 victimes, dont 70% de femmes. C’est une aide juridique gratuite qui est offerte à nos victimes, a indiqué la représentante de la Commission nationale pour les femmes, la famille et la politique démographique du Kazakhstan. Le problème de l’excision a été abordé par un membre du Parlement ougandais qui a cité un programme permettant aux étudiantes de rester à l’internat pendant les vacances scolaires. La Ministre du développement social de la Jordanie, a, quant à elle, évoqué le problème de la violence sexiste parmi les migrants.
Accès à la justice et aux services sociaux
Pour assurer l’application du droit dans les milieux ruraux, la Ministre des politiques familiales et sociales de la Turquie, a indiqué que son gouvernement a créé des unités spéciales composées d’une majorité de femmes. C’est une aide juridique gratuite et un programme de sensibilisation au harcèlement sexuel qui ont été mis au point en Malaisie, a indiqué la représentante du Ministère de la femme, de la famille et de la communauté de la Malaisie. Le problème, a constaté la Ministre de la femme, de la solidarité nationale et de la famille du Burkina Faso, c’est la connaissance des lois. La Ministre a souligné que malgré les différentes lois sur la prévention de la violence et la prise en charge des victimes ou encore sur le régime foncier rural consacrant l’égalité d’accès à la terre, la majorité de la population est toujours dans l’ignorance. Les textes donc été vulgarisés et traduits dans les principales langues du pays.
Une initiative similaire a aussi été lancée au Pérou où les textes sont traduits en quechua et autres langues autochtones, a indiqué la Ministre péruvienne de la condition de la femme et des populations vulnérables, qui a aussi évoqué un accord plénier pour la prise en charge des femmes autochtones. Ce n’est pas facile. Cela exige un vrai dialogue interculturel car la violence est malheureusement encore tolérée dans le pays, surtout dans les zones rurales, a-t-elle déploré.
Autonomisation économique
La Ministre burkinabè s’est aussi souciée de la question de l’autonomisation économique des femmes et a parlé d’un « centre d’incubation agricole » qui permet d’encadrer l’entreprenariat féminin pour aider les femmes à sortir du secteur informel. Au Sri Lanka, une collaboration entre le Gouvernement, les banques et le secteur privé permet d’appuyer les PME des femmes rurales mais aussi de promouvoir la responsabilité sociale des entreprises, s’est enorgueillie la Ministre sri-lankaise de la femme et de l’enfance. Son homologue des affaires féminines de l’État de Palestine n’a pas manqué d’attirer l’attention sur l’impact de l’occupation israélienne sur la situation de ses compatriotes, établissant un lien direct entre leur autonomisation et le développement, tandis que la Ministre des affaires sociales du Yémen a souligné que le conflit qui ravage son pays affecte durement les femmes rurales, évoquant notamment le manque d’eau potable et la propagation des maladies. La Ministre de la condition de la femme du Maroc a vivement dénoncé la « violence économique » dont pâtissent les femmes rurales, dont 93% travaillent dans l’élevage et l’agriculture. Or, la plus grande majorité d’entre elles ne sont pas rémunérées car elles travaillent dans un système qui privilégie l’économie familiale.
La Ministre a aussi attiré l’attention sur le problème de l’éloignement des infrastructures de santé qui fait qu’il n’est pas inhabituel pour une femme enceinte d’accoucher sur le bord de la route, avec les risques que l’on sait pour le nouveau-né. Le Maroc a mis sur pied un système de maternités de proximité. Il y a une dimension culturelle au manque de fréquentation des hôpitaux en milieu rural, a fait observer la Ministre du bien-être social, du genre et de l’enfance de la Sierra Leone dont le Gouvernement a formé des sages-femmes « traditionnelles ».
Soins de santé
Dans son intervention, la Ministre burkinabè a par ailleurs attiré l’attention sur l’importance de la santé sexuelle et reproductive en milieu rural, précisant que son gouvernement envisage d’assurer la gratuité des méthodes contraceptives dans un très proche avenir. Cette approche est déjà une réalité en Slovénie. La Ministère slovène du travail, de la famille, des affaires sociales et de l’égalité des chances a aussi parlé des unités mobiles de dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus. Le Gouvernement cible aussi les femmes exclues, les migrantes notamment, victimes de violences. Pour sa part, la Ministre de la femme et des droits de l’homme de la Somalie a parlé des défis liés à la collecte de données ventilées par sexe dans les zones rurales. Elle a aussi évoqué la vulnérabilité particulière des femmes rurales obligées de se déplacer en raison des changements climatiques, mais aussi des conflits.
Le deuxième segment de cette table ronde était présidé par M. ISSA BIN SAAD AL JAFALI AL NUAIMI, Ministre du développement administratif, du travail et des affaires sociales du Qatar, qui a affirmé que son pays ne dispose pas de zones rurales à proprement parler. Une ligne téléphonique a été mise en place pour signaler anonymement les cas de violence et de maltraitance.