L’Assemblée générale rend hommage aux « triomphes et aux luttes » des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique
C’est sur le thème « Triomphes et luttes pour la liberté et l’égalité » que l’Assemblée générale a tenu aujourd’hui sa réunion spéciale sur la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves.
Célébrée chaque année, le 25 mars, depuis 2007, la Journée commémore le destin tragique des 15 millions d’hommes, de femmes et d’enfants victimes du « plus grand mouvement forcé de population de l’histoire humaine ».
Le Secrétaire général de l’ONU a mis l’accent sur les efforts de ces hommes qui ont donné vie au thème de cette année. M. António Guterres a cité le descendant d’esclave, Ralph Bunche, qui a fait l’histoire ici même aux Nations Unies. Il a aussi cité Lewis Howard Latimer, l’un des plus grands inventeurs des États-Unis; William Arthur Lewis, première personne d’ascendance africaine à gagner le prix Nobel d’économie, et bien sûr, Martin Luther King, le défenseur mondialement reconnu des droits de l’homme et des droits civiques.
L’ancienne Présidente de la Cour suprême du Panama, Mme Graciela J. Dixon, a dit le sentiment de « fierté et de dignité » qui l’a saisie, en découvrant ses origines. « Je suis le témoignage vivant du triomphe de mes ancêtres », a-t-elle déclaré.
Le Groupe des États d’Afrique a rendu hommage aux « héros » qui ont mené la lutte pour les droits de l’homme et la libération sur le continent africain. « Les pères fondateurs de l’Afrique ont contribué à ouvrir la voie à la liberté politique et à l’égalité dans tout le continent, avec l’appui des frères et des sœurs d’ascendance africaine du monde entier, dont les mouvements des droits civiques aux États-Unis ».
Restons à jamais vigilants et profitons de cette Journée internationale de commémoration pour changer toutes les vies et lutter contre le travail forcé et d’autres abus horribles qui n'ont pas de place dans notre monde, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU.
Après avoir souligné que l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée il y a 70 ans, stipule que « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes », le Secrétaire général a dénoncé la persistance des « manifestations modernes de la servitude et de l’esclavage, et ses millions d’enfants victimes ».
Le Président de l’Assemblée générale s’est arrêté sur les images d’hommes enchaînés sur la place d’un marché, en Libye, il y a quelques mois à peine. M. Miroslav Lajčák a mis en garde contre la montée de la rhétorique déshumanisante et des attaques contre les minorités et les personnes vulnérables qui sont accusées de tous les maux. Nous devons tirer les leçons de l’esclavage afin de ne pas « reproduire les erreurs du passé ».
« Nous ne pouvons pas changer cette partie douloureuse de notre histoire, mais nous pouvons en tirer les leçons », a renchéri la représentante des États-Unis, rejointe par le Ghana, qui a voulu que l’on aille « au-delà du simple souvenir des victimes de la traite des esclaves pour encourager le dialogue sur les formes contemporaines d’esclavage et renouveler notre engagement à agir ».
« Au XXIe siècle, plus de 40 millions de personnes sont soumises à des conditions similaires à l’esclavage », a dénoncé Cuba, avant d’ajouter que, selon l’Organisation internationale du Travail, les objectifs de développement durable ne pourront être atteints si les efforts pour éliminer l’esclavage moderne ne sont pas renforcés. « Nous n’avons plus d’excuses », a martelé l’ancienne Présidente de la Cour suprême du Panama qui a appelé à l’éradication totale du racisme et de la discrimination raciale.
Sur recommandation du Mouvement des pays non alignés, l’Assemblée générale a décidé de reporter au 10 mai 2018 la réunion d’organisation de la Conférence internationale de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire initialement prévue le 28 mars, à New York.*
La prochaine séance plénière de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
*A/72/L.44
COMMÉMORATION DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE ET DE LA TRAITE TRANSATLANTIQUE DES ESCLAVES
Séance commémorative de l’Assemblée générale à l’occasion de la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves
Déclarations
Le Président de l’Assemblée générale, M. MIROSLAV LAJČÁK, a voulu que l’on réfléchisse aux effets du système inhumain de l’esclavage et à son impact sur le monde actuel. Rappelant que 18 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont enduré quatre siècles d’exploitation et d’abus, il a souligné l’importance qu’il y a à bien comprendre l’histoire de l’esclavage pour ne pas la reproduire. La discrimination, le racisme et la xénophobie sont toujours présents aujourd’hui, a dénoncé le Président, rappelant les images d’hommes enchaînés il y a quelques mois à peine en Libye.
