8428e séance – après-midi
CS/13627

Conseil de sécurité: les Présidents des organes subsidiaires demandent plus d’ouverture et de coopération pour davantage d’efficacité

« Il faut plus d’ouverture et de coopération », ont de manière générale estimé les présidents sortants des organes subsidiaires du Conseil de sécurité, venus lui présenter leurs rapports d’activité, cet après-midi.

En ce qui concerne l’ouverture, disant comprendre les critiques sur le travail à huis clos des comités de sanctions, le représentant du Kazakhstan - Président sortant des comités de sanction créés par les résolutions 1267 sur Daech (EILL), Al-Qaida; 1988 sur les Taliban; et 751 sur la Somalie - a estimé que « la confiance mutuelle » serait renforcée si « les États Membres dont les intérêts sont affectés, lorsque des individus ou des organismes sont inscrits sur les Listes de ces deux comités, étaient invités aux réunions informelles des Comités de sanctions ». 

L’ouverture pourrait également concerner la présidence des organes subsidiaires, dans le contexte où leur nombre est passé depuis 2000 de 10 à 30 et où la pratique consiste à en attribuer la présidence aux membres non permanents du Conseil de sécurité.  Ce système risque de nuire à l’efficacité de leurs travaux, a mis en garde le représentant des Pays-Bas, Président sortant du Comité des sanctions 1718 et Facilitateur du Conseil de sécurité chargé de promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015).  De son point de vue, une refonte du système devrait viser une répartition des présidences entre membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité.

Sur le thème de la coopération, son homologue de la Suède, Président du Comité des sanctions 1970 sur la Libye, du Comité des sanctions 2374 sur le Mali, et du Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés, a dit attendre davantage d’implication de la part des membres du Conseil sur les questions des enfants et des conflits armés.  Cette implication devrait également porter sur une meilleure interaction entre un comité des sanctions et les coauteurs des résolutions imposant des sanctions. 

L’Éthiopie, qui préside le Groupe travail spécial sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique, a pour sa part, insisté sur l’importance des discussions autour des situations spécifiques de pays, d’autant que ces discussions apportent des solutions constructives et ont prouvé leur efficacité dans les processus de prise de décisions. 

Enfin, dans le domaine des armes de destructions massives, et alors que la menace de leur utilisation par des acteurs non étatiques est une réalité « claire et en évolution », il serait impossible de lutter contre ce phénomène sans une coopération au niveau mondial, a pour sa part mis en garde la représentante de la Bolivie, par ailleurs Présidente du Comité créé par la résolution 1540 (2004). 

EXPOSÉS DES PRÉSIDENTS DES ORGANES SUBSIDIAIRES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan), Président sortant des Comités de sanction créés par les résolutions 1267 sur Daesh (EILL), Al-Qaida; 1988 sur les Taliban; et 751 sur la Somalie, a expliqué que tout au long de son mandat il avait cherché à garantir la réalisation des mandats clef de deux organes subsidiaires (1267 et 1988) et à faciliter la mise en œuvre de ces résolutions, dans la transparence et en évitant la politisation de ces questions.  Compte tenu de la nature changeante de la menace terroriste, cette année, il a réussi à revoir et adopter de nouvelles lignes directrices pour les comités 1267 et 1988 ce qui devrait, à son avis, améliorer leur efficacité.

M. Umarov a rappelé que lors de sa réunion avec le Conseil de sécurité du 6 février 2018, des États Membres avaient critiqué la nature close des débats des Comités des sanctions, estimant notamment que cela empêchait des évaluations objectives et réalistes.  Acceptant ces critiques, il a expliqué que la pratique actuelle des séances d’information ouvertes et régulières par les Président des comités de sanctions avec les États Membres y répondait partiellement et permettait leur interaction.  Il a d’ailleurs exhorté les Présidents entrant ainsi que les membres du Conseil de sécurité à maintenir cette pratique.

Il faut également inviter certains États Membres concernés aux réunions informelles des Comités des sanctions, a poursuivi M. Umarov, notamment pour entendre les compte-rendu des Présidents et pour pouvoir faire des remarques.  Cela renforce la confiance mutuelle, a-t-il fait valoir, ajoutant que tous les États Membres dont les intérêts sont affectés lorsque des individus ou des organismes sont inscrits sur les Listes de ces deux comités devraient également avoir une telle opportunité. 

