Douzième session,
6e et 7e séances – matin & après-midi
ENV/DEV/1783

Le Forum des Nations Unies sur les forêts examine le rôle des forêts dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle

La valeur alimentaire et nutritionnelle des forêts a été au cœur de la quatrième table ronde organisée ce matin par le Forum des Nations Unies sur les forêts.  Des experts et une quinzaine de délégations ont participé au débat sur « les contributions des forêts à l’objectif de développement durable numéro 2: éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable ».

Les forêts jouent un rôle clef dans la sécurité alimentaire, a expliqué le Directeur de l’Institut de recherche sur la conservation de l’Université de Cambridge.  Environ 17% de la population mondiale dépend directement des forêts; la nourriture étant un aspect essentiel de cette dépendance.  Les systèmes forestiers permettraient en effet de compléter efficacement l’agriculture conventionnelle, car il faut bien reconnaître que les stratégies agricoles actuelles ne répondent pas au défi des 800 millions de personnes qui souffrent toujours de la faim dans le monde. 

Les forêts et les systèmes à base d’arbres, comme l’agroforesterie, ont toujours été essentiels pour la sécurité alimentaire dans les régions rurales, a souligné, à son tour le Vice-Président des équipes spéciales, des programmes spéciaux, des projets et des initiatives de l’Union internationale des instituts de recherche forestière.  La nourriture de la forêt -graines, noix, fruits, champignons, insectes et animaux sauvages- contribue à la qualité et à la diversité des régimes alimentaires, a renchéri un professeur au Département de géographie de la « Penn State University ».

Les forêts ne donnent pas que de la nourriture, elles offrent aussi des services écosystémiques essentiels aux cultures de base, dont la protection des sols et de l’eau, a rappelé la Directrice générale adjointe au climat et aux ressources naturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  La FAO, qui a convoqué en 2013 la première Conférence internationale sur les forêts pour la sécurité alimentaire et la nutrition, a mis au point une approche intégrée des trois piliers -agriculture, foresterie et pêche- qui se fonde sur les connaissances scientifiques et s’adapte aux besoins des communautés rurales et des pays.

Cet après-midi, les membres du Forum ont parlé de la périodicité, du contenu et du format des rapports que les États auront à présenter volontairement sur la mise en œuvre du Plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030).  Ils se sont également informés du travail en cours sur l’élaboration des indicateurs mondiaux relatifs aux forêts.

Le Forum poursuivra ses travaux demain, jeudi 4 mai, à partir de 10 heures.

MISE EN ŒUVRE DU PLAN STRATÉGIQUE DES NATIONS UNIES SUR LES FORÊTS (2017-2030) (E/CN.18/2017/2)

Table ronde sur les contributions des forêts à l’objectif de développement durable numéro 2: éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable: les forêts et la sécurité alimentaire

Le Vice-Président du Forum sur les forêts, M. TOMAS KREJZAR, de la République tchèque, a présenté l’orateur principal et les experts appelés à débattre des liens entre les forêts et l’alimentation, dont la modératrice du débat, Mme Paola Deda, Responsable de la section forêts et bois de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe

M. BHASKAR VIRA, Directeur et membre fondateur de l’Institut de recherche sur la conservation de l’Université de Cambridge, maître de conférences en économie politique de l’environnement et du développement au Département de géographie, a commencé par relever une amélioration de la sécurité alimentaire dans le monde au cours des 20 dernières années.  Malheureusement, 800 millions de personnes souffrent encore de la faim, entre autres, à cause des catastrophes naturelles et de la main de l’homme.  Dans le monde, une personne sur six dépend des forêts, dont l’alimentation est un aspect essentiel.  Un groupe d’experts sur les forêts a donc étudié les recoupements entre forêts et sécurité alimentaire.  