M. Lajčák a mis en garde contre la montée de la rhétorique déshumanisante et des attaques contre les minorités et les personnes vulnérables qui sont accusées de tous les maux. Il a appelé à la vigilance afin d’identifier les signes précurseurs et d’adopter les correctifs qui s’imposent. Il faut reconnaître les effets néfastes de l’esclavage et son héritage afin d’en tirer des leçons, a-t-il martelé, soulignant l’importance de garder à l’esprit les inégalités sociales et économiques qui en découlent. Il faut, a-t-il dit, lutter contre la pauvreté et l’injustice afin de contrer les déséquilibres structurels dans les domaines de l’économie, de l’éducation, de la santé et de l’accès à la justice, conformément aux objectifs de développement durable. Nous ne pouvons changer l’histoire mais nous pouvons construire l’avenir en sensibilisant les générations futures à l’impact de l’esclavage, a conclu M. Lajčák.
Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a rappelé qu’il y a 11 ans, l’Assemblée générale a créé la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves pour reconnaître le caractère horrible du commerce des êtres humains. Aujourd’hui, nous devons aussi reconnaître le rôle joué par de nombreux pays, y compris mon pays, le Portugal, qui avaient privé des millions de personnes de leurs foyers, de leurs familles, de leur dignité et qui avaient profité de leur misère.
Cette Journée a également été créée pour braquer la lumière sur les dangers du racisme et des préjugés. La traite des esclaves abolie au XVIIIe siècle continue d’affecter les interactions sociales, culturelles et politiques entre les populations et les pays. Cette souffrance humaine de masse doit être racontée aux jeunes générations par l’éducation qui donne accès aux récits historiques, y compris les nombreux actes de bravoure et de résistance des esclaves.
La Mémoire de l’esclavage et le projet « Route de l’esclavage » de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) contribuent à des sociétés plus inclusives. Il est tout aussi important de souligner l’énorme contribution des peuples d’ascendance africaine au monde. Nous voyons, a dit le Secrétaire général, ces contributions partout, dans chaque effort humain, dans chaque expérience humaine, de la science aux arts, de l’université aux sports, de la politique, du droit, des droits civiques et des affaires internationales.
Un descendant d’esclave a fait l’histoire ici même aux Nations Unies: Ralph Bunche, le premier africain-américain à avoir reçu le prix Nobel. L’un des fonctionnaires internationaux les plus respectés et les plus célébrés dans l’histoire de l’Organisation, Ralph Bunche, a dit un jour: « les cœurs sont plus forts lorsqu’ils battent devant de nobles idéaux ».
Fils d’esclaves qui a fui vers la liberté, Lewis Howard Latimer est considéré comme l’un des plus grands inventeurs des États-Unis. Il a amélioré le fil de carbone dans les ampoules.
Né à Sainte-Lucie, William Arthur Lewis est devenu la première personne d’ascendance africaine à gagner le prix Nobel d’économie.
Les contributions de Martin Luther King Jr aux droits de l’homme et droits civiques sont mondialement reconnues. Elles ont une valeur éternelle qu’elles n’ont plus besoin d’être décrites.
Les efforts de ces hommes et ceux des autres peuples ont donné vie au thème de la commémoration de cette année « Triomphe et lutte pour la liberté et l’égalité » qui a inspiré les efforts des survivants et de leurs descendants pour créer une vie meilleure pour eux-mêmes et des sociétés plus justes pour tous. C’est précisément pour assurer la liberté et l’égalité pour tous que l’Assemblée générale a adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme, il y a à70 ans. L’article 4 de la Déclaration stipule que « nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ».
Aujourd’hui encore, nous trouvons les manifestations modernes de la servitude et de l’esclavage avec des millions d’enfants parmi les victimes. Nous savons également la profondeur de l’écart entre la réalisation des droits des peuples d’ascendance africaine et l’intensité du racisme et de la haine auxquels ils font face. Dans cette Décennie des peuples d’ascendance africaine, nous devons reconnaître le travail qu’il reste à faire.
