Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial appelle les autorités du Burundi à envoyer un « signal fort » en faveur de la reprise du dialogue politique
L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Burundi, M. Michel Kafando, a appelé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, les autorités burundaises à relancer le dialogue politique, en prévision notamment des élections de 2020.
Une semaine, jour pour jour, après la tenue, le 17 mai, du référendum constitutionnel au Burundi, M. Michel Kafando a déclaré: « maintenant que le pays s’achemine vers une autre phase importante de son histoire, nous attendons un signal fort des autorités en faveur de la reprise du dialogue interburundais sous l’égide de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) ».
L’Envoyé spécial a souligné qu’un dialogue inclusif reste « la seule voie » pour le règlement durable des défis politiques, socioéconomiques et humanitaires auxquels le Burundi fait face depuis 2015, parmi lesquels, a-t-il précisé, figurent en bonne place la préparation et la réussite des élections inclusives, crédibles et transparentes en 2020.
« Si tel n’était pas le cas, a-t-il averti, il est à craindre que la contestation des résultats du référendum par l’opposition ne polarise davantage une situation politique déjà tendue. »
Le Président de la configuration pour le Burundi de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Jürg Lauber, de la Suisse, qui s’est rendu au Burundi du 27 au 30 mars dernier, a dit avoir invité le Gouvernement à réfléchir à la possibilité de recevoir une assistance internationale pour les élections de 2020.
Le Gouvernement, a informé M. Lauber, a indiqué qu’il était en train d’élaborer un nouveau plan national de développement qui pourrait être publié avant l’été. M. Lauber a ainsi proposé au Président, M. Pierre Nkurunziza, d’organiser une nouvelle série de consultations socioéconomiques à Bujumbura, avec des partenaires comme le Fonds monétaire international (FMI), l’Union européenne et des donateurs bilatéraux.
Par ailleurs, a-t-il regretté, les trois experts mandatés par la résolution 36/2 du Conseil des droits de l’homme n’ont pas été en mesure de conduire leurs travaux et ont quitté le Burundi après un mois. Cette résolution ayant été présentée en septembre dernier par les pays africains, avec l’appui du Burundi, M. Lauber a estimé qu’il est encore possible de mener à bien cette mission.
À l’instar de la Côte d’Ivoire, plusieurs membres du Conseil de sécurité se sont inquiétés du fait que, plus de six mois après la dernière session du dialogue interburundais mené sous l’égide de la CAE, le processus politique n’ait pas enregistré de progrès significatifs. Les délégations ont multiplié les appels en faveur de la reprise du dialogue sous la facilitation de l’ancien Président tanzanien, Benjamin Mkapa, et la médiation du Président ougandais, Yoweri Museveni, et dans le respect de l’esprit de l’Accord d’Arusha de 2000.
La France, qui n’a pas vu dans la réforme constitutionnelle un moyen de résoudre la crise, a considéré que la révision de la Constitution introduit des modifications qui vont à l’encontre de l’Accord d’Arusha, « colonne vertébrale d’une décennie de paix au Burundi ». La délégation française a aussi relevé que le système institutionnalisé de partage du pouvoir entre les composantes communautaires est remis en cause, tandis que les mécanismes visant à protéger la minorité tutsie disparaissent.
À leur tour, les États-Unis ont mis en garde contre des amendements constitutionnels tendant à « consacrer la concentration des pouvoirs », évoquant les cas de « ces dirigeants qui prolongent indéfiniment leurs mandats », une situation qui conduit inévitablement vers l’instabilité. La Côte d’Ivoire a, pour sa part, déploré l’absence de consultations élargies entre les diverses couches de la société burundaise, avertissant que ceci risque de fragiliser davantage le processus de réconciliation nationale.
Cependant, la Bolivie et la Guinée équatoriale ont estimé que le référendum et le processus électoral relèvent des affaires intérieures du Burundi, tandis que la Chine a appelé au respect de la souveraineté nationale du pays.
Dans le même esprit, la Fédération de Russie a avancé que « la situation réelle du pays n’est pas ce qu’on veut nous faire croire ». Face à ceux qui veulent « déchaîner les passions », son représentant a fait valoir que le Burundi ne relève pas du mandat du Conseil de sécurité mais plutôt de celui des instances onusiennes de Genève.
