En cours au Siège de l'ONU

8189e séance – matin
CS/13224

Accusé d’ingérence, l’Envoyé spécial du Secrétaire général au Burundi « précise » ses préoccupations face au projet de révision constitutionnelle

Tout en reconnaissant au Burundi le droit souverain de modifier sa Constitution, M. Michel Kafando, Envoyé spécial du Secrétaire général, a « précisé » ce matin, devant le Conseil de sécurité, les préoccupations exprimées par celui-ci sur les enjeux du référendum prévu le 18 mai dans son rapport.  Le document a été vivement critiqué par le représentant du Burundi, qui l’a accusé de violer « de façon flagrante le principe du respect de l’égalité souveraine des États » avant de demander au Conseil de retirer son pays de son ordre du jour.

Prenant note de la « décision irrévocable » du Gouvernement burundais d’aller à la révision constitutionnelle, M. Kafando a estimé que la préoccupation exprimée par le Secrétaire général devait « être comprise comme son souci de recherche du consensus autour d’une question aussi primordiale pour l’avenir, voire le destin du Burundi ».

Dans son rapport, le Secrétaire général constate notamment que la révision constitutionnelle envisagée prévoit une extension à sept ans du mandat présidentiel; un possible examen après cinq ans des quotas ethniques –60% de Hutus et 40% de Tutsis– appliqués dans les instances du pouvoir exécutif, au Parlement et dans l’appareil judiciaire; la suppression du poste de deuxième vice-président et la création d’un poste de premier ministre; et une adoption simplifiée des lois ordinaires, qui se ferait désormais à la majorité simple et non plus des deux tiers. 

Tout en affirmant que le Burundi, État souverain, a de ce fait le droit de modifier sa Constitution, le Secrétaire général observe que pareille entreprise doit être menée « de manière inclusive » de façon à obtenir « la participation la plus large possible et à dégager un consensus parmi les principaux intervenants politiques ».  Ceci, ajoute-t-il « passe par un environnement politique et des conditions de sécurité qui emportent la confiance de tous les acteurs politiques concernés ». 

Or, le Secrétaire général constate que certains des changements proposés sont déjà remis en question par l’opposition.  Et de rappeler que l’Accord d’Arusha, qui a « clairement défini la nature et les causes du conflit au Burundi », a favorisé la stabilité et l’unité après 10 ans de guerre.  « C’est sur cette base que les Burundais, œuvrant ensemble avec l’appui de la région et de la communauté internationale, peuvent construire un avenir plus solide pour leur pays », ajoute le Secrétaire général. 

Le rapport note aussi que « de nombreuses parties prenantes et de nombreux partenaires du Burundi » se sont dits préoccupés par le fait que les révisions proposées pourraient anéantir certains des progrès rendus possibles par l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi.  Il cite en particulier « la possibilité de supprimer les quotas ethniques consacrés dans l’Accord d’Arusha ». 

Défendant le rapport, M. Kafando a qualifié d’« évidence historique » le fait que la stabilité et le développement du Burundi durant les 15 dernières années « sont essentiellement le fruit du large consensus qui a prévalu aux négociations et à l’adoption de l’Accord d’Arusha ».  Lequel, a-t-il ajouté, ne se limite pas uniquement aux équilibres ethniques et de genre, retenus dans la nouvelle Constitution. 

D’ailleurs, l’article 299 de la Constitution burundaise de 2005 dispose qu’« aucune procédure de révision ne peut être retenue si elle porte atteinte à l’unité nationale, à la cohésion du peuple burundais », a encore fait observer l’Envoyé spécial, qui a défendu sa propre action, affirmant n’avoir été guidé dans son action que par « un seul objectif: tirer la sonnette d’alarme pour que l’avenir en construction du peuple burundais soit l’apanage du peuple burundais et éviter ainsi les éternels recommencements dont ce pays a tant souffert ».

