En cours au Siège de l'ONU

8238e séance – matin
CS/13307

Colombie: le processus de paix a permis de tenir les élections législatives dans un environnement nettement moins violent, affirme le Représentant spécial

Les membres du Conseil rendent hommage à leur collègue de Côte d’Ivoire, l’Ambassadeur Bernard Tanoh-Boutchoué, décédé la nuit dernière

Le processus de paix entamé en 2006 entre le Gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP) a permis une réduction notable de la violence lors des élections législatives du 11 mars dernier, auxquelles les FARC-EP ont participé sous la forme du parti politique Force alternative révolutionnaire commune (FARC), a déclaré, ce matin, au Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Colombie, M. Jean Arnault. 

Pour sa part, le Vice-Président de la Colombie, M. Óscar Adolfo Naranjo Trujillo, a assuré le Conseil que son pays faisait tout pour remédier aux défis qui subsistent, en particulier les assassinats des défenseurs des droits de l’homme dans les anciennes zones de conflit.

Les élections législatives de mars « marquent une étape importante de la transition vers la paix en Colombie et de la transition des FARC-EP de l’emploi des armes vers l’engagement politique », a estimé le Représentant spécial, qui présentait le dernier rapport* du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie.  À cinq semaines de l’élection présidentielle, « la campagne a pour l’heure confirmé la tendance vers une réduction de la violence électorale », a-t-il ajouté.

Alors que la Cour constitutionnelle colombienne vient juste de valider la constitutionnalité de la participation du parti politique FARC et l’attribution de 10 sièges au Parlement à ses membres, conformément à l’Accord de paix et malgré de faibles résultats électoraux, M. Arnault a cité parmi les éléments positifs la publication des décrets destinés à faciliter l’ouverture des comptes en banque des coopératives des FARC-EP.  Autre signe positif, la récente approbation d’un programme pour la protection des communautés, des responsables communautaires et des défenseurs des droits de l’homme dans les zones affectées par le conflit. 

C’est un point important car, comme s’en sont inquiétés ensuite de nombreux membres du Conseil, de multiples chefs communautaires et défenseurs des droits de l’homme ont été assassinés ou attaqués ces derniers mois.  « Les meurtres de responsables communautaires et de défenseurs des droits de l’homme sont la conséquence d’un vide sécuritaire dans les territoires abandonnés par les anciens combattants », a notamment affirmé le représentant du Kazakhstan, alors que son homologue des États-Unis jugeait inacceptable que « des zones autrefois contrôlées par les FARC-EP tombent aux mains de groupes illégaux ». 

M. Arnault a donc appelé à instaurer la sécurité dans les zones rurales et à lutter contre ces attaques.  L’Unité spéciale d’investigation créée à cette fin, conformément à l’Accord de paix, s’est ainsi saisie de 58 affaires de meurtre de chefs communautaires et de défenseurs des droits de l’homme. 

M. Arnault a détaillé d’autres défis qui subsistent, en soulignant tout d’abord la nécessité d’accélérer la réintégration des anciens combattants, « les lacunes dans ce domaine pouvant en effet encourager les anciens combattants à rejoindre des groupes criminels ».  Le décret prévoyant l’accès des combattants à la terre devrait être approuvé rapidement, a-t-il dit. 

Cet accès à la terre est fondamental pour que chacun ait un moyen de subsistance, trouver une solution à la substitution des cultures de coca et prévenir la violence contre les défenseurs des droits de l’homme, a fait remarquer ensuite la représentante des États-Unis, alors que son homologue de la Bolivie demandait des progrès s’agissant de la loi d’amnistie, rappelant que près de 4 000 anciens combattants des FARC-EP restent emprisonnés. 

Malgré ces inquiétudes, l’ensemble des délégations ont salué le processus de paix colombien, « succès indéniable » selon le représentant de la Pologne et « source d’inspiration pour l’Afrique et le monde », de l’avis de son homologue de l’Éthiopie. 

