Assemblée générale: le Président de la CPI souligne la « déférence inhabituelle » de la Cour pour la souveraineté nationale des États
« Retour aux fondamentaux », c’est le thème de la célébration du vingtième anniversaire du Statut de Rome que le Président de la Cour pénale internationale (CPI) a rappelé aujourd’hui à l’Assemblée générale. M. Chile Eboe-Osuji a insisté sur la « déférence inhabituelle » de la Cour pour la souveraineté nationale des États, avant que l’Assemblée n’adopte sa résolution annuelle sur le rapport de cet « élément indispensable de l’architecture mondiale ».
Pourquoi avons-nous adopté le Statut de Rome? a demandé le Président de la CPI. Pour dire aux peuples du monde, a répondu le Vice-Président de l’Assemblée générale « que nous défendons les victimes, que nous combattons l’impunité, que nous répondons aux actes de génocide et de crimes contre l’humanité; et que nous ne tolérerons ni les crimes de guerre ni les crimes d’agression ». La CPI, a plaidé son Président, n’usurpe ni ne compromet la souveraineté nationale. Elle souligne au contraire cette souveraineté envers laquelle elle nourrit « une déférence inhabituelle », a insisté le Président, tout en observant que « l’absence de volonté politique se pare toujours du voile de la souveraineté nationale ».
La doctrine de complémentarité sur laquelle la Cour se fonde est claire, a poursuivi le Président. Elle part du postulat que « tout le monde peut violer les droits de l’homme mais tout le monde ne peut pas rendre justice » car les systèmes de justice pénale ne sont pas tous capables de rendre justice et de garantir des réparations. Le Président a engagé tous les États à assurer l’universalité du Statut de Rome et de la CPI qui est devenue, selon le Vice-Président de l’Assemblée générale, « un élément indispensable de l’architecture mondiale ».
« Conscience des peuples », « arme de dissuasion » « outil de prévention » pour les uns, « obstacle dérangeant » et « organe partial » pour les autres, la CPI a continué de susciter la polémique. Parlant d’une Cour dénoncée par la Syrie comme paralysée mais « étrangement active » quand il s’agit de s’en prendre aux faibles, le Sénégal a jugé que le dialogue et la coopération sont la voie la plus efficace pour la prise en charge efficace et effective des préoccupations des uns et des autres et pour changer la perception négative qu’ont certains. Il a appelé le Conseil de sécurité à exercer « avec circonspection et objectivité » son droit de saisir la Cour pour éviter la perception qu’il se sert d’elle comme un outil politique.
Dans la résolution adoptée aujourd’hui de laquelle se sont dissociés les États-Unis, le Soudan, la Syrie, la Fédération de Russie puis les Philippines, l’Assemblée générale salue le rôle que joue la Cour dans un système multilatéral qui a pour vocation de mettre fin à l’impunité, de renforcer l’état de droit, de promouvoir et d’encourager le respect des droits de l’homme, d’asseoir durablement la paix et de promouvoir le développement des États. Elle demande aux États Parties au Statut de Rome qui ne l’ont pas encore fait de légiférer pour donner effet aux obligations découlant du Statut et aux autres d’envisager d’y devenir parties. En présentant la résolution, le Mexique est revenue sur l’Initiative franco-mexicaine visant à ce que les membres permanents du Conseil de sécurité renoncent à leur droit de veto dans les situations marquées par des crimes graves.
Outre la célébration du vingtième anniversaire, le rapport de la CPI qui couvre la période allant du 1er août 2017 au 31 juillet 2018 met en exergue un autre événement exceptionnel: la mise à effet, le 17 juillet dernier, par l’Assemblée des États parties, de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, « un événement historique pour le renforcement de la Charte des Nations Unies », selon Mexique.
La CPI a en outre reconnu sa compétence pour enquêter sur les atrocités commises lors de l’expulsion présumée des Rohingya du Myanmar. Ce dernier a encore aujourd’hui catégoriquement rejeté cette décision à la valeur juridique « douteuse ». Dans la mesure où nous ne sommes pas parties au Statut de Rome, nous ne sommes pas obligés de respecter les arrêts de la Cour, a argué le Myanmar.
Par ailleurs, le Bureau du Procureur procède actuellement à 9 examens préliminaires dont 2 nouveaux sur la situation aux Philippines et au Venezuela. Après le retrait du Burundi du Statut de Rome, les Philippines ont annoncé le leur qui prendra effet au début de l’année prochaine.
L’Assemblée générale tiendra une autre séance publique, mercredi 31 octobre à partir de 10 heures, pour examiner le rapport du Secrétaire général sur la nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis.
RAPPORT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Pour l’examen de cette question, l’Assemblée générale était saisie du rapport de la Cour pénale internationale (CPI) (A/73/334) et de ceux du Secrétaire général sur les dépenses engagées et remboursements reçus par l’ONU au titre de l’assistance fournie à la CPI (A/73/333) et sur les informations relatives à l’application de l’article 3 de l’Accord régissant les relations entre l’ONU et la CPI (A/73/335)
Déclarations liminaires
M. KORNELIOS KORNELIOU, Vice-Président de l’Assemblée générale, a rappelé que le débat de cette année coïncide avec le vingtième anniversaire du Statut de Rome. C’est donc une occasion importante de faire le bilan des progrès que le Statut a permis et de réfléchir à l’engagement de mettre fin à l’impunité pour les crimes les plus graves, les crimes de haine. Le Statut de Rome porte en lui un message: « il dit aux peuples du monde que nous défendons les victimes, que nous combattons l’impunité, que nous répondons aux actes de génocide et de crimes contre l’humanité; et que nous ne tolérerons ni les crimes de guerre ni les crimes d’agression », a souligné le Vice-Président.
Si la responsabilité première de la justice pénale revient aux États, a-t-il poursuivi, la Cour pénale internationale (CPI) est néanmoins devenue un élément indispensable de l’architecture globale. Pour beaucoup de gens dans le monde, l’existence même de la Cour illustre la volonté de l’humanité de protéger les peuples, de poursuivre ceux qui leur feraient du mal et de protéger et promouvoir les droits de l’homme. En ce sens, il faut reconnaître que la Cour est plus qu’un instrument de poursuites judiciaires. Son existence sert d’arme de dissuasion et d’outil de prévention des crimes internationaux. Par extension, la CPI contribue à préserver des sociétés stables capables de protéger les droits de l’homme et de réaliser le développement durable. Comme l’a dit l’Assemblée générale: la Cour est un élément essentiel du système multilatéral pour mettre fin à l’impunité, promouvoir l’état de droit, encourager le respect des droits de l’homme, réaliser une paix durable et faire avancer le développement des nations.
Les guerres et les atrocités qui ont émaillé notre histoire nous ont appris une chose, a conclu le Vice-Président: notre paix et notre prospérité dépendent des efforts multilatéraux et des institutions comme la CPI. Pour protéger et défendre les plus vulnérables, nous devons soutenir ces institutions et les principes qui les guident.
M. CHILE EBOE-OSUJI, Président de la Cour pénale internationale (CPI), a préféré axer son intervention sur un élément très important: le vingtième anniversaire du Statut de Rome, adopté, a-t-il souligné, à la veille de l’anniversaire de Nelson Mandela, incarnation même du principe de justice. La conclusion même de ce traité et la création de la CPI sous l’égide de l’ONU ont été fondamentaux pour le multilatéralisme. « Retour aux fondamentaux » est d’ailleurs le thème de la célébration du vingtième anniversaire du Statut. Le Président a invité les États à se poser deux questions fondamentales, et d’abord pourquoi le Statut de Rome a été adopté? Il a renvoyé au préambule qui parle de conscience, de reconnaissance et de détermination. La deuxième question, a estimé le Président, c’est de savoir si notre monde et notre civilisation sont à un moment où les « soucis législatifs » qui ont motivé l’adoption du Statut de Rome sont désormais une chose du passé. Il a répondu en attirant l’attention sur les propos du Président du Nigéria qui a dit qu’avec la prolifération alarmante des crimes les plus graves dans le monde, la CPI et toutes les valeurs qu’elle représente sont plus nécessaires que jamais. Même ses pères fondateurs n’avaient pas imaginé à quel point elle serait nécessaire aujourd’hui. Les crimes les plus graves se sont multipliés depuis juillet 1998 et il risque d’y avoir encore plus de guerres et de violence.
Or, pour ceux qui se livrent aux guerres et à la violence, l’existence même de la CPI, mécanisme d’établissement des responsabilités, est « un obstacle dérangeant ». L’objectif de la CPI est en effet de protéger la paix, la sécurité et les droits de l’homme grâce à la coopération multilatérale. Le Président s’est particulièrement félicité d’entendre les États souligner le caractère « indispensable » de la CPI car démanteler les mécanismes de justice internationale, a-t-il prévenu, c’est laisser les forces maléfiques prendre de l’ampleur et gagner du terrain. Quand les armes se taisent, les victimes réclament justice. Produit de l’action collective des États, la CPI, a rappelé son Président, a été créée comme une cour de dernier ressort pour connaître des atrocités inimaginables qui choquent la conscience humaine.
