Conseil de sécurité: il faut prendre des mesures d’urgence pour remédier à la situation en matière de protection des civils, dit le Secrétaire Général
Près de 90 intervenants, dont 5 ministres, ont pris part aujourd’hui au débat annuel du Conseil de sécurité sur la protection des civils en période de conflit armé, présidé par le Ministre des affaires étrangères de la Pologne, M. Jacek Czaputowicz. Après avoir brossé un tableau très sombre de la situation, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a engagé les États Membres à prendre des mesures concrètes pour asseoir le respect du droit international et inciter les parties à tout conflit à adopter de bonnes pratiques.
Les délégations, relevant que l’année 2019 va marquer le vingtième anniversaire de l’inclusion du thème de la protection des civils dans le programme de travail du Conseil, ont unanimement rappelé que toutes les parties étatiques et non étatiques à un conflit doivent respecter le droit international humanitaire et « offrir un filet de sécurité aux civils », comme l’a rappelé le représentant de la Suède. C’est en effet en 1999, après les atrocités en Sierra Leone, le nettoyage ethnique dans les Balkans et le génocide et les mouvements de personnes déplacées dans la région des Grands Lacs que le Conseil avait entamé l’examen de cette question.
Aujourd’hui, on note « une situation d’horreur et de souffrances incessantes qui touche des millions de femmes, d’enfants et d’hommes dans tous les conflits », souligne le rapport annuel du Secrétaire général sur la protection des civils en période de conflit armé. « On ne peut pas tolérer que des civils soient pris pour cible. On ne peut pas ne pas protéger les civils », écrit M. Guterres.
Le Secrétaire général rappelle ainsi que 128 millions de personnes à travers le monde ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, et que « ce chiffre stupéfiant résulte en grande partie des conflits ». En 2017, l’ONU a recensé plus de 26 000 civils tués ou blessés lors d’attaques dans des conflits dans six pays, alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) parle de 322 attaques contre des installations sanitaires dans des pays en conflit, faisant 242 morts et 229 blessés parmi le personnel médical et les patients.
Le Secrétaire général a fait trois recommandations devant le Conseil: établir des cadres directifs nationaux pour la protection des civils; améliorer le respect du droit par les groupes armés non étatiques; promouvoir le respect du droit par la communication et l’application du principe de responsabilité.
M. Guterres a aussi noté « des lueurs d’espoir », puisque l’on reconnaît de plus en plus que le droit international humanitaire et les droits de l’homme contribuent à atténuer les conflits et à lutter contre le terrorisme. Des gouvernements, la société civile et d’autres acteurs se lèvent pour appeler à des changements. Dix-neuf pays africains ont, par exemple, adopté un communiqué à Maputo en novembre dernier sur la protection des civils contre les explosifs dans des zones peuplées. Et plus d’une trentaine ont adhéré aux Principes de Kigali qui plaident pour une meilleure protection des civils lors des opérations de maintien de la paix. À ce sujet, le Rwanda a rappelé que les Principes de Kigali reflètent les enseignements tirés des tragiques évènements de 1994.
Pour le Directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), M. Yves Daccord, « l’outil le plus important pour atteindre cet objectif est d’ores et déjà entre nos mains: le droit international humanitaire, qui est conçu pour respecter et préserver la vie et la dignité même dans les pires circonstances ». Les États qui fournissent des armes ont une responsabilité quand des violations sont commises, a-t-il dit. Il a également évoqué les personnes disparues dans les conflits armés, pour lesquelles on ne peut avancer de chiffre exact.
Témoignant sur les ravages de la guerre à Mossoul, en Iraq, Mme Hanaa Edwar de l’association Iraqi Al-Amal a dénombré 3 000 civils portés disparus dans la vieille ville. Elle a invité l’ONU à financer l’identification des corps, la recherche des survivants, et leur retour au sein de leur famille, notamment les yézidis, non sans attirer l’attention sur le sort des familles de combattants de Daech, « maltraitées et isolées dans des camps ».
Le Ministre polonais des affaires étrangères a mis l’accent sur les 2 830 civils tués, 24 234 blessés et 1 492 851 déplacés en Ukraine. Il faut noter que 4,4 millions de personnes vivent dans les zones affectées du Donbass, dont 3,4 millions ont besoin d’aide humanitaire, a renchéri son homologue d’Ukraine, tandis que le délégué de la Fédération de Russie dénonçait « l’intensité des pilonnages de Kiev sur des zones habitées » et le silence des Occidentaux face aux violations des Accords de Minsk.
Récemment, a ironisé le délégué russe, « une délégation du Conseil de sécurité a sorti de son chapeau un concept nouveau d’intervention humanitaire ». On nous a expliqué, a-t-il dit, que le tir de missiles sur un État avait pour but de protéger la population locale. Or, pour les États-Unis, la communauté internationale ne doit pas se faire d’illusions et « agir quand des États échouent à protéger les civils ». Plusieurs États ont par ailleurs fait valoir que la Cour pénale internationale (CPI) doit prendre le relai dans ce cas.
De nombreuses délégations ont également souligné le rôle des opérations de maintien de la paix dans la protection des civils. La Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) reste l’une des meilleures illustrations de l’engagement croissant de l’Union africaine à protéger les civils dans les conflits armés, a noté la déléguée de l’Union africaine. « Pour bien protéger les civils, il faut savoir se protéger soi-même en étant bien formé, préparé et doté d’équipements adaptés », a résumé la France.
À l’instar de la Suède, plusieurs intervenants ont appelé au respect des engagements décrits dans la résolution 2286 (2016) sur la protection du personnel, du matériel et des locaux médicaux en période de conflit armé, notamment en Syrie.
PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ
Lettre datée du 9 mai 2018, adressée au Secrétaire général par la Représentante permanente de la Pologne auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2018/444)
Rapport du Secrétaire général sur la protection des civils en période de conflit armé (S/2018/462)
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a noté que la meilleure manière de protéger les civils est de prévenir et de mettre fin aux conflits. C’est pourquoi la prévention des conflits, leur résolution et la consolidation de la paix demeurent les plus grandes priorités du système des Nations Unies.
Le Secrétaire général a rappelé que 128 millions de personnes à travers le monde ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, et que « ce chiffre stupéfiant résulte en grande partie des conflits ». En 2017, l’ONU a recensé plus de 26 000 civils tués ou blessés lors d’attaques dans des conflits dans six pays: Afghanistan, Iraq, République centrafricaine (RCA), République démocratique du Congo (RDC), Somalie et Yémen. Dix mille de ces victimes ont été recensées en Afghanistan.
Les civils sont également victimes de graves violations des droits de l’homme, y compris de viols et d’autres violences sexuelles au cours des conflits. En RDC par exemple, l’ONU a dénombré plus de 800 cas de violence sexuelle en 2017, soit une augmentation de 56% par rapport à 2016. Les conséquences de telles attaques perdurent pour le reste de la vie des survivants, a souligné M. Guterres.
Il a également indiqué que les conflits forcent des millions de gens à fuir leur domicile pour un avenir incertain, et avec un accès limité à l’aide et la protection les plus élémentaires. Fin 2016, on dénombrait 65,6 millions de déplacés du fait de la guerre, de la violence et de la persécution, tandis que de nombreuses personnes sont portées disparues.
En outre, les bombardements des villes causent la mort et les blessures de milliers de civils chaque année, et ces bombardements laissent en plus des débris dans des habitations et des infrastructures vitales telles que les systèmes d’adduction d’eau et de distribution d’énergie. En Syrie, par exemple, de telles attaques ont causé la mort et blessé de nombreux civils à Alep, Dayr al-Zawr, Homs, Edleb, Raqqah et Rif Dimashq. De même, des installations médicales sont constamment attaquées, des personnels médicaux et humanitaires sont ciblés et empêchés de faire leur travail. En 2017, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a enregistré 322 attaques de ce type perpétrées dans des pays en proie à un conflit. Ces attaques se sont soldées par 242 morts et 229 blessés parmi le personnel médical et les patients. « Cela n’est pas raisonnable », a réagi le Secrétaire général en parlant aussi de matériels médicaux vandalisés et retirés de convois humanitaires.
Selon M. Guterres, les conflits sont également une cause majeure d’insécurité alimentaire. Dix des 13 crises alimentaires majeures de 2017 étaient causées par les conflits. Au Yémen, par exemple, 3 millions de femmes et d’enfants sont sévèrement malnutris et plus de 8 millions de personnes ne savent pas quand elles auront leur prochain repas.
Le Secrétaire général a néanmoins noté des lueurs d’espoir, puisque l’on reconnait de plus en plus que le droit international humanitaire et le droit des droits de l’homme contribuent à atténuer les conflits et à lutter contre le terrorisme. Dans une résolution de l’Assemblée générale l’an dernier, les États Membres ont reconnu que la lutte contre le terrorisme violait le droit international humanitaire et les droits de l’homme, trahissant ainsi les valeurs qu’elle essaye pourtant de défendre, et conduisant à davantage d’extrémisme violent. Certaines parties aux conflits ont également pris des mesures pour protéger les civils. Des gouvernements, la société civile et d’autres acteurs se lèvent pour appeler à des changements. Dix-neuf pays africains ont, par exemple, adopté un communiqué à Maputo en novembre dernier sur la protection des civils contre les explosifs dans des zones peuplées.
Le Secrétaire général a rappelé que, dans son dernier rapport sur la protection des civils, il fait trois recommandations. Tout d’abord, il invite tous les gouvernements à établir des cadres directifs nationaux pour la protection des civils en temps de conflit. Cette mesure devrait, par exemple, conditionner les exportations d’armes au respect du droit international humanitaire, dans la droite ligne du Traité sur le commerce des armes. La seconde recommandation du Secrétaire général est que les États Membres doivent soutenir l’ONU et d’autres acteurs engagés afin que les groupes armés non étatiques adoptent des codes de conduite et des plans d’action de protection des civils. Ensuite, il appelle les États à appuyer la sensibilisation sur la question de la protection des civils, et à garantir l’obligation de rendre des comptes en cas de violations graves des droits de l’homme, pour mettre fin au climat d’impunité. Cela implique, a-t-il expliqué, des enquêtes nationales crédibles et un soutien au travail de la Cour pénale internationale (CPI).
Enfin, M. Guterres a prié les membres du Conseil de sécurité de ne pas laisser leurs différences politiques saper les actions en faveur des civils, car la protection des civils en temps de conflit s’avère être la seule manière de poser les fondations d’une paix durable. De même, « éviter les victimes civiles et permettre un accès humanitaire traduit ce que nous sommes en tant que membres de la famille humaine », a-t-il conclu. Cela est crucial pour éviter un cycle d’instabilité et de rancœur, tout en rendant la paix pérenne et la réconciliation possibles.
« Notre message fondamental est simple et clair: la voie la plus effective de réduire les souffrances dans les conflits est de respecter le principe fondamental d’humanité », a déclaré le Directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), M. YVES DACCORD. « L’outil le plus important pour atteindre cet objectif est d’ores et déjà entre nos mains: le droit international humanitaire, qui est conçu pour respecter et préserver la vie et la dignité même dans les pires circonstances », a-t-il insisté.
De même, a-t-il poursuivi, les États sont les premiers responsables en la matière. « Il n’y a aucune excuse ni exception dans l’application de la loi », a martelé le Directeur général du CICR, et ce, quelle que soit la complexité ou la durée des conflits armés, peu importe la désignation ou l’étiquette données aux parties. Des États et leurs partenaires invoquent la lutte contre des individus désignés comme terroristes ou combattants terroristes étrangers, parfois des enfants et non pas des ennemis conventionnels pour lesquels le droit international humanitaire est inapplicable ou s’applique parfois différemment.
Il existe également cette tendance du déni des violations du droit international humanitaire, or, a-t-il dit, cela contribue à accroître le climat d’impunité et provoque davantage de souffrances. Soyons clairs, a-t-il dit: le droit international humanitaire protège quiconque n’est pas ou n’est plus partie dans les hostilités. Dans de nombreux conflits armés au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs, les belligérants reçoivent un soutien important de la part des États, sous forme logistique, financière, ou dans le cadre d’opérations en partenariat.
Les États qui fournissent des armes ont une responsabilité particulière et sont particulièrement influents, en tant que fournisseurs de moyens par lesquels les violations sont commises. Là encore, a insisté le Directeur général du CICR, le message est clair: « Pas de soutien sans respect de la loi! »
Il a cité à cet égard, quatre questions qui sont particulièrement préoccupantes tout en préconisant des recommandations pour améliorer la situation sur le terrain. La première, qui fait écho aux préoccupations du Secrétaire général, est, selon lui, l’impact de l’emploi d’armes explosives lourdes dans les zones densément peuplées et les dégâts infligés aux populations civiles, comme a pu le constater de visu le CICR en Syrie, en Iraq, au Yémen, en Ukraine, en Afghanistan et en Libye.
Avec l’urbanisation des conflits, leurs conséquences sont plus répandues et durent plus longtemps, parfois sur des générations, a déploré le CICR, appelant les parties aux conflits à changer les comportements et adapter le type d’armes utilisées dans les guerres urbaines. La deuxième question abordée par M. Daccord est la protection de la santé, rappelant à cet égard la résolution 2286 (2016), qui est une première étape vers une meilleure mise en œuvre du droit international humanitaire en matière de soins médicaux dans les conflits armés.
Deux ans après son adoption, le CICR a déploré plus de 1 200 cas de violence contre les personnels et locaux médicaux dans 16 États: personnels de santé tués, menacés, enlevés, ambulances bloquées, fournitures médicales détruites ou empêchées de franchir les lignes de front, hôpitaux bombardés ou pillés.
L’écart entre les mots et l’action est déplorable, a regretté M. Daccord, appelant les États et non pas seulement les parties aux conflits à se conformer à leurs engagements en matière de droit international humanitaire et faire de la protection de la mission médicale une priorité nationale. La meilleure façon d’y parvenir est selon lui d’axer l’action sur les initiatives nationales et régionales, y compris à travers l’échange des bonnes pratiques.
Il a, à cet égard, invité les États à adopter cinq mesures prioritaires, notamment revoir leurs doctrine militaire et procédures, s’assurer que leurs législations nationales permettent aux professionnels de la santé de s’acquitter de leur mission de manière impartiale et en toute sécurité conformément au droit international humanitaire, et de leur assurer une formation spécifique en la matière.
Le Directeur général a également évoqué la privation de la liberté, une question d’une importance cruciale, rappelant l’obligation faite aux États de respecter la dignité humaine y compris dans les lieux de détention temporaires, les infrastructures pénitentiaires doivent être planifiées conformément aux Règles Nelson Mandela, a-t-il dit.
Il a poursuivi son exposé en faisant état des personnes disparues dans les conflits armés et dont personne ne peut avancer un chiffre exact. En Iraq, par exemple, ce chiffre varie de 250 000 à un million et le sort de ces personnes et de leurs familles peut durer des années, voir des décennies. Cette année, a-t-il indiqué, le CICR a lancé un projet sur quatre ans visant à élaborer des normes et des pratiques professionnelles pour améliorer la réponse aux personnes portées disparues.
