Myanmar: le Conseil de sécurité condamne la violence généralisée dans l’État Rakhine, en particulier contre des Rohingya
Le représentant du Myanmar dénonce une « pression excessive » sur son gouvernement; celui du Bangladesh demande des mesures concrètes
Dans une déclaration présidentielle, adoptée cet après-midi, le Conseil de sécurité condamne la violence généralisée qui règne depuis le 25 août dernier dans l’État Rakhine, et qui a entraîné le déplacement de plus de 607 000 personnes, dont une majorité de Rohingya. Il se déclare gravement préoccupé par les violations des droits de l’homme qui auraient été commises dans l’État Rakhine, y compris par les forces de sécurité du Myanmar, en particulier contre des Rohingya.
Le représentant du Myanmar a regretté que le texte adopté ne reconnaisse pas assez les efforts de son gouvernement, tandis que le représentant du Bangladesh y voyait un jalon devant permettre au Conseil de poursuivre son action jusqu’à l’adoption d’une solution pacifique, juste et durable à la crise actuelle.
Dans la déclaration, le Conseil engage le Gouvernement du Myanmar à veiller à ce qu’il ne soit plus recouru de manière excessive à la force dans l’État Rakhine, à rétablir l’administration civile, à appliquer l’état de droit et à prendre immédiatement les mesures voulues pour honorer ses obligations et ses engagements s’agissant du respect des droits de l’homme.
Alarmé par la dégradation importante et rapide de la situation humanitaire dans l’État Rakhine, le Conseil invite également le Gouvernement à accorder un accès immédiat, sûr et sans entrave aux organismes des Nations Unies et à leurs partenaires.
Le Conseil se félicite de la signature, le 24 octobre 2017, d’un mémorandum d’accord entre les Gouvernements du Myanmar et du Bangladesh sur la situation dans l’État Rakhine, et de la décision prise par le Gouvernement du Myanmar de créer un mécanisme-cadre pour l’aide humanitaire, la réinstallation et le développement dans l’État Rakhine; il prie le Gouvernement du Myanmar de veiller au retour librement consenti, sûr et digne des personnes déplacées et des réfugiés dans leurs foyers dans l’État Rakhine.
En outre, le Conseil demande au Gouvernement du Myanmar de s’attaquer aux causes profondes de la crise dans l’État Rakhine. Se félicitant de l’engagement pris publiquement par le Gouvernement du Myanmar de donner suite aux recommandations de la Commission consultative sur l’État Rakhine, présidée par Kofi Annan, il souligne qu’il est essentiel que des enquêtes transparentes soient menées sur les allégations de violation des droits de l’homme.
À cet égard, le Conseil prie le Gouvernement du Myanmar de coopérer avec tous les organismes et mécanismes compétents des Nations Unies, en particulier le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Enfin, il encourage le Secrétaire général à envisager, selon que de besoin, la nomination d’un conseiller spécial pour le Myanmar. Il prie en outre ce dernier de le tenir informé de l’évolution de la situation dans l’État Rakhine dans les 30 jours suivant l’adoption de la présente déclaration.
Après la lecture de la déclaration présidentielle, le représentant du Myanmar s’est dit très préoccupé par un texte qui, à ses yeux, ne reconnaît pas assez les efforts de son gouvernement pour répondre aux défis dans l’État Rakhine. Pour le représentant, cette déclaration risque de polariser davantage les différentes communautés religieuses dans le pays et exerce une pression excessive sur le Myanmar. De plus, a-t-il déploré, elle empiète sur les travaux d’autres organes de l’ONU, en particulier la Troisième Commission et le Conseil des droits de l’homme.
Le représentant a rappelé que les attaques du 25 août dernier et les actes terroristes perpétrés par l’Armée de salut des Rohingya avaient provoqué une situation tragique dans l’État Rakhine. Assurant que le Gouvernement du Myanmar travaille de concert avec le Bangladesh pour permettre le retour librement consenti, sûr et digne des personnes déplacées, il a mis en relief certaines des mesures prises pour résoudre la crise avant de conclure en disant « espérer que cette déclaration présidentielle ne contribuera pas au terrorisme dans le monde ».
Pour sa part, le représentant du Bangladesh a remercié le Conseil de sécurité d’avoir reconnu les efforts de son gouvernement pour apporter une aide humanitaire, tout en demandant à la communauté internationale d’appuyer ses efforts de manière durable. Rappelant l’effet déstabilisateur pour la région toute entière du déplacement massif de population, il a fait observer que, malgré la décision de constituer un groupe de travail commun avec le Myanmar sur le rapatriement des réfugiés, les mesures concrètes restaient à prendre.