Appelons ces atrocités par leur nom, a lancé le Président: crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide. Le Président a mentionné les 7 000 hommes et garçons massacrés à Srebrenica en 1995 et les 800 000 Tutsis assassinés au Rwanda en 1994. Il a aussi rappelé la guerre en Sierra Leone, une guerre brutale d’une cruauté et d’une terreur innommables. C’est contre tout cela que le Statut de Rome a été adopté. La CPI, a-t-il plaidé, n’usurpe ni ne compromet la souveraineté nationale. Elle souligne au contraire la souveraineté nationale envers laquelle elle nourrit « une déférence inhabituelle ». La doctrine de complémentarité sur laquelle se fonde la Cour est claire: la Cour ne fait qu’aider les juridictions nationales à rendre justice contrairement aux Tribunaux pénaux internationaux qui avaient une compétence primaire, au même niveau que les juridictions nationales. La doctrine de la complémentarité veut dire que la justice ne doit pas être « le parent pauvre ». La doctrine part du postulat que « tout le monde peut violer les droits de l’homme mais tout le monde ne peut pas rendre justice ».
Les systèmes de justice pénale ne sont pas tous capables de rendre justice et de garantir des réparations. Le Président a cité un cas d’école, le Rwanda. Un an avant le génocide, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires signalait l’échec du système judiciaire rwandais et la généralisation de l’impunité. Les tribunaux étaient paralysés faute de ressources et le manque de volonté politique de juger les auteurs de crimes graves était flagrant. Comment espérer que dans un pays comme celui-là, justice soit rendue après un conflit? « L’absence de volonté politique se pare toujours du voile de la souveraineté nationale », a conclu le Président qui a engagé tous les États à assurer l’universalité du Statut de Rome.
Déclarations
Présentant le projet de résolution (A/73/L.8) sur le rapport de la CPI, M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a commencé par rappeler que son pays est partie au Statut de Rome depuis 2006. Le Mexique, a-t-il indiqué, a dûment travaillé à la promotion de la CPI et organisé des manifestations pour célébrer son vingtième anniversaire. Le représentant a aussi rappelé que le 17 juillet dernier, le crime d’agression a été ajouté aux trois autres crimes couverts par la Cour, « un événement historique pour le renforcement de la Charte des Nations Unies ». Il s’est ensuite félicité de la réunion, en formule Arria, que le Conseil de sécurité a tenue avec la CPI. Il a d’ailleurs demandé au Conseil d’assurer le suivi des situations qu’il renvoie à la CPI et a insisté sur l’Initiative franco-mexicaine visant à ce que les membres permanents renoncent à leur droit de veto dans les situations marquées par des crimes graves. Nous vivons une époque, a prévenu le représentant, caractérisée par l’érosion du multilatéralisme et par les obstacles au renforcement de la CPI, notamment l’universalisation du Statut de Rome. Il a conclu en plaidant pour une adoption unanime du projet de résolution, sans oublier d’appeler au renforcement et au perfectionnement de la CPI.
Également au nom de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège et de la Suède, M. IB PETERSEN (Danemark) a estimé que la CPI reste une institution essentielle non seulement pour le respect de la justice pénale internationale mais aussi pour la consolidation de la paix après les conflits et pour la réconciliation. Soulignant que le succès de la Cour dépend de la coopération de toutes les parties prenantes, le représentant s’est inquiété du nombre élevé de mandats d’arrêt non exécutés et a exhorté les États à coopérer pleinement et effectivement avec la CPI, conformément au Statut de Rome et aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité. Pour leur part, les pays nordiques continuent de défendre l’universalité du Statut de Rome et sont prêts à mener des discussions constructives sur les inquiétudes que certains États parties peuvent avoir.
M. Petersen a noté avec une grande préoccupation que le Conseil de sécurité s’est montré incapable de renvoyer la situation en Syrie à la CPI. Il s’est aussi dit inquiet des allégations de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans l’État rakhine. Seule la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité permettra d’établir les responsabilités au Myanmar, a estimé le représentant. Il a salué le travail du Fonds au profit des victimes que les pays nordiques ont toujours soutenu. Il est également de la responsabilité des États Membres de veiller à ce que la Cour dispose des ressources nécessaires à l’exécution de son mandat, a-t-il conclu.
M. ÉRIC CHABOUREAU, délégué de l’Union européenne (UE), a souligné que la justice pénale internationale est non seulement un puissant moyen de dissuasion contre les violations du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme, mais aussi, et surtout, qu’elle est essentielle pour parvenir à l’établissement des responsabilités et à une paix durable. L’UE considère la CPI comme une institution indispensable à la promotion d’un ordre mondial fondé sur le droit. L’UE a d’ailleurs réitéré, à maintes reprises, sa confiance dans la légitimité, l’impartialité et l’indépendance de la Cour qui aura toujours son assistance politique, financière et technique.
La portée géographique des activités de la Cour et le nombre croissant d’affaires dont elle est saisie démontrent, a estimé le représentant, l’espoir que placent en elle les États. Face à cette charge de travail croissante, l’UE salue les efforts de la Cour pour rationaliser ses processus administratifs et judiciaires, assurer une utilisation plus efficace des ressources et améliorer l’efficacité de toutes les étapes du processus judiciaire. M. Chaboureau a rappelé la responsabilité des États d’exécuter les mandats d’arrêt de la Cour et d’adopter une législation d’application du Statut de Rome. La prérogative du Conseil de sécurité de renvoyer une situation à la CPI peut aussi contribuer à l’établissement des responsabilités dans des pays où des crimes graves sont commis mais où la compétence de la Cour n’est pas reconnue. De manière générale, le représentant a demandé aux États de coopérer avec la Cour s’agissant, en particulier de l’exécution des mandats d’arrêt, du transfert de témoins et de l’exécution des peines. Il a également salué les projets mis en place par le Fonds au profit des victimes et a conclu en regrettant une nouvelle fois la décision du Burundi de se retirer du Statut de Rome et celle des Philippines de soumettre une notification de retrait.
M. KORO BESSHO (Japon) a suggéré deux points pour renforcer la Cour pénale internationale (CPI) et d’abord l’universalisation du Statut de Rome. Le représentant a en effet relevé que le tiers des États Membres de l’ONU ne l’ont pas encore ratifié, sans compter ceux qui s’en retirent ou envisagent de le faire. La CPI et les États parties, a estimé le représentant, devraient écouter les préoccupations des uns et des autres et viser l’universalité du Statut pour mobiliser l’appui de tous. Deuxièmement, a souligné M. Bessho, le rôle de la CPI est d’accompagner les cours pénales nationales. Dans ce contexte, le renforcement de capacités des institutions juridiques dans chaque État est important non seulement pour faciliter la tâche de la Cour mais également pour garantir justice et état de droit. Or le renforcement de capacités est une composante importante de l’aide étrangère japonaise.
M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a dénoncé les tentatives de politiser la justice internationale pour des intérêts étroits, au risque de saper les efforts de la « famille internationale » pour rendre justice et faire respecter les buts et principes de la Charte et d’exacerber les tensions dans les relations internationales. La CPI, a-t-il tranché, n’a pas compétence pour juger les citoyens d’un État non partie au Statut de Rome auquel le Soudan refuse d’adhérer. Par ses activités, a poursuivi le représentant, la CPI montre qu’elle est un instrument politique contre les dirigeants africains et une menace pour la paix et la stabilité du continent. Le système judiciaire soudanais fonctionne bien, a affirmé le représentant. Personne ne demeure impuni pour les crimes qu’il a commis et d’ailleurs, a-t-il fait observer, la moitié de la population mondiale vit dans des États non parties au Statut de Rome. Le représentant a rejeté le projet de résolution dont les auteurs ont, a-t-il estimé, introduit des paragraphes qui ne reflètent en rien la vraie nature des relations entre l’ONU et une CPI prétendument indépendante. Comme il n’existe de consensus ni sur la CPI ni sur son Statut, écoutez-nous, a lancé le représentant: le rapport du Secrétaire général sur la coopération entre l’ONU et la CPI doit dire clairement que cette dernière n’est pas un organe de l’ONU. Commentant également l’efficacité de la Cour, le représentant a compté 26 affaires dont sept seulement ont été clôturées, après des « centaines de millions de dollars ». Il a d’ailleurs vu dans le caractère « volontaire » des contributions un autre moyen de politiser une CPI au Statut tronqué et contraire au jus cogens, pilier du droit international. La CPI est vouée à l’échec, a-t-il pronostiqué.
