Le Secrétaire général et son prédécesseur appellent les États à embrasser l’esprit de la Charte des Nations Unies, et à en utiliser tous les outils
Exceptionnellement réunis à l’occasion d’un débat ministériel du Conseil de sécurité consacré aux buts et principes de la Charte des Nations Unies, l’actuel Secrétaire général, M. António Guterres, et son prédécesseur, M. Ban Ki-moon, ont exhorté aujourd’hui les États Membres à embrasser pleinement « l’esprit » de la Charte et à utiliser tous ses instruments pour agir. Le conflit syrien et plus spécialement la situation dans la Ghouta orientale, banlieue de Damas violemment bombardée ces derniers jours et qualifiée par M. Guterres d’« enfer sur terre », était dans l’esprit de la plupart des intervenants.
Premier orateur de cette réunion souhaitée par le Koweït -dont la présidence du Conseil de sécurité coïncide ce mois-ci avec le vingt-septième anniversaire de sa libération des forces iraquiennes de Saddam Hussein-, le Secrétaire général a déclaré que la Charte, rédigée après le total écroulement de l’ordre international lors de la Seconde Guerre mondiale, avait aidé à remettre le monde d’aplomb. La Charte a résisté à l’épreuve du temps, a-t-il ajouté, en louant la pertinence et la capacité d’adaptation de ce document. Il a cité comme preuve de cette souplesse le fait qu’une des activités emblématiques des Nations Unies, les opérations de maintien de la paix, ne soient pas même mentionnées dans la Charte.
M. Guterres a insisté sur l’émergence de nouvelles menaces, la complexité accrue des conflits et une instabilité qui a des conséquences bien au-delà de ses foyers d’origine. Répondre au défi des migrations, des changements climatiques et des inégalités mettra à l’épreuve la Charte et notre capacité à assurer un meilleur monde pour tous, a-t-il averti.
Le Secrétaire général a une nouvelle fois souligné l’importance de la prévention et appelé à un rééquilibrage de l’approche collective de la paix et la sécurité internationales. « Notre but doit être de tout faire pour aider les pays à éviter l’émergence des crises les plus graves pour l’humanité », a-t-il dit, en précisant que ses bons offices étaient « disponibles pour tous les États Membres pour aider à prévenir, gérer et résoudre les conflits ».
En matière de maintien de la paix, le Secrétaire général a déploré que l’ONU soit devenue « la baby-sitter des crises » en se limitant à les contenir. « Cela n’est pas soutenable », a-t-il dit, même si le Ministre des affaires étrangères de la Côte d’Ivoire a ensuite loué le succès de la mission de l’ONU dans son pays. Pour M. Guterres, la réforme en cours au sein de l’ONU vise à recentrer le maintien de la paix autour d’attentes réalistes, et il a pressé le Conseil de fournir des mandats « clairs et pertinents » aux opérations de maintien de la paix.
Enfin, M. Guterres a rappelé que les régimes de sanctions devaient être organisés de manière à n’avoir pas de « conséquences inattendues » sur le plan humanitaire et a mis en avant l’importance de la coopération des Nations Unies avec les organisations régionales, en premier lieu l’Union africaine, avant d’assurer les États Membres que le Secrétariat se tenait prêt à les aider à pleinement « embrasser l’esprit de la Charte ».
Prédécesseur immédiat de M. Guterres à la tête des Nations Unies, M. Ban a, lui, plaidé pour la réforme, « qui se fait attendre depuis longtemps », du Conseil de sécurité, afin d’en rendre le processus décisionnel plus souple. Il a notamment appelé le Conseil, dans les situations les plus graves, à ne pas se contenter de lancer des appels à l’action et à agir. Il s’est en particulier montré très préoccupé de la situation au Moyen-Orient, tout en présentant la crise dans la péninsule coréenne comme « notre défi le plus sérieux et le plus imminent à l’heure actuelle ».
Lors du débat, plusieurs délégations ont appelé à une telle réforme du Conseil, ou du moins de certaines de ses pratiques. La France, la Suède ou encore les Pays-Bas ont ainsi appelé une nouvelle fois à la suspension du droit de veto en cas de situations impliquant des crimes graves, qu’il s’agisse de la proposition du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (Groupe ACT) ou de l’initiative politique conjointe franco-mexicaine. Le représentant du Royaume-Uni s’y est, pour sa part, engagé.
Mais c’est bien la situation en Syrie qui a fait l’objet des plus nombreux développements. Pour de nombreuses délégations, le Conseil a l’obligation d’agir, comme il l’avait fait il y a 27 ans au Koweït. Légitimée par le Conseil, l’opération militaire conduite en 1991 illustre ce que la communauté internationale peut accomplir face à une invasion, dans le respect de la légalité internationale, a ainsi commenté le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, M. Sabah Khalid Al Hamad Al Sabah.
« La souveraineté, bien sûr, est d’une importance critique mais elle n’est pas une excuse pour qu’un régime s’en prenne à son propre peuple, comme le “régime d’Assad” le fait en Syrie, sans que ce Conseil ne fasse rien », a asséné, pour sa part, la représentante des États-Unis.
Mais la position des États-Unis s’est heurtée à celle de la Fédération de Russie, dont le représentant, appuyé par son homologue de la Bolivie, a dénoncé ceux qui veulent « installer la démocratie par les bombes ». L’intégrité territoriale et la souveraineté nationale de la Syrie demeurent une « monnaie d’échange » pour des acteurs géopolitiques extérieurs à ce pays, a analysé le représentant russe, qui a demandé la tenue, demain, d’une séance publique du Conseil de sécurité pour discuter de la situation dans la Ghouta orientale.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales
Lettre datée du 1er février 2018, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent du Koweït auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2018/85)
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général des Nations Unies, a exprimé en préambule sa grande tristesse face aux souffrances endurées par la population civile de la Ghouta orientale, qu’il a qualifiée d’« enfer sur terre ». Il a donc exhorté à la suspension des combats dans cette région et au bon acheminement de l’aide humanitaire. Cette tragédie se déroule devant nos yeux et nous ne pouvons pas nous permettre qu’elle se poursuive, a-t-il dit.