En fin de séance, la délégation burundaise a d’ailleurs réitéré sa demande « pressante » de retirer le Burundi de l’agenda du Conseil de sécurité, arguant que la situation qui y prévaut est « loin de constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales ».
Le représentant s’est félicité du « succès retentissant » du référendum constitutionnel, un scrutin par lequel « le peuple burundais vient de prouver à la communauté internationale sa maturité politique et ses capacités d’organiser des élections démocratiques, libres, transparentes et apaisées avec un budget 100% national ». « Ce qui se dit sur un soi-disant non-respect de l’Accord d’Arusha relève de la manipulation de l’opinion et de la volonté de certains acteurs exogènes de vouloir déstabiliser le Burundi », s’est-il défendu.
Au cours de cette réunion, la situation sécuritaire a également préoccupé la plupart des délégations, qui ont condamné l’attaque du 11 mai dernier, qui a fait 26 morts à Ruhagarika.
La situation humanitaire a été abordée à plusieurs reprises, plusieurs membres s’étant félicités de la signature, en mars dernier, de l’accord tripartite entre le Burundi, la Tanzanie et le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) sur le retour des réfugiés.
LA SITUATION AU BURUNDI
Déclarations
M. MICHEL KAFANDO, Envoyé spécial du Secrétaire général, a rappelé que le 17 mai dernier, les Burundais ont voté en faveur d’une nouvelle Constitution. Selon la Commission électorale nationale indépendante qui a annoncé les résultats provisoires le 21 mai, 73,25% des 4 768 142 votants se sont prononcés en faveur de ce texte au cours d’un scrutin au taux de participation d’un peu plus de 96,24%. Il a relevé que le référendum s’est dans l’ensemble déroulé dans le calme, en dépit des nombreuses irrégularités et incidents rapportés par des représentants de l’opposition et de la société civile. La Commission électorale a fait également état de quelques incidents qui, selon elle, n’étaient toutefois pas de nature à influencer les résultats définitifs du scrutin.
M. Kafando a rappelé qu’au cours de son dernier briefing du 25 février, il avait fait siennes les préoccupations du Secrétaire général, lequel avait souligné dans son rapport « la nécessité pour le Gouvernement de rechercher le plus large consensus possible autour d’une question aussi primordiale pour l’avenir, voire le destin du Burundi, qu’est la modification de la Constitution ». Le Secrétaire général avait aussi mis en exergue l’esprit de consensus qui avait prévalu aux négociations et à l’adoption de l’Accord d’Arusha et de la Constitution de 2005 qui en est issue.
L’Envoyé spécial a déclaré que, maintenant que le pays s’achemine vers une autre phase importante de son histoire, « nous attendons un signal fort des autorités en faveur de la reprise du dialogue interburundais sous l’égide de la Communauté de l’Afrique de l’Est ». Relancer ce dialogue, a-t-il expliqué, permettrait aux Burundais de discuter ensemble des défis auxquels ils se trouvent confrontés dans un climat de confiance mutuelle.
M. Kafando a réitéré que ce n’est qu’à travers un dialogue inclusif que les Burundais apporteront des solutions durables à la crise actuelle. Il a ajouté que si tel n’était pas le cas, il est à craindre que la contestation des résultats du référendum par l’opposition ne polarise davantage une situation politique déjà tendue, et qui est caractérisée par des violations des droits de l’homme et autres abus, ainsi que la détérioration de la situation socioéconomique et humanitaire.
L’Envoyé spécial a attiré l’attention des membres du Conseil sur l’expulsion des experts des droits de l’homme déployés dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 34 du Conseil des droits de l’Homme, résolution parrainée le 29 septembre à Genève par le Groupe africain. Leurs visas ont été annulés par le Gouvernement le 26 avril, alors qu’ils étaient déjà au Burundi. M. Kafando a lancé un appel aux autorités burundaises pour qu’elles facilitent le retour de ces experts et renouent la coopération avec le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme.
La situation sécuritaire au Burundi est globalement calme même si on constate des jets de grenade isolés, et que des rapports continuent de parvenir sur des découvertes de corps sans vie, y compris d’individus en tenue militaire. Pour l’Envoyé spécial, le Gouvernement doit être encouragé à poursuivre ses efforts de restauration de la sécurité sur l’ensemble du territoire national. Il a salué les mesures prises contre certaines formes de violence ayant été constatées avant et pendant la campagne électorale.