M. LIU YANG (Chine) a relevé que la CPI a régulièrement apporté des améliorations à ses règles de procédure, enquêté et mené à bien des dossiers sur de graves crimes internationaux depuis deux décennies. Pour autant, elle fait face à de nombreux problèmes, comme en témoigne l’état de sa coopération avec certains pays. Il y va de sa crédibilité, a prévenu le représentant qui a jugé regrettables certaines pratiques de la Cour, lesquelles ont généré de grandes controverses et poussé des pays à se retirer du Statut de Rome. Cette situation mérite réflexion, a jugé le représentant qui a commenté la décision de la Cour de se déclarer compétente pour la situation au Myanmar. Cette décision, a-t-il estimé, est basée sur une interprétation « incorrecte » des concepts juridiques applicables et élargit indûment la juridiction de la CPI. Cette décision pourrait en outre générer des contentieux et diminuer l’autorité et la crédibilité de la Cour. S’agissant de l’activation de la compétence de la CPI pour le crime d’agression, le représentant a, une nouvelle fois, soutenu que le Conseil de sécurité a « le pouvoir exclusif » de déterminer les actes d’agression. La CPI doit respecter ce cadre juridique « fondamental » et s’en tenir aux amendements sur le crime d’agression et aux décisions de l’Assemblée des États parties, à savoir se déclarer incompétente pour les crimes commis par des nationaux d’États non parties au Statut de Rome ou par des nationaux d’États parties qui n’ont pas encore accepté les amendements.
M. BORUT MAHNIC (Slovénie) a salué l’activation, le 17 juillet 2018, de la compétence de la Cour sur le crime d’agression. Compte tenu des changements dans la sphère internationale et des attaques contre le multilatéralisme, il est impératif de continuer à soutenir le travail de la CPI, a estimé le représentant qui a conseillé aux États de manifester leur soutien, en exécutant les mandats d’arrêt ou aux membres permanents du Conseil de sécurité, en renonçant à leur droit de veto en cas de saisine de la CPI. M. Mahnic a annoncé la signature d’un accord entre son pays et la CPI sur l’exécution des peines. Il a salué la collaboration entre la Cour et l’ONU, soulignant qu’une meilleure coopération entre le Conseil de sécurité et la CPI devrait largement contribuer à la prévention des atrocités de masse et à la crédibilité et l’efficacité de la CPI. Il a demandé au Conseil d’assurer le suivi des affaires qu’il a renvoyées à la Cour et a souhaité que le travail du Mécanisme indépendant de contrôle de la CPI améliore la crédibilité d’une Cour qui n’échappe pas aux critiques.
Pour M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie), seule l’universalité permettra à la CPI de remplir la mission qui est la sienne de combattre l’impunité pour les crimes les plus graves au regard du droit international. Il a prôné un « dialogue ouvert et patient » pour faire en sorte que les Philippines gardent leur statut d’État partie au Statut de Rome. Afin de combler le « vide juridictionnel » qui subsiste, il a encouragé les pays qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut. M. Mlynár a invité le Conseil de sécurité à faire un plus grand usage de « l’outil unique » que constitue la CPI, tout en s’assurant de la pleine coopération des États Membres à ses travaux. Il a mis en garde contre la tendance, dans les résolutions du Conseil relatives à la CPI, à « atténuer » les libellés, prenant pour exemple la résolution sur le sort des enfants en temps de conflit armé. Les organes des Nations Unies ne doivent pas éroder l’appui, verbal ou actif, à la CPI, a-t-il conclu.
M. CARLOS JIMÉNEZ PIERNAS (Espagne) a relevé que la CPI dispose du soutien d’un nombre de plus en plus important de pays, dont l’Espagne. La CPI a développé une jurisprudence et montré son impartialité, s’est réjoui le représentant sans pour autant nier les nombreux défis auxquels elle fait face, dont les menaces de retrait du Statut de Rome et les menaces de représailles. Pour M. Jiménez Piernas, le principal objectif des États devrait être de protéger la Cour pour qu’elle puisse travailler comme il se doit, sans ingérence et avec les ressources nécessaires. Tous les États doivent coopérer avec la CPI, a-t-il ajouté. Certes, a-t-il reconnu, la Cour a déçu beaucoup d’attentes sur certains dossiers, parfois abandonnés en cours de procédure. Mais, a-t-il nuancé, la Cour a été à la hauteur de ce que les États peuvent attendre d’une haute cour internationale. Le représentant a appelé à davantage de pédagogie sur l’état de droit dans les communautés frappées par les pires crimes. Il faut leur faire comprendre qu’abandon de charges ne veut pas dire absolution ou négation des crimes mais manque de preuves suffisantes pour condamner les accusés.
M. SVEN SPENGEMANN (Canada) a indiqué que la Cour est devenue une « lueur d’espoir » pour les victimes en quête de justice, y compris les femmes, les filles et les membres des minorités ethniques et religieuses. « Mais la lutte contre l’impunité est loin d’être achevée », a-t-il dit, en encourageant les États qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre le Statut de Rome. Il a indiqué que beaucoup reste encore à faire pour que la Cour soit plus efficace et souligner qu’elle doit pouvoir fonctionner « sans obstruction » et « au-delà des considérations politiques et géopolitiques. » Le délégué a déclaré que la Cour a un rôle central à jouer au Myanmar et au Venezuela. « C’est pourquoi, avec nos partenaires régionaux, nous lui avons renvoyé la situation au Venezuela », a-t-il dit, en exhortant le Conseil à lui déférer la situation au Myanmar. Enfin, le délégué a indiqué que, si le Canada est élu au Conseil de sécurité pour les années 2021-2022, il se fera le champion de l’obligation de rendre des comptes.
Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) a paraphrasé son Ministre des affaires étrangères qui disait: l’histoire a montré que laisser impunis les crimes internationaux n’est pas seulement moralement une erreur mais c’est aussi planter les graines des conflits et atrocités à venir. Un solide système d’établissement des responsabilités est le pivot de la prévention. Nous devons travailler ensemble, États parties et États non parties, pour renforcer l’aspect préventif de l’obligation de rendre des comptes. La prévention des conflits et des crimes doit être renforcée par tous les moyens possibles et la CPI a un rôle à jouer à cet égard, a souligné la représentante.
L’Italie, a-t-elle poursuivi, croit fermement à un ordre international fondé sur le droit dont la CPI est un élément essentiel. Elle a encouragé toutes les parties à ratifier le Statut de Rome et rappelé que la CPI est un organe judiciaire de dernier ressort qui agit uniquement quand les juridictions nationales ne peuvent ou ne veulent pas poursuivre. Notre tâche est donc de travailler ensemble au renforcement des capacités, à l’assistance technique et autres formes de coopération, y compris la coopération judiciaire, pour faire en sorte que les tribunaux nationaux puissent s’acquitter de leur fonction première qui est de rendre justice aux victimes des crimes les plus graves.
Mme VICTORIA HALLUM (Nouvelle-Zélande) a réitéré son appui « vigoureux » à la CPI et l’importance « cruciale » de son mandat qui est de faire en sorte que les responsables des crimes les plus graves au regard du droit international soient punis. Malgré les défis auxquels elle a été confrontée au cours de ses 20 années d’existence, la CPI demeure un élément central de l’ordre international basé sur les règles. Pour sa part, la Nouvelle-Zélande demeure attachée au Statut de Rome et à ses principes de complémentarité, de coopération et d’universalité, a ajouté la représentante qui a appelé les États Membres à respecter l’indépendance et l’impartialité de la Cour. Elle a salué l’activation, par consensus, de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, ainsi que l’ajout de trois nouveaux crimes de guerre. Se tournant vers l’avenir, Mme Hallum a considéré que la CPI devrait « consolider » l’exercice de son mandat actuel en continuant de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs de crimes internationaux. Elle a encouragé le Conseil de sécurité à faire usage de son pouvoir de déférer une situation à la Cour, comme il le fait avec la Cour internationale de Justice (CIJ). Seul un « engagement clair » du Conseil permettra à la Cour de bénéficier de la coopération et des ressources nécessaires pour mettre en œuvre ses décisions, a-t-elle conclu.
M. SAMI ELGHODBAN (Libye) a mis l’accent sur la notion de complémentarité entre la Cour et les tribunaux nationaux ainsi que sur la coopération de la Libye avec la CPI, en soulignant que les retards pris au niveau libyen sont dus aux conditions sécuritaires. L’État reste toutefois souverain dans cette coopération, a-t-il tenu à préciser. M. Elghodban a fait valoir que les tribunaux nationaux avaient en effet fait comparaître certains accusés qui ont été dûment condamnés. Il a appelé à un soutien ferme de la communauté internationale pour que les autorités de son pays trouvent les moyens de sortir de la crise sécuritaire. La communauté internationale, a-t-il ajouté, doit aider la Libye à combattre les facteurs favorisant les crimes graves, dont le flux des armes et la prolifération de groupes terroristes illégaux. Il a souligné la disposition de la Libye à juger les auteurs de crimes et à lutter contre l’impunité grâce à des institutions judiciaires robustes et intègres.