M. Umarov a insisté sur la transparence dans les travaux des comités de sanction « sans quoi leur travail sera davantage politisé ».  De plus, les visites des Présidents des Comités des sanctions dans certains pays ont accru le dialogue avec ces États Membres, a-t-il poursuivi avant de passer en revue les pays dans lesquels il s’était rendu et les fora internationaux auxquels il avait participé en vue d’informer sur les activités des trois Comités des sanctions qu’il préside.

S’agissant du Comité 1988, qui était conçu pour aider le Gouvernement afghan à réaliser la paix et la stabilité à travers un régime de sanction contre les Taliban, il a estimé que l’efficacité de ce régime avait été prouvée dans la mesure où la levée des sanctions à l’encontre de certains représentants taliban était l’une de leurs conditions pour la reprise des négociations.  De manière plus générale, l’efficacité de ce régime dépend de la collaboration étroite avec le Gouvernement afghan et de son travail en matière de procédures d’enregistrement et de retrait des Listes. 

Pour ce qui est du Comité sur la Somalie, il a rappelé sa visite dans la Corne de l’Afrique en mai cette année, la première visite de ce type depuis 2010.  Le Comité a ensuite adopté une série de recommandations importantes dans le but de renforcer l’application de l’embargo sur les armes et le charbon en Somalie.  Cette visite a aussi permis de mieux comprendre les interprétations trompeuses par rapport au régime de sanction sur le plan local.  Par conséquent, M. Umarov encourage les futurs Présidents de comités de sanction à poursuivre cette pratique de visites régulières en Somalie et dans la région.  « Il faut qu’il soit clair que le régime de sanction n’est pas une mesure punitive contre la Somalie », a martelé M. Umarov pour lequel l’embargo sur les armes est un instrument utile pour contrôler les flux d’armes dans le pays, que ce soit à travers des canaux réguliers ou de contrebande.

Il a salué la normalisation des relations entre les pays de la Corne de l’Afrique, suite à une initiative de l’Éthiopie.  Cela prouve qu’un dialogue pacifique et la volonté politique peuvent changer la donne entre pays belligérants, a constaté M. Umarov.  Cette « vague positive » a englobé toute la sous-région et a même débouché sur la levée de sanctions contre l’Érythrée, ce qui est très encourageant selon lui.  Maintenant il faut, à son avis, des efforts coordonnés de l’Union africaine et des Nations Unies pour renforcer la coopération économique entre pays de la région et pour créer un climat propice à leur prospérité.  À ce titre, il a salué la nomination, par le Secrétaire général, d’un Envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique.

M. TAYE ATSKE SELASSIE MADE (Éthiopie), Président Groupe de travail spécial sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique, présentant le rapport d’activité dudit groupe de travail, a indiqué qu’au cours de l’année 2018, le Groupe de travail avait eu des discussions fructueuses sur trois conflits spécifiques, en dehors des débats thématiques généralement organisés à la demande des États.  Ces réunions tenues les 11 janvier, 2 avril et 31 mai ont respectivement concerné la République démocratique du Congo, la Guinée-Bissau et la République centrafricaine.  Au cours de ces discussions, les participants ont eu des échanges de vues francs, différents des débats habituellement tenus au Conseil de sécurité.

Le 8 juin, le Groupe de travail a tenu une réunion, la première du genre, sur le thème de la « coopération entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine: voie à suivre », à laquelle ont participé des représentants du Secrétariat du Conseil de paix et de sécurité et du Bureau des Nations Unies auprès de l’Union africaine.  Entre autres suggestions, il y a été souligné la nécessité de travailler à une compréhension commune des situations, y compris des causes profondes des conflits.  Les participants ont également suggéré une institutionnalisation de l’échange d’informations entre le Président du Conseil de sécurité et celui du Conseil de paix et sécurité.  Ils ont également plaidé pour une harmonisation des programmes de travail de ces deux organes, voire la tenue de réunions consultatives conjointes. 

En juillet, le Groupe de travail a organisé une réunion conjointe avec le Groupe de travail sur les opérations de maintien de la paix.  Cette rencontre avait pour thème « la réforme institutionnelle de l’Union africaine et sa contribution dans l’amélioration de la capacité de l’Afrique dans le domaine de la paix et de la sécurité ».  Le Haut-représentant pour le financement du Fonds de paix de l’Union africaine, M. Donald Kaberuka, qui y a participé, a souligné les avantages qu’offrent les organisations régionales, tant en termes de légitimité, d’expérience, de connaissances que d’action rapide.  Les États ont souligné le besoin de coopération et de répartition des tâches entre l’Union africaine et l’ONU.  Les difficultés dues au manque de ressources de l’Union africaine ont par ailleurs été évoquées, a-t-il dit.