Si le verre paraît à moitié vide, c’est parce que nous devons encore garantir la sécurité des défenseurs des droits de l’homme, a affirmé le Vice-Président colombien, pour qui le pays est « en train de surmonter les défis actuels, pour que la paix devienne une réalité irréversible ».  « Nous ne baissons pas la garde », a-t-il assuré, ajoutant que son pays n’acceptera pas la criminalité organisée. 

Quel que soit le gouvernement qui sortira des urnes lors de la prochaine élection présidentielle, l’important est la pérennisation de la paix, a insisté M. Naranjo Trujillo, qui a parlé d’une « révolution silencieuse et pacifique » en marche, en citant notamment le renforcement des mesures visant à garantir la transition des FARC-EP des armes vers la paix, comme la possibilité pour les coopératives mises en place par les anciens combattants d’ouvrir des comptes bancaires. 

Par ailleurs, en début de séance, le Conseil de sécurité a observé une minute de silence à la mémoire de l’Ambassadeur et Représentant permanent de la Côte d’Ivoire, M. Bernard Tanoh-Boutchoué, décédé la nuit précédente.  Président du Conseil pour le mois d’avril, le représentant du Pérou a présenté ses condoléances au Gouvernement et au peuple de la Côte d’Ivoire, en louant l’immense savoir et la compétence diplomatique de M. Tanoh-Boutchoué.  « Bernard n’était plus lui-même ces dernières semaines et était d’une humeur introspective inhabituelle », a commenté le représentant de l’Éthiopie, tandis que son homologue de la Côte d’Ivoire a assuré qu’il continuera de vivre dans le « jardin de nos souvenirs ». 

* S/2018/279

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53)

Rapport du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie (S/2018/279)

Déclarations

M. JEAN ARNAULT, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a rappelé que, le 11 mars dernier, des millions de Colombiens avaient voté lors des élections législatives, marquant une étape importante de la transition vers la paix en Colombie et de la transition du recours aux armes à l’engagement politique des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (FARC-EP).  « L’élection présidentielle est dans cinq semaines et, dans un contexte marqué par une polarisation politique, la campagne a pour l’heure confirmé la tendance vers une réduction de la violence électorale », a estimé M. Arnault.

Le Représentant spécial a précisé que la Cour constitutionnelle colombienne avait approuvé la loi sur le statut de l’opposition, un instrument prévu par l’Accord de paix et qui était à l’ordre du jour du Parlement colombien depuis 1991.  Cette loi prévoit notamment l’accès des partis d’opposition aux médias et à un financement supplémentaire.  La nuit dernière, la Cour a également déclaré à l’unanimité la constitutionnalité de la participation à la vie politique des anciens FARC-EP, y compris celle de l’attribution au parti de 10 sièges au Parlement, comme prévu par l’Accord de paix.

S’agissant de la réintégration économique des membres des FARC-EP, le Représentant spécial a mentionné la publication des décrets destinés à faciliter l’ouverture des comptes en banque des coopératives des FARC-EP.  À l’exception de ceux visés par des sanctions internationales, les anciens combattants auront accès à des services bancaires, sur un pied d’égalité avec la population, ce qui doit faciliter leur réintégration. 

Autre signe positif, M. Arnault a mentionné l’approbation, il y a deux jours, d’un programme pour la protection des communautés, des responsables communautaires et des défenseurs des droits de l’homme dans toutes les zones affectées par le conflit.  « Ce programme était l’un des principaux engagements prévus par l’Accord de paix », a fait observer le Représentant spécial.  Il repose sur un postulat de départ que M. Arnault a jugé pertinent, à savoir que les autorités locales et les communautés sont les mieux placées pour identifier les menaces et les mesures de protection adéquates. 

Le Représentant spécial a ensuite détaillé les défis qui subsistent, mentionnant l’arrestation d’un des chefs des FARC-EP pour trafic de drogue, qui a ébranlé un pays toujours divisé par le processus de paix.  « Les appels au calme émanant des chefs des FARC-EP, en particulier du Président du parti Timoléon Jiménez, et leurs exhortations à poursuivre sur la voie de l’Accord de paix, ont été très importants pour remédier à la défiance des anciens combattants dans les zones de réintégration », a estimé M. Arnault.  Le Gouvernement s’est engagé à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix, notamment s’agissant de la réintégration, a poursuivi le Représentant spécial, qui a salué le fait que la Juridiction spéciale pour la paix avait pu endosser ses responsabilités dans ce cas d’espèce, conformément à l’Accord de paix. 