Le représentant du Burundi, M. Albert Shingiro, a vivement dénoncé cette position, affirmant que le nouveau projet de constitution garantissait au contraire la stabilité et la paix, la protection de l’opposition politique, la protection des droits de l’homme et des minorités, la protection de la souveraineté, ainsi que les quotas ethniques et de genre prévus dans l’Accord d’Arusha.  Il a dénoncé les références du rapport à la révision constitutionnelle comme une « ingérence osée » dans les affaires intérieures de son pays, ajoutant que l’ONU et les États Membres étaient « loin de constituer un cadre de discussion des affaires constitutionnelles des États souverains ». 

Affirmant que la situation au Burundi était « globalement calme » et ne présentait aucune menace à la paix et à la sécurité internationales, le représentant a estimé qu’il n’existait « aucun critère objectif » pouvant justifier le maintien du pays à l’ordre du jour du Conseil de sécurité et en a donc demandé le retrait.

Les membres africains du Conseil ont tous plaidé en faveur d’un dialogue inclusif.  Si la Guinée équatoriale a insisté sur l’appropriation nationale du processus de dialogue, la Côte d’Ivoire, soucieuse de l’impasse dans laquelle se trouve ledit dialogue, a exprimé l’espoir que la réforme constitutionnelle ne remette pas en cause les acquis de l’Accord historique d’Arusha, « élément central de la réconciliation entre les acteurs politiques burundais ».  Pour sa part l’Éthiopie a mis en avant les difficultés économiques considérables du pays et plaidé pour un soutien international fort et pour l’instauration d’un environnement permettant d’éviter une résurgence de la violence.

Ces difficultés économiques sont, entre autres, le fait du retour de nombreux réfugiés en provenance de Tanzanie.  Le Président de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, M. Jürg Lauber, a rappelé que 13 000 d’entre eux étaient rentrés l’an dernier et que pas moins de 60 000 étaient attendus en 2018, ce qui crée une pression croissante sur les communautés d’accueil.  Mentionnant les efforts du Fonds pour la consolidation de la paix pour les soulager, M. Lauber a insisté sur le rôle indispensable, pour redresser la situation actuelle du pays, du processus de dialogue placé sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est.

* S/2018/89

LA SITUATION AU BURUNDI

Rapport du Secrétaire général sur la situation au Burundi (S/2018/89)

Déclarations

M. MICHEL KAFANDO, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Burundi, a déclaré que la situation politique au Burundi demeurait tendue et caractérisée par « quelques mesures restrictives de libertés ».  Seul le parti majoritaire et quelques autres formations politiques qui lui sont alliées, peuvent mener des activités politiques sans entrave, a-t-il expliqué, avant d’ajouter que la conjoncture économique était loin de s’améliorer, en raison de la persistance de la situation politique.  « Or, un tel environnement ne peut être propice à l’organisation d’élections crédibles », a-t-il fait observer.

L’Envoyé spécial a précisé que la sécurité connaissait une amélioration notable sur toute l’étendue du territoire, même si des violations des droits de l’homme et d’autres abus continuent d’être rapportés, en particulier depuis le lancement, le 12 décembre dernier, de la campagne de sensibilisation en vue du référendum constitutionnel.  Il a par ailleurs jugé « toujours préoccupante » la situation humanitaire. 

« La décision irrévocable du Gouvernement burundais d’aller à la révision constitutionnelle sera tranchée par le référendum prévu, en principe, en mai 2018 », a constaté M. Kafando.  La préoccupation exprimée dans son rapport par le Secrétaire général –notamment à propos de la possibilité de supprimer de la Constitution les quotas ethniques consacrés dans l’Accord d’Arusha- ne saurait être interprétée comme une ingérence dans les affaires intérieures du pays en lui déniant son droit souverain à réviser sa Constitution, a plaidé M. Kafando.  Au contraire, a expliqué l’Envoyé spécial, elle doit être comprise comme son souci de recherche du consensus autour d’une question « aussi primordiale pour l’avenir, voire le destin » du Burundi. 