Malgré ce tableau sombre, il serait faux, voir même dangereux de croire que le droit international humanitaire est constamment non respecté et par conséquent inutile, c’est pourquoi, a-t-il conclu, le CICR entreprend un plan d’action pour collecter et promouvoir les exemples de stratégies fondées sur le respect du droit international humanitaire par les parties aux conflits à travers le monde qui a-t-il espéré, renforcera l’impact positif du droit international humanitaire dans les conflits armées.
Mme HANAA EDWAR, de l’organisation non gouvernementale Iraqi Al-Amal Association, a raconté avec force détails les conditions épouvantables dans lesquelles survivent les civils en Iraq, particulièrement dans la région de Mossoul, devenue « un cimetière à ciel ouvert », et rapporté l’existence de nombreux charniers.
« À ce jour, on dénombre 3 000 civils portés disparus dans la vieille ville », a indiqué Mme Edwar, qui a appelé l’Organisation à financer l’identification des corps, la recherche des vivants, et leur retour au sein de leur famille, notamment les yézidis.
Relevant, notamment, le caractère essentiel de la résolution de 2379 (2017) sur les actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide perpétrés par Daech, elle a appelé les Nations Unies à soutenir leur mise en œuvre.
Dans le même temps, elle a rappelé le sort des familles de combattants de Daech, « maltraitées et isolées dans des camps ». Des femmes, « parfois mariées de force », sont aujourd’hui veuves, et leurs enfants sans document officiel d’aucune sorte.
Mme Edwar a terminé sur une note optimiste, en se félicitant de la bonne tenue des récentes élections dans le pays, et de la libération des zones auparavant contrôlées par Daech.
M. JACEK CZAPUTOWICZ, Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a appelé à n’épargner aucun effort pour faire de la prévention des conflits la principale priorité des Nations Unies. Il a estimé qu’en cas de conflit, l’attention doit être portée aux normes les plus élevées de protection des civils, soulignant que cette responsabilité incombe en premier lieu aux parties au conflit, mais aussi à la communauté internationale. Il a appelé à porter une attention particulière aux défis humanitaires, notamment l’impact inhumain des engins explosifs improvisés et les flux illicites d’armes de petit calibre. Il a réclamé la pleine mise en œuvre de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel et de la Convention sur les armes chimiques, entre autres.
Le Ministre a ensuite évoqué la situation en Ukraine, « en proie à une agression militaire continue » et où le nombre de victimes est particulièrement alarmant, avec 2 830 civils tués, 24 234 blessés et 1 492 851 déplacés. De plus, chaque mois plus d’un million de personnes sont contraintes de traverser les lignes de front pour obtenir de l’aide. Il a appelé à mettre en œuvre les bonnes pratiques en matière de respect du droit international humanitaire, citant notamment la commission intergouvernementale sur le droit international humanitaire créée par la Pologne.
M. Czaputowicz a poursuivi en appelant à mettre un terme à l’impunité pour les violations du droit international humanitaire. La Cour pénale internationale (CPI) doit jouer un rôle de chef de file en la matière et le Conseil de sécurité doit lui déferrer plus fréquemment les cas de violations flagrantes des normes juridiques internationales, a-t-il estimé. Il a appuyé le Code de conduite relatif à l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, pour ensuite condamner « l’utilisation de l’insécurité alimentaire et de la faim comme arme de guerre ». Des mesures s’imposent également pour protéger les établissements médicaux, à l’instar de l’initiative « la santé en danger » du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). La Pologne appelle également à la stricte mise en œuvre de la politique de tolérance zéro concernant l’exploitation et les atteintes sexuelles.
M. GALYMZHAN KOISHYBAYEV, Ministre délégué des affaires étrangères du Kazakhstan, a déploré le fait que 75% de l’ensemble des victimes des guerres soient des civils; un constat d’autant plus grave que les hostilités se produisent désormais dans les zones urbaines, avec l’emploi excessif d’armes notamment par les groupes armés non étatiques.
Tout en soutenant les recommandations du Secrétaire général contenues dans son dernier rapport, il a souhaité faire quelques observations à l’adresse du Conseil.
Tout d’abord, il a jugé essentiel de se conformer au droit international humanitaire et de renforcer les responsabilités, appelant également à promouvoir la collecte de données à cet égard. La survie des blessés dépend de l’établissement d’unités médicales opérationnelles et de professionnels de la santé, a-t-il dit, rappelant que son pays avait coparrainé la résolution 2286 (2016) dont l’adoption à l’unanimité reflète, à son avis, l’unité du Conseil quant à l’engagement humanitaire en temps de guerre.
Il a, en outre, rappelé que la protection des civils incombait en premier lieu aux États d’accueil. Il a, enfin, appelé la communauté internationale à concentrer ses actions sur les mesures préventives, y compris s’attaquer aux causes profondes des conflits ainsi qu’à la consolidation de la paix et au développement économique.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a rappelé que le Conseil de sécurité doit assurer la protection des civils car cela fait partie de son mandat. Il a évoqué les images de civils tués par les attaques du régime syrien, notamment dans la Ghouta orientale. Il a également déploré les attaques contre des sites civils en Ukraine, notamment des sites de traitement d’eau et des écoles. Il a aussi regretté le fait que des installations médicales et des travailleurs humanitaires et de la santé soient ciblés au cours de conflits. Au Soudan du Sud, a-t-il noté, plus de 5 000 travailleurs humanitaires ont été tués.
Le représentant a ensuite identifié trois domaines pour améliorer la protection des civils. Premièrement, il faut prendre des mesures pour que la protection des civils soit intégrée dans les politiques nationales. À ce sujet, le Royaume-Uni a récemment signé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, et demande que d’autres États fassent de même. Deuxièmement, il faut établir des mécanismes de suivi des violations des droits de l’homme en cas de conflit. Le Royaume-Uni appuie du reste de telles initiatives, tout en apportant son soutien aux systèmes nationaux de justice pénale, et en plaidant pour que la Cour pénale internationale (CPI) prenne le relai quand les États ne peuvent ou ne veulent prendre leurs responsabilités en matière de protection des civils. Enfin, le représentant a indiqué que les opérations de maintien de la paix de l’ONU ont un rôle important à jouer, notamment à travers leur équipe des droits de l’homme. Il a néanmoins déploré leurs faibles rendements à cet égard, car elles sont affaiblies par la diminution de leur budget par la Cinquième Commission.
Mme MAHLET H. GUADEY (Éthiopie) a appelé à débattre davantage des trois actions supplémentaires recommandées par le Secrétaire général et des cadres directifs nationaux pour la protection des civils qui figurent en annexe de son rapport. Elle a souligné l’importance de renforcer le respect du droit international humanitaire, à la fois par les États, mais aussi les groupes armés non étatiques.
Elle a fait observer que les opérations de maintien de la paix continuent d’être un outil important pour la protection des civils et a insisté sur l’importance de consulter les pays contributeurs de contingents lors de la définition des mandats des missions afin de renforcer leur efficacité en matière de protection des civils.
Il convient également de veiller à ce que les opérations disposent de ressources et d’équipements suffisants afin de leur permettre de s’acquitter de leur mandat et les Casques bleus doivent quant à eux être guidés par les principes du droit international humanitaire et obtenir une formation adéquate en la matière.
Mme Guadey a ensuite fait observer que l’Éthiopie était l’un des plus importants pays d’accueil pour les réfugiés et a appelé à renforcer les valeurs de solidarité et de partage des responsabilités afin de pouvoir faire face à ces défis de manière plus prévisible et efficace.
Mme KELLEY ANNE ECKELS-CURRIE (États-Unis) a dit qu’entendre les personnalités comme Mme Hanaa Edwar, d’une organisation non gouvernementale de l’Iraq, permettait au Conseil de sécurité de se faire une idée réelle de la situation sur le terrain en matière de protection des civils. Elle a appelé la communauté internationale à empêcher les exactions contre les civils, par exemple en veillant à ce que les armes chimiques ne soient plus utilisées. Pour les États-Unis, la communauté internationale ne doit pas se faire d’illusion et agir quand des États échouent à protéger les civils.
Dans le cadre des opérations de maintien de la paix, elle s’est félicitée des mesures prises par le Secrétaire général de l’ONU pour améliorer le principe de responsabilité. Elle a plaidé pour l’établissement de normes de performances et de résultats au sein des missions en ce qui concerne notamment la protection des civils.
Son pays se tient d’ailleurs prêt à faire davantage dans ce domaine en s’appuyant notamment sur les Principes de Kigali. Elle a aussi souhaité que les commandants des opérations de maintien de la paix aient toute latitude d’autoriser les soldats de la paix à user de la force pour protéger les civils, au lieu d’attendre l’autorisation du Siège.
La représentante a invité le Conseil de sécurité à faire preuve de solidarité dans des situations de génocide, de crime de guerre ou d’autres similaires. Le Conseil peut également utiliser des outils à sa disposition tels que les sanctions ciblées, l’embargo sur les armes, les missions d’établissement des faits, afin de veiller à ce que les auteurs de violations soient traduits en justice.
Les États Membres sont aussi invités à établir des outils appropriés pour éviter les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Pour les États-Unis, « il ne suffit pas de se dire outré par les histoires que nous avons entendues ce matin ». De même, « cela ne suffit pas de rédiger de beaux discours, mais il faut que le Conseil de sécurité utilise les outils à sa disposition pour remplir ses obligations en matière de protection des civils ».
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a, outre le rappel du grand nombre de victimes civiles dans les conflits armés, déploré que l’année 2016 à elle seule ait vu 65 millions de personnes déplacées. Il a aussi attiré l’attention sur les personnes les plus vulnérables, à savoir les enfants, qui sont souvent soumis à des violences sexuelles, à la séquestration et au déplacement forcé. Après avoir condamné tous ces actes de violence contre les civils, le représentant a donné des chiffres concernant le Yémen (plus de 22 millions de personnes en attente d’aide en 2018, sur une population de 27 millions); la Palestine (73 morts et 8 154 blessés en 2017) et la Libye (2 824 citoyens ayant perdu la vie ou disparu en mer en 2017).
Face à ce constat, la Bolivie salue les initiatives concrètes comme la résolution 2286 (2016), le « Programme d’action pour l’humanité » ou encore « Les soins de santé en danger ». Mais le représentant a dénoncé le fait que l’impact disproportionné des conflits armés soit imputable au manque d’application du droit international, et notamment du droit international humanitaire, et des principes de la Charte des Nations Unies. Il a prévenu que certains de ces actes peuvent être considérés comme des crimes de guerre ou contre l’humanité, avant d’appeler tous les États à ratifier le Statut de Rome. Il a salué à ce propos la décision de l’Autorité palestinienne de saisir la Cour pénale internationale CPI) pour demander une enquête sur les éventuels crimes de guerre commis par Israël dans les territoires palestiniens occupés.
M. MA ZHAOXU (Chine) a appelé à adopter des mesures pragmatiques et efficaces pour garantir la protection des civils en période de conflit. Il a notamment jugé nécessaire de s’attaquer aux causes fondamentales des conflits, y voyant le moyen le plus efficace de protéger les civils. Le Conseil de sécurité doit faciliter la diplomatie préventive et favoriser la résolution politique des conflits, a-t-il ajouté.
Il a également souligné que les gouvernements des pays concernés et les parties au conflit doivent assumer la responsabilité de protéger les civils, la communauté internationale ne pouvant se substituer aux parties concernées.
Le représentant a ensuite insisté sur l’importance pour les opérations de maintien de la paix, de respecter strictement les paramètres de leur mandat, soulignant par ailleurs que leur action en matière de protection de civils ne peut pas se substituer aux responsabilités des États.
Le délégué a aussi appelé à utiliser pleinement les organisations régionales, comme l’Union africaine, pour aider les pays hôtes à mieux protéger les civils. Il a également engagé l’ONU à renforcer les directives pour le personnel humanitaire et à garantir la mise en œuvre effective des opérations humanitaires.
M. ILAHIRI ALCIDE DJEDJE (Côte d’Ivoire) a souscrit aux recommandations du Secrétaire général pour l’adoption et la mise en œuvre de stratégies nationales visant à renforcer la protection des civils en situation de conflit armé. Pour avoir connu les affres d’un conflit armé postélectoral et ses effets néfastes sur les populations civiles, les autorités ivoiriennes sont conscientes que la protection des civils doit commencer par la formation et la sensibilisation de tous les acteurs concernés. Il a expliqué qu’au lendemain de cette crise, son pays s’était inscrit dans une approche préventive dont l’une des priorités est le renforcement des capacités et la sensibilisation des institutions sécuritaires nationales au respect des normes internationales en matière de protection des civils et d’assistance aux personnes déplacées internes. Il a également procédé à la destruction et à la sécurisation physique des stocks d’armes, avec l’appui des Nations Unies et d’autres partenaires.
Pour le Gouvernement ivoirien, les opérations de maintien de la paix des Nations Unies constituent le meilleur instrument pour assurer efficacement la protection des civils et des personnels humanitaires dans les pays en conflit. Il soutient d’ailleurs sans réserve le projet « Action pour le maintien de la paix » par lequel le Secrétaire général entend mener les réformes indispensables à l’amélioration de ces missions qui peuvent, à son sens, contribuer efficacement à prévenir les atrocités contre les civils, notamment à travers leurs rôles d’observateur des cessez-le-feu, de facilitateurs du dialogue politique et de la réconciliation nationale, ainsi que d’appui à la justice transitionnelle.
M. KAREL J. G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a exhorté le Conseil à relever d’urgence trois défis: mettre fin au cercle vicieux des conflits et de la faim; protéger le personnel médical et leurs installations; améliorer les résultats des opérations de maintien de la paix. Prenant pour exemple le Soudan du Sud, où 5,4 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire à cause du conflit armé, le représentant a rappelé qu’un accès humanitaire rapide était essentiel dans un tel contexte, tout comme l’obligation de rendre des comptes pour les responsables de crimes.
M. van Oosterom a annoncé que les Pays-Bas étaient sur le point d’amender leur loi relative aux crimes internationaux pour qualifier de « crime de guerre » l’acte d’affamer intentionnellement des civils. Les Néerlandais seraient heureux de partager leur nouvelle expertise juridique avec les États Membres, a indiqué le représentant. Enfin, concernant les attaques contre le personnel médical en zone de conflit, il a appelé le Conseil à référer tout problème à la Cour pénale internationale. Il a aussi exhorté l’ONU à mettre en place des mécanismes pour préparer des enquêtes en vue d’éventuelles poursuites pénales, sur le modèle du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie depuis mars 2011.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a condamné fermement les attaques violentes et les menaces contre les civils dans les conflits armés, en rappelant le bilan de milliers de civils décédés dans ces conditions en 2017, sans compter les dégâts aux infrastructures essentielles. D’autres ont été victimes de violence sexuelle et de la faim, utilisées comme armes de guerre, de terrorisme, de torture et de répression. Il a appelé à renforcer les efforts de prévention des conflits et ceux qui permettent d’éviter l’escalade ou leur résurgence, par le biais d’initiatives de développement durable et de consolidation de la paix.