M. Arnault a souligné la nécessité d’accélérer la réintégration des anciens combattants avant la fin du mandat du Gouvernement, les lacunes dans ce domaine pouvant encourager les anciens combattants à rejoindre des groupes criminels tels que ceux responsables du récent assassinat de ressortissants équatoriens.  « Les ingrédients d’une percée sont connus: des projets productifs viables, des coopératives fonctionnelles et des terres disponibles; et la plus grande partie de la préparation technique et juridique a été accomplie », a-t-il dit, en souhaitant l’approbation rapide du décret prévoyant l’accès des combattants aux terres. 

M. Arnault a souligné la nécessité de l’activation de la Commission nationale sur les garanties de sécurité, afin d’assurer la sécurité dans les zones rurales et de remédier aux menaces et attaques contre les chefs communautaires et les défenseurs des droits de l’homme.  L’Unité spéciale d’investigation, prévue, comme la Commission, par le programme de protection des communautés précité, a élargi ses enquêtes pour inclure les meurtres de ces chefs communautaires après s’être concentrée sur le meurtre des membres des FARC-EP.  « Jusqu’à présent, elle a pris en charge 58 affaires de meurtre de chefs communautaires et de défenseurs des droits de l’homme », a précisé le Représentant spécial. 

S’il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur le processus de paix, nous avons observé qu’il a permis une réduction notable de la violence lors des élections législatives, a poursuivi M. Arnault.  Le processus a créé une série d’institutions visant à surmonter la violence dans les zones de conflit, a-t-il expliqué, jugeant qu’il s’agit là d’un « changement substantiel ». 

Enfin, M. Arnault a mentionné la reprise des négociations entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN), ces deux parties ayant marqué leur intérêt pour un appui de l’ONU à la mise en œuvre d’un futur cessez-le-feu.  Le Conseil prendra les décisions adéquates en temps voulu, a-t-il estimé, rappelant que les parties avaient maintenu leur engagement envers l’Accord de paix, malgré des circonstances parfois défavorables. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a rappelé que l’Accord de paix signé après 50 ans de conflit était historique et représentait « une source d’inspiration pour le monde entier ».  Elle a assuré la Colombie de son appui.  Au titre des progrès remarquables accomplis au cours des trois derniers mois, elle a évoqué la tenue des élections législatives de mars.  « Nous sommes à un tournant de cette transition pacifique des FARC-EP », a constaté la représentante, qui a fait observer que les deux parties concernées continuaient à mettre en œuvre l’Accord.  S’agissant de l’Armée de libération nationale (ELN), autre mouvement militaire armé, elle s’est félicitée de la reprise du dialogue avec le Gouvernement.

Mme Pierce a toutefois fait part de sa préoccupation face à l’insécurité qui perdure dans certaines zones frappées par le conflit.  À cet égard, a-t-elle estimé, les mesures de protection rapprochée des anciens dirigeants des FARC-EP sont autant de mesures clefs qui permettent d’aller de l’avant.  Elle s’est dite « rassurée » d’entendre le Représentant spécial parler de l’arrestation d’un ancien dirigeant des FARC-EP accusé de trafic de drogue et par les appels au calme.  Elle s’est en revanche inquiétée du niveau de la violence à l’encontre des dirigeants communautaires et des militants des droits de l’homme et a salué « la riposte » du Gouvernement pour enquêter sur ces violences.  Il est indispensable, a ajouté la représentante, de mettre en œuvre des projets de réintégration et de développement rural pour éviter que d’anciens membres des FARC-EP ne rejoignent des groupes criminels. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a jugé le processus de paix en Colombie « vital » pour garantir la paix et le développement durable.  Une mise en œuvre complète de l’Accord est donc indispensable et il est essentiel que les parties fassent des compromis pour créer les conditions propices à la mise en œuvre de tous les engagements pris entre le Gouvernement et les FARC-EP, a estimé le représentant. 