M. MICHAL WȨCKOWICZ (Pologne) s’est demandé si la communauté internationale a fait tout son possible pour assurer la centralité de la CPI, déplorant le fait que l’on prenne souvent pour acquis la réalisation de la justice universelle. On ignore ainsi que tenir la promesse de justice est un processus continu qui demande des efforts mutuels. Il a rappelé que la CPI n’a pas les ressources pour exécuter ses mandats d’arrêts et que la coopération inadéquate des États compromet ses activités. En tant que membre du Conseil de sécurité pour la période 2018-2019, la Pologne affirme que la coopération du Conseil est cruciale pour l’exécution des mandats d’arrêt. La Pologne invite les États parties à rétablir la confiance dans la CPI dont les procédures sont loin d’être parfaites. Le représentant a tout de même salué l’étape importante pour la recherche de la justice qu’a été l’activation de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression. Il a plaidé pour l’universalisation des amendements de Kampala afin d’aider la CPI à s’acquitter de sa responsabilité. Il a aussi plaidé pour un Statut de Rome universel, puisqu’une cour solide et robuste est une bonne façon de prévenir les atrocités de masse.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré que dans un contexte marqué par les conflits et les urgences humanitaires, la CPI nécessite, plus que jamais, le plein appui de la communauté internationale et la solide coopération des États parties. Si de nombreux États mettent en cause le rôle de la Cour, le Pérou, lui, demeure fermement attaché au Statut de Rome et le dit « haut et fort », a affirmé le représentant, qui a rappelé qu’une juge péruvienne, Mme Luz del Carmen Ibañez Carranza, siège à la Cour depuis mars dernier. Fort de sa conviction, le Pérou, aux côtés de l’Argentine, du Canada, du Chili, de la Colombie et du Paraguay, a actionné l’article 14 du Statut de Rome pour demander au Bureau du Procureur de lancer une enquête sur les crimes de lèse-humanité commis au Venezuela depuis le 12 février 2014. Cette demande se fonde sur les preuves collectées par les organismes internationaux impartiaux comme le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le Groupe international d’experts indépendants. Le représentant s’est félicité de l’appui de l’Allemagne, du Costa Rica, de la France et du Parlement européen à cette initiative. Il a par ailleurs mis l’accent sur le fait que le Pérou préconise un renforcement des liens entre le Conseil de sécurité et la CPI, leurs deux mandats devant être perçus comme complémentaires. Il a regretté que l’engagement du Conseil à saisir la Cour ne soit pas « constant, cohérent et systématique ». Il faut y remédier, a conclu le représentant.
M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a déclaré que son pays demeure un hôte « fier » et un fervent défenseur de la CPI, « acteur principal » de la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves. Alors que la lutte contre l’impunité se fait plus pressante que jamais, il a encouragé la communauté internationale à redoubler d’efforts afin de permettre à la Cour de réaliser son plein potentiel. Aussi longtemps que les États ne s’acquitteront pas de leur responsabilité première d’intenter des poursuites contre les responsables de ces crimes atroces, il nous faudra continuer à renforcer la CPI, tant financièrement que politiquement, a-t-il argué.
Prenant acte de l’accroissement des activités judiciaires de la Cour, reflet de la confiance dont elle bénéficie, M. van Oosterom a rappelé qu’il incombe aux États Parties de lui fournir les moyens nécessaires pour relever ces défis de manière efficace. Les États doivent coopérer avec la CPI, a insisté le représentant, notamment en exécutant rapidement ses mandats d’arrêt et en respectant les accords relatifs à la réinstallation des témoins. À cet égard, le non-respect des obligations devrait faire l’objet de « mesures concrètes » de la part des États parties et du Conseil de sécurité.
L’appui mondial dont jouit la CPI depuis vingt ans montre qu’elle incarne des « normes et des valeurs fondamentales et universelles », a poursuivi M. van Oosterom, avant d’appeler les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut de Rome et à « rejoindre la lutte contre l’impunité ». Considérant que la ratification universelle du Statut est nécessaire pour que la Cour puisse s’acquitter efficacement de son mandat, il a encouragé les États Parties qui ont fait part de leur intention de s’en retirer à revenir sur leur décision.
Mme ANA SILVIA RODRĺGUEZ ABASCAL (Cuba), qui n’est pas partie au Statut de Rome, a affirmé d’emblée que la CPI n’a rien d’une cour indépendante. La représentante en a voulu pour preuve les larges prérogatives que l’article 16 du Statut de Rome accorde au Conseil de sécurité. Nous avons toujours milité, a-t-elle dit, pour une juridiction internationale indépendante, sans subordination à des intérêts politiques susceptibles de dénaturer sa mission. La représentante s’est dite préoccupée par le précédent qui consiste à ouvrir des enquêtes et à lancer des poursuites contre des ressortissants d’États non parties au Statut de Rome. Ce traité n’a pas été créé pour statuer en lieu et place des tribunaux nationaux, a-t-elle rappelé. Elle a aussi estimé que la définition du crime d’agression adoptée à Kampala n’est pas exacte puisqu’elle ne couvre pas l’agression dont Cuba fait l’objet en raison du blocus économique américain qui a eu des répercussions désastreuses sur la population et le développement socioéconomique depuis plusieurs décennies. Elle a réitéré son attachement aux principes du droit international: transparence, indépendance et impartialité.
Les auteurs de génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre et d’agression doivent être traduits en justice, a tranché M. HELMUT TICHY (Autriche), ajoutant que, lorsque les juridictions nationales « ne peuvent ou ne veulent pas » poursuivre les crimes les plus graves, les mécanismes internationaux de justice pénale doivent prendre le relais. La CPI a été créée il y a 20 ans précisément pour répondre à cet objectif, a-t-il rappelé, « afin de compléter la souveraineté nationale et non de l’usurper ». Selon M. Tichy, le Statut de Rome « respecte entièrement » la souveraineté des États parties et leur responsabilité de poursuivre les auteurs de crimes commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants.
Le représentant a réaffirmé le « fort soutien » de l’Autriche à la CPI, institution juridique « indépendante et impartiale ». Il a salué l’activation par consensus de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, le 17 juillet 2018, comme un nouveau « bond en avant » dans la lutte contre l’impunité. « Nous regrettons que cette évolution importante n’ait pas pu être reflétée dans la résolution de l’Assemblée générale », a-t-il déploré. En ce vingtième anniversaire du Statut de Rome, M. Tichy a souligné la nécessité de continuer à appuyer et coopérer avec la CPI. Il a également appelé les États parties à redoubler d’efforts en matière de prévention, en renforçant aussi bien la coopération internationale que leur juridiction nationale.
Mme TEGAN BRINK (Australie) a salué l’activation de la compétence de la CPI en matière de crime d’agression. « La Cour est désormais en mesure d’exercer sa compétence dans les quatre grandes familles de crimes internationaux », s’est-elle félicitée, citant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes d’agression. Il convient aussi de noter que la CPI n’agit pas seul, a tenu à rappeler Mme Bird. « Elle fait partie d’un système international de justice pénale: le système du Statut de Rome », a-t-elle souligné, précisant qu’il s’agit d’un « tribunal de dernier recours », amené à pallier les insuffisances des juridictions nationales. La représentante a renouvelé le soutien de l’Australie à la CPI et a appelé les États qui ne l’ont toujours pas fait à ratifier le Statut de Rome. À ses yeux, en effet, les mandats de la CPI et ceux de l’ONU sont à la fois alignés et interdépendants. « L’Histoire a clairement montré que l’impunité pour les crimes graves et la paix durable allaient rarement ensemble », a-t-elle souligné. Mme Bird a, par conséquent, appelé le Secrétaire général à renforcer la coopération de l’ONU avec la CPI, notamment en faisant en sorte que le Conseil de sécurité réalise un suivi plus soutenu des cas déférés à la Cour.
Réaffirmant son attachement sans faille à la CPI et à la lutte contre l’impunité, M. JORGE SKINNER-KLEÉ ARENALES (Guatemala) a aussi appuyé la coopération entre la Cour et l’ONU, non seulement parce qu’elle renforce le dialogue mais aussi parce qu’elle donne davantage de visibilité au travail transcendantal de la Cour, assoit son autorité et fait connaître son mandat et l’importance primordiale de la coopération des États. Le représentant a renouvelé l’engagement de son pays en faveur du principe de complémentarité et du renforcement des systèmes judiciaires nationaux pour garantir l’établissement des responsabilités. Après avoir insisté sur le fait que la CPI ne remplace pas les juridictions nationales, il a plaidé pour une meilleure coopération entre la Cour et le Conseil de sécurité afin de prévenir plus efficacement les crimes graves. Indépendamment des réunions d’information sur des situations données, le Conseil doit maintenir des échanges réguliers avec la Cour. Chaque pas vers l’universalité du Statut de Rome réduira de manière significative les risques d’impunité et contribuera à la consolidation de la paix et de la stabilité internationales, a conclu le représentant.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a noté que le débat sur le rapport de la CPI prend une autre dimension cette année alors que les organisations internationales, les traités et les approches multilatérales sont pris d’assaut. Les domaines affectés incluent le commerce, les changements climatiques, le désarmement, l’établissement des responsabilités et les droits de l’homme. Il n’est donc pas surprenant de voir que la CPI est, une fois encore, attaquée par ceux qui se sentent menacés par l’idée d’une justice pénale internationale, malgré les avancées rapides que ce domaine a connues au cours des 20 dernières années. Il est tout à fait normal d’apporter un soutien politique sans équivoque à la CPI.
