Deuxième Dialogue de la Conférence de Marrakech: la mise en œuvre du Pacte pour les migrations exigera des partenariats novateurs
MARRAKECH (Maroc), 11 décembre -- Lors du second Dialogue interactif tenu, aujourd’hui, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale d’adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, les participants ont exploré les possibilités de partenariats et ont prôné des mesures novatrices en vue de la mise en œuvre de l’accord, en précisant qu’il fallait mettre les migrants au cœur des politiques migratoires.
Tour à tour, une trentaine d’États Membres et de parties prenantes du monde des affaires, des organisations syndicales et des organisations internationales ont partagé leurs priorités et leurs aspirations de travail en commun afin de donner vie aux 23 objectifs contenus dans le « Pacte de Marrakech », adopté hier, premier accord mondial englobant toutes les dimensions des migrations internationales.
Les migrations ont toujours été un moteur dans l’histoire du monde: elles ont touché de façon tangible l’histoire des sociétés, à commencer par les migrations vers l’Asie et l’Europe à partir de l’Afrique, a déclaré d’emblée l’oratrice principale et Présidente du Groupe de haut niveau sur les migrations internationales en Afrique, Mme Ellen Johnson Sirleaf.
Alors que plus de 258 millions de migrants sont sur les routes de par le monde, la plupart de façon légale, en quête de travail ou menant des études, l’ancienne Présidente du Libéria a appelé à reconnaître cette « réalité indiscutable » que les migrations profitent tant aux pays d’origine qu’à ceux d’accueil.
Pourtant, des groupes politiques continuent de profiter des mouvements des migrants et des réfugiés, que l’on appelle maintenant « crise des réfugiés », pour lancer un nouveau « cycle de haine et de xénophobie ». « Nous devons éviter de construire des murailles », a encore dit Mme Johnson Sirleaf avant d’aborder le cœur du sujet du Dialogue en évoquant les nombreux pays d’Afrique qui ont conclu des partenariats économiques et commerciaux avec l’Union européenne.
Pour appuyer ces efforts et d’autres qui ont cours aux quatre coins du monde, il faut donc mettre en place des partenariats inclusifs impliquant tant les municipalités que les acteurs de la société civile, a préconisé le Directeur du Brookings Doha Center, M. Tarik Yousef, citant en exemple la mise en place de services financiers mobiles qui permettent aux migrants de faire des envois de fonds sans avoir besoin d’une pièce d’identité. Pour lui, ces avancées modestes, locales, peuvent inciter les gouvernements centraux à faire des progrès sur la question des migrations, et à mettre en œuvre les objectifs du Pacte.
Bien que les villes n’aient pas le mandat de traiter des migrations, elles ont tout de même le devoir de mettre en place des services sociaux adaptés aux besoins particuliers des migrants, a fait valoir la maire de Madrid, Mme Manuela Castrillo, pour qui les municipalités devraient avoir le pouvoir de gérer la question des migrations.
Le réseau des Nations Unies consacré aux migrations, créé concomitamment au Pacte, devrait d’ailleurs servir de « guide » afin d’accompagner la mise en œuvre des efforts collectifs et l’établissement de partenariats constructifs entre les États Membres et les parties prenantes, a proposé le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), M. Carvalho Ferreira Vitorino.
De nombreux intervenants ont en outre préconisé le recours aux nouvelles technologies et à des données fiables afin de développer des partenariats et des synergies efficaces relatives aux migrations, pour se baser sur des « faits plutôt sur la rhétorique », selon les mots de la représentante des Pays-Bas.
Quant aux entreprises, elles ont une responsabilité particulière dans le domaine des migrations, a relevé la Thaïlande: elles doivent veiller au recrutement juste et à des conditions décentes de travail pour les migrants. Alors que des milliers d’emplois disparaîtront bientôt en raison de l’automatisation, l’Indonésie a recommandé aux États de mettre l’accent sur la formation professionnelle, pour que les migrants ne se retrouvent pas sans travail dans les pays d’accueil. « L’adoption du Pacte mondial n’est pas notre destination mais bien le début d’un long voyage », a conclu cette délégation.
CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE CHARGÉE D’ADOPTER LE PACTE MONDIAL POUR DES MIGRATIONS SÛRES, ORDONNÉES ET RÉGULIÈRES
Dialogue 2: « Partenariats et initiatives novatrices pour l’avenir »
L’oratrice principale du Dialogue, Mme ELLEN JOHNSON SIRLEAF, Présidente du Groupe de haut niveau sur les migrations internationales en Afrique, a commencé par rappeler que les migrations avaient toujours été un moteur dans l’histoire du monde, et avaient touché de façon tangible l’histoire des sociétés, à commencer par les migrations vers l’Asie et l’Europe à partir de l’Afrique. Elle a dénoncé l’utilisation des mouvements des migrants et des réfugiés, que l’on appelle maintenant « crise des réfugiés », par des groupes politiques qui en profitent pour lancer un nouveau « cycle de haine et de xénophobie ».
Mme Johnson Sirleaf a présenté la réalité actuelle: aujourd’hui, 258 millions de migrants sont sur les routes de par le monde, la plupart de façon légale, en quête de travail ou menant des études. Selon la Banque mondiale, les migrants ont contribué 596 milliards de dollars en transferts de fonds en 2017, soit trois fois le montant de l’aide publique au développement. Ces personnes apportent également compétence, technologie et capitaux au-delà des frontières.
Celle qui fut Présidente du Libéria a invité les pays d’Afrique à continuer d’améliorer les conditions économiques afin de favoriser la création d’emplois et d’encourager les investissements plutôt que de pousser leurs citoyens à fuir leur foyer pour aller en Europe. « La migration doit être un choix et non une obligation. »
Face à ce constat, Mme JOANNE LIU, Présidente de Médecins sans Frontières (MSF), a souhaité que la question des migrations soit traitée de façon collective et humaine. Alors que les citoyens et les maires d’Europe se mobilisent pour sauver des vies, les gouvernements refusent de fournir les moyens de mener des recherches de sauvetage des réfugiés en mer, notamment en Libye, a-t-elle dénoncé. « Ces politiques tuent » et aggravent les souffrances de millions de personnes, a martelé Mme Liu en rappelant que les États sont liés par le droit national et international.
Nous devons reconnaître cette « réalité indiscutable » que les migrations profitent tant aux pays d’origine qu’à ceux d’accueil, a repris Mme Johnson Sirleaf, en notant que certains pays ont adopté des politiques visant à faciliter les mouvements transnationaux, notamment la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), où trois millions de personnes peuvent se mouvoir avec un passeport commun. D’ailleurs, les pays qui ont adopté des politiques de frontières ouvertes n’ont pas fait état de hausse de la criminalité ou de l’insécurité, a-t-elle expliqué, mais ont au contraire indiqué que la paix et le développement ont été renforcés.
Un avis partagé par la Maire de Madrid, Mme MANUELA CARMENA CASTRILLO, qui a estimé que ce sont les autorités locales qui devraient avoir le pouvoir de gérer la question des migrations. Même si les villes n’ont pas le mandat de traiter des questions de migration, elles ont tout de même le devoir d’établir des services sociaux capables de prendre soin des migrants et de leur offrir des services d’urgence adaptés. C’est ce que Madrid a fait, a-t-elle dit en signalant avoir attribué aux migrants des cartes d’identité temporaires afin qu’ils puissent bénéficier de tous les services fournis par la municipalité. Elle a donc appelé à l’établissement de partenariats entre l’État central, la région, ainsi qu’à la création de bureaux de points de contact en faveur des migrants dans chaque ville.
Pour appuyer ces efforts, il faut donc mettre en place des partenariats et des idées novatrices, a renchéri le Directeur du Brookings Doha Center, M. TARIK YOUSEF, pour qui la question des migrations nécessite l’implication tant des municipalités que des acteurs de la société civile. Ces innovations doivent venir d’abord des gens présents sur le terrain et s’appuyer sur des technologies novatrices, sans apport des autorités gouvernementales. Il a cité en exemple la mise en place de services financiers mobiles et simples qui peuvent permettre aux migrants de faire des envois de fonds sans avoir besoin d’une pièce d’identité. Selon lui, c’est par ces petites avancées, sur le plan local, que l’on peut inciter les gouvernements centraux à faire des progrès, et à mettre en œuvre les 23 objectifs du Pacte.
Faisant écho à ces propos, la Vice-Présidente du Panama a préconisé le recours aux nouvelles technologies afin de développer des outils, notamment dans le traitement des données. Des données fiables et pertinentes sur les migrations permettent en effet de communiquer sur la base de faits plutôt que de rhétorique, ont renchéri les Pays-Bas.
Pour stimuler les investissements nécessaires, le Danemark a préconisé une approche impliquant l’ensemble des acteurs de la société et à même de catalyser les investissements privés. Une idée reprise par le Ministre de l’intégration africaine et des citoyens vivant à l’étranger du Mali, qui a appelé à la mobilisation des secteurs public et privé, des médias et des migrants eux-mêmes.