La protection des civils, a affirmé le représentant, relève de la responsabilité première des États Membres, qui doivent être appuyés en ce sens par les opérations de maintien de la paix de l’ONU. Il a appelé les parties aux conflits armés en présence à se conformer à leurs obligations découlant du droit international et du droit international humanitaire. Aux organisations humanitaires, il a demandé de respecter également ce droit ainsi que les lois des États dans lesquels ils opèrent, conformément aux principes d’humanité, de neutralité et d’impartialité. Il a enfin appuyé les recommandations du Secrétaire général quant à la promotion du respect du droit international et des bonnes pratiques entre les parties.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït), a invité les pays soutenant les parties en conflits à prendre des mesures de protection des civils, par exemple en rendant public les contrats de vente d’armes. Le représentant a salué le fait que le Conseil ait pu adopter une résolution pour permettre l’accès humanitaire pendant 30 jours en Syrie, même s’il a déploré que cela n’ait pu se faire. Il a aussi salué les efforts de la coalition internationale qui soutient le Gouvernement du Yémen.
Le représentant a rappelé que sera commémoré, l’an prochain, le vingtième anniversaire de l’inclusion du thème de la protection des civils dans le programme de travail du Conseil de sécurité. Malheureusement, ce débat ne semble pas avoir eu un impact positif sur le sort des populations palestiniennes, a-t-il regretté, dénonçant les violations et exactions israéliennes et appelant à la fin de l’occupation qui est la cause de ce conflit vieux de plus de 50 ans. Il a souhaité que le Conseil adopte le texte présenté par le Koweït sur la protection des Palestiniens. Il a aussi rappelé que le Koweït souffre toujours de la disparition de ses citoyens, plus de 20 ans après un conflit avec l’Iraq. Le Koweït souhaite aussi que les opérations de maintien de la paix accordent la priorité à la protection des civils, et que les cas les plus graves soient renvoyés devant la CPI.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a fait remarquer que le Conseil a renforcé la protection des civils, notamment des femmes et des enfants, dans les mandats des opérations de maintien de la paix, comme c’est le cas en République démocratique du Congo (RDC). À ce sujet, la performance opérationnelle des opérations de maintien de la paix est indispensable, a-t-il rappelé. « Pour bien protéger les civils, il faut savoir se protéger soi-même en étant bien formé, préparé et doté d’équipements adaptés. »
Le Conseil a également innové avec le cadre de conformité aux droits de l’homme de la Force conjointe G5 Sahel. De tels dispositifs qui visent à prévenir les victimes civiles et à identifier les dommages qui leur sont causés pourraient être étendus à d’autres situations, a fait valoir le représentant.
Passant aux progrès à accomplir pour une meilleure protection des civils, M. Delattre a considéré que le Conseil doit rester mobilisé pour que l’ensemble des parties, dans toutes les zones de conflit armé, respectent leurs obligations au titre du droit international humanitaire. Le Conseil pourrait ainsi renforcer son action dans trois domaines.
Tout d’abord, face à la persistance des attaques contre les personnels médicaux, la France a proposé une déclaration politique, le 31 octobre 2017, qui engage les signataires sur des mesures concrètes. Ensuite, la protection des journalistes étant « une priorité » pour la France, M. Delattre s’est félicité de la désignation d’un réseau de points focaux dans les agences des Nations Unies qui doit permettre de rendre effective leur protection dans les situations de conflit armé. Enfin, le Conseil doit prendre en compte la situation des détenus et des disparus, et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) doit pouvoir exercer sa mission de protection à leur égard.
« L’efficacité de la protection des civils repose sur l’exemplarité des acteurs de la protection » et sur la lutte contre l’impunité, a ajouté le représentant. Ainsi les violences sexuelles ne peuvent-elles être tolérées. En outre, le Conseil doit veiller à ce que les attaques commises contre le personnel de l’ONU fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a regretté que, bien souvent, le Conseil de sécurité ne soit pas à la hauteur de ses responsabilités pour protéger le droit international humanitaire. Il a pourtant invoqué une « obligation morale et juridique » d’agir de façon unifiée pour mettre fin aux souffrances de millions de personnes dans des pays comme le Yémen, la Syrie, le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo (RDC), le Myanmar, la Somalie, la République centrafricaine, la Libye ou la Palestine. À cet égard, a-t-il rappelé, 116 États, dont le Pérou et huit membres du Conseil, ont signé le code de conduite promu par le Groupe ACT pour prévenir et mettre fin à des crimes atroces.
De la même façon, a poursuivi M. Meza-Cuadra, le Pérou a adhéré à la responsabilité de protéger (R2P) et forme à ce concept les troupes qu’il déploie dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU. Il a par ailleurs jugé indispensable que le Conseil examine les causes profondes des conflits et le respect des droits de l’homme. Favorable à l’adhésion universelle au Statut de Rome, il a souhaité que le Conseil défère à la Cour pénale internationale (CPI) les situations atroces où il faut garantir l’accès à la justice et la mise en œuvre de la responsabilité.
M. IGOR V. KUZMIN (Fédération de Russie) a dit constater aujourd’hui une « tendance nocive à la politisation des activités humanitaires ». Il s’est dit préoccupé par les morts de civils à cause de cette politisation qui se fait au détriment de leur sort. Il a aussi dénoncé la tendance aux « accusations non vérifiées », accusant certains acteurs de « pousser le bouchon jusqu’à l’utilisation de sources douteuses comme les Casques blancs ». Il a aussi dénoncé des institutions « qui enquêtent à distance » et des médias « sélectionnés à dessein » et « dont les informations diffusées s’appuient sur des sources ultra-secrètes qui doivent être protégées ». Il a déploré que de telles pratiques aient de plus en plus cours au sein même de l’ONU, sapant de ce fait les efforts en faveur de la protection des civils.
Le représentant a ensuite évoqué le conflit en Ukraine, « né du fait que les autorités se soient retournées contre leur propre population », et qui a fait de nombreux morts, dont 138 enfants, et plus de 9 000 blessés. Actuellement, l’intensité des pilonnages de Kiev sur des zones habitées ne cesse de prendre de l’ampleur, a noté M. Kuzmin, dénonçant le silence des Occidentaux devant ces violations des Accords de Minsk. Il a aussi insisté sur le respect des principes de souveraineté nationale et de non-ingérence dans les affaires intérieures.
Récemment, a ironisé M. Kuzmin, « une délégation du Conseil de sécurité a sorti de son chapeau un concept nouveau d’intervention humanitaire ». On nous a donc expliqué, a-t-il dit, que le tir de missiles sur un État avait pour but de protéger la population locale. La Fédération de Russie souligne que toute mesure de protection des civils, notamment par la force, est conditionnée à l’aval de l’ONU et devrait s’inscrire dans le respect de la Charte des Nations Unies. Réagissant aux propos du Ministre polonais au sujet du droit de veto, le délégué de la Fédération de Russie a souligné que le système de veto est « un outil de poids et contre poids » qui sert à pousser les membres permanents à rechercher le consensus. Plus d’une fois, a-t-il fait observer, « l’utilisation du veto a évité à l’ONU d’être associée à des aventures douteuses ».
Pour M. OLOF SKOOG (Suède), le respect du droit international et du droit international humanitaire est un préalable essentiel à tout progrès en termes de protection des civils. Reconnaissant que la prévention des conflits reste la « première ligne de défense », il a expliqué que, lorsqu’elle échoue toutefois, le droit international humanitaire devrait offrir un « filet de sécurité » aux civils pris dans les conflits armés. Notant que les besoins en termes de protection varient souvent entre femmes/filles et hommes/garçons, le représentant a insisté sur le bien-fondé d’une perspective de genre dans ce domaine. Fort de l’expérience de récentes visites de sa délégation au Mali, en Iraq, en Afghanistan et au Soudan du Sud, il a demandé qu’une telle perspective soit systématiquement intégrée dans toutes les opérations de missions de maintien de la paix ainsi que dans les résolutions du Conseil de sécurité, et que dorénavant toute collecte de données soit ventilée par âge et par sexe.
Le représentant a souligné trois domaines qui « sont au cœur de la protection des civils », à commencer par le respect des engagements décrits dans la résolution 2286 (2016) sur la protection des établissements de santé en situation de conflit armé, rappelant, qu’en Syrie, 112 de ces établissements et leurs employés avaient été attaqués. « La communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent agir pour protéger les soins médicaux en situation de conflit », a martelé M. Skoog avant de mentionner une nouvelle initiative du Gouvernement suédois, développée en collaboration avec le CICR et la Croix-Rouge suédoise, et qui va dans ce sens. Ensuite, il a mis l’accent sur le recours aux meilleures pratiques par le personnel des missions onusiennes dotées d’un mandat de protection des civils, puis salué la nouvelle politique de reddition de comptes dans ce domaine qui s’adresse aux hauts cadres des missions et qui a récemment fait l’objet d’un accord. Enfin, s’agissant de l’application des pactes mondiaux sur les réfugiés et les migrants, la Suède insiste sur l’importance du respect du droit international, du droit international humanitaire et du droit des réfugiés.
M. SERGIY KYSLYTSYA, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a regretté que près de deux décennies après l’adoption de la résolution 1265 (1999), de nouveaux conflits dévastateurs continuent de voir le jour. Il a relevé que l’absence de mesures capables d’être mises en œuvre entrave les progrès de la communauté internationale en matière de protection des civils. Il a notamment jugé urgent d’améliorer la collecte de preuves et les enquêtes sur les violations, ainsi que de combattre l’impunité. Tant que certains États Membres, « y compris un membre permanent bien connu », n’auront que faire de la mise en œuvre des décisions de la CIJ, le Conseil de sécurité se verra condamné à tourner en rond en ce qui concerne la protection des civils, a-t-il argué. Il a souligné qu’en l’absence d’un organe juridique supranational, il incombe à chacun de ne tolérer aucun crime d’agression, ni aucune violation du système juridique international.
Le Vice-Ministre a ensuite affirmé que l’Ukraine compte fournir la meilleure protection possible aux civils, alors que « l’agression de la Russie » entre dans sa cinquième année. Il a indiqué que 4,4 millions de personnes vivent dans les zones affectées du Donbass, dont 3,4 millions ont besoin d’aide humanitaire. L’Ukraine a multiplié par six les allocations budgétaires destinées aux 1,5 million de déplacés, tandis que les fardeaux bureaucratiques ont été allégés et que des services d’appui psychologiques ont été mise en place. Les autorités ukrainiennes se mobilisent également pour assurer le fonctionnement continu des infrastructures essentielles dans la région du Donbass. Le Vice-Ministre a toutefois dénoncé que le 17 avril, cinq membres du personnel de la station de filtration d’eau de Donetsk, située dans la « zone grise », aient été blessés après que leur véhicule a essuyé des tirs provenant de forces appuyées par la Russie. La station n’a pu fonctionner pendant cinq jours, ajoutant ainsi aux souffrances de la population locale, a-t-il déploré.
Le Vice-Ministre a aussi parlé de la création, par l’Ukraine, de la Commission interagences pour l’application et la mise en œuvre du droit international humanitaire et de la constitution, par les forces armées ukrainiennes, d’une équipe chargée de réduire le nombre de victimes civiles. Le Cabinet des Ministres travaille actuellement à la rédaction d’une politique pour la protection des civils. De leur côté, les démineurs ukrainiens ont retiré plus de 150 000 restes d’engins explosifs, dont plus de 1 000 engins explosifs improvisés « délibérément posés par les forces appuyées par la Russie ».
M. GUILLERMO RAIMONOI (Argentine) a rappelé les obligations qui découlent des quatre Conventions de Genève de 1949 et de ses protocoles additionnels de 1977, des Conventions de La Haye de 1899 et 1907, des droits de l’homme et des réfugiés, ainsi que du droit international coutumier. Il a jugé nécessaire de renforcer les activités de protection des civils dans les mandats des missions des Nations Unies, en dotant celles-ci des moyens nécessaires pour une mise en œuvre efficace.
Les opérations de maintien de la paix elles-mêmes doivent respecter le droit international humanitaire, a-t-il ajouté. En ce qui concerne l’aide humanitaire, le représentant a appelé les parties à un conflit à faire tout leur possible pour garantir l’accès des personnels comme des matériels et fournitures.
Le représentant s’est inquiété que, comme le mentionne le rapport du Secrétaire général, certaines mesures de lutte contre le terrorisme affectent les activités humanitaires. Il a aussi déploré que, deux ans après l’adoption de la résolution 2286 (2016), il faille redire que le personnel médical et les hôpitaux ne peuvent être l’objet d’attaques et qu’il faille condamner les nombreux cas survenus.
L’Argentine, a-t-il dit, réaffirme le rôle préventif des mécanismes de responsabilité, avec des mécanismes d’enquêtes impartiaux sur les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Elle juge prioritaire de continuer à discuter de la création de nouveaux mécanismes pour renforcer l’application du droit international humanitaire.
M. MIKHEIL JANELIDZE, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Géorgie, a déclaré que la violation, par la Russie, du droit international représente un obstacle important au règlement du conflit entre ce pays et la Géorgie. Il a notamment pointé le non-respect de l’Accord de cessez-le-feu de 2008, et le fait que la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) se voit nié l’accès aux territoires « sous occupation militaire illégale » de la Russie. Il a averti que des meurtres de civils continuent de se produire, une femme ayant notamment été tuée l’an dernier par un « soi-disant » garde-frontière dans la région abkhaze, tandis qu’un homme a trouvé la mort alors qu’il était en détention dans la région de Tskhinvali. Il a regretté que malgré les réunions régulières du Mécanisme conjoint de prévention des incidents et d’intervention, la réponse aux principaux incidents n’ait pas toujours été adéquate.
Le Ministre a ensuite insisté sur l’urgence d’assurer l’accès humanitaire, signalant que les autorités géorgiennes se voient empêchées de fournir une protection aux populations qui se trouvent dans les régions occupées de la Géorgie, lesquelles voient leurs droits fondamentaux violés, à commencer par leur liberté de mouvement. Les observateurs internationaux ne peuvent pas non plus pénétrer dans les régions occupées pour rendre compte de la situation humanitaire sur le terrain, s’est-il inquiété. Il a aussi appelé à trouver une solution durable à la situation des personnes déplacées. Alors que 10% de la population de la Géorgie a été « exilée », le pays fait de son mieux pour améliorer le sort des déplacés, mais il importe de respecter leur droit au retour et de régler les questions liées à la propriété, a-t-il indiqué. Il a aussi dit la nécessité d’établir un dispositif international de sécurité sur le terrain.
