La Première Commission rejette par un vote l’examen d’un projet de résolution russe sur le Traité FNI (forces nucléaires à portée intermédiaire)
La Première Commission (Désarmement et sécurité internationale) a rejeté, ce matin, par vote, l’examen d’un projet de résolution déposé hors délai la veille par la Fédération de Russie concernant l’avenir du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI). La Russie entendait répondre à l’intention des États-Unis de se retirer du Traité FNI en vigueur depuis 1987.
Les États-Unis avaient déposé hier, 25 octobre, une motion d’ordre pour s’opposer à l’examen de ce texte au motif qu’il avait été soumis après la date limite fixée par la Commission au 18 octobre. Faute de consensus lors des consultations menées entre temps par le Président de la Commission, la Fédération de Russie a demandé, aujourd’hui, un vote sur la question: la Commission s’est prononcée contre l’examen de la résolution dans son enceinte par 55 voix contre, 31 pour et 54 abstentions.
Les États-Unis ont été soutenus notamment par la France, la Finlande ou le Royaume-Uni pour qui il ne fallait pas créer de « précédent ». Le Royaume-Uni a également estimé que ce projet concernant « la paix et la sécurité », comme l’avait souligné le représentant russe, relevait du mandat du Conseil de sécurité.
La Russie a regretté ce rejet en prévenant que « si les États-Unis se retirent du Traité et commencent à développer sans contrôle leur potentiel nucléaire, nous serons confrontés à une nouvelle réalité face à laquelle ces questions de procédure paraîtront bien insignifiantes ».
L’Argentine, quant à elle, a expliqué avoir voté « contre » lors du vote car qu’il s’agissait d’une question bilatérale entre la Russie et les États-Unis et qu’il revenait par conséquent à ces deux pays de trouver une solution.
À l’issue de ce vote, la Commission a repris ses travaux selon l’ordre du jour convenu, notamment sur le point 4 de son ordre du jour –les armes classiques– à propos desquelles plusieurs délégations ont souligné l’articulation entre l’usage excessif de ces armes, en particulier en zone urbaine, et le nécessaire respect du droit international humanitaire.
Le Mexique a jugé « insoutenable » que les pays producteurs et exportateurs d’armes privilégient leurs intérêts économiques et ceux de leurs industries alors que les armes conventionnelles sont responsables de la majorité des morts violentes dans le monde. Il a appelé à la création d’un instrument international qui permette de protéger les civils dans les villes.
Le désarmement est d’abord un programme humanitaire face à l’augmentation du nombre de victimes, a également soutenu la représentante des Pays-Bas. Elle a par ailleurs appelé au respect du droit international humanitaire dans l’utilisation des systèmes d’armes létales autonomes, et souligné que les avancées technologiques, les drones en particulier, exigent une meilleure compréhension des risques à venir.
Elle a été appuyée sur ce point par le Mexique et par l’Inde, qui a rappelé qu’elle présidait le Groupe d’experts gouvernementaux ad hoc et a souhaité que celui-ci puisse poursuivre ses travaux avec les ressources nécessaires.
Puis la Commission a entamé le débat sur le point 5 de l’ordre du jour, (autres mesures de désarmement et sécurité internationale) lors duquel les délégations se sont inquiétées des usages malveillants du cyberespace. Pour l’Indonésie, qui parlait au nom du Mouvement des pays non alignés, il faut s’assurer que l’utilisation de ces technologies se fasse « dans le plein respect du droit ».
Singapour a rappelé que la cybersécurité avait été un point clef de son mandat à la tête de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour laquelle il établira d’ailleurs un centre d’excellence en 2019. Car pour le représentant, tous les États doivent s’équiper de capacités suffisantes pour sécuriser leurs infrastructures.
« Alors que la menace augmente chaque jour », a remarqué la Russie, l’ONU ne dispose pas de mécanisme spécifique pour traiter de cette question. « Faux », a rétorqué le Canada qui s’exprimait également au nom d’un groupe de pays (Australie, Canada, Chili, Estonie, Japon, Pays-bas, Nouvelle-Zélande, République de Corée, Royaume-Uni): des mesures de confiance ont été élaborées; il convient de « faire front » sur ce qui a été accompli et non de le saper. « Le droit international s’applique dans le cyberespace comme ailleurs », a insisté la représentante.
La Première Commission reprendra ses travaux lundi 29 octobre à 10 heures.
DÉBAT THÉMATIQUE SUR DES QUESTIONS PRÉCISES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR
Poursuite de la discussion suite au dépôt d’un projet de résolution par la Fédération de Russie
Le représentant du Royaume-Uni a considéré que la Première Commission devait respecter le Règlement intérieur. Le projet de résolution est un nouveau texte soumis bien après la date butoir, a-t-il expliqué. S’il a bien noté que c’était un sujet urgent compte tenu de la situation internationale, il a estimé qu’il y avait un endroit pour cela: le Conseil de sécurité.