Les évènements survenus le 11 mai dans la commune de Buganda, dans la province de Cibitoke, que nous avons condamnés, au cours desquels 26 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été assassinés par des hommes armés non identifiés, nous rappellent que si le calme règne au plan sécuritaire, « l’environnement reste volatile », a souligné M. Kafando.
La situation humanitaire, quant à elle, connaît des développements importants mais demeure toujours préoccupante. De nombreux Burundais continuent de vivre dans des camps de réfugiés, particulièrement en Tanzanie, au Rwanda, en Ouganda et en République démocratique du Congo (RDC). Il a salué les efforts déployés par le Burundi et la Tanzanie, avec l’appui remarquable du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), et qui ont déjà permis à plus de 13 000 Burundais de rentrer chez eux volontairement. Il a souhaité que ces efforts se poursuivent.
L’Envoyé spécial a par ailleurs rappelé que lors du dix-neuvième Sommet de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), tenu en Ouganda le 23 février dernier, les chefs d’État de la sous-région avaient recommandé la poursuite du dialogue sous la facilitation de l’ancien Président tanzanien Benjamin Mkapa et la médiation du Président Ougandais Yoweri Museveni. Le Sommet avait également demandé au Facilitateur de tout mettre en œuvre pour convoquer la cinquième session du Dialogue, dans les meilleurs délais. En réponse à l’invitation du Facilitateur du 25 avril, le Gouvernement burundais avait indiqué qu’il ne prendrait part à aucune session du dialogue avant la fin du référendum constitutionnel du 17 mai. Dans ce contexte le Conseil national pour le respect de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi et la restauration de l’état de droit (CNARED) s’est interrogé sur l’inopportunité et la pertinence du dialogue après un référendum qui « enterrerait les Accords d’Arusha ». En tout état de cause, des consultations devraient se tenir dans les tous prochains jours en vue de la relance du dialogue.
L’Envoyé spécial a réitéré qu’un dialogue inclusif reste « la seule voie » pour le règlement politique durable des défis politiques, socioéconomiques et humanitaires auxquels le Burundi fait face depuis 2015. Parmi ces défis, figurent en bonne place la préparation et la réussite des élections inclusives, crédibles et transparentes en 2020. À cet égard, le Conseil de sécurité pourrait renouveler son plein soutien à la région, en particulier à la médiation conduite par le Président Museveni et au Facilitateur, l’ancien Président Mkapa, avec le soutien de l’Union africaine et des Nations Unies.
M. JÜRG LAUBER (Suisse), Président de la configuration pour le Burundi de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a fait le point sur la visite qu’il a effectuée au Burundi du 27 au 30 mars dernier. À cette occasion, il a pu constater la situation sur le terrain, rester en contact avec le Gouvernement et d’autres parties prenantes, plaider pour la reprise du dialogue et de la coopération entre le Gouvernement et ses partenaires internationaux, et identifier d’autres façons pour le Burundi de travailler avec la CCP.
M. Lauber a été informé de la préparation du référendum constitutionnel qui a eu lieu le 17 mai et qui a été accepté. La Commission électorale indépendante a également expliqué comment elle enregistrait les électeurs pour les élections de 2020. M. Lauber a invité le Gouvernement à voir si le Burundi aurait besoin d’une assistance internationale pour ces élections.
M. Lauber a rencontré les dirigeants de trois partis politiques: le parti au pouvoir, soit le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD); l’Union pour le progrès national (UPRONA); Agathon Rwaza (Amizero y’arabundi). Ils ont tous convenu que les acteurs politiques du Burundi devraient définir une « feuille de route », en vue d’assurer des élections libres, justes, transparentes, pacifiques et pleinement inclusives.
Un autre sujet de conversation pour le Président de la configuration a porté sur les graves défis socioéconomiques auxquels le Burundi est confronté. Le Gouvernement a indiqué qu’il était en train d’élaborer un nouveau plan national de développement qui pourrait être publié avant l’été. Les partenaires internationaux du Burundi et les représentants du secteur privé ont évoqué certaines difficultés ayant trait au manque de devises et à l’obtention de prêts bancaires.