Constatant que la déclaration présidentielle avait fixé des grandes lignes du processus à venir et pris note des engagements du Gouvernement du Myanmar, le représentant a rappelé qu’il était essentiel que ces déclarations trouvent une expression concrète. Il a en particulier souhaité que des progrès tangibles sur le terrain aient lieu avant la présentation par le Secrétaire général du rapport que le Conseil lui a demandé dans les 30 jours. Il a en outre souhaité la nomination d’un envoyé spécial du Secrétaire général pour le Myanmar et a rappelé que « le problème a son origine au Myanmar, et sa solution doit être trouvée au Myanmar ».
LA SITUATION AU MYANMAR
Déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité condamne les attaques perpétrées le 25 août dans l’État Rakhine (Myanmar) par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan contre les forces de sécurité du Myanmar, et se déclare gravement préoccupé par les atteintes aux droits de l’homme que l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan aurait commises.
Le Conseil condamne fermement la violence généralisée qui règne depuis le 25 août dans l’État Rakhine, qui a entraîné le déplacement de plus de 607 000 personnes, dont une majorité appartenant à la communauté Rohingya.
Le Conseil se déclare gravement préoccupé par les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits qui auraient été commises dans l’État Rakhine, y compris par les forces de sécurité du Myanmar, en particulier contre des personnes appartenant à la communauté Rohingya, notamment le recours systématique à la force et à l’intimidation, les meurtres d’hommes, de femmes et d’enfants, les violences sexuelles et la destruction, y compris par le feu, d’habitations et de biens.
Le Conseil réaffirme son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance politique, à l’intégrité territoriale et à l’unité du Myanmar, souligne qu’il appuie l’action que mène le Gouvernement du Myanmar pour poursuivre et consolider la transition démocratique en cours, insistant sur l’importance des réformes qui visent à promouvoir des institutions publiques responsables, en particulier dans les secteurs de la sécurité et de la justice, et à gagner la confiance du peuple du Myanmar.
Le Conseil souligne qu’il incombe au premier chef au Gouvernement du Myanmar de protéger sa population, notamment par le respect de l’état de droit et par le respect, la promotion et la protection des droits de l’homme.
Le Conseil demande au Gouvernement du Myanmar de veiller à ce qu’il ne soit plus recouru de manière excessive à la force dans l’État Rakhine, à rétablir l’administration civile, à appliquer l’état de droit et à prendre immédiatement les mesures voulues pour honorer ses obligations et ses engagements s’agissant du respect des droits de l’homme, notamment les droits fondamentaux des femmes, des enfants et des personnes appartenant à des groupes vulnérables, sans distinction et indépendamment de leur appartenance ethnique ou religieuse ou de leur citoyenneté; il l’engage également à appliquer des mesures conformes aux dispositions de la résolution 2106 (2013) pour prévenir et réprimer les actes de violence sexuelle et l’encourage à cet égard à collaborer avec le Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.
Le Conseil se déclare en outre vivement préoccupé par les violences intercommunautaires dont il est fait état et demande au Gouvernement du Myanmar de prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer l’incitation à la haine et à la violence et pour rétablir la paix et l’harmonie intercommunautaire par le dialogue et par un processus de réconciliation générale, dans le respect de l’état de droit.
Le Conseil se déclare alarmé par la dégradation importante et rapide de la situation humanitaire et des droits de l’homme dans l’État Rakhine et se dit gravement préoccupé par le nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du territoire qui va croissant, ce qui a un effet déstabilisateur dans la région.
Le Conseil prend note des premières mesures prises par le Gouvernement du Myanmar et les organismes humanitaires pour apporter une aide humanitaire aux personnes touchées dans l’État Rakhine, notamment l’autorisation donnée au Programme alimentaire mondial de s’y rendre; il se déclare néanmoins profondément préoccupé par les restrictions graves à l’accès humanitaire et l’ampleur des besoins humanitaires qui dépassent les niveaux d’aide actuellement fournis, et il invite le Gouvernement, d’une part, à accorder un accès immédiat, sûr et sans entrave aux organismes des Nations Unies et à leurs partenaires, ainsi qu’aux autres organisations non gouvernementales nationales et internationales, afin qu’ils puissent fournir une aide humanitaire dans l’État Rakhine, et, d’autre part, à assurer la sûreté et la sécurité du personnel humanitaire.
Le Conseil rend vivement hommage au Gouvernement bangladais pour l’action qu’il a menée avec l’aide des organismes des Nations Unies, de leurs partenaires et d’autres organisations non gouvernementales afin d’assurer la sécurité de ceux qui ont fui la violence et de leur fournir abri et assistance humanitaire, l’encourage à continuer dans ce sens jusqu’à ce que ces derniers puissent réintégrer de leur plein gré, en toute sécurité et dignité leurs foyers au Myanmar, compte dûment tenu du principe de non-refoulement, félicite les États qui ont fourni un appui au Bangladesh et encourage ceux qui en ont les moyens à lui apporter un soutien financier et logistique supplémentaire, ainsi qu’aux organismes des Nations Unies, en particulier au Plan d’intervention humanitaire face à la crise des réfugiés Rohingya, et à d’autres partenaires humanitaires qui participent à cet effort.