Le délégué de la République islamique d’Iran a estimé qu’il fallait prendre en compte d’autres faits. Le 24 octobre, a-t-il rappelé, la Président de la Commission a posé une question similaire concernant un projet de résolution présenté hors délai par le Cameroun. Il avait alors fourni deux raisons pour expliquer ce retard: l’importance du projet de résolution et le caractère extraordinaire de sa mise en œuvre. Le délégué iranien a estimé que les mêmes raisons pouvaient être invoquées pour la proposition russe. Sans vouloir entrer dans des explications de fond, il a considéré que les deux explications données dans le cas du Cameroun s’appliquent cette fois encore. Il a rappelé que la République islamique d’Iran n’avait pas cherché à politiser la proposition camerounaise et ne l’avait pas bloquée en invoquant le Règlement intérieur: « Nous vous avons écoutés et nous avons accepté la proposition du Cameroun. » Même si la proposition russe concerne une question bilatérale, a-t-il conclu, elle concerne la sécurité du monde, et donc elle est de notre ressort.
Le représentant de la Chine a estimé que le Règlement intérieur devrait être respecté, mais en même temps qu’il faudrait un espace pour en discuter.
Le représentant des États-Unis a rappelé que, pour la résolution du Cameroun, arrivée après le 18 octobre, une exception avait été faite car elle portait sur un point à l’ordre du jour. Mais la tentative de la Russie de présenter une résolution très politique est différente, à son avis. Aussi a-t-il souhaité qu’on s’en tienne au Règlement intérieur, « sinon la Commission ne pourra fonctionner ». Il n’y a donc pas lieu de comparer avec la résolution camerounaise qui portait sur un point de l’ordre du jour de la Commission, a-t-il répété.
Le représentant de la République arabe syrienne a reconnu l’importance du Règlement intérieur mais a appelé à éviter la pratique « deux poids, deux mesures » dans les travaux. Inscrire la résolution au programme ne constitue pas selon lui un précédent. Il a dit « ne pas comprendre » les objections du Royaume-Uni et des États-Unis. Le document CRP1 a déjà été amendé et personne ne s’y est opposé, a-t-il rappelé. Le délégué a fait valoir que le désarmement nucléaire est fondamental et que cette question est cruciale. « Puisque nous avons déjà amendé le document, nous pensons que nous pouvons examiner cette question. »
Le document CRP1 « n’a pas été amendé, ni révisé », car la date butoir n’a pas été modifiée, a précisé à ce stade le Président de la Première Commission.
Selon le délégué de la France, il faut respecter le Règlement qu’on a tous accepté, or le délai de présentation des projets est depuis longtemps dépassé. Il a, par ailleurs, estimé que la situation n’est en aucun cas comparable avec l’exemple du Cameroun puisque là le problème était technique; le sujet sur lequel il présentait un projet était inscrit à l’ordre du jour. Il a conclu en estimant que le respect du droit est la meilleure façon de construire la confiance.
Sur la question du Cameroun, le délégué de la République islamique d’Iran a réitéré qu’une décision avait été prise sur la foi d’arguments que le Président avait présentés, faisant référence à des circonstances exceptionnelles. Selon lui, nous sommes aussi, aujourd’hui, dans des circonstances exceptionnelles. À ce titre, il a trouvé que ses collègues français et américains avaient choisi, cette fois, d’adopter « une position très dure ». Pour lui, c’est un « positionnement politique ». Il a rappelé que le mandat de la Première Commission est d’étudier les questions de désarmement. « On nous dit que cette question n’est pas à l’ordre du jour, a-t-il conclu, mais si on avait suivi cette approche, la nouvelle proposition des États-Unis sur la cybersécurité n’aurait pas dû être acceptée ».
Le représentant de la Fédération de Russie a tenu à préciser plusieurs choses à propos du Règlement. Citant plusieurs articles de ce texte, il a estimé que la question de la date butoir pour la présentation des projets de résolution est certes essentielle, mais pas la plus importante du programme de travail de la Commission. « La Commission peut décider de la changer au besoin, a-t-il assuré. C’est pour cette raison que nous considérons qu’il n’y a rien dans le Règlement qui nous empêche de présenter ce projet de résolution pour qu’il soit examiné. »
Par ailleurs, a-t-il assuré, la Russie demandera que cette question soit examinée par le Conseil de sécurité lorsque les États-Unis se seront effectivement retirés du Traité. Estimant qu’il reste encore du temps pour essayer de prévenir cette décision dommageable pour la paix et la sécurité internationales, il considère que le sujet relève aussi de la Première Commission.