La Chine est prête à fournir une assistance constructive à cette fin.  M. Ma a salué le rôle majeur joué par le Représentant spécial du Secrétaire général et la Mission de vérification pour aller de l’avant, et a souhaité que la Mission puisse continuer à appuyer l’accord signé entre l’Armée de libération nationale (ELN) et le Gouvernement. 

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a salué la bonne tenue des élections législatives en Colombie, y voyant un pas dans la bonne direction.  Nous suivons de près la situation en Colombie, qui est une source d’inspiration en Afrique, a expliqué le représentant.

M. Alemu a exhorté le Conseil à continuer d’appuyer les parties en vue de la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix.  Il a souligné la nécessité d’accélérer la réintégration des anciens combattants des FARC-EP, avant de constater le vide sécuritaire dans certaines zones du pays.  Il faut en faire davantage pour appliquer la loi d’amnistie, a également estimé le représentant, qui a souhaité par ailleurs que les négociations entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN) aboutissent à un cessez-le-feu durable.  Enfin, M. Alemu a réaffirmé son soutien à la mise en œuvre de l’Accord de paix et souligné l’aspect crucial du succès du processus de paix pour la Colombie, mais aussi pour le monde. 

Pour Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis), « la préservation d’un accord de paix revêt une importance toute particulière ».  « Nous avons tous un rôle à jouer pour garantir le succès de l’Accord en Colombie », a ajouté la représentante, qui a salué les progrès accomplis par le Gouvernement colombien au cours des derniers mois.  Mais, a-t-elle insisté, le Gouvernement doit étendre son contrôle à l’ensemble du pays.  « Nous ne pouvons pas accepter que des zones autrefois contrôlées par les FARC-EP tombent aux mains de groupes illégaux », a-t-elle mis en garde. 

Mme Haley a recommandé de continuer de réintégrer les anciens combattants dans la vie civile et de se pencher sur les questions foncières.  Elle a en effet jugé que l’amélioration de l’accès aux terres était fondamentale pour que chacun ait un moyen de subsistance, pour trouver une solution à la substitution des cultures de coca et pour prévenir la violence contre les défenseurs des droits de l’homme.

De leur côté, les FARC-EP doivent aussi honorer leurs engagements, coopérer avec le Gouvernement et participer pleinement et de façon honnête au processus de justice transitionnelle, a poursuivi la représentante.  Le succès du processus de paix en Colombie est « indissociable des efforts que nous menons tous pour combattre le trafic des drogue », a-t-elle ajouté, affirmant que le Gouvernement devait partager toutes les informations dont il dispose à cet égard.  Les États-Unis sont prêts à apporter leur aide pour le relèvement du pays, a-t-elle conclu. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a mentionné les développements positifs constatés ces trois derniers mois en Colombie, à commencer par la bonne tenue des élections législatives en mars dernier.  Le représentant a notamment salué le lancement de la Juridiction spéciale pour la paix, instrument de justice transitionnelle clef prévu par l’Accord de paix.  Il a également salué la signature du décret qui formalisera le droit de propriété foncière de 2,5 millions de fermiers colombiens.  « Étant donné que cette question de propriété foncière a été la cause principale d’un demi-siècle de conflit armé, nous pensons que cette disposition consolidera la paix », a affirmé M. Umarov.

Le représentant a toutefois mentionné certaines tendances alarmantes, en particulier les meurtres de responsables communautaires et de défenseurs des droits de l’homme, conséquences selon lui d’un vide sécuritaire dans les territoires abandonnés par les anciens combattants.  Les efforts de réintégration de ces combattants doivent être renforcés, a encore déclaré M. Umarov, qui a par ailleurs salué la reprise des pourparlers de paix à Quito, en Équateur, entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (ELN). 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rendu hommage au courage politique du Gouvernement colombien qui a pris l’initiative d’un processus de paix historique avec les FARC-EP.  Il a salué le soutien apporté par les Nations Unies, notamment le Conseil de sécurité, au désarment et à la transition politique de ce groupe armé.  Il a rappelé que ce soutien se poursuivait depuis septembre dernier par le suivi de la réincorporation des anciens combattants, « une étape cruciale en vue de la mise en œuvre durable de l’Accord de paix ». 