Le Conseil se félicite de la signature, le 24 octobre 2017, d’un mémorandum d’accord entre les Gouvernements du Myanmar et du Bangladesh sur la situation dans l’État Rakhine, engage le Gouvernement du Myanmar à collaborer avec le Gouvernement bangladais et l’ONU pour permettre le retour librement consenti de tous les réfugiés en toute sécurité et dignité dans leurs foyers au Myanmar, se félicite à cet égard de l’engagement pris par les Gouvernements du Myanmar et du Bangladesh de créer un groupe de travail conjoint pour mettre en œuvre ce processus, et les prie instamment d’inviter le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d’autres organisations internationales compétentes à prendre pleinement part aux activités du groupe de travail conjoint et à la mise en œuvre du processus des retours, et il demande par ailleurs au Gouvernement du Myanmar d’accélérer le retour librement consenti, en tout sécurité et dignité dans leurs foyers de toutes les personnes déplacées à l’intérieur du territoire au Myanmar.
Le Conseil se félicite de la décision prise par le Gouvernement du Myanmar de créer un Mécanisme-cadre intitulé l’« Union d’entreprise pour l’aide humanitaire, la réinstallation et le développement dans l’État Rakhine » (« le Mécanisme-cadre »), ainsi que de son engagement à faire en sorte que toutes les communautés de l’État Rakhine bénéficient de l’aide humanitaire et des activités de développement menées par le mécanisme, sans distinction et indépendamment de leur appartenance ethnique ou religieuse, prie instamment le Gouvernement de veiller à ce que le mécanisme facilite le retour librement consenti, sûr et digne des personnes déplacées à l’intérieur du territoire et des réfugiés dans leurs foyers dans l’État Rakhine, et de permettre aux organismes des Nations Unies de mener leurs opérations sans aucune entrave dans l’État Rakhine.
Le Conseil exhorte les Gouvernements du Myanmar et du Bangladesh, les organismes des Nations Unies et les autres partenaires humanitaires à accorder une attention particulière aux besoins particuliers des femmes et des filles dans toutes les activités d’évaluation, de planification et d’acheminement de l’aide humanitaire et à veiller à ce que des soins médicaux et des services psychosociaux spécialisés soient disponibles pour celles qui ont subi des violences sexuelles.
Le Conseil se félicite des mesures que continuent de prendre les pays de la région et les organisations régionales, en particulier l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, l’Organisation de la coopération islamique et l’Union européenne, pour apporter une aide humanitaire et appuyer le dialogue entre toutes les parties concernées.
Le Conseil demande au Gouvernement du Myanmar de s’attaquer aux causes profondes de la crise dans l’État Rakhine, en respectant, de promouvant et protégeant les droits de l’homme, sans discrimination et indépendamment de l’appartenance ethnique ou religieuse, notamment en assurant à tous la liberté de circulation et l’égalité d’accès aux services de base et à la citoyenneté intégrale.
Le Conseil se félicite de l’engagement pris publiquement par le Gouvernement du Myanmar d’appliquer les recommandations de la Commission consultative sur l’État Rakhine présidée par Kofi Annan, ainsi que de la mise en place d’un comité ministériel chargé de les mettre en œuvre, et demande instamment à toutes les parties représentant le Gouvernement de collaborer à l’application rapide et intégrale de ces recommandations.
Le Conseil souligne qu’il est essentiel que des enquêtes transparentes soient menées sur les allégations de violation des droits de l’homme et d’atteinte à ces droits, notamment de violences, y compris sexuelles, et de maltraitance à l’encontre d’enfants, et que toutes les personnes responsables de ces actes soient amenées à en répondre afin que justice soit rendue aux victimes.
À cet égard, le Conseil prie le Gouvernement du Myanmar de coopérer avec tous les organismes et mécanismes compétents des Nations Unies, en particulier le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, et de poursuivre les consultations concernant l’ouverture d’un bureau de pays du Haut-Commissariat.
Le Conseil exhorte le Gouvernement du Myanmar à accorder d’urgence un accès total et sans entrave aux médias nationaux et internationaux dans l’État Rakhine et dans tout le pays, et à assurer la sûreté et la sécurité de leur personnel.
Le Conseil prie le Secrétaire général de continuer à offrir ses bons offices, de poursuivre son dialogue avec le Gouvernement du Myanmar, en y associant toutes les parties prenantes, et de fournir une assistance technique au Gouvernement à cet égard et l’encourage à envisager, selon que de besoin, la nomination d’un conseiller spécial pour le Myanmar;
Le Conseil demeure résolu à continuer à suivre de près la situation au Myanmar et prie le Secrétaire général de le tenir informé de l’évolution de la situation dans l’État Rakhine dans les 30 jours suivant l’adoption de la présente déclaration.