Brossant un tableau d’ensemble des résultats de cette étude, M. Vira a fait part du constat que notre capacité à nourrir le monde s’est accrue grâce à l’augmentation de la productivité.  Mais, les stratégies agricoles ne répondent pas à tous les défis, s’agissant en particulier des céréales dont la fluctuation des prix a un impact réel sur les groupes vulnérables.  Les systèmes forestiers permettraient de compléter efficacement l’agriculture conventionnelle, ce qui est déjà le cas dans certaines parties du monde, a-t-il fait valoir.  Les champignons, les insectes, la moitié des fruits proviennent des forêts sauvages ou semi-sauvages.  Les baobabs et les tamarins sont riches en calcium, en protéines et en fer.  Les manguiers, en vitamine A.  La contribution des forêts est particulièrement importante pendant une saison agricole maigre.  M. Vira a d’ailleurs fait part de l’association claire que l’étude a révélé entre la diversité alimentaire des enfants de moins de cinq ans et le couvert forestier.  De plus, les produits de l’agroforesterie sont une source de revenus pour les populations locales.  Pour contribuer au défi « zéro faim », a-t-il recommandé, il faut adapter la gestion des paysages au climat et renforcer la résilience, en reconnaissant la complémentarité des écosystèmes.  « Il faut réimaginer les forêts dans leur lien avec la sécurité alimentaire et la nutrition », a-t-il lancé.  À ce sujet, les femmes, qui sont en première ligne du combat contre l’insécurité alimentaire, et les populations autochtones, qui ont des connaissances, peuvent optimiser cette contribution.

De nouvelles méthodes de travail ont été préconisées avec pour mots clefs « coordination et intégration », a dit Mme MARIA HELENA SEMEDO, Directrice générale adjointe au climat et aux ressources naturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  L’Organisation, qui a convoqué en 2013 la première Conférence internationale sur les forêts pour la sécurité alimentaire et la nutrition, a mis au point une approche intégrée des trois piliers -agriculture, foresterie et pêche- qui se fonde sur les connaissances scientifiques et s’adapte aux besoins des communautés rurales et des pays.  Cette approche repose sur cinq principes: améliorer l’efficacité dans l’utilisation durable des ressources; conserver et protéger les ressources naturelles; promouvoir l’équité et le bien-être social; renforcer la résilience des communautés; encourager la bonne gouvernance.  La planification à tous les niveaux nécessite une démarche intersectorielle axée sur « la mosaïque » de paysages.  « La sécurité alimentaire mondiale dépend de la biodiversité », a-t-elle conclu, en voyant des signes positifs de progrès dans la réalisation des objectifs de développement durable 2 et 15 –élimination de la pauvreté et de la faim, et gestion durable des forêts-.

Les systèmes forestiers, qui font partie du paysage écologique et reposent sur les arbres, ont toujours contribué à la sécurité alimentaire, notamment du fait de leur adaptabilité, a souligné M JOHN PARROTTA, Vice-Président des équipes spéciales, des programmes spéciaux, des projets et des initiatives de l’Union internationale des instituts de recherche forestière, qui a donné ainsi un point de vue historique.  Des recherches paléoscientifiques montrent qu’il y a 30 000 à 40 000 ans, les habitants de Nouvelle-Guinée exploitaient déjà les forêts.  La culture des palmiers à dattes, des manguiers et des avocatiers remonte ainsi à des milliers d’années.  Expliquant l’évolution de la dynamique des cultures itinérantes, il a indiqué que ces dernières sont affectées par les différents changements socioéconomiques et politiques, la pression démographique et les migrations à grande échelle.  Malgré l’utilisation élargie des systèmes forestiers dans les zones d’insécurité alimentaire, les données dont ont besoin les décideurs pour faire des choix éclairés restent incomplètes, a-t-il averti.  

Si des progrès ont été accomplis pour réduire la faim dans le monde, il y a moins de progrès en matière de nutrition, a relevé Mme BRONWEN POWELL, professeur adjoint au Département de géographie de la Penn State University.  Aujourd’hui, deux milliards d’adultes, soit près d’un tiers de la population mondiale, connaissent des carences alimentaires et 40% de femmes enceintes souffrent d’anémie.  En même temps, les taux d’obésité et de surpoids sont en forte hausse, un problème qui n’est plus cantonné aux zones urbaines mais qui touche aussi les populations vivant à proximité des forêts.  « Il y a une dégradation des régimes alimentaires » et aucun pays n’a connu une croissance économique sans surnutrition.

La sécurité alimentaire et la nutrition ne sont pas assez bien mesurées.  Aussi faut-il faire de la qualité du régime alimentaire, « un critère clef ».  Très peu de populations dans le monde consomment suffisamment de fruits et de légumes mais il faut aussi « dépasser notre obsession des calories », s’est-elle exclamée.  Des informations actualisées montrent que la viande de brousse n’est pas forcément une grande source de calories.  