Au sujet du mandat confié à la seconde mission des Nations Unies en Colombie, M. Delattre a insisté sur trois points.  Il a d’abord félicité les autorités colombiennes pour l’organisation et le bon déroulement des élections législatives du 11 mars dernier auxquelles a participé la Force alternative révolutionnaire commune (FARC).  Les institutions colombiennes et l’Accord de paix sortent renforcés de cet exercice démocratique à l’issue duquel des anciens combattants vont rejoindre le Sénat et la Chambre des représentants, a estimé le représentant. 

Le second point porte sur la sécurité des femmes et hommes engagés en faveur de la paix dans les zones affectées par le conflit.  M. Delattre a salué les mesures prises par le Gouvernement en vue de mettre un terme au degré élevé de violence dans ces zones, en particulier des assassinats de dirigeants de la société civile, de défenseurs des droits de l’homme et de personnes engagées dans les programmes de substitution des cultures de coca.  Le représentant a souligné qu’en l’absence de progrès dans ce domaine, les dividendes de la paix tardaient à être perçus par les populations locales. 

Enfin, la France attire l’attention sur la question de l’accès à la terre et à des sources de revenus.  M. Delattre a expliqué qu’une fois que sera résolue la question de l’accès à la terre, dont la restitution des terres spoliées au cours du conflit -qui fait l’objet de procédures judiciaires-, ce sont les projets économiques qui donneront aux anciens combattants la perspective d’un avenir au sein de la communauté nationale colombienne.  Cette réintégration économique est la clef d’un processus de paix durable, a insisté le représentant.  Elle bénéficie et continuera de bénéficier d’un large soutien de la communauté internationale, y compris de la France et de l’Union européenne via des instruments financiers, a-t-il assuré. 

Enfin, M. Delattre a souhaité que le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN) parviennent à un nouveau cessez-le-feu dans les meilleurs délais et que les négociations puissent aboutir à une paix historique en Colombie.

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a salué le ferme engagement des deux parties et leurs efforts pour surmonter les défis à la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Il s’est également félicité du fait que les élections législatives du 11 mars aient été les plus inclusives et les moins violentes depuis des décennies.  Il a aussi salué le début des travaux « essentiels » de la Juridiction spéciale pour la paix, et a souhaité que ses procédures pourront être rapidement adoptées.

Le représentant s’est néanmoins inquiété de la poursuite des meurtres de défenseurs des droits de l’homme, de dirigeants communautaires et de membres des FARC-EP et de leur famille.  Cette situation profondément préoccupante souligne la nécessité, pour l’État, de combler le vide sécuritaire et de veiller au respect de l’état de droit et des droits de l’homme, a-t-il estimé.

M. Orrenius Skau a souligné que la pleine réintégration politique, juridique et socioéconomique des anciens membres des FARC-EP revêtait la plus haute importance.  À ce titre, il a appelé à progresser dans la mise en œuvre des dispositifs d’amnistie, la création de projets productifs ainsi sur la question clef qu’est, a-t-il souligné, l’accès à la terre.  La Suède espère d’ailleurs que le décret autorisant l’accès des anciens combattants aux terres sera promptement approuvé.  En outre, une réforme agraire complète est nécessaire pour que l’Accord de paix puisse rapidement livrer les dividendes de la paix à tous les Colombiens.  Une perspective de genre s’impose également, notamment pour les volets réintégration et sécurité, a ajouté le représentant, qui a aussi demandé que soit renforcée la lutte contre la violence sexiste.  Il a ensuite salué la reprise de pourparlers entre le Gouvernement et l’ELN.

