Dans un contexte politique difficile en Guinée-Bissau, après le report des élections législatives, le Conseil de sécurité appuie la restructuration du BINUGBIS
Plus de six mois après la nomination d’un Premier Ministre de consensus et la formation d’un gouvernement inclusif conformément aux Accords de Conakry, la situation politique demeure incertaine en Guinée-Bissau. C’est le constat fait ce matin par le Sous-Secrétaire général aux affaires politique, M. Tayé-Brook Zerihoun, dans son exposé au Conseil de sécurité sur la situation en Guinée-Bissau.
M. Zérihoun, qui présentait le rapport du Secrétaire général sur l’évaluation stratégique du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS), a rappelé que, pour des raisons techniques, les élections législatives dans ce pays n’ont pu se tenir à la date prévue, le 18 novembre. Ce n’est que le 19 décembre que le Gouvernement a déclaré la fin du processus d’inscription des électeurs, a-t-il indiqué. Ce processus avait été suspendu le 5 décembre par le Procureur général en raison d’allégations d’irrégularités. Grâce à l’intervention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les opérations ont pu reprendre et la date du scrutin a été finalement arrêtée hier au 10 mars 2019.
Mais ces développements et les plaintes des partis politiques concernant certains aspects techniques du vote ont établi « un climat préélectoral malsain », s’est inquiété M. Zerihoun. Plusieurs partis ont réclamé la démission du Ministre de l’administration territoriale et accusé le Président et ses alliés d’avoir volontairement freiné le processus électoral. Le Premier Ministre a démenti, affirmant que l’enregistrement avait été transparent et les élections seraient justes et libres. Environ 800 000 citoyens, soit 95% du corps électoral potentiel, étaient inscrits au 12 décembre, comme l’a aussi rappelé le représentant de la Guinée-Bissau, justifiant ainsi la décision prise par le Président bissau-guinéen de reporter les élections afin de permettre « le recensement d’une grande majorité des citoyens électeurs ».
À ce stade, le Sous-Secrétaire général a enjoint la communauté internationale à envoyer un message fort aux autorités de Guinée-Bissau pour les inviter à faire la preuve de leur volonté d’organiser des élections crédibles.
Répondant à cet appel, la France a jugé important que les engagements pris soient désormais tenus « pour jauger de la volonté réelle des différents acteurs d’avancer vers une pleine mise en œuvre des Accords de Conakry ». Elle se faisait ainsi l’écho de la plupart des membres du Conseil de sécurité, qui « sans vouloir dramatiser le report des élections législatives », comme l’a dit la Fédération de Russie, entrevoit tout de même des complications potentielles du fait que ce calendrier électoral fait coïncider les élections législatives et présidentielle en 2019. Cette préoccupation a été partagée par le Président de la configuration Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Mauro Vieira, qui redoute qu’une partie des acteurs politiques n’aient des difficultés financières pour organiser deux élections au cours du même semestre.
Sur une note plus positive, M. Vieira a souligné que la communauté internationale a activement soutenu la Guinée-Bissau dans l'organisation de ces élections. L’appel à contribuer au Fonds commun pour les élections, administré par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a reçu une réponse positive et, selon lui, le financement du scrutin législatif n’est plus un problème. De plus, a-t-il encore précisé, le Nigéria et le Timor-Leste ont fourni un certain nombre de kits d’enregistrement des électeurs et le Portugal fournira les bulletins de vote. Le PNUD, de son côté, a offert un autre lot de matériel d'enregistrement pour le jour du scrutin.
Toutefois, la France a averti que « la finalisation et la validation de la liste électorale ne sauraient constituer un prétexte pour retarder indéfiniment le scrutin », tandis que le Royaume-Uni et d’autres ont insisté sur l’importance de l’application des Accords de Conakry qui restent un point de départ pour les réformes institutionnelles du pays.
Le Président de la configuration Guinée-Bissau a, lui aussi, appelé les acteurs politiques du pays à maintenir leur engagement en faveur des Accords de Conakry et le Gouvernement à éviter de nouveaux retards et à organiser les élections à la date fixée.
Cette séance a également été l’occasion de revenir sur les recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport consacré au BINUGBIS, qui a déjà été reconfiguré par la résolution 2404 (2018). Le Secrétaire général y préconise une hiérarchisation des tâches et des options de restructuration de la présence de l’ONU dans le pays.