Enfin, il a argué qu’il y a au minimum deux points de l’ordre du jour au titre desquels son projet peut être présenté: les points 101b (désarmement nucléaire) et 101t (missiles). « De ce fait, nous ne voyons pas de raisons formelles de ne pas étudier notre proposition », a-t-il insisté. « Notre proposition est simple, a répété le délégué: nous demandons au Président et au Secrétariat d’accepter la proposition de la Russie sans discrimination, car nous considérons que les circonstances ne sont pas moins importantes que celles qui ont permis d’accepter le projet de résolution du Cameroun ».
Le Président de la Première Commission a rappelé que la date butoir avait été adoptée lors les travaux préparatoires de la Commission.
Le représentant de l’Australie a expliqué la différence entre la résolution du Cameroun et celle de la Russie: celle du Cameroun était attendue. Il n’est pas raisonnable d’examiner le texte de la Russie ici, « après quelques jours à peine », pour décider si oui ou non les délégations veulent se prononcer sur ce texte, a-t-il tranché. Les délégations doivent pouvoir consulter leur capitale; or elles n’ont pas eu le temps de le faire.
Pour la délégation de la Finlande, la question ne relève que de la procédure et il n’y a aucune considération politique: il s’agit de la date butoir que nous avions adoptée pour le dépôt de résolutions; or la Russie a déposé son projet près d’une semaine plus tard. Pour la Finlande, il est donc clair que ce projet ne doit pas être examiné par cette Commission.
La délégation d’Israël a considéré, pour sa part, qu’il s’agit d’une question bilatérale entre la Russie et les États-Unis; par conséquent la Commission n’est pas le forum adéquat pour l’examiner.
La Fédération de Russie a répondu à Israël: « oui il s’agit d’un traité bilatéral; cependant ce n’est pas la question posée ». Les États-Unis ont évoqué l’idée de se retirer du Traité FNI, décision qui pourrait avoir des répercussions très négatives sur le système de désarmement et de non-prolifération, a-t-il argué. Il a donc insisté sur la tenue d’un vote sur son projet de texte.
Procédure de vote
À l’issue de ces discussions, un vote a été organisé pour trancher la question et la Commission a décidé qu’elle n’était pas saisie du projet de résolution russe sur Traité le FNI, par 55 votes contre, 31 pour et 54 abstentions.
Le délégué de la Fédération de Russie a dit sa surprise et sa tristesse face au vote d’aujourd’hui. Il a estimé que la majorité des pays qui se sont abstenus sont des défenseurs du désarmement nucléaire et qu’une partie significative des pays qui ont voté contre sont des partisans du maintien du traité. Disant ne pas comprendre leur position, il a expliqué que la Russie avait essayé d’envoyer un message fort au cercle politique des États-Unis concernant les dangers auxquels nous expose la trajectoire américaine. Il espérait que cette initiative serait soutenue par toutes les forces raisonnables qui se trouvent dans cette enceinte, mais il a constaté qu’il avait tort.
« D’ici à un an, si les États-Unis se retirent du traité et commencent à développer sans contrôle leur potentiel nucléaire, nous serons confrontés à une réalité toute autre », a prévenu le délégué russe. « Et ces questions de procédures nous paraîtrons alors bien insignifiantes. » Faisant appel à leur qualité de diplomate, il a rappelé à ses confrères que leur mission est de réagir rapidement à ce qui se produit dans le monde et d’éviter autant que possible une dégradation de la situation. Il a cependant assuré que la Russie allait continuer de travailler aux côtés des États qui partagent son point de vue pour convaincre les États-Unis d’adopter une approche constructive dans le cadre du traité et de ne pas renforcer son potentiel nucléaire comme cela a été déclaré par le Président Trump. Il a pointé finalement la responsabilité des États qui ont aujourd’hui « manqué de courage avec leur décision ».
Explications de vote
Le représentant de l’Argentine a expliqué pourquoi son pays avait voté non. Soulignant que ce traité avait été signé entre les États-Unis et la Fédération de Russie, il a estimé que c’est à ces deux pays de trouver une solution. Il a également fait valoir que le projet de résolution avait été présenté hors délai.
Le délégué du Bélarus s’est demandé « comment pouvons-nous accepter un projet de résolution dans un cas et prendre une autre décision dans un cas similaire? » Il s’est dit très déçu pas le résultat du vote, car ce traité a des répercussions sur la sécurité internationale. « Ceux qui disent que c’est un traité bilatéral et que seuls deux pays sont concernés ont tort », a-t-il conclu.