Le représentant a par ailleurs affirmé que le cas de la Colombie démontrait comment un Conseil de sécurité unifié pouvait contribuer à la paix et a appelé l’ONU et les partenaires internationaux de la Colombie à continuer d’accorder leur plein appui aux parties.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a félicité la Colombie et les Colombiens qui, grâce aux efforts d’appropriation nationale, ont fait un grand progrès sur la voie de la pérennisation de la paix.  Toutefois, a-t-il souligné, il reste encore un travail immense à abattre.  Malgré une amélioration de la situation dans le pays, certains problèmes persistent.  Le représentant a pleinement soutenu l’assistance fournie aux Colombiens par la Mission de vérification de l’ONU sous la houlette de M. Arnault. 

M. Polyanskiy a noté que le rapport du Secrétaire général sur la Mission relevait une série d’écueils, notamment les obstacles bureaucratiques auxquels sont confrontées les FARC-EP et les meurtres d’anciens combattants et de dirigeants communautaires.  Des groupes armés illégaux prennent le contrôle de territoires libérés par les FARC-EP, a-t-il déploré.  Il a tenu à souligner que le rapport ne mentionnait pas l’arrestation, le 9 avril dernier, d’un ancien membre des FARC-EP, négociateur de l’Accord de paix et qui devait occuper un poste parlementaire. 

Le représentant s’est néanmoins dit satisfait que les principaux éléments de l’Accord de paix restent en vigueur.  Les questions en suspens nécessitent une attention particulière de la communauté internationale qui considère à juste titre la Colombie comme un exemple réussi de relèvement postconflit.  La Mission doit se concentrer sur la mise en œuvre de son mandat à la veille de l’élection présidentielle, a-t-il recommandé. 

Mme HEDDA SAMSON (Pays-Bas) a appelé à améliorer la sécurité dans les anciennes zones de conflit, se disant préoccupée par les nouvelles activités des groupes armés qui s’y déroulent.  Elle a réclamé la pleine mise en œuvre du Plan Horus de redéploiement des forces de sécurité dans 595 districts ruraux, en coordination avec les autres efforts déployés au niveau national pour rétablir l’autorité de l’État, citant notamment le renforcement des institutions civiles et la fourniture de services.  La priorité doit également être accordée à la protection des dirigeants communautaires et sociaux et les défenseurs des droits de l’homme, notamment à l’approche des élections, a poursuivi la représentant. 

Mme Samson a appelé à adopter une approche sans exclusive et à continuer de faire de la réintégration politique socioéconomique et juridique des anciens membres des FARC-EP une priorité.  Des progrès sur le plan de l’amnistie, de l’accès aux terres et de projets productifs sont nécessaires, a-t-elle ajouté.  Elle a aussi réclamé la mise en œuvre des dispositifs sexospécifiques relatifs aux garanties de sécurité et à la réintégration des anciens combattants femmes.  Elle a salué la tenue prochaine du Forum des coordonnateurs pour les questions d’égalité des sexes, organisé par la Mission de vérification de l’ONU.

Les Pays-Bas appellent en outre à la reprise des négociations entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN).  Ils encouragent toutes les parties à s’engager à conclure à un accord de cessez-le-feu et à donner une chance à la paix.

M. THÉODORE DAH (Côte d’Ivoire) a remercié les membres de Conseil pour leur hommage à l’Ambassadeur Tanoh-Boutchoué, qu’il a décrit comme passionné par son travail.  Il a salué la tenue des premières élections législatives inclusives en Colombie le 11 mars dernier.  Au-delà des résultats, ces élections, a—t-il relevé, constituent une étape importante du processus de réconciliation et de paix intercolombien.  La Côte d’Ivoire nourrit l’espoir de voir l’élection présidentielle, prévue au mois de mai 2018, consolider davantage ces acquis.  Le représentant s’est également félicité de la décision du Président colombien de reprendre les négociations qui avaient été suspendues avec l’Armée de libération nationale (ELN), à la suite de plusieurs attentats perpétrés par ce groupe. 