Comme l’a rappelé le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, « cela fait maintenant près de 20 ans que cette mission est déployée et l’expérience a montré que sans vraies réformes engagées au niveau national par les autorités, elle ne pourra à elle seule ramener une paix durable ni engager le pays sur la voie du développement ». Pour cette raison, a encore expliqué M. Zerihoun, le Secrétaire général a recommandé que le Bureau se concentre sur une mission de bons offices et se retire au plus tard en 2020, après avoir couvert trois phases: la période électorale, jusqu’à mi-2019, la phase postélectorale, de mi à fin 2019, et, enfin, une période de transition jusqu’à son départ.
Cette proposition a reçu le soutien des membres du Conseil, mais certains d’entre eux, comme la Fédération de Russie et les Pays-Bas, ont suggéré que ce recalibrage du BINUGBIS ne commence qu’après la fin du cycle électoral en cours, alors que le Royaume-Uni a demandé un plan de transition intégré avec effet immédiat.
De son côté, le Président de la configuration Guinée-Bissau a estimé que la CCP, pourrait, dans le cadre de son rôle consultatif auprès du Conseil de sécurité, contribuer de manière positive à la discussion concernant la reconfiguration du BINUGBIS, jugeant lui aussi que cet effort devrait être compatible avec un calendrier électoral révisé.
LA SITUATION EN GUINÉE-BISSAU (S/2018/1086)
Déclarations
Plus de six mois après la nomination d’un Premier Ministre de consensus et la formation d’un gouvernement inclusif conformément aux Accords de Conakry, a noté M. TAYÉ-BROOK ZERIHOUN, Sous-Secrétaire général aux affaires politique, la situation politique demeure incertaine en Guinée-Bissau.
Pour des raisons techniques, les élections législatives n’ont pu se tenir le 18 novembre et ce n’est que le 19 décembre que le Gouvernement a déclaré la fin du processus d’inscription des électeurs, a rappelé le Sous-Secrétaire général. Ce processus avait été suspendu le 5 décembre par le Procureur général en raison d’allégations d’irrégularités. Grâce à l’intervention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a envoyé une délégation sur place, conduite par le Ministre des affaires étrangères du Nigéria, les opérations ont pu reprendre et la date du scrutin a été finalement arrêtée au 10 mars 2019.
Mais ces développements et les plaintes des partis politiques concernant certains aspects techniques du vote ont établi un climat préélectoral malsain, a souligné M. Zerihoun. Plusieurs partis ont réclamé la démission du Ministre de l’administration territoriale et accusé le Président et ses alliés d’avoir volontairement freiné le processus électoral. Le Premier Ministre a démenti, affirmant que l’enregistrement avait été transparent et les élections seraient justes et libres. Environ 800 000 citoyens, soit 95% du corps électoral potentiel, étaient inscrits au 12 décembre. À ce stade, le Sous-Secrétaire général a enjoint la communauté internationale à envoyer un message fort aux autorités de Guinée-Bissau pour les inviter à faire la preuve de leur volonté d’organiser des élections crédibles.
C’est dans ce contexte politique difficile qu’opère le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS): cela fait maintenant près de 20 ans que cette mission est déployée et l’expérience a montré que sans vraies réformes engagées au niveau national par les autorités, elle ne pourra à elle seule ramener une paix durable ni engager le pays sur la voie du développement. Pour cette raison, a encore expliqué M. Zerihoun, le Secrétaire général a recommandé que le Bureau se concentre sur une mission de bons offices et se retire au plus tard en 2020, après avoir couvert trois phases: la période électorale, jusqu’à mi-2019, la phase postélectorale, de mi à fin 2019, et, enfin, une période de transition jusqu’à son départ.
Pour accomplir sa tâche, le Bureau, déjà reconfiguré par la résolution 2404 (2018), sera donc renforcé jusqu’à son départ avec l’établissement d’une mission spécialisée de bons offices conduite par le Sous-secrétaire général, la CEDEAO renforçant simultanément sa présence dans le pays, a conclu l’intervenant.
M. MAURO VIEIRA (Brésil), Président de la Configuration Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a rappelé avoir organisé, le 31 août, à la demande du Premier Ministre Aristides Gomes une réunion de haut niveau de la CCP. Il a ajouté qu’il avait convoqué, le 10 décembre, une réunion de la configuration Guinée-Bissau de la CCP au cours de laquelle des informations actualisées ont été communiquées par M. José Viegas Filho, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau intégré des Nations Unies en Guinée-Bissau (BINUGBIS), et M. Tanou Koné, Observateur permanent de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Malheureusement, a noté M. Vieira, le Gouvernement de la Guinée-Bissau n’a pas été en mesure de tenir les élections prévues le 18 novembre, principalement en raison d’une série de retards successifs qui ont empêché la conclusion dans les délais impartis du processus d’enregistrement des électeurs.