Le Secrétaire général a ensuite rappelé qu’il y a 27 ans, ce mois-ci, qu’a eu lieu la libération du Koweït des forces de Saddam Hussein. Il a vu dans l’anniversaire de cet événement, résultant d’une mesure prise par la communauté internationale pour défendre la Charte, une illustration adaptée au débat de ce jour. La Charte des Nations Unies a résisté à l’épreuve du temps, a-t-il affirmé. Rédigée après le total écroulement de l’ordre international, elle a aidé à remettre le monde d’aplomb et elle fait aujourd’hui partie des remparts contre les crimes internationaux, a ajouté le Secrétaire général.
Pour M. Guterres, les principes de la Charte –le non-recours à la force, le règlement pacifique des différends, la non-intervention, la coopération, l’autodétermination et la souveraine égalité des États Membres– demeurent à la base des relations internationales. Les valeurs que la Charte proclame –l’égalité des droits, la non-discrimination, la tolérance et les relations de bon voisinage– sont les principes directeurs de l’harmonie internationale. Le Secrétaire général a souligné l’émergence de nouvelles menaces, la complexité accrue des conflits, rappelant que les conséquences de l’instabilité allaient bien au-delà de son origine.
Répondre au défi des migrations, des changements climatiques et des inégalités mettra à l’épreuve la Charte et notre capacité à assurer un meilleur monde pour tous, a poursuivi M. Guterres. « Si les principes de la Charte demeurent plus pertinents que jamais, nous devons continuer à en adapter les outils, à utiliser ces derniers avec une plus grande détermination, et nous devons retourner aux racines de la Charte pour mieux servir les peuples », a-t-il déclaré.
Le Secrétaire général a ensuite mis l’accent sur l’importance de la prévention et appelé à un rééquilibrage de l’approche collective relative à la paix et à la sécurité internationales. Notre but doit être de tout faire pour aider les pays à éviter l’émergence des crises les plus graves pour l’humanité, a-t-il dit, ajoutant que cette vision allait au-delà des conflits pour embrasser aussi les catastrophes naturelles. Nous devons nous engager en faveur de tous les droits humains et éliminer les discriminations basées sur le genre, la religion, la race, la nationalité ou tout autre élément, a poursuivi M. Guterres.
Le Secrétaire général a rappelé que la prévention des conflits incombait au premier chef aux États Membres, avant de citer les instruments prévus au Chapitre VI de la Charte pour faciliter le règlement pacifique des différends, parmi lesquels la négociation, l’arbitrage, la conciliation ou encore la médiation. Il a encouragé les États Membres à accepter la clause de juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice et à faire davantage appel à la Cour et à d’autres tribunaux internationaux pour éviter une escalade des différends. Il a en outre rappelé que le nouveau Conseil consultatif sur la médiation avait pris, il y a quelques semaines, sa première initiative. Mes bons offices sont disponibles pour tous les États Membres pour aider à prévenir, gérer et résoudre les conflits, a encore déclaré le Secrétaire général, qui a exhorté une nouvelle fois le Conseil à assumer ses responsabilités et à promouvoir un règlement politique en Syrie, avant d’ajouter que la pérennisation de la paix était un élément clef de la prévention, laquelle dépend aussi de la promotion du développement durable.
Si les opérations de maintien de la paix n’apparaissent pas dans la Charte, cette activité emblématique de l’ONU est enracinée dans ses principes, démontrant la flexibilité de la Charte, a poursuivi M. Guterres, qui a ensuite mentionné les défis auxquels le maintien de la paix doit faire face. Souvent, les Casques bleus sont déployés indéfiniment dans des environnements dangereux où il n’y a pas de paix à préserver, où aucune solution politique n’est en vue, où de multiples groupes armés opèrent, a-t-il fait observer. Pour toutes ces raisons, l’ONU finit par être « la baby-sitter de crises » et se limite à les contenir, a poursuivi M. Guterres, pour qui cette attitude « n’est pas soutenable ».
Le Secrétaire général a indiqué que les efforts de réforme en cours au sein de l’ONU visaient à recentrer le maintien de la paix autour d’attentes réalistes, à déployer des forces bien structurées et équipées et à mobiliser le soutien nécessaire de la part des pays hôtes. Il a souhaité que le Conseil fournisse des mandats clairs et pertinents, avant d’appeler tous les États Membres à lui apporter leur appui. Dans le même temps, le maintien de la paix n’est pas la solution à toutes les situations de crise, a également fait valoir M. Guterres, qui a mis en avant d’autres types d’action, comme les opérations antiterroristes menées par une coalition d’États Membres. Là aussi, des mandats clairs et prévisibles, ainsi qu’un financement pérenne, sont essentiels, a-t-il insisté.
Le Secrétaire général a rappelé que le nombre de régimes de sanctions décidés par les Nations Unies était le plus élevé de toute l’histoire de l’Organisation. Puisque leur mise en œuvre va au-delà des États Membres, une attention plus grande doit être portée sur le secteur privé, en particulier le secteur financier, a-t-il dit, avant de rappeler qu’il allait « prendre bien soin d’éviter des conséquences inattendues, y compris sur le plan humanitaire », du fait de l’imposition de sanctions.
Souhaitant tirer les enseignements de l’application des Chapitres VI, VII et VIII, le Secrétaire général a souligné l’importance des acteurs régionaux, et en particulier le dynamisme du partenariat entre l’ONU et l’Union africaine, matérialisé par la signature de deux nouveaux accords-cadres sur la paix et la sécurité et le développement durable. Il a de nouveau appelé la communauté internationale à « assurer le financement des forces africaines opérant en Somalie, au Sahel et autour du lac Tchad ».