M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a constaté que ce n’est pas l’absence de normes, mais l’incapacité à les respecter qui est la cause de la situation « lamentable » que connaît la protection des civils. Il a relevé que la question de la protection des civils s’est intensifiée depuis les années 90 lorsque les conflits armés ont commencé à devenir des situations non plus interétatiques, mais intraétatiques avec de surcroît l’implication d’acteurs non étatiques et de réseaux terroristes.
La question de la protection des civils est donc particulièrement complexe en raison de la nature différente des conflits, des possibles contradictions dans les principes agréés du maintien de la paix, et de la limite des mandats et des ressources très insuffisantes dont disposent les missions.
M. Akbaruddin a souligné que la responsabilité de protéger les civils incombe en premier lieu aux gouvernements nationaux, et a déploré le peu d’efforts déployés pour renforcer les capacités sociétales de protection. La protection des civils se fait en déterminant la façon dont les civils peuvent être protégés par d’autres parties, que ce soit les parties au conflit, les Casques bleus ou les organisations humanitaires, a-t-il constaté. Pour l’Inde, le renforcement des mécanismes nationaux et sociétaux est donc essentiel et les acteurs externes ne peuvent que les compléter et non pas s’y substituer.
Le représentant a ensuite appelé à clairement définir les mandats des missions de maintien de la paix eu égard à la protection des civils. La complexité des théâtres dans lesquels opèrent les missions ne doit pas servir d’excuse pour accepter l’impact dévastateur des conflits sur les civils, a-t-il estimé.
M. ELBIO OSCAR ROSSELLI FRIERI (Uruguay) a déploré que les attaques et bombardements contre les hôpitaux ont augmenté malgré l’adoption de la résolution 2286 (2016). Pour la mettre en œuvre, le représentant croit en la mise en place d’enquêtes indépendantes, impartiales et exhaustives. Il a qualifié les mécanismes pour identifier les responsables de violations d’importants pour progresser, citant en exemple le mécanisme d’enquête conjoint créé par le Conseil pour identifier l’emploi d’armes chimiques en Syrie.
Appelant le Conseil à enquêter en employant les synergies existantes, l’Uruguay a appelé à mettre fin à la culture d’impunité des auteurs de crimes de guerre. L’Uruguay s’est aussi félicité à être le premier pays à transposer le Statut de Rome dans sa propre loi nationale. Il a enfin appelé le Conseil à renvoyer certains cas devant la Cour pénale internationale (CPI) si la situation l’exigeait.
M. ALEX GIACOMELLI DA SILVA (Brésil) a estimé que la responsabilité collective ne doit pas uniquement se traduire en action sécuritaire collective. Les civils doivent être davantage protégés, car des innocents souffrent de plus en plus. Pour ce faire, il faut que la protection des civils puisse faire partie d’un grand nombre des mandats des opérations de maintien de la paix, notamment à travers les questions liées à la problématique de genre, la démobilisation et la réintégration.
Pour une paix pérenne, il faut intégrer les objectifs de consolidation d’une paix durable. Il est, par ailleurs, crucial que toutes les parties facilitent un accès sans entrave au personnel humanitaire. Il a réitéré en conclusion le rôle central qui incombe à la Cour pénale internationale (CPI).
« Loin sont les jours où l’impact des conflits armés étaient limités à des dommages collatéraux », a déploré Mme MALEEHA LODHI (Pakistan). Aujourd’hui, les attaques ciblées, la violence sexuelle, l’enrôlement forcé, les tueries sans discriminations sont devenus le lot quotidien des conflits armés des temps modernes, a-t-elle poursuivi. Bien plus, les civils qui sont censés être les premiers protégés sont devenus la principale cible! Face à ce tableau sombre, elle a appelé à faire de la protection des civils la responsabilité de tous et de l’État hôte en premier lieu et ce, sans discrimination.
Pour le Pakistan, la violation des droits des civils n’est « ni inévitable ni insurmontable ». Cela peut être atténué par l’emploi d’un éventail de mesures juridiques et autres, sur les plans national et international, pour promouvoir la conformité avec le droit international humanitaire et déterminer les responsabilités. Mme Lodhi a dénoncé l’absence de volonté politique du respect du droit humanitaire qui est, à son avis, le premier obstacle devant la protection des civils dans les conflits armés. Elle a, en conclusion, suggéré que les efforts collectifs soient orientés sur la recherche des causes des conflits, car dans le cas contraire « nous serions concentrés uniquement sur le traitement des symptômes et non sur leurs origines ».
M. OSCAR OCTAVIO GONZÁLEZ PARRA (Colombie) a rappelé aux États Membres que « nous devions assumer nos responsabilités » et s’engager davantage à faire respecter la résolution 2286 (2016). Il a insisté sur le fait que « le respect et la protection » des missions médicales était nécessaire. Dans le cas du règlement du long conflit avec les Forces Armées révolutionnaires colombiennes (FARC), « nous continuons à avancer », s’est-il réjoui.
Il a fait part de résultats très positifs en matière de protection des civils, avec un taux d’enlèvement et d’homicide le plus bas depuis 40 ans. Il a enfin rappelé que la consolidation de l’état de droit était absolument nécessaire pour avancer dans ce domaine, et a rappelé que le meilleur des socles pour progresser était un pays en paix.
M. TORE HATTREM (Norvège) a salué l’initiative « les soins de santé en danger » du CICR, y voyant un excellent exemple de l’action communautaire sur le terrain couplée à la coopération avec les États et les organisations internationales. Il a appelé les États non seulement à mettre en œuvre les recommandations issues de cette initiative, mais aussi à appuyer les efforts déployés par l’OMS pour établir un système de surveillance unifié pour disséminer des données de qualité sur les attaques perpétrées contre les centres de santé. Il a aussi exhorté les États à mettre en œuvre la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.
Le représentant a ensuite souligné que le dialogue avec les parties à un conflit est essentiel pour améliorer la protection des civils. Il a appelé les États en mesure d’avoir une influence sur le terrain à prêcher par l’exemple en la matière. Il a aussi vu dans l’acte d’engagement auprès de l’Appel de Genève pour la protection des enfants contre les effets des conflits armés, un bon exemple d’une mesure pratique élaborée sur la base de l’expérience du terrain. Il a, par ailleurs, dit l’importance de mettre en œuvre la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel et de la Convention sur les armes à sous-munitions. Les actions de déminage et de destruction des stocks d’armes sont une contribution « très concrète et efficace » à la protection des civils après un conflit, a–t-il expliqué. Il a par ailleurs appuyé l’appel du Secrétaire général à éviter d’utiliser des engins explosifs dans les zones peuplées et à élaborer des directives pour leur usage de manière à épargner les civils.
Reprenant à son compte les propos du responsable du CICR, M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a reconnu qu’il existe un fossé profond entre les paroles et les actes que nous devons combler. Nul besoin de rappeler les situations effroyables des populations civiles et leurs souffrances, relayées par les photos prises en Syrie, en Afghanistan, au Myanmar et ailleurs. C’est pourquoi il a appelé à joindre le geste à la parole et à agir dans les trois domaines: prévention, protection et responsabilité. On ne peut tolérer l’impunité, a-t-il martelé, soulignant que si son pays est élu au Conseil de sécurité, « nous donnerons davantage de poids à la protection des conflits ».
Le sort des Rohingya est riche d’enseignement à cet égard, a estimé le représentant, car c’est un drame qui aurait pu être évité « si nous avions attiré l’attention de la Communauté internationale plus tôt ». Leur sort n’aurait pas été aussi catastrophique. Tout en soulignant le rôle essentiel des opérations de maintien de la paix dans la protection des civils, comme c’est le cas en République centrafricaine (RCA) ou République démocratique du Congo (RDC), il a regretté la réduction de leur budget. Il a, en conclusion, appelé à une plus étroite collaboration entre Genève et New York qui parfois donnent « l’air d’appartenir à des planètes différentes ». Quand il s’agit de protection de civils, il faut laisser de côté les divergences politiques! a-t-il lancé.
Pour M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie), la meilleure façon de protéger les civils est d’empêcher la flambée de violences, l’escalade et la récurrence des conflits armés. Il faut aussi s’attaquer en priorité aux causes profondes des conflits. « Nous disposons des outils adéquats pour relever ces défis posés à la paix et à la sécurité internationales », a-t-il assuré, c’est pourquoi il faut agir en conséquence et traduire sur le terrain nos engagements. Soulignant que les organisations terroristes ne se sentent liées par aucun cadre juridique international, il a appelé à identifier les voies pour améliorer et coordonner notre lutte commune contre ce phénomène, sous toutes ses formes et manifestations. Il faudrait, par exemple, éviter de signer des documents avec des groupes armés non étatiques qui pourraient être tentés de les utiliser pour légitimer leurs actes.
La première responsabilité de protéger incombe aux États, a rappelé le représentant. Cependant, a-t-il ajouté, il appartient également à la communauté internationale de protéger les civils dans le cas où les États ont failli. « Nous devons intensifier notre assistance humanitaire pour répondre aux besoins des populations dans les situations d’urgence. » En Syrie, a-t-il souligné, l’on a été témoin de l’une des crises diplomatiques les plus dramatiques. La Turquie, a-t-il indiqué, continuera d’apporter son assistance, en coopération avec les Nations Unies, pour l’aide humanitaire transfrontalière qui est indispensable à la survie de centaines de milliers de personnes affectées. Il a regretté que les réponses du Conseil de sécurité à des crises comme celles de la Syrie et de la Palestine soient loin des attentes; bien plus, a-t-il conclu, cela reflète une totale ignorance des valeurs du système des Nations Unies.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a estimé qu’il est de la responsabilité collective d’inverser l’érosion « progressive et dramatique » du respect des règles les plus élémentaires de la guerre. L’absence de mise en œuvre de la résolution 2286 (2016) devrait d’ailleurs servir d’appel à l’action du Conseil de sécurité, « car l’érosion de l’état de droit international nous concerne tous », a-t-il ajouté. Il a vu dans la prévention des atrocités de masse le meilleur moyen de protéger les civils et s’est dit encouragé du fait que 116 États aient adhéré au code de conduite du Groupe ACT.
Le représentant a ensuite salué la récente visite du Conseil de sécurité au Myanmar et au Bangladesh, mais a toutefois déploré que celle-ci n’ait pas insufflé un sentiment d’urgence à l’action du Conseil.
Il a appelé le Conseil à user de sa compétence pour référer la situation des Rohingya à la Cour pénale internationale (CPI). Le Conseil de sécurité a jusqu’à présent démontré un penchant malheureux à chercher à distinguer la dimension judiciaire de la crise humanitaire, alors qu’elles sont indissociables, a-t-il déploré. Cette situation, a-t-il souligné, illustre à quel point le Conseil doit répondre aux atrocités de masse afin de faire son travail efficacement.
Pour Mme KATALIN BOGYAY (Hongrie), le meilleur moyen de protéger les civils est de prévenir les conflits armés. Pour cela, les Nations Unies doivent utiliser tous les moyens en leur possession pour promouvoir le principe de l’alerte précoce et une médiation politique afin d’inverser l’escalade des hostilités. La Hongrie, a-t-elle poursuivi, accorde une attention particulière au principe de la responsabilité de protéger (R2P) qui est un élément essentiel de la prévention. « Nous devons accorder une attention particulière aux alertes précoces sur d’éventuelles atrocités, notamment celles liées aux violations graves des droits de l’homme dans certaines zones. »
C’est pourquoi la Hongrie soutient fermement le mécanisme de prévention du Conseil des droits de l’homme. En tant que membre de cet organe (2017-2019), une de ses priorités est d’agir pour prévenir les atrocités. De même, la représentante a jugé essentiel le principe de responsabilité. La Hongrie soutient également la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que le Mécanisme international impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves commises en Syrie et d’aider à juger les responsables.
M. JORGE MORAGAS SANCHEZ (Espagne) a noté le bien-fondé de la résolution 2286 de mai 2016, « son rôle, sa profondeur », sans pour autant être satisfait de sa mise en œuvre. Si « de plus en plus d’États Membres haussent la voix quand survient une attaque et exigent une enquête prompte, impartiale et exhaustive », le représentant s’est demandé « comment nous pourrions créer la volonté politique nécessaire pour que les deux parties d’un conflit puissent changer de comportement », et « comment augmenter le coût politique pour les auteurs d’attaques ». En ce sens, l’Espagne s’est dite prête à explorer, avec les quatre cosignataires de la résolution 2286, les options pour augmenter son pouvoir effectif: « nous croyons que l’Assemblée générale pourrait jouer un rôle à ce sujet », a-t-il indiqué.
M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) est revenu sur la répression et « le massacre » des civils palestiniens non armés à Gaza, pour dénoncer l’impunité d’Israël, une impunité, a-t-il insisté, offerte au Conseil du sécurité, par les États-Unis, les même États-Unis qui ont par la suite essayé de bloquer la création d’une commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme.
Le représentant a aussi dénoncé l’agression saoudienne qui dure depuis plus de trois ans dans un Yémen déjà appauvri. Cette agression et cette « guerre humaine », a-t-il dit, se poursuivent sous les yeux du Conseil de sécurité, avec le plein appui militaire et logistique des États-Unis qui assurent aussi la formation des troupes saoudiennes.
Les régimes israélien et saoudien, a poursuivi le représentant, continuent à attaquer les civils alors que le rôle des États-Unis, en tant que membre du Conseil de sécurité, est « d’attaquer la vérité », en leur garantissant appui et impunité. « Nous vivons dans un monde de frustrations croissantes où personne ne gagne les guerres. La communauté internationale doit de toute urgence mettre fin aux conflits au nom des millions de civils qui souffrent dans le monde », a conclu le représentant.
M. JORGE SKINNER KLEÉ-ARENALES (Guatemala) a déploré qu’en dépit de toutes les initiatives de la communauté internationale, l’on dénombrait beaucoup de victimes innocentes et des violations des Conventions de Genève. Il a noté que les résolutions 1265 (1999) et 2286 (2016) étaient encore difficiles à mettre en œuvre, et que combattre l’impunité des auteurs était un exercice compliqué.
Concernant les opérations de maintien de la paix, M. Skinner Klee-Arenales a observé que le Conseil de sécurité devait confier des mandats réalistes et les doter de ressources suffisantes. Il a également déploré qu’un consensus sur la définition de l’expression « protection des civils » n’ait pas été trouvé au sein des Nations Unies.
Le Guatemala a mis l’accent sur la prévention dans le rapport du Secrétaire général, mais a néanmoins noté que le Conseil continuerait d’être critiqué s’il ne gagnait pas en efficacité.
M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a appelé tous les États Membres à renouveler leur engagement en faveur du droit international humanitaire et à tout faire pour traduire en justice les auteurs de violations. De ce point de vue, universaliser la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) reviendrait à franchir une première étape importante, a-t-il estimé.
