Iraq: le nouveau Gouvernement appelé devant le Conseil de sécurité à se mettre au travail pour répondre aux attentes de sa population
Avec l’élection le 2 octobre dernier de M. Barham Salih comme Président de l’Iraq et la nomination de M. Adil Abdul-Mahdi au poste de Premier Ministre, l’heure est venue pour le nouveau Gouvernement de commencer son travail, et en particulier fournir tous les services aux populations, créer des emplois, réformer et revitaliser l’économie, et lutter contre la corruption.
Cet appel a été lancé ce matin, par le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), M. Ján Kubiš, venu présenter au Conseil de sécurité un rapport sur la situation en Iraq.
Il a d’autant plus exhorté le Gouvernement à se mettre au travail que les manifestations pour protester contre l’absence de services de base se sont intensifiées et ont connu des violences dans le sud du pays.
Il s’est notamment agi, selon le rapport présenté, d’affrontements entre manifestants et forces de sécurité, de l’incendie de bâtiments officiels et de bâtiments appartenant à des partis politiques, d’attaques contre le consulat de la République islamique d’Iran à Bassora et le siège des forces de mobilisation populaire de Bassora, ainsi que de tirs indirects à proximité du consulat des États-Unis à Bassora et de l’ambassade américaine à Bagdad.
Le 20 août, en raison de la contamination de l’eau et de la détérioration de la situation sanitaire et environnementale, la Haute Commission indépendante des droits de l’homme a même demandé au Gouvernement de déclarer Bassora « zone sinistrée », dit encore le rapport.
Dans ce contexte, il est urgent de pourvoir aux besoins de la population pour éviter la persistance des violences, notamment dans la province de Bassora, a prévenu le représentant bolivien.
D’autres délégations ont fait la même analyse, notamment celles du Kazakhstan, du Royaume-Uni, de l’Éthiopie ou des États-Unis.
Elles ont invité plus globalement le Gouvernement à prendre des mesures générales. Selon elles, la priorité du futur Gouvernement doit être la lutte contre le chômage.
Il doit garantir l’accès à l’électricité et à l’eau à l’ensemble de la population du pays, ainsi qu’à permettre le retour « dans la dignité » des personnes déplacées, a par exemple expliqué le représentant américain.
À côté des réformes financières et économiques, le nouveau Gouvernement doit aussi s’atteler, et sans délais, à la réforme du secteur de la sécurité, dans le contexte où l’Iraq n’est pas totalement débarrassé du terrorisme, a plaidé la délégation française.
En effet, comme l’a aussi indiqué M. Kubiš, Daech continue d’être actif dans certaines régions du pays, notamment le long de la frontière avec la Syrie, dans la province de Deïr el-Zor, à Kirkouk, Salaheddine et Diyala.
Le Gouvernement aura également pour tâche de répondre aux causes profondes du conflit en vue de garantir une paix et un développement de long terme. Il devra aussi mieux redistribuer les ressources et préserver l’influence des différentes composantes de la société iraquienne, a préconisé la Suède.
Mais ce sont justement là les priorités du gouvernement, a assuré le représentant de l’Iraq, affirmant que les réformes envisagées visent à passer d’une économie de revenu à une économique de marché. Elles cherchent également à soutenir le secteur privé et à diversifier l’économie pour ne pas excessivement dépendre des ventes de pétrole.
Mais pour qu’il se mette au travail et parvienne à ces objectifs, encore faut-il que ce Gouvernement soit constitué. Or, sur les 22 membres dont il est composé, seuls 14 ont été confirmés par le Parlement, a rappelé M. Kubiš, ajoutant par ailleurs que ce Gouvernement ne comprend ni femme, ni représentant des minorités.
Pour l’y aider, la communauté internationale devra non seulement le soutenir, mais surtout respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Iraq, ont plaidé d’autres délégations, dont celles de la Chine, du Pérou, de la Guinée équatoriale ou de la Fédération de Russie.