Les réformes engagées dans les domaines de la paix et de la sécurité, du développement et de la gestion, ont pour but de rendre l’ONU plus efficace dans la réalisation de la vision contenue dans la Charte, a encore affirmé le Secrétaire général, qui a conclu en affirmant que le Secrétariat se tenait prêt à aider les États Membres à pleinement embrasser l’esprit de la Charte.
M. BAN KI-MOON, huitième Secrétaire général des Nations Unies, a fait remarquer que « le monde est complètement différent de ce qu’il était il y a 70 ans, lors de la fondation des Nations Unies », soulignant qu’on était passé de guerres à grande échelle entre États à des défis mondiaux nouveaux et de plus en plus nombreux. Il a cité en exemple de ces défis les changements climatiques, les dizaines de millions de réfugiés, l’extrémisme violent, le terrorisme et la prolifération nucléaire. Il a mis en parallèle la quatrième révolution industrielle, qui a permis des avancées technologiques énormes comme l’intelligence artificielle, la nanotechnologie et l’ingénierie biologique, tout en soulignant que cela aurait également un impact important sur l’environnement sécuritaire du futur.
Dans ce contexte, « certains remettent en question le rôle et l’efficacité des Nations Unies dans leur ensemble », a noté M. Ban, qui a fait valoir que, sans l’ONU, la communauté internationale n’aurait pas réussi à éviter une autre guerre, ni à faire de progrès importants en termes d’éradication de la pauvreté extrême, de promotion de la santé publique et d’accès à l’éducation. Et d’ajouter: « Qui d’autre aurait pu donner une légitimité aux actions que le Conseil de sécurité prend pour résoudre les conflits aujourd’hui? »
Les responsabilités principales dévolues au Conseil de sécurité pour maintenir la paix et la sécurité internationales sont donc plus que jamais nécessaires, en a déduit l’ancien Secrétaire général, avant de saluer les relations de travail améliorées du Conseil avec les autres piliers du système des Nations Unies et l’accent qu’il met sur le concept de « maintien de la paix ». En s’attaquant aux causes profondes du conflit et en œuvrant à leur prévention, aux côtés des parties prenantes nationales et internationales, le Conseil et l’Organisation seront plus forts, a-t-il assuré.
M. Ban a prôné une réforme du Conseil de sécurité afin de pouvoir répondre efficacement aux défis de sécurité non traditionnels et transnationaux tels que les changements climatiques, le terrorisme et l’extrémisme violent, la prolifération nucléaire ou encore l’insécurité transfrontalière, faisant valoir la nécessité de rendre plus souple son processus décisionnel. « La réforme du Conseil de sécurité se fait attendre depuis longtemps », a-t-il observé.
M. Ban a en même temps rappelé que « la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité incombe aux États Membres eux-mêmes », dénonçant l’incapacité de certains dirigeants nationaux à s’acquitter de leurs responsabilités de protéger leurs propres citoyens, alors qu’ils se cachent derrière les concepts de l’appropriation nationale et de la souveraineté des États. Faisant le bilan des leçons apprises, il a estimé que le Conseil de sécurité ne devait pas, dans de telles situations, se contenter de lancer des appels à l’action, mais qu’il devait agir.
M. Ban a ensuite abordé divers conflits internationaux et régionaux. Au Moyen-Orient, il a recommandé de se « préparer à l’ère post-EIIL (État islamique d’Iraq et du Levant) ». Le Conseil de sécurité, à son avis, doit se concentrer davantage sur le nord de la Syrie, la guerre civile en cours dans le pays, la tension sur les hauteurs du Golan et la crise syrienne des personnes déplacées et des réfugiés. « Ces problèmes pourraient refaire surface, menacer gravement la stabilité régionale et provoquer d’autres conflits entre les États de la région », a-t-il averti, en précisant notamment qu’une telle instabilité pourrait conduire à exacerber les tensions entre l’Iran et l’Arabie saoudite et rapprocher Israël et l’Iran d’un conflit direct. Quant à Daech, il a rappelé qu’on ne pouvait exclure qu’après sa défaite au Moyen-Orient, l’organisation terroriste aille « s’installer dans des endroits vulnérables tels que la Libye ». M. Ban a également fait état de ses préoccupations concernant la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent au Sahel, rappelant qu’il avait mis sur pied, en juin 2013, la « Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel ».
M. Ban a ensuite souhaité que l’ONU, en particulier le Conseil de sécurité, continue à renforcer le multilatéralisme. Il a appelé tous les Membres de l’ONU à appliquer fidèlement et complètement le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur les changements climatiques tout en faisant face à d’autres nouveaux défis, notamment la prolifération des armes de destruction massive.
M. Ban s’est enfin longuement attardé sur la situation dans la péninsule coréenne, estimant qu’il y avait là « notre défi le plus sérieux et le plus imminent à l’heure actuelle ». Pour M. Ban, qui a rappelé les lourdes sanctions imposées l’an passé par le Conseil à la RPDC, « il est essentiel que le Conseil de sécurité agisse de manière ferme et unifiée jusqu’à la fin du démantèlement complet, vérifiable et irréversible des armes nucléaires et des programmes de la Corée du Nord ». Il a aussi exhorté les autorités de la RPDC à respecter pleinement les résolutions pertinentes du Conseil, tout en invitant tous les États Membres à faire leur part pour aider à résoudre le problème par des efforts diplomatiques. « Ce n’est que lorsque nous chercherons des solutions à tous ces problèmes par des moyens pacifiques que nous pourrons faire respecter les principes et les buts consacrés dans la Charte des Nations Unies », a-t-il estimé.
Se félicitant de la participation des athlètes nord-coréens aux Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, en République de Corée, le huitième Secrétaire général a également salué la récente reprise du dialogue intercoréen et l’atmosphère réconciliatrice qui en résulte entre les deux États. Il a appelé à conserver cette dynamique de dialogue durement acquise en vue d’un processus plus significatif et plus authentique de réconciliation, de paix et de dénucléarisation ultime de la RPDC, condition nécessaire à ses yeux pour garantir la stabilité dans toute l’Asie du Nord-Est. M. Ban a dit compter sur un appui sans réserve de la part de l’ONU, et sur le Conseil de sécurité pour faire avancer l’ensemble du processus dans ce sens, estimant en outre que les États-Unis pouvaient jouer un rôle crucial dans l’engagement avec la RPDC.