Pour M. Kafando, c’est une « évidence historique » que la stabilité et le développement du Burundi, ces 15 dernières années, sont essentiellement le fruit du large consensus qui a prévalu aux négociations et à l’adoption de l’Accord d’Arusha.  Il a rappelé l’article 299 de la Constitution burundaise de 2005, toujours en vigueur, qui dispose qu’« aucune procédure de révision ne peut être retenue si elle porte atteinte à l’unité nationale, à la cohésion du peuple burundais ».

L’Envoyé spécial a fait valoir que l’ONU, avec l’Union africaine, la Communauté d’Afrique de l’Est et l’Union européenne sont les garants de l’Accord d’Arusha, dont la quintessence ne se limite pas uniquement aux équilibres ethniques et de genre, retenus dans la nouvelle Constitution.  Le partage des pouvoirs, la bonne gouvernance politique, la démocratie pluraliste basée sur le principe de large consensus et la protection des droits des minorités, restent au cœur de l’Accord d’Arusha qui, comme on le sait, a été à la base de la Constitution burundaise de 2005, actuellement en cours de révision, a-t-il dit. 

« Tout cela aurait pu être possible si la volonté politique avait présidé au dialogue interburundais, placé sous l’égide de la région de l’Afrique de l’Est », a ajouté M. Kafando, qui a rendu hommage aux efforts du Médiateur et du Facilitateur du dialogue interburundais, l’ex-Président Benjamin Mkapa de Tanzanie.

« Maintenant que la région a décidé de poursuivre le dialogue », il revient à l’Union africaine et à l’ONU de rester fortement engagées en vue de l’aboutissement de la médiation, a poursuivi l’Envoyé spécial, ajoutant que le dialogue demeure indispensable, car la situation au Burundi « reste un sujet de préoccupation ».  Prenant note du communiqué du Gouvernement burundais du 14 février dernier, dans lequel ce dernier se disait prêt à ne ménager aucun effort pour coopérer avec l’ONU dans le respect de sa souveraineté, M. Kafando a estimé que cette bonne coopération « existait déjà ». 

Enfin, l’Envoyé spécial a précisé que sa contribution au rapport du Secrétaire général n’avait « guère outrepassé ses obligations et encore moins été guidée par une quelconque partialité ».  « Un seul objectif a guidé son action: tirer la sonnette d’alarme pour que l’avenir en construction du peuple burundais soit l’apanage du peuple burundais et éviter ainsi les éternels recommencements dont ce pays a tant souffert », a-t-il affirmé en conclusion.

M. JÜRG LAUBER (Suisse), Président de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix (CCP), après avoir rappelé le calendrier des réunions de cette formation au cours des mois écoulés, a indiqué que celle-ci avait été informée fin janvier des défis relatifs au retour au Burundi des réfugiés en provenance de Tanzanie.  Alors qu’ils sont 13 000 à être déjà rentrés en 2017, et pas moins de 60 000 prévus pour faire de même en 2018, le Président a prévenu de la pression croissante que ces rapatriements feraient peser sur les communautés d’accueil. 

La formation a également été informée des défis économiques et sociaux de taille qui se posent au Burundi, en particulier une balance commerciale négative, une inflation considérable, le chômage et une pénurie de réserves de devises étrangères, a déclaré M. Lauber.  Il a annoncé qu’il se rendrait prochainement au Burundi, ajoutant qu’il avait l’intention de se concentrer sur les efforts de médiation engagés par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), et la marche à suivre pour garantir des élections démocratiques et pacifiques.  M. Lauber a mentionné par ailleurs comme priorités de son déplacement la poursuite du dialogue avec le Gouvernement et les bailleurs de fonds internationaux à l’appui du redressement économique du pays, la situation humanitaire et la réconciliation nationale. 