La réforme du secteur sécuritaire est également un facteur clef de la protection des civils, a ajouté le représentant, soulignant que les lacunes dans ce secteur engendraient bien souvent des abus et violations des droits de l’homme à l’encontre des populations civiles.
Enfin, M. Mlynár a insisté sur le besoin de protéger l’aide humanitaire. Il a mentionné notamment les derniers chiffres publiés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), selon lesquels 322 attaques ont été perpétrées contre le secteur de la santé en période de conflit armé l’an dernier, la majorité d’entre elles de manière intentionnelle. Pour se prémunir contre ces agissements, le représentant a appelé à mettre en œuvre pleinement la résolution 2286 (2016) du Conseil.
Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a d’abord souligné que la responsabilité première en matière de droit international humanitaire incombait aux États, mais a aussi rappelé que les groupes armés non étatiques devaient, eux aussi, être sensibilisés à cette notion de droit. À cet égard, elle a mis en avant les résultats de l’association « Geneva Call ». Déplorant que la protection des civils ne soit pas assurée dans toutes les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, la représentante a souligné l’importance cruciale de la formation des contingents pour prévenir de futures atrocités, et s’est félicitée que la Belgique investisse dans la première formation en protection des civils dispensée en français, qui aura lieu dans quelques semaines à Entebbe, en Ouganda.
Concernant les efforts de médiation, la représentante a déploré que les acteurs de médiation politique et les négociateurs humanitaires fonctionnent parfois « en vase clos », et a appelé à « une réflexion stratégique » pour fluidifier ce processus. Enfin, en matière de lutte contre l’impunité, la Belgique a invité le Conseil à renforcer « son soutien aux procédures judiciaires nationales et aux mécanismes hybrides », et invité tous les États Membres à ratifier la version la plus récente du Statut de Rome, pour augmenter la pression sur les auteurs de crimes de guerre.
« Pas besoin de lire les rapports officiels pour constater que le monde fait face à une crise en termes de protection des civils en situation de conflit et d’instabilité », a regretté Mme JOANNA ADAMSON, de l’Union européenne. Quatre domaines inquiètent plus spécifiquement l’Union européenne: le respect du droit international; la prévention de la violence à caractère sexiste; la lutte contre les restrictions à l’accès humanitaire; la protection du personnel de santé et humanitaire. « C’est notre responsabilité collective de veiller au respect du droit international, y compris du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et de tenir pour responsables ceux qui y contreviennent », a souligné la représentante en ajoutant que les victimes civiles d’atrocités « ont besoin de pouvoir satisfaire leur sens de justice ».
Traduire les responsables de ces crimes en justice est une « obligation morale », a –t-elle poursuivi, rappelant qu’au sein de l’Union européenne, il y avait eu un nombre croissant de poursuites judiciaires, dans le cadre de législations nationales, contre ceux qui avaient enfreint le droit international humanitaire. Parallèlement, l’Union européenne soutient sans réserve la justice internationale, y compris le travail de la Cour pénale internationale (CPI). Elle encourage d’ailleurs tous les États Membres à en faire de même et les appelle à « réduire les clivages entre ce qui se dit au Conseil de sécurité et la pratique quotidienne ».
Mme Adamson a ensuite abordé la question des violences à caractère sexiste qui sont toujours utilisées comme tactique de guerre, de terrorisme, de torture et de répression. Face à cette tendance alarmante, l’Union européenne souhaite voir une perspective de genre incorporée systématiquement dans les efforts de protection, y compris dans les actions humanitaires. Après avoir mis l’accent sur le lien crucial qui existe entre protection des civils et accès humanitaire, un lien qui a été tristement absent au cours de l’année 2017, la représentante a condamné dans les termes les plus fermes le recours aux tactiques qui visent à assiéger et affamer des populations civiles. « La politique n’a pas de rôle à jouer dans la fourniture de l’assistance vitale », s’est-elle indignée. Persuadée que les opérations de maintien de la paix peuvent jouer un rôle primordial, la représentante a proposé de trouver une « meilleure définition de stratégies politiques possibles pour assurer la protection des civils » sur le terrain.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a souhaité que la protection des civils, notamment les femmes, les enfants et les personnes handicapées, soit au cœur des activités du système des Nations Unies. « Il faut que le lien entre le principe de responsabilité et la prévention des conflits soit établi. » Il a ainsi proposé que les cas les plus graves de violations du droit international humanitaire et des résolutions du Conseil de sécurité fassent l’objet d’enquêtes et que les auteurs soient traduits en justice, y compris, en cas de besoin, à la Cour pénale internationale (CPI). De même, des mécanismes d’alerte et d’action précoces sont cruciaux pour éviter des atrocités et des conflits. Le délégué a plaidé pour la mise en œuvre complète de la résolution 2286 (2016) du Conseil de sécurité. Enfin, il a invité les opérations de maintien de la paix à pleinement assumer leur mandat de protection des civils, conformément aux Principes de Kigali.
M. SVEN JURGENSON (Estonie) a souligné que son pays soutient pleinement le programme de réformes mené par le Secrétaire général ainsi que le concept de paix durable qui place la prévention et la paix durable au cœur de l’action des Nations Unies. Il a jugé essentielle la formation des Casques bleus ainsi que d’autres personnels des Nations Unies en prévision de leur déploiement. Pour sa part, a-t-il dit, l’Estonie a ratifié les principaux instruments du droit international humanitaire relatif à la protection des civils et introduit les ajustements nécessaires pour leur mise en œuvre. Toutes les mesures ont été prises pour que le personnel militaire ne contrevienne pas au droit international humanitaire lorsqu’il accomplit sa mission. Il a, en conclusion, insisté sur le principe de responsabilité, soulignant le rôle clef de la Cour pénale internationale (CPI) à cet égard, dans les cas où les enquêtes ou poursuites au niveau national n’ont pas été rendues possibles.
M. MILENKO SKOKNIC (Chili) a mis l’accent sur le lien qui existe entre les questions liées aux femmes, à la paix et à la sécurité, et à la protection des enfants dans les conflits armés, qui font partie des priorités du Chili en termes de politique étrangère. Se faisant l’écho du Secrétaire général, il a affirmé que la meilleure façon d’éviter les guerres, les déplacements de personnes et les abus contre des groupes vulnérables reste de s’attaquer aux causes profondes des conflits, de promouvoir les droits de l’homme et l’état de droit, de renforcer la bonne gouvernance et les institutions publiques et d’investir dans le développement durable inclusif. Il faut aujourd’hui passer de la « réaction à la prévention », a poursuivi le représentant avant d’annoncer que le Chili avait déposé, il y a deux jours, ses instruments de ratification du Traité sur le commerce des armes.
M. Skoknic s’est également aligné sur les priorités avancées par le Secrétaire général dans son dernier rapport sur la nécessité de renforcer le respect du droit international humanitaire, de promouvoir les meilleures pratiques entre parties aux conflits et de protéger le personnel médical et humanitaire. Le Chili est d’avis qu’il faut privilégier la protection des civils dans les missions onusiennes et éviter les déplacements forcés de personnes, tout en recherchant des solutions durables à la situation des réfugiés et des personnes déplacées.
Au nom du Groupe des Amis pour la protection des civils en période de conflit armé, M. JURG LAUBER (Suisse) a estimé que le respect du droit international humanitaire, tel que défini dans les Conventions de Genève, était la pierre angulaire de la protection des civils. Face aux violations généralisées de ces Conventions, le représentant a appelé le Conseil de sécurité et les États Membres à prendre leurs responsabilités, y compris en appuyant le processus intergouvernemental lancé à Genève dans le but de renforcer le respect du droit international humanitaire. L’une des clefs pour y parvenir, a estimé M. Lauber, sera de garantir l’application du principe de responsabilité pour toute violation du droit international humanitaire. Selon lui, lorsque les systèmes juridiques nationaux « n’ont pas la capacité ou la volonté d’agir », les mécanismes d’enquête internationaux, telle la Cour pénale internationale (CPI), doivent prendre le relai.
En outre, le représentant a souligné que la mise en œuvre de la résolution 2286 (2016) du Conseil sur la protection du secteur de la santé en période de conflit armé devait être une priorité. Il s’est ainsi félicité de la formation récente, à Genève, d’un groupe informel d’États pour promouvoir la mise en œuvre de cette résolution. M. Lauber a enfin appelé à accorder davantage d’attention à la protection des civils dans le cadre des activités de lutte contre le terrorisme.
M. ABDALLAH Y. AL-MOUALLIMI (Arabie saoudite) a regretté que les principes et règles qui devraient sous-tendre le droit international soient régulièrement foulés au pied. « C’est malheureusement la sombre réalité. » La protection et l’intégrité des civils garanties par le droit international sont violées sans que leurs auteurs ne craignent des poursuites. Récemment, le monde a assisté à un nouveau carnage où des dizaines de martyrs palestiniens ont été tués et des milliers d’autres blessés. Le monde assiste à un carnage en Syrie. Tous les moyens sont utilisés pour commettre un génocide au Myanmar. Au Yémen, a accusé le représentant, le « gang des Houthistes appuyé par l’Iran se livre à des actes de torture et d’humiliation. Des enfants sont utilisés comme boucliers humains, a-t-il ajouté.
Le moment est venu pour que les auteurs de ces actes hostiles rendent compte, a lancé M. Al-Mouallimi. C’est pourquoi l’Arabie saoudite approuve la mise en place d’une commission d’enquête en Palestine et un mécanisme en Syrie et appuie les efforts entrepris pour que les Rohingya rentrent chez eux. Il a saisi cette occasion pour rappeler qu’au Yémen, la coalition a lancé une grande opération pour sauver les populations de certaines forces obscurantistes qui ont pour visée de les asservir. « Dans nos opérations, nous faisons preuve de retenue », a-t-il assuré, et ce, malgré certains incidents occasionnels non intentionnels. Il a tenu à souligner que ceux-ci ont d’ailleurs fait l’objet d’enquêtes et que, dans bien des cas, leurs auteurs ont répondu de leurs actes et les victimes et leurs familles ont été indemnisées.
Au nom du Réseau de la Sécurité humaine, M. MELITÓN ALEJANDRO ARROCHA RUÍZ (Panama) a estimé que l’approche traditionnelle de la sécurité doit être complétée par « une approche holistique centrée sur la personne ». Cela veut dire, s’est-il expliqué, travailler à la protection civile pendant un conflit mais aussi à la prévention. Après avoir salué le dernier rapport du Secrétaire général, il a encouragé le Conseil de sécurité à exploiter toutes les informations collectées par les différents organes des Nations Unies pour assurer une meilleure mise en œuvre des normes et obligations liées à la protection des civils. Le principe de responsabilité face aux violations du droit international humanitaire est un élément clef de la protection des civils, a-t-il insisté. À cet égard, la communauté internationale doit faire davantage pour renforcer les capacités nationales. Face aux violations du droit international dans les situations de conflit, le silence, la tolérance ou l’impunité ne sauraient être une option. C’est le message qui doit sortir de ce Conseil et qui doit résonner partout dans le monde, a conclu le représentant.
Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a remarqué qu’il n’a jamais été aussi périlleux d’être un civil au milieu d’un conflit armé qu’aujourd’hui et jugé horrifiant le niveau actuel des souffrances qui sont pourtant évitables. Comme l’a répété le pape François, il est tout à fait « inacceptable que tant de personnes non armées, y compris de nombreux enfants, paient le prix du conflit ». Le nonce a mis l’accent sur le sort des personnes vulnérables, y compris les femmes et les enfants, avant d’appeler à condamner et à ne pas laisser impunie la vague d’attaques récentes contre des installations médicales dans des situations de conflit par des acteurs étatiques et non étatiques, y voyant non seulement une violation flagrante du droit international, mais aussi « une trahison de l’humanité elle-même ».
Mgr Auza a invité à traduire en action tangible la résolution historique et politique 2286 (2016). Les parties à un conflit armé doivent affirmer sans équivoque la nécessité de protéger les soins de santé, a-t-il dit, en demandant aussi des poursuites pénales pour les auteurs de telles attaques. Il s’est alarmé de l’augmentation des attaques contre les travailleurs humanitaires et a dénoncé la politisation et la militarisation de l’aide humanitaire.
M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus) a condamné « l’inaction » des membres du Conseil de sécurité, qu’il a qualifié d’« arène de confrontation géopolitique », où les États servent leurs intérêts, selon lui, au lieu de tenter de régler les conflits dans le monde. Il a pris pour exemple la situation à Gaza, à Douma en Syrie, et dans le sud-est de l’Ukraine « où l’impunité règne depuis quatre ans », a-t-il regretté. Préoccupé par la vulnérabilité de la situation des traducteurs et interprètes dans les zones à risques, le représentant a estimé nécessaire d’élaborer un nouvel instrument international qui confirmerait le statut particulier de ces personnes et assurerait leur protection. Enfin, il a appuyé les efforts pour trouver une solution pacifique au conflit en Ukraine, et s’est dit favorable à la mise en place éventuelle d’une force de maintien de la paix de l’ONU dans la région.
La protection des civils peut être garantie grâce à la prévention des conflits et de leur escalade et en exigeant que les responsables soient poursuivis, a souligné Mme VALENTINE RUGWABIZA (Rwanda). Le débat d’aujourd’hui montre l’importance cruciale de protéger les civils qui représentent une proportion importante des victimes: « ce ne sont pas des dégâts collatéraux mais bien des victimes de guerre! », s’est-elle exclamée. Le Rwanda insiste sur le fait que toutes les opérations de maintien de la paix des Nations Unies donnent la priorité à la protection des civils. La représentante a souligné à cet égard que les Principes de Kigali sont un ensemble de pratiques exemplaires pour la protection des civils dans le cadre des mandats des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Elle a rappelé en conclusion que ces principes reflètent les enseignements tirés des tragiques évènements survenus au Rwanda.
Pour protéger les civils, nous devons nous concentrer sur la prévention, a estimé M. HAM SANGWOOK (République de Corée). Il a donc appelé le Secrétaire général à user des pouvoirs que lui confère l’article 99 de la Charte des Nations Unies pour saisir le Conseil de sécurité des menaces ou des attaques contre les civils. Il reviendra alors au Conseil d’y répondre « dans l’unité », a souligné le représentant. Il a aussi insisté sur l’établissement des responsabilités pour chaque crime contre les civils. L’impunité doit être « inacceptable » dans tous les recoins de la planète, a-t-il dit, en voyant un excellent exemple dans le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie. Enfin, le représentant a voulu que l’on exploite au mieux les missions de maintien de la paix pour parvenir à une protection efficace des civils sur le terrain. Pour améliorer leur efficacité, les missions doivent être équipées des technologies modernes comme les drones ou les systèmes de géolocalisation, a-t-il estimé.