M. Ban a conclu son intervention sur un sujet qui lui est cher, à savoir le « pouvoir unique du sport de contribuer à la paix et au développement », se disant « heureux d’avoir revu cette énergie positive » dans son pays lors des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang.
M. SABAH KHALID AL HAMAD AL SABAH, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, a commencé par citer le Préambule de la Charte des Nations Unies: « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande. »
M. Al Sabah a ensuite présenté la Charte comme un instrument du droit international à la disposition des États Membres, dont il est nécessaire de mettre en œuvre et de respecter les buts et principes « sur un pied d’égalité », dans le respect de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États ainsi que dans le respect des droits de l’homme. Or, certains États y circonviennent de façon flagrante, comme nous en avons fait l’expérience au Koweït, a dénoncé M. Al Sabah, qui a précisé que le sujet à l’ordre du jour du Conseil n’avait « pas été choisi par hasard ». En réalité, ces buts et principes représentent la « première ligne de défense » de petits pays comme le mien, a expliqué le Vice-Premier Ministre. C’est la raison pour laquelle, chaque année, le 26 février, le Koweït fête sa « libération ». Légitimée par le Conseil de sécurité, l’opération militaire conduite en 1991 au Koweït illustre aux yeux de M. Al Sabah ce que la communauté internationale peut accomplir face à une invasion, dans le respect de la légalité internationale.
Aujourd’hui, plus que jamais, l’importance de la Charte demeure, a poursuivi M. Al Sabah, qui a observé que les mesures prises par le Conseil en temps de crise l’étaient souvent en réaction après que les événements se sont produits, alors que la Charte prévoit aussi des outils de diplomatie préventive. Quant à l’alerte précoce, elle requiert une volonté politique du Conseil en temps opportun, comme l’ont rappelé le massacre de Srebrenica ou le génocide au Rwanda. Le Ministre s’est dit convaincu du rôle décisif que les organisations régionales et internationales concernées peuvent jouer dans ce contexte.
Le Conseil lui-même dispose de maints outils pour résoudre les crises avant même qu’elles n’éclatent, mais la possibilité d’y faire appel dépend de son unité, malheureusement mise à mal par les divergences et l’exercice du droit de veto, a également fait observer M. Al Sabah. Il en a voulu pour preuve le conflit syrien, qui a coûté la vie à 400 000 personnes en sept ans. Aussi le Vice-Premier Ministre a-t-il salué les efforts consentis par le Secrétaire général pour améliorer les piliers paix et sécurité des Nations Unies et a apporté son soutien à son action en faveur de la diplomatie préventive.
Dans la mesure où les causes profondes des conflits sont surtout liées à des problèmes économiques et de développement, le Vice-Premier Ministre a également tenu à rappeler la nécessité de ne pas négliger les liens que paix et sécurité entretiennent avec les questions de développement. Il a ainsi rappelé que l’objectif 16 de développement durable mettait l’accent sur la promotion de sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, l’accès à la justice pour tous et le renforcement des institutions responsables et efficaces à tous les niveaux.
M. JACEK CZAPUTOWICZ, Ministre des affaires étrangère de la Pologne, a souligné l’engagement indéfectible de son pays en faveur de la paix et de la sécurité internationales. Il a rappelé qu’aux termes de l’Article 2 de la Charte, les États Membres doivent s’acquitter de bonne foi de leurs obligations. Le respect des obligations du droit international de bonne foi postule par conséquent que les États doivent s’abstenir de tout acte contraire à la bonne exécution de leurs obligations et, si un État ne respecte pas cet Article 2, la Charte s’en trouve fragilisée, a ajouté le Ministre.
M. Czaputowicz a estimé que le Conseil était le gardien des principes de la Charte et devait en conséquence être considéré comme le garant en dernier ressort de la souveraineté territoriale des États, du règlement pacifique des différends, de l’interdiction du recours à la force ou bien encore du respect des droits de l’homme. Soulignant l’importance de poursuivre en justice les auteurs des crimes les plus graves, le Ministre s’est dit très préoccupé par les violations du droit humanitaire et de la Convention sur les armes chimiques en Syrie. Il a dénoncé le bombardement, hier, de la Ghouta orientale, ajoutant que rien ne pouvait justifier des attaques indiscriminées contre des civils innocents. Ces attaques doivent cesser et les parties au conflit doivent se conformer à leurs obligations, a-t-il déclaré, en appelant à la cessation des hostilités en Syrie. Enfin, le Ministre a tenu à rappeler que le Conseil avait l’obligation, selon la Charte, d’agir en conformité avec ses principes.
M. MARCEL AMON-TANOH, Ministre des affaires étrangères de la Côte d’Ivoire, a tout d’abord indiqué que son pays, qui siégeait au Conseil de sécurité en 1990-91, avait grandement contribué au « triomphe » des valeurs inscrites au Préambule de la Charte en jouant un « rôle décisif » dans l’adoption des résolutions 678 (1990) et 687 (1991), relatives à la fin de l’annexion du Koweït par l’Iraq.
Le Ministre a ensuite souligné que la pérennité de l’architecture de maintien de la paix et de la sécurité internationales repose sur la capacité d’adaptation de la Charte aux exigences liées à chaque période majeure de l’Histoire. Il convient, dans ces conditions, de mesurer l’impact du changement de la nature des conflits et de l’apparition des nouvelles menaces globales sur l’efficacité des instruments de la Charte, a-t-il ajouté.