Sur le plan judiciaire, M. Dah a salué le démarrage effectif des travaux de la Cour spéciale de justice qui reste l’une des composantes essentielles de la justice transitionnelle, en application de l’Accord de paix de novembre 2016.  Le représentant a invité le Gouvernement colombien à poursuivre les réformes engagées par la prise de mesures concrètes, en vue de permettre la réintégration des ex-FARC-EP, l’accès à la propriété foncière et le développement de projets productifs et de coopératives.  Il l’a exhorté de ce fait à faciliter la réussite de l’intégration socioéconomique des ex-combattants.  Par ailleurs, la Côte d’Ivoire fait part de son inquiétude face à la résurgence de la violence ainsi que les assassinats dont sont encore victimes certains leaders des ex-FARC-EP, a ajouté le représentant. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a dit considérer le processus de paix en Colombie comme un exemple pour le monde.  « Les parties ont donné espoir à des millions de Colombiens qui vivaient dans la peur », a-t-il ajouté, avant d’insister sur le caractère historique des élections législatives du 11 mars dernier.  Soulignant l’engagement indéfectible des parties en faveur du processus de paix, il s’est dit optimiste, ajoutant que, si ce processus devait se solder par un échec, ce serait un échec non seulement pour la Colombie, mais aussi pour chaque membre de ce Conseil.  Il a noté que l’aspect le plus délicat de cet accord restait la réintégration des anciens combattants et appelé à des progrès s’agissant de la loi d’amnistie.  Près de 4 000 membres des FARC-EP demeurent emprisonnés, a rappelé M. Llorentty Solíz.  Le représentant s’est aussi dit alarmé par les assassinats de défenseurs des droits de l’homme.  Enfin, il a salué la reprise des pourparlers de paix entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a appuyé le processus de paix en Colombie, « un véritable exemple à utiliser pour d’autres régions du monde ».  S’agissant de l’évolution de la situation politique, il a estimé que le résultat des élections législatives du 11 mars est « la preuve du sérieux avec lequel le Gouvernement colombien et les parties s’attèlent à la pérennisation de la paix ».  Il a encouragé la reprise des négociations de paix entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN). 

Sur le processus de réintégration des anciens membres des FARC-EP, le représentant a souligné le rôle joué par le Gouvernement, en collaboration avec les agences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales, notamment pour ce qui est des mesures prises pour renforcer la confiance entre les parties.  Il a encore souligné que des garanties de sécurité devaient être données pour éviter la résurgence des violences dans les zones les plus frappées.  Il faut, a-t-il insisté, protéger les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme. 

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a estimé que le processus de paix en Colombie constituait un « succès indéniable ».  Il a salué la bonne tenue des élections législatives et le fait que 10 sièges au Parlement, seront, comme prévu par l’Accord de paix, occupés par des membres des FARC-EP.  Il a néanmoins déploré la méfiance grandissante des anciens combattants des FARC-EP envers le Gouvernement, les premiers redoutant que ce dernier ne respecte pas ses engagements.  Il faut accélérer la réintégration économique de ces anciens combattants, a-t-il dit.  Il a ensuite déploré l’augmentation significative de la violence dans les anciens fiefs des FARC-EP.  Enfin, le représentant a déploré que les anciens combattants femmes des FARC-EP soient quelque peu oubliées dans le processus de réintégration actuel.  « Les enjeux sont plus élevés que jamais en Colombie », a-t-il conclu.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est félicité des avancées enregistrées dans le processus politique en Colombie.  Ainsi, avec les élections législatives du mois dernier, un pas important a-t-il été franchi dans la transition, marquant « le caractère irréversible du processus », a-t-il estimé.  Il a dit espérer que ce même esprit prévaudrait pour la prochaine élection présidentielle.  La situation montre bien que des négociations franches, directes et inclusives peuvent permettre de régler un problème quand il y a une volonté sincère d’aller de l’avant, a ajouté le représentant. 