Selon elles, l’Iraq ne doit pas faire les frais d’intérêt régionaux et notamment subir « les conséquences des mesures visant à déstabiliser son voisin iranien. L’Iraq a le droit de mener des relations de bon voisinage avec son voisin iranien, sans ingérence ni recours à la force », a résumé le représentant russe.
LA SITUATION CONCERNANT L’IRAQ (S/2018/975 et S/2018/976)
Déclarations
M. JÁN KUBIŠ, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), a indiqué que depuis l’élection le 2 octobre dernier de M. Barham Salih comme Président de l’Iraq, il a nommé M. Adil Abdul-Mahdi comme Premier Ministre. Le Gouvernement qu’il a composé compte 22 ministres, dont 14 ont déjà été confirmés par le Parlement, notamment les détenteurs des ministères régaliens, dont ceux des finances, des affaires étrangères et du pétrole. Les Ministères de l’intérieur et de la défense ne sont pas encore pourvus pour l’instant. Cependant, aucune femme, ni représentant des minorités ne fait partie de ce Gouvernement, a-t-il dit.
Il a également indiqué que la formation de ce Gouvernement s’était faite sans controverses, les blocs politiques faisant preuve de bonne volonté. Ils ont même exprimé leur appui au Premier Ministre. La concurrence s’est largement faite sur une base politique et non sectaire, constituant ainsi une rupture avec le passé. Le guide suprême chiite ayatollah al-Sistani a considérablement influencé ce processus, tandis que les négociations avec le Premier Ministre ont été menées par M. Moqtada al-Sadr et M. Hadi al-Ameri au nom de leurs deux blocs politiques respectifs, la Coalition Sa’iron et Fatah.
Cela dit, le soutien de toutes les forces représentées au Parlement sera essentiel, y compris le soutien de ceux, qui pour la première fois depuis 2003, se trouvent maintenant dans l’opposition. L’Iraq doit bâtir sur ces fondations. Le nouveau gouvernement doit commencer immédiatement son travail et en particulier fournir tous les services, créer des emplois, réformer et revitaliser l’économie, lutter contre la corruption. L’Iraq aura besoin de l’appui de la communauté internationale, et il ne fait pas la laisser tomber, a déclaré le Chef de la MANUI.
En ce qui concerne la sécurité, le Représentant spécial a indiqué que les dernières activités de Daech ont été enregistrées dans le désert iraquien et dans ses provinces de Ninive et Anbar, situées à sa frontière orientale avec la Syrie. Ce groupe continue, en outre, de contrôler plusieurs zones tout le long de cette frontière, notamment dans la province de Deïr el-Zor, à Kirkouk, Salaheddine et Diyala. En réponse, le Gouvernement a déployé des troupes le long de sa frontière avec la Syrie, afin de poursuivre la lutte contre ce groupe.
De son côté, la MANUI continue de plaider pour la justice et la reddition de comptes pour les crimes internationaux, dans le contexte où 202 charniers ont été découverts dans le pays. La Mission a également établi un groupe consultatif de femmes pour la réconciliation et la politique en Iraq, qui servira de mécanisme devant assurer la participation des femmes à tous les processus en Iraq.
Concernant la question humanitaire, les donateurs ont contribué à hauteur de 482,1 millions de dollars pour financer le plan de réponse. Cette somme couvre 85% des besoins du plan de réponse. Mais deux ans après la défaite militaire de Daech, 1,9 million de personnes sont encore déplacées, en particulier dans le nord et l’ouest du pays. L’un des défis au retour des réfugiés est le manque de foyers débarrassés de mines et des restes d’explosifs, a dit le représentant spécial, appelant les donateurs à financer cette activité de déminage.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a remercié le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, M. Ján Kubiš, pour le travail, selon lui, « exceptionnel » qu’il a accompli en Iraq au cours des dernières années. Sur le plan politique, le représentant a salué les progrès réalisés dans le pays suite à la tenue des élections législatives en mai dernier. Il a appelé les autorités à finaliser la formation du nouveau gouvernement. Il a également appelé le futur gouvernement à lutter en priorité contre le chômage, à garantir l’accès à l’électricité et à l’eau à l’ensemble de la population du pays, ainsi qu’à permettre le retour « dans la dignité » des personnes déplacées. Le délégué américain a aussi encouragé les autorités du pays à accélérer le processus d’enquêtes sur les crimes commis à l’encontre des civils dans le pays.