La participation active des acteurs non étatiques est en effet essentielle pour assurer le succès de notre stratégie, a approuvé l’Allemagne, pour qui les groupes de la diaspora, qui jettent des ponts entre les pays d’origine et de destination, peuvent être mis à contribution.
Pour ce faire, il est crucial de nous concentrer sur les compétences dont disposent les migrants et celles recherchées dans les pays d’accueil, notamment par la formation, a dit le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), une tâche à laquelle pourrait contribuer le réseau des Nations Unies consacré aux migrations qui vient d’être créé. Ce réseau pourrait en effet servir de « guide » à la mise en œuvre des efforts collectifs et à la mise en place de partenariats entre les États Membres.
Les entreprises ont une responsabilité particulière afin d’assurer le recrutement juste et les conditions décentes de travailleurs migrants, a relevé la Thaïlande. Il faut en effet, a dit le Cambodge, tenir compte du fait que les migrants sont souvent des travailleurs peu qualifiés et mal intégrés, et donc vulnérables.
À cet effet, le Conseil des États-Unis pour les affaires internationales a parlé du programme « Talents dépassant les frontières », qui dispose de 11 000 profils de candidats provenant de pays aux conditions précaires. Il a souligné l’importance de disposer de filières légales de migrations afin de pouvoir recruter ces candidats. À cet effet, l’Indonésie a mentionné qu’alors que des milliers d’emplois disparaîtront bientôt en raison de l’automatisation, il fallait mettre l’accent sur les activités de formation. « L’adoption du Pacte mondial n’est pas notre destination mais bien le début d’un long voyage », a dit son représentant.
Pour sa part, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a lancé le Guide de politique entrepreneuriale pour les migrants et les réfugiés, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’OIM, qui montre que les activités économiques des migrants apportent une contribution aux communautés d’accueil comme aux communautés d’origine.
Pour le Saint-Siège et l’Association des organisations italiennes de solidarité internationale, il faut clarifier le rôle des parties prenantes afin que les responsabilités puissent être pleinement partagées. Il faut également protéger les droits des migrants et leur dignité à toutes les étapes du cycle migratoire, tout en encourageant l’inclusion socioéconomique des migrants et l’enrichissement mutuel des société d’accueil et des migrants eux-mêmes.
La migration est une réalité multidimensionnelle qui ne peut être gérée par un seul acteur, a dit le Canada, soulignant que cela requiert des partenariats reposant sur la collaboration de tous les secteurs de la société. L’adoption du Pacte mondial était donc nécessaire pour relever les défis de la coopération et adopter des approches innovantes afin de nous attaquer aux problèmes existants sous différents angles, a considéré Médecins du monde.
À cet égard, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a préconisé l’adoption de mesures administratives favorisant la coordination interinstitutionnelle afin de développer une coopération transfrontière efficace au niveau gouvernemental et non gouvernemental.
Selon la Fondation CEPAIM, de l’Espagne, ce ne sont pas les migrants qui attaquent la démocratie mais bien le racisme et la démocratie. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a d’ailleurs fait de la protection des droits de l’homme des migrants une de ses priorités, de même que la mise en place de politiques migratoires aidant les personnes à s’intégrer aux sociétés d’accueil.
L’UNICEF a déclaré, comme Children and Youth international et Save the Children, que les jeunes veulent être consultés et faire partie de la solution dans le cadre de partenariats inclusifs. Il faut réduire le nombre d’enfants détenus pour des raisons migratoires et accentuer la lutte contre la xénophobie.
Abondant dans le même sens, RESO-femmes international a fait valoir qu’il revient aux États Membres d’élaborer des plans nationaux permettant de lutter contre les atteintes aux droits des femmes migrantes, celles-ci devant être au centre des politiques d’immigration.
En tant que pays d’origine comme de destination des migrations, le Maroc est doublement concerné par les mouvements migratoires qui doivent être inclus dans les efforts entrepris à tous les niveaux.
De son côté, le Bélarus a dit vouloir collaborer au réseau des Nations Unies consacré à la migration, créé concomitamment au Pacte, qui doit permettre une coopération étroite avec les États et les organisations internationales et régionales. Il faut utiliser au mieux le potentiel de la migration afin de réaliser les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable, a ajouté le représentant.
Enfin, l’Érythrée a plaidé pour une position cohérente de l’ensemble du système migratoire mondial. La Conférence d’examen du Pacte mondial devra permettre de partager les expériences, notamment entre pays d’origine et de destination.