Ces priorités sont tout à fait similaires à celles définies par le Fonds pour la consolidation de la paix, qui a approuvé trois nouveaux projets pour un montant total de 6,5 millions de dollars au Burundi, dont la moitié permettra de venir en aide à quatre communautés accueillant un nombre élevé de réfugiés, a relevé M. Lauber.  Pour la CCP, le processus de dialogue placé sous l’égide de la CAE demeure un instrument indispensable pour redresser la situation actuelle au Burundi. 

M. Lauber s’est déclaré, en conclusion, convaincu qu’une signature rapide du Mémorandum d’accord entre le Gouvernement et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Union africaine, et le déploiement subséquent d’observateurs dans le pays, permettraient de fournir une vue d’ensemble plus précise de la situation des droits de l’homme et de garantir un espace sûr pour la société civile au Burundi.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a estimé que la situation au Burundi devait être réglée par un processus de dialogue inclusif, mené par les Burundais eux-mêmes.  Il a exhorté toutes les parties burundaises à y participer, avant de souligner le rôle constructif que l’ONU peut jouer pour le succès de ce dialogue. 

Le représentant a souhaité le retour à la normale dans le pays, estimant que l’environnement sécuritaire s’était grandement amélioré.  Le Burundi, en tant que pays souverain, a le droit de procéder à toute initiative législative bonne pour le pays, a-t-il ajouté, ajoutant que le référendum prévu en mai 2018 relève de la souveraineté nationale, avant d’appeler au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Burundi. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a exhorté toutes les parties à engager un dialogue pour mettre fin à la crise, appelant les dirigeants de la sous-région à participer à la revitalisation des efforts de la Communauté d’Afrique de l’Est pour poursuivre les négociations.  Selon le représentant, la détérioration de la situation socioéconomique mérite l’attention de la communauté internationale, y compris dans les domaines de la santé et de l’énergie, et des efforts doivent également être entrepris pour assurer un financement humanitaire adéquat. 

M. Umarov a ensuite déclaré que le retour des réfugiés devait être entrepris dans le respect du droit international.  Réaffirmant l’importance d’une approche régionale pour identifier les causes profondes des tensions, il a déclaré que la mise en œuvre complète de l’Accord d’Arusha était essentielle pour prévenir la violence et améliorer la situation sur le terrain.

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a affirmé qu’il était préoccupé par l’état d’avancement du processus politique, la question des droits de l’homme et la situation humanitaire.  Concernant le processus politique, le représentant s’est dit soucieux de l’impasse du dialogue politique en dépit des efforts de médiation de la communauté internationale.  La Côte d’Ivoire regrette que le dialogue interburundais n’ait pas enregistré de progrès significatifs, à l’approche d’échéances importantes comme le référendum sur le projet de révision constitutionnelle prévu en mai 2018 et l’élection présidentielle de 2020.

M. Tanoh-Boutchoué a toutefois dit espérer que les changements envisagés dans le cadre de la réforme constitutionnelle ne remettront pas en cause les acquis de l’Accord historique d’Arusha, qui a permis au pays de jouir de 10 ans de paix et de stabilité et qui reste, au-delà des divergences d’interprétation, un élément central de la réconciliation entre les acteurs politiques burundais.  Le représentant a invité les parties burundaises à un dialogue politique inclusif et encouragé le Gouvernement du Burundi à œuvrer à la mise en place d’un climat sociopolitique apaisé devant permettre, sur la base de l’Accord d’Arusha, la participation de tous les acteurs au processus de paix et de réconciliation dans ce pays.

Inquiet de la persistance des allégations de violations des droits de l’homme au Burundi, M. Tanoh-Boutchoué a exhorté les autorités burundaises à faire toute la lumière sur ces faits et au cas où ils seraient avérés, à prendre toutes les mesures pour y mettre un terme, pour identifier leurs auteurs et les traduire en justice.  En outre, préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire au Burundi, le représentant a encouragé les autorités burundaises à créer les conditions favorables au retour de ces réfugiés, et invité les Nations Unies, les partenaires bilatéraux et humanitaires, à apporter leur concours et assistance à cet effet. 