M. Lauber a dit avoir proposé au Président, M. Pierre Nkurunziza, d’organiser une nouvelle série de consultations socioéconomiques à Bujumbura, avec des partenaires comme le Fonds monétaire international (FMI), l’Union européenne et des donateurs bilatéraux, sur la base du plan national de développement du Burundi.
Pendant sa visite, des responsables de haut niveau du Burundi, de la Tanzanie et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ont signé un accord tripartite sur le retour des réfugiés burundais de la Tanzanie.
S’agissant du Plan d’aide humanitaire de 2018 pour le Burundi, lancé en février par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le Gouvernement a réitéré que le plan contenait des chiffres excessifs et que les autorités nationales n’avaient pas été suffisamment consultées. Évalué à 141,8 millions de dollars, il n’est pour l’instant couvert qu’à 2,9%, a précisé l’intervenant.
Par ailleurs, M. Lauber a salué les progrès réalisés par la Commission vérité et réconciliation qui a déjà récolté plus de 45 000 témoignages et travaillé dans 16 des 18 provinces du pays. Il a recommandé au Président burundais de reconduire le mandat de la Commission pour un an, jusqu’à la fin de l’année 2019, conformément à l’Accord d’Arusha, ce à quoi le Président a répondu positivement.
Ces jours derniers, a poursuivi M. Lauber, les représentants de l’équipe de pays des Nations Unies et les responsables, à New York, l’ont informé que le Président avait nommé cinq nouveaux ministres et remplacé quatre ministres. Le 11 mai, 26 personnes ont été tuées lors d’une attaque violente contre le village de Ruhagarika, dans le nord-ouest du pays, par des assaillants non identifiés.
Par ailleurs, a-t-il regretté, les trois experts mandatés par la résolution 36/2 du Conseil des droits de l'homme n’ont pas été en mesure de conduire leurs travaux et ont quitté le Burundi après un mois. Cette résolution ayant été présentée le 28 septembre dernier par les pays africains, avec l’appui du Burundi, M. Lauber a estimé qu’il est encore possible de mener à bien cette mission.
En conclusion, le Président de la configuration a recommandé que la communauté internationale continue de suivre attentivement les développements au Burundi, y compris le processus de réconciliation, et ne néglige pas les besoins humanitaires immédiats du Burundi.
Les efforts de médiation de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), conduits par le Président Museveni, de l’Ouganda, et par l’ancien Président Mkapa, de la Tanzanie, méritent notre plein appui, a-t-il ajouté.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déploré que la campagne pour le référendum ait eu lieu dans un climat marqué par les intimidations et les menaces contre l’opposition à la réforme constitutionnelle. Il a aussi relevé que la révision de la Constitution introduit des modifications qui vont à l’encontre de l’Accord d’Arusha, « colonne vertébrale d’une décennie de paix au Burundi », que le système institutionnalisé de partage du pouvoir entre les composantes communautaires est remis en cause et que les mécanismes visant à protéger la minorité tutsie disparaissent. Cette réforme, a-t-il souligné, ne contribuera pas à résoudre la crise dans laquelle le pays est plongé depuis 2015.
Il s’est alarmé du fait que les fractions les plus radicales de l’opposition sont tentées par la lutte armée, tandis que dans le camp du pouvoir, les miliciens imbonerakure représentent une force « difficilement contrôlable ». Il a averti que le statu quo n’est pas tenable à long terme, évoquant notamment le massacre de Ruhagarika du 11 mai.
Le représentant a jugé essentiel de sortir du cercle vicieux actuel. Il a déploré que le dialogue sous facilitation de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) ait échoué jusqu’à présent, « principalement en raison de l’obstruction des autorités », et a souligné que la priorité doit être de relancer un vrai dialogue national. Ce ne sera possible que si le Gouvernement permet à l’opposition, aux médias et à la société de jouer leur rôle sans entrave. La France attend aussi « des gestes forts » de la région pour que ce dialogue puisse véritablement se tenir.
D’après M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale), les résultats du référendum constitutionnel, auquel ont pris part 26 partis politiques, viennent démontrer la volonté de la population burundaise de mettre en œuvre l’Accord de paix d’Arusha. Dans ce contexte, il a invité les parties au Burundi à ne pas prendre de mesures pouvant s’avérer contre-productives. Il a dit que les chiffres publiés par la Commission électorale nationale indépendante laissent augurer de la bonne tenue des élections de 2020. Il a noté que ce processus électoral relève des affaires intérieures du Burundi, et il a invité le Conseil de sécurité à faire montre d’un esprit qui favorisera la sortie de l’impasse politique au Burundi.
