Troisième Commission: inquiétudes pour les droits des personnes déplacées internes et des migrants, et appel à une ratification plus large des conventions
La Troisième Commission a poursuivi, aujourd’hui, l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous ses différentes facettes en se penchant sur les thèmes des disparitions forcées, des personnes déplacées sur le plan interne et des droits des migrants et de leur famille. Les Présidents des organes de traités ont insisté sur l’importance d’une ratification plus large des conventions traitant de ces questions, l’attention des délégations étant par ailleurs attirée sur la difficulté d’accès des déplacés internes et des migrants à la justice.
En sa qualité de Présidente du Comité des disparitions forcées, organe de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, Mme Suela Janina a rappelé qu’à ce jour, cette Convention ne comptait encore que 59 États parties pour 98 États signataires. Elle s’est toutefois félicitée que, dans le cadre de l’Examen périodique universel, certains États aient exprimé l’intention de ratifier la Convention ou d’y accéder. Il y a en effet urgence: Mme Janina a fait état de 541 procédures d’action urgente reçues par le Comité à la date du 9 octobre.
Même ton alarmiste de la part de M. Bernard Duhaime, Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires: pour la seule année 2018, son instance a transmis 802 nouveaux cas de disparitions forcées à 42 États, dont 264 en application de la procédure d’urgence. Ces chiffres démontrent une progression « inacceptable », a-t-il constaté, ajoutant que de nombreux cas n’avaient pas encore été notifiés au Groupe de travail et ne le seraient probablement jamais.
M. Duhaime a évoqué une pratique tout aussi inquiétante à ses yeux, qui tient aux cas de « disparition de courte durée », notamment dans le cadre d’opérations antiterroristes visant à rassembler des preuves ou à parachever des enquêtes, le plus souvent sous la contrainte physique et psychologique. Quant aux enlèvements extraterritoriaux, il a noté que, le plus souvent, la personne était détenue dans son pays après une courte période de disparition. Dans d’autres cas, a-t-il expliqué, elle disparaît à jamais, comme ce fut le cas récemment du journaliste saoudien Jamal Khasshoggi, « un cas parmi des milliers d’autres, bien qu’exceptionnel dans ses modalités ».
S’agissant des droits des personnes déplacées dans leur propre pays, dont le nombre s’élevait à quelque 40 millions fin 2017, Mme Cecilia Jimenez-Damary, Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, a imputé l’augmentation croissante de ce phénomène, ces deux dernières décennies, aux conflits armés. Son rapport se veut du reste une « feuille de route » afin, notamment, de s’assurer que les mesures de justice transitionnelle veillent à prévenir de tels déplacements et à parvenir à des solutions durables. Considérant que la justice transitionnelle devrait aller de pair avec les processus de consolidation de la paix, les actions humanitaires et les projets de développement, Mme Jimenez-Damary a vivement souhaité la participation des personnes déplacées pour que leurs points de vue, besoins et objectifs soient pris en compte.
Dans le même ordre d’idée, M. Felipe González Morales, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, a mis l’accent sur l’accès effectif des migrants à la justice, assurant que toute personne avait le droit d’accéder au système prévu pour la résolution des conflits et le rétablissement des droits. Cela implique de veiller à ce que quiconque puisse se tourner vers des tribunaux. Cet accès à la justice doit, en outre, être garanti aux migrants indépendamment de leur statut migratoire. À cet égard, M. González Morales a aussi appelé à l’amélioration de la situation des travailleurs domestiques, préconisant des mesures appropriées dans les pays d’accueil aussi bien que d’origine.
Le Rapporteur spécial a également observé que les mesures visant à accélérer le retour des migrants les privent souvent de leur droit de rechercher une protection internationale et violent le principe de non-refoulement. L’un des mécanismes leur permettant d’exercer leurs droits fondamentaux sans craindre d’être signalés est la protection par un « pare-feu », a-t-il indiqué, invitant les États à mettre en place des lois et pratiques qui interdisent clairement le transfert d’informations et suppriment l’obligation de signaler le statut de migration irrégulière d’un individu. « Cela contribuera à réduire la crainte des migrants d’être signalés, détenus et expulsés, réduisant ainsi l’impunité pour les violations dont ils sont victimes », a-t-il dit.
Dernier intervenant de cette séance, M. Ahmadou Tall, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a tenu à avertir que la migration a été et restera une réalité quotidienne. Tout porte à croire, en effet, que le monde est à la veille d’une mobilité internationale beaucoup plus importante, due en grande partie à la diminution de la main-d’œuvre et au vieillissement de la population, conjugués aux faibles taux de natalité dans de nombreux pays industrialisés, a-t-il mis en garde, non sans pointer l’apport des migrants aux besoins du marché du travail dans ces pays.
Alors que l’on dénombre plus de 258 millions de migrants dans le monde, dont quelque 30 millions d’enfants, environ 20% d’entre eux étant en situation irrégulière, M. Tall a regretté que les droits des travailleurs migrants soient régulièrement bafoués et a appelé à une mobilisation collective pour trouver des solutions durables. À cet égard, il a déploré que seuls 53 États soient aujourd’hui parties à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, 28 ans après son adoption. Il a souhaité, que le pacte mondial sur les migrations qui doit être adopté en décembre, contribue à répondre à un grand nombre de ces enjeux.
En fin de séance, une dizaine de délégations sont intervenues dans le cadre du débat général sur la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ses aspects.
Demain, vendredi 19 octobre, la Troisième Commission poursuivra, à partir de 10 heures, son examen du même thème. Elle dialoguera dans ce cadre avec six autres Rapporteurs spéciaux.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Déclaration liminaire
Mme SUELA JANINA, Présidente du Comité des disparitions forcées, organe de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, a présenté le septième rapport du Comité - qui porte sur ses treizième et quatorzième sessions, tenues respectivement en septembre 2017 et mai 2018. Elle a rappelé qu’à ce jour, la Convention comptait 59 États parties pour 98 États signataires. Elle s’est félicitée, à cet égard, que certains États ont, dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), indiqué leur intention de ratifier la Convention ou d’y accéder.
En revanche, Mme Janina a déploré le nombre croissant de cas urgents de disparitions forcées reçus régulièrement par le Comité, un phénomène qui n’augure pas d’une tendance à la baisse. Elle en veut pour preuve les 541 cas de procédures d’actions urgentes enregistrés à la date du 9 octobre 2018.
À chaque session, le Comité entreprend une analyse des tendances reflétées par ces cas dans ses rapports sur les actions urgentes, a expliqué sa Présidente. Il a été également décidé de lancer la préparation d’études analytiques sur les principales tendances et les conclusions sur ces procédures. Toutefois, elle s’est dite satisfaite de voir de nombreux États coopérer avec ce mécanisme, ce qui a permis, dans certains cas, de localiser les victimes.
Durant la période considérée, le Comité a examiné les rapports de cinq États parties -la Lituanie, le Gabon, l’Albanie, l’Autriche et le Honduras- et adopté des observations finales. Lors de sa treizième session, le Comité a également adopté son rapport sur le suivi des observations finales qui a reflété les statuts de la mise en œuvre de ses observations sur le Burkina Faso, l’Iraq, le Kazakhstan, le Monténégro et la Tunisie. Il a salué les engagements de ces États avec ses procédures de suivi.