S’agissant de la menace terroriste, le représentant a rappelé qu’aucun acte terroriste ne saurait venir à bout de la détermination des citoyens iraquiens à parachever la construction d’un État démocratique en Iraq. « Il s’agit d’un moment clef dans l’histoire du pays », a insisté le représentant, exhortant en conclusion les nouveaux dirigeants du pays à se montrer à la hauteur des attentes de leur population.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a salué la capacité du peuple iraquien à reconstruire son pays sur la base d’un État démocratique, comme en témoigne, selon lui, la passation pacifique du pouvoir, dans les délais constitutionnels, suite aux élections législative de mai dernier.
Le représentant a notamment salué l’élection de M. Barham Salih en tant que Président de la République d’Iraq et la désignation de M. Adil Abdul-Mahdi en tant que Premier Ministre du pays. « Il ne fait aucun doute que ces leaders soient dignes de confiance », a-t-il affirmé, en appelant les nouveaux dirigeants à finaliser dans des délais « raisonnables » la formation du Gouvernement.
S’agissant de la MANUI, le représentant a salué les Nations Unies pour les efforts consentis afin de construire un « avenir prometteur » en Iraq, dans le cadre du partenariat renforcé entre la Mission et l’équipe de pays des Nations Unies en Iraq. Le représentant a appelé la communauté internationale à continuer de soutenir le pays pour lui permettre de mettre en œuvre le développement durable.
Afin d’alléger les souffrances infligées par Daech aux habitant iraquiens, il a indiqué que son pays soutenait financièrement des programmes de réhabilitation des villes libérées. Toutefois, Daech continue de menacer les régions libérées, s’est inquiété le représentant, appelant à redoubler d’efforts dans la lutte contre les groupes terroristes sévissant en Iraq et pour poursuivre les auteurs des crimes commis contre les civils.
S’agissant des citoyens et biens Koweïtiens portés disparus depuis 1991, le représentant a salué les efforts du Conseil de sécurité pour recouvrer ces biens et faire la lumière sur ce qui s’est produit à l’époque. Il s’est dit prêt à appuyer l’Iraq afin d’accélérer la conduite des enquêtes, dans le respect des engagements pris. Cependant, depuis 2004, aucun avancement n’a été réalisé pour retrouver les personnes disparues, a-t-il déploré, appelant à clôturer une fois pour toutes ce dossier. Le représentant a, en outre, insisté sur le fait que les archives nationales koweïtiennes portées disparues constituaient un bien d’une valeur inestimable pour son pays. Il a ainsi appelé à accélérer les efforts pour recouvrer ces biens.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a rappelé que l’Iraq avait vécu un basculement décisif cette année, avec sa victoire militaire sur Daech et le déroulement pacifique des élections législatives et de l’alternance politique. « Le nouveau gouvernement doit s’atteler sans délais à la mise en œuvre des réformes électorales, économiques et financières ainsi qu’à celle du secteur de la sécurité », a déclaré la représentante. Selon elle, toutefois, cette dynamique porteuse d’espoir ne pourra être couronnée de succès qu’à condition de rester mobilisé dans la lutte contre le terrorisme aux côtés des forces iraquiennes pour empêcher Daech de réapparaître.