Au cours de la réunion du 10 décembre, a-t-il poursuivi, le Représentant spécial a souligné que les partis politiques restaient en désaccord sur les aspects techniques de l’enregistrement et s’accusaient mutuellement de tentatives de fraude en vue de retarder délibérément le processus. Selon lui, la stabilité est affectée par la propagation de points de vue selon lesquels certains seraient intéressés par le report du vote afin de le combiner avec l’élection présidentielle de 2019. À cet égard, M. Vieira a indiqué qu’une partie des acteurs politiques pourrait avoir des difficultés financières pour organiser deux élections au cours du même semestre.
M. Vieira a précisé avoir également appris que le Gouvernement avait annoncé la fin de l’enregistrement des électeurs le 19 décembre, assurant que plus de 95% de la population potentielle d’électeurs étaient inscrits. En outre, a-t-il dit, nous avons été informés que le Président José Mario Vaz a publié, hier, un décret reprogrammant au 10 mars 2019 la tenue des élections législatives. Dans ce contexte, a commenté l’intervenant, il est important de souligner que la communauté internationale a activement soutenu la Guinée-Bissau dans l’organisation de ces élections. L’appel à contribuer au Fonds commun pour les élections administrées par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a reçu une réponse positive et, selon lui, le financement de ce scrutin n’est plus un problème, le Fonds commun ayant été recouvré à hauteur de 9,8 millions de dollars. De plus, a-t-il encore précisé, le Nigéria et le Timor-Leste ont fourni un certain nombre de kits d’enregistrement des électeurs et le Portugal fournira les bulletins de vote. Le PNUD, de son côté, a offert un autre lot de matériel d’enregistrement pour le jour du scrutin.
La communauté internationale est également restée en contact avec les autorités du pays s’agissant du processus électoral, en particulier le groupe de partenaires P5 en Guinée-Bissau, à savoir l’Union africaine, la Communauté des pays de langue portugaise, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union européenne et l’ONU, a relevé M. Vieira, saluant le soutien apporté à ces élections par la communauté internationale ainsi que la promulgation par le Président Vaz, le 3 décembre, de la loi sur la parité des sexes, qui établit un quota de 36% de femmes candidates au Parlement et de représentation dans les institutions du secteur public. Le Président de la configuration Guinée-Bissau a cependant appelé les acteurs politiques du pays à maintenir leur engagement en faveur des Accords de Conakry et le Gouvernement à éviter de nouveaux retards et à organiser les élections à la date fixée.
Évoquant par ailleurs la tenue du prochain sommet des Chefs d’États de la CEDEAO, le 22 décembre à Abuja, M. Vieira a indiqué que l’influence de la CEDEAO reste très importante compte tenu de son rôle clef dans les Accords de Conakry et de la présence de la force militaire de la Mission de la CEDEAO en Guinée-Bissau (ECOMIB), dont le mandat a été prolongé jusqu’en août 2019. Félicitant le Gouvernement de la Guinée-Bissau, la CEDEAO et l’Union européenne pour avoir œuvré à l’extension de la présence de cette Mission dans le pays, il a jugé que cette évolution démontre la nécessité de renforcer les capacités des Forces de sécurité bissau-guinéennes.
Il a ajouté que, lors de la dernière réunion de la CCP, le Premier Ministre Aristides Gomes lui avait fait part d’un besoin d’assistance du Gouvernement pour faire face à la crise financière qui sévit dans le pays, notamment dans le secteur de l’éducation. Au cours de cette réunion, la Banque mondiale nous a parlé de la situation économique et fiscale du pays qui reste extrêmement tendue, a-t-il dit. Ils ont ainsi averti que la croissance économique devrait passer de 5,9% à 3,8% en 2017. Les recettes fiscales devraient également reculer de 10,3% du PIB à 8,5% en 2018, principalement en raison de la baisse des revenus tirés des exportations de noix de cajou.
En ce qui concerne l’environnement socioéconomique et politique, a poursuivi M. Vieira, la Guinée-Bissau a connu une série de grèves qui ont affecté les activités du secteur public. Les écoles publiques en Guinée-Bissau sont fermées depuis des mois et les enseignants ont organisé des manifestations pour réclamer des salaires impayés. Il a noté que, selon les informations à sa disposition, la Guinée-Bissau a aujourd’hui besoin d’un montant estimé à environ 7,8 millions de dollars pour verser 18 mois de salaires impayés aux enseignants.