Par ailleurs, le Comité s’est dit préoccupé concernant des rapports en souffrance et a réitéré sa décision d’examiner la situation des États dont la remise du rapport initial affiche plus de cinq ans de retard. À cet effet, le Comité a adressé au Brésil, au Mali et au Nigéria une note les informant qu’en cas de non réception de leurs rapports à la date butoir du 23 octobre 2018, l’examen serait mené en absence de rapport.
Mme Janina a ensuite détaillé la méthode de travail du Comité, notamment s’agissant d’informations additionnelles reçues avec l’objectif d’évaluer la mise en œuvre des recommandations faites par le Comité. Elle a cité, à cet égard, l’exemple du Mexique qui, conformément à cette procédure, a été invité à un dialogue de suivi. Mme Janina en a profité pour saluer l’engagement de ce pays avec ces procédures et estimé que ce sont « de bonnes pratiques » à suivre.
À ce jour, seuls 22 des 59 États parties à la Convention ont accepté la compétence du Comité de recevoir des communications individuelles conformément à l’article 31 de la Convention, a regretté Mme Janina, pour qui ce faible nombre ne facilite pas l’objectif du Comité d’être pleinement opérationnel pour soutenir les victimes et accompagner les États parties vers la totale mise en œuvre de leurs obligations conventionnelles, a-t-elle regretté.
En conclusion, Mme Janina a affirmé la disposition du Comité à utiliser de manière correcte et efficace tous les principaux outils fournis par la Convention et dont, a-t-elle répété, le but ultime est d’assister les États parties dans la mise en œuvre effective des engagements souscrits.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec Mme Suela Janina, le Mexique a dit avoir accepté l’invitation du Comité à un dialogue de suivi sur les questions liées aux disparitions forcées. Conscient des défis existant en la matière, il a assuré qu’il s’employait à respecter les normes internationales sur les enquêtes et les disparitions. Il a enfin réitéré son engagement à suivre les recommandations du Comité et à coopérer pleinement.
L’Argentine a dit appuyer fermement les travaux du Comité et de son Groupe de travail, les jugeant essentiels pour lutter contre les disparitions forcées dans le monde. La mise en place d’un mécanisme international détaillé reflète la prise de conscience de la communauté internationale sur ce grave problème. D’ailleurs, les Ministres des affaires étrangères de la France et de l’Argentine ont lancé une campagne conjointe en faveur de la ratification de la Convention. Si elle salue les nouvelles directives émises par le Comité, l’Argentine souhaite savoir comment les États parties pourraient les utiliser. Le Japon a, lui aussi, assuré qu’il jouerait un rôle actif de sensibilisation en faveur de la ratification de la Convention. Il aura en outre un dialogue avec le Comité sur les disparitions forcées, en novembre, et s’est dit prêt à collaborer avec lui.
L’Union européenne a salué la ratification de la Convention par de nouveaux États et a appelé à poursuivre les efforts visant à lui conférer une portée universelle. Elle aimerait savoir quelle pourrait être la stratégie collective pour élargir cette ratification, en impliquant notamment les institutions nationales des droits de l’homme. L’Union européenne a par ailleurs félicité le Comité pour ses travaux en matière de justice transitionnelle.
L’Iraq a regretté que le Comité n’ait pas cité dans son rapport les réponses qu’il a apportées concernant les allégations de disparitions sur son territoire, face auxquelles il a réclamé des enquêtes complètes. Rappelant d’autre part qu’il est partie à la Convention, l’Iraq a invité le Comité, le Groupe de travail et la Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays à se rendre dans le pays.
Réponses
Dans ses réponses, Mme SUELA JANINA a rappelé l’importance de parvenir à la ratification universelle de la Convention. Elle a expliqué qu’il fallait aborder cette question de manière plus globale et qu’elle souhaitait que le nombre de ratifications augmente. Quant à savoir ce qui pourrait être fait à cette fin, elle a répondu que des mesures supplémentaires étaient possibles, et que « en travaillant collectivement et de concert, toutes les parties concernées peuvent y arriver ». Elle a mentionné l’objectif « ambitieux » de doubler le nombre d’États parties d’ici à 2022, tout en disant ne pas toujours comprendre ce qui retient certains pays d’y adhérer.
Mme Janina a en outre regretté que certains États Membres pensent que les disparations forcées appartiennent au passé ou qu’il s’agisse d’un phénomène régional. « Ce n’est pas vrai, les disparitions forcées sont un phénomène qui n’a pas disparu! » a-t-elle lancé.
Revenant sur l’importance de la lutte contre l’impunité, la Présidente du Comité des disparitions forcées a insisté sur l’effet préventif de celle-ci: « il faut que les États Membres parlent aux autres États Membres de cette Convention, qui est un outil efficace contre les disparitions forcées », a-t-elle insisté. Elle a mentionné la réunion des États parties qui doit avoir lieu l’an prochain, estimant qu’il serait souhaitable d’y tenir une discussion de fond sur la manière de garantir l’universalisation de la Convention, « un objectif concret que l’on peut atteindre rapidement ».
Mme Janina a rappelé que les engagements pris par les États parties pour lutter contre les disparitions forcées et rechercher les personnes disparues étaient contraignants. Mais « il n’y a pas de pratiques uniformes en la matière » a-t-elle expliqué, « nous essayons simplement de proposer les meilleures pratiques ». Le Comité des disparitions forcées a entamé une discussion sur ce point et devrait prochainement adopter des principes directeurs qui, elle espère, constitueront un guide utile pour les États. Détaillant certains des principes, Mme Janina a en particulier expliqué que la recherche devait être immédiate, qu’il fallait partir du principe que la personne disparue est vivante et exécuter la recherche de manière indépendante, efficace et en coordination avec les familles, qui doivent être tenues informées de l’évolution de la procédure.
Sur la consolidation du dialogue avec les États parties et en réponse au Mexique, Mme Janina s’est félicitée que, pour la première fois, un dialogue de suivi ait pu être mis en place avec le Mexique ainsi que d’autres pays. Elle a insisté sur le fait que son objectif était d’aider les pays. Répondant à l’Iraq sur la coopération avec le Comité, elle a insisté à nouveau sur l’importance d’une réaction rapide en cas d’urgence: « Le temps est notre ennemi quand la vie de la personne est engagée; il est donc essentiel que des mesures pertinentes soient prises par les États pour coordonner leurs actions avec les autorités locales pour pouvoir coopérer avec les familles des victimes pour que la recherche soit menée à bien avec une issue positive ».
Déclaration liminaire
M. BERNARD DUHAIME, Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a mentionné en fin d’intervention que la disparition forcée du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, « bien qu’exceptionnelle dans ses modalités », demeurait, malheureusement, « un cas parmi des milliers d’autres ».
De fait, pour la seule année 2018, le Groupe de travail a transmis 802 nouveaux cas de disparitions forcées à 42 États, parmi lesquels 264 en application de la procédure d’urgence. Cela démontre le nombre croissant de nouveaux cas et cela est inacceptable, a-t-il martelé. Bien plus, a poursuivi M. Duhaime, il existe de nombreux cas qui n’ont pas encore été notifiés au Groupe de travail et qui ne le seront probablement jamais.
Le Président du Groupe de travail a rappelé que les disparitions forcées constituaient des crimes et une atteinte à la dignité humaine. Une autre pratique tout aussi inquiétante, selon lui, tient aux cas de « disparition de courte durée », notamment dans le cadre d’opérations anti-terroristes, qui visent à rassembler des preuves ou parachever des enquêtes, le plus souvent sous la contrainte physique et/ou psychologique. À cela, le Groupe répond qu’il n’y a pas de limite de temps, aussi court soit-elle, pour considérer qu’il y a eu disparition forcée.