Le représentant de la Finlande a rappelé que son vote portait sur la procédure et le Règlement intérieur. Il s’est donc dit satisfait que les règles aient été respectées. « Notre position sur le Traité FNI a été clairement exprimée dans notre déclaration nationale », a-t-il rappelé.
Le représentant des États-Unis s’est dit « déçu » de voir la Russie utiliser des « mots inappropriés »; « c’est une façon d’intimider les autres nations et c’est désolant ». « Au cours des cinq dernières années et demi, nous avons essayé de dialoguer avec la Russie sur les violations du Traité FNI », a-t-il assuré, en constatant que celle-ci affirme ne pas avoir réalisé d’essai de missiles de portée intermédiaire et que, récemment, elle a reconnu des essais mais affirmé qu’ils n’étaient pas effectués en violation du Traité FNI. Cela fait cinq ans et demi que les États-Unis essaient de régler le problème, a insisté le représentant, qui a espéré que la Russie détruira ses missiles.
Le représentant d’El Salvador a expliqué qu’il ne s’agissait pas de courage ou de faiblesse, mais juste de traiter la proposition faite, sans que cela préjuge de sa position sur le désarmement nucléaire.
La République islamique d’Iran a demandé au représentant des États-Unis de prêcher par l’exemple: il y a quelques jours, il avait utilisé le mot « blague » à propos d’un collègue, a-t-il rappelé.
La Fédération de Russie a réagi aux rires qui ont accueilli sa déclaration: il n’y a rien de drôle et je n’ai pas utilisé de gros mots ». Les États-Unis évoquent des violations depuis cinq ans, a-t-il relevé. « Oui, la Russie se prépare à la guerre, elle est prête à faire la guerre, mais les États-Unis sont eux prêts à « une guerre » en renforçant leur arsenal », a-t-il argué.
Déclarations sur les armes conventionnelles
M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a jugé insoutenable que les pays producteurs et exportateurs d’armes privilégient leurs intérêts économiques et protègent ceux de leurs industries quand on sait que les armes conventionnelles sont responsables de la majorité des morts dans le monde et entretiennent les conflits. « Le commerce irresponsable génère la prolifération des armes et il est plus qu’urgent d’empêcher qu’elles ne tombent dans les mains de la criminalité transnationale organisée et des terroristes. » Le représentant a donc appelé à la coopération et à l’engagement de tous les pays pour combattre ce problème et demandé que l’attention soit focalisée sur la protection des victimes, la recherche des responsabilités et la reddition de comptes dans cette prolifération.
Certaines armes ne doivent pas être utilisées, a-t-il ajouté, en citant les armes à sous-munitions, en vertu du principe de discrimination des victimes. Le délégué a appelé à créer un instrument international qui permette de protéger les civils dans les villes, en invitant à discuter des limites du recours à la force. Enfin, il a appelé à se montrer attentifs aux progrès technologiques qui peuvent créer des asymétries en renforçant les capacités de certains États. Il faut également, a-t-il ajouté, discuter d’un instrument juridiquement contraignant pour interdire les systèmes autonomes qui régissent les drones armés.
M. TONG HAI LIM (Singapour) a appuyé les efforts menés pour lutter contre le commerce illicite des armes. Il a rappelé que son pays avait participé activement à la troisième Conférence d’examen du Programme d’action sur les armes légères et contribuait aux efforts internationaux en la matière. Singapour a d’ailleurs signé le Traité sur le commerce des armes en septembre 2014. En outre, le pays soutient les initiatives sur l’usage sans discernement des mines antipersonnel qui ont des conséquences humanitaires néfastes. Singapour s’est dit également convaincu de l’importance de la transparence en termes de transfert d’armes. Le délégué a insisté pour que les États respectent leurs obligations quant au commerce illicite des armes et leur usage sans discernement, tout en leur reconnaissant le droit d’acquérir des armes au nom de leur légitime défense.
Mme NIDHI TIWARI (Inde) a partagé les inquiétudes relatives aux transferts d’armes classiques, y compris les armes légères et de petit calibre (ALPC), vers des terroristes ou d’autres acteurs non-étatiques, « un problème qui de nos jours représente une menace réelle pour la paix et la sécurité internationales ainsi qu’un obstacle à la réalisation des objectifs de développement durable ». Fermement attachée à la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), l’Inde estime qu’il faut la rendre universelle; elle compte à ce jour 125 États parties. Dans cet esprit, l’Inde soutient le plan d’action pour son universalisation ainsi que son programme de sponsoring auxquels elle a régulièrement contribué financièrement ces dernières années. À cet égard, la représentante s’est dite préoccupée par la situation financière actuelle de la CCAC. Elle a lancé un appel à tous les États pour qu’ils s’acquittent de leurs contributions dans les temps, saluant au passage les efforts de son Président pour améliorer la prévisibilité et la viabilité des finances de la Convention.