M. Esono Mbengono a également plaidé pour le respect des principes et valeurs démocratiques dans le pays, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a demandé aux parties burundaises de poursuivre un dialogue franc, tout en invitant spécifiquement le Gouvernement à prendre toutes les mesures pour garantir l’unité du pays.
Mme LISE GREGOIRE-VAN HAAREN (Pays-Bas) a déploré, pendant le récent scrutin, le refus d’accès aux bureaux de vote opposé à des observateurs accrédités de l’opposition ou leur arrestation. Elle a également dénoncé l’intimidation de citoyens burundais aux abords et dans les bureaux de vote, y compris la présence de membres de la Ligue de la jeunesse du parti au pouvoir dans certains bureaux de vote. Les Pays-Bas invitent le Gouvernement burundais à s’assurer que toute action basée sur ce référendum, y compris le processus de formalisation des amendements constitutionnels, sera mené à partir d’un large consensus de toutes les parties prenantes et en droite ligne des dispositions pertinentes de la Constitution actuelle.
En dépit de l’impasse actuelle, le Royaume des Pays-Bas continue d’accorder son plein soutien au dialogue interburundais conduit par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE). Pour le pays, seule une solution politique élaborée dans le cadre d’un dialogue constructif et inclusif reste le moyen le plus durable et viable de sortir de la crise politique que traverse le pays. La déléguée a rappelé que les Accords d’Arusha, signés en 2000 après trois décennies de conflit, restent « la pierre angulaire » de la stabilité au Burundi. Elle a ajouté que tout dialogue, réforme politique et action menée au Burundi devraient reposer sur les principes et l’esprit de ces bases établies par les Présidents Nyerere et Mandela, car ils ont créé un système de dispositions constitutionnelles pour décourager la concentration des pouvoirs par un seul parti ou groupe et pour constituer une armée unifiée.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a appelé à mettre en œuvre la feuille de route proposée par le Facilitateur, M. Mkapa, pour déboucher sur la tenue d’élections pacifiques en 2020. Il a estimé que le référendum et la réforme de la Constitution sont des questions internes qui doivent être traitées « par les Burundais, pour les Burundais ». Il a aussi recommandé de tenir compte de la contribution du Burundi à la paix et à la sécurité internationales.
Le représentant a salué l’accord tripartite signé entre le Burundi, la Tanzanie et le HCR, pour ensuite prier la communauté internationale de continuer de financer l’aide humanitaire. Il a aussi appelé à lever les sanctions unilatérales dont l’impact se fait durement ressentir dans la vie des femmes et des enfants. Enfin, il a souhaité que la Communauté d’Afrique de l’Est (CEA) demeure à la tête du processus de dialogue.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a espéré que les résultats du référendum du 17 mai permettront de refléter la volonté de la population et n’auront aucun impact négatif sur la situation politique et sécuritaire du pays. Il s’est inquiété de la lenteur des progrès réalisés dans le cadre du dialogue interburundais et a engagé tous les acteurs politiques à négocier une feuille de route pour déboucher sur la tenue d’élections « pacifiques, libres, équitables, transparentes et inclusives » en 2020. Le représentant a aussi exhorté les dirigeants de la sous-région et les garants de l’Accord d’Arusha à redoubler d’efforts pour revitaliser les échanges politiques. Pour le Kazakhstan, l’Accord d’Arusha est le seul moyen de trouver une solution pacifique à la crise politique que traverse le pays.
M. Tumysh a également appelé à répondre de manière urgente à la situation humanitaire dans le pays, où 3,6 millions de personnes ont besoin d’aide, insistant notamment sur le fait que le retour des 430 000 réfugiés doit se faire de manière volontaire. Il a salué l’élaboration par le Gouvernement du Burundi d’un plan national de développement, puis insisté sur l’importance, pour la communauté internationale, d’appuyer le pays pour l’aider à surmonter les défis économiques actuels, faisant observer que cette « plateforme » pourrait contribuer au renforcement de la confiance entre le Burundi et ses partenaires.