M. Duhaime a également soulevé le phénomène examiné dans le dernier rapport du Groupe de travail et relatif aux enlèvements extraterritoriaux, que ce soit avec ou sans l’accord du pays dans lequel cet enlèvement est commis. Le plus souvent, la personne est détenue dans son pays après une courte période de disparition; dans d’autres cas, elle disparaît à jamais comme ce fut le cas pour Jamal Khashoggi, a-t-il expliqué.
L’actuel rapport intérimaire s’est donc penché sur les principaux éléments sur la question, avec pour objectif de les examiner lors du prochain cycle, pour évaluer quels droits et obligations découlent pour les États de l’obligation d’enquêter en conformité avec le droit international des droits de l’homme. M. Duhaime a indiqué, à cet égard, que le prochain cycle de son rapport examinerait comment les cas de disparitions forcées font l’objet d’une enquête dans les situations de justice transitionnelle et analyserait les différents régimes de réparation en faveur des victimes.
Le prochain rapport se penchera également sur l’approche à adopter lorsque les victimes sont exposées à des situations de vulnérabilité, a poursuivi M. Duhaime, qui a donné l’exemple des enfants, des femmes, des migrants, des défenseurs des droits de l’homme ou des peuples autochtones. À cet égard, il a indiqué que l’objectif de cette étude thématique était d’identifier les bonnes pratiques comme les expériences non concluantes. C’est pourquoi il a invité tous les États, ainsi que les familles des personnes disparues, la société civile, les mécanismes des Nations Unies et d’autres parties concernées à fournir toute aide pertinente qui pourrait contribuer à cette étude.
Dialogue interactif
À l’occasion de la discussion avec M. Bernard Duhaime, les États-Unis, qui ont présenté les disparitions forcées comme dévastatrices pour les victimes, leur famille et leur communauté, ont dénoncé les cas de disparitions forcées de Tatars et d’activistes de Crimée enregistrés depuis 2014. Ils ont aussi fait état de nombreuses disparitions forcées en Syrie, au Nicaragua, en Iran et au Burundi. Ils se sont, en revanche, félicités que le Mexique ait adopté, en 2017, une législation pour y faire face. Les États-Unis sont en outre préoccupés par les disparitions en Chine de membres de groupes minoritaires musulmans et par l’arrestation d’opposants. Les États-Unis aimeraient, à cet égard, savoir quelles pressions étaient susceptibles de forcer les États à enquêter sur les cas de disparitions forcées.
L’Union européenne s’est déclarée préoccupée par la progression alarmante des disparitions forcées dans le monde et par le nombre élevé d’actions urgentes soumises au Groupe de travail. Elle soutient l’appel lancé par ce dernier pour qu’il se voit confier un rôle consultatif. Elle se félicite par ailleurs que le Gouvernement du Mali ait invité le Groupe de travail pour une visite en fin d’année. Elle aimerait savoir comment le Groupe de travail envisage son dialogue avec les États pour les inciter à accepter des visites.
La Fédération de Russie a assuré que toutes les questions du Groupe de travail étaient examinées par les organes et instances du pays. « Nous recevons de très nombreuses demandes au sujet de personnes dont les droits auraient été violés mais, souvent, on ne nous communique que les initiales, ce qui rend difficiles les recherches », a observé la délégation, qui a « l’impression que l’on ne veut pas faire travailler le mécanisme mais désigner les coupables avant l’enquête ». La Fédération de Russie demande également aux auteurs du rapport de veiller à une plus grande objectivité et impartialité. Elle a enfin conseillé à ses homologues occidentaux de mieux s’informer sur les régions au sujet desquelles ils portent des accusations sans fondement. L’Ukraine a salué les travaux du Groupe de travail et s’est dite heureuse d’avoir pu accueillir des titulaires de mandat. Soulignant par ailleurs la problématique des disparitions forcées en Crimée et à Sébastopol, la délégation a invité les différents organes des Nations Unies à y accorder une importance particulière.
La République arabe syrienne a estimé que l’intervention des États-Unis témoignait de leur « hypocrisie connue de tous ». La délégation américaine a ignoré les pratiques de son propre pays, lesquelles ont touché de nombreux civils, notamment en Syrie, a-t-elle accusé, avant de rejeter avec force cette politisation des droits de l’homme et cette sélectivité.
La Chine a dit soutenir les efforts mondiaux destinés à lutter contre les disparitions forcées. Affirmant avoir eu une coopération positive avec le Groupe de travail, elle a souhaité que les informations fournies dans le rapport soient fiables, respectent la souveraineté judiciaire des États et leurs affaires intérieures. La Chine s’oppose aux commentaires négatifs et inappropriés du Groupe de travail, qu’elle exhorte à s’acquitter de son mandat en respectant les objectifs et principes de la Charte de l’ONU. La délégation a encore précisé que, contrairement aux affirmations américaines, les droits des habitants du Xinjiang étaient respectés et que la région était désormais stabilisée.
La République islamique d’Iran a exprimé son inquiétude à propos des prisons secrètes de la CIA dans le monde entier. Elle a demandé à avoir des précisions sur le sort des dizaines de personnes qui ont disparu dans le cadre de ce programme du Gouvernement américain.
Réponses
Dans ses réponses, M. BERNARD DUHAIME, a précisé la façon dont les organisations non gouvernementales peuvent participer au processus d’enquête. En réponse à l’Union européenne, il a expliqué que les familles des personnes portées disparues et les organisations non gouvernementales (ONG) qui travaillent sur les disparitions forcées étaient harcelées et menacées à cause de leur travail. Or, « leur contribution est très importante, et ce, sont très souvent les seules à jeter de la lumière sur ces questions », a-t-il plaidé. Il a de nouveau rappelé aux États leurs obligations de réaliser ces enquêtes, même en l’absence de plainte formelle. En outre, une analyse plus détaillée des procédures pour les enquêtes sera présentée dans le cadre du prochain rapport thématique du Groupe de travail. Le rapport reviendra en outre sur la façon dont l’appareil d’État devrait être organisé, notamment concernant les équipes d’investigations dotées d’experts spécialisés.
Quant aux pressions à exercer sur les États pour les amener à agir sur ces cas de personnes disparues ou accepter les demandes de visite sur place, M. Duhaime a insisté sur le fait qu’il n’était pas là pour critiquer qui que ce soit, et que son rôle était d’aider les États à mettre en œuvre la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il a cependant insisté sur le fait que les visites sur le terrain étaient, à ses yeux, fondamentales, car elles permettent de parler avec les proches des personnes disparues qui ne pourraient pas autrement entrer en contact avec son Groupe de travail. « Cela permet un dialogue constructif avec les autorités locales pour les différentes mesures qui pourraient être prises pour essayer d’éliminer ce phénomène » a-t-il ajouté.
M. Duhaime s’est par ailleurs félicité que sa récente visite en Gambie ait été suivie par la ratification de la Convention par ce pays et que, par le passé, des membres de son Groupe de travail aient pu se rendre au Mexique avant l’examen de la loi sur les personnes disparues. « Il s’agit de mesures importantes, les visites sont au cœur de nos travaux » a-t-il insisté.
Déclaration liminaire
Mme CECILIA JIMENEZ-DAMARY, Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, a tiré la sonnette d’alarme sur ce phénomène en augmentation croissante ces deux dernières décennies, puisque le nombre des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays a atteint quelque 40 millions à la fin de 2017.