En décembre 2017, l’Inde a accueilli une conférence internationale sur la CCAC, en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui s’est tenue à Delhi, « la première de ce genre en Asie en 10 ans ». Son objectif était de mieux comprendre la portée et le contenu de cette convention pour faciliter une adhésion plus forte, a expliqué la représentante.
Elle a également rappelé que sous la présidence de l’Inde, le Groupe d’experts gouvernementaux (GEG) sur le système d’armes létales autonomes a pu adopter son rapport par consensus en 2018. Pour l’Inde, l’examen de cette question dans le contexte de la CCAC renforce celle-ci et souligne sa capacité à répondre de manière significative aux technologies nouvelles en mutation applicables aux conflits armés du XXème siècle. Sa délégation encourage la poursuite du travail du Groupe d’experts sur ce système « avec des moyens financiers adéquats et la participation de toutes les parties prenantes ». Elle soutient également le registre des armes classiques des Nations Unies et son rapport sur les dépenses militaires, a indiqué la représentante, rappelant qu’elle y soumettait régulièrement ses rapports nationaux. En conclusion, elle a indiqué que l’Inde avait des contrôles nationaux stricts sur les transferts d’armes classiques qui répondent aux plus hautes normes internationales.
Pour M. ANTÓNIO GUMENDE (Mozambique), le contrôle des armes classiques est un pilier fondamental de la réalisation du programme de désarmement ainsi que pour la paix et la sécurité internationales. Ce principe est ancré dans la Constitution du Mozambique, a précisé le représentant. Preuve de son engagement en faveur du désarmement complet et universel, le Mozambique applique, depuis 2001, le Programme d’action des Nations Unies sur la prévention, la lutte et l’élimination du commerce illicite des ALPC. Dans ce contexte, le Gouvernement a adopté certains instruments juridiques et pris des mesures de maintien de l’ordre pour contrecarrer les effets de la prolifération des armes à feu, notamment celles aux mains de civils, a expliqué le représentant, citant la tenue de registres, le marquage et le traçage des armes ainsi que le contrôle de leurs exportations et importations, voire même des embargos et des pénalités. Des campagnes de sensibilisation accompagnent ces mesures gouvernementales en vue de promouvoir le débat public avec toutes les parties prenantes, a précisé le représentant.
Sa délégation est consciente qu’en agissant seule, et uniquement sur le plan national, « nos efforts seront dilués et voués à l’échec », car dans le monde interconnecté actuel, la responsabilité de la lutte contre le commerce illicite des ALPC exige des actions et des partenariats entre États, organisations régionales et internationales ainsi qu’avec d’autres parties prenantes pertinentes. C’est dans cet esprit que le Mozambique fait désormais partie de l’Organisation de coopération régionale des chefs de police de l’Afrique australe (OCCPA) ainsi que d’INTERPOL. Le représentant a également rappelé que depuis 2015, le Mozambique est débarrassé des mines antipersonnel et qu’il poursuit activement l’application de la Convention sur les armes à sous-munitions. Il a également signé le Traité sur le commerce des armes.
Mme LILIANE SÁNCHEZ RODRÍGUEZ (Cuba) s’est scandalisée de l’ampleur des dépenses en armement. Elle a chiffré à 1,7 milliard de dollars les investissements de cette année, alors que, dans le même temps, a-t-elle souligné, plus de trois milliards de personnes vivent dans la pauvreté et 844 millions n’ont même pas accès à des services de base comme l’eau potable. Elle a estimé que les États surarmés approfondissent le déséquilibre en produisant et en stockant ces armes.
Par ailleurs, a-t-elle accusé, certains continuent à vendre ces armes à des acteurs non étatiques, alors que dans le même temps ils en refusent à des pays qui en ont besoin pour leur autodéfense. « C’est un deux poids, deux mesures », a-t-elle insisté. À ce titre, elle a expliqué que son pays ne peut pas appuyer des accords visant à interdire des armes dont les technologies peuvent être à double emploi et qui imposeraient des sélections discriminatoires pour des États qui en ont besoin à des fins pacifiques. Pour elle, le Traité sur le commerce des armes établit des paramètres subjectifs pour accepter ou nier le transfert d’armes aux États Membres.
Pour éliminer le trafic illicite, a-t-elle poursuivi, il faut s’attaquer aux causes profondes qui sont socioéconomiques. Considérant que le Programme d’action sur les armes légères est le principal texte de référence, Cuba continuera de l’appuyer, de même que les documents finaux de la Conférence d’examen. Sur la Convention sur l’interdiction des armes classiques, la déléguée a souhaité un protocole qui interdise tout système d’armes létales autonomes avant que celles-ci soient produites à grande échelle. À ses yeux, ces armes sont incompatibles avec le droit international humanitaire.
