Soixante-treizième session,
35e & 36e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4244

La Troisième Commission examine les vulnérabilités des femmes face à la traite, l’esclavage moderne et au droit à l’alimentation

La Troisième Commission a poursuivi, aujourd’hui, son examen des différents droits de l’homme au travers d’un dialogue avec les Rapporteurs spéciaux traitant de questions aussi variées que la traite des êtres humains, les formes contemporaines d’esclavage ou le droit à l’alimentation, occasion pour ces derniers de mettre l’accent sur la vulnérabilité particulière des femmes, qu’elles soient victimes de trafics, travailleuses agricoles ou encore migrantes.  Les délégations ont par ailleurs pu prendre connaissance des travaux du Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée.

Dès l’introduction de son exposé, Mme Maria Grazia Giammarinaro, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a fait observer que ce fléau était généralement appréhendé comme une « question de sécurité ».  Soucieuse de combler une « lacune », elle a choisi de traiter dans son rapport de la dimension de genre, en voyant dans les femmes non seulement des victimes ou des victimes potentielles de la traite, mais aussi des agents du changement.

Alors que, depuis 2016, le Conseil de sécurité s’est spécifiquement penché sur la traite des personnes en axant cette question sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, avec un accent particulier sur le terrorisme, la Rapporteuse spéciale a jugé important d’intégrer une approche fondée sur les droits de l’homme et sur le genre dans les quatre piliers du programme « femmes, paix et sécurité » -Prévention, protection, participation et enfin, secours et relèvement- pour garantir des réponses plus efficaces à la traite, ainsi que contribuer aux processus de paix. 

En outre, Mme Giammarinaro a dit tenir fermement au rôle crucial de la femme dans la prévention de la traite, en particulier dans les situations de déplacement et d’après-conflit.  À ses yeux, il est possible, grâce à la participation et à l’autonomisation des femmes, d’adopter une approche globale et intégrée pour protéger les victimes et les victimes potentielles de la traite à des fins d’exploitation sexuelle dans le contexte de conflits.

La vulnérabilité des femmes tenait aussi une place centrale dans le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Mme Urmila Bhoola, qui traite cette année des dimensions liées au genre, en mettant un accent particulier sur la discrimination structurelle à l’égard des femmes et des filles, à la fois cause et conséquence des diverses manifestations de l’esclavage et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage dans le monde.

Globalement, les filles et les femmes qui travaillent constituent la très grande majorité des personnes dont les droits humains sont violés à travers des manifestations spécifiques, notamment les formes contemporaines d’esclavage telles que le travail forcé, le travail en servitude, la servitude, mariages forcés et autres pratiques analogues à l’esclavage, a expliqué Mme Bhoola.  Un constat que confirment les estimations mondiales sur l’esclavagisme moderne publiées en 2017, selon lesquelles les femmes et les filles représentent 71% des personnes exploitées, dont 58% dans le travail forcé, sur un total de 40,3 millions de personnes soumises à ce fléau.

La plupart des formes d’esclavage se produisant dans le secteur privé, les entreprises devraient se conformer aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies, a encore plaidé la Rapporteuse spéciale, mettant l’accent sur l’exploitation des femmes migrantes, provoquée selon elle par « la baisse d’opportunité d’emplois décents partout dans le monde et la course vers le bas notamment au niveau des différentes chaînes d’approvisionnement » mais aussi par les pratiques frauduleuses d’agences de recrutement de travailleuses domestiques.

Mme Hilal Elver, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a, quant à elle, mis en garde contre l’augmentation du nombre de personnes sous-alimentées dans le monde, au nombre de 821 millions selon les plus récents rapports de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Elle a aussi souligné le rôle essentiel des travailleurs agricoles -un tiers de la population active mondiale- dans la réalisation de l’objectif 1 de développement durable -« Faim zéro »- à l’horizon 2030, alors même que ces travailleurs, et particulièrement les femmes, sont paradoxalement les plus confrontés à l’insécurité alimentaire. 

La Rapporteuse spéciale a rappelé les conditions de travail dangereuses de ces travailleurs, souvent privés de protection face aux températures extrêmes et à l’exposition aux pesticides.  Elle a aussi critiqué le système de production industriel, basé sur la maximisation de l’efficacité à moindre coût.  À cet égard, elle a remercié le continent africain pour son soutien à la syndicalisation des travailleurs agricoles, notamment des femmes qui sont les plus mal représentées et font face à plus d’obstacles que les hommes .

Les délégations ont ensuite entendu M. Joseph Cannataci, Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, présenter le rapport de son groupe de travail sur les mégadonnées, lequel fait apparaître que les données sont un atout économique clef, au même titre que le capital et le travail.  De fait, leur dépendance totale aux informations personnelles exige une adaptation aux exigences des lois sur le droit à la vie privée et à la protection des données, a-t-il souligné.  Il a aussi invité les États Membres à travailler à la création de normes internationales pour le partage de données préservant la confidentialité et à poursuivre les activités internationales de normalisation.  En outre, il les a encouragés à ratifier la Convention modernisée pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite « Convention 108+ » et à la mettre en œuvre sans tarder dans le droit interne.

Pour finir, la Troisième Commission a repris sa discussion générale sur la protection et la promotion des droits de l’homme, à laquelle ont participé une vingtaine de délégations.

Lundi 29 octobre, à partir de 10 heures, la Troisième Commission achèvera sa discussion générale sur la protection et la promotion des droits de l’homme, avant de commencer l’examen des questions de racisme et d’autodétermination.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

Mme MARIA GRAZIA GIAMMARINARO, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a attiré l’attention sur les liens significatifs entre les femmes, la paix et la sécurité.  C’est pour combler cette « lacune », qu’elle se propose d’aborder la dimension de genre dans son rapport.  Jusqu’ici, a-t-elle fait observer, cette notion a été absente dans le traitement de cette problématique.  En effet, la traite est principalement appréhendée comme une « question de sécurité ». 

Or, pour la Rapporteuse spéciale, il est important d’intégrer une approche de la traite des personnes fondée sur les droits de l’homme et sur le genre dans les quatre piliers du programme « femmes, paix et sécurité » -prévention, protection, participation et enfin, secours et relèvement- pour garantir des réponses plus efficaces à la traite, ainsi que contribuer aux processus de paix.  Depuis 2016, le Conseil de sécurité s’est spécifiquement penché sur la traite des personnes relevant de son mandat sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, avec un accent particulier sur le terrorisme, comme cela a été reconnu dans ses résolutions 2331 (2016) et 2388 (2017).

Pour Mme Giammarinaro, la dimension genre de la traite des personnes dans les situations de conflit et de postconflit est avant tout une violation des droits de l’homme, qui devrait être traitée dans le cadre international des droits de l’homme.  Et cela est un message clef, a-t-elle insisté: les femmes doivent être considérées non seulement comme des victimes ou des victimes potentielles de la traite, mais également comme des agents du changement.

Mme Giammarinaro a dit tenir fermement au rôle crucial de la femme dans la prévention de la traite, en particulier dans les situations de déplacement et dans les situations d’après-conflit.  À son avis, il est possible, grâce à la participation et à l’autonomisation des femmes, d’adopter une approche globale et intégrée pour protéger les victimes et les victimes potentielles de la traite à des fins d’exploitation sexuelle dans le contexte de conflits. 

Le rapport, a expliqué Mme Giammarinaro, essaie de montrer qu’une telle approche peut efficacement compléter les efforts en cours contre la traite des êtres humains entrepris au niveau mondial, notamment au sein du Conseil de sécurité et d’autres organes intergouvernementaux, et réduire considérablement les vulnérabilités débouchant sur une exploitation sexiste. 