Le représentant a ensuite salué la mise à effet de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, le 17 juillet dernier. Pour la première fois depuis les procès de Nuremberg il y a 70 ans, il y aura une responsabilité pénale individuelle pour les guerres illégales. M. Wenaweser a dit souhaiter que les États s’entendent sur une définition internationale juridiquement contraignante de « l’acte ou crime d’agression », pour guider les décisions sur les questions liées à l’usage de la force, y compris au sein du Conseil de sécurité.
Il s’est félicité de l’avancée récente qui a vu des États parties saisir la Cour contre un autre État partie, notamment le Myanmar qui est mis en cause pour les déplacements forcés des Rohingya. Il a déploré le fait que la Cour n’ait pu se saisir des atrocités commises en Syrie et au Yémen. Travailler en faveur de l’universalité du Statut de Rome est une tâche ardue et de longue haleine, a reconnu le représentant, qui a ensuite pris la parole au nom de l’Autriche, de la Belgique, du Costa Rica, de l’Estonie, du Portugal, de la République tchèque et de la Suisse. Ces pays, a-t-il indiqué, se sont tous portés coauteurs du projet de résolution, même s’ils notent des insuffisances. Les résolutions de l’Assemblée générale contiennent toujours des mises à jour techniques et factuelles mais le projet de résolution ne dit rien sur les évènements qui ont marqué le droit international que l’on a vus l’an dernier comme le vingtième anniversaire du Statut de Rome ou encore la mise à effet de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression.
De même, à sa seizième session, l’Assemblée des États parties a adopté trois nouveaux amendements à l’article 8 afin d’élargir la juridiction de la Cour qui peut désormais être saisie en cas d’utilisation d’armes microbiennes, biologiques et celles dites à toxines. Elle peut aussi être saisie des cas d’utilisation d’armes qui blessent par « fragments indétectables au rayon X » et par des armes à laser aveuglantes. Ces nouvelles prérogatives ne tiennent pas compte du caractère international ou non d’un conflit, a précisé le représentant, espérant que la résolution de l’année prochaine rectifiera le tir.
M. DOMINIQUE MICHEL FAVRE (Suisse) a souligné que, 20 ans après l’adoption du Statut de Rome, le besoin impératif de la CPI comme institution qui oblige les acteurs à rendre des comptes, qui contribue au maintien d’une paix durable et qui soit au service des victimes reste inchangé. Ce qui a changé, c’est le contexte, avec le développement du nationalisme. Aussi le représentant a-t-il jugé nécessaire de réaffirmer le soutien à la justice pénale internationale et à la CPI en tant qu’élément central indépendant et impartial. Il a considéré la saisine de la Cour par six États, premier renvoi collectif de l’histoire de la CPI, comme un signe de confiance et de soutien. Il a souligné le bilan positif de la CPI, assombri, il est vrai, par les 15 demandes d’arrestations et de remise toujours en attente d’exécution. L’effet dissuasif de la Cour et, a fortiori, la protection des personnes les plus vulnérables, à savoir les victimes de guerre, s’en trouvent affaiblis, a prévenu le représentant, qui a appelé les États parties au Statut de Rome à respecter leur obligation de coopérer avec la Cour. Il n’a pas manqué de saluer l’activation de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, jugeant qu’il est fondamentalement dans l’intérêt des Nations Unies et des États Membres que le Conseil de sécurité puisse déférer des actes relevant d’une guerre d’agression à la CPI.
M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a fait observer que tous les pays sud-américains sont parties au Statut de Rome et que l’Amérique latine et les Caraïbes représentent le deuxième groupe de pays le plus important après le Groupe des États d’Afrique. Les accusations de partialité ou de sélectivité qu’entend la CPI ne se dissiperont que lorsque l’on parviendra à l’universalité du Statut de Rome, a estimé le représentant qui a insisté sur le respect qu’a son pays pour l’intégrité et l’indépendance de la CPI, à l’heure où le multilatéralisme est remis en cause et où les attaques politiques contre la Cour se multiplient. Le représentant a ensuite estimé que la question préoccupante du financement de la Cour est de « nature structurelle ». Les coûts devraient au moins partiellement être assumés par les Nations Unies et pas intégralement par les États parties au Statut de Rome. Il a, à son tour, plaidé pour un dialogue plus structuré entre le Conseil de sécurité et la Cour sur des questions d’intérêt commun et pour l’amélioration de la coopération avec les Comités des sanctions du Conseil, s’agissant en particulier des interdictions de voyager et des gels des avoirs. L’utilisation des avoirs gelés pourrait même contribuer à sécuriser des fonds pour les réparations ou couvrir les frais de l’aide juridique. Le représentant s’est d’ailleurs félicité de ce que le Fonds au profit des victimes ait aidé plus de 450 000 personnes. Il a aussi plaidé pour une meilleure protection des témoins.
Mme MARIANA DURNEY (Chili) a salué les travaux de la CPI s’agissant des examens préliminaires, des enquêtes et procédures judiciaires, y compris les décisions finales dans deux affaires liées aux réparations. Le Chili a ratifié les amendements à l’article 8 du Statut de Rome sur les crimes de guerre ainsi que ceux relatifs au crime d’agression, a indiqué la représentante qui a lancé un appel à tous les États pour qu’ils coopèrent avec la Cour et résolvent ainsi un de ses problèmes majeurs. Elle a encouragé la poursuite de la réflexion sur la complémentarité avec les tribunaux nationaux, régionaux et internationaux. Elle a également insisté sur le rôle crucial du Fonds au profit des victimes et évoqué à ce propos la visite en Ouganda de la Présidente de l’Assemblée des États parties et des représentants de 10 États dont le Chili pour s’informer des activités du Fonds auprès des leaders communautaires et des victimes elles-mêmes. La seizième session de l’Assemblée des États parties, en décembre dernier, a marqué un tournant non seulement en élisant six nouveaux magistrats mais surtout en activant la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, a relevé à son tour la représentante.
M. CHRISTIAN GUILLERMET-FERNANDEZ (Costa Rica) a salué les actions tendant vers l’universalité du Statut de Rome, estimant que la CPI constitue sans aucun doute le plus grand succès de la justice internationale. Il a également noté que sur la période couverte par le rapport, 12 509 victimes se sont présentées à la Cour, qui a d’ailleurs reçu 384 nouvelles demandes de participation ou de réparation, montrant ainsi le rôle central qu’elle joue pour les victimes des crimes les plus graves. Il ne faut pas oublier, a encore souligné M. Guillermet-Fernandez, que la Cour fonctionne sur le principe de la complémentarité et qu’elle n’a pas été créée pour se substituer aux tribunaux nationaux. Il faut donc réaffirmer que ce sont les États qui ont « l’obligation primordiale » d’en finir avec l’impunité, dans un exercice responsable de leur souveraineté. Mais lorsque la compétence de la Cour est activée, les États parties doivent assumer leurs responsabilités et apporter le soutien nécessaire aux enquêtes, faute de quoi ils entravent la lutte contre l’impunité. La CPI a besoin du soutien et de la coopération de toute la communauté internationale, et en particulier de l’ONU, qui, pour le Costa Rica, doit participer au financement des affaires déférées devant la Cour par le Conseil de sécurité.
Mme ANNELI LEEGA PIISKOP (Estonie) a indiqué que la CPI est un outil essentiel dans la lutte contre l’impunité, contribuant à des sociétés pacifiques. Le système pénal international a donc besoin d’un soutien politique plus fort. Le Conseil de sécurité doit coopérer pleinement avec la Cour qui doit pouvoir le saisir quand des États parties n’honorent pas leurs obligations. La Cour doit également faire plus pour aider les victimes et protéger les témoins. Le grand nombre d’affaires dont elle est saisie, a poursuivi la représentante, illustre la grande confiance que les États placent en elle et témoigne de la qualité du travail qu’elle effectue. Cependant, l’augmentation de la charge de travail soulève la question de l’efficacité, a mis en garde la représentante, avant de saluer la mise à effet de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression.