Plus généralement, seule la réconciliation nationale et la mise en œuvre d’une gouvernance inclusive qui servent les intérêts de toutes les composantes de la société iraquienne, notamment les femmes, permettront de venir à bout du terrorisme, a-t-elle dit. Après avoir souligné l’importance de soutenir les efforts pour la reprise des négociations à Erbil afin de régler les différends encore en suspens, Mme Gueguen a estimé qu’il fallait accorder une priorité à la reconstruction du pays, et en particulier à la mise en œuvre du plan de reconstruction dressé lors de la conférence du Koweït. Enfin, la délégation française a réitéré son appui aux Iraquiens face à tous les défis qui se posent à eux, en rappelant que la France avait consacré près de 60 millions d’euros à Bagdad depuis 2017, auxquels s’ajoute un prêt budgétaire d’un montant de 430 millions.
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a appelé le nouveau Gouvernement à tout mettre en œuvre pour répondre à la question des déplacés, assurer la reconstruction des zones touchées et garantir une représentation équitable des femmes dans les institutions. Il a salué le dialogue noué avec les autorités du Kurdistan pour surmonter le différend né du référendum de septembre 2017 afin de régler définitivement la question des frontières contestées.
Par ailleurs, la découverte récente de 200 fosses communes dans les zones auparavant sous contrôle de « l’État islamique » convainc encore davantage, selon lui, de « l’urgente nécessité » pour l’Équipe d’enquêteurs sur les crimes commis par l’EIIL d’intensifier son travail sur le terrain et de créer « le plus rapidement possible » une banque de données sur le modèle de celle établie en Bosnie ou au Rwanda, afin de répertorier les victimes de la barbarie.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a déclaré que son pays appuie les mesures constructives destinées à renforcer l’Iraq, qui, historiquement est un facteur de stabilité dans la région. La Fédération de Russie apprécie que les élections se soient bien passées et qu’un gouvernement ait été formé. Sa délégation respecte le choix souverain du peuple iraquien et estime que d’autres devraient en faire autant.
La Fédération de Russie salue également les actions menées par ses « partenaires » pour combattre les groupes terroristes, dont l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), même si elle constate que ce groupe est encore présent en Iraq. À cet égard, sa délégation rappelle que la Fédération de Russie a fait une offre visant à créer une grande coalition mondiale pour la lutte contre le terrorisme. Cette proposition du Président russe Vladimir Putin reste d’actualité, a dit le représentant.
La Fédération de Russie s’inquiète cependant des conséquences sur l’Iraq des mesures visant à déstabiliser son voisin iranien. L’Iraq a le droit de mener des relations de bons voisinages avec son voisin iranien, sans ingérence ni recours à la force, a dit le représentant russe.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a félicité l’Iraq pour l’élection de M. Barham Salih en tant que Président de la République, la désignation de M. Adil Abdul-Mahdi en tant que son Premier Ministre et la formation partielle du nouveau Gouvernement. Il a également salué la Chambre des députés pour avoir surmonté les obstacles importants dans le déroulement du processus démocratique suite aux élections législatives de mai dernier. Nous sommes conscients que des « mesures courageuses » ont été prises pour encourager la démocratie et le respect de la Constitution du pays, a-t-il affirmé.
Le représentant a ensuite appelé le Gouvernement à s’attaquer en priorité au problème de l’accès aux services publics de l’ensemble de la population iraquienne. Il a également encouragé les autorités à renfoncer l’économie nationale et à lutter contre la propagation des tensions religieuses et tribales.
Le délégué du Kazakhstan a par ailleurs condamné les récentes attaques perpétrées à Bagdad et Sadr City, attaques qui ont, selon lui, pour objectif de « démoraliser » les citoyens iraquiens alors même que ces derniers commencent à peine à « récolter les fruits de la paix ». Face à ces crimes, les Iraquiens doivent avant tout préserver leur unité, a-t-il estimé, appelant les autorités et le Représentant spécial à œuvrer en faveur de l’intégration des femmes et des jeunes à la vie économique du pays, notamment afin d’éviter leur radicalisation.
Le représentant s’est enfin dit horrifié par la découverte de plus de 200 fosses communes dans les zones libérées du joug de Daech. Il a appelé à faire en sorte que les terroristes encore présents en Iraq soient « complètement anéantis ».