À cet égard, la Rapporteuse spéciale a brièvement traité de chacun des piliers du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, et présenté certaines des principales recommandations figurant dans son rapport.

Il s’agit d’abord de tenir dûment compte des « signes avant-coureurs » en ayant à l’esprit que les mesures prises ne doivent pas être axées uniquement sur les victimes, mais également sur les auteurs.  Il faut ensuite s’assurer que la justice dans les situations de conflit et d’après-conflit soit de nature transformatrice et s’attaque non seulement aux violations subies par chaque femme, mais également aux inégalités sous-jacentes qui rendent les femmes et les filles vulnérables en période de conflit.

Enfin, la participation significative des femmes est cruciale à tous les niveaux de la prise de décisions en matière de paix et de sécurité, comme en témoigne l’étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies.  Celle-ci conclut que les processus de paix incluant des femmes en tant que témoins, signataires, médiatrices ou négociatrices augmentent de 20% la probabilité qu’un accord de paix ait une durée minimale de deux ans.  L’impact est encore plus grand avec le temps, un accord de paix ayant 35% plus de chances de durer 15 ans si les femmes participent à sa conception.  En outre, l’intégration d’une perspective sexospécifique dans l’approche en matière de droits économiques et sociaux et de l’accès à ceux-ci au lendemain des conflits est essentielle au rétablissement sur le long terme. 

En conclusion, la Rapporteuse spéciale a insisté sur le droit à la réparation, un aspect, selon elle, impératif pour garantir aux victimes de la traite l’accès à des recours juridiques efficaces et appropriés.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Maria Grazia Giammarinaro, la Suisse a dit apprécier l’approche globale du rapport et le fait qu’il relève la nécessité d’intégrer la lutte contre la traite des êtres humains de façon plus inclusive dans le travail du Conseil de sécurité et de connecter cette problématique à l’agenda de la résolution 1325.  Elle a voulu savoir si des possibilités d’amélioration existent en matière d’échange d’informations entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité afin de garantir une approche fondée sur les droits de l’homme.  Elle a aussi demandé s’il existe des exemples concrets concernant l’intégration intégrale de la traite dans l’agenda pour le maintien de la paix.  Le Liechtenstein a voulu savoir comment évaluer les possibilités d’améliorer la lutte contre ces activités qui touchent essentiellement les femmes et les filles. 

L’Union européenne a salué l’accent mis dans le rapport sur la dimension de genre dans la traite des êtres humains en situation de conflit.  Elle a rappelé son engagement à concrétiser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et s’est dite préoccupée par la prévalence des violences sexistes contre les filles et les garçons dans les conflits.   Notant que Mme Giammarinaro recommande d’intégrer ces efforts dans l’élaboration de programmes sociaux et psychosociaux, elle a demandé des exemples des meilleures pratiques d’une telle intégration horizontale.

Le Royaume-Uni a rappelé qu’il avait toujours plaidé pour la lutte contre la traite des êtres humains, décrite par sa Première Ministre comme l’un des plus grands crimes de tous les temps contre les droits de l’homme.  Il faut travailler ensemble pour traduire ces engagements en actions, a-t-il estimé, ajoutant que l’égalité des sexes devait être au cœur de ces travaux, qui concernent les trois piliers des Nations Unies.  À cet égard, le Royaume-Uni aimerait savoir comment mieux mobiliser les agences pertinentes des Nations Unies et améliorer l’efficacité interagences sur le terrain. 

Le Qatar a jugé important de préserver la dignité humaine et mettre en œuvre des engagements éthiques pour protéger les droits de l’homme.  Il a rappelé son engagement en faveur du Programme mondial de lutte contre la traite des êtres humains et ses initiatives de politique nationale en la matière, notamment la création d’un comité national contre la traite des êtres humains.  Il aimerait savoir quelles mesures la Rapporteuse spéciale a prises pour garantir que cette lutte soit prise en considération dans les différents piliers des Nations Unies.  Pour le Bahreïn, le défi de la traite des êtres humains exige, de notre part, solidarité et efforts.  Le Bahreïn s’emploie à lutter contre cette problématique sur son territoire et dans le monde, y compris, sur le plan national, en collaboration avec des organisations de la société civile ainsi qu’avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 

Les États-Unis constatent que les trafiquants d’êtres humains profitent de l’effondrement des structures étatiques et ciblent les personnes vulnérables, notamment les femmes et les enfants, mais aussi les apatrides.  Ils ont rappelé qu’ils avaient demandé que toutes les organisations humanitaires traitent, dès le début d’un conflit, des violences sexistes.  Mais les États-Unis estiment que le rapport de Mme Giammarinaro met trop l’accent sur la situation des réfugiés dans les camps alors que la majorité d’entre eux se trouvent hors des camps.  Ils aimeraient savoir si la Rapporteuse spéciale a noté des politiques mises en œuvre par des États Membres et visant à identifier les femmes et les enfants en situation de conflit.

L’Indonésie a souligné son engagement en faveur de la mise en œuvre des traités de lutte contre la traite des êtres humains et du Processus de Bali, lequel est coprésidé par l’Australie et l’Indonésie et vise à faciliter les discussions et le partage d’informations sur les questions relatives au trafic et à la traite des êtres humains et aux crimes transnationaux connexes.  En outre, des mesures nationales ont été prises pour soutenir les victimes sur les plans social et psychologique.  L’Indonésie aimerait l’opinion de la Rapporteuse spéciale sur le moyen de faire respecter les droits de l’homme en travaillant avec les forces de police dans la lutte contre la traite des êtres humains.

Le Bélarus a salué l’amélioration de lutte contre la traite des êtres humains et dit intensifier ses propres efforts.  Il faut renforcer le travail sur la diffusion d’informations visant les enfants, notamment par Internet.

Pour l’Afrique du Sud, la traite des êtres humains est un crime transnational qui exige une réponse nationale, régionale et internationale.  Le pays a adopté, en 2013, une loi qui criminalise de tels agissements et prévoit la création d’un organe interministériel dédié à la lutte contre la traite des personnes.  Dans le cadre de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), l’Afrique du Sud contribue aux efforts régionaux pour combattre ce fléau.  À cet égard, elle a voulu savoir comment les États peuvent renforcer leur coopération transfrontière contre ce phénomène.

La Fédération de Russie a, une fois encore, rappelé que la mise en œuvre des mandats au titre des procédures spéciales devait respecter la répartition des attributions entre les différents organes des Nations Unies.  Elle s’est ainsi élevée contre la tentative de la Rapporteuse spéciale de s’immiscer dans les résolutions du Conseil de sécurité.  Selon elle, la proposition visant à élargir le travail du Conseil de sécurité au domaine de la lutte contre la traite des personnes est contre-productive.  Elle reproche aussi au rapport une attention exagérée aux violences sexuelles, estimant qu’il existe à l’ONU suffisamment de mécanismes dans les mandats desquels entre la lutte contre la violence sexuelle.  Enfin, la Fédération de Russie a dit ne pouvoir appuyer l’intégration des recommandations de la Rapporteuse spéciale dans l’agenda du Conseil sur les femmes, la paix et la sécurité.

Enfin, la République arabe syrienne s’est opposée, elle aussi, aux empiètements de la Rapporteuse spéciale sur des questions extérieures à son mandat, comme la paix et la sécurité ou l’intégrité territoriale de la Syrie.  S’agissant de la traite des personnes, le Ministère de l’intérieur dispose de ses propres procédures de lutte, tandis que le Ministère des affaires sociales s’occupe du sort des victimes.  La République arabe syrienne invite les États Membres à strictement respecter les résolutions 2331 (2016) et 2388 (2017) du Conseil de sécurité sur la traite des êtres humains.