Mme Jimenez-Damary a expliqué cette augmentation significative par les violations des droits de l’homme et les conflits armés. C’est pourquoi son nouveau rapport se veut une feuille de route avec l’objectif de soutenir la mise en œuvre des cadres existants, notamment dans les processus de justice transitionnelle. Il s’agit, selon elle, de s’assurer que les mesures de justice transitionnelle veillent à prévenir de tels déplacements et à parvenir à des solutions durables à l’égard de de ce phénomène.
La Rapporteuse spéciale a insisté sur le rôle important de la justice transitionnelle dans la prévention du risque de déplacement à l’avenir, car celle-ci est à même de se pencher sur les causes profondes des violences et des conflits et de renforcer les règles de droit et la reddition de comptes.
Dans ce processus, Mme Jimenez-Damary a vivement souhaité la participation des personnes déplacées, pour que leurs points de vue, besoins et objectifs soient pris en compte. Elle a, de même, estimé que la justice transitionnelle devait aller de pair avec les processus de consolidation de la paix, humanitaires et de développement.
La Rapporteuse spéciale est revenue sur le Plan d’action pour faire progresser la prévention, la protection et les solutions pour les personnes déplacées dans leur propre pays, lancé en avril 2018. Ce plan a identifié quatre volets à savoir, la participation des personnes déplacées, les politiques et lois sur le déplacement à l’intérieur des pays, les données et analyses ainsi que les déplacements prolongées et les solutions durables. Il vise ainsi à poser les fondements d’actions stratégiques et mieux coordonnées, a-t-elle fait observer.
Enfin, Mme Jimenez-Damary a présenté quelques résultats issus de ses visites sur le terrain, notamment en Libye et au Niger, qu’elle a visités respectivement en janvier et mars 2018. Dans le premier pays, notamment à Misrata et Tripoli, elle a mis l’accent sur « une crise de grande complexité », marquée notamment par les capacités limitées du Gouvernement à répondre aux besoins des déplacés ainsi que par les contraintes d’accès. Au Niger, elle a décrit une situation de crise humanitaire dans les zones en bordure du Mali. Mme Jimenez-Damary a précisé qu’elle s’était également rendue au Mexique, au Honduras et en Colombie.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec Mme Cecilia Jimenez-Damary, la Norvège a apporté son soutien sans réserve aux conclusions de la Rapporteuse spéciale sur la justice transitionnelle et a jugé crucial de mettre en avant les meilleures pratiques en la matière. Elle a aussi apprécié les appels en faveur d’une approche sexosensible, jugeant toutefois qu’une approche globale était également nécessaire. Elle a enfin demandé à avoir davantage d’informations sur la façon dont les agences de développement pourraient participer au processus de justice transitionnelle concernant les personnes déplacées internes.
Les États-Unis se sont présentés comme les « champions des droits des personnes déplacées », affirmant que leur assistance humanitaire visait à aider ces personnes et celles qui sont victimes de catastrophes naturelles. Les États-Unis sont en outre préoccupés par la situation des personnes déplacées au Myanmar et en Syrie. Faisant par ailleurs référence au rapport 2020 de l’UNICEF, les États-Unis ont souhaité savoir quels étaient les besoins spécifiques des enfants déplacés et ce que pouvait faire la communauté internationale pour venir en aide à ce groupe vulnérable.
Rappelant que le Programme 2030 comprend parmi ses objectifs un accès égal à la justice pour tous, l’Union européenne a constaté que les déplacés internes ne bénéficiaient souvent pas d’un tel accès. Alors que les déplacements s’accompagnent de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, la justice transitionnelle est sans doute la seule manière de rendre la justice après une période de déplacement, estime l’Union européenne, qui a demandé quelles étaient les meilleures pratiques en matière de mise en œuvre de cette forme de justice. Comment partager ces bonnes pratiques, a demandé la Suisse, qui estime que la problématique des personnes déplacées est fondamentale pour une mise en œuvre effective de la justice transitionnelle et soutient l’appel de la Rapporteuse spéciale à explorer le potentiel de la justice transitionnelle afin de contribuer à prévenir et résoudre la question du déplacement interne. L’Autriche voudrait, quant à elle, connaître le rôle des pays dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des personnes déplacées internes, et savoir comment garantir que les personnes déplacées soient au centre des actions de justice transitionnelle.
La Libye a pris note des recommandations de la Rapporteuse spéciale et s’est félicitée qu’elles prennent en compte la crise que traverse le pays. Elle a rappelé la création d’un ministère spécial traitant des affaires de réfugiés et déplacés. Le Gouvernement libyen a en outre œuvré à un retour des déplacés internes qui a concerné 1 300 familles. L’Iraq a assuré qu’il traitait avec sérieux des questions des réfugiés et des déplacés internes afin d’encourager leur retour, y compris en s’efforçant de les dédommager des pertes qu’ils ont subies. Le pays offre des services de base dans les camps de réfugiés et les régions libérées du joug de Daech, témoignage du traitement humanitaire accordé par le Gouvernement iraquien à ces personnes.
La Géorgie, qui a rappelé que l’on marquait, cette année, le vingtième anniversaire de l’adoption des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, a fait observer qu’elle figurait parmi les pays ayant connu les effets dévastateurs de disparitions forcées liées à plusieurs vagues d’épuration ethnique. Le Gouvernement continue de mettre en œuvre des programmes nationaux pour garantir le droit à la vie et à la sécurité de toutes les personnes déplacées internes ainsi que leur droit au logement. Il veut aussi permettre le retour de ces personnes dans leur pays d’origine de manière sûre et digne, mais ce droit est toujours dénié par la Fédération de Russie qui maintient son contrôle sur le territoire géorgien.
L’Arménie, qui a rappelé son expérience de la question des personnes déplacées internes, a expliqué que, plutôt que de créer des camps pour ces personnes, le Gouvernement se concentrait plutôt sur des solutions durables prévoyant leur pleine intégration à la société du pays. Elle considère aussi que les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays doivent avoir le même traitement et le même accès aux mécanismes internationaux que les autres. L’Azerbaïdjan a déploré que la problématique des droits de l’homme des déplacés internes ne bénéficie pas d’une attention suffisante au niveau international, avant d’estimer qu’il fallait employer tous les moyens politiques et diplomatiques pour prévenir de telles violations, en veillant à ce que les pays intègrent ce problème dans leur fonctionnement et leur législation.
La République arabe syrienne a dit déployer des efforts importants en collaboration avec les pays amis, les agences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales pour apporter une assistance aux personnes déplacées internes sur son territoire. Elle a par ailleurs rappelé à la Rapporteuse spéciale la nécessité de respecter le principe de souveraineté des États.
Pour la Fédération de Russie, la justice transitionnelle pourrait effectivement minimiser les effets négatifs des déplacements internes pour les personnes concernées, si elle s’inscrivait dans un cadre global mettant l’accent sur la prévention des conflits, ce qui implique une coordination des efforts au niveau mondial. Faute d’une telle coordination, les efforts seront de courte durée et inefficaces. En outre, les mesures ne peuvent être prises qu’avec l’accord des États. En réponse à la Géorgie, la délégation a affirmé de pas avoir de contrôle sur les territoires évoqués et s’est dite prête à prendre part à un dialogue constructif pour régler la situation.