Déplorant que la manifestation d’étudiants organisée le 9 novembre ait été réprimée avec force, entraînant la destitution du Ministre de l’intérieur, M. Vieira a dit avoir consulté le Fonds monétaire international (FMI) de manière informelle. Celui-ci envisage une mission en Guinée-Bissau pour le début de 2019 afin d’examiner le programme existant avec le pays, a-t-il indiqué, affirmant vouloir suivre cette question de près. Il a aussi invité la communauté internationale à envisager la possibilité de fournir un appui budgétaire d’urgence et ciblé pour stabiliser le secteur public.
À propos de l’éventuelle reconfiguration de la présence de l’ONU dans le pays et de la redéfinition des priorités de ses tâches, telles que déterminée par la dernière révision du mandat du BINUGBIS, M. Vieira a estimé qu’il serait positif que la CCP soit également consultée lors d’évaluations futures de ce type. À ses yeux, le BINUGBIS a continué de jouer un rôle de soutien essentiel auprès du Gouvernement de la Guinée-Bissau et des efforts de la CEDEAO et du « P5 Guinée-Bissau » pour aider le pays à résoudre ses problèmes. La CCP, pourrait, dans le cadre de son rôle consultatif auprès du Conseil de sécurité, contribuer de manière positive à cette discussion concernant la reconfiguration du BINUGBIS, a-t-il conclu, jugeant que cet effort devrait être compatible avec un calendrier électoral révisé.
Pour Mme TAYE ATSKE SELASSIE MADE (Éthiopie), une volonté politique forte et un sentiment d’appropriation seront essentiels pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau. Elle a pris note des défis rencontrés par le BINUGBIS dans l’accomplissement de son mandat et a lancé un appel aux parties de la Guinée-Bissau à déployer des efforts collectifs pour les dépasser. Soulignant le report des élections législatives, qui étaient prévues pour le 18 novembre, elle a néanmoins souhaité que ces élections se tiennent, ainsi que la présidentielle, de manière crédible, conformément à la Constitution et à la législation, pour pouvoir consolider une paix durable et la réconciliation nationale. À cet égard, elle a pris note du communiqué de la CEDEAO du 12 décembre 2018, qui appelle les autorités bissau-guinéennes à fixer une nouvelle date pour ces élections avant le 22 décembre 2018.
La représentante a salué la décision du Président de la Guinée-Bissau de mettre en œuvre la loi sur l’égalité entre les sexes, qui a fixé un quota de 36% de femmes candidates aux postes de député et dans les institutions du secteur public. La menace croissante du trafic de drogue et de l’extrémisme violent est une source de vive préoccupation qui risque de saper la paix et la stabilité de la Guinée-Bissau et de toute la région, a poursuivi la représentante avant d’appeler à des efforts concertés des organes pertinents sur le plan national, régional et international, afin de contrer cette menace. Avant de conclure, elle a réitéré l’importance des Accords de Conakry pour répondre aux défis politiques et institutionnels auxquels le pays est confronté.
M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a souligné l’importance du processus électoral actuel pour garantir le retour à la stabilité politique et institutionnelle en Guinée-Bissau, ce à quoi il a ajouté la nécessité de procéder à de grandes réformes. S’agissant du retard dans l’organisation des élections législatives, le représentant a demandé que les parties se mettent d’accord sur une date à court terme. S’il a pris note de la date du 10 mars annoncée hier par le Président Vaz, M. Esono Mbengono a estimé qu’il serait potentiellement dangereux, dans le contexte actuel, de programmer la même année deux élections aussi importantes que les législatives et la présidentielle. Il a également souhaité que les parties intéressées continuent d’examiner toutes les initiatives qui permettent de mettre en œuvre d’autres dispositions importantes des Accords de Conakry, et ce, en vue de mettre fin à la crise politique actuelle.
Le représentant a salué le travail du BINUGBIS et de la CEDEAO. Après deux décennies de présence du BINUGBIS, il a estimé judicieux de redéfinir ses objectifs et a suggéré qu’une mission politique spéciale de bons offices réduite continuera de collaborer étroitement avec les principaux acteurs régionaux en soutien au programme de réformes institutionnelles. Celles-ci sont indispensables dans les secteurs de la sécurité, de la justice, de l’administration publique et même de l’éducation et de la santé, a précisé le représentant, et pour ce faire une volonté politique est nécessaire. Enfin, M. Esono Mbengono a attiré l’attention du Conseil sur la période postélectorale, durant laquelle le BINUGBIS devrait accompagner les autorités nationales pour la réalisation de leur programme de réforme.