La Grèce a expliqué que les déplacements forcés dans les conflits armés et l’absence de routes sûres aggravaient la vulnérabilité à la traite.  Elle a ensuite cité le cadre national d’assistance et de service de protection pour les victimes potentielles que le pays a mis en place, tels que des centres pour les violences sexuelles et sexistes ou encore la garantie de l’accès des groupes vulnérables aux services de santé.

Le Myanmar a expliqué avoir adopté une loi pour répondre aux menaces actuelles, avant de demander à la Rapporteuse spéciale comment les mesures préconisées pourraient contribuer à faire en sorte que les acteurs non étatiques respectent leurs engagements.  Expliquant qu’il travaillait avec le Bangladesh et les Nations Unies au retour des réfugiés dans le pays, il a demandé comment l’ONU pouvait faire pour que les trafiquants ne fassent pas échouer le processus. 

Israël a mentionné le phénomène des mères porteuses, expliquant que la pratique était très réglementée dans le pays pour éviter toute forme d’exploitation dans un processus qui doit être volontaire pour la mère de substitution.  Israël aimerait connaître l’avis de la Rapporteuse spéciale sur les formes de coopération pouvant être mises en place dans le domaine de la maternité de substitution.

Réponses

Dans ses réponses, Mme MARIA GRAZIA GIAMMARINARO a expliqué prendre très au sérieux ce que la Fédération de Russie avait déclaré à propos de la création de normes indépendantes de la part des Rapporteurs spéciaux, expliquant que son mandat ne concernait pas les politiques et qu’elle ne faisait « que présenter des rapports ».  À propos de l’intégration des mesures préconisées dans le programme « Femmes, paix et sécurité », la Rapporteuse spéciale a expliqué qu’il n’y avait pas là de démarches réellement nouvelles.  Les dernières résolutions du Conseil de sécurité y font elles-mêmes référence, a-t-elle explicité, même si elles ne sont pas très fréquentes.  Comment alors peut-on continuer à faire avancer la mise en œuvre de ces mesures?, s’est-elle interrogée, en rappelant que le programme « Femme, paix et sécurité », lui-même, reconnaissait la traite comme étant un des domaines préoccupants. 

Comment les missions sur le terrain des Nations Unies peuvent-elles contribuer à ces efforts, s’est ensuite interrogée la Rapporteuse spéciale.  À ce sujet, elle a déploré que, sur le terrain, les équipes chargées des questions de sécurité ne parlent pas toujours le même langage que le personnel chargé du développement et les équipes spécialisées dans l’identification des conditions de traite et d’esclavage sexuelle.  « Tout le monde devrait apprendre à parler la même langue afin de protéger les personnes et prévenir la traite », a-t-elle conclu.

Déclaration liminaire

Mme URMILA BHOOLA, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, a présenté un rapport qui traite, cette année en particulier, des dimensions liées au genre dans les formes contemporaines de l’esclavage en mettant un accent particulier sur la discrimination structurelle à l’égard des femmes et des filles, à la fois cause et conséquence des diverses manifestations de l’esclavage et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage dans le monde.

Globalement, les filles et les femmes qui travaillent constituent la très grande majorité des personnes dont les droits humains sont violés à travers des manifestations spécifiques, notamment les formes contemporaines d’esclavage telles que le travail forcé, le travail en servitude, la servitude, mariages forcés et autres pratiques analogues à l’esclavage, a expliqué Mme Bhoola.

Pour la Rapporteuse spéciale, les recherches et études indiquent que les formes contemporaines d’esclavage sont clairement différenciées selon le sexe et la nature.  Selon les estimations mondiales sur l’esclavagisme moderne publiées en 2017, 40,3 millions de personnes ont été soumises aux formes contemporaines de l’esclavage, dont près de 25 millions ont été exploitées dans le travail forcé.  Ces chiffres montrent en outre que les femmes et les filles représentent 71% des personnes exploitées, dont 58% dans le travail forcé.

Alors que les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par l’esclavage moderne, le rapport estime également qu’en 2016, plus de 11 millions d’hommes et de garçons ont été exploités dans des travaux imposés par l’État, notamment dans la construction ou dans l’armée.

Les inégalités et la discrimination fondées sur le sexe sont les principales causes de l’esclavage des femmes et des filles, a fait observer Mme Bhoola.  La pauvreté, les normes culturelles et sociales, l’absence de système de protection social et les discriminations dans l’accès à l’éducation et à l’information, le système judiciaire, sont pour elle quelques-uns des nombreux facteurs qui expliquent cet état de fait.  Ces éléments sont en outre aggravés par les changements climatiques et les conflits ainsi que les migrations mondiales.

Comme la plupart des formes d’esclavage se produisent dans le secteur privé, il est impératif que les entreprises se conforment aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies et garantissent des recours adéquats pour les violations des droits de l’homme, a plaidé la Rapporteuse spéciale, qui a conclu en exhortant les États à élaborer des politiques spécifiques visant les femmes et les filles, étant donné que leur exploitation dans les formes contemporaines d’esclavage sont façonnées par la discrimination fondée sur le sexe, en particulier des facteurs sociaux, juridiques et culturels .

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Urmila Bhoola, le Qatar s’est dit préoccupé par les statistiques du rapport sur la prolifération des formes contemporaines d’esclavage et a assuré tout faire pour lutter contre ce phénomène et défendre les victimes.  Le Qatar est partie à divers traités relatifs à cette question, notamment la Convention (n°105) de l’Organisation internationale du Travail sur l’abolition du travail forcé et a criminalisé les pratiques qui contribuent au travail forcé.

L’Union européenne a souligné son engagement à éradiquer les formes contemporaines d’esclavage et à poursuivre les responsables de tels crimes en justice.  Elle note que les discriminations contre les femmes constituent un facteur clef des formes contemporaines d’esclavage, dont elles sont victimes de façon disproportionnée et qu’une approche fondée sur le genre est donc nécessaire dans le cadre de la lutte contre ce fléau.  L’Union européenne souhaite que la Rapporteuse spéciale développe ses recommandations adressées aux organisations internationales pour éliminer les différentes formes d’esclavage moderne.  Elle aimerait en outre savoir comment impliquer les femmes et les filles dans l’élaboration de politiques visant à prévenir et éliminer ces formes contemporaines d’esclavage. 

Le Royaume-Uni a dit s’employer activement à combattre les formes contemporaines d’esclavage, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du Programme 2030.  Pour le Royaume-Uni, le rôle essentiel que jouent les Nations Unies dans la lutte contre ce phénomène se justifie d’autant plus que l’esclavage concerne les différents piliers de l’Organisation.  Il aimerait savoir quelles mesures concrètes l’ONU devrait prendre pour faire progresser cette lutte mondiale.  Dans le même sens, le Liechtenstein aimerait savoir quelles mesures concrètes devraient être prises pour éliminer les risques d’esclavage pour les femmes migrantes, y compris les travailleuses migrantes.

Les États-Unis ont salué les recommandations du rapport en faveur de la collecte de données ventilées afin d’élaborer des politiques efficaces contre les formes contemporaines d’esclavage, lesquelles constituent, selon eux, des formes de traite d’êtres humains.  Les États-Unis soutiennent divers politiques et programmes visant à prévenir ces crimes, notamment en responsabilisant les communautés.  Ils aimeraient savoir comment associer efficacement la société civile à la lutte contre ce phénomène. 