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a encouragé toutes les parties à faciliter le travail du facilitateur désigné par la Communauté d’Afrique de l’Est, en respectant l’Accord d’Arusha, pierre angulaire du processus de dialogue et de réconciliation nationale en cours.  Le représentant a pris note des efforts du Gouvernement burundais pour rétablir la situation sécuritaire, avant de se féliciter de sa décision d’accueillir en avril le Sommet du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe. 

Il a ensuite salué le retour des réfugiés dans le pays, soulignant la nécessité de mettre en place les conditions nécessaires pour garantir un rapatriement sûr et librement consenti.  Le représentant s’est ensuite élevé contre les mesures de sanctions unilatérales prises par des États Membres, les considérant comme illégales au regard du droit international.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a jugé crucial de préserver le niveau de stabilité actuellement constaté au Burundi.  Il a défendu un processus de dialogue inclusif, sur la base de l’Accord d’Arusha et de la Constitution burundaise et a jugé crucial de revitaliser le processus de dialogue, exhortant à cette fin toutes les parties burundaises à y participer.  Le représentant a souhaité la tenue d’élections démocratiques et pacifiques en 2020, avant d’insister sur les difficultés économiques considérables du pays, aggravées notamment par le retour des réfugiés.  Il a plaidé en conséquence pour un soutien international fort et pour l’instauration d’un environnement permettant d’éviter une résurgence de la violence.  Enfin, M. Alemu a noté la robustesse des institutions burundaises, tout en souhaitant qu’elles soient plus inclusives. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a encouragé le Gouvernement burundais à faire des progrès dans ses relations avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  Il a ensuite salué le travail réalisé par l’Envoyé spécial du Secrétaire général « dans le cadre d’une diplomatie préventive pleinement respectueuse de la souveraineté » du Burundi.

M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) a indiqué que, sur le plan politique, son pays se préparait « déjà » au référendum constitutionnel de 2018 et aux élections générales de 2020 et que la priorité du Gouvernement était d’amener à bon port ces deux grands rendez-vous électoraux en créant en amont un environnement propice à l’organisation des élections « démocratiques, libres, transparentes et apaisées ».  Il a fait savoir que l’opération d’inscription sur les listes électorales pour les deux scrutins s’était déroulée dans de bonnes conditions du 8 au 17 février, et a précisé que les chiffres provisoires montrent qu’au total, plus de cinq millions de Burundais se sont inscrits sur les listes.

Le représentant a ensuite affirmé que le dialogue interburundais, sous la facilitation de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), « se poursuit normalement », ajoutant que, « contrairement à ce que dit le rapport du Secrétaire général », le dialogue n’est pas au point mort.  M. Shingiro a notamment indiqué que dans son communiqué final, le dix-neuvième Sommet des chefs d’État de la CAE, qui s’est tenu à Kampala le 23 février 2018, avait apprécié l’excellent travail déjà réalisé par la médiation et la facilitation du dialogue interburundais.  « Ce déficit profond entre l’appréciation de la région, qui est proche du Burundi géographiquement, politiquement et culturellement, et la position pessimiste de ce rapport et de certains acteurs exogènes par rapport à l’état d’avancement du dialogue interburundais, constitue une anomalie qui devrait interpeler l’attention du Conseil de sécurité », a-t-il dénoncé.

Tournant ensuite son attention sur la réforme constitutionnelle, le représentant a insisté sur le fait qu’il s’agit d’un exercice qui relève exclusivement de la souveraineté nationale du Burundi.  Il est clair, a-t-il poursuivi, que l’ONU et les États Membres sont loin de constituer un cadre de discussion des affaires constitutionnelles des États souverains. 