M. POLLY IOANNOU (Chypre) a réaffirmé l’attachement ferme et entier de Chypre à la CPI, « pilier indispensable de l’ordre international fondé sur des règles », et regretté que 20 ans après l’adoption du Statut de Rome, la Cour ne se soit toujours pas rapprochée de l’universalité souhaitée à sa création. La ratification universelle du Statut de Rome demeure la seule voie réaliste pour combler les fossés juridiques, les défis et les défauts de la CPI. Cette ratification universelle est également cruciale pour appliquer le principe d’égalité devant la loi, a-t-il souligné. Le représentant a réaffirmé la pleine confiance de son pays dans l’impartialité et l’indépendance de la Cour. Chypre est fier d’avoir contribué symboliquement au Fonds au profit des victimes. Pour la première fois, le 6 septembre dernier, a relevé le représentant, la CPI a rendu une décision stipulant qu’elle était compétente pour juger des faits de déportation d’un peuple sans État -les Rohingya- par l’État du Myanmar. Il a aussi relevé l’importance du dossier Al-Mahdi, dans lequel un homme est jugé pour avoir détruit des édifices religieux de grande valeur historique à Tombouctou, au Mali. Il a salué les progrès en cours réalisés par la CPI dans ce dossier, s’agissant des réparations pour dommages subis.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a parlé d’une année particulière pour la CPI qui célèbre son vingtième anniversaire et la mise à effet de sa compétence en matière de crime d’agression. Même si l’Ukraine n’est pas encore partie au Statut de Rome, elle a fait une déclaration, le 17 avril 2014, pour reconnaître la compétence de la CPI sur des crimes commis sur son territoire entre le 21 novembre 2013 et le 22 février 2014. Une autre déclaration a été faite le 8 septembre 2015 pour les crimes commis après le 20 février 2014, soit le début de l’« agression militaire russe». La CPI a donc poursuivi, au cours de l’année écoulée, sa collaboration avec le Gouvernement et les ONG ukrainiens dans le cadre de l’examen préliminaire. Des consultations ont eu lieu au siège de la CPI mais aussi en Ukraine. Les agences ukrainiennes de maintien de l’ordre et les organisations de la société civile continuent d’envoyer à la CPI toutes les preuves de l’agression de la Fédération de Russie et de l’action des mandataires dans les territoires occupés ukrainiens.
M. LUIS XAVIER OÑA GARCÉS (Équateur) a invité tous les États à apporter leur soutien à la CPI. Pour l’Équateur, l’universalisation du Statut de Rome est indispensable pour parvenir à une justice pénale internationale capable de prévenir les crimes les plus graves. L’universalité ne veut pas dire que tous les États ont ratifié le Statut de Rome. Elle veut dire que la Cour peut se saisir des crimes commis dans toutes les régions du monde, sans parti pris politique. Le représentant a d’ailleurs apporté son soutien à la Procureure qui doit pouvoir faire son travail dans le monde entier et faire taire les critiques sur la sélectivité de la Cour. Pour sa part, a indiqué le représentant, l’Équateur a modifié sa Constitution cette année pour consacrer le caractère imprescriptible des crimes les plus graves. L’Équateur souligne aussi que la CPI est une juridiction complémentaire et non un substitut aux juridictions nationales. La Cour, a conclu le représentant, doit avoir les moyens de son action, surtout avec une charge de travail qui ne cesse d’augmenter.
Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a réitéré le soutien de son pays à la CPI et regretté que des États se soient retirés du Statut de Rome. Elle a exprimé la disposition de la Grèce à continuer à aider la Cour dans un environnement international de plus en plus compliqué. La Cour, a-t-elle insisté, doit être en mesure de travailler sans frein dans les paramètres juridiques définis par son traité fondateur. Mme Telalian l’a encouragée à poursuivre la révision de processus administratifs et judiciaires afin d’améliorer son efficacité. À ce propos, elle a appelé, à son tour, le Conseil de sécurité à assurer activement le suivi des affaires qu’il défère à la Cour, élément essentiel de la coopération des États. Le Conseil, a-t-elle ajouté, doit exploiter toutes les occasions offertes par le Statut de Rome pour lutter contre l’impunité. Aussi, la représentante a-t-elle partagé l’avis de la CPI selon lequel un dialogue structuré avec le Conseil pourrait améliorer la mise en œuvre des résolutions sur les affaires renvoyées et ancrer l’obligation de rendre des comptes. Elle a conclu en saluant l’activation de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression.
À l’occasion du vingtième anniversaire du Statut de Rome, Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déclaré que la CPI est devenue la pierre angulaire de la justice pénale internationale. Selon elle, la Cour est la cible de nombreuses critiques « précisément » parce qu’elle s’acquitte de son mandat de combattre l’impunité pour les crimes les plus graves au regard du droit international. L’activation de la compétence de la CPI pour le crime d’agression représente un développement « historique », qui réaffirme de façon « claire » l’interdiction de l’usage de la force, a-t-elle ajouté. À cette fin, elle a invité le Conseil de sécurité à répondre aux cas de non-coopération des États Membres après le renvoi d’une situation devant la Cour. En outre, le recours au droit de veto devrait être limité en vertu de l’Initiative franco-mexicaine, pour assurer un certain degré de cohérence quand une situation est déférée à la Cour. Mme Byrne Nason a conclu en appelant les États Membres à contribuer au Fonds au profit des victimes de la CPI.
M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a déclaré que l’activation de la compétence de la CPI en matière de crime d’agression est une raison de se réjouir pour le triomphe de l’idéal de justice et du droit, compte tenu de l’opposition de certains États. Malgré les carences et la nécessaire amélioration, on peut compter aujourd’hui sur un tribunal indépendant pour juger les crimes les plus graves. En effet, a poursuivi le représentant, la CPI a marqué un tournant dans la lutte contre l’impunité pour ces crimes. Une telle évolution a été possible parce que l’on a accordé la priorité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, en mettant au centre de tout, les intérêts des victimes. Les abus contre les femmes et les enfants, l’esclavage ou le recrutement des enfants sont des cas dont la Cour peut désormais se saisir. Le représentant a aussi insisté sur la coopération des États avec la Cour et sur le respect de l’indépendance et de l’impartialité des magistrats. Il a jugé fondamental, dans un contexte de difficultés et de manque de coopération, d’apporter un ferme appui aux travaux de la CPI.
M. JULIO CÉSAR ARRIOLA RAMĺREZ (Paraguay) a fait savoir que la Constitution du Paraguay consacre la primauté du droit international et d’un ordre juridique supranational qui interdit et déclare imprescriptibles le génocide, la torture, les disparitions forcées, l’enlèvement et l’homicide pour des raisons politiques. Depuis 2003, le pays maintient une invitation ouverte aux organismes internationaux qui souhaitent observer son travail de promotion des droits de l’homme. Le Paraguay, a poursuivi le représentant, considère que la CPI peut représenter une lueur d’espoir pour les peuples opprimés par des régimes autoritaires. Il appelle tous les États, parties ou non parties au Statut de Rome, à coopérer avec la Cour pour garantir son indépendance et son impartialité, et faciliter les enquêtes et l’exécution des décisions. M. Arriola Ramírez a également mis en avant la nécessité d’optimiser les relations entre la CPI et le Conseil de sécurité, pour une meilleure exécution des décisions, notamment celles qui relèvent des Comités des sanctions.
M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a déclaré que l’universalité et la coopération sont des facteurs déterminants pour permettre à la CPI de lutter efficacement contre l’impunité pour les crimes les plus graves. Le rôle de la Cour n’est pas de remplacer les systèmes juridiques nationaux, mais bien de les compléter, a-t-il souligné. Il a salué le Statut de Rome comme l’incarnation permanente des Principes de Nuremberg sur la prévention des crimes les plus graves. La Géorgie, a-t-il affirmé, coopère avec la CPI et a adopté des lois d’application du Statut de Rome au niveau national. Le pays vient d’ailleurs d’abriter la Conférence régionale de haut niveau de la CPI qui avait pour but de renforcer la coopération entre cette dernière et les pays d’Europe de l’Est et d’Asie occidentale. M. Imnadze a appuyé la recommandation de la CPI d’enquêter sur les crimes commis en Géorgie pendant « l’agression russe de 2008 ». Il a donc invité la Fédération de Russie à collaborer avec le Bureau de la Procureure.
Mme LAURA STRESINA (Roumanie) a souligné l’apport jurisprudentiel de la CPI, s’agissant notamment de la violence sexuelle en temps de conflit et de la destruction du patrimoine culturel. La CPI exerce un effet dissuasif qui ne fait que s’amplifier, a-t-elle dit, voyant la preuve dans le durcissement de ton de ses détracteurs. En tant qu’organe indépendant opérant dans un environnement politique tendu, la Cour ne saurait pâtir de ses relations volatiles avec des États et des défis implicites de la coopération et du maintien de son niveau de ressources. Le rôle de la Procureure est extrêmement difficile et ouvre la voie aux critiques mais c’est à la Cour qu’il revient de garantir l’impartialité des procédures afin de préserver sa crédibilité et son efficacité, a souligné la représentante, en saluant les réformes en cours. Elle a invité la CPI et les États à veiller à une pleine participation des victimes, étant donné que la confiance de ces dernières est cruciale pour la légitimité de la Cour.
Il faut reconnaître que la CPI travaille dans les limites des compétences définies par le Statut de Rome, qu’elle a besoin du soutien de tous les États et qu’elle souffre de problèmes financiers, a énuméré la représentante. Rappelant l’importance du principe de complémentarité, elle a estimé qu’à long terme, l’objectif est de voir la diminution du nombre des affaires dont elle est saisie et l’augmentation de celui des États soucieux et capables d’engager des poursuites judiciaires. La représentante a conclu sur la nécessaire amélioration des relations entre la Cour et le Conseil de sécurité et sur l’importante universalité du Statut de Rome.