Insistant sur l’impérieuse nécessité de promouvoir une « culture de la prévention », M. Amon-Tanoh a constaté que l’efficacité des bons offices du Secrétaire général reposait sur la capacité de ce dernier à incarner l’autorité morale de l’Organisation ainsi que sur sa force de persuasion. Appelant à faire de la prévention des conflits un élément majeur de l’ingénierie des Nations Unies dans le domaine de la paix et de la sécurité, il a notamment encouragé l’encadrement et le soutien aux mécanismes d’alerte rapide mis en place par les organisations sous-régionales et régionales, ainsi que l’appui à l’émergence de mécanismes de prévention constitués par les structures de la société civile.
M. Amon-Tanoh a aussi constaté que l’efficacité des instruments de la Charte était mise à rude épreuve lorsqu’ils sont confrontés à de graves violations des droits de l’homme et aux crimes de masse tels que perpétrés en Somalie, en 1993, au Rwanda, en 1994, et en Bosnie, en 1995, « alors même qu’une opération de maintien de la paix était présente sur le terrain ». Il n’en a pas moins souligné les « transformations profondes et multidimensionnelles » des opérations de maintien de la paix, inspirées par les leçons du massacre de Srebrenica, en Bosnie et du « génocide des Tutsis » au Rwanda. Certes ces réponses sont encore imparfaites, mais elles sont dans bien des cas les seules qui aient pu sauver des millions d’êtres humains et permis de nombreux succès dans plusieurs pays, a-t-il commenté.
Le Ministre a notamment indiqué que le succès de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) avait été l’aboutissement d’un processus au cours duquel son pays avait expérimenté toutes les mesures prévues par la Charte et adoptées par le Conseil de sécurité. Il a cité, entre autres, un accord politique et l’autorisation des parties préalables au déploiement de l’ONUCI ainsi qu’un régime de sanctions comprenant un embargo sur les armes, les diamants et des sanctions individuelles. Il a aussi cité l’autorisation de recourir à la force pour détruire les armes lourdes qui menaçaient les civils, et le respect de l’accord politique et du résultat des urnes, certifié par les Nations Unies.
M. Amon-Tanoh a en outre souhaité que le système de maintien de la paix et de la sécurité internationales apporte de nouvelles réponses pour faire face aux défis globaux, notamment le terrorisme et les changements climatiques. Il a réclamé une coopération plus étroite entre l’ONU et les organisations régionales qui, a-t-il souligné, constituent un atout décisif dans le combat contre le terrorisme, à l’exemple du G5 Sahel et de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). « Notre Conseil doit aller plus loin dans son soutien à ces structures qui mènent déjà des guerres que les Nations Unies ne sont pas prêtes à faire », a-t-il affirmé.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a déclaré que, trop souvent, les États Membres invoquent la Charte des Nations Unies non pas pour agir, mais pour excuser leur inaction. Or, la Charte engage tous les États Membres à rechercher la paix et la sécurité sur la base du respect du principe de l’égalité des droits et de l’autodétermination. Elle appelle les États Membres à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales de tous. « La souveraineté, bien sûr, est d’une importance critique », a déclaré la représentante. Mais la souveraineté n’est pas une excuse pour qu’un gouvernement utilise « la violence et le viol » pour expulser un groupe minoritaire vers un pays voisin, comme l’ont fait les forces de sécurité birmanes, a dénoncé Mme Haley. Et la souveraineté n’est pas une excuse pour qu’un régime s’en prenne à son propre peuple, comme le « régime d’Assad » le fait en Syrie, sans que ce Conseil ne fasse rien. La souveraineté n’est pas une excuse pour qu’une dictature abuse de son peuple, déclenche la violence, fomente un conflit régional, puis s’en tire sans laisser de traces. Si c’était vrai, nous n’aurions aucune raison d’être ici, s’est élevée la représentante.
Pour que les termes de la Charte aient un sens, tous les États Membres doivent rendre des comptes et s’y conformer, et le Conseil de sécurité doit être disposé à agir en cas de violation, a poursuivi Mme Haley. Trop d’États Membres ont manqué à leur obligation de respecter les sanctions imposées par le Conseil contre la RPDC, a-t-elle poursuivi, ajoutant que, « en attendant, Pyongyang continue de développer son arsenal nucléaire, menace ses voisins et refuse catégoriquement de discuter de la dénucléarisation. Nous devons faire mieux ». Pendant trop longtemps, le Conseil a vu l’Iran jouer un rôle profondément déstabilisateur au Moyen-Orient sans s’attaquer à la menace régionale urgente qu’il représente, a ensuite accusé la représentante des États-Unis, qui a ajouté qu’en Ukraine, « la Russie reste une force d’occupation en Crimée et une force déstabilisatrice dans l’est de l’Ukraine ».
« Permettez-moi de le répéter: les droits souverains des nations sont fondamentaux. Mais lorsque nous ne respectons pas le principe de la souveraineté en permettant aux régimes de Kim, d’Assad et de Putin d’agir en toute impunité, c’est le contraire qui est vrai. »
« Lorsque le Conseil de sécurité demande des comptes aux nations qui violent la Charte des Nations Unies, nous protégeons la souveraineté », a argué Mme Haley, qui a ensuite cité en exemple l’invasion du Koweït par l’Iraq en 1990. « Après l’invasion, Saddam Hussein a ignoré 11 résolutions du Conseil de sécurité lui demandant de se retirer. Et puis, le 29 novembre 1990, le Conseil de sécurité a invoqué à juste titre le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Cela a donné à Saddam Hussein une dernière chance de faire ce qui était juste. En janvier 1991, après avoir refusé d’obtempérer, une coalition de 34 pays menée par les États-Unis a commencé à se battre pour libérer le Koweït. Les efforts de cette coalition ont été couronnés de succès. La preuve est ici même aujourd’hui, avec la présidence du Conseil de sécurité par la nation souveraine du Koweït », a conclu la représentante.