En cette Journée internationale de commémoration, a conclu le Secrétaire général, restons à jamais vigilants et utilisons cette occasion pour changer toutes les vies et lutter contre le travail forcé et d’autres abus horribles qui n'ont pas de place dans notre monde. Aujourd’hui, nous commémorons la mémoire des victimes et des survivants de la traite transatlantique des esclaves en continuant notre lutte commune pour veiller à ce que tous les peuples vivent dans la dignité et la justice.
Mme GRACIELA J. DIXON, ancienne Présidente de la Cour suprême du Panama, a déclaré que ses recherches sur le traumatisme subi par les millions de victimes de l’esclavage et sur la lutte qu’ont dû mener les personnes d’ascendance africaine pour faire reconnaître leurs droits lui ont permis de redécouvrir sa propre existence. Par ses longues conversations avec son grand-père, elle a réalisé l’importance de la lutte et le triomphe de son arrière-arrière-grand-mère esclave et de tous ceux qui ont survécu après avoir enduré des années d’abus. Elle a décrit l’influence du mouvement des droits civiques aux États-Unis sur sa propre vie, malgré les standards discriminatoires dominants. Dans mon village de Colon, a-t-elle confié, il était interdit aux personnes d’origine africaine de garder leurs cheveux à l’état naturel.
Grâce à son grand-père et son arrière-arrière-grand-mère, Mme Dixon a dit avoir développé un sentiment de fierté et de dignité face à la vérité sur ses origines. « Ils ont lutté pour conserver leur âme, leur foi et leur culture, et ils ont réussi », s’est enorgueillie Mme Dixon. « Je suis le témoignage vivant du triomphe de mes ancêtres », a-t-elle ajouté, et de la résilience des femmes africaines qui ont refusé de baisser les bras. Nous sommes ici grâce à la détermination de ces hommes et de ces femmes, a poursuivi Mme Dixon, avant de mettre en garde contre le danger de reproduire les crimes de l’esclavage. Elle a rendu hommage aux vieillards qui nous ont appris à ne plus être intimidés et appelé à « l’éradication totale du racisme et de la discrimination sous toutes leurs formes ». « Nous n’avons plus d’excuses », a-t-elle conclu.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. MAMADOU TANGARA (Gambie) a voulu s’attarder sur le thème de à savoir « les triomphes et les luttes pour la liberté et l’égalité ». C’était, a-t-il dit, une lutte pour les droits de l’homme fondamentaux et pour la libération totale de toutes les formes d’esclavage et de domination.
Les héros qui ont triomphé sont nombreux, a souligné le représentant. Les pères fondateurs de l’Afrique ont contribué à ouvrir la voie à la liberté politique et à l’égalité dans tout le continent avec l’appui des frères et des sœurs d’ascendance africaine du monde entier, dont les mouvements des droits civiques aux États-Unis. Les combattants de la liberté du continent étaient plus déterminés que jamais à lutter pour le droit à l’autodétermination de leurs peuples, en Angola, en Namibie, au Zimbabwe et en Afrique du Sud.
En 1994, Nelson Mandela, une icône de la lutte et de son succès, a lancé un événement sans précédent: la fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud mettant fin à la lutte pour l’égalité.
Les triomphes sont nombreux et continuent de se manifester, a poursuivi le représentant, en rappelant que dernièrement, Viola Desmond Willis, la pionnière des droits civiques, est devenue la première femme noire canadienne à figurer sur le billet de 10 dollars canadiens pour avoir refusé de céder son siège, en luttant pour l’égalité.
Cette année, avec l’« Alliance Institute Organization », le maire de Prichard en Alabama nourrit le projet de créer une ville africaine qui explorera les effets de l’esclavage et gravera dans le marbre la vie des habitants d’« Africatown », comme un point d’entrée pour nourrir les échanges culturels et économiques entre les États américains du Golfe et les nations africaines.
Le transfert des connaissances a été un élément clef pendant la période de l’esclavage, a rappelé le représentant, en parlant en particulier des régions agricoles, où les populations asservies de l’Afrique de l’Ouest ont appris aux autres leurs pratiques agricoles traditionnelles. Elles ont transmis leur savoir aux propriétaires d’esclaves et contribué à l’essor de l’agriculture, dans les zones humides et les basses terres de Caroline du Sud. Alors que nous honorons les luttes et les triomphes qui ont apporté des changements et révolutionné des sociétés, nous restons fermes contre toutes les formes d’esclavage, de racisme et de discrimination aujourd’hui, a conclu le représentant.