M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a noté les progrès réalisés par la CPI pour veiller à ce que les violations graves des droits de l’homme ne restent pas impunies. Après avoir salué l’activation de la compétence de la Cour pour le crime d’agression, il a appelé les États Membres à adhérer aux amendements de Kampala. El Salvador, a rappelé le représentant, a modifié sa législation pour pouvoir ratifier, dès que possible, l’accord sur les privilèges et immunités de la CPI. Il a réaffirmé l’attachement « profond » et l’appui de son pays à la mission de la Cour, et invité les États à ratifier le Statut de Rome.
M. MARTĺN GARCĺA MORITÁN (Argentine) a déclaré que la Cour démontre par les faits qu’elle est un instrument fondamental dans la lutte contre l’impunité, la promotion des droits de l’homme et la consolidation de l’état de droit. L’Argentine, a-t-il affirmé, a été le premier État partie à souscrire aux quatre accords de coopération suggérés par la Cour. Elle a ratifié les amendements de Kampala sur le crime d’agression et a salué l’activation de la compétence de la Cour, laquelle activation parachève l’édifice juridique de cette dernière. Tout en jugeant cruciales les relations de la Cour avec l’ONU, le représentant a toutefois insisté sur le respect de l’indépendance judiciaire de la CPI. Il s’est aussi dit inquiet de la tendance croissante du Conseil de sécurité à renvoyer des situations à la Cour. Ces saisines ont un coût, a souligné le représentant, en rappelant que le Statut de Rome, l’Accord régissant les relations entre la CPI et l’ONU et le Règlement stipulent que les coûts doivent être à la charge des Nations Unies. La crédibilité de la Cour et ses enquêtes, a-t-il prévenu, risquent de pâtir du manque de ressources. Le représentant a aussi estimé qu’il existe une marge de manœuvre pour des meilleures relations entre la Cour et le Conseil de sécurité, en particulier à travers les organes subsidiaires comme les Comités de sanctions ou le Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés. Les souffrances des victimes des crimes les plus graves sont « la plus grande honte » de l’humanité. Ce siècle ne saurait échouer à apporter des réponses concrètes à ces violations, a-t-il conclu.
M. TAREQ MD.ARIFUL ISLAM (Bangladesh) a dit avoir suivi avec attention, en tant qu’État partie au Statut de Rome, les débats de la Chambre préliminaire de la CPI sur les déplacements forcés des Rohingya. Il a souligné l’importance de la décision sur le déni du droit au retour, notamment dans le contexte des efforts bilatéraux du Bangladesh et du Myanmar pour assurer un retour sûr et digne des Rohingya. Le représentant a insisté sur l’établissement des responsabilités pour toutes les atrocités de masse commises contre les Rohingya par les forces de sécurité du Myanmar et des acteurs non étatiques. Il a rappelé l’importance du travail mené par la Mission indépendante d’établissement des faits de l’ONU, tout en soutenant la décision du Conseil des droits de l’homme d’établir un mécanisme afin de préserver les preuves en prévision d’un éventuel procès. Il a aussi insisté sur l’importance des contributions volontaires pour aider les victimes et leur famille. En tant que facilitateur du Fonds au profit des victimes, le Bangladesh s’efforce d’obtenir des États qu’ils règlent leurs arriérés, a indiqué le représentant.
Mme CHARLENE ROOPNARINE (Trinité-et-Tobago) a souligné l’importance de l’activation de la compétence de la Cour pour le crime d’agression et indiqué que Trinité-et-Tobago avait dûment signé les amendements correspondants. Malgré les nombreux défis auxquels elle fait face, la CPI reste indubitablement une lueur d’espoir pour les victimes des crimes graves. Parmi ces victimes figurent les plus vulnérables, comme les milliers de femmes et d’enfants touchés par les violations du droit humanitaire international et des droits de l’homme. Mme Roopnarine s’est dite très préoccupée par la décision de plusieurs pays de se retirer du Statut de Rome ou de soumettre une notification de retrait. Si elle a noté que la CPI a été perçue par certains comme une menace à leur souveraineté nationale, elle a jugé urgent de démystifier cette notion et rappelé qu’en vertu du principe de complémentarité, la juridiction de la Cour n’est invoquée que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas poursuivre des présumés coupables de crimes graves. S’agissant de l’Accord régissant les relations entre l’ONU et la CPI, la représentante a fait valoir que la capacité du Conseil de sécurité de renvoyer une situation devant la Cour est essentielle pour que justice soit rendue.
M. HAU DO SUAN (Myanmar) a mentionné les paragraphes 43 et 44 du Rapport de la Cour pénale internationale, selon lesquels la Procureure a demandé, le 9 avril dernier, à la Chambre préliminaire I de se prononcer sur le fait de savoir si la Cour pouvait exercer sa compétence sur l’expulsion présumée des Rohingya du Myanmar vers le Bangladesh. La Chambre préliminaire a rendu une décision à la majorité, le 6 septembre 2018, en vertu de laquelle elle estime que la Cour peut exercer sa compétence.
Le Myanmar, a prévenu le représentant, rejette catégoriquement cette décision qui résulte d’une procédure erronée à la valeur juridique « douteuse ». Dans la mesure où le Myanmar n’est pas partie au Statut de Rome, il ne voit pas pourquoi il serait obligé de respecter les arrêts de la Cour, s’est-t-il expliqué. La Chambre préliminaire I a fait preuve « d’une mauvaise foi manifeste », accumulant les vices de procédure, sans parler d’un manque global de transparence. Dans le cadre de cette décision, a poursuivi le représentant, des organisations auraient obtenu l’autorisation de soumettre leur avis en tant qu’amicus curiae sans que l’on ait pris le soin de vérifier leur identité ou la valeur de leurs propos. Plusieurs commentaires faits à cette occasion ne concernaient pas des questions juridiques, mais des « allégations de tragédies personnelles » sans liens avec des arguments juridiques. Ces allégations, a dit craindre le représentant, vont finir par exercer une « pression émotionnelle » sur la Cour.
Pour lui, la Procureure de la CPI a appliqué de manière incorrecte le paragraphe 3 de l’article 19 du Statut de Rome, en faisant une demande à la Chambre préliminaire I sur une situation dont la Cour n’était pas encore saisie. Le représentant a mentionné l’opinion d’un Juge de la CPI, M. Marc Perrin de Brichambaut, selon lequel le paragraphe en question et le paragraphe 1 de l’article 119 ne sont pas applicables dans une telle configuration. Il a estimé que le principe « compétence de la compétence » ne saurait pas non plus servir de fondement à la décision rendue par la Chambre.
Le représentant a également contesté l’avis de la Procureure selon lequel un déplacement de population au-delà des frontières nationales constitue un élément objectif pour prouver l’existence d’un crime de déportation, en vertu du paragraphe 1 d) de l’article 7 du Statut. Il a également estimé que le cas des Rohingya ne faisait pas non plus apparaître de politique organisée, élément requis pour prouver l’existence d’un crime contre l’humanité en vertu du Statut de Rome.
Le représentant s’est dit conscient des accusations de violations des droits de l’homme contre son pays, après « l’attaque terroriste d’août 2017 ». Il a indiqué que son gouvernement avait mis sur pied une Commission d’enquête indépendante, le 30 juillet dernier, composée de deux personnalités internationales et de deux personnalités du Myanmar. Mon Gouvernement, a-t-il affirmé, est prêt à prendre les actions qui s’imposent sur la base des conclusions de la Commission. Le délégué a en outre affirmé que le premier groupe de personnes déplacées au Bangladesh serait en mesure de rentrer dans l’État rakhine très prochainement.
« Nulle part dans la Charte de la CPI il n’est écrit que la Cour peut exercer sa compétence sur des États qui ne l’ont pas reconnue », a martelé le représentant, dénonçant un précédent « dangereux » et contraire à la Convention de Vienne sur le droit des traités. À ses yeux, la Procureure tente ni plus ni moins « d’outrepasser les principes » de la souveraineté nationale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, au mépris des principes de la Charte de l’ONU, également cités dans le préambule de la Charte de la CPI.
Selon M. HWANG WOO JIN (République de Corée), le vingtième anniversaire du Statut de Rome est l’occasion pour l’ONU et la Cour de renforcer leurs relations et de réaffirmer la pertinence de la justice pénale internationale dans le maintien de l’état de droit. Malgré la « dure réalité », la CPI doit surmonter les défis « considérables » qui se dressent sur son chemin et s’établir fermement en tant qu’institution « robuste et fiable » dédiée à la justice pénale internationale. Pour y parvenir, la Cour doit bénéficier de la coopération des États parties et des Nations Unies et intensifier ses efforts de sensibilisation. Bien que le nombre d’États Parties au Statut de Rome ait plus que doublé depuis 2002, il demeure loin des deux-tiers des États Membres de l’ONU, a observé M. Hwang, en appelant à l’adhésion universelle. En raison du principe de complémentarité, la ratification du Statut de Rome n’équivaut pas à renoncer à sa souveraineté, a-t-il argué.