Invitée à ouvrir le débat avec les délégations, la représentante du Grand groupe des agriculteurs a lancé un plaidoyer pour l’égalité des sexes, un élément essentiel en matière de sécurité alimentaire et de nutrition.  Les mesures sexospécifiques sont essentielles pour conserver le savoir des femmes s’agissant des forêts, a convenu la représentante de l’Union européenne, en souhaitant que les liens établis aujourd’hui entre forêts et alimentation soient portés à l’attention du Forum politique de haut niveau sur le développement durable.

L’Allemagne, qui préside actuellement le G20 et un groupe de six pays ayant signé la Déclaration d’Amsterdam visant à soutenir l’engagement du secteur privé de s’approvisionner à 100% en huile de palme durable d’ici à 2020, appuie depuis toujours une approche qui tienne compte de la sécurité alimentaire et de l’élimination de la pauvreté en matière d’agroforesterie.  Au Chili, le Bureau d’études et de politiques agricoles a mis sur pied un protocole d’agriculture viable qui a identifié des pratiques exemplaires et envisage la surveillance de l’exploitation de l’eau.  Le mois dernier, un institut de recherche a publié une étude sur l’évaluation de semences traditionnelles en tant que compléments des cultures.  D’après la Colombie, l’expression « souveraineté alimentaire » devrait être analysée au sein d’un organe neutre de la FAO.

Pour l’Afrique du Sud, l’élimination de la pauvreté, notamment en milieu rural, la sécurité alimentaire, et la réduction du taux de chômage sont des priorités.  Les forêts, essentiellement des plantations de bois d’œuvre ou des espaces autochtones, et une utilisation mixte des terres, pourraient servir de complément à l’agriculture.  Il faut des systèmes d’utilisation des terres mixtes dans différents paysages, ont reconnu à leur tour les États-Unis.  Le Canada a jugé important d’avoir des approches paysagères intégrées et intersectorielles en matière de gestion des sols.  Au Mexique, l’essor de la production des avocats due à ses propriétés nutritives a mis la pression sur les bois et les forêts.

Sur la voie de la gestion durable des forêts, la Thaïlande a choisi de tenir compte des différents types de forêts existants, de lutter contre le déboisement et de protéger sa riche biodiversité.  Soixante-dix pour cent des forêts boréales et tempérées de la planète se trouvent dans la Fédération de Russie.  Elles recèlent des noix, des champignons, des baies et des plantes médicinales, autant de ressources qui restent très sous-utilisées.  En Indonésie, de nombreuses communautés rurales dépendent des aliments forestiers, tels fruits, noix, champignons, insectes.  Au Nigéria aussi, la contribution des chenilles, champignons et noix des forêts est largement reconnue. 

Dans la région du bassin du Congo, a renchéri le Gabon, les communautés rurales trouvent également leur subsistance dans la forêt.  Le Gouvernement gabonais s’efforce de concilier gestion durable des forêts, lutte contre la pauvreté et sécurité alimentaire.  Près de 90% des forêts sont aménagées ou en cours d’aménagement, et le Code forestier de 2001 a instauré les forêts communautaires.  Afin de limiter les conflits fonciers et de contribuer à la sécurité alimentaire, le Cameroun, où 64% du territoire est couvert de forêts, est en train d’élaborer un schéma d’attribution des terres.  Enfin, la Nouvelle-Zélande s’est intéressée à la question de savoir comment la communauté forestière pourrait « mieux communiquer la valeur des forets » aux agriculteurs.

SUIVI, ÉVALUATION ET RAPPORTS

Rapport du Secrétaire général sur le « suivi, évaluation et établissement de rapports sur les progrès réalisés en vue de la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030), notamment l’instrument des Nations Unies sur les forêts et les contributions nationales volontaires » (E/CN.18/2017/3)

Présenté par M. MANOEL SOBRAL-FOLHO, Directeur du Secrétariat de Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF), le rapport rappelle que depuis sa création en 2000, le Forum invite ses membres à soumettre, sur une base volontaire, des rapports sur les progrès accomplis dans la gestion durable des forêts.  À sa session extraordinaire du 20 janvier 2017, le Forum a adopté le Plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030), lequel a été entériné par l’Assemblée générale le 27 avril dernier.  Par conséquent, les prochaines sessions du Forum porteront essentiellement sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Plan stratégique.