En outre, le représentant s’est félicité de l’intention du Ministère des affaires étrangères iraquien de restituer un premier lot de biens koweïtiens disparus, par l’entremise de la MANUI. Il a appelé les parties à redoubler d’efforts pour régler la question des biens et citoyens koweïtiens disparus afin de normaliser les relations entre les deux pays.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou), tout en se félicitant de la composition du Gouvernement iraquien a jugé « essentiel » que les femmes soient représentées dans les instances politiques. Il est également important qu’il bénéficie du soutien de toutes les couches de la société iraquienne et de la communauté internationale, notamment pour lutter contre l’impunité et promouvoir la reddition de comptes.
Le Pérou est également d’avis que l’Iraq ne doit pas faire les frais d’intérêt régionaux. Il doit pouvoir être libre, sans ingérence d’investir et de créer des emplois pour ses jeunes, a dit le représentant.
Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a plaidé pour la formation d’un nouveau gouvernement inclusif et en faveur de la responsabilisation, arguant qu’une société diversifiée veut se voir reflétée dans ses dirigeants élus, dans un gouvernement inclusif et représentatif, avec notamment une forte participation des femmes. « L’Iraq peut être fière d’être le fer de lance de l’autonomisation des femmes dans le monde arabe pour avoir nommé dès 1959 une femme Ministre », a rappelé la représentante en espérant que cet exemple se renouvelle. Mme Van Haaren a profité de cette occasion pour féliciter Mme Nadia Murad, qui a reçu le prix Nobel de la paix pour sa lutte en faveur des Yézidis victimes de la violence sexuelle et des atrocités de Daech.
La réhabilitation et l’intégration des victimes dans la société est précisément la priorité du deuxième plan d’action sur l’application de la résolution 1325 (2000) de l’Iraq, a relevé Mme Van Haaren. Mais au lendemain de la défaite de Daech, elle a souhaité que l’accent soit également mis sur l’autonomisation sociale et économique des femmes et la lutte contre l’impunité des auteurs des violences sexuelles et sexistes. La représentante a aussi souligné l’engagement de la MANUI sur la question de la responsabilité de Daech et le début des travaux de l’équipe d’enquête à cet égard, estimant qu’il revient à la Mission et au Gouvernement de sécuriser, collecter et protéger les preuves. Les Pays-Bas, a-t-elle indiqué, ont décidé d’aider financièrement l’équipe d’enquête. Elle a également appelé le Gouvernement iraquien à ratifier et mettre en œuvre le Statut de Rome et à reconnaître la compétence de la CPI.
Maintenant que l’élection présidentielle iraquienne est terminée, M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a encouragé tous les partis politiques à travailler de concert non seulement à la mise en œuvre de réformes économiques et sociales, mais aussi à la reconstruction et à la stabilisation des zones libérées du joug de l’État islamique. « Comme les développements des derniers mois l’ont montré, les citoyens iraquiens ont besoin d’une administration efficace qui réponde aux attentes de tous », a ajouté le délégué. C’est pourquoi, il a appelé le nouveau gouvernement élu à se concentrer sur la fourniture des services publics essentiels, une bonne gouvernance, la création d’emploi, l’amélioration des conditions de vie, la lutte contre la corruption, le développement économique, ainsi que le retour des populations déplacées.
Regrettant qu’aucune politicienne de qualité n’ait été élue à des postes de direction, le représentant a appelé le Gouvernement à s’assurer de la représentation des femmes au plus haut niveau de l’administration. Il a finalement mis l’accent sur la justice qui doit être rendue aux victimes des actes terroristes. Souhaitant des procès justes et conformes aux standards internationaux, il a exhorté les autorités iraquiennes à inclure les crimes sexuels dans les poursuites qui vont être intentées contre les combattants de l’État islamique.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a salué le déroulement du scrutin parlementaire de mai dernier et la proclamation des résultats par la Cour suprême fédérale iraquienne, suite à laquelle le pays s’est doté d’un nouveau Président et d’un Premier Ministre. Le représentant a appelé les différentes coalitions parlementaires à dialoguer afin de renforcer les institutions démocratiques du pays.