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) s’est réjoui que Forces armées iraquiennes aient enregistré de grands succès dans la libération de territoires contrôlées par Daech « en se conformant au droit humanitaire ». Il a aussi loué l’appui de la communauté internationale dans la création de couloirs humanitaires pour les civils dans des régions contrôlées par Daech, ainsi que la création de camps de déplacés dans lesquels des services de base et une aide alimentaire ont été fournis. Le Gouvernement iraquien a mobilisé tous les ministères pour acheminer l’aide humanitaire et médicale ainsi que de l’eau potable dans les régions. Des projets de « réhabilitation psychologique » sont aussi menés pour réinsérer les habitants, y compris les enfants mobilisés par Daech, et réconcilier la nation.
L’Iraq s’est engagé à coopérer avec les Nations Unies pour mettre en œuvre la résolution 2379 (2017) afin d’apporter l’aide nécessaire aux victimes et punir les responsables de Daech, a poursuivi M. Bahr Aluloom. « Meurtres, enlèvements, traite d’êtres humains ne doivent pas rester impunis », a-t-il insisté, avant d’annoncer la création d’un comité central de compensation des victimes touchées par certaines opérations militaires et par des attentats terroristes, ainsi qu’un centre de coordination. Enfin, les forces de sécurité iraquiennes travaillent à remettre sur pied des sites civils confisqués par Daech. « La victoire militaire s’est doublée d’une victoire civile » avec les élections du 12 mai, a-t-il conclu.
Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela), a rappelé que lors de la dernière Conférence de son Mouvement au mois d’avril dernier, les ministres ont souligné que la protection des civils relève de la responsabilité première du pays hôte, tout en reconnaissant que c’est une tâche qui est prévue dans de nombreux mandats des opérations de maintien de la paix. Le Mouvement des pays non alignés appelle toutes les parties au conflit à honorer leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. Il appelle aussi les agences humanitaires à respecter ce droit et les lois des pays dans lesquels ils opèrent, sans oublier les principes consacrés par l’Assemblée générale pour l’aide humanitaire, à savoir l’humanité, la neutralité et l’impartialité.
Le représentant a aussi rappelé les principes de non-ingérence dans les affaires intérieures des États, de souveraineté, d’intégrité territoriale, d’unité nationale et d’indépendance des États. Il a tenu à souligner que 88% des Casques bleus viennent des États membres de son Mouvement. La bonne exécution des mandats, y compris celui de protéger les civils, dépend d’une coordination efficace entre les pays contributeurs de troupes, le Conseil de sécurité et le Secrétariat de l’ONU, a-t-il soulignant, en ajoutant qu’en l’occurrence, la sûreté et la sécurité des soldats de la paix ne sauraient être surestimées. Le représentant a conclu en insistant sur la lutte contre l’impunité et la tolérance zéro pour tout acte de violence, toute attaque ou toute menace contre les civils.
M. ION JINGA (Roumanie) a mis en avant trois points: garder la prévention des conflits au cœur de la coopération internationale, assurer le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme et développer des cadres législatifs nationaux pour protéger les civils. Remarquant l’urbanisation grandissante des conflits et leur caractère de plus en plus asymétrique, il a appelé l’Organisation à adapter sa réponse.
Rappelant la contribution des Roumains dans les opérations de maintien de la paix depuis 1991, M. Jinga a mis l’accent sur les progrès en matière de diversité dans les rangs des soldats de la paix, en remarquant l’impact positif des femmes soldats dans leurs interactions avec les femmes en situation de vulnérabilité sur le terrain.
M. JAN KICKERT (Autriche) a affirmé que partout où éclatent des conflits, le respect total du droit international humanitaire est primordial, a indiqué M. Kickert. Le représentant a aussi appelé tous les États Membres à participer à l’élaboration d’une déclaration politique pour faire face aux effets humanitaires de l’utilisation des armes explosives dans les zones densément peuplées.
Ainsi que le Secrétaire général le souligne dans son rapport, utilisés dans des zones habitées, les engins explosifs ont fait 92% de victimes civiles. L’Autriche, a dit son représentant, partage l’appel du Secrétaire général à améliorer et étendre les suivis, les signalements et les réparations des dommages causés aux civils. L’Autriche organisera demain deux événements sur ces deux sujets, a annoncé le représentant.
M. Kickert a souligné que le vingtième anniversaire des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, cette année, donne l’occasion de renforcer notre travail vers des solutions durables conformément à ces Principes. L’élaboration d’un plan d’action pour faire avancer la prévention, la protection et les solutions pour les personnes déplacées pour la période 2018-2019 est une excellente étape à cet égard.
Mme ALYA AHMED S. AL-THANI (Qatar) s’est exprimée au nom du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, qui représente 50 États et l’Union européenne. Coprésidé par l’Italie et le Qatar, le Groupe appelle au plein respect du droit international dans le cadre de la protection des civils. Il souligne l’importance pour les États de mettre en place des législations pour faire face aux violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et pour veiller à l’application du principe de responsabilité aux auteurs de telles violations. La communauté internationale devrait également enquêter en cas de graves violations et déférer leurs auteurs devant les juridictions nationales ou les tribunaux internationaux quand le besoin s’en fait sentir, y compris devant la Cour pénale internationale (CPI).
Mme Al-Thani a déploré la généralisation d’attaques contre les infrastructures civiles, notamment médicales et scolaires. Elle a également indiqué que la protection des civils doit tenir compte du genre, tout en plaidant pour la protection des journalistes qui jouent un important rôle de sensibilisation sur la réalité des conflits. Elle a enfin estimé que la meilleure manière de protéger les civils est d’investir dans la prévention des conflits et la résolution pacifique des différends.
Mme MARTHA A. A. POBEE (Ghana) a condamné les privations alimentaires infligées aux civils comme arme de guerre, ainsi que l’usage de populations comme boucliers humains, avant de rappeler la responsabilité première des États dans les enquêtes et la poursuite de criminels de guerre à l’intérieur de leurs frontières. Elle a appelé les États Membres à intégrer le droit international dans leurs lois nationales pour combattre les violations et placer les auteurs de crimes de guerre devant leurs responsabilités. Mme Pobee a aussi exhorté les États Membres à développer la capacité d’action de leurs systèmes judiciaires, afin qu’ils poursuivent les auteurs présumés de crimes de guerre dans des tribunaux nationaux, dans le but d’alléger la charge de la Cour pénale internationale (CPI).
« L’an dernier, les Nations Unies ont enregistré 26 000 morts civils suite à des attaques délibérées ou autres dans seulement six pays », a déploré M. MICHEAL TIERNEY (Irlande), précisant dans la foulée qu’aujourd’hui plus de 50 millions de personnes sont touchées par des conflits urbains. Suite à ce constat, il a exigé que « tous les États engagés dans des conflits se conforment au droit international humanitaire et plus précisément aux principes de distinction, de discrimination et de proportionnalité ». Particulièrement inquiet par le recours aux armes explosives dans des zones urbaines, il a expliqué que ces armes touchent à la fois et indistinctement des cibles militaires et civiles et ont un impact humanitaire lourd à long terme puisque, au-delà des victimes immédiates, ces armes détruisent les infrastructures, les écoles, les hôpitaux, les centrales d’épurations et les logements.
Le délégué a appelé à un engagement politique renouvelé pour la protection des civils, ce qui passe par un respect plus strict du droit international humanitaire et une meilleure opérationnalisation de ses dispositions dans la doctrine et les pratiques militaires. La protection et l’accès à l’aide humanitaire doivent être garantis à ceux frappés par une crise, y compris aux femmes, enfants, personnes handicapées et aux plus vulnérables, a-t-il poursuivi, avant de saluer les appels renouvelés à exiger que les responsables des violations graves du droit international soient poursuivis en justice. Reconnaissant que le maintien de la paix reste un outil essentiel dans la protection des civils, l’Irlande a réitéré son soutien aux Principes de Kigali. En tant que contributeur de troupes important, l’Irlande souhaite ardemment que l’on fournisse aux opérations de paix les moyens nécessaires pour accomplir leurs mandats, notamment en termes de protection des civils. Dans cette optique, l’Irlande a mis à disposition de ses partenaires onusiens une série de formations qui s’adressent au leadership de ces opérations.
M. TIJJANI MUHAMMAD-BANDE (Nigéria) a fait observer que les femmes et les filles sont les plus durement touchées par les situations de conflit, en particulier quand elles font face à la violence et à l’esclavage sexuel. Selon lui, les réseaux d’alerte communautaires jouent un rôle essentiel dans la protection des civils, et les opérations de maintien de la paix doivent pouvoir répondre aux menaces qu’ils perçoivent.
Environ 14,8 millions de personnes sont affectées par l’insurrection de Boko Haram au Nigéria, a souligné M. Muhammad-Bande. Le Gouvernement a pris des mesures décisives pour améliorer le sort des civils, à commencer par les femmes et les filles vivant en zone rurale, en adoptant un plan de protection sociale et en lançant le deuxième plan de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000). Le Nigéria a adhéré à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui vient d’ailleurs renforcer une initiative nationale établie sur ce même thème en 2014. Le Gouvernement met également en œuvre le « Plan de Buhari » qui concerne l’octroi de l’aide humanitaire et la stabilisation socio-économique du nord-est du pays. Le Nigéria, a poursuivi le représentant, collabore par ailleurs avec ses voisins dans le cadre de la Force multinationale mixte pour vaincre Boko Haram. Il s’est félicité de la libération de plus de 1 000 femmes et enfants qui avaient été kidnappés. Le délégué a ensuite parlé de l’initiative « Opération corridor sûr » qui vise à combattre la radicalisation et à assurer la réintégration des anciens membres de Boko Haram. Nombre d’entre eux se sont rendus et 700 autres sont prêts à en faire de même.
Cela fait des décennies, a rappelé M. RIYAD H. MANSOUR, État de Palestine, que le peuple palestinien demande à la communauté internationale une protection conformément au droit international, en particulier l’application du droit humanitaire international. Cela fait des décennies que ce peuple souffre d’une « crise de protection », causée par l’occupation et l’impunité dont jouit Israël. Une puissance occupante, a plaidé l’observateur, ne peut invoquer son droit à la sécurité au détriment du droit à la sécurité, à la protection et au bien-être du peuple occupé, et à son droit à l’autodétermination. Aucun droit à la sécurité ne saurait justifier l’occupation permanente, l’acquisition illégale de territoires, la colonisation, le blocus imposé depuis 11 ans à deux millions de personnes et le recours illégal à la force contre des manifestants pacifiques, a-t-il plaidé.
Le droit international trace une ligne claire entre l’action légale et les crimes de guerre et contre l’humanité. Il ne saurait y avoir une norme pour le monde entier et une autre pour Israël. L’impunité, a insisté l’Observateur, est la plus grande menace pour les civils et le principe de responsabilité, leur meilleur bouclier. L’observateur a conclu en annonçant que le Koweït, membre du Conseil de sécurité, a entamé des consultations sur un projet de résolution relatif à la protection des civils palestiniens. Il a appelé le Conseil à saisir cette occasion pour prouver que les principes consacrés dans ses propres résolutions sur la protection des civils, y compris la protection des enfants, ne souffrent d’aucune exception. Il a insisté pour que le Conseil prouve sa détermination à agir avec constance pour défendre ces principes face à de graves violations.
La responsabilité première de la protection des civils revient à l’État, a rappelé M. VITAVAS SRIVIHOK (Thaïlande). Il a toutefois ajouté que toutes les parties au conflit avaient pour obligation de respecter le droit international, le droit international humanitaire et les droits de l’homme. Il a également insisté sur le fait que le personnel de maintien de la paix devait bien comprendre son mandat de protection, ses priorités et ses responsabilités. En tant que pays contributeur de troupes, la Thaïlande dispense une formation continue à son personnel de maintien de la paix, a assuré son représentant. Il a également plaidé en faveur de plus de partenariats et d’une approche intégrée entre composantes militaires, civiles et de police pour la protection des civils, ces trois composantes devant également coordonner leurs actions avec les autorités nationales et les organismes humanitaires pertinents sur le terrain.
Selon M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh), la crise récente des Rohingya a démontré combien les autorités du Myanmar avaient abdiqué leur responsabilité de protéger les civils du pays. Face à cette situation, le représentant a appelé à créer des « zones sécuritaires » de protection des civils dans l’État Rakhine, sous l’égide des Nations Unies et de partenaires régionaux. En l’absence de telles zones, le retour des Rohingya réfugiés au Bangladesh dans leur pays d’origine demeure fortement incertain, a-t-il affirmé, à plus forte raison que les autorités du Myanmar n’ont à ce jour pris aucune mesure concrète pour enquêter sur les crimes commis à l’encontre de la minorité rohingya.
Pour améliorer la protection des civils dans les situations de conflit en général, M. Momen a appelé l’ONU à mettre davantage l’accent sur l’analyse stratégique et l’évaluation des menaces contre les civils, notamment via des mécanismes d’alerte précoce. Les parties à des conflits ne doivent pas entraver l’acheminement de l’aide humanitaire, a-t-il ajouté, appelant également les États à ne pas vendre des armes à d’autres entités nationales si ces dernières les utilisent pour commettre des crimes contre des civils.
Étant donné que la protection des civils relève de la responsabilité première de chaque État Membre, a dit M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie), le renforcement des capacités institutionnelles et l’appui des Nations Unies et des autres partenaires est crucial. Il a aussi estimé que le Conseil de sécurité devrait trouver des moyens novateurs pour obtenir des acteurs étatiques qu’ils respectent les normes internationales en matière de protection des civils. Il faut aussi, a-t-il poursuivi, améliorer le système d’évaluation médicale des soldats de la paix et du personnel humanitaire. Par ailleurs, a reconnu le représentant, les femmes savent mieux que d’autres ce dont les communautés ont besoin pour réaliser et consolider la paix. Il a réclamé une action à l’échelle du système des Nations Unies pour promouvoir les femmes comme force indispensable de la consolidation de la paix, de la protection des civils et d’une paix durable.
Mme MILICA PEJANOVIĆ-DJURIŠIĆ (Monténégro) a affirmé que pour protéger les civils, l’ONU doit faire mieux en matière de prévention et de résolution des conflits. Pour elle, aucun pays n’a le droit de s’opposer à la résolution 2286 (2016) qui promeut l’accès des civils aux soins médicaux. Le Conseil de sécurité doit veiller à lutter contre l’impunité en cas de grave violation du droit international humanitaire, y compris par des renvois devant la Cour pénale internationale (CPI). Estimant en outre que le droit de veto ne devrait pas être utilisé quand la protection des civils est en cause, le Monténégro soutient l’initiative de la France et du Mexique sur les restrictions de l’usage de ce droit en cas d’atrocités de masse, et il adhère au code de conduite du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence. Par ailleurs les soldats de la paix originaires du Monténégro sont formés à la protection des civils et adhèrent aux Principes de Kigali, a expliqué la représentante.