M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a salué le rôle clef joué par le BINUGBIS pour accompagner la Guinée-Bissau et lui permettre de jeter les bases de ses réformes politiques et institutionnelles qui devraient permettre au pays de sortir de la crise actuelle. Les bénéfices du soutien du BINUGBIS au processus électoral et aux organisations de la société civile pour mobiliser la volonté politique nécessaire au respect des Accords de Conakry ne sont plus à prouver à ses yeux. Tout en déplorant que la date prévue du 18 novembre pour les élections législatives n’ait pas été respectée, il s’est dit optimiste que la nouvelle date fixée par le Président au 10 mars pourrait être honorée. Le Royaume-Uni exhorte les autorités de la Guinée-Bissau à faire avancer le Pacte de stabilité prévu par les Accords de Conakry.
Le Royaume-Uni souhaite aussi un retrait graduel du BINUGBIS et une transition de ses tâches aux autorités nationales. À cet égard, le représentant a invité à élaborer un plan de transition intégré avec effet immédiat, en collaboration avec l’équipe de pays des Nations Unies. Il a également insisté sur l’importance de l’année 2019 pour la Guinée-Bissau avec les échéances électorales législatives et présidentielle qui appellent à un nouveau partenariat avec le pays. Il est impératif, selon lui, de soutenir les autorités dans la réforme du système judiciaire même après le retrait du BINUGBIS. Les Accords de Conakry sont, pour sa délégation, un point de départ pour les réformes institutionnelles.
M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a regretté la nouvelle crise politique ouverte en Guinée-Bissau avec le report des Accords de Conakry. Au printemps, le Président avait pourtant nommé un nouveau premier ministre et prévu des élections législatives, qu’il a reportées pour servir ses propres intérêts, a dit le représentant. Il a espéré que l’élection présidentielle se tiendra comme prévu à l’été 2019 et que les législatives se tiendront dans un court délai. Malgré ces retards, le représentant a relevé que la population a fait preuve de patience et est restée relativement calme. Il a exhorté les autorités à favoriser l’unité, à respecter les Accords de Conakry et à organiser les élections sans plus tarder. S’agissant du mandat du BINUGBIS, il a appuyé le principe d’un retrait en trois phases avec transfert des tâches à l’équipe de pays.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a salué une série de développements positifs intervenus ces derniers mois dont la nomination du Premier Ministre et la formation d’un gouvernement inclusif. Il a noté également l’adhésion de la population au processus électoral illustrée par le nombre élevé d’inscription sur les listes électorales. Regrettant que le scrutin, qui se tiendra finalement le 10 mars, ait été retardé, il a appelé le Gouvernement à garantir la tenue d’élections libres, justes et démocratiques, sans autre report.
S’agissant du BUNOGBIS, il a jugé « réaliste » le calendrier établi pour la transition et appelé le Conseil de sécurité à continuer de suivre les progrès. Des ressources prévisibles et adéquates doivent être garanties à l’équipe de renforcement des capacités pendant la phase de transition, ainsi que l’a enseigné l’exemple du Liberia. Enfin il serait important de s’attaquer aux causes profondes du conflit en Guinée-Bissau en engageant une réforme constitutionnelle et un dialogue de réconciliation politique, en renforçant l’état de droit et en assurant un accès égal aux opportunités économiques, a énuméré le représentant, en estimant que la mission du Sous-Secrétaire général allait contribuer à établir un tel environnement.
M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a constaté avec préoccupation les derniers développements en Guinée-Bissau où, malgré des progrès politiques, les élections législatives prévues le 19 novembre ont été reportées sine die, ce qui n’est pas de bon augure pour les élections présidentielles de 2019 selon lui. Il a souligné l’importance de tenir des élections libres, justes et inclusives, pour consolider la démocratie. Il a jugé urgent que les autorités de la Guinée-Bissau convoquent les élections législatives avec la participation de toutes les forces politiques et l’accompagnement des acteurs et organisations régionales et internationales. Il a aussi prôné une plus grande participation des femmes et des jeunes à la vie politique et institutionnelle du pays.
Appelant de plus à s’attaquer aux causes profondes du conflit, il a mis l’accent sur le trafic de drogue, la criminalité transnationale organisée et l’extrémisme violent qui est en hausse. Il faut également, a ajouté le représentant, renforcer les institutions permettant la croissance économique, la lutte contre la pauvreté et le développement durable. Il a salué le travail de l’équipe de pays des Nations Unies pour appuyer la mise en œuvre du Plan national de développement, avant de demander au BINUGBIS de continuer à soutenir tous les efforts du pays, en coordination avec la CCP, l’équipe de pays et les autres acteurs impliqués.
Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a souligné la nécessité d’une transition responsable et graduelle du BIGNUBIS en Guinée-Bissau, en vue d’un éventuel retrait. Dans ce cas, des critères devront être mis en place, non pas liés à un calendrier, mais à des améliorations qualitatives dans le pays, a-t-elle recommandé. Parmi ces critères, la déléguée a mentionné le bon achèvement du cycle électoral et la formation subséquente d’un gouvernement. « Un retrait responsable et une transition cohérente sont essentiels pour instaurer et garantir une paix durable dans le pays et l’empêcher de sombrer dans une plus grande instabilité politique. »
La représentante a jugé extrêmement préoccupante la situation politique en Guinée-Bissau, regrettant le report des élections législatives, prévues pour le 18 novembre dernier, et qui doivent maintenant se tenir le 10 mars 2019. Elle a déploré que cette nouvelle date, fixée par décret présidentiel, ne corresponde pas à la date prévue pour fin janvier dans le communiqué du 12 décembre de la CEDEAO. Elle a demandé que les autorités du pays reviennent au calendrier fixé par la CEDEAO, jugeant impératif que des élections législatives libres, crédibles et transparentes se déroulent avant l’élection présidentielle. Enfin, Mme van Haaren a souligné le rôle indispensable de la CEDEAO dans l’instauration d’une paix durable en Guinée-Bissau et appelé le Conseil de sécurité à rester engagé dans ce pays.
M. VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a constaté avec préoccupation que, deux décennies après le commencement des travaux du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS), la situation dans le pays n’avait pas connu d’améliorations tangibles. Le représentant a rappelé que la résolution 2004 (2018) du Conseil de sécurité, qui a prorogé le mandat de cette mission politique spéciale jusqu’en février 2019, demande également au Bureau de centrer ses travaux autour de trois axes: l’appui à la pleine mise en œuvre de les Accords de Conakry, à la facilitation du dialogue politique et à la réconciliation nationale, le soutien du processus électoral pour la tenue, cette année, d’un scrutin législatif et, enfin, l’assistance technique pour compléter la réforme constitutionnelle.
Ensuite, le représentant a regretté que les élections parlementaires, initialement prévues le 18 novembre, n’aient pas eu lieu, et a appelé la communauté internationale à soutenir le pays pour finaliser l’enregistrement des électeurs. Il a par ailleurs appelé les dirigeants et la classe politique de Guinée-Bissau à faire davantage pour parvenir à une solution durable à la crise actuelle. Il a aussi appelé l’ONU à continuer de renforcer les capacités de l’État dans le domaine de la justice et du maintien de l’ordre, notamment pour permettre aux autorités du pays de mieux lutter contre le trafic de stupéfiants, la criminalité organisée et l’impunité. Il faut aussi renforcer le contrôle de la Guinée-Bissau dans ses zones côtières et son espace aérien, a-t-il estimé, en encourageant la Commission de consolidation de la paix (CCP) à poursuivre ses travaux de coordination des efforts dans le pays.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a salué les développements positifs intervenus au cours des derniers mois en Guinée-Bissau, et notamment la nomination d’un Premier Ministre de consensus en la personne d’Aristides Gomes, ce qu’elle a considéré comme un premier pas important vers la pleine mise en œuvre des Accords de Conakry. Elle a regretté que les élections législatives n’aient pas pu être organisées le 18 novembre comme prévu. Elle a pris note de l’annonce de la date du 10 mars et indiqué qu’il est important que les engagements pris soient désormais tenus. Pour Mme Gueguen, « il s’agit d’un test important pour jauger de la volonté réelle des différents acteurs d’avancer vers une pleine mise en œuvre des Accords de Conakry ». À cet égard, elle a dit que « la finalisation et la validation de la liste électorale ne sauraient constituer un prétexte pour retarder indéfiniment le scrutin ».
Pour la France, le rétablissement d’une paix et d’une stabilité durables en Guinée-Bissau passe également, à moyen terme, par des avancées dans d’autres domaines, comme la révision constitutionnelle, et ce afin d’éviter de nouveaux blocages. Mme Gueguen a en outre évoqué la lutte contre la criminalité organisée, notamment le trafic de drogue, qui suppose un engagement résolu des autorités bissau-guinéennes mais aussi un appui de la communauté internationale. En ce qui concerne l’avenir du BINUGBIS, la représentante a souhaité que les réflexions prennent en compte les objectifs de renforcer la portée du rôle de bons offices du Représentant spécial du Secrétaire général, d’optimiser la coordination entre les différents acteurs de la communauté internationale sur place ou encore d’apporter de la manière la plus efficace le soutien technique dont le pays a plus que jamais besoin.