Réponses
Dans ses réponses, Mme CECILIA JIMENEZ-DAMARY a rappelé la responsabilité fondamentale de l’État concerné dans la prévention des déplacements internes et la protection des personnes déplacées. « Il s’agit d’une garantie de l’expression de leur responsabilité et de leur souveraineté » a-t-elle insisté. Pour la Rapporteuse spéciale, les déplacements internes ne sont pas qu’une question humanitaire, mais également une question de développement et de justice. Il est donc important que les agences de développement participent à tout le processus de justice transitionnelle, comme le fait le Programme des Nations Unies pour le développement. En outre, a-t-elle rappelé, les objectifs de développement durable liés à la justice pour tous incluent la justice transitionnelle.
Rappelant que le trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant sera célébré l’année prochaine, la Rapporteuse spéciale a souhaité que les droits des enfants déplacés soient pris en compte dans les discussions relatives aux personnes déplacées internes. Elle a félicité les États qui avaient déjà commencé à travailler sur la question et a annoncé qu’elle présenterait un rapport portant sur les enfants déplacés. « Les enfants déplacés sur le plan interne ont des vulnérabilités et des besoins spécifiques en matière de droits de l’homme » a-t-elle ajouté.
Mme Jimenez-Damary a applaudi la décision « historique » prise, hier, par un État de déclarer que le déplacement interne des personnes était un crime de guerre et un crime contre l’humanité ». En matière de justice transitionnelle, la question des déplacements internes ne relève pas seulement des démarches humanitaires ou de développement, mais doit aussi être abordée sous l’angle des tribunaux, a-t-elle poursuivi. Elle a également insisté sur la nécessaire participation des personnes déplacées internes, dont elle a déploré qu’elle n’était pas vraiment assurée.
Enfin, la Rapporteuse spéciale a mentionné le rôle des organisations humanitaires et l’accès aux populations déplacées. « Je ne pense pas que l’on pourra régler le problème des déplacements internes sans la pleine coopération des États et des organisations régionales », a-t-elle reconnu, car « il est nécessaire que l’accès à ces populations soit organisé ».
Déclaration liminaire
Pour M. AHMADOU TALL, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui présentait le rapport du Comité, la migration a été et restera une réalité quotidienne. C’est pourquoi, il a regretté que les droits des travailleurs migrants soient régulièrement bafoués. Face aux plus de 258 millions de migrants dans le monde, dont la moitié sont des femmes et quelque 30 millions sont des enfants, et dont environ 20% sont en situation irrégulière, M. Tall a donc appelé à une mobilisation collective pour trouver des solutions durables.
Tout porte à croire, a poursuivi le Président du Comité, que le monde est à la veille d’une mobilité internationale beaucoup plus importante, due en grande partie à la diminution de la main-d’œuvre et au vieillissement de la population, conjugués aux faibles taux de natalité dans de nombreux pays industrialisés. Les migrants seront encore plus indispensables pour répondre aux besoins du marché du travail et assurer la durabilité du développement dans ces pays, a-t-il estimé.
M. Tall a expliqué la migration par différents facteurs, pas uniquement économiques. Il y a certes la pauvreté et l’absence de développement humain, mais aussi l’inégalité entre les sexes, la discrimination, les conflits et la violence, l’instabilité politique, la mauvaise gouvernance l’insécurité alimentaire, la dégradation environnementale et les changements climatiques. Pour lui, la crise migratoire actuelle à travers le monde souligne l’importance fondamentale de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée le 18 décembre 1990 et entrée en vigueur le 1er juillet 2003.
Il y a maintenant 52 États parties à la Convention, alors que 15 des États signataires ne l’ont pas encore ratifiée, a rappelé le Président du Comité, qui assure le suivi de sa mise en œuvre. Pour M. Tall, la Convention représente un cadre juridique solide et convenu pour les droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille dans les pays d’origine, de transit et de destination. La Convention définit la meilleure stratégie pour prévenir les abus et relever les défis auxquels sont confrontés les travailleurs migrants. Elle fournit également des orientations pour l’élaboration de politiques migratoires nationales dans le cadre de la coopération internationale, fondées sur le respect des droits de l’homme et de l’état de droit.
M. Tall a plaidé l’urgence d’entamer un débat sincère et honnête sur les obstacles à la ratification de la Convention et au respect des droits de l’homme de tous les migrants. Il a souhaité que le futur pacte mondial sur les migrations, qui doit être adopté en fin d’année, contribuera à répondre à un grand nombre de ces principaux enjeux, afin que toutes les personnes puissent vivre dans la dignité et à l’abri du besoin.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec M. Ahmadou Tall, l’Indonésie a déclaré son attachement à la mise en œuvre de la Convention qu’elle a ratifiée, en 2012, et a appelé tous les États Membres à suivre son exemple. Quelque 9 millions de travailleurs indonésiens vivent à l’étranger, ce qui fait de la protection des travailleurs migrants une priorité nationale du pays. L’Indonésie a, pour sa part, adopté en 2017 une loi nationale sur la protection des travailleurs migrants étrangers. Elle rappelle en outre l’adoption du consensus de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur les travailleurs migrants en 2016. El Salvador est revenu sur la question des filles, garçons et adolescents migrants et ceux séparés de leurs familles, et a déploré que les différents instruments de protection des droits de l’homme travaillent trop séparément alors que les droits sont tous interconnectés.
L’Union européenne –dont aucun État Membre n’a ratifié la Convention- a expliqué vouloir protéger les droits des migrants. Elle a demandé au Rapporteur spécial son évaluation générale des politiques migratoires à mener pour que personne ne soit laissé sur le bord du chemin et a demandé comment faire pour assurer des sociétés inclusives et durables.
Le Maroc a déploré que la Convention ait été un des instruments de l’ONU qui avait mis le plus longtemps à entrer en vigueur: 12 ans et demi, et qui a connu le moins de progrès depuis lors. « Actif depuis 1979 pour la rédaction de la Convention », le Maroc a mis en place, en 2013, une politique nationale de migration. Entre 2014 et 2017, sur 50 000 demandes présentées, 23 000 ont bénéficié de deux opérations de régularisation de la situation des migrants. Le Maroc aimerait savoir comment le Comité entend participer à la mise en œuvre du futur pacte mondial et quelles mesures il envisage pour défendre le droit des enfants et des femmes migrantes. Comme l’a expliqué le Nigéria, ces deux groupes figurent parmi les plus vulnérables et leurs droits doivent être protégés; c’est pourquoi il a mis en place une base de données sur les migrants.
La Libye a condamné les abus des droits des travailleurs et des mauvais traitements subis par les migrants et s’est défendue contre les accusations dont elle a été l’objet, notamment dans le rapport. Pour la Libye, les accusateurs ne tiennent pas compte des migrants qui sont arrivés dans le pays après avoir été refoulés ailleurs, ni de la longueur des frontières du pays ou encore des nombreuses activités illégales qui s’y mènent, telles qu’enlèvements, trafic d’armes ou de drogues. La Libye déplore les mauvais traitements que les réseaux de passeurs internationaux font subir aux migrants, mais rappelle que la traite des personnes est organisée par des réseaux de la criminalité transnationale qui passent par des pays voisins.