Toutefois, a reconnu M. Ndong Mba, il reste encore des défis à relever, notamment en ce qui concerne la sécurité et la réinsertion socioéconomique des anciens combattants, ce qui pourrait retarder la consolidation définitive du processus de paix.  À ce sujet, le représentant a estimé que le renforcement des mesures de sécurité dans les zones les plus touchées, les enquêtes menées par le Procureur sur les assassinats et les mesures foncières allaient dans le bon sens, de même que la reprise des pourparlers avec l’Armée de libération nationale (ELN).  En conclusion, il a demandé au Conseil de sécurité de continuer d’appuyer le processus de paix en Colombie, tout en respectant le rôle de chef de file du pays et de la population. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a réaffirmé son appui au processus de paix en Colombie.  Il a salué le courage du Gouvernement colombien pour résoudre le grand conflit avec les FARC-EP à travers une solution négociée.  Il a souligné en particulier les efforts que le Gouvernement consent pour adapter la législation nationale à l’Accord de paix, garantir la sécurité, affirmer la présence de l’État dans les territoires et promouvoir la réintégration socioéconomique des ex-combattants, notamment dans les zones rurales.

La démocratie et la participation étant des éléments fondamentaux de la consolidation de la paix, le représentant s’est félicité du fort taux de participation aux récentes élections législatives.  Il a également apprécié la reprise du dialogue entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN).  Mais il s’est inquiété des meurtres d’ex-combattants commis en dehors des secteurs territoriaux de formation et de réintégration.  De plus, il a réitéré sa condamnation de l’assassinat de trois journalistes équatoriens détenus par des dissidents des FARC-EP. 

« Il est indispensable de confronter avec fermeté les ennemis de la paix », a insisté M. Meza-Cuadra, qui a rappelé qu’une paix durable ne pourrait reposer que sur l’état de droit.  Il a toutefois estimé que « les Colombiens peuvent regarder l’avenir avec optimisme ».  La Colombie, a-t-il conclu, est aujourd’hui un pays qui renaît. 

M. ÓSCAR ADOLFO NARANJO TRUJILLO, Vice-Président de la Colombie, a affirmé que « la paix en Colombie, c’est la paix en Amérique latine ».  Nous allons progresser dans cette voie de la paix, même si des difficultés subsistent, a-t-il ajouté.  Le Vice-Président a appelé à la mobilisation de tous pour que la paix devienne une réalité irréversible en Colombie.  Nous sommes en train de surmonter les défis actuels, a-t-il assuré, en se félicitant du soutien du Conseil.

Si le verre paraît à moitié vide, c’est parce que nous devons encore garantir la sécurité des défenseurs des droits de l’homme, a poursuivi M. Naranjo Trujillo.  Il a fait observer ce paradoxe que, si le taux d’homicides est au plus bas globalement en Colombie, les assassinats ont, en revanche, augmenté dans certaines zones, en raison des agissements des groupes criminels.  « Nous ne baissons pas la garde », a-t-il affirmé, affirmant que le pays renforçait ses capacités pour garantir la transition des FARC-EP des armes vers la paix.  Le Vice-Président a jugé remarquable leur participation au dernier processus électoral –sous la forme du parti politique Force alternative révolutionnaire commune- même si ce dernier a eu moins de voix qu’escompté.  « Nous avons eu des élections législatives avec la participation de milliers de Colombiens supplémentaires », s’est-il félicité.

Soulignant la nécessité d’avancer s’agissant de la réintégration des anciens combattants, M. Naranjo Trujillo a détaillé les mesures prises pour leur garantir un accès à des terres et à des projets productifs, afin qu’ils deviennent agriculteurs.  Ils peuvent désormais ouvrir des comptes bancaires et disposent d’une caisse de retraite.  « Nous avançons », a affirmé le Vice-Président. 

Quel que soit le gouvernement qui sortira des urnes lors de la prochaine élection présidentielle, l’important est la pérennisation de la paix, a poursuivi le Vice-Président.  Il a indiqué que son pays faisait tout pour éradiquer le trafic de drogue et chasser les organisations criminelles, assurant: « Nous n’allons pas accepter la criminalité organisée. »  Enfin, M. Naranjo Trujillo a souligné la nécessité de bâtir un pont entre la Colombie rurale et la Colombie urbaine, avant de conclure: « Une révolution silencieuse et pacifique est en marche en Colombie. » 

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