L’évolution de la situation en Guinée-Bissau est source de multiples préoccupations, a déclaré M. DMITRY A. POLYANSKIY de la (Fédération de Russie), citant notamment les contradictions entre les différents partis politiques et la situation humanitaire. Il a salué l’annonce de la nouvelle date pour la tenue des élections législatives, mais, « sans vouloir dramatiser le report de la première échéance électorale du 18 novembre », il a estimé que si elle avait été respectée, cela aurait permis de donner une impulsion positive au processus politique. Redoutant une complication de la situation sur le terrain d’ici mars, le représentant a appelé les parties politiques à agir de façon responsable et à éviter tout dérapage.
S’agissant de la restructuration potentielle du BINUGBIS, la Russie est d’avis que la mission du Bureau reste importante. Dans le même temps, il faut reconnaitre que cette mission ne peut pleinement réaliser son potentiel sur le plan politique. Le délégué a cependant insisté pour que le recalibrage du BINUGBIS fasse l’objet d’une analyse détaillée, et, selon lui, « il serait judicieux de se prononcer sur cette question après l’achèvement du cycle électoral en cours ».
M. HAITAO WU (Chine) s’est félicité des efforts de médiation de la CEDEAO pour promouvoir le processus politique en Guinée-Bissau. Il a pris note de la date du 10 mars annoncée pour les élections législatives et espéré qu’elles se dérouleront comme prévu. Le représentant a appelé la communauté internationale à fournir un soutien logistique et financier et à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Guinée-Bissau. Il a pour sa part apporté son appui à la CEDEAO et aux pays de la région qui s’efforcent d’apporter leur soutien pour l’application des Accords de Conakry. S’agissant du BINUGBIS, il a souhaité qu’il développe la coopération et des synergies de sorte que toutes les parties puissent utiliser leurs compétences et améliorer les conditions de vie en Guinée-Bissau et qu’il joue un rôle constructif pour la stabilité dans ce pays et en Afrique de l’Ouest.
M. KAMIL KRZYSZTOF MIELUS (Pologne) s’est déclaré préoccupée par les retards dans la préparation des élections législatives en Guinée-Bissau. Il a estimé que la conduite du scrutin en temps voulu et de manière crédible serait un pas important pour raviver la consolidation de la paix dans le pays et mettre en œuvre les Accords de Conakry. Par conséquent, le représentant a appelé les autorités du pays à faire preuve de leadership et de volontarisme politique pour mener à bien le processus électoral. Il a également estimé que le BINUGBIS pouvait jouer, dans les mois à venir, un rôle crucial afin d’accompagner la bonne tenue du scrutin, en coordination avec le groupe « P5 Guinée-Bissau ».
Le délégué polonais a plaidé en faveur d’une stratégie de retrait du BINUGBIS à même de préserver les gains remportés par le Bureau. Il a également appuyé la demande du Secrétaire général d’établir une mission de bons offices « rationalisée » dans la foulée des futures élections. Le représentant a jugé important que la CEDEAO et les leaders régionaux maintiennent la Guinée-Bissau à leur ordre du jour en cette période électorale « critique », mais également au-delà. Le représentant a enfin souligné le rôle de la Commission de la consolidation de la paix pour coordonner ces différents efforts.
M. TAREQ M. A. M. ALBANAI (Koweït) a regretté la lenteur des préparatifs électoraux en cours en Guinée-Bissau et la décision du Gouvernement de reporter les élections législatives. Le Koweït appuie le rôle de la CEDEAO dans le pays, y compris sa demande au Gouvernement de la Guinée-Bissau de fixer la nouvelle date des prochaines élections avant le 22 décembre. À ce sujet, le représentant a pris note de la décision prise hier par le Président bissau-guinéen de tenir les élections législatives le 10 mars 2019. Il a toutefois souligné que la tenue d’élections législatives et présidentielle conjointes risque de soulever des problèmes pour les acteurs politiques. Le Koweït appuie les efforts du Groupe P5-Guinée-Bissau et se félicite du soutien apporté par les pays de la région au processus électoral en Guinée-Bissau.
S’agissant du BINUGBIS, le représentant a pris note des recommandations du Secrétaire général en vue de sa reconfiguration et a soutenu l’idée que ce processus doit démarrer après le cycle électoral en cours. Le succès de la transition, telle que proposée par l’évaluation stratégique, dépendra, selon le représentant, de la participation active de la CCP et d’autres organes onusiens.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a salué les progrès réalisés par tous les pays pour stabiliser et rétablir l’ordre constitutionnel en Guinée-Bissau, en particulier le rôle du BINUGBIS et de la CEDEAO. Il a pris note de la date du 10 mars pour les élections législatives et a espéré qu’elles se dérouleront dans les temps, tout en soulignant la nécessité pour toutes les parties de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Guinée-Bissau. Le représentant a exhorté les parties à prendre des dispositions pour mettre en œuvre les Accords de Conakry, qui restent le cadre absolu pour la stabilité. Selon lui, il faut lancer le dialogue à l’échelle nationale pour garantir le processus de réforme et il a plaidé pour la participation des femmes.