Conformément au paragraphe 69 du Plan stratégique et pour réduire la charge de travail que représente l’établissement des rapports, le Forum se propose de déterminer un cycle et cadre d’établissement des rapports, en prenant en considération le cycle du Programme d’évaluation des ressources forestières mondiales de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le cycle d’examen des objectifs de développement durable du Forum politique de haut niveau.

Le Directeur du Secrétariat du Forum a précisé que les propositions contenues dans ce rapport viennent de plusieurs sources dont la réunion tenue en novembre 2016 à Rome, par l’initiative institutionnelle sur les indicateurs forestiers mondiaux, la réunion d’experts de Brasilia de février 2017 ou encore les courriels envoyés par les États Membres, le Partenariat de collaboration sur les forêts (PCF) et les grands groupes.

Selon eux, les rapports nationaux devraient être structurés autour des objectifs et cibles du Plan stratégique, avoir une forme narrative et s’articuler autour de sept questions clefs du Plan stratégique. 

Les précisions sur le format des rapports ont été apportées par M. TOMASZ JUSZACK, du Secrétariat du FNUF, qui a ajouté que les indicateurs seront finalisés d’ici à 2019.

M. VICENTE DE AZEVEDO ARAUJO FILHO (Brésil) a présenté le compte-rendu de la réunion d’experts de Brasilia, organisée par le Secrétariat du FNUF, du 7 au 10 février, sur l’établissement des rapports.  Le résumé de la réunion est disponible sur le site Internet du FNUF.

Le compte-rendu de la réunion, tenue à Rome, du 28 au 30 novembre 2016, sur l’établissement des indicateurs mondiaux sur les forêts afin de soutenir la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et du Plan stratégique des Nations Unies a été présenté par Mme EVA MULLER, Directrice de la Division des politiques et des ressources forestières à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Les participants à la réunion ont retenu 20 indicateurs de base dont une dizaine devrait avoir une application mondiale.  Pour l’instant, 9 indicateurs sont définitivement agréés et 11 sont toujours en discussion.  La prochaine réunion aura lieu du 12 au 16 juin en Finlande. 

De nombreuses délégations, dont les États-Unis, ont estimé que l’établissement de nouveaux rapports serait superflu, étant donné que la FAO en reçoit tous les cinq ans dans le domaine des forêts.  « Il faut éviter de surcharger les États », a plaidé l’Autriche.  Au lieu d’examiner tous ces rapports, le FNUF ferait mieux de consacrer plus de temps à des questions politiques de première importance, a renchéri le Canada.  Alignons les rapports sur les cycles de la FAO, a conseillé l’Union européenne pour réduire les coûts.  Pourquoi ne pas intégrer les rapports du FNUF à ceux que les États soumettent à la FAO, a proposé la déléguée de la Malaisie.  Cinq ans est en effet un délai raisonnable pour évaluer les progrès, ont dit les États-Unis et le Chili.

Quid du format?  Que chacun ait la liberté d’apporter sa propre touche, a plaidé le Japon.  Le format doit en effet tenir compte des spécificités de chaque pays, a acquiescé le Nigéria, au nom du Groupe des États d’Afrique.  Le format proposé à la réunion de Brasilia mérite notre attention, a estimé la Chine.  Pourquoi ne pas adopter le même format que celui des rapports sur les changements climatiques? a proposé le représentant de l’Allemagne.  Non, les rapports au FNUF doivent se distinguer de ceux présentés à d’autres processus, a répondu du Brésil.

Ces rapports, a précisé, le Grand groupe des agriculteurs, doivent contenir des informations sur les dimensions sexospécifique et « secteur privé » de la gestion des forêts.  Le FNUF pourrait d’ailleurs s’inspirer de nos indicateurs qu’utilisent déjà les pays européens, a suggéré la Conférence ministérielle sur la protection des forêts en Europe (CMPFE).  Il faudrait aussi que les rapports tiennent compte des questions examinées par le Forum politique de haut niveau sur le développement durable, a ajouté le Japon.  Ces rapports doivent établir clairement la corrélation entre indicateurs et cibles, a dit le Brésil, avant que, compte tenu des divergences, l’Australie ne demande d’autres consultations pour définir le contenu et le format des futurs rapports.

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