M. MUKHTAR TLEUBERDI, Premier Vice-Ministre des affaires étrangères du Kazakhstan, a déclaré qu’aujourd’hui, le monde était plus proche que jamais du moment où des conflits internationaux sont sur le point d’éclater. Les menaces posées par l’utilisation des armes de destruction massive, la rivalité croissante entre puissances régionales, ainsi que les tensions entre blocs régionaux, ainsi que la crise de confiance entre les acteurs clefs des relations internationales sont source de sérieuses préoccupations, a-t-il analysé. Cette situation exige un changement de paradigme « urgent et spectaculaire » dans la manière de concevoir le dialogue de haut niveau et des « plateformes délibératives » propices à entreprendre des actions concrètes, a estimé M. Tleuberdi, qui a rappelé que la vision que son pays avait élaborée pour réaliser un « monde sans guerres » était contenue dans le manifeste Le Monde, XXIe siècle.
Considérant que l’un des principaux objectifs de la Charte des Nations Unies est de « préserver les générations futures du fléau de la guerre » et d’« adopter des mesures collectives efficaces pour prévenir et éliminer les menaces à la paix », nous devons donc faire un effort concerté et déterminé pour y parvenir, a dit le Premier Vice-Ministre, qui a présenté une stratégie de résolution des conflits articulée autour de trois phases: la réconciliation de la paix et de la sécurité avec les objectifs de développement durable pour réaliser une paix durable; une approche régionale pour répondre aux problèmes transfrontaliers tels que le terrorisme, la détérioration de l’environnement et la pauvreté; et une coordination et une interaction des entités des Nations Unies pour améliorer la situation dans le monde.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a exhorté le Conseil à agir dans l’unité pour appliquer les principes de la Charte, comme il a pu le faire en Colombie, au Libéria, dans la lutte contre Daech ou encore pour dénoncer le programme nucléaire militaire de la République populaire démocratique de Corée. Le manque d’unité du Conseil est une entrave au progrès, a-t-il ajouté, en mentionnant l’occupation russe en Ukraine.
Nous devons pouvoir coopérer en vue d’alléger les souffrances du peuple syrien, a poursuivi M. Allen, pour qui « nos échecs sont frustrants et ont des conséquences dévastatrices ». Le représentant a affirmé que la Ghouta orientale, loin d’être une « zone de désescalade », était une zone de destruction et de mort et a exhorté le Conseil à agir pour y remédier. Il a jugé inacceptables les échecs sur le volet des armes chimiques en Syrie, avant d’assurer que son pays ne voterait jamais contre un texte permettant d’éviter des atrocités de masse.
M. Allen a par ailleurs souligné la nécessité de remédier au fléau des crimes sexuels au sein des opérations de maintien de la paix. Nous devons nous demander ce que nous pouvons faire pour nous montrer à la hauteur des principes de la Charte, a-t-il conclu.
M. MA ZHAOXU (Chine) a affirmé que la Charte des Nations Unies, qui doit être protégée, avait permis de donner une voix aux sans-voix. Il s’est ensuite lancé dans un plaidoyer en faveur de l’égalité souveraine et de la coexistence pacifique des États, qui doivent s’émanciper de la « mentalité de la guerre froide ». Il est important, a poursuivi le représentant, de promouvoir la sécurité commune dans le cadre d’une approche globale, en s’attaquant aux différents foyers de conflit, approche dont le Conseil de sécurité, chargé de maintenir la paix et la sécurité, est le garant. La Chine, Membre fondateur des Nations Unies, est prête à défendre les normes internationales fixées par la Charte des Nations Unies.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a tout d’abord rappelé que la Ligue des Nations avait échoué à prévenir l’irruption de la Seconde Guerre mondiale, principalement en raison de l’indifférence de ses membres face au « mépris flagrant » des buts et principes du droit international régissant les relations entre États. Il a ensuite appelé à appliquer les principes de la Charte d’une manière qui concorde avec les réalités actuelles et a fait part de son appui au programme de réforme de l’ONU.
Évoquant les problèmes liés au terrorisme, à la prolifération des armes de destruction massive, aux changements climatiques ou encore aux pandémies sanitaires, le représentant a souligné que personne ne pouvait y échapper, ni prétendre disposer de la panacée pour y répondre seul. Pour y faire face, nous devons travailler ensemble en honorant les buts et principes de la Charte, a-t-il souligné.
M. Alemu a reconnu que les échecs du passé avaient entaché la crédibilité de l’ONU, pour ensuite attirer l’attention sur les situations où l’Organisation avait su être à la hauteur de ses principes. Grâce à cela, a-t-il enchaîné, un pays, dont l’intégrité territoriale avait été violée il y a 27 ans, a pu recouvrer sa souveraineté et préside aujourd’hui le Conseil de sécurité, s’est-il félicité, rappelant dans la foulée que l’Éthiopie avait siégé au Conseil pendant la guerre du Golfe et avait appuyé toutes les résolutions visant à rétablir la souveraineté du Koweït.
M. Alemu a ensuite regretté que le Conseil de sécurité ne fasse pas un meilleur usage des instruments que la Charte met à sa disposition et qui lui permettraient, entre autres, de dépasser les politiques contre-productives découlant d’intérêts nationaux étroits qui, a-t-il mis en garde, créent ensuite des politiques de « deux poids, deux mesures » et sapent la crédibilité de l’organe. Il a appelé les États Membres à faire preuve de consistance dans leur « fidélité » aux principes de la Charte, avertissant que tout échec entraîne de graves conséquences, comme son pays a d’ailleurs pu en être témoin. Il a ensuite cité l’Empereur Hailé Sélassié, qui avait déclaré devant l’Assemblée générale, en 1963, que « cette organisation et chacun de ses membres ont une responsabilité écrasante et impressionnante: absorber la sagesse de l’Histoire et l’appliquer aux problèmes du présent pour que les générations à venir puissent naître, vivre, et mourir en paix ».