Quant au trafic de stupéfiants, le délégué a rappelé qu’il a un impact sur la vie de la communauté et le bien-être des individus. Il a ainsi jugé nécessaire de renforcer les institutions nationales, la police et la justice pour riposter à ces menaces. Par ailleurs, il s’est dit préoccupé par la détérioration de la situation économique et a plaidé pour un renforcement de la coopération. Il a exhorté tous les bailleurs de fonds à fournir les ressources nécessaires à l’application de ces mesures et à la création d’un plan de consolidation global. S’agissant de la reconfiguration de la BINUGBIS, le représentant a appuyé le retrait partiel.
M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a noté que le Secrétaire général avait recommandé au Conseil de sécurité de recalibrer graduellement le BINUGBIS et de redéfinir ses priorités à l’aune d’un impératif majeur, à savoir mettre en œuvre le pilier paix et sécurité dans un cadre plus cohérent, souple et efficace, en harmonie avec les piliers développement et droits de l’homme. La délégation a ensuite déploré que la « non-tenue » des élections législatives en Guinée-Bissau à l’échéance prévue le 18 novembre 2018, tout en soulignant que cette situation ne doit pas faire perdre de vue les progrès réalisés.
Pour aider les autorités bissau-guinéennes dans son processus de sortie de crise, le représentant a exhorté le Conseil de sécurité à rester solidaire tout en appuyant les efforts du Secrétaire général et de son Représentant spécial et en renforçant son soutien au leadership de la CEDEAO. À la suite du décret présidentiel du 20 décembre 2018 qui fixe la date des élections législatives au 10 mars 2019, la délégation ivoirienne a encouragé toutes les parties prenantes à apprécier l’opportunité de respecter cette échéance. Convaincu que la communauté internationale doit intégrer l’épineuse question de la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée, M. Adom a rappelé l’existence du Plan d’action régional de la CEDEAO pour l’Afrique de l’Ouest pour la période 2016-2020.
M. FERNANDO DELFIM DA SILVA (Guinée-Bissau) a rappelé que lors du sommet extraordinaire de la CEDEAO sur la situation en Guinée-Bissau, les acteurs politiques bissau-guinéens ont adopté une feuille de route pour une sortie de crise, reconnaissant que cette crise persistait malgré les Accords signés à Conakry en octobre 2016. Cette feuille de route avait prévu, entre autres, l’organisation d’élections législatives le 18 novembre 2018. Cependant, les retards enregistrés dans la mobilisation des fonds auprès des partenaires de la Guinée-Bissau, les difficultés techniques liées aux kits électoraux ainsi qu’à leur acheminement n’ont pas permis de respecter la date initialement prévue pour le recensement électoral, a expliqué le représentant, ajoutant que le processus n’a pu démarrer que le 19 septembre 2018, soit avec un mois de retard.
Face à ce constat, a poursuivi le délégué, le Président de la Guinée-Bissau n’a pas décidé de prendre un nouveau décret fixant la date des élections législatives, afin de donner la chance au recensement d’une grande majorité des citoyens électeurs. Il s’est enorgueilli de pouvoir annoncer qu’à ce jour, plus de 95% des électeurs ont été recensés. Ce résultat démontre, selon lui, « la sagesse de la décision du Président ». Il a précisé qu’après une large consultation avec tous les acteurs politiques, il a publié hier, le 20 décembre, le décret fixant la date du 10 mars 2019 pour la tenue des élections législatives.
Tout en reconnaissant que ces prochaines élections législatives sont extrêmement importantes, le représentant a averti qu’il serait « exagéré de considérer qu’il suffit d’organiser des élections libres, justes et transparentes pour instaurer automatiquement un ordre politique résilient et stable sur le plan institutionnel ». Il en a profité pour se référer aux Accords de Conakry qui préconisent une réforme politique afin de renforcer la résilience des institutions. Car aucune autre réforme ne saurait mener au succès dans un contexte d’instabilité persistante, a-t-il prévenu, ni la réforme du secteur de la défense et de la sécurité, ni celle de la justice, ni encore la réforme économique nécessaire pour opérationnaliser les objectifs du développement durable.