L’Arabie saoudite a réfuté les accusations faisant état de confiscation des documents officiels des migrants sans leur fournir d’interprète, affirmant que ces mesures ne pouvaient avoir lieu car elles seraient contraires aux lois du pays. Elle a également démenti les accusations d’expulsion de travailleurs migrants. Pour l’Arabie saoudite, le Rapporteur spécial n’a pas saisi le sens des campagnes de surveillance des visas mises au point pour tous les travailleurs migrants et qui ont permis de régulariser leur situation. Une telle mesure relève de surcroît du droit souverain du pays et n’est pas contraire aux instruments internationaux.
Réponses
Dans ses réponses, M. AHMADOU TALL a affirmé que le Comité avait toujours respecté la souveraineté des États. Cependant, a-t-il insisté, la mise en œuvre de ce principe doit être conforme à l’esprit des droits de l’homme. Il y a donc un équilibre à rechercher car le plus important est de préserver ces droits.
Quant aux faits dénoncés par le Comité, M. Tall a tenu d’abord à souligner que ce mécanisme « n’a ni amis, ni ennemis ». Il travaille sur des faits et informations vérifiés. Il s’appuie sur les enquêtes de la société civile et autres organisations qui sont présentes sur le terrain. Sur la base de ces éléments, le Comité vérifie leur crédibilité et émet ses opinions. Il situe les responsabilités et invite à prendre des mesures appropriées pour corriger des violations éventuelles. Il veille également à ce que celles-ci ne se reproduisent plus. Mais si les violations s’inscrivent dans la durée, alors le Comité alerte la communauté internationale.
M. Tall a, par ailleurs, salué l’Indonésie pour son action en faveur de la Convention. S’agissant de la valeur ajoutée du Comité dans son travail commun avec le Comité des droits de l’enfant, qui a abouti à l’adoption, en novembre 2017, des observations générales conjointes nos 3 et 4 (2017), M. Tall a estimé qu’une telle approche était essentielle et servirait de guide. Mieux, pour lui, il s’agit d’un document de référence qui servira de jurisprudence. Quant au sort qui lui sera réservé, « l’avenir nous le dira », a-t-il indiqué, saluant le travail d’experts avertis qui ont travaillé d’arrache-pied pour élaborer ce texte dont la finalité est de préserver le droit des enfants dans le contexte de la migration.
La Convention est aux yeux de M. Tall un instrument international qui met l’être humain au centre de ses préoccupations. Certes, a-t-il reconnu, les États ont un droit et un intérêt légitimes à protéger leurs frontières et à choisir leur développement, mais dans le respect des droits fondamentaux des êtres humains, a-t-il insisté. La migration est une réalité historique, a-t-il réitéré, soulignant qu’« il y aura davantage de migrants et, à cela, on doit s’y faire! » À cet égard, le futur pacte sur la migration représentera « un pas de plus » dans la bonne direction. Il y aura des « vases communicants » entre les actions de son Comité et le pacte, s’est-il félicité.
Déclaration liminaire
M. FELIPE GONZÁLEZ MORALES, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, s’est dit honoré de présenter son rapport thématique à la Troisième Commission, consacré à l’accès effectif des migrants à la justice. Il y a vu une excellente occasion de dialoguer avec les États Membres afin d’améliorer la situation des migrants dans le monde, alors même qu’ils sont victimes de discrimination et de xénophobie dans de nombreux pays. Le Rapporteur spécial a précisé avoir effectué, cette année, deux visites de pays, l’une au Népal, du 29 janvier au 5 février, et la plus récente au Niger, du 1er au 8 octobre, et a remercié les deux Gouvernements pour leur coopération.
Évoquant d’abord la question du retour et de la réintégration des migrants, M. González Morales a souligné qu’aucun retour ne devrait être mis en œuvre sans contrôle individuel visant à déterminer la vulnérabilité et les besoins de protection des personnes migrantes concernées. Ce processus, a-t-il dit, doit être suivi par une procédure juridique régulière, lors de laquelle le migrant est effectivement et correctement représenté, avec des possibilités de recours. Or, malgré les protections prévues par la législation contre ces pratiques, des refoulements vers les pays d’origine et les pays tiers, où l’état de droit est faible, ont été menés à tort. Étant donné les conséquences potentiellement dramatiques des retours forcés, la priorité devrait, selon le Rapporteur spécial, être donnée aux retours indépendants et volontaires. C’est pourquoi il avait choisi pour étude de son rapport l’accès effectif des migrants à la justice.
Pour M. González Morales, l’accès à la justice signifie que toute personne, sans discrimination, a le droit d’accéder au système prévu pour la résolution des conflits et le rétablissement des droits. Cela implique également de veiller à ce que quiconque puisse se tourner vers des tribunaux pour demander la protection de ses droits, avec comme garanties d’une procédure régulière le droit à l’assistance judiciaire et à la représentation légale, le droit à l’information et à un interprète, le droit à l’assistance consulaire, ainsi que l’accès aux voies de recours et à la réparation.
Pour le Rapporteur spécial, les politiques de retour qui incluent des mesures telles que les accords de réadmission, des exceptions au statut de pays sûr, des expulsions et des non-réadmissions, sapent ou entravent un accès effectif des migrants à la justice. Ces mesures, qui visent à accélérer le retour des migrants, les privent souvent de leur droit de rechercher une protection internationale et violent le principe de non-refoulement.
L’un des mécanismes permettant aux migrants d’exercer leurs droits fondamentaux sans craindre d’être signalés est la protection par un « pare-feu », a poursuivi le Rapporteur spécial, qui a invité les États à mettre en place des lois et pratiques qui interdisent clairement le transfert d’informations et suppriment l’obligation de signaler le statut de migration irrégulière d’un individu. « Cela contribuera à réduire la crainte des migrants d’être signalés, détenus et expulsés, réduisant ainsi l’impunité pour les violations dont ils sont victimes », a-t-il commenté. À cet égard, M. González Morales a dit avoir identifié quelques bonnes pratiques, principalement aux niveaux local et régional. Les villes, par exemple, peuvent jouer un rôle de protection pour les migrants, leur permettant d’accéder aux services publics sans leur demander de révéler leur statut, a-t-il relevé.
Observant, en conclusion, que le statut migratoire d’une personne est un facteur important pour son accès effectif à la justice, le Rapporteur spécial a reconnu que, compte tenu des nombreux obstacles empêchant les migrants de faire valoir leurs droits, il existait un grand besoin de canaux de migration accessibles, réguliers, sûrs et abordables.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec M. Felipe González Morales, le Qatar, qui s’est félicité du rôle essentiel joué par les personnes expatriées dans le pays, a dit faire tout son possible pour garantir le respect des droits fondamentaux des étrangers au Qatar, notamment par le biais de la loi de 2017 portant sur les droits des travailleurs migrants. Les Émirats arabes unis ont dit avoir mis en œuvre un cadre global pour protéger les migrants, notamment ceux qui travaillent.
El Salvador a rappelé qu’il était à la fois pays d’origine, de transit, de destination et de retour. Connaissant toutes les étapes du cycle migratoire, il juge essentielle une visite du Rapporteur spécial et l’invite à venir en 2019. La Colombie, qui fait face à une augmentation des flux de migrants en provenance du Venezuela, a expliqué qu’elle évitait d’aggraver la situation de ces derniers en leur facilitant l’accès aux services publics. Ainsi, a été menée une campagne de vaccination tout le long de la frontière, qui profite à de nombreux migrants vénézuéliens. Le Brésil fournit, lui, un accès aux services de base aux migrants, y compris pour qu’ils n’aient pas peur lorsqu’ils sont approchés par les services migratoires. Il aimerait plus de détails sur les défis et les possibilités liées à la création de « pare-feu ». Le Venezuela a expliqué que la protection des droits de l’homme des migrants était une question politique et que la promotion du blocus était contraire au droit international.