Mme ELAINE MARIE FRENCH (États-Unis) a estimé que les développements actuels laissent voir que « le Burundi se rapproche de la situation des pays ayant un parti politique unique ». Elle a déploré le fait que le référendum ait été marqué par des exactions graves et des cas de harcèlement vis-à-vis des opposants, ce qui laisse planer le doute sur la crédibilité même du scrutin. Elle a également mentionné les 26 morts de Ruhagarika, à quelques jours du vote. Pour les États-Unis, ce climat de violence souligne l’importance du dialogue politique pour parvenir à la paix. Mme French a également dénoncé la décision du Gouvernement de suspendre des médias, notamment la BBC et Voice of America, juste avant le scrutin.
Les États-Unis sont en outre inquiets à la perspective de ces amendements constitutionnels qui vont « consacrer la concentration des pouvoirs ». La déléguée a évoqué les cas de ces dirigeants qui prolongent indéfiniment leurs mandats, avertissant que ce genre de situation conduit inévitablement vers l’instabilité. Pour les États-Unis, les Accords d’Arusha sont essentiels et le Gouvernement burundais doit prendre part, de bonne foi, à la prochaine session du dialogue.
M. OLOF SKOOG (Suède) a déploré la situation politique, économique et humanitaire précaire qui prévaut au Burundi et qui est exacerbée par les graves violations des droits de l’homme. Il a relevé que l’attaque du 11 mai dernier, qui a fait 26 morts à Ruhagarika, démontre que la situation sécuritaire reste fragile. Le référendum du 17 mai s’est donc tenu dans ce contexte, et le Gouvernement a permis la tenue de la campagne électorale, même si le climat global de répression, y compris la fermeture de certains médias, révèle que les conditions pour une paix et une stabilité politique durables restent absentes.
M. Skoog a estimé que l’esprit et les prescriptions clefs de l’Accord d’Arusha restent centraux. Cet Accord constitue un pilier pour la paix et la stabilité du pays et de toute la région, a-t-il argué. L’absence de dialogue va, a-t-il craint, affecter les élections de 2020 et la situation socioéconomique et humanitaire. La Suède soutient la médiation menée par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) sous les auspices du Président Museveni et de l’ancien Président Mkapa. Les efforts de la configuration Burundi de la Commission de consolidation de la paix restent tout aussi importants. Face aux rapports continus de graves violations et abus des droits de l’homme, le représentant a souligné que le principe de responsabilité est essentiel. C’est pourquoi la Suède invite le Gouvernement burundais à permettre aux trois experts mandatés par le Conseil des droits de l’homme, de poursuivre leur tâche dans le pays.
M. ILAHIRI ALCIDE DJEDJE (Côte d’Ivoire) a noté que l’élection du 17 mai s’est tenue dans une atmosphère sécuritaire inquiétante, citant notamment l’attaque meurtrière intervenue la veille du référendum, dans la province de Cibitoke, et qui a fait 26 morts. Il a déploré l’absence de consultations élargies entre les diverses couches de la société burundaise, avertissant que ceci risque de fragiliser davantage le processus de réconciliation nationale. Il a exhorté les autorités burundaises à œuvrer à l’avènement d’un climat sociopolitique apaisé devant favoriser la reprise du dialogue politique sur la base de l’Accord d’Arusha.
Le représentant s’est notamment inquiété du fait que, plus de six mois après la dernière session du dialogue interburundais menée sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), le processus politique n’a pas enregistré de progrès significatifs. « La Côte d’Ivoire invite les parties prenantes burundaises à la reprise du dialogue, à renoncer aux préalables et aux actions unilatérales afin de créer les conditions d’une sortie de crise réussie, à travers un processus politique crédible, devant conduire à des élections démocratiques et inclusives en 2020. » Il a aussi appelé la communauté internationale à soutenir toutes les initiatives régionales et sous-régionales à cette fin.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déploré un scrutin qui s’est déroulé sans observateur indépendant et qui pourrait miner les Accords d’Arusha. Il faut, a-t-il insisté, « rejeter les discours de la haine » et prévenir les violences, tout en respectant les droits de l’homme et la liberté de la presse notamment. Il est tout aussi urgent d’avancer avec le dialogue politique et que le Gouvernement permette aux experts des droits de l’homme de reprendre leur travail. Le représentant a également invité les pays voisins à soutenir le processus de paix au Burundi.