Réponses

Dans ses réponses, Mme URMILA BHOOLA s’est dire impatiente de se rendre l’année prochaine au Qatar.  À l’Union européenne, elle a dit qu’elle avait un rôle à jouer pour lutter contre les formes contemporaines d’esclavages qui existent dans la région faisant observer qu’une augmentation notable de différents types d’exploitation avait été remarquée en Italie, en particulier parmi les travailleuses migrantes, alors même que ces dernières pourraient jouer un rôle essentiel dans la lutte contre l’esclavage moderne si elles y étaient impliquées 

Face à la question générale des formes contemporaines d’esclavage pour les femmes migrantes, la Rapporteuse spéciale a cité comme causes « la baisse d’opportunité d’emplois décents partout dans le monde et la course vers le bas notamment au niveau des différentes chaînes d’approvisionnement ».  Insistant sur le fait que son rapport mettait l’accent sur les travailleuses migrantes au niveau du travail domestique, elle a dénoncé les pratiques frauduleuses qui le facilitent et notamment les agences de recrutement qui perpétuent les pratiques.  Enfin, Mme Bhoola a estimé que les États pouvaient jouer un rôle essentiel pour réguler ces pratiques et qu’elles soient équitables, notamment en reconnaissant le rôle des femmes dans le secteur des soins informels et dans le secteur domestique.

Déclaration liminaire

Mme HILAL ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a mis en garde, chiffres de son rapport à l’appui, contre l’augmentation du nombre de personnes sous-alimentées dans le monde.  Ils sont 821 millions, soit une personne sur 9, à être touchés par la privation chronique de nourriture, a-t-elle précisé, citant les plus récents rapports de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Pour atteindre l’objectif 1 de développement durable -« Faim zéro »- à l’horizon 2030, il est de plus en plus important de garantir à la population mondiale une alimentation adéquate, accessible et disponible, afin de concrétiser le droit humain à une alimentation pour tous, a plaidé la Rapporteuse spéciale.  Il est, dès lors, urgent d’atteindre cet objectif en luttant contre ce fléau qui touche en particulier les ouvriers agricoles.

Son rapport se penche notamment sur le rôle essentiel des travailleurs agricoles dans la réalisation de la sécurité alimentaire, qui paradoxalement sont eux-mêmes les plus confrontés à l’insécurité alimentaire, a précisé Mme Elver.  La Rapporteuse spéciale a notamment rappelé les conditions de travail dangereuses de ces derniers, souvent sans aucune protection.  Les ouvriers agricoles représentent environ un tiers de la population active mondiale, soit 1,3 milliard de personnes, a-t-elle rappelé.

Mme Elver a critiqué le système de production industriel, basé notamment sur la maximisation de l’efficacité à moindre coût, qui domine actuellement le monde.  Elle l’a accusé de générer des bas salaires, du travail à temps partiel, souvent dans le secteur informel, sans fournir aucune protection sociale.

La Rapporteuse spéciale a expliqué avoir voulu mettre l’accent sur ces conditions de travail dangereuses car non seulement elles menacent la vie des travailleurs, mais sapent également leur droit à l’alimentation.  Le secteur agricole fait en effet partie des industries les plus dangereuses, du fait de l’exposition régulière des travailleurs aux pesticides et à de longues heures passées dans des températures extrêmes, sans accès adéquat à l’eau.

Pendant les périodes de plantation et de récolte, les travaux dans les champs peuvent durer du matin jusqu’à tard dans la nuit, empêchant encore davantage les travailleurs d’accéder aux services sociaux, a rappelé Mme Elver.  Selon elle, seuls 20% des ouvriers agricoles ont accès aux protections sociales de base, notamment à la sécurité sociale, aux soins de santé et à l’indemnisation.  De plus, ces travailleurs, le plus souvent isolés géographiquement, n’ont pas la possibilité de former des syndicats en raison notamment de problèmes juridiques et des restrictions imposées par les employeurs.

Pour la Rapporteuse spéciale, le droit des travailleurs à l’alimentation passe par la garantie d’un salaire de subsistance leur permettant de satisfaire leurs besoins fondamentaux et ceux de leurs proches.  Cela nécessite également l’élimination de la pauvreté et de ses causes profondes, ainsi que l’amélioration des conditions de travail et de vie, a-t-elle insisté.  Elle a donc appelé les États à mettre en œuvre, en vertu du droit international des droits de l’homme, des protections sociales contre les risques de pauvreté des ouvriers et de leurs familles, causés par la maladie, l’invalidité, le congé de maternité, les accidents du travail, le chômage, l’âge ou le décès.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Hilal Elver, les Comores, au nom du Groupe des États d’Afrique, se sont félicitées de voir le rapport reconnaître aux travailleurs agricoles un rôle essentiel pour réaliser le droit universel à une alimentation décente.  Elles rappellent toutefois que, très souvent, ces travailleurs doivent eux-mêmes lutter pour assurer leur subsistance.  Le Groupe des États d’Afrique est reconnaissant à la Rapporteuse spéciale pour avoir fait mention des projets menés sur le continent pour intégrer des femmes dans les syndicats agricoles et les protéger contre les violences sexuelles.  Il voudrait savoir comment protéger les droits de ces travailleurs alors qu’il n’y a pas d’instrument international dans ce domaine.

L’Afrique du Sud a rappelé que le secteur agricole joue un rôle très important dans le pays, notamment en termes d’emplois.  Dans ce cadre, le Gouvernement appuie la redistribution des terres pour corriger les péchés du passé, soutenir l’économie et accroître la production pour tous.  L’Afrique du Sud souhaite l’élaboration d’un instrument juridique contraignant pour combattre les violations des droits humains commises par des sociétés transnationales et appelle les États Membres à soutenir le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, récemment adopté par le Conseil des droits de l’homme.

Cuba a rappelé le caractère fondamental du droit à l’alimentation, lié au droit le plus précieux: le droit à la vie.  Cuba accuse les États-Unis d’ignorer ce droit, « comme le montre le rapport de Mme Elver ».  Cuba a ainsi dû consentir des efforts importants pour atteindre des résultats reconnus en matière de sécurité alimentaire, malgré la stratégie des États-Unis visant à imposer la faim au peuple cubain.  Cuba appelle les États Membres à ne pas imposer de mesures coercitives unilatérales qui empêchent la réalisation du droit à l’alimentation.

La Turquie a jugé essentiel que chacun soit libéré de la faim pour pouvoir maintenir ses capacités physiques et mentales et plaidé pour que des mesures soient prises à l’échelle mondiale pour améliorer les conditions de vie et de travail de ces personnes.  À cet égard, elle a demandé à Mme Elver de préciser comment l’ONU pourrait agir pour permettre une approche holistique de ce problème.

L’Union européenne a estimé que le rôle des chaînes d’approvisionnement planétaires devrait être accompagné par une exigence de transparence et de responsabilité, et en particulier un traitement décent et digne des travailleurs.  Prenant note des recommandations de la Rapporteuse spéciale pour une meilleure synergie entre les secteurs public et privé, elle a demandé comment mieux sensibiliser la société civile et les milieux académiques à cette question.  Observant par ailleurs que la féminisation croissante de l’agriculture devrait créer des possibilités d’élaboration d’outils spécifiques pour les femmes travaillant dans le domaine agricole, elle a voulu savoir comment améliorer pour elles la mise en œuvre du cadre existant.

Le Viet Nam a jugé le rapport très pertinent, étant un pays dont 70% de la population est constituée de travailleurs agricoles.  Il souhaite que la Rapporteuse spéciale parle des bonnes pratiques sur les réglementations existantes pour réduire les pesticides.  En outre, étant l’un des cinq pays les plus vulnérables aux changements climatiques, il espère un rapport sur le droit à l’alimentation dans ce contexte.

L’Indonésie a rappelé qu’elle avait accueilli la Rapporteuse spéciale du 9 au 14 avril dernier, estimant que cette visite avait permis de faire le point sur les efforts continus du Gouvernement pour identifier les défis et reconnaître les progrès.  Elle a demandé des précisions sur la collaboration la plus efficace avec les parties prenantes pour une meilleure protection des travailleurs agricoles, notamment ceux vivant dans des zones très reculées.