M. Shingiro s’en est pris ensuite au rapport du Secrétaire général, l’accusant de violer « de façon flagrante le principe du respect de l’égalité souveraine des États » consacré par la Charte en s’octroyant le droit de commenter le projet de référendum constitutionnel du Burundi.  Le représentant s’est en particulier insurgé contre la référence faite, dans les paragraphes 4 à 8 du même rapport, à la révision constitutionnelle au Burundi, référence qu’il a dénoncée comme une « ingérence osée » dans les affaires intérieures de l’État burundais.  En émettant des critiques au droit souverain du peuple burundais à amender sa Constitution, « alors que l’ONU n’a jamais émis les mêmes préoccupations dans des cas similaires d’amendement constitutionnel », le rapport viole en outre l’Article 2.1 de la Charte, a poursuivi le représentant.  « Ce double standard dans le traitement des États doit être découragé pour ne pas constituer un précédent dangereux dans le fonctionnement de l’ONU », a-t-il mis en garde.

M. Shingiro a en outre affirmé que, contrairement à ce que dit le rapport à son paragraphe 4, le nouveau projet de constitution garantit la stabilité et la paix, la protection de l’opposition politique, la protection des droits de l’homme et des minorités, la protection de la souveraineté, ainsi que les quotas ethniques et de genre prévus dans l’Accord d’Arusha de 2000.

Quant à la situation sécuritaire dans le pays, elle est « globalement bonne », à l’exception de « quelques cas isolés de criminalité de droit commun », a poursuivi M. Shingiro.  Le représentant a souligné que le « retour massif » des réfugiés et le fait de confier au Gouvernement l’organisation et l’accueil du vingt-et-unième Sommet du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe constituaient « un thermomètre du retour à la normalité ».  Il a également cité une délégation des députés de l’Assemblée législative de la Communauté d’Afrique de l’Est qui aurait affirmé, à l’issue d’une visite sur le terrain, avoir trouvé « un pays paisible et calme ».  À propos des retours, le représentant a cité le chiffre de 200 000 Burundais rentrés, affirmant que son pays en attendait plus de 60 000 rapatriés en 2018.

M. Shingiro s’est ensuite inscrit en faux contre les paragraphes du rapport qui cherchent, selon lui, à singulariser la jeunesse du parti au pouvoir, les Imbonerakure, comme étant à la base de l’insécurité, au lieu d’adresser un appel à la retenue à tous les jeunes affiliés aux partis politiques.  Il a dénoncé le caractère partial du rapport, faisant observer qu’aucun appel n’avait été lancé aux jeunes de l’opposition, dont certains ont fui le pays après avoir tué et violé durant l’insurrection de 2015.

Le délégué a assuré que le Burundi restait « très engagé » à la protection des droits humains à travers plusieurs mécanismes, citant notamment la Commission vérité et réconciliation ainsi que l’observatoire national pour la prévention et l’éradication du génocide, crime de guerre et crime contre l’humanité.  Il a également rappelé que, lors de son message à la nation du 31 décembre 2017, le Président burundais a pris une mesure par la grâce présidentielle de libérer environ 2 000 prisonniers et a rappelé les « gestes d’apaisement » pris au lendemain du coup d’État et de l’insurrection de 2015.

M. Shingiro a également dénoncé un manque de coopération entre le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et les ministères sectoriels concernés par les questions humanitaires, ainsi qu’un gonflement des chiffres dans l’élaboration de son plan de réponse humanitaire 2018 pour le pays.  Il a par ailleurs indiqué que le projet d’accord de coopération avec le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme est en cours de discussions et qu’à la mi-janvier, le Burundi avait demandé à ce dernier de proposer de nouvelles dates pour la reprise des discussions.  Bujumbura attend la réponse de Genève à cet égard, a-t-il ajouté.

M. Shingiro a enfin demandé au Conseil de sécurité d’envisager de retirer le Burundi de son ordre du jour car, a-t-il affirmé, la situation dans le pays est globalement calme et ne présente aucune menace à la paix et à la sécurité internationales.  Il n’y a aucun critère objectif qui justifie le maintien du Burundi à l’ordre du jour du Conseil, a-t-il conclu.

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