M. VICTOR MORARU (République de Moldova) a estimé que les États Membres ont l’obligation de faire plus pour réduire la disponibilité non réglementée des armes conventionnelles et des ALPC, en zone de conflits ou de conflits potentiels, en assurant un strict contrôle et la destruction des armes en surplus. Selon le résultat de la troisième Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC, la production illicite, et le transfert illégal des armes conventionnelles dans les « zones grises », où les gouvernements n’exercent pas de contrôle complet sur une partie du territoire, est une source de préoccupation pour de nombreux gouvernements, « y compris le mien », a-t-il indiqué.
« Ce phénomène se retrouve dans la partie est de la République de Moldova, qui est partiellement contrôlée par une entité militarisée non constitutionnelle », a-t-il déclaré. II a affirmé que de grandes quantités d’armes conventionnelles, appartenant à un Groupe opérationnel des forces russes, stationnent là, contrairement au droit. Bien que situées sur le territoire de la Moldova, les armes conventionnelles russes ne sont pas sous « sa juridiction ou son contrôle ». En raison d’un manque complet de transparence de la part de la Russie, ni le Gouvernement moldave, ni la Mission de l’OSCE, qui a une mission en Moldova et un mandat adéquat, ne peuvent vérifier les stocks d’armes, s’est plaint le délégué. Cette situation, a-t-il expliqué, représente le principal obstacle qui empêche le Gouvernement moldave d’appliquer sur son territoire les dispositions des instruments multilatéraux, auxquels la Moldova est partie. Il a donc dit espérer le retrait des forces militaires russes et de leur armement du territoire de Moldova, en accord avec le Document d’Istanbul de 1999.
Mme SANDRA DE JONGH (Pays-Bas) a salué les efforts du Secrétaire général des Nations Unies pour lier les questions de désarmement et développement durable. Elle a relevé que le désarmement est d’abord un programme humanitaire face à l’augmentation du nombre de victimes et les menaces que font peser les armes explosives, notamment quand elles tombent entre les mains des terroristes. Elle a également cité le problème de l’usage de mines antipersonnel en zone urbaine et de l’utilisation des armes à sous munitions. L’utilisation des armes classiques est réglementée par le droit humanitaire, a rappelé la déléguée, en appelant à respecter ce droit essentiel. De même pour les systèmes d’armes létales autonomes qui sont porteurs de risques, des risques qu’il faut mieux comprendre et mieux évaluer, selon elle. Les avancées technologiques rapides et les drones exigent une meilleure compréhension des risques à venir, a-t-elle insisté.
Déclarations sur les autres mesures de désarmement et de sécurité internationale
Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie), parlant au nom du Mouvement des pays non alignés, a noté les opportunités qu’offrent les technologies de l’information et des communications (TIC) pour les États, notamment les moins développés, tout en soulignant leur potentiel de mettre en danger la paix et la sécurité. À ce titre, a-t-elle dit, il faut absolument s’assurer que l’utilisation de ces technologies se fait dans le plein respect du droit. Elle a rappelé le rôle central des Nations Unies dans les avancées des TIC et le besoin de poursuivre la discussion pour s’assurer de la transparence et de la participation inclusive de tous les États, incluant la possibilité de créer un groupe de travail à l’Assemblée générale.
La représentante a ensuite insisté sur l’importance du respect des normes environnementales dans la mise en œuvre des accords sur la limitation des armes. Tous les États, par le biais de leur action, devraient contribuer au respect de ces normes, a-t-elle insisté. Elle a assuré que le Mouvement des pays non alignés allait proposer des projets de résolution en ce sens.
M. ANDREI KRUTSKIKH (Fédération de Russie) a estimé que la situation empirait chaque jour, car un certain nombre de pays renforcent leur « cyberpotentiel », ce qui devrait leur permettre de réaliser la première attaque cybernétique. Or, les membres de la communauté internationale, se rendant compte qu’ils sont vulnérables, dépensent beaucoup dans leur défense au lieu d’investir dans le développement, a-t-il remarqué. Face à ces menaces, on a vu, après la réunion du groupe sur la sécurité de l’information, en 2017, que l’ONU ne dispose pas de mécanisme pour traiter de cette question, alors que l’Organisation devrait jouer un rôle de chef de file dans le domaine.