Réponses

Dans réponses, Mme HILAL ELVER a remercié le continent africain et a insisté sur l’importance de soutenir la syndicalisation des travailleurs, surtout pour les femmes, qui sont mal représentées au sein des syndicats et qui font face à plus d’obstacles que les hommes.  Elle a également remercié Cuba, rappelant que ce pays était « à la base de la création de son mandat ».  Elle a estimé que les sanctions unilatérales imposées au pays sont « contre les principes des droits de l’homme », en précisant que ces mesures, qui visent à contraindre le Gouvernement à changer de politique, a « en réalité une incidence sur l’accès de la population à l’eau potable ».  Pour elle, ces mesures devraient être examinées par les Nations Unies.

Enfin, en réponse à l’Afrique du Sud, Mme Elver a dit être d’accord sur le fait que « les résolutions contraignantes sont importantes, parce que nous n’avons plus de contrôle sur les producteurs de notre alimentation ».  Le flou des chaînes d’approvisionnement mérite un examen spécifique, a-t-elle encore ajouté.

Déclaration liminaire

M. JOSEPH A. CANNATACI, Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, dont le rapport reste à paraître, a tout d’abord expliqué avoir présenté, en mars, au Conseil des droits de l’homme un bilan complet de son premier mandat de trois ans, dont il avait inauguré la fonction.  Se disant honoré de voir son mandat prolongé jusqu’en 2021, il a rappelé que les révélations sur la sécurité et la surveillance avaient conduit à la création de ce poste.

Le Rapporteur spécial a ainsi expliqué qu’après qu’Edward Snowden eût dévoilé les détails des programmes de surveillance et de partage du renseignement mis en œuvre par les États-Unis et le Royaume-Uni, des requêtes avaient été déposées auprès de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’interception en bloc de communications.  La Cour a récemment conclu que l’interception en masse n’était pas intrinsèquement incompatible avec un régime des droits de l’homme, à condition que les garanties appropriées soient en place et qu’il n’existe aucun autre moyen d’atteindre les objectifs légitimes, a-t-il expliqué.  La Cour a conclu en outre que le régime de partage de renseignements avec des gouvernements étrangers n’avait pas violé les articles 8 ou 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (la « Convention européenne des droits de l’homme »), articles qui reflètent de près les dispositions de l’ONU en matière, respectivement, de droit au respect de la vie privée et familiale et de liberté d’expression.  La Cour a toutefois reconnu que le régime d’interception en masse du Royaume-Uni, tel qu’il était appliqué jusqu’en 2016, contrevenait aux articles 8 et 10 de la Convention, en raison de l’insuffisance des garanties présentées.

Le Rapporteur spécial a également attiré l’attention de la Troisième Commission sur le projet de loi d’assistance et d’accès portant modification de la législation relative aux télécommunications et autres lois du Gouvernement australien qui, selon lui, pourrait avoir de profondes répercussions sur les droits de l’homme et la cybersécurité aux niveaux international et national, s’il devait avoir force de loi.  Il a précisé que le Forum international de contrôle des services de renseignement (IIOF) qu’il organise chaque année, se réunira à Malte à la fin du mois de novembre et discutera sans nul doute de ce projet de loi.

Revenant aux activités de son mandat, M. Cannataci a indiqué que tous les groupes de travail thématiques mis en place progressaient bien.  Ils sont notamment chargés d’examiner l’utilisation des informations personnelles par le secteur privé en réponse à des événements comme la violation de Cambridge Analytica, l’introduction de législations telles que la loi américaine Cloud Act 2018, le projet de loi australien, l’affaire Microsoft contre le Gouvernement américain.  Tous ces sujets ont un lien étroit avec la sécurité et la surveillance, a-t-il souligné.

M. Cannataci a ensuite présenté le rapport du Groupe de travail sur les mégadonnées en prenant soin de préciser qu’en 2018, de nouvelles protections de la vie privée et des données étaient entrées en vigueur ou envisagées dans le monde entier, notamment en Inde, en Amérique du Sud et au sein de l’Union européenne.  Selon lui, ce rapport fait apparaître que les données sont et resteront un atout économique clef, au même titre que le capital et le travail.  Leur dépendance totale aux informations personnelles exige une adaptation aux exigences des lois sur le droit à la vie privée et à la protection des données, a souligné le Rapporteur spécial, jugeant impossible d’isoler les moteurs économiques et politiques des politiques et des pratiques entourant les données ouvertes.

M. Cannataci a indiqué avoir tiré de ces travaux des recommandations sur les données ouvertes.  Il estimé ainsi que, sauf s’il est possible de déterminer sans ambiguïté s’il existe des informations personnelles dans des données agrégées ou si des données désagrégées ne peuvent pas être réagrégées, les données ouvertes ne doivent pas contenir d’enregistrements au niveau de l’unité.  Il a également invité les États Membres à travailler à la création de normes internationales pour le partage de données préservant la confidentialité et à poursuivre les activités internationales de normalisation.  Le Rapporteur spécial les encourage en outre à ratifier la Convention modernisée pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite « Convention 108+ » et à la mettre en œuvre sans tarder dans le droit interne, en accordant une attention particulière à la mise en œuvre des dispositions imposant des garanties pour les données à caractère personnel collectées à des fins de surveillance et à d’autres fins de sécurité nationale.

Dans un souci d’alignement des meilleures pratiques, M. Cannataci préconise aussi que, lors de la révision et de la mise à jour de leur législation nationale dans le cadre de la transposition de la Convention du Conseil de l’Europe, les États membres situés en dehors de l’Union européenne intègrent les garanties et les recours prévus dans le Règlement général sur la protection des données (RGDP) de l’Union européenne, adopté en avril 2016, et entré en vigueur cette année.  Enfin, il exhorte les gouvernements et les entreprises à reconnaître la souveraineté des peuples autochtones sur les données qui les concernent ou qui sont collectées auprès d’eux et invite les États Membres à examiner l’adéquation de tous les cadres juridiques et politiques relatifs à l’intelligence artificielle pour la protection de la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Joseph A. Cannataci, l’Australie a affirmé que la loi mise en cause par M. Cannataci n’introduisait pas de faiblesses dans la technologie et que sa base n’était pas nouvelle.

L’Union européenne a insisté sur l’importance de continuer à protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur communication.  C’est pourquoi elle a adopté récemment un nouvel ensemble de mesures de protection de données pour s’adapter aux progrès techniques dans le monde d’aujourd’hui.  Elle a demandé au Rapporteur spécial quelle valeur ajoutée à la juridiction déjà existante pourrait apporter le nouveau document juridiquement contraignant qu’il propose d’élaborer.  L’Allemagne a déploré que le droit à la vie privée soit violé dans certains pays alors qu’une telle violation prélude à d’autres violations des droits de l’homme.  Elle a notamment mentionné les données concernant l’identité sexuelle, qui peuvent mener à des discriminations contre certains groupes spécifiques.  Elle a insisté sur le fait que les droits de l’homme s’appliquent aussi bien en ligne qu’hors ligne et qu’il fallait faire plus d’effort pour protéger la vie privée.

Le Brésil a noté que le rapport parlait brièvement de ce que les États et les entreprises pouvaient faire pour éviter les violations arbitraires du droit à la vie privée et a demandé au Rapporteur spécial d’évoquer les liens entre les violations et les stockages des données qui alimentent la propagande politique.