Cuba a insisté sur le fait que la politique migratoire relevait de l’exercice de la souverainetè nationale et a regretté le racisme, la xénophobie et autres pratiques discriminatoires qui touchent les migrants. Il a notamment dénoncé les pratiques des États-Unis consistant à « mettre des enfants dans des cages loin de leurs parents ».
Le Canada a appelé à la mise en place d’un système international plus souple afin de permettre de répondre aux grands déplacements de personnes. Il s’est félicité de l’intégration des droits fondamentaux dans le pacte sur les migrations et a appelé à ce que les retours se fassent de façon moins délétère tout en respectant la dignité et les droits fondamentaux des migrants. Il a aussi plaidé pour le multilatéralisme, « essentiel » dans ce cadre pour prendre en compte la perspective de genre. Il a demandé s’il existait des pratiques optimales établies pour protéger les groupes vulnérables tels que les femmes.
L’Érythrée a demandé quelle collaboration entre États pouvait être utile pour aider les migrants. L’Afrique du Sud a déclaré que ses lois nationales prenaient en compte les migrants et notamment la vulnérabilité des femmes et des enfants, plus exposés aux violations et exactions.
La Suisse a estimé que 2018 serait une année importante pour les droits des migrants et a demandé quel rôle le Rapporteur spécial allait jouer dans le suivi du pacte ainsi que dans la planification des activités dans l’accès à la justice pour les migrants.
L’Union européenne a expliqué que les États étaient les premiers responsables de la protection des droits de l’homme et que les organisations non gouvernementales les aidaient à assumer leurs responsabilités. Mais comment les États et la société civile peuvent-ils travailler ensemble et comment créer un environnement protecteur pour permettre aux femmes de reprendre leurs droits? L’Allemagne a notamment insisté sur la nécessité de disposer de voies migratoires sûres pour réduire les risques de violation des droits fondamentaux. Elle aimerait savoir comment la communauté internationale peut agir pour tenir compte des migrants travaillant de manière illégale dans des pays où les droits des travailleurs migrants n’étaient pas respectés. La Grèce a expliqué que les services d’identification fournissaient aux migrants des informations sur leurs droits concernant notamment la procédure d’asile et que les demandeurs d’asile avaient accès à des interprètes certifiés ainsi qu’à des voies de recours et recevaient une aide médicale gratuite.
Le Maroc a rappelé l’adoption, en 2014, d’une stratégie nationale portant sur l’accès aux services publics pour les migrants en situation régulière. En outre, au niveau régional, le Maroc joue un rôle dynamique en favorisant une meilleure gouvernance des migrations. Il a demandé plus d’information sur le projet de programme de mobilité à l’horizon 2035.
Réponses
Dans ses réponses, M. FELIPE GONZALEZ MORALES a jugé fructueux ce type de dialogue et a rappelé qu’il avait eu des réunions avec de nombreuses délégations depuis son entrée en fonctions, l’année dernière. Il a expliqué tenir à ce dialogue aussi bien dans le contexte des préparatifs au pacte mondial sur les migrations que pour traiter d’autres questions relatives aux migrants, notamment l’égalité hommes-femmes dans le contexte de la migration.
Le Rapporteur spécial est notamment revenu sur les questions d’accès à la justice, qui a des aspects multiples, et qu’il place au cœur de cette problématique, en particulier dans un contexte de mobilité. L’accès à la justice est essentiel à l’exercice de tous les droits de l’homme, a-t-il rappelé. Le principe de non-discrimination est important en ce sens qu’il doit garantir cet accès aux migrants indépendamment de leur statut migratoire. À cet égard, M. Gonzalez Morales a appelé à l’amélioration de la situation des travailleurs domestiques, préconisant des mesures appropriées qui « doivent être mises en œuvre aussi bien dans les pays d’accueil que d’origine ». Les États doivent fournir des services consulaires dans les pays qui accueillent de nombreux ressortissants pour leur assurer l’accès à la justice, a-t-il insisté.
Au sujet des meilleures pratiques, M. González Morales a cité une législation prévoyant un recours juridique pour les femmes victimes de violence domestique, quel que soit leur statut migratoire. Il a préconisé une action contre les détentions d’enfants dans le contexte de la migration. Cela est un acte contraire au droit international, a-t-il martelé. En outre, les migrants doivent être représentés légalement lorsqu’ils font face à des procédures administratives, telles que l’expulsion et la détermination de leur statut de réfugié. Tous les États doivent également reconnaître la liberté d’association des migrants et le droit des travailleurs migrants de s’organiser dans le cadre d’associations, a plaidé le Rapporteur spécial.
S’agissant enfin du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, M. González Morales a souligné l’importance de la participation des procédures spéciales à la garantie de la place des droits de l’homme dans le processus de suivi.
Suite de la discussion générale
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a indiqué que la politique de son gouvernement avait toujours été cohérente en matière des droits de l’homme, à savoir respecter et assurer la pleine jouissance de ces droits conformément au droit international. Il s’est dit révolté par le fait que chaque cinq minutes un enfant meurt des suites des violences, qu’un million d’autres sont sujets à l’exploitation sexuelle et que 750 millions de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté. Il a rappelé, à cet égard, que son pays a reçu, l’année dernière, le Rapport spécial sur le droit à l’alimentation, se félicitant des discussions fructueuses, dans ce contexte. Il a également rappelé au respect de la souveraineté des États et du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures.
Mme ALANOUD QASSIM M. A. AL-TEMIMI (Qatar) a expliqué que son pays plaçait le renforcement des droits de l’homme au centre de ses préoccupations. Le Qatar apprécie le rôle des travailleurs migrants et a adopté des mesures pour assurer la protection de leurs droits humains. La représentante a insisté sur la nécessité de respecter les droits de l’homme, surtout dans les régions qui souffrent de conflits armés. Elle est en outre revenue sur les défis auxquels fait face le pays du fait des sanctions imposées par la coalition, qu’elle a dénoncées comme une violation des droits de l’homme. Malgré cela, nous avons poursuivi nos efforts pour apporter les services nécessaires aux Qataris, a-t-elle conclu.
M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a regretté que les droits de l’homme soient régulièrement violés à travers le monde. Il a pointé du doigt les inégalités et discriminations et plaidé pour l’amélioration des droits fondamentaux. Il a rappelé que son pays avait ouvert ses portes au peuple rohingya persécuté. « Nous voulons que les victimes de génocide soient protégées », a-t-il insisté, avant de s’inquiéter de la situation du peuple palestinien. Le représentant a évoqué les différentes réformes menées par son gouvernement pour assurer la protection et la promotion des droits de l’homme, a réitéré son soutien à la procédure de l’Examen périodique universel et a annoncé la candidature du Bangladesh à un poste au Conseil des droits de l’homme pour la période 2019-2021.
M. KOUSSAY ALDAHHAK (République arabe syrienne), rappelant que 2018 marque le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, s’est demandé si le monde avait réussi à préserver les générations futures du fléau de la guerre. Il a déploré que les mécanismes des droits de l’homme soient utilisés pour menacer certains États et qu’à cause de cela certains États se retirent de ces instruments.