À l’heure actuelle, l’équilibre dans le traitement de cette question est décidé par les plus forts, a relevé le représentant. Il a estimé qu’il faudrait une implication directe de tous les États intéressés, quel que soit leur niveau de développement technologique. À cette fin, la Russie a déposé un projet de résolution qui plaide pour un monde plus juste dans la sphère numérique et appelle à la création d’un groupe de travail de l’ONU à composition non limitée pour examiner trois sujets: le comportement des États; l’applicabilité du droit international; la coopération et le renforcement des capacités des pays en développement. Ce groupe garantirait la participation de tous les États intéressés, a précisé le délégué. Il a rappelé que sans règle, il est impossible d’assurer l’ordre dans la sphère cybernétique. Aussi faut-il faire tout ce qui est possible pour réduire les menaces, tout en respectant le principe de non-ingérence, et pour prévenir l’élargissement du fossé numérique. Enfin, le représentant russe a jugé essentiel de dénoncer les États qui se livrent à ces activités.
M. BURHAN GAFOOR (Singapour), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a assuré que les pays de l’ASEAN partageaient une vision commune d’un cyberespace pacifique, surtout au vu des avancées rapides dans le domaine des sciences et des technologies. Les menaces évoluent dans le cadre d’une économie mondialisée, a-t-il affirmé, mais aucun État n’a à lui seul les solutions pour y faire face. Selon lui, il faut donc passer par des coopérations régionales et internationales pour répondre à ces menaces. Il a assuré que les responsables de l’ASEAN ont réaffirmé leur volonté de coopérer pour relever ces défis. Dans le cadre du trente-deuxième Sommet de l’ASEAN, ils ont ainsi convenu du développement d’un mécanisme de cybersécurité. Il a expliqué que les discussions avaient été guidées par le rapport d’experts gouvernementaux sur les TIC remis aux Nations Unies en 2015.
À cet égard, le délégué a rappelé le rôle clef joué par l’ONU sur ces questions. Appuyant l’agenda présenté par le Secrétaire Général, il s’est dit ravi de voir que le plan d’action pour le partenariat entre l’ASEAN et l’ONU mettait également en lumière cette nécessaire coopération en matière de cybersécurité. Baser le cyberespace sur des règles économiques est une condition du développement économique, a-t-il insisté.
D’un point de vue national, il a rappelé que la cybersécurité a été un point clef de la présidence singapourienne de l’ASEAN. Selon lui, il est important pour tous les États d’être équipés des capacités suffisantes pour sécuriser leurs infrastructures. Pour renforcer le développement des capacités stratégiques et de recherches de l’ASEAN, Singapour établira, en 2019, le centre d’excellence de cybersécurité de l’ASEAN. Singapour, a-t-il ajouté, a aussi travaillé en étroite collaboration avec la Conférence du désarmement. « Nous avons participé à des consultations officielles et prenons note des résolution présentées. » En revanche il s’est dit déçu qu’il n’y ait pas eu de convergence sur cette question unique et essentielle de la cybersécurité. « S’il n’y a pas de consensus sur cette question, comment allons-nous faire sur des questions encore plus complexes? »
M. WALTON ALFONSO WEBSON (Antigua-et-Barbuda) au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a souligné que la résolution du Conseil de sécurité 1325 (2000) et les résolutions de suivi ont réaffirmé importance du rôle des femmes dans la prévention et le règlement des conflits, négociations et maintien de la paix de la paix et dans l’assistance humanitaire et la reconstruction; ces résolutions soulignent l’importance d’une participation équitable des femmes aux efforts de maintien de la paix de la paix et de sécurité. La CARICOM va donc présenter un projet de résolution sur cette perspective du genre dans le désarmement.
La CARICOM, a poursuivi le représentant, soutient par ailleurs le Programme d’action sur les armes légères des Nations Unies, premier instrument international sur le contrôle de ces armes et sur le rôle des femmes dans ce cadre. Si la CARICOM n’est pas touchée par les conflits armés, elle l’est par la violence liée aux ALPC qui causent environ 70% des homicides dans la région. Cela détourne des ressources importantes des objectifs de développement dans une région déjà frappée par les catastrophes naturelles, a fait remarquer le délégué. Selon l’OMS, les communautés qui subissent la violence sont également exposées à la malnutrition et aux maladies transmissibles.
M. BASSEM YEHIA HASSAN KASSEM HASSAN (Égypte), s’exprimant au nom du Groupe des États arabes, a appelé tous les États à renouveler leur engagement dans la coopération multilatérale dans le domaine du désarmement. Le Groupe est préoccupé par l’augmentation des ressources militaires; il estime que cet argent pourrait être utilisé pour résoudre la paix dans le monde. L’augmentation des dépenses militaires a des répercussions sur les objectifs de développement durable, a-t-il ajouté. Comme les armes de destruction massive et la modernisation des armes nucléaires sont une menace à la sécurité mondiale, il a recommandé que les plateformes mondiales de désarmement tiennent compte des normes environnementales.