Réponses

Dans ses réponses, M. JOSEPH CANNATACI a indiqué qu’entre amis il y avait des désaccords et que son rôle était d’être cet ami qui peut émettre des critiques, lesquelles peuvent être constructives.  Il a ainsi indiqué, à l’Australie, avoir examiné sa nouvelle loi de manière approfondie et avoir été à l’écoute d’un certain nombre d’acteurs, notamment des entreprises qui ont fait part de leur malaise.  Parfois, la législation ne répond pas aux objectifs qu’elle était censée atteindre, a-t-il fait observer, avant d’encourager l’Australie à amender son texte.  Il a, par ailleurs, félicité l’Union européenne pour ses avancées en la matière, mais a tenu à faire la distinction entre les deux Europes: celle des 28 membres de l’Union européenne et celle des 47 États membres du Conseil de l’Europe.

Le Rapporteur spécial a encouragé les États à resserrer la législation en matière de sauvegarde, soulignant qu’au sein de l’Union européenne elle-même, seuls cinq ou six États avaient travaillé pour augmenter les sauvegardes, alors que les autres sont encore à la traîne.

M. Cannataci a en outre voulu sensibiliser l’assistance en évoquant le scandale de la société Cambridge Analytica, qui a fourni des millions de données d’utilisateurs du réseau social Facebook à des groupes qui les ont utilisées à des fins politiques, lors des élections aux États-Unis et lors du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Pour le Rapporteur spécial, l’idéal serait que tous les membres des Nations Unies s’asseyent autour d’une table et examinent cette question complexe pour aboutir à un instrument de sauvegarde, notamment s’agissant du cyberespace.  Malheureusement, le climat politique, pour l’heure, n’est pas favorable pour lancer une telle initiative, a-t-il déploré.

Discussion générale

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) au nom du groupe d’amis des personnes LGBTI, a déclaré que le but du groupe était de travailler avec le système des Nations Unies pour permettre le respect universel des droits de l’homme de tous les individus, incluant les LGBTI, et en particulier de protéger ces derniers de toutes formes de violence.  Protéger la communauté LGBTI de la violence ne requiert pas la création de nouveaux droits, a-t-il expliqué, parce que les droits de l’homme de tous les individus sont inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui dispose que « tous les hommes sont nés libres et égaux en droit ».

M. Duque Estrada Meyer, qui s’est félicité de la création, en 2016, par le Conseil des droits de l’homme du mandat de l’Expert indépendant sur la protection contre les violences et discriminations basées sur l’orientation sexuelle et l’identité du genre, a déploré que, dans certaines parties du monde, et notamment son propre pays, les personnes LGBTI continuent d’être des victimes de violations sérieuses des droits de l’homme.

S’opposer à ces violences ne devrait jamais faire l’objet de débats, a affirmé le représentant, qui a salué le rôle des défenseurs des droits des personnes LGBTI et a déclaré qu’aucun individu ne devrait être sujet de violence et d’abus, voire d’assassinats parfois, du fait de son orientation sexuelle ou identité de genre.

M. WU HAITAO (Chine) a indiqué que le chemin vers la réalisation du noble objectif « les droits de l’homme pour tous » est long et ardu.  C’est pourquoi, la Chine propose d’abord la sauvegarde de la paix et de la sécurité, en tant qu’élément primordial des droits de l’homme.  À cette fin, le représentant a invité à soutenir les principes de la Charte des Nations Unies, à renforcer le multilatéralisme et les mécanismes de sécurité collective: en un mot, à « construire un rempart pour la paix ».

M. Wu a ensuite appelé à promouvoir le développement global, exhorté la communauté internationale à s’inscrire contre le protectionnisme et défendu une économie mondialisée équilibrée, reposant sur des bénéfices partagés et le principe « gagnant-gagnant ».  Il a plaidé en faveur de la promotion des échanges et de la coopération, car il n’y a pas, à son sens, un « modèle unique » en matière de droits de l’homme.  Les institutions chargées des droits de l’homme de l’ONU doivent être un lieu d’échange et de dialogue, et non pas une plateforme de pression et de confrontation, a-t-il affirmé.

Enfin, le représentant a indiqué que le Conseil des droits de l’homme, dans le cadre du troisième cycle de l’Examen périodique universel, examinerait en novembre prochain la situation des droits de l’homme dans son pays: la Chine est prête à s’engager dans des dialogues constructifs avec toutes les parties dans un cadre de respect mutuel, a-t-il conclu.

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a énuméré les pays au sein desquels prenaient place des violations des droits de l’homme que les États-Unis condamnent, citant notamment la République islamique d’Iran pour l’emprisonnement de personnes pour des activités pacifiques et des codes vestimentaires, le Myanmar pour des violences sexuelles, la Chine pour la détention de plus d’un million de musulmans, mais également la République arabe syrienne, la Fédération de Russie, le Venezuela, la Turquie, le Burundi et le Yémen.

M. VICTOR MORARU (République de Moldova) a rappelé que la politique et la législation nationales en matière de droits de l’homme étaient guidées en premier lieu par les traités des Nations Unies et des conventions régionales, en particulier celles émanant du Conseil de l’Europe, y compris la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que l’accord d’association Union européenne-Moldova.  Pour le représentant, il y a là un niveau élevé de contrôle, qui régule tous les processus des institutions nationales dans le domaine des droits de l’homme.  En dehors de ces obligations issues des traités des Nations Unies, la République de Moldova entretient des dialogues réguliers avec l’Union européenne concernant les questions relatives à la protection des droits de l’homme.

M. PLAYFORD (Australie) a indiqué qu’en mars dernier son pays avait présenté un engagement pour les membres entrants au Conseil des droits de l’homme, qui a été soutenu par 10 autres États et dont l’objectif est de renforcer l’efficacité et la crédibilité du Conseil.  Le représentant a ensuite passé en revue les différentes actions menées par son pays dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, notamment en encourageant la participation de la société civile et en engageant des discussions sur la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI) pour ne laisser personne de côté.  Fière de ses contributions au sein du Conseil des droits de l’homme, l’Australie est disposée à travailler de concert avec les États Membres pour identifier des voies innovantes pour la promotion de la question des droits de l’homme.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a énuméré les mesures mises en place par son pays en matière de droits de l’homme, avec notamment en l’adoption, en décembre 2017, du Plan d’action national pour les droits de l’homme, conforme aux objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  En outre, a-t-il rappelé, durant les deux années précédentes, l’Argentine a reçu notamment la visite de l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, du Rapporteur spécial contre la torture et du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation.  Il a également fait observer que le pays avait été élu pour la quatrième fois au Conseil des droits de l’homme.

Concernant la peine de mort, M. García Moritán a rappelé l’engagement inaliénable de son pays, qui se reflète dans ses actions internationales.  L’Argentine a ainsi ratifié tous les instruments internationaux et régionaux existants relatifs à l’abolition de la peine de mort. 

M. AMIRBEK ZHEMENEY (Kazakhstan) a présenté les mesures mises en œuvre par le pays dans le domaine des droits de l’homme, avant d’insister sur le fait que son pays n’avait pas de rapport en retard à remettre aux organes de traités de droits de l’homme et de préciser qu’il avait notamment remis, en mars dernier, son rapport au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.  Il a en outre rappelé que le Kazakhstan avait invité des Rapporteurs spéciaux à se rendre dans le pays dès 2009.

Le représentant a toutefois exprimé des inquiétudes quant à l’indépendance et l’impartialité des membres des organes de traités des droits de l’homme et a déploré que leurs conclusions ne soient pas plus proches de la réalité, et parfois en dehors de leur mandat.

Mme ANNA SUZUKI (Japon) a vu dans la Déclaration conjointe issue du sommet États-Unis-République populaire démocratique de Corée (RPDC), en juin dernier, un bon pas vers une résolution globale des questions en suspens et a salué les efforts diplomatiques en cours pour obtenir le respect des engagements pris.