Au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, Mme ALYA AHMEND SAIF AL-THANI (Qatar) a réitéré l’engagement de son groupe à mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Le thème de la Journée de cette année, a-t-elle dit, offre l’occasion non seulement de se souvenir des victimes de l’esclavage et de leur rendre hommage, mais également de contempler et d’apprendre du passé. C’est aussi l’occasion d’appeler à l’action contre toutes les formes contemporaines d’esclavage.
Mme Al-Thani a rappelé que la traite transatlantique des esclaves a été la plus grande migration forcée de l’histoire. Au moment où nous nous souvenons de ceux qui en ont souffert et en sont morts, nous avons la responsabilité, a souligné la représentante, de sensibiliser et d’éduquer les générations futures sur les causes, les conséquences, les leçons et l’héritage de cette traite et de communiquer sur les dangers du racisme et des préjugés. Il faut veiller, a-t-elle plaidé, à ce que des actions soient prises pour mettre en œuvre des programmes éducatifs dans les écoles, dans le respect des législations nationales.
Au nom du Groupe des États d’Europe orientale, M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus) a fait observer que bien que la traite transatlantique des esclaves représente une « part notable » de l’histoire du monde, on sait peu de choses de ses conséquences à long terme pour les communautés affectées et de la contribution socioéconomique des esclaves aux pays esclavagistes. Il faut, a-t-il pressé, combler ces lacunes historiques par la recherche universitaire et des activités au niveau local. Il faut, a-t-il ajouté, sensibiliser aux moteurs et catalyseurs de l’esclavage, et à ses conséquences, à savoir le racisme, la xénophobie, l’intolérance et la discrimination.
À l’heure actuelle, l’abolition de l’esclavage compte parmi les triomphes de l’histoire, a poursuivi le représentant. Mais l’esclavage n’a pas pour autant été relégué aux annales de l’histoire. S’appuyant sur les chiffres de l’Organisation internationale du Travail (OIT), il a indiqué qu’il y aurait entre 21 et 35 millions d’esclaves aujourd’hui et que les profits générés par le travail forcé représenteraient 150 milliards de dollars par an. Il a aussi parlé de la traite des personnes, avertissant que 53% des victimes de ce fléau ont été l’objet d’exploitation sexuelle et 40%, victimes du travail forcé. Il faut, a poursuivi le représentant, redoubler d’efforts pour assurer la mise en œuvre effective de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Citant ensuite l’abolitionniste Frederick Douglass, qui avait déclaré que « la connaissance rend l’homme inapte à la servitude », le délégué a plaidé pour que l’on répande le savoir et que l’on bâtisse ensemble un monde où chacun peut vivre dans la dignité et libéré de l’esclavage, de la peur et de l’humiliation.
Au nom du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes, M. ELBIO OSCAR ROSSELLI FRIERI (Uruguay), a déclaré que la Journée de commémoration doit être célébrée pour honorer ceux qui sont morts ou ont souffert de l’esclavage, étudier les causes et les conséquences de cette violation des droits de l’homme qui compte parmi les pires de l’histoire humaine, mais aussi mettre en valeur le combat et les succès des peuples qui se sont émancipés de l’esclavage. C’est aussi une Journée qui doit permettre de cimenter notre détermination à faire face aux défis actuels des inégalités, de l’intolérance, de la discrimination, de la pauvreté, du colonialisme, de l’esclavage moderne et des préjugés.