M. JĀNIS MAŽEIKS (Lettonie) a noté l’incidence des guerres urbaines, qui sont de plus en plus fréquentes, sur les populations et infrastructures civiles. Le recours aux armes explosives, ou, pire encore, aux armes chimiques dans des zones fortement peuplées, les déplacements forcés de personnes, les violences sexuelles, le fait d’affamer des populations civiles et d’assiéger des villes, ou encore de refuser l’accès à l’aide humanitaire, sont devenus des tactiques de guerre qui font la une des journaux au point « de ne plus sembler scandaleuses », a-t-il déploré.
La Lettonie est aussi préoccupée par les attaques récurrentes de convois humanitaires et du personnel et des installations médicales dans les zones de conflit armé, mais au-delà par le sentiment croissant de « fatigue » face au mépris des principes humanitaires de nos jours. Pour son représentant, on ne doit plus tolérer l’impunité face à ces crimes. Il a d’ailleurs rappelé que toutes les parties aux conflits, étatiques ou non, ont pour obligation de respecter le droit international, le droit humanitaire et les droits de l’homme. S’agissant du rôle du Conseil de sécurité, M. Mažeiks a regretté qu’il ne soit pas possible de lever les obstacles à la protection des civils dans différentes zones de conflit, y compris en Syrie, en République démocratique du Congo (RDC) et en Ukraine, et demandé aux membres permanents de renoncer à exercer leur droit de veto face aux atrocités de masse. Lorsqu’il n’y a pas d’action nationale, les mécanismes du droit international doivent prendre le relai pour rendre justice aux victimes, a-t-il exigé.
Face à l’inaction du Conseil de sécurité dans certaines zones de conflit, qui a eu « un coût humain important », Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé ses membres à faire preuve d’unité. Abordant la situation dans sa propre région, où la Syrie entre dans sa huitième année de conflit, elle a regretté que pendant trop longtemps le peuple syrien n’ait pu avoir accès à l’aide humanitaire. Outre un accès sans entrave à l’assistance humanitaire, les Émirats arabes unis demandent que les responsables des attaques à l’arme chimique contre des civils soient poursuivis en justice. S’agissant de Gaza, la représentante a estimé que les actions d’Israël ne pouvaient être tolérées par la communauté internationale et ne devaient pas devenir la nouvelle norme. En demandant le respect du principe de responsabilité dans ces deux cas, les Émirats arabes unis ne le font pas uniquement dans un souci de justice mais aussi pour éviter que telles situations ne se répètent à l’avenir, a expliqué leur représentant. Elle a préconisé la mise en place de mécanismes de collectes de données indisputables, de sorte que la communauté internationale puisse réagir de manière informée et responsable aux développements sur le terrain.
En tant que membre de la coalition soutenant la légitimité au Yémen, son pays prend à cœur ses responsabilités en termes de droit international humanitaire et de protection des civils, a assuré la représentante. Il veut poursuivre sa coopération avec les Nations Unies dans ce conflit dont « les Houthistes sont responsables avec leurs soutiens iraniens ». « La décision de l’Iran d’armer des acteurs non étatiques avec des armes, y compris des missiles balistiques, a poussé toute la région vers un précipice », a-t-elle averti.
Ceux qui commettent des exactions à l’encontre des populations qu’ils sont censés protéger doivent être condamnés, a déclaré Mme KOKI MULI GRIGNON (Kenya). En tant que représentant d’un pays fournisseur de contingents, la représentante a renouvelé l’engagement du Kenya à mettre pleinement en œuvre la résolution 2272 (2016) du Conseil de sécurité, qui vise à contraindre les pays à sanctionner ceux qui, au sein de leurs propres troupes, commettent des crimes d’exploitation et d’atteintes sexuelles contre des civils dans le cadre de missions onusiennes.
S’agissant, plus généralement, des opérations de maintien de la paix, la représentante a appelé à harmoniser davantage les mandats de protection des civils et à mieux coordonner les efforts des composantes militaires, civiles et de police en la matière. Il faut également s’assurer, a-t-elle dit, que les opérations disposent des ressources nécessaires pour mettre en œuvre ces mandats. La représentante a ainsi jugé nécessaire de définir une « doctrine commune » sur la protection des civils, afin notamment de garantir la qualité des formations du personnel déployé et des équipements dont ils disposent sur le terrain. Une telle doctrine passerait également par l’établissement d’objectifs « crédibles et réalistes » de protection des civils et la mise en place de dispositifs d’alerte précoce.
M. MOUNZER (République arabe syrienne) a indiqué que sa délégation va transmettre des observations écrites au Secrétariat en réaction au rapport du Secrétaire général. Selon lui, la protection des civils doit tenir compte des principes de la Charte des Nations Unies, dont le respect de la souveraineté des pays. La Syrie va continuer de coopérer avec ses alliés en vue de protéger ses citoyens face aux terroristes en provenance de plus de 100 pays qui ont envahi son territoire. Il a déploré le fait que des groupes armés agissent « sous le couvert d’organisations humanitaires », notamment les Casques blancs. Il a aussi dénoncé la politisation du concept de protection des civils dans son pays, tout en ironisant sur les rapports transmis par sa délégation au Secrétariat sur la question et qui « se perdent en chemin ».
Selon le représentant, les victimes civiles palestiniennes témoignent aussi de l’échec du Conseil de sécurité de les protéger des exactions israéliennes. Il a rappelé l’objectif des pères fondateurs des Nations Unies résolus à préserver le monde du fléau de la guerre. Il a, par ailleurs, accusé l’Arabie saoudite d’avoir été le siège de levées de fonds destinés à déstabiliser la Syrie.
M. KHALED HUSSEIN MOHAMED ALYEMANY (Yémen) a indiqué que son pays avait connu l’un des transferts de pouvoir les plus pacifiques depuis le Printemps arabe, le mouvement de changement yéménite ayant servi de modèle pour bâtir un Yémen nouveau, uni et démocratique et en finir avec le régime centralisé, la dictature et l’exclusion. Cependant, les milices houthistes appuyées par l’Iran ont mis fin au processus de transition politique pacifique et détruit le Yémen pour mettre en place l’agenda expansionniste de l’Iran, a-t-il dénoncé. Il a indiqué que le Gouvernement yéménite n’avait ménagé aucun effort pour accepter les initiatives paix proposées par l’ONU et pour appuyer la mise en œuvre de la résolution 2216 (2015). Il a aussi indiqué que la capitale du pays est actuellement « prise en otage », et que pour sauvegarder la vie de ses habitants, les autorités n’avaient pas lancé d’attaques contre elle. Les combats dans la ville de Taëz ont en revanche fait des milliers de victimes, tombées aux mains des milices qui ont endoctriné les enfants et délibérément ciblé les femmes. Il a appelé la communauté internationale à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civiles yéménites, notamment les enfants endoctrinés et les personnes disparues.
Le délégué s’est ensuite étonné que l’Iran ait osé parler de la situation humanitaire déplorable au Yémen, « alors qu’il en est la cause ». Il a appelé le Conseil à exercer une influence sur les « putschistes houthistes armés par l’Iran », notamment en les empêchant d’utiliser les civils comme boucliers humains et les écoles et hôpitaux comme bases militaires.
M. WOUTER HOFMEYR ZAAYMAN (Afrique du Sud) s’est dit particulièrement préoccupé par l’échec du Conseil à prendre une décision sur Gaza où une population civile a été aveuglément visée par une force militaire. C’est le Conseil des droits de l’homme qui a dû prendre le relais et lancer une enquête, a rappelé le représentant, en appuyant pleinement cette enquête indépendante. Depuis 1999, a-t-il poursuivi, la protection des civils est devenue un élément central des opérations de maintien de la paix sans pour autant que les politiques et les pratiques n’évoluent au rythme souhaité. L’Afrique du Sud n’a cessé le dire: pour exécuter leur mandat de protection des civils, les opérations de l’ONU doivent être dotées des ressources et des capacités nécessaires. Le représentant s’est aussi dit alarmé par les attaques contre le personnel médical et les hôpitaux. Ces « actes d’agression », a-t-il martelé, sont un acte de guerre dont les responsables doivent rendre compte.
M. TOSHIYA HOSHINO (Japon), dont le pays avait rédigé la résolution 2286 (2016), s’est réjoui du progrès qu’elle a apporté en matière de droit international, tout en déplorant les limites de sa mise en œuvre. Il a notamment déploré l’évolution de la nature des conflits vers des zones plus densément peuplées, affaiblissant la protection des civils.
Évoquant le cas syrien, le représentant a regretté le blocage de convois et les attaques fréquentes contre les médecins. « Si nous reconnaissons les possibles différences de points de vue entre les membres du Conseil du sécurité et les États Membres dans leur ensemble, il demeure que c’est au Conseil qu’incombe la responsabilité de protéger les civils, et donc de délivrer un message clair aux acteurs des conflits pour qu’ils respectent le droit international humanitaire, même en cas de guerre contre le terrorisme », a-t-il insisté.
Le représentant a enfin salué le dernier rapport du Secrétaire général et ses idées pour mieux mettre en œuvre la résolution 2286 (2016). Dans ce cadre, il a confirmé la nécessité urgente que la résolution soit aussi respectée par des groupes armés non étatiques.
Mme SIMA SAMI I. BAHOUS (Jordanie) a dénoncé les « violences inhumaines » d’Israël envers les civils palestiniens, envers les infrastructures civiles de Palestine et ses écoles. Elle a aussi contesté un usage excessif de la force par Israël contre les civils non armés qui manifestaient pacifiquement, et qui ont entraîné la mort de 61 Palestiniens dont 8 enfants. « La paix ne saurait être édifiée dans un bain de sang, elle n’est possible que si l’on reconnait le droit des peuples à vivre dans la dignité », a-t-elle plaidé, avant de souhaiter qu’un État indépendant de Palestine voie le jour avec Jérusalem-Est comme capitale. La représentante a appelé la communauté internationale à protéger le peuple palestinien et plaidé pour l’ouverture d’une enquête indépendante des violences commises à Gaza. « Celles-ci doivent cesser », a-t-elle insisté. Enfin, elle a évoqué l’accueil des réfugiés syriens, qui sont actuellement 1,3 million en Jordanie, comme une preuve tangible de l’engagement de son pays en faveur de la protection des populations civiles en période de conflit armé.
M. ANDREJ DOGAN (Croatie) a fait observer que, si pendant la Première Guerre mondiale le nombre de décès parmi les contingents militaires était 10 fois plus élevé que parmi les civils, cette tendance est désormais inversée depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans certains cas, s’est-il alarmé, les civils peuvent même représenter 90% des victimes. Il a appelé les parties aux conflits, y compris les groupes non étatiques, à respecter pleinement les normes juridiques internationales en matière de protection des civils. Les auteurs d’atrocités ne doivent bénéficier d’aucune impunité et aucun État ne saurait être « amnistié » de la responsabilité qui lui revient d’enquêter et de traduire les auteurs de tels actes en justice.
Le représentant s’est aussi inquiété des entraves portées à la livraison de l’aide humanitaire et a appelé les États à veiller à ce que les organisations humanitaires impartiales ne rencontrent aucun obstacle pendant leurs missions. Il a également appelé à veiller à la situation des réfugiés et des personnes déplacés, que ce soit en Syrie, en Iraq, ou qu’il s’agisse des Rohingya du Myanmar. De son côté, la Croatie est en train de déterminer le sort des 1 945 citoyens croates et 150 ressortissants des pays voisins qui demeurent portés disparus depuis la « guerre de la patrie » des années 90. M. Dogan a par ailleurs indiqué que la Croatie est prête à organiser des formations prédéploiement à l’intention du personnel des missions de maintien de la paix.
Mme FATIMA KYARI MOHAMMED, déléguée de l’Union africaine, a rappelé que la création de l’Union africaine, en 2002, a été marquée par l’abandon de la doctrine de « non-ingérence » au profit de celle de « non-indifférence » à la souffrance humaine. En conséquence, ses opérations d’appui à la paix se sont de plus en plus attachées à la protection des civils. Depuis 2003, presque toutes les opérations autorisées par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ont complètement ou partiellement dû relever les défis de la protection des civils.
La représentante a mis en exergue l’expérience de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) qui reste l’une des meilleures illustrations de l’engagement croissant de l’Union à protéger les civils dans les conflits armés. En un peu plus d’une décennie, l’AMISOM a engrangé des victoires sécuritaires et politiques « indéniables » tout en protégeant les Somaliens contre la menace terroriste. La protection des civils est d’ailleurs devenue la « préoccupation centrale » du Conseil de paix et de sécurité et de la Commission de l’Union africaine. L’Union a collaboré étroitement avec le Département des opérations de maintien de la paix et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires pour veiller à la conformité de sa politique avec l’approche de l’ONU, comme en atteste le Cadre UA-ONU du 19 avril 2017 sur le partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité.
M. SABRI BOUKADOUM (Algérie) s’est dit sidéré par la situation à Gaza, et par le sort de la population palestinienne en général. « Les civils dans le monde sont devenus la principale cible des conflits, réfugiés, déplacés ou même esclaves ou victimes de pénuries alimentaires », a-t-il ensuite élargi. Il a salué le renforcement de certains mandats, tout en jugeant les efforts de la communauté internationale insuffisants. « La protection des civils est une obligation, pas une option », a-t-il insisté, en rappelant les principes universels sur lesquelles l’ONU s’est construite. Les entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire et les attaques contre le personnel humanitaire doivent elles aussi cesser, selon lui. Le représentant a enfin regretté « l’absence d’une stratégie cohérente » pour protéger les civils en période de conflit armé, et dénoncé l’impunité dont profitent des criminels de guerre potentiels.
Au moment où la violence et les conflits pèsent sur la sécurité internationale, Mme LOUISE BLAIS (Canada) a présenté les efforts de son pays pour construire un monde plus sûr et plus pacifique. Indigné par les attaques menées contre le personnel et les installations médicales ainsi que le personnel humanitaire, elle a exhorté le Conseil de sécurité à condamner clairement toute attaque directe et indiscriminée contre des civils et a exigé que les différentes parties aux conflits armés se soumettent à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des résolutions du Conseil. L’obligation de rendre des comptes est une autre priorité pour le Canada, qui est activement engagé, aux côtés d’autres partenaires internationaux, pour faire la lumière sur ce qui s’est passé au Myanmar, où il soutient également la mission d’établissement des faits de l’ONU. Il finance par ailleurs des efforts de collecte, d’analyse et de documentation de données qui viendraient appuyer de futures poursuites judiciaires contre Daech et d’autres parties ayant commis des crimes de guerre et des violations du droit international, a encore précisé son représentant.
Renforcer la protection des civils à travers le maintien de la paix est une autre approche soutenue par le Canada qui souhaite toutefois une modernisation des opérations de l’ONU pour pouvoir mieux répondre à la nature changeante des conflits. Parmi les approches innovantes proposées par le Canada dans ce domaine, Mme Blais a cité les Principes de Vancouver, auxquels ont souscrit 62 États Membres en novembre dernier et qui vise à lutter contre le recrutement d’enfants, ainsi que « l’Initiative d’Elsie » pour les femmes dans les opérations de maintien de la paix. Enfin, et pour tenir compte des besoins spécifiques des femmes et des fillettes dans les conflits, la représentante a plaidé pour des réponses qui tiennent compte du genre, une approche reflétée dans le deuxième plan national du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité.