Le Japon, de concert avec l’Union européenne, présentera un projet de résolution relatif à la « situation des droits de l’homme » en RPDC dans le cadre de la Troisième Commission.  Il a formé le vœu de la voir adoptée et réunir le plus large soutien de la communauté internationale.  Celle-ci devrait prendre des mesures concrètes pour améliorer les droits de l’homme en RPDC, a poursuivi la représentante, qui a évoqué l’enlèvement des citoyens japonais par la RPDC et appelé à leur retour immédiat.

Mme JUANA SANDOVAL (Nicaragua) a expliqué que le Gouvernement de réconciliation et d’unité nationale travaillait pour la sécurité du pays, et que ce dernier était un facteur de stabilité, de paix et de sécurité régionale avec des indicateurs de développement économique positifs.  Elle a rappelé les 5,2% de croissance annuelle moyenne de ces dernières années, qui ont permis au pays de doubler son PIB, mais également de réduire la pauvreté tant générale qu’extrême, toutes deux ayant été réduites de moitié.

Pour M. KIM SONG (République populaire démocratique de Corée), la cruelle réalité est que les énormes abus en matière de droits de l’homme résultent sans exception du piétinement de la souveraineté nationale et des inégalités sociales endémiques.  Le représentant s’est élevé contre l’immixtion des pays occidentaux dans les affaires intérieures de pays indépendants.  Ils usent et abusent des droits de l’homme pour s’ingérer dans les affaires intérieures des États, a-t-il accusé.  Il a demandé que les sanctions « inhumaines et barbares » soient levées immédiatement, étant donné l’état actuel des relations internationales et leur l’évolution.  Au Japon, coauteur avec l’Union européenne d’un projet de résolution sur les droits de l’homme en RPDC, le représentant a rappelé les multiples violations des droits de l’homme commis par ce pays le siècle dernier.

M. MOHAMMAD HASSANI NEJAD PIRKOUHI (République islamique d’Iran) a dénoncé les violations flagrantes des droits de l’homme par les États-Unis au niveau international et régional.  Il a évoqué les images atroces des souffrances des enfants migrants séparés de leur mère aux États-Unis, qui ont fait le tour du monde, ainsi que les disparités raciales face aux forces de l’ordre, les injustices subies par les Afro-américains et les femmes, sans parler des migrants menacés par les interdictions de se rendre aux États-Unis.

Sur le plan international, le représentant a déploré le retour à l’unilatéralisme des États-Unis et leur couverture des actes d’agression d’Israël.  Il a également critiqué les opérations extérieures des États-Unis, affirmant qu’elles avaient partout créé désolation et désordre.

M. Hassani Nejad Pirkouhi a ensuite dressé un panorama de la situation déplorable des droits de l’homme dans le monde, notamment en Europe et au Canada.  Pour lui, le racisme et la xénophobie ont atteint dans ces pays un niveau sans pareil et visent en particulier les migrants et les musulmans.  Ce niveau de brutalité aujourd’hui est affligeant, a-t-il accusé, avant de qualifier les sanctions unilatérales imposées par « le régime de Washington » contre son pays de « crime contre l’humanité ».

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a mis en avant la structure institutionnelle solide du pays pour lutter contre toutes les formes de discriminations.  En tant que membre fondateur du Conseil des droits de l’homme et membre actuel, le Pérou participe à son renforcement institutionnel sans discriminations ni sélectivité, a ajouté le représentant. 

Ainsi, depuis 2002, le Pérou invite chaque année tous les Rapporteurs spéciaux, les Experts indépendants et les groupes de travail pour qu’ils évaluent le pays.  Toutefois, « l’extrême pauvreté empêche la pleine jouissance des droits de l’homme et affaiblit des politiques sociales qui ont permis d’améliorer les indicateurs dans le domaine de la santé », a reconnu le représentant.

Mme HARTERY (Canada) a énuméré les nombreux défis qui guettent le monde et menacent l’efficacité du système multilatéral.  Parmi ces défis, elle a cité notamment la migration, les changements climatiques, le terrorisme et les inégalités économiques.  Relever ces défis est essentiel mais les solutions doivent inclure le respect des droits de l’homme, a-t-elle plaidé: « Nous avons besoin de collaboration et d’inclusion pour assurer que tout le monde soit entendu ».  La représentante a estimé que l’Examen périodique universel constituait un instrument essentiel pour aider tous les États à progresser en matière de droits de l’homme.

M. MOHAMED ABDELRAHMAN MOHAMED MOUSSA (Égypte) a expliqué que la Charte des Nations Unies était, au départ, le reflet d’une expérience humaine traumatisante qui, depuis lors, a servi de constitution universelle.  Toutefois, malgré les progrès réalisés dans la promotion des droits de l’homme, les violations restent nombreuses et graves, surtout en Afrique et au Moyen Orient.  L’Égypte a, pour sa part, dû faire face à des défis majeurs en matière de violation des droits de l’homme, et notamment à la violence croissante du terrorisme qui a affecté le droit à la vie et certains droits politiques et culturels.

Le représentant a appelé à un effort concerté sur le plan international et à l’adoption d’une stratégie commune.  De même, il s’est déclaré préoccupé des atteintes croissantes aux libertés fondamentales dans le monde, en particulier du fait qu’un certain nombre de pays européens exploitent la situation des migrants et font la promotion de la xénophobie.

M. Moussa a conclu en dénonçant la politisation des droits de l’homme qui « ne devraient pas être utilisés pour s’ingérer dans les affaires politiques d’un État et prendre en compte les différences culturelles et religieuses ».

M. CARAZO (Costa Rica) a déclaré que le pays croyait dans les droits de l’homme en tant que fin et en tant que moyen pour atteindre des sociétés plus justes, des sociétés qui ne laissent personne sur le bord du chemin.  « La démocratie, le développement durable et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont les piliers du développement et de la paix sociale », a-t-il déclaré.

Le représentant a dit être préoccupé du recul des droits de l’homme dans le monde et de la persistance des violations massive de ces droits pour des raisons religieuses, ethniques, d’origine ou de genre.  Il a déploré comme une des conséquences les plus dramatiques de ces violations les millions d’hommes, femmes et enfants déplacés, migrants ou réfugiés dans le monde.  Il a dénoncé l’attitude antidémocratique de nombreux gouvernements qui « usent la force pour réprimer les mouvements sociaux ».

M. Carazo a insisté sur l’importance de l’Examen périodique universel et sur la nécessité de le renforcer, notamment en prévision de la révision de 2020 de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale sur le fonctionnement efficace des systèmes des organes de traités.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a fait une déclaration relative aux organes conventionnels de droits de l’homme.  Pour lui, il s’agit de protéger les défenteurs de droits de l’homme et les victimes.  À cette fin, il a appelé à fixer des normes juridiques en matière de droits de l’homme.

Le système des organes conventionnels, chargés d’assurer le suivi des traités de droits de l’homme, continue de gagner en importance, a fait observer le représentant.  Mais M. Pecsteen de Buytswerve a aussi dénoncé les retards dans la soumission des rapports nationaux à ces organes et la non-présentation de rapports, mais aussi les doubles emplois et les méthodes de travail divergentes des organes conventionnels.  Ce sont là quelques défis que doivent relever les États parties et ces organes, a-t-il remarqué.  À cet égard, le représentant a remercié le Secrétaire général pour son rapport bi-annuel qui identifie les obstacles et encourage la cohésion des systèmes en rationnalisant le travail.  C’est un des défis les plus pressants, a-t-il insisté.  Pour finir, il a appelé à examiner d’autres choix pour que le système donne de meilleurs résultats.