Entre 1501 et 1830, la traite transatlantique des esclaves a été la plus grande migration forcée connue de l’histoire humaine, a rappelé le représentant, pointant le doigt sur ce qui constitue sans aucun doute un crime contre l’humanité et qui ne doit jamais être oublié ni se répéter. Cette Journée doit être l’occasion de rappeler à la communauté internationale son obligation morale de contribuer à la réparation du crime commis.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, l’esclavage continue d’avoir un impact profond sur les sociétés, a reconnu le représentant, en parlant d’un phénomène qui, d’un côté, a contribué à la richesse des cultures, au capital humain « inestimable » et à la force des sociétés, mais qui, de l’autre, a largement contribué à créer une stratification sociale. Quoi qu’il en soit, les pays de la région sont déterminés à bâtir des sociétés dans lesquelles tous les individus sont égaux et peuvent espérer et réussir sans être marqués par la couleur de leur peau ou leur origine ethnique. Le représentant a ainsi rappelé le Plan d’action régional pour les personnes d’ascendance africaine adopté à Brasilia en 2015 ainsi que les orientations fournies par le troisième Sommet de la Communauté des Caraïbes tenu à Belen, au Costa Rica, en janvier 2015. On peut choisir de regarder ailleurs, de fermer les yeux ou de se boucher les oreilles, mais on ne pourra jamais dire qu’on ignorait la brutalité de la traite transatlantique des esclaves, a conclu le représentant.
Au nom de l’Europe occidentale et autres États, Mme NOA FURMAN (Israël) a encouragé l’important travail du programme éducatif « En mémoire de l’esclavage » du Groupe de l’action éducative des Nations Unies, du Département de l’information. Le thème de la Journée « triomphes et luttes pour la liberté et l’égalité » témoigne des réalisations passées et de ce qui nous attend à l’avenir. Cette Journée est aussi la célébration de l’héritage et de la contribution des peuples d’ascendance africaine. Pour avancer, nous devons tenir des conversations franches sur l’histoire et ce passé douloureux, honorer les sacrifices que d’autres ont faits et qu’ils sont en train de faire pour avancer vers l’égalité, être ensemble pour protéger les droits de tous.
En dépit de l’abolition de la traite transatlantique des esclaves, des millions de personnes sont victimes de l’esclavage ou de pratiques similaires dans le monde. Beaucoup d’autres luttent contre la haine et les abus. C’est une discussion importante en cette Journée très significative. C’est la raison pour laquelle, en tant que représentants des États Membres, et plus important encore, en tant qu’individus, engageons contre l’injustice. Nous le devons aux millions de sans nom du passé qui n’avaient personne pour parler pour eux. Notre progrès chaque jour sera le plus grand hommage que nous rendons à ceux qui ont risqué leur vie pour la liberté.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a déclaré que la commémoration de la Journée internationale offre l’occasion de se souvenir des 10 millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont perdu la vie et la dignité dans la traite transatlantique des esclaves. « Nous ne pouvons pas changer cette partie douloureuse de notre histoire, mais nous pouvons en tirer les leçons », a estimé la représentante. Elle a donc rappelé que ce n’est que dans les années 1960 que les descendants d’esclaves ont obtenu l’égalité devant la loi aux États-Unis. Mais leurs luttes ont continué et en tant qu’ancienne Gouverneure de la Caroline du Sud, a ajouté Mme Haley, « j’ai a été témoin des difficultés rencontrées par les personnes d’ascendance africaine et, même si les Américains en sont fiers, ils n'ont pas oublié la longue et difficile route qu’ils ont parcourue pour en arriver là ».
Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE (Ghana) a estimé que le thème de cette année implique qu’il faut aller au-delà du simple souvenir des victimes de la traite des esclaves pour encourager le dialogue sur les formes contemporaines d’esclavage et renouveler notre engagement à agir. Elle a noté que les victimes et descendants d’esclaves, à travers leur histoire, leur résilience et leur survie, ont inspiré les mouvements du changement à travers le monde, notamment pour la décolonisation de l’Afrique et le mouvement panafricaniste. Elle a ainsi relevé que l’influence de Marcus Garvey et autre W.E.B. Dubois ont contribué à la lutte pour la liberté, l’égalité et la justice en Afrique.
Au Ghana, a-t-elle noté, on voit encore aujourd’hui les stigmates de la traite des esclaves comme en témoignent les 40 forts et châteaux éparpillés le long de la côte, dont trois sont inscrits au patrimoine mondial de l’humanité. Elle a expliqué qu’à travers des manifestations spéciales, tels que le Festival panafricain historique du théâtre, le Ghana a essayé de faire revenir les descendants d’esclaves sur le continent autour des thèmes « encore cachés ».