M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a souligné l’importance de la sécurité collective comme instrument de prévention, ajoutant que les sanctions ne pouvaient être une fin en soi. Il a mentionné les succès engrangés par l’ONU durant les sept dernières décennies, avant d’insister sur la pertinence intacte de la Charte et de ses principes. Ces principes doivent rester sacrés et être défendus par tous les pays, en vue de défendre le bien commun, a déclaré le représentant, qui en a déploré les violations, avant d’exhorter l’ONU à changer afin de conserver sa pertinence dans un monde en évolution. Les États Membres doivent être suffisamment courageux pour rénover l’Organisation, a poursuivi M. Esono Mbengono, tout en soulignant le rôle vital de l’ONU. Le représentant a appelé au respect des choix des pays lorsqu’ils arrêtent des modèles de développement. Enfin, il a rappelé que la sécurité de son pays avait été menacée en décembre dernier, ajoutant qu’un massacre avait pu être évité.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a attiré l’attention sur l’importance du principe de règlement pacifique des différends, plaidant en faveur d’une Organisation plus active dans la promotion des moyens pacifiques prévus au Chapitre VI de la Charte: « négociation, enquête, médiation, conciliation, arbitrage, règlement judiciaire, et recours aux organismes ou accords régionaux ». Pour sa part, le Pérou reste engagé en faveur du droit international et de son développement progressif.
C’est la raison pour laquelle le représentant s’est dit préoccupé par l’interprétation faite de la Charte, à laquelle sont attribuées des catégories absolues et prêtés des principes au détriment d’autres. En effet, a-t-il expliqué, souvent, on observe une contradiction entre, d’un côté, les principes de souveraineté, d’intégrité territoriale, et de non-ingérence, et de l’autre, ceux de justice et de respect des obligations pour les États que leur confie la même Charte, y compris en matière de droits de l’homme. Le résultat est souvent une impasse, qui, de manière regrettable, empêche la coopération requise pour que le système de sécurité collective puisse promouvoir une diplomatie préventive efficace. Nous devons garder à l’esprit que les principes du Chapitre II de la Charte sont orientés vers l’action collective, et qu’il y a donc complémentarité, a ajouté le représentant.
M. OLOF SKOOG (Suède) a affirmé qu’il incombait à chaque État Membre d’honorer et de défendre les règles inspirées par la Charte, soulignant qu’il s’agit là d’une obligation juridique qui doit être honorée de bonne foi. Il a déploré que les principes de la Charte demeurent hors de portée pour de nombreuses personnes dans le monde, pointant notamment « la poursuite de l’agression et l’annexion illégale » en Ukraine, les souffrances intolérables infligées à la population civile en Syrie, ainsi que l’incapacité à trouver une issue au conflit israélo-palestinien. Il a aussi cité la situation au Yémen, en République démocratique du Congo, en Libye et au Myanmar.
Le représentant a estimé que les membres permanents du Conseil de sécurité avaient une responsabilité particulière en vertu de la Charte. Il a notamment jugé « totalement inacceptable » le recours au veto pour protéger des « intérêts nationaux étroits » dans des situations d’atrocités de masse, et a appelé à respecter le Code de conduite du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (Groupe ACT) et de l’initiative franco-mexicaine qui vise à limiter le recours au veto dans de telles circonstances.
Le représentant s’est ensuite attardé sur la question de la résolution pacifique des différends et a appelé le Conseil de sécurité à avoir davantage recours aux mesures précoces, citant notamment en exemple sa prompte réponse face à la crise en Gambie, l’an dernier. Il a aussi appelé le Conseil à appuyer les efforts de médiation et les bons offices d’une manière unifiée. Le Conseil doit aussi faire plein usage du Chapitre VIII de la Charte et encourager le règlement des différends par l’intermédiaire des dispositifs régionaux. Il devrait aussi envisager plus activement la possibilité de faire des renvois à la Cour internationale de Justice (CIJ), a-t-il ajouté.
Le représentant a par ailleurs engagé le Secrétaire général à faire davantage usage de l’Article 99 de la Charte qui lui permet de porter à l’attention du Conseil toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a rappelé que le Secrétaire général avait récemment agi de la sorte en attirant l’attention sur la situation du Myanmar.
Après avoir rappelé les principes de la Charte des Nations Unies, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a constaté que, malheureusement, le monde avait été témoin, tout au long de son histoire, de nombreuses violations de ces mêmes principes. En conséquence, la charge de travail du Conseil de sécurité ne diminue pas devant la multiplication des foyers de conflit, souvent provoqués par des interventions extérieures, a observé le représentant, qui a déploré que les mesures unilatérales, telles que les sanctions ou le fait de brandir la menace de la force, se substituent aux mesures collectives.
M. Nebenzia a ensuite vivement contesté les déclarations de son homologue des États-Unis, lui demandant de cesser de parler de « régime russe »: « nous sommes une république, avec un président élu, comme en Syrie », a tranché le représentant. La Fédération de Russie a rappelé que le « chaos » avait été « semé » au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, donnant naissance à une « internationale terroriste », qui sème « l’horreur et la souffrance ». Quant à la question de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale de la Syrie, elle demeure une « monnaie d’échange » pour des acteurs géopolitiques extérieurs à ce pays, a analysé le représentant, en s’en prenant à « ceux qui ont pensé pouvoir y installer la démocratie par les bombes ». Le représentant a ensuite proposé que la présidence du Conseil de sécurité organise, demain, une séance publique pour discuter de la situation dans la Ghouta orientale.
Par ailleurs, le représentant a dénoncé des « ingérences claires de l’extérieur », qui avaient entraîné un changement anticonstitutionnel de gouvernement en Ukraine. « Pourquoi, en 2014, n’a-t-on pas prêté d’attention à ce qui nous réunit aujourd’hui? » a-t-il ironisé. La Fédération de Russie souhaite la résolution du conflit en Ukraine le plus rapidement possible, a assuré M. Nebenzia, qui a néanmoins ajouté que, lorsque Kiev « sabote » le processus de Minsk tout en « vendant au reste du monde » sa « propagande » sur ce qui se passe dans l’est de l’Ukraine, cela pose problème.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que, face aux défis mondiaux actuels, « rien n’est plus efficace que le multilatéralisme ». « La conviction profonde de la France est qu’à chaque fois que nous acceptons que la résolution de crises internationales se déroule hors du cadre multilatéral, hors du système de règles dont nous nous sommes dotés en 1945, nous laissons la loi du plus fort l’emporter », a-t-il remarqué. Appelant le Conseil de sécurité à poursuivre ses efforts pour tirer pleinement parti des outils que la Charte met à sa disposition pour remplir sa responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, le représentant a ensuite mis l’accent sur trois axes.