Le représentant a ensuite dénoncé l’occupation d’Israël qui se poursuit dans les territoires arabes occupés. Il a regretté que certains gouvernements appuient le terrorisme et l’extrémisme violent ou encore violent les droits de l’homme, alors qu’ils sont appréciés pour leur rôle en matière de lutte contre le terrorisme. Les droits de l’homme et les valeurs nobles sont devenus aujourd’hui des outils de la manipulation politique, a-t-il déploré.
Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a souligné l’engagement continu de son pays envers les droits de l’homme, le présentant comme un devoir éthique. La promotion des droits de l’homme est, selon la représentante, la meilleure réponse à l’extrémisme. La protection et la promotion des droits de l’homme relèvent avant tout de la responsabilité des États, et leurs institutions nationales devraient être alignées sur les principes des droits de l’homme, a-t-elle poursuivi. Compte tenu de l’importance des individus, les États doivent veiller à ce que les jeunes et les enfants puissent vivre dans la dignité et participer à la vie publique, a encore affirmé Mme Shaheen, ajoutant qu’il était dans l’intérêt du pays d’accroître la tolérance. Les crimes contre les droits de l’homme doivent être punis, a-t-elle dit.
M. ERIC Y. TIARE (Burkina Faso) a indiqué que son pays avait ratifié la quasi-totalité des instruments régionaux et internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme. Le Gouvernement a adopté, en avril dernier, la politique « Justice et droits humains » afin de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’égalité des citoyens devant la loi, tout en favorisant un développement fondé sur les droits de l’homme, a expliqué le représentant. En outre, l’adoption d’un nouveau code pénal a permis l’abolition de la peine de mort.
Le Burkina Faso a mis en place un « pôle judiciaire » chargé d’améliorer la coordination de la lutte contre le terrorisme, a poursuivi M. Tiare, et confié à la Commission nationale des droits humains le mandat d’établir un mécanisme de prévention de la torture. Afin de pérenniser les progrès réalisés en matière de défense des droits de l’homme, le Burkina Faso compte tirer profit des accords de coopération conclus avec les pays voisins, notamment pour le déploiement de la Force conjointe du G5 Sahel.
Mme ISABELLE PICCO (Monaco) a concentré son intervention sur la peine de mort. « Rien ne prouve que la peine de mort décourage les criminels plus que les autres formes de sanction », a-t-elle affirmé, reprenant les propos de l’ancien Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Zeid Ra’ad Al Hussein. Pourtant, Amnesty International affirme qu’au moins 1 032 personnes ont été exécutées dans 23 pays distincts en 2016, a déploré Mme Picco, avant de préciser que la dernière exécution sur le sol monégasque remontait à 1847. La représentante a également rappelé que la Principauté avait ratifié, en mars 2000, le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Le pays a aussi ratifié les Protocoles 6 et 13 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, concernant l’abolition de la peine de mort « en toutes circonstances ». Au niveau international, Mme Picco a rappelé que Monaco s’était porté co-auteur de l’intégralité des résolutions ayant appelé à un moratoire sur la peine de mort depuis 2007. « Tout individu a le droit à la vie », a ainsi conclu la représentante.
M. CHRISTOPHE NANGA (Gabon) a assuré que la promotion et la protection des droits et des libertés fondamentales figuraient parmi les priorités de son pays, comme en témoigne son adhésion à la plupart des instruments juridiques internationaux en matière de droits de l’homme. Sur le plan intérieur, les réformes engagées par le Gabon, destinées à en faire un pays émergent d’ici à 2025, mettent l’accent sur la protection des droits des personnes vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées.
Le pays a par ailleurs souscrit à la plupart des instruments internationaux relatifs aux statuts des réfugiés, en particulier la Convention de Genève de 1951, et les conventions de l’Organisation de l’unité africaine de 1967 et de l’Union africaine de 2003 sur les réfugiés et les déplacés internes, a ajouté M. Nanga. Le représentant a précisé que l’assistance apportée aux réfugiés et déplacés allait de la fourniture d’un accès à l’éducation et aux soins de santé jusqu’à la mise à disposition des terres cultivables en vue de faciliter leur intégration et leur autonomisation économique.
M. RUMONGI (Rwanda) a indiqué que son pays avait récemment lancé son premier plan national d’action pour les droits de l’homme. Il s’est pour cela appuyé sur un ensemble de mesures mises en place par le Gouvernement pour créer une société inclusive qui prendra en compte les réalités de manière à permettre la stabilité, le développement et l’autonomisation de tous, notamment des personnes les plus marginalisées. Ce plan d’action identifie les questions prioritaires sur lesquelles le Rwanda se concentrera durant les quatre prochaines années au travers d’une série de programmes et de législations destinés à renforcer la protection des droits humains, a précisé le représentant. Parmi ces questions figurent les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels et la protection des groupes vulnérables, a-t-il ajouté. M. Rumongi a encore souligné que le Rwanda avait ratifié la plupart des instruments internationaux des droits de l’homme, qu’il a depuis intégrés dans son système juridique national.
M. DIMITRI ROBERTSON (Jamaïque) a déclaré que son pays s’engageait pleinement à assurer la protection de l’État de droit de tous les peuples. Après avoir ratifié sept des neuf instruments fondamentaux relatifs aux droits de l’homme, le Gouvernement a utilisé une approche interministérielle pour la préparation des rapports et des réponses concernant ses obligations. Il travaille assidûment à soumettre tous les rapports en suspens sans plus tarder. La Jamaïque encourage les autres États parties à faire de même, car elle est préoccupée par les incidences sur les organes conventionnels de l’ONU de la transmission tardive ou de l’absence de remise de rapports périodiques par les États parties aux traités. Par ailleurs, le Plan de développement national du Gouvernement est entièrement aligné sur les objectifs de développement durable.
M. Robertson a par ailleurs rappelé l’engagement sans faille de la Jamaïque en faveur de la diplomatie internationale des droits de l’homme et déploré que des mesures coercitives empêchent des États de mettre en œuvre les objectifs de développement durable. Condamnant ces mesures contraires à la Charte des Nations Unies, le représentant a appelé à la levée de l’embargo imposé à Cuba, qui sape son droit au développement et contredit l’engagement du Programme 2030 de ne laisser personne de côté.
Mme MAJDA MOUTCHOU (Maroc) a souligné la constance de son pays à accorder une place éminente aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à veiller à l’harmonisation de sa législation interne avec les conventions internationales y afférentes. C’est dans cette perspective que le Maroc a adhéré à la majorité des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention relative aux droits de l’enfant.
L’approche du Maroc en matière des droits de l’homme trouve son fondement juridique dans la Constitution du pays, qui confirme « l’attachement du Maroc aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus, ainsi que de sa volonté de continuer à œuvrer pour préserver la paix et la sécurité dans le monde », a expliqué la représentante. La Constitution consacre également le pluralisme de la nation. Le préambule dispose que le Maroc est un « État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale ». Le Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible, a encore déclaré la représentante, qui a rappelé que l’unité du pays était forgée par la « convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ».
M. PANGERAN IBRANI SITUMORANG (Indonésie) a expliqué avoir accueilli, en février 2018, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’époque pour constater les progrès en matière de droits de l’homme. L’Indonésie avait de même reçu le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation. Le représentant a aussi insisté sur la nécessité de la non-politisation et sur l’importance du respect de la souveraineté nationale dans le domaine des droits de l’homme. Il a aussi rappelé que les membres du système des organes de traités devaient protéger leur indépendance et veiller à ce que leur travail se fasse conformément aux principes des Nations Unies.