Dans le sud de l’Iraq, le représentant a jugé urgent de pourvoir aux besoins de la population pour éviter la persistance des violences, notamment dans la province de Bassora. Le représentant a également regretté la persistance d’attaques asymétriques perpétrées par Daech, y compris à Bagdad. Il a, en outre, pris note de la découverte de plus de 200 fosses communes, dans lesquelles se trouveraient des milliers de victimes de Daech. Le délégué bolivien a appelé à préserver ces fosses communes, non seulement pour restituer les corps aux familles des victimes, mais également pour accumuler des preuves contre les auteurs de ces crimes, afin de les traduire en justice. Il faut également mettre en place des services de réparation des victimes, a-t-il estimé.
Enfin, le représentant a regretté le manque de progrès dans la restitution des biens Koweïtiens et sur le dossier des citoyens Koweïtiens disparus. Il a noté la volonté de la MANUI de servir d’intermédiaire dans le cadre du processus de restitution des biens. Le représentant a appelé à régler cette question une bonne fois pour toutes, dans la perspective d’une normalisation des relations entre les deux pays.
M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a vu l’élection d’un nouveau président en Iraq comme un signe de bonne volonté des acteurs politiques et du pays, en plus du fait que cela contribue à sortir de la crise. Cependant, les manifestations violentes dont parle le rapport, et qui dans certains cas ont eu des répercussions sur les installations diplomatiques et consulaires, inquiètent la délégation, qui espère que les autorités prendront toutes les mesures qui s’imposent, notamment pour répondre aux besoins des populations.
La Guinée équatoriale estime aussi que le Gouvernement doit poursuivre sa lutte contre le terrorisme et libérer les zones encore contrôlées par Daech. Le délégué a jugé également important que l’Iraq travaille avec les pays voisins, notamment pour répondre aux plaintes concernant la violation de l’espace aérien iraquien. La stabilité de ce pays est essentielle dans la région, a conclu le représentant.
M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a salué l’Iraq pour avoir mené à bien le processus électoral et pour la formation en cours de son nouveau gouvernement. Toutefois, il a regretté l’absence de femmes parmi les Ministres nommés jusqu’à présent. Le représentant a, en outre, appelé le futur gouvernement à mener en priorité des réformes économiques et à améliorer la protection sociale des plus pauvres. Selon lui, en effet, les évènements récents dans le sud du pays démontrent l’importance de fournir des services de base à tous les Iraquiens, y compris en matière d’accès à l’eau et à l’électricité. Le représentant a, en outre, appelé à lutter contre la violence de genre et à favoriser l’intégration des femmes à la vie politique et économique du pays.
Face à la découverte récente de plus de 200 fosses communes, le représentant a appelé à préserver et protéger ces charniers, afin de traduire en justice les auteurs des crimes commis par Daech.
Le représentant a, enfin, félicité Mme Nadia Murad pour l’obtention du prix Nobel de la paix. Il a enfin insisté sur l’importance de régler la question de la restitution des biens koweïtiens disparus en vue de normaliser les relations entre les deux pays.
Après avoir félicité le peuple iraquien pour avoir terminé le processus électoral, M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a pris note de l’élection du Président Barham Salih, et la nomination du Premier Ministre Adil Abdel-Mahdi. Le représentant a souhaité que les nouveaux dirigeants déploient tous les efforts pour former le nouveau gouvernement dans les délais constitutionnels et qui répond aux aspirations et aux attentes du peuple iraquien. Encouragé par les progrès dans les relations entre Bagdad et Erbil, y compris la formation du nouveau gouvernement, le représentant a voulu que le Gouvernement fédéral et le Gouvernement régional de Kurdistan capitalisent davantage sur l’élan positif généré récemment.