M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) s’est inquiété du climat délétère dans lequel s’est tenue la campagne du référendum dont le résultat, a-t-il affirmé, « ne reflète pas la volonté de l’électorat ». Il a appelé à respecter l’Accord d’Arusha, soulignant que la crise actuelle ne pourra être surmontée qu’à travers le dialogue. Il a appelé l’Union africaine et les garants d’Arusha à préserver cet Accord lors de la mise en œuvre des modifications de la Constitution du Burundi. L’esprit de l’Accord doit être respecté, a-t-il insisté.
Le représentant a dit être profondément inquiet de la situation actuelle au Burundi. Il a dénoncé l’expulsion des experts des droits de l’homme et a exhorté les autorités à coopérer avec Genève. Il s’est aussi alarmé de la situation humanitaire et a averti que rien ne laisse présager qu’elle va s’améliorer. La diplomatie préventive est plus importante que jamais, a-t-il affirmé.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que le référendum tenu le 17 mai dernier « relève purement d’une affaire intérieure du Burundi ». Il a rappelé que la Commission électorale nationale indépendante est constituée de toutes les composantes de la société et que cela crédibilise le scrutin dont il a du reste salué un « taux de participation très important dans le contexte africain ». Pour la Fédération de Russie, le référendum s’est déroulé dans le calme et après une campagne électorale ouverte. Il a ironisé face à ceux qui veulent « déchaîner les passions », affirmant que « la situation réelle du pays n’est pas ce qu’on veut nous faire croire », et que l’on peut s’en rendre compte avec le récent Sommet de l’Union parlementaire africaine, du 22 au 23 mai 2018, dans le pays.
Pour la Fédération de Russie, il faudrait que le Conseil de sécurité n’inscrive dans son programme de travail que les questions qui constituent une réelle menace à la paix et la sécurité internationales. Il a estimé que le Conseil ne doit pas se saisir de questions comme celle relative au Burundi qui relève plus du mandat des instances onusiennes de Genève. Pour M. Polyanskiy, « beaucoup ici ont décidé de donner des leçons à un État indépendant ». La Fédération de Russie invite donc « à se respecter les uns les autres ».
M. ZHANG DIANBIN (Chine) a constaté que la situation est généralement stable au Burundi, saluant notamment l’adoption d’un plan national de développement et la signature de l’accord tripartite avec la Tanzanie et le HCR sur le retour des réfugiés. Il a appelé la communauté internationale à continuer de fournir une aide au pays.
Le représentant a ensuite appelé à respecter l’appropriation et la souveraineté nationale du Burundi. Un appui continu au processus de paix s’impose aussi, a-t-il ajouté, faisant part de son soutien à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE). Il a également appelé à renforcer l’aide humanitaire, déplorant les écarts de financements.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a noté que le référendum s’était déroulé « dans un climat apaisé, en dépit des allégations d’intimidations et de répression ». Il a estimé que tout grief à ce sujet doit être porté de manière plus transparente à l’attention des mécanismes juridiques existants. Préoccupé par le manque de progrès des efforts de médiation menés par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), il a appelé à relancer d’urgence un dialogue authentique et inclusif, dans le respect de l’esprit de l’Accord d’Arusha et sur la base de la Constitution du Burundi. Il a également appelé à renforcer la cohérence et de la coordination entre la CAE, l’Union africaine et les Nations Unies.
Le représentant a ensuite engagé le Conseil de sécurité à envisager de nouvelles approches pour répondre à l’impasse politique dans laquelle se trouve le Burundi. S’il a salué les efforts déployés dans ce sens par le Président de la formation Burundi, il a également conseillé de mener « une diplomatie discrète », en coordination avec l’Union africaine et la CAE, pour intervenir auprès des autorités burundaises. L’allégement des difficultés socioéconomiques et l’aide humanitaire doivent être partie intégrante de ces efforts, a-t-il ajouté. Il a ensuite appelé les autorités burundaises à faire preuve d’ouverture en expliquant le processus de réforme constitutionnel et les préparatifs pour les élections de 2020 à la communauté internationale. Le Gouvernement doit également coopérer avec les trois experts mandatés par la résolution 36/2 du Conseil des droits de l’homme.