Elle a aussi rappelé que plus de 40 millions de gens à travers le monde dont 71% de femmes restent prisonniers de l’esclavage moderne sous la forme du travail forcé, de la prostitution, de la traite, du travail des enfants et du mariage forcé. Elle a enfin souligné que les migrations, notamment dans les États fragiles et les régions en conflit, donnent lieu à des histoires horribles et des pratiques semblables à celles de l’esclavage. Ces questions doivent être réglées au plus vite, a-t-elle dit, ajoutant que les négociations en cours sur un pacte mondial sur les migrations devraient réfléchir à des mesures pour améliorer la gestion des migrations.
Après avoir rappelé l’émerveillement des premiers explorateurs et colons débarqués sur les rives africaines, M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a dénoncé l’exploitation qui a suivi. La traite des esclaves a causé des souffrances innombrables et est à l’origine des inégalités économiques et sociales « profondes » qui continuent d’affecter les personnes d’ascendance africaine dans le monde. Le représentant s’est félicité de la construction du Mémorial permanent l’« Arche du retour » au Siège des Nations Unies, auquel a contribué son pays. M. Ndong Mba a rendu hommage à ceux et celles qui ont permis de mettre fin à l’esclavage. Il a salué les efforts des Nations Unies en ce sens, sans oublier de faire part de sa « grande préoccupation » face aux cas d’esclavage et de xénophobie qui ont cours dans différentes régions du monde, notamment en Libye.
Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO (Cuba) a considéré que, plus de 200 ans après le début des luttes d’indépendance des anciennes colonies américaines, une lutte qui a mis fin à l’esclavage, « ignorer le passé ou le nier serait une erreur historique inexcusable ». Elle a rappelé aux anciennes puissances coloniales européennes leur crime « imprescriptible » contre l’humanité, avant de conseiller aux « grands bénéficiaires des conquêtes, de la colonisation, de l’esclavage et de la traite » d’assumer leurs responsabilités et de consentir à des dédommagements. Il est impératif de respecter la Déclaration de Durban, a-t-elle lancé, mettant l’accent sur l’enseignement et la compréhension de la vérité historique.
La représentante s’est dite de plus en plus préoccupée par l’actualité du phénomène: au XXIe siècle, plus de 40 millions de personnes sont soumises à des conditions similaires à l’esclavage. Elle a aussi noté que, selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), les objectifs de développement durable, en particulier la cible 8.7, ne seront pas atteints si les efforts pour éliminer l’esclavage moderne ne sont pas fortement renforcés. Cuba, a-t-elle dit, appelle à nouveau la communauté internationale à adopter de toute urgence des mesures contre les formes contemporaines d’esclavage et autres pratiques semblables. Après avoir rappelé le deux cent vingt-septième anniversaire du début de la première révolution sociale en Amérique latine -la révolution haïtienne-, il a cité le cas de Cuba où environ 1,3 million d’Africains étaient arrivés comme esclaves, des personnes qui ont été, avec leurs descendants, des acteurs cruciaux de la lutte pour la libération totale.
M. RICARDO DE SOUZA MONTEIRO (Brésil) a qualifié de « remarquable » la contribution des esclaves et de leurs descendants à l’histoire économique, sociale, culturelle, religieuse et intellectuelle du Brésil. La Constitution brésilienne, a-t-il souligné, reconnaît le droit à la propriété des communautés d’esclave, en fuite, les « quilombos », et consacre la protection de la culture afro-brésilienne. Ces 15 dernières années, le pays s’est doté d’un Secrétariat spécial pour la promotion de l’égalité raciale et les programmes de financement public et systèmes de quotas ont permis d’augmenter de manière notable le nombre d’étudiants d’ascendance africaine dans les universités. En outre, le programme de protection sociale « Bolsa Familia » a eu un impact notable sur les strates les plus marginalisées du pays, à savoir les femmes d’ascendance africaine.
Le représentant a ensuite annoncé que le Brésil avait décidé de rejoindre le Groupe des Amis de l’élimination du racisme, créé la semaine dernière suite à l’initiative de l’Afrique du Sud et de la Belgique. Constatant que la question des droits des personnes d’ascendance africaine est souvent décrite comme une priorité à l’échelle régionale, il a insisté sur l’implication de tous les pays. S’il est vrai que le nombre absolu des personnes d’ascendance africaine peut varier considérablement d’un État à l’autre, il est malheureusement fréquent que les personnes noires « souffrent de tendances très similaires en matière de discrimination, a-t-il souligné, en s’inquiétant également de l’aggravation de l’islamophobie et de la xénophobie.