Le représentant a salué le Gouvernement et les forces de sécurité pour leurs efforts visant à éliminer les restes de Daech du territoire iraquien en particulier dans le nord et le centre du pays. C’est un défi énorme auquel font face le Gouvernement et le peuple iraquien. « Nous pensons qu’une réponse globale est nécessaire pour assurer une paix durable, promouvoir l’unité, la stabilité et la réconciliation nationales, faire face à la situation humanitaire et reconstruire l’économie et les infrastructures iraquiennes », a estimé le représentant. À cet égard, une coopération régionale et internationale renforcée est essentielle, a ajouté le délégué qui a réitéré l’appel du Secrétaire général à respecter les engagements pris à la Conférence internationale au Koweït pour la reconstruction de l’Iraq.
M. JOAKIM VAVERKA (Suède) s’est félicité de la confirmation du Président iraquien Barham Salih et du Premier Ministre Adil Abdul-Mahdi, ainsi que de la formation partielle du Conseil des ministres. Il s’est dit néanmoins déçu du manque de femmes parmi les ministres nommés jusqu’à présent, plaidant en faveur de davantage d’inclusivité. Le Gouvernement, a-t-il préconisé, doit maintenant œuvrer à relever les nombreux défis qui se posent, en particulier dans le domaine des réformes économiques, en tenant compte de la nécessité de fournir des services de base à la population, de lutter contre la corruption et de renforcer l’état de droit. Il faudra également répondre aux causes profondes du conflit en vue de garantir une paix et un développement de long terme, a-t-il préconisé, en soulignant l’importance de mieux redistribuer les ressources et l’influence au sein des différentes composantes de la société iraquienne.
La Suède a ensuite déclaré soutenir des initiatives destinées à renforcer la reddition de la justice pour les violations du droit international, en citant comme exemple la résolution 2379 (2017) qui portait création de l’équipe d’enquêteurs chargée de recueillir des éléments de preuve contre Daech. Saluant les progrès accomplis par le dialogue Bagdad-Erbil, le représentant a recommandé à l’ONU de faire un usage optimal de ses bons offices pour faciliter le dialogue entre les parties prenantes. Enfin, il a salué l’inclusion, pour la première fois dans le mandat de la MANUI, d’une composante femme, paix et sécurité.
M. MA ZHAOXU (Chine) a dit se féliciter de la désignation du nouveau Gouvernement iraquien. La Chine espère que ce dernier continuera de promouvoir le développement économique, la réconciliation nationale, la paix pérenne et la sécurité. Sa délégation estime aussi que la communauté internationale doit appuyer l’Iraq à cette fin, mais dans le plein respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.
Elle doit également appuyer les efforts des Nations Unies et les missions de bons offices du Représentant spécial, notamment pour aider les parties iraquiennes à régler par la voie politique leurs différends, de même que ceux avec le Koweït. La Chine continuera de participer aux efforts de développement de l’Iraq autant que possible, a conclu le représentant.
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a rappelé le soutien de son pays envers la MANUI. Il a remercié le Secrétaire général pour avoir accédé à la demande de son gouvernement de proroger le mandat du Représentant spécial pour l’Iraq, M. Ján Kubiš, jusqu’à la mi-janvier 2019.
Les Iraquiens viennent d’achever avec succès leurs élections législatives, s’est ensuite enorgueilli le représentant. À ses yeux, l’Iraq s’est comporté à cette occasion en « modèle de démocratie », comme en témoigne, selon lui, la « transition pacifique du pouvoir » et la formation du nouveau Gouvernement, le tout dans le respect du calendrier prévu par la Constitution. Tout cela montre bien la volonté de l’Iraq de former un Gouvernement ouvert et à même de répondre aux attentes du peuple iraquien, a affirmé le représentant, avant de rentrer dans le détail des priorités du plan ministériel global récemment adopté par le nouveau Gouvernement.