M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a vu dans la participation élevée de la population au dernier référendum « un signe positif ».Il a exhorté le Gouvernement du Burundi à mettre en œuvre des mesures pour améliorer la vie des populations.Il a aussi plaidé pour un dialogue national ouvert afin de recueillir les aspirations de tous, notamment sous la médiation de l’ancien Président Mkapa.Aucun progrès concret ne peut être réalisé tant que les parties refusent d’avoir des discussions directes, a-t-il affirmé. Et pour ce faire, il faudrait que les parties s’en tiennent aux Accords d’Arusha. Il a en outre invité le Gouvernement à prendre des mesures pour garantir la réinsertion des réfugiés qui retournent dans le pays grâce à l’accord tripartite signé entre le Burundi et la Tanzanie avec l’appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a souligné que la situation au Burundi a des implications régionales dans les Grands Lacs, car elle menace d’aggraver la situation humanitaire, notamment la crise des réfugiés que connaissent le pays et ses voisins.Elle a encouragé la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’Union africaine à renforcer leur implication pour mettre fin à l’impasse politique, et elle a souligné que l’Accord de paix d’Arusha reste le principal instrument de paix et de stabilité au Burundi et dans la région.
La Pologne insiste sur le rôle que peuvent jouer les dirigeants de la région et les garants de l’Accord d’Arusha pour surmonter les causes ayant conduit à l’instabilité dans la région.La Pologne est également préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l’homme et par les restrictions de l’espace politique dont sont l’objet les membres de l’opposition, les médias indépendants et la société civile.Mme Wronecka a terminé en plaidant pour la poursuite d’un dialogue politique inclusif qui pourrait assurer une solution durable et acceptée par la majorité.
Le Burundi vient de clôturer « avec un succès retentissant » le référendum constitutionnel qui a eu lieu le 17 mai dernier, s’est félicité M. ALBERT SHINGIRO (Burundi). D’après la Commission électorale nationale indépendante, le oui à la nouvelle Constitution du Burundi a gagné avec 73,26% des voix et un taux de participation record de 96,24%, a-t-il précisé. « Par ce scrutin, le peuple burundais vient de prouver à la communauté internationale sa maturité politique et ses capacités d’organiser des élections démocratiques, libres, transparentes et apaisées avec un budget 100% national. »
Aucun incident majeur n’a été rapporté durant tout le processus jusqu’au jour J, a poursuivi M. Shingiro. Il a rappelé que la réforme constitutionnelle qui vient de s’achever est le résultat de larges consultations menées auprès de la population burundaise « dans toute sa diversité ». La nouvelle Constitution, a-t-il assuré, respecte pleinement l’Accord d’Arusha de 2000. « Ce qui se dit sur un soi-disant non-respect de l’Accord d’Arusha relève de la manipulation de l’opinion et de la volonté de certains acteurs exogènes de vouloir déstabiliser le Burundi. » D’après le représentant, un seul acteur politique, Amizero y’abarundi, a contesté « sans convaincre », l’issue du référendum. Après avoir salué la couverture médiatique du référendum, M. Shingiro a défendu la suspension de deux émissions de la BBC et de Voice of America « pour cause de violation flagrante des règles de déontologie journalistique ».
Le représentant a assuré que son pays reste très engagé sur la voie de la paix, de la stabilité et de la réconciliation nationale. La situation sécuritaire est globalement bonne sur tout le territoire burundais, a-t-il dit, comme en témoigne l’organisation, les 22 et 23 mai, de la soixante-douzième session du Comité exécutif de l’Union parlementaire africaine. Il a par ailleurs indiqué que le Burundi poursuit ses efforts en vue de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Dans le domaine humanitaire, le Burundi souhaite que tout appui de la part de la communauté internationale soit orienté principalement vers les efforts de développement en cours dans le pays. « L’aide humanitaire devrait se limiter uniquement aux personnes se trouvant en situation d’urgence. »
En conclusion, M. Shingiro a réitéré sa demande « pressante » de retirer le Burundi de l’agenda du Conseil de sécurité. La situation qui prévaut au Burundi est « loin de constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales », a-t-il argué. Au contraire, le pays participe aux missions de maintien de la paix dans le monde avec plus de 6 000 hommes et femmes déployés principalement en Somalie et en Centrafrique.