M. MAMOUDOU RACINE LY (Sénégal) a rappelé que ce débat se tient dans un contexte d’érosion générale de l’ordre international et de critiques multiformes à l’endroit de la CPI. C’est aussi, a-t-il ajouté, une ère de responsabilité où l’exigence de justice et de réparation des torts subis par les victimes ne sauraient être ignorée. Pour le Sénégal, le dialogue et la coopération sont la voie la plus efficace pour la prise en charge efficace et effective des préoccupations des uns et des autres et pour changer la perception négative qu’ont certains à l’égard de la Cour. De même, le Conseil de sécurité doit exercer avec circonspection et objectivité son droit de saisir la Cour pour éviter la perception qu’il se sert d’elle comme un outil politique.
Quant à la Cour, le représentant a estimé que sous peine d’entacher sa crédibilité, elle doit continuer d’appliquer les standards les plus élevés d’un procès qui respecte de manière équitable les droits de la défense et de la partie civile et protège sans faillir l’intégrité des témoins. Pour le Sénégal, malgré ses imperfections, la CPI reste aujourd’hui le seul recours pour les victimes de crimes graves lorsque ce droit à la justice ne s’exerce pas in situ. La Cour, a insisté le représentant, mérite le soutien de la communauté internationale dans un monde où des violations massives continuent de frapper les populations innocentes sous nos yeux, alors que dans bien de cas, ces crimes restent impunis à l’échelle des États, voire effacés de la mémoire des peuples. Après avoir plaidé en faveur de la ratification universelle du Statut de Rome, il a voulu que l’on rende justice aux victimes, « afin que l’arbre de l’espoir planté, il y a 20 ans à Rome, continue de fleurir à jamais entre les dunes de La Haye et la Mer du Nord ».
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est également réjoui de l’activation de la compétence de la Cour pour le crime d’agression et de la coopération continue des Nations Unies, des États et de plusieurs organisations internationales. Il a estimé que pour s’acquitter de son mandat, la CPI doit maintenir une coopération étroite avec les États parties et non parties dans le plein respect du principe de complémentarité. Il a aussi estimé fondamental de bien clarifier que l’ONU et la CPI sont indépendantes l’une de l’autre, avec des mandats distincts. La communauté internationale attend d’elles qu’elles s’acquittent de leur mandat avec « objectivité, crédibilité, impartialité, sans deux poids deux mesures ni politisation ». Le représentant a critiqué la saisine de la Cour par « certaines institutions compétentes de l’ONU » mettant ainsi en cause l’article 16 du Statut de Rome. On peut dès lors s’interroger, a-t-il dit, sur la véritable indépendance de la CPI. Les organes de l’ONU devraient plutôt examiner l’article 13 du Statut de Rome et exploiter les possibilités qu’il offre. Le représentant s’est résolument rangé derrière l’Union africaine qui considère, s’agissant du Président soudanais, M. Omer AlBashir, que la CPI n’a pas compétence pour inculper un chef d’État puisqu’en sa qualité de « symbole de la souveraineté nationale », il jouit de l’immunité. Le représentant a aussi exprimé le vœu que la Cour ne s’occupera que des États parties sauf si un État non partie sollicite sa collaboration. Il a plaidé pour une assistance technique et le renforcement des capacités des institutions judiciaires des États qui le demandent.
Explications de position sur la résolution A/73/L.8 relative au Rapport de la Cour pénale internationale
Les États-Unis ont réitéré leur opposition de principe à toute ingérence dans les affaires intérieures des États. Ils ont réitéré leurs vives préoccupations face à l’intention de la Procureure de la CPI de mener des enquêtes sur le comportement des militaires américains en Afghanistan. Nous respectons ceux qui ont décidé de se joindre à la CPI et nous les prions de respecter, à leur tour, notre choix de ne pas le faire, ont plaidé les États-Unis.
Le Soudan a dénoncé, une nouvelle fois, la « politisation de la CPI » qui a montré qu’elle est un outil de lutte politique contre les États africains. Il a dit préférer promouvoir la justice dans le cadre des institutions judicaires nationales, sans intervention étrangère. Il a aussi déploré l’idée de vouloir faire de l’Assemblée générale une nouvelle « assemblée des parties au Statut de Rome ». Il a insisté sur le fait qu’il n’est pas partie au Statut de Rome et qu’il n’y a pas de « lien organique « entre les Nations Unies et la CPI ». Nous ne pouvons donc que nous dissocier du consensus, a annoncé le Soudan.
La Syrie, qui a rappelé avoir appuyé la création de la CPI, a fermement dénoncé sa politisation. La Cour, a-t-elle estimé, est paralysée mais étrangement active quand il s’agit de s’en prendre aux nations les plus faibles. Même les amendements de Kampala, dont le crime d’agression, resteront lettre morte, a pronostiqué la Syrie, car il sera quasiment impossible de l’appliquer puisque la justice internationale est sous le joug des grandes puissances. La Syrie en a voulu pour preuve le fait que, malgré ses 20 années d’existence, la Cour n’a instruit que 26 affaires relevant de régions géographiques bien précises. Nous refusons cette « hypocrisie politique », a dit la Syrie, ajoutant qu’elle n’est pas la seule. Beaucoup d’entre nous refusent que la justice internationale devienne un moyen de s’ingérer dans les affaires intérieures des États ou serve d’instrument de punition manipulé par les plus forts contre les plus faibles. La Syrie a attiré l’attention sur les lettres qu’elle a adressées au Secrétaire général (A/72/106 et A/71/799) et a une nouvelle fois dénoncé les appels pour que le Conseil de sécurité saisisse la Cour de sa situation. Elle a conseillé à la CPI de s’occuper d’abord de l’obligation de rendre des comptes des États qui ont attisé la guerre sur son territoire, en finançant les groupes extrémistes et les jihadistes salafistes qui tuent des milliers de Syriens innocents. Que la Cour juge d’abord les combattants terroristes étrangers et les gouvernements de la prétendue « Coalition contre Daech » pour le crime d’agression qu’ils commettent contre le peuple syrien, a lancé la Syrie.
La Fédération de Russie a tranché: la CPI fait partie des organisations les plus inefficaces qui soient. Elle a noté que le texte de la résolution ne fait pas référence aux nouveaux développements et encore moins aux observations des États non parties. En 16 ans d’existence, la CPI n’a prononcé que trois condamnations, tout en dépensant des « sommes colossales » pour son fonctionnement. La Fédération de Russie a aussi dénoncé une Cour qui fait fi du droit international et de l’immunité des autorités nationales. C’est cela, a-t-elle dit, qui explique la position de nombreux États africains sur la Cour. La Fédération de Russie a également rejeter la tentative de la CPI de s’arroger toujours plus de compétences, en violant le droit des États non parties. Elle n’a pas oublié d’attirer l’attention sur les problèmes de gestion de la CPI, évoquant même « des faits douteux que l’ancien Procureur aurait masqués ». Pour toutes ces raisons, nous nous dissocions du consensus sur cette résolution qui n’est ni plus ni moins qu’une mise à jour technique, a annoncé la Fédération de Russie.
Les Philippines se sont également dissociées du consensus, indiquant que leur retrait du Statut de Rome prendra effet le 17 mars 2019. Cette décision, ont-elles expliqué, est motivée par la « politisation des droits de l’homme ». L’indépendance et le bon fonctionnement des organes et agences nationales ne sont plus à démontrer, ont argué les Philippines, en ajoutant que ces dernières traitent des plaintes, des questions, des problèmes et des préoccupations découlant des efforts déployés pour protéger la population. Chez nous comme dans d’autres démocraties, « la roue de la justice tourne lentement et ne répond pas toujours aux espoirs, mais elle tourne », ont affirmé les Philippines qui ont réaffirmé leur engagement à lutter contre l’impunité pour les crimes graves, malgré le retrait du Statut de Rome. Nous avons d’ailleurs adopté une loi contre ces crimes, ont-elles indiqué.
Israël s’est, à son tour, dissocié du consensus non pas parce qu’il ne soutient pas l’objectif noble de la lutte contre l’impunité mais pour joindre sa voix aux critiques sur les lacunes grandissantes dans l’exécution du mandat de la CPI. Trop de décisions de cet organe sont préoccupantes, ce qui remet en question sa légitimité et sa crédibilité, a tranché Israël. La CPI jouit de l’appui inconditionnel de beaucoup d’États mais, parfois, la critique est de mise, a conclu Israël.
Droits de réponse
Le Venezuela a prévenu que ce n’est pas en livrant une bataille idéologique sur la CPI qu’on la rendra plus efficace. Nous n’avons pas besoin d’un nouveau groupe d’ennemis pour la détruire. Il suffit de laisser faire ceux qui, sous le couvert d’objectifs nobles, ne font rien pour préserver la crédibilité de cette institution.
Le Bangladesh a rappelé au Myanmar que la Chambre préliminaire I de la CPI a rendu une décision juridique. L’obligation de rendre des comptes est un aspect essentiel pour rétablir la confiance des Rohingya. Nous attendons du Myanmar, a souligné le Bangladesh, qu’il créé un mécanisme juridique pour instruire les crimes les plus graves commis contre les Rohingya. La communauté internationale doit se positionner et la CPI ne peut balayer d’un revers de main les possibilités de recours des Rohingya, a conclu le Bangladesh.