M. Delattre a d’abord préconisé de rendre plus opérationnel le règlement pacifique des différends en faisant de la prévention des conflits une réalité. Il a rappelé que l’Article 33 de la Charte met l’accent sur la négociation et a cité deux exemples de négociations réussies grâce à la persévérance des acteurs concernés: le Plan d’action global commun relatif au programme nucléaire de l’Iran et le processus de paix en Colombie. Le représentant a salué en ce sens la création du Haut Conseil de la médiation, y voyant un moyen de renforcer encore la capacité d’action du Secrétaire général, et a rappelé que le rôle premier des envoyés spéciaux du Secrétaire général était justement d’être des médiateurs, notamment en Syrie, en Libye ou au Yémen. Il a ensuite rappelé que la médiation n’était que « l’ingrédient » de la prévention et a appelé à la mobilisation pour éviter la dégradation de situations de tensions en véritables conflits, ce qui implique d’« avoir une vision proactive et globale ».
Le représentant a ensuite mis l’accent sur la promotion du respect du droit international et le recours à la justice internationale pour assurer le règlement pacifique des différends. Il a rappelé à cet égard le rôle essentiel joué par la Cour internationale de Justice, « organe établi par la Charte ». Il a ensuite rappelé que le maintien de la paix et de la sécurité internationales « ne pouvait se concevoir sans respect et protection des droits de l’homme et du droit international humanitaire », citant la « litanie insupportable » des violations de ce type en Syrie, au Yémen ou en « Birmanie ». Le respect des droits de l’homme et du droit international « n’est pas une concession ou une faveur mais une impérative obligation », a poursuivi M. Delattre, qui a rappelé le partenariat international lancé en janvier contre l’impunité de ceux qui se sont rendus coupables de l’utilisation d’armes chimiques, avant de souligner le rôle de la Cour pénale internationale (CPI). Il a également rappelé une nouvelle fois la proposition franco-mexicaine tendant à une suspension volontaire et politique du recours au droit de veto en cas d’atrocités de masse.
Enfin, M. Delattre a rappelé que, « lorsque les circonstances l’exigent », le Conseil avait « non seulement la possibilité, mais également l’obligation » de faire usage d’outils permettant de faire respecter les principes et buts de la Charte. Parmi ces outils, le représentant a cité en premier lieu les opérations de maintien de la paix, rappelant à la fois leurs succès et leurs difficultés. Il a plaidé pour que le Conseil, mais aussi l’Assemblée générale, les États hôtes, les pays fournisseurs de contingents ou les organisations régionales travaillent ensemble à les rendre encore plus efficaces. Il a souligné en ce sens la « clairvoyance » de la Charte, dont le Chapitre VIII est relatif aux accords régionaux. Il a également rappelé les « progrès spectaculaires » réalisé ces dernières années par le Conseil pour adopter des sanctions ciblées, minimisant ainsi leur impact sur les populations civiles. Enfin, citant le cas de la libération du Koweït en 1991, il a rappelé que l’usage de la force « dans le respect des règles de la Charte » était « parfois indispensable pour faire respecter le droit international ».
En conclusion, M. Delattre a rappelé que la Charte avait été réformée par le passé, citant l’élargissement du Conseil de sécurité en 1965. La France est favorable à une réforme du Conseil et sa position est bien connue, a-t-il ajouté, estimant que le Conseil devait « se montrer exigeant avec lui-même pour trouver les moyens de surmonter ses divisions ».
M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a indiqué que la Charte, vieille désormais de 72 ans, était un « texte vivant » et fournissait tous les instruments nécessaires pour le maintien et la restauration de la paix. Les États membres du Conseil ont l’obligation de se mettre d’accord afin que le Conseil puisse agir de manière efficace, a-t-il ajouté.
Le représentant a mentionné trois domaines dans lesquels le Conseil pourrait agir de manière plus efficace. Le premier d’entre eux est la prévention, a-t-il déclaré, ajoutant que l’un des moyens les plus efficaces de prévenir un conflit armé était le règlement pacifique des différends. Il a ainsi exhorté les États Membres à accepter la clause de juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice. M. van Oosterom a dans un deuxième temps plaidé pour l’amélioration des opérations de maintien de la paix et exhorté le Conseil à adopter des « mandats robustes ». Enfin, le représentant a mis l’accent sur la redevabilité en exhortant le Conseil à agir afin que les décisions de la Cour pénale internationale soient mises en œuvre.
M. van Oosterom a également plaidé pour la suspension du droit de veto des membres permanents du Conseil en cas d’atrocités de masse. Les membres du Conseil ont l’obligation de trouver un terrain d’entente afin que le Conseil puisse agir de manière efficace, a-t-il réitéré, ajoutant que « les souffrances en Syrie, en particulier dans la Ghouta orientale, doivent cesser immédiatement ».
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déclaré que le multilatéralisme était en péril, demandant que soit respectée l’égalité entre États souverains et rejetant l’emploi de la force ou la menace de la force, sauf lorsque tous les autres moyens pacifiques de résolution des conflits ont été épuisés. Tous les efforts que nous fournissons au plus haut niveau resteront insuffisants si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes des conflits, que ce soit le colonialisme ou l’impérialisme, qui est contraire au droit international, a assuré le représentant. Il s’est ensuite élevé contre les interventions militaires conduites par des puissances étrangères ou le renversement anticonstitutionnel de gouvernements.