M. RUIZ (Philippines) a affirmé que l’engagement de son pays en faveur des droits de l’homme était tout aussi clair aujourd’hui qu’en 1948, quand il a souscrit à la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Ainsi, sur le plan national, les Philippines ont mis en place le Programme « Ambition 2040 » qui doit permettre d’assurer « une vie sure, confortable, avec une classe moyenne ou personne n’est pauvre, sans stupéfiant, en respectant les normes et les démarches en matière de droits de l’homme ».

Pour le représentant, il est important d’assurer que les mécanismes du programme avancent de façon harmonieuse.  Toutes les allégations de violations des droits de l’homme sont examinées et les auteurs traduits en justice, a-t-il affirmé.  Enfin, les Philippines accordent « beaucoup d’importance » à la procédure de l’Examen périodique universel (EPU) et insistent sur la nécessité de renforcer ce mécanisme ainsi que la pertinence du Conseil des droits de l’homme.

Mme INASS A. T. ELMARMURI (Libye) a réaffirmé l’attachement de son pays à ses engagements internationaux relatifs à la protection et au renforcement des droits de l’homme.  Elle a en même temps rappelé que la Libye préserve son droit souverain de refuser ou d’exprimer des réserves s’agissant de textes ou de langages en contradiction avec sa législation nationale.

S’agissant des droits économiques, sociaux et culturels, la Libye a multiplié les efforts visant à promouvoir les droits de la femme, l’égalité des sexes et un accès gratuit à l’éducation et aux soins pour tous ses ressortissants.  La représentante a rappelé les différentes conventions internationales auxquelles la Libye est partie, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Faisant enfin remarquer que le risque terroriste est toujours d’actualité en Libye, Mme Elmarmuri a appelé au renforcement de la coopération régionale et internationale et la coordination mutuelle. 

Mme NAWAL AHMED MUKHTAR AHMED (Soudan) a exprimé sa gratitude aux détenteurs de mandats qui se sont exprimés devant la Troisième Commission.  Les relations entre paix, développement et droits de l’homme demeurent organiques, a souligné la représentante, qui a réaffirmé l’engagement de son pays en faveur des droits de l’homme et des libertés fondamentales.  Elle a indiqué, en outre, que la question des femmes figurait en bonne place dans le plan de développement national.  C’est également le cas pour la promotion de la condition des personnes handicapées.  Pour finir, Mme Ahmed s’est félicitée que le Soudan ne figure plus sur la liste des pays qui recrutent les enfants dans les conflits armés.

Mme AYŞE İNANÇ-ÖRNEKOL (Turquie) s’est déclarée préoccupée de la réapparition du courant et de l’idéologie extrémiste dans le monde et surtout au sein de l’Union européenne, qui se traduit par des courants islamophobes et xénophobes.  De plus, la représentante a déploré que les migrants continuent de subir des violences alimentées par des discours anti-migrants.

Sur le plan national, Mme İnanç-Örnekol a rappelé que l’état d’urgence instauré après la tentative du « coup d’état terroriste » avait été levé, ce qui ouvre des nouvelles possibilités de renforcement des droits fondamentaux dans le pays.  Enfin, elle a regretté que les pays européens qui affirment être des champions des droits de l’homme ne fassent pas preuve de solidarité et n’aient pas permis à la Turquie de se protéger contre la tentative de coup d’État.

Mme CHUCHOTTHAVORN (Thaïlande) a indiqué que, bien qu’ils soient violés, les droits de l’homme restaient pertinents.  Le Gouvernement a créé des partenariats avec la société civile, le secteur privé et différentes autres composantes de la société pour promouvoir les droits de l’homme.  La représentante a ainsi évoqué la préparation d’un plan national 2019-2023 en matière de droits de l’homme qui s’étend à plusieurs groupes, dont les personnes LGBTI.  Elle a également mentionné la mise en œuvre par son pays des Règles Nelson Mandela pour les droits des détenus.  Par ailleurs, la Thaïlande est en train de rédiger une loi pour prévenir et interdire le travail forcé.  En conclusion, la représentante a préconisé d’encourager l’éducation en matière de droits de l’homme.

Droits de réponse

Le représentant de Cuba a répondu aux États-Unis en faisant remarquer que la délégation avait quitté la Troisième Commission après avoir accusé 15 nations, y voyant « la preuve que le pays veut manipuler les droits de l’homme et n’accorde aucune importance à cette Commission ».  Pour Cuba, la Troisième Commission est utilisée par les États-Unis, qui n’ont pourtant « pas de leçons à donner en matière de droits de l’homme » et devraient plutôt répondre de l’utilisation de la torture, notamment à Guantanamo, un territoire illégalement pris à Cuba.

Le représentant de la République arabe syrienne a réagi aux « allégations fallacieuses » des États-Unis, pays qui n’a pas le « droit de prendre la parole pour donner des leçons en matière de droits de l’homme alors que l’Administration américaine viole la Charte des Nations Unies et les différents instruments des droits de l’homme ».  Notre pays et notre région ont souffert des actions de ce membre permanent censé être chargé de la paix et sécurité internationales, a poursuivi le représentant, qui les a accusés de soutenir et financer le terrorisme et d’empêcher une solution politique dans son pays.

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a réagi aux accusations des États-Unis et du Japon.  Les États-Unis n’ont aucune pertinence en matière de droits de l’homme et sont « les vide-ordures des droits de l’homme », commettant des crimes que l’on ne saurait même pas imaginer en RPDC.  Quant au Japon, il n’a pas non plus le droit de parler des droits de l’homme des autres pays car il a été « agressif et criminel », a envahi la péninsule coréenne pendant 40 ans et y a commis des crimes comme l’enlèvement de 1,4 million de Coréennes ou l’imposition de l’esclavage sexuel à 200 000 Coréennes pour les bénéfices de l’armée impériale.

Le représentant de la Chine a rejeté « les accusations fallacieuses » des États-Unis, employées à des fins politiques.  Il a voulu discuter de la situation des droits de l’homme aux États-Unis, notamment l’interdiction à six pays musulmans de l’accès au pays en raison de leur religion.  De même, il a évoqué les violations et tortures à Guantanamo et leurs auteurs qui vivent dans l’impunité.  Le représentant a également accusé les États-Unis de violer les droits des minorités, notamment celles d’origine asiatique.  Il a évoqué, pour finir, sa préoccupation face aux abus sexuels dont sont victimes les enfants aux États-Unis, ainsi que les mariages d’enfants commis au nom de liberté religieuse.

Le représentant de la Fédération de Russie a rappelé que la Crimée et la ville de Sébastopol sont « des territoires de la Fédération de Russie sur la base d’un vote souverain ».  En outre, la Fédération de Russie ne participe nullement au conflit en Ukraine et les accusations en ce sens sont une « tentative de justifier de la terreur de l’Ukraine face à sa population ».

La représentante du Japon a réagi aux allégations de la République populaire démocratique de Corée, notamment aux chiffres avancés sur des « questions du passé » qui sont « basées sur des erreurs factuelles ».  Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon a respecté la démocratie et les droits de l’homme et a contribué à la paix et à la sécurité de l’Asie-Pacifique et internationale, a poursuivi le représentant, qui a lancé un appel pour essayer d’aller vers un avenir conjoint.

Exerçant de nouveau son droit de réponse, le représentant de la République populaire démocratique de Corée a expliqué que le Japon violait les droits de l’homme des Coréens et que, en juin dernier, il avait confisqué les souvenirs et les équipements sportifs de lycéens coréens.  « En d’autres termes, les droits de l’homme de nos compatriotes ont été violés et le droit international également », a-t-il ajouté.

Reprenant la parole, la représentante du Japon, se référant aux lois régissant l’importation de produits en provenance de la République populaire démocratique de Corée, a déclaré que les allégations de discrimination ne reflétaient pas la réalité.  Par ailleurs, elle a insisté sur le fait que le problème des enlèvements n’avait pas encore été résolu.

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