S’exprimant en sa qualité de Président sortant, il a dit qu’avec ses prédécesseurs, ils avaient toujours souligné l’importance des discussions sur des pays spécifiques, en plus des débats thématiques.  Ces discussions sont d’autant plus importantes qu’elles sont constructives: elles ont prouvé leur efficacité dans les processus de prise de décisions.  Ils plaident tous pour que de telles discussions continuent d’être incluses dans l’agenda du Groupe de travail, a conclu son Président sortant. 

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie), en tant que Présidente du Comité créé par la résolution 1540 (2004), qui vise la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques, a donné un aperçu des activités menées depuis deux ans et des perspectives à venir.  Face à la difficulté d’empêcher la prolifération d’armes de destruction massives et leur transfert à des acteurs non étatiques, elle a souligné qu’il serait impossible de faire face à ce problème au niveau mondial sans coopération.

S’agissant des 17 États Membres qui n’avaient pas présenté leur premier rapport national de conformité avec les résolutions 1540 (2004) et 2325 (2016) en janvier 2017, la délégation a indiqué que la Guinée équatoriale, le Zimbabwe, la Guinée-Bissau, Timor-Leste et les Comores l’avaient fait depuis.  En outre, un groupe d’experts du comité a été dépêché au Mali, à la demande du Gouvernement, afin d’aider à la rédaction de son premier rapport national, qui devrait être présenté l’année prochaine.

Quant aux points de contact nationaux pour la résolution 1540 (2004), la représentante a rappelé qu’ils peuvent faciliter tant la coordination intérieure dans la mise en œuvre de la résolution que la collaboration entre les États.  Au cours des deux dernières années, le nombre d’États ayant transmis cette information s’est élevé à 105. 

En venant à la mise en œuvre volontaire de plans d’actions nationaux, qui constituait une autre priorité du Comité, la représentante a fait savoir que celui-ci avait continué à encourager le partage d’expériences pour évaluer et renforcer les pratiques efficaces dans la mise en œuvre effective de la résolution 1540 (2004).  Le Comité est disposé à coopérer en la matière et à faciliter l’assistance aux États qui en font la demande.

Six nouveaux experts ont été nommés le 24 décembre 2017 par le Secrétaire général, ainsi qu’un nouveau coordinateur, sur proposition du Comité.  Au cours de la période, le Président, les membres du Comité et les experts ont également participé à de nombreux événements de sensibilisation. 

En conclusion, la représentante a relevé que la menace de l’utilisation d’armes de destruction massive par des acteurs non étatiques est une réalité claire et en évolution.  Elle a jugé nécessaire, conformément au paragraphe 11 du dispositif de la résolution 2325 (2016), de tenir compte, tant dans la mise en œuvre de la résolution que dans la présentation des rapports, des spécificités des pays, entre autres par rapport à leur capacité de fabriquer et d’exporter des éléments connexes, afin de donner la priorité à ceux qui en ont le plus besoin.

Elle a recommandé, à court terme, de renforcer les stratégies additionnelles telles que l’actualisation du site internet du Comité, de tenir compte des délais pour l’adoption du programme de travail, qui se termine le 31 janvier prochain, et de désigner en avance les nouveaux experts qui remplaceront ceux qui termineront leur mandat en 2019.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM, Président du Comité des sanctions 1718 et Facilitateur du Conseil de sécurité chargé de promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015), a tout d’abord évoqué le travail du Comité 1718, qui concerne la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Ce Comité a continué d’assurer la mise en œuvre du régime de sanctions, un « défi considérable » compte tenu de sa complexité.  Le Comité a par ailleurs facilité les efforts diplomatiques en vue d’une solution pacifique en RPDC.  Il a accordé des exemptions aux sanctions pour faciliter la participation de responsables de la RPDC aux pourparlers diplomatiques à Singapour, Panmunjom et Pyeongchang.  Le Président a également mentionné les efforts pour atténuer les conséquences humanitaires négatives des sanctions, le Comité ayant accordé plusieurs exemptions pour la fourniture de l’aide humanitaire en RPDC. 