L’adoption à l’unanimité de la résolution 2286 (2016) en réponse à l’escalade dramatique des attaques contre les locaux de santé et le personnel médical en Syrie, au Yémen et ailleurs, a illustré notre engagement collectif du respect du droit international humanitaire, a souligné M. FINIAN CHESCHIRE (Nouvelle-Zélande). Il y a vu la démonstration que les États Membres pouvaient alors travailler ensemble pour traiter des questions importantes. Malheureusement, a-t-il déploré, les infrastructures de santé ainsi que le personnel continuent d’être une cible dans les zones de conflit à travers le monde. Malgré les efforts d’organisations comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et Médecins sans frontières, un grand nombre de civils ne peut avoir accès aux soins de santé. Il a jugé « totalement inacceptable » un tel irrespect du droit international humanitaire. Il a, à cet égard, identifié trois axes où la détermination du Conseil est requise pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité doit faire usage de tous les outils à sa disposition pour prévenir les conflits et défendre les normes internationales et lutter contre l’impunité. Il a invité le Conseil à explorer d’autres voies pour asseoir son autorité afin de mettre un terme aux attaques contre les personnels de santé et leurs locaux. Il a appelé, en conclusion, à une approche intégrée en matière de maintien et de consolidation de la paix dans le cadre de l’architecture onusienne, afin de permettre à l’ONU de mieux protéger les intérêts des civils.
Si l’on est incapable de garantir le respect du droit international, a déclaré M. GEORGI VELIKOV PANAYOTOV (Bulgarie), les auteurs de crimes doivent au moins être traduits en justice. Et si les États impliqués refusent ou ne sont pas en mesure de juger les coupables, a-t-il ajouté, nous devons faire appel à la Cour pénale internationale (CPI). Outre le principe de responsabilité, le représentant a insisté sur l’importance de la prévention et de la médiation en matière de protection des civils. En tant que représentant d’un pays fournisseur de personnel de police, M. Panayotov s’est dit en faveur de l’élargissement des mandats de protection des civils dans le cadre des opérations de maintien de la paix et a appuyé, en ce sens, la réforme du pilier paix et sécurité de l’Organisation lancée par le Secrétaire général.
Mme FARZANA ZAHIR (Maldives) a attiré l’attention sur la faculté de la société civile à sensibiliser les belligérants à la protection des civils, en particulier, le personnel humanitaire. Les débats que nous tenons, a poursuivi la représentante, sont importants pour mettre en lumière la gravité de la situation mais c’est toute une autre affaire d’obtenir du Conseil de sécurité une action immédiate, comme l’exige pourtant la Charte. La représentante a en effet jugé « inacceptable » que le Conseil n’ait rien fait quand des civils pacifiques ont été « attaqués et tués » la semaine dernière en Palestine. « Si les Membres des Nations Unies commencent à ignorer les résolutions du Conseil et de l’Assemblée générale, c’est la légitimité et la crédibilité mêmes de l’ONU qu’ils mettent en jeu. »
Les Maldives, qui ont présenté leur candidature à un siège non permanent du Conseil pour la période 2019-2020, s’engagent à travailler avec tous les membres du Conseil, les pays contributeurs de troupes et les organisations de la société civile à une meilleure sensibilisation au respect du droit international humanitaire, a assuré M. Mohamed. La primauté de ce droit doit être un élément central de la formation des Casques bleus et même du format d’une opération de maintien de la paix. Les Maldives plaident depuis longtemps pour un cadre analytique qui permettrait au Conseil d’envisager les changements nécessaires aux mandats des missions de maintien de la paix. Un tel cadre commencerait, dès les premières étapes, par une plus grande coordination et une meilleure cohérence opérationnelle entre les opérations de maintien de la paix et les équipes de pays des Nations Unies.
M. OMAR KADIRI (Maroc) a réitéré que la protection des civils incombait aux États, tout en remarquant que, dans certains cas, des États étaient trop affaiblis pour faire face à cette responsabilité, ce qui nécessite alors l’intervention de la communauté internationale. Il a noté qu’un financement adéquat des opérations de maintien de la paix était nécessaire à leur réussite, et qu’il fallait éviter toute instrumentalisation de l’aide humanitaire à des fins politiques. Soulignant l’importance cruciale de la protection du personnel médical, des blessés et des malades en période de conflit, il a plébiscité une approche préventive pour les prévenir, conformément aux recommandations du Secrétaire général.
Près de 90% des victimes des conflits en cours sont des civils, a déploré M. NGUYEN PHUONG NGA (Viet Nam). Partant de ce « triste » constat, le représentant a rappelé qu’il incombait en priorité à chaque État de protéger sa population. Il a également rappelé aux parties à des conflits leur obligation de protéger les civils en vertu des principes du droit international humanitaire. Les Nations Unies, en coordination avec les organisations régionales, doivent selon lui jouer un rôle plus moteur dans l’instauration d’une culture de respect du droit international humanitaire. Dans ce cadre, le Conseil de sécurité, a-t-il estimé, devrait prendre des mesures concrètes pour protéger les infrastructures civiles indispensables à la santé et à la survie des populations victimes de conflits.
M. HAU DO SUAN (Myanmar) a reconnu qu’il revient aux États d’assurer la protection de leurs citoyens, tout en faisant observer que les États en situation de conflit armé manquent souvent des capacités et des institutions nécessaires pour honorer leurs obligations. Il a appelé les États à renforcer leurs institutions juridiques et à créer un environnement sûr pour leurs citoyens. Le représentant a ensuite insisté sur l’importance du règlement pacifique des différends, des négociations et de la médiation, faisant observer que le meilleur moyen de protéger les civils est de répondre aux causes sous-jacentes des conflits. Il faut aussi garder à l’esprit les liens entre la paix, le développement durable et l’élimination de la pauvreté, a-t-il ajouté.
Il a ensuite indiqué que le Myanmar s’efforce de mettre un terme à sept décennies de conflit armé. L’Accord national de cessez-le-feu a été mis sur pied à cette fin et a été signé par 10 des 20 groupes armés. Le Gouvernement a aussi mis en place un processus politique pour répondre aux causes sous-jacentes du conflit, à l’instar de la Conférence de Panglong pour la paix dont les travaux ont permis, en 2017, de déboucher sur un accord qui servira de base à la rédaction d’une constitution fédérale démocratique.
Mme CRISTINA MARIA CERQUEIRA PUCARINHO (Portugal) a regretté que, près de 20 ans après l’inscription de cette problématique à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, les civils continuent de faire les frais des conflits armés, tandis que les droits de l’homme et le droit international humanitaire ne sont pas respectés. Bien que le droit international exige la protection des écoles et des hôpitaux, ces établissements restent la cible d’attaques délibérées, exposant à la violence les civils, notamment les enfants, les jeunes et les personnes âgées. La représentante a souligné le rôle essentiel des organisations de la société civile qui sont présentes sur le terrain pour apporter soins et réconfort aux victimes des violences. Dès lors, il lui paraît indispensable de travailler en étroite collaboration avec ces organisations. Pour elle, le fait que l’on ait échoué à mettre un terme aux violations du droit international humanitaire et aux abus des droits de l’homme souligne l’importance de hiérarchiser en priorité la prévention ainsi que la lutte contre l’impunité.
Mme VERÓNICA GARCÍA GUTIÉRREZ (Costa Rica) a constaté qu’en dépit de l’adoption de la résolution 2286 (2016), le Conseil de sécurité est à nouveau amené à débattre du thème de la protection des civils, dans un contexte encore plus sombre qu’en 2016, comme en témoigne, selon elle, le rapport du Secrétaire général sur la question. En particulier, elle a déploré les dommages causés aux civils par le transfert d’armes non régulées à des parties à un conflit. Elle a donc appelé les États ne l’ayant pas encore fait à signer et ratifier le Traité sur le commerce des armes. S’agissant de la lutte contre l’impunité en cas de crimes commis contre des civils, le représentant s’est prononcé en faveur du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables. De façon à renforcer ce Mécanisme, le représentant a appelé à rattacher son financement au budget ordinaire de l’Organisation. Elle a également appelé le Conseil à transférer les crimes de masse à la Cour pénale internationale (CPI). Selon elle, les membres permanents du Conseil doivent également se conformer au code de conduite promu par le Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (ACT) s’agissant de l’usage du droit de veto.
M. MHER MARGARYAN (Arménie) a insisté pour que les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance de l’action humanitaire soient respectés en tout temps et que l’accès humanitaire soit toujours assuré. Le représentant a mis en avant l’attachement de son pays à la sécurité des enfants et des étudiants dans les conflits armés ainsi qu’au droit international humanitaire. Il a rappelé que les populations civiles du Nagorno-Karabakh et des régions voisines de l’Arménie sont constamment exposées à des menaces humanitaires graves. L’agression militaire de l’Azerbaïdjan en avril 2016 a non seulement violé l’Accord de cessez-le-feu de 1994 et l’Accord trilatéral de 1995 mais a aussi donné lieu à des violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme, avec les pertes en vies humaines parmi la population civile que cela implique.
En violation flagrante du droit humanitaire, les autorités azéries ont placé des installations militaires dans des quartiers civiles et les utilisent comme rampe de lancement des bombardements le long de la ligne de contact. En poursuivant sa politique de criminalisation de quiconque tente de se rendre au Nagorno-Karabakh, le Gouvernement de l’Azerbaïdjan montre qu’il est prêt à se livrer à des atrocités de masse sans précédent dans la région. Tout aussi alarmant est le fait que le leadership azéri continue d’inciter à la haine contre les Arméniens. La protection des civils, a conclu le représentant exige un accès sans entrave du CICR, du HCR et des organes de traités des Nations Unies dans le zones de conflit. Toute tentative de politiser une question purement humanitaire et tout refus de coopérer sur la question des personnes disparues montrent une intention claire de faire obstacle aux progrès. L’Arménie appuie la création d’un mécanisme d’enquête sur les violations du cessez-le-feu et l’expansion du mandat du Représentant personnel du Président de l’OSCE au Nagorno-Karabakh.
M. NAZIFULLAH SALARZAI (Afghanistan) a indiqué que l’année dernière, 2 903 civils ont trouvé la mort et plus de 6 000 autres ont été blessés dans des attaques « ennemies » menées dans tout le pays et principalement contre des cibles civiles. L’édition 2017 du rapport de la Mission des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) sur la protection des civils dans les conflits armés décrit clairement comment les Taliban et les autres groupes terroristes opèrent. Au moment où nous parlons, a annoncé le représentant, une autre attaque terroriste vient de faire 16 morts et plus de 30 blessés à Kandahar. Le représentant a passé en revue les mesures stratégiques, opérationnelles et tactiques que son pays a prises pour protéger les civils. Il a tout de même souligné que la terreur, la violence et l’insécurité qui caractérisent aujourd’hui son pays trouvent leurs sources en dehors du territoire national. Le but doit donc être de traiter de cette question et le Conseil a un rôle « fondamental » à jouer en la matière. Le représentant a en effet dit attendre du Conseil qu’il réagisse comme il se doit contre les responsables, les argentiers et les planificateurs des attaques pour assurer la protection et le bien-être des civils afghans.
Pour M. MAGDI AHMED MOFADAL ELNOUR (Soudan), la responsabilité de protéger des civils incombe en premier lieu aux pays touchés par un conflit avant d’être un mandat confié aux opérations de maintien de la paix. C’est pourquoi il a appelé ces opérations, les organisations non gouvernementales actives en matière d’assistance humanitaire et les autres acteurs à s’acquitter de leurs tâches « dans le strict respect de la souveraineté et des lois et traditions du pays hôte ». Il a également appelé ces entités à respecter le principe de neutralité, la transparence et le droit international afin d’asseoir une confiance mutuelle durable.
Le Soudan a tiré un certain nombre d’enseignements du fait de son engagement avec la communauté internationale dans la résolution du conflit à l’ouest du pays, a poursuivi son représentant. « Un conflit dont les premières victimes ont été les civiles mais qui connaît aujourd’hui un dénouement positif à travers l’instauration de la paix. » De plus, dans le cadre des efforts à l’échelle régionale de protection des civils et de la promotion de la paix au Soudan du Sud, le Soudan a renouvelé la convention d’assistance humanitaire aux victimes de la guerre au Soudan du Sud pour alléger leurs souffrances. La protection des populations civiles et la promotion de l’action humanitaire, la consolidation et la pérennisation de la paix, ainsi que le développement durable viennent en tête des priorités du Soudan, a assuré le représentant
M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan) a encouragé l’attention portée au problème des déplacements de population en période de conflit armé, avant de focaliser son discours sur le cas du conflit qui se déroule en Azerbaïdjan et « l’occupation militaire » d’une partie de son territoire, ainsi que les meurtres de civils, les prises d’otages et l’exécution de prisonniers de guerre, parmi d’autres exactions. Il a dénoncé « une politique de nettoyage ethnique » de la part de ses agresseurs. « Mon pays a l’une des plus larges populations déplacées au monde », a-t-il plaidé, avant de rapporter le chiffre de 3 875 citoyens portés disparus au 1er avril 2018. M. Musayev a dénoncé l’impunité des auteurs de crimes dans cette guerre comme un obstacle à la paix future.
Quand nous ne pouvons lever les yeux assez haut pour reconnaître l’affaiblissement des normes de notre humanité. Quand nous ne pouvons dépasser nos intérêts étroits pour aider ceux qui en ont le plus besoin, alors, a dit M. LEWIS GARSEEDAH BROWN II (Libéria), nous trahissons non seulement les femmes, les enfants, les médecins, les infirmières et le personnel humanitaire mais aussi les Nations Unies et tout ce qu’elles doivent représenter. Nous trahissons nos valeurs communes et oui, nous nous trahissons nous-mêmes. Nos résolutions sont-elles inefficaces ou serait-ce que nous ne sommes pas vraiment déterminés à les mettre en œuvre? Est-ce raisonnable de confier la protection des civils à des institutions détruites par la guerre? Devons-nous assigner cette tâche aux régions en conflit ou aux acteurs externes qui ont tout intérêt à voir les conflits se poursuivre? Est-ce si difficile de nous engager dans un code de conduite pour veiller à ce que le Conseil de sécurité mette toujours ses énormes pouvoirs au service de la protection des civils? Le Libéria, a répondu le représentant, ne saurait trop applaudir la position du Secrétaire général: le meilleur moyen de protéger les civils, c’est de prévenir les conflits. Mais il faut pour cela que les États s’engagent à travailler avec créativité et sans égoïsme ni agressivité. Nous pouvons le faire, a estimé le représentant.