L’une des priorités du plan, a précisé le représentant, sera de fournir des services publics de base aux citoyens iraquiens dans la province de Bassora. Le Gouvernement entend également se consacrer aux questions en suspens relatives à la gestion pétrolière et financière dans la région du Kurdistan, a-t-il ajouté.
En outre, le nouveau Gouvernement entreprendra des réformes économiques afin de faire passer le pays « d’une économie de revenu à une économique de marché », de soutenir davantage le secteur privé et de diversifier le revenu national pour ne pas dépendre excessivement des ventes de pétrole.
Dans le cadre de ce plan ministériel global, le nouveau Gouvernement souhaite également améliorer la performance des services publics dans l’ensemble du pays, a poursuivi le représentant, appelant la communauté internationale à appuyer financièrement les autorités iraquiennes en ce sens. La lutte contre la corruption et l’allocation stratégique des ressources financières figureront également en bonne place des priorités du plan, a-t-il ajouté.
En outre, le représentant a indiqué que son gouvernement entendait assurer le suivi des résultats de la Conférence internationale pour la reconstruction de l’Iraq, accueillie cette année par « l’État frère du Koweït ». Il a appelé la communauté internationale à appuyer les autorités du pays pour renforcer les infrastructures dans les villes libérées du joug de Daech.
Alors que l’Iraq a entamé une nouvelle phase de sa lutte contre le groupe terroriste, le représentant a jugé essentiel de se concentrer sur la stabilité sociale, politique et économique du pays. Afin de lutter contre toutes les cellules terroristes restantes et d’éviter qu’elles ne réapparaissent, le représentant a souligné l’intention des autorités iraquiennes de renforcer toutes les catégories de forces de sécurité nationales, y compris la police et l’armée. À l’inverse, a-t-il précisé, le nouveau Gouvernement souhaite lutter contre tout groupe armé non étatique ou milices dans le pays.
Le représentant a par ailleurs salué la reconnaissance de la tragédie des yézidis suite à l’obtention par Mme Nadia Murad du prix Nobel de la paix. Il a toutefois jugé étrange que le Secrétaire général ait fait référence dans son rapport à la discrimination raciale en Iraq. Il n’y a pas de discrimination raciale dans mon pays, a-t-il affirmé, rejetant le précédent grave établi selon lui par ce dernier rapport, de nature à « saper la paix sociale » du pays. Aucune discrimination n’existe envers quelque couche sociale que ce soit dans mon pays, a-t-il insisté.
Le représentant a par ailleurs affirmé que les autorités iraquiennes s’efforçaient à l’heure actuelle d’inclure des femmes au sein du nouveau Gouvernement.
Il a mis l’accent sur les besoins importants du pays en matière de déminage, principale raison, selon lui, des retards concernant le retour des personnes déplacées dans les zones reprises à Daech. Le représentant a appelé l’ONU à appuyer davantage les actions de déminage à travers le pays, en renforçant la présence et les moyens du Service de la lutte antimines en Iraq.
Par ailleurs, le représentant a estimé que le recours à la peine de mort dans les cas de crimes terroristes relevait d’un droit régalien de son gouvernement. Le Code pénal iraquien ne reconnaissant pas les crimes internationaux, il a indiqué que le Parlement du pays apportait la dernière main à un projet de loi pour ces crimes, en particulier ceux commis par Daech.
Le représentant a, en outre, déclaré qu’aucun groupe ne pouvait utiliser le territoire iraquien pour mener à bien des attaques contre d’autres pays.
S’agissant des biens et citoyens koweïtiens portés disparus, le représentant a assuré que son gouvernement cherchait à améliorer encore davantage ses relations avec le Koweït. Récemment, a-t-il précisé, le Ministère des affaires étrangères iraquien a lancé une campagne appelant tous les citoyens du pays à fournir des informations concernant des biens et citoyens koweïtiens portés disparus.
Enfin, le représentant a remercié M. Kubiš pour ses efforts en Iraq et a souhaité bonne chance à son successeur au poste de Représentant spécial du Secrétaire général pour le pays.