Se tournant vers le « format 2231 » du Conseil, il a indiqué que la résolution 2231 (2015) avait marqué un tournant majeur dans la question du programme nucléaire iranien.  Le retrait des États-Unis du Plan d’action global commun et la réimposition des sanctions américaines contre l’Iran sont des défis considérables, a-t-il dit, tout en ajoutant que le cadre mis en place par la résolution reste en place.  La chaîne d’approvisionnement est « opérationnelle et effective ».  Le Facilitateur a appelé à soutenir le Plan d’action et la résolution précitée. 

M. van Oosterom a ensuite livré ses « réflexions personnelles », indiquant que le Comité 1718 peut avoir une incidence concrète sur le terrain.  Il a insisté sur l’importance de l’unité du Conseil –« le Conseil dispose d’un pouvoir considérable lorsqu’il est uni »- avant de plaider pour que les panels d’experts puissent travailler efficacement.  Le processus de sélection des membres de ces panels doit être méritocratique, sans égard pour la nationalité des candidats, selon lui.  Il a ensuite indiqué que la charge de travail du Comité 1718 était bien supérieure à celle des autres comités, le Comité ayant reçu en 2018 pas moins de 337 notifications et demandes d’appui et d’exemptions. 

Rappelant que le nombre d’organes subsidiaires était passé depuis 2000 de 10 à 30, il a indiqué que la pratique consistant à allouer leur présidence aux seuls membres élus du Conseil risquait de nuire à l’efficacité des travaux, en particulier s’agissant des pays qui disposent d’équipes réduites.  Il a en conséquence demandé un changement de système, afin de permettre notamment une répartition des présidences entre membres permanents et non permanents.  Ce nouveau système pourrait aussi permettre aux présidents d’être porte-plumes des projets de résolution pertinents pour leurs organes subsidiaires, a-t-il conclu. 

M. OLOF SKOOG (Suède), Président du Comité des sanctions 1970 sur la Libye, du Comité des sanctions 2374 sur le Mali, et du Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés, a fait part de son expérience à ce titre.  Malgré des divisions au sein du Conseil de sécurité sur la Libye, le Comité dédié a inscrit plusieurs individus sur la liste pour la première fois depuis 2011, a indiqué le délégué, en ajoutant avoir aussi recensé les inquiétudes de la Libye sur la gestion des avoirs gelés.  « Je pense que travailler avec la Banque mondiale est la meilleure voie à suivre », a-t-il dit à cet égard.  Il a cependant regretté ne pas avoir pu aller dans l’est de la Libye comme cela était pourtant prévu.  Il a rappelé à cette occasion que l’exploitation des ressources du pays à des fins personnelles ne doit jamais être acceptée. 

Abordant le Comité sur le Mali, dont le régime de sanctions avait été demandé par le Gouvernement malien, il a remercié celui-ci pour ses efforts et sa coopération avec le Comité.  Il a aussi souligné la coopération avec les pays de la région, avant d’évoquer son déplacement sur le terrain.  À cette occasion, de nombreux acteurs, dont des parties à l’accord, ont souligné l’impact positif du régime des sanctions qui permet de maintenir la pression et de faire avancer le processus.  L’élan donné par les élections de l’été dernier et la signature du Pacte pour la paix en octobre ne s’est pas traduit par des résultats concrets, a-t-il toutefois noté.

Venant au Groupe de travail, le représentant a appelé à renforcer l’engagement tant sur le terrain que dans le cadre du dialogue avec les États.  Il a dit attendre davantage d’implication de la part des membres du Conseil sur les questions des enfants et des conflits armés.  De manière générale, le représentant a estimé que les sanctions ne peuvent jamais réussir seules, mais doivent toujours être prises dans le cadre plus large d’une stratégie politique.  En ce sens, le Conseil de sécurité doit améliorer ses capacités de discuter des situations spécifiques et des régimes de sanctions appropriés.  Il devrait aussi y avoir une meilleure interaction entre un comité des sanctions et les coauteurs des résolutions imposant des sanctions.  Il est particulièrement important de distinguer les acteurs qui profitent du conflit et ceux qui l’alimentent.  En outre, il doit être mis un terme aux économies de guerre prédatrices et à la corruption. 

Les sanctions demeurent l’instrument de contrôle le plus intrusif du Conseil de sécurité à part le recours à la force, a souligné le représentant avant de conclure que les présidents des comités devraient accorder une plus large confiance aux membres du Conseil dans la mesure où ils ont été nommés par eux.  Par ailleurs le fait que toute décision du Comité, même mineure, doive être prise par consensus, confère par essence un droit de véto à chacun des membres, a-t-il regretté.

 

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