La délégation s’est, par ailleurs, dite très préoccupée par l’usage des TIC à des fins de destruction. Selon le délégué, les Nations Unies doivent continuer à établir et renforcer les règles et les normes en la matière. Enfin, le Groupe a appelé à des progrès concrets pour faire face à l’usage accru d’armes létales autonomes. Il a considéré que ces armes entraînent un problème de responsabilité humaine quant à l’usage légitime de ces armes.
M JOHN DAVISON (Canada), qui parlait également au nom de l’Australie, Chili, Estonie, Japon, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, République de Corée et Royaume-Uni, a dénoncé des actes malveillants dans le cyberespace dus à des États qui, directement ou par le biais d’acteurs non étatiques, s’adonnent à des activités ciblant des infrastructures, des systèmes essentiels et des processus démocratiques et sapent ce faisant l’ordre international. Ces actes mettent en péril les bénéfices du cyberespace; les États qui les commettent le font au mépris des normes car le cyberespace n’est pas sans régime juridique ni gouvernance. Le droit international s’y applique comme ailleurs et les États ont des devoirs en ligne comme hors ligne. C’est un processus qui a été validé par l’ONU en 2015, dans le contexte de la sécurité internationale, a ajouté le représentant.
Des mesures de renforcement de la confiance ont été élaborées par des organisations régionales et il convient de faire front sur ce qui a été accompli, a poursuivi le délégué, qui a appelé à poursuivre ces efforts au sein des Nations Unies et ailleurs, notamment au sein des Groupes d’experts gouvernementaux, pour favoriser le consensus. « Il est essentiel que le processus GEG parvienne à la transparence et la confiance pour aboutir à un document dans un délai raisonnable, en mettant l’accent sur les questions les plus épineuses. » Chacun, a ajouté le délégué, doit jouer son rôle pour lutter contre les menaces à la paix et la sécurité dans le cyberespace. Il a estimé que la création par consensus d’un Groupes d’experts gouvernementaux sur la cybersécurité en Première Commission donnerait du temps aux États et aux partenaires et serait une première contribution importante pour contrer ces menaces.
Mme NARCISA-DACIANA VlĂDULESCU, déléguée de l'Union européenne, a dénoncé les menaces malveillantes sur Internet, à commencer par la tentative de la Fédération de Russie de saper l’intégrité de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) par une cyberopération agressive. Réaffirmant son attachement au système du droit international, il a appelé au renforcement de la cybersécurité pour défendre l’intégrité des institutions, y compris par le biais des Nations Unies.
L’UE a fait la promotion d’un cadre stratégique pour la promotion de la sécurité dans le cyberespace basé sur le droit international existant. Reconnaissant l’importance des Nations Unies dans l’établissement des normes de comportement sur Internet, le délégué a rappelé que les différents groupes d’experts gouvernementaux mandatés sur cette question avaient permis d’obtenir des consensus sur des mesures contribuant à la stabilité et à la sécurité du cyberespace: des règles de comportement responsable des États, le renforcement de la confiance, le respect du droit international…
L’Union européenne a également rappelé que les rapports du Groupe d’experts gouvernementaux de 2013 et 2015 contenaient des recommandations essentielles à mettre en œuvre. Il a cité 11 principes volontaires et non juridiquement contraignants dans lesquels le Groupe souligne que les États doivent respecter des comportements responsables et les droits fondamentaux. À cet égard, le délégué européen a rappelé que les principes internationaux s’appliquent à l’usage des TIC par les États. Pour bâtir la confiance et renforcer la coopération, la délégation a encore reconnu le besoin de renforcer les capacités des services d’enquêtes en cas de cybercrimes. Reconnaissant la nature complexe et interconnectée du réseau, le délégué a appelé tous les membres des gouvernements, de la société civile et du secteur privé à appuyer un cyberespace libre, ouvert et pacifique.
Saluant toutes les réussites des anciens Groupes d’experts gouvernementaux, il a souhaité qu’un nouveau groupe soit convoqué en 2019. Pour garantir son efficacité et son dynamisme, il a d’ailleurs jugé que son mandat devait être ciblé et orienté. Rappelant que tous les États membres de l’Union européenne se porteront coauteurs du projet de résolution L.37 qui rencontre d’ordinaire le consensus, il a regretté que la Russie, sponsor traditionnel de cette résolution, ait choisi, cette année, de suivre une trajectoire différente. Le délégué estime que son attitude mine les recommandations consensuelles des précédents Groupe d’experts gouvernementaux.