Le Secrétaire général alerte le Conseil de sécurité du risque de famine que font planer les conflits au Soudan du Sud, en Somalie, au Yémen et au Nigéria
Au Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l’ONU a, cet après-midi, tiré une nouvelle fois la sonnette d’alarme devant les risques de famine dans plusieurs théâtres de conflit, à savoir le Soudan du Sud, la Somalie, le Yémen et le nord-est du Nigéria. Devant « le retour de la faim comme arme de guerre », la prévention doit être notre mot d’ordre, a souligné, M. António Guterres.
« Il y a neuf mois, quelque 20 millions de personnes étaient gravement menacées par la famine dans ces quatre pays. La communauté internationale a répondu rapidement à l’alerte, et près de 70% des fonds demandés ont été reçus. Mais si nous avons réussi à tenir en joue la famine, nous avons échoué à le faire pour les souffrances », s’est désolé le chef de l’Organisation, qui s’était mobilisé sur cette question à l’entame de son mandat.
« Tant que les conflits ne seront pas réglés et que le développement aura du mal à s’enraciner, des communautés et des régions entières continueront à être ravagées par la faim et les souffrances », a plaidé M. Guterres devant un Conseil réuni à l’initiative de la France.
Dans le nord-est du Nigéria, près de 8,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, dont l’acheminement est compromis par les attaques de Boko Haram et les opérations des Forces armées nigérianes.
En Somalie, la survie de plus de six millions de personnes dépend de la communauté humanitaire. Là également, dans le sud et le centre du pays, près de deux millions de personnes sont privées d’aide en raison des attaques constantes du groupe des Chabab mais aussi des obstacles bureaucratiques érigés par le Gouvernement.
Au Soudan du Sud, a encore indiqué M. Guterres, la famine a été évitée mais l’insécurité alimentaire a atteint un niveau sans précédent. Le Gouvernement et l’opposition empêchent le travail humanitaire.
Au Yémen, le Programme alimentaire mondial (PAM) et ses partenaires ont évité la famine en août, mais des millions de plus continuent à souffrir, dont 700 000 dans les provinces de Saada, Hajjah, Hodeïda et Taëz, difficiles d’accès. En cause? Les obstacles bureaucratiques, les bombardements aériens et les affrontements au sol.
Le Secrétaire général a donc appelé les parties au conflit et ceux qui ont de l’influence sur elles à traduire leur engagement en faveur de l’aide humanitaire en actes concrets et à combattre l’impunité, « ce qui veut dire, faciliter le passage rapide et sans obstacle de l’aide, n’imposer de restrictions qu’en toute bonne foi, et respecter et protéger les personnels et l’aide humanitaires ».
Présidente du Conseil de sécurité pour le mois d’octobre, la France a tiré quatre enseignements de cette situation dont le fait qu’il appartient au Conseil de sécurité de trouver des solutions politiques pérennes aux conflits qui aggravent l’insécurité alimentaire des populations. Ce à quoi nous sommes confrontés, a renchéri le Royaume-Uni, « n’est ni plus ni moins que le retour de la faim comme arme de guerre ». À ses yeux, la destruction systématique des troupeaux et des marchés sont des tactiques délibérées visant à priver les civils d’un accès à une alimentation adéquate. « Le Conseil a le pouvoir et le devoir de dire: "Ça suffit!" », a assené le Royaume-Uni.
La Fédération de Russie a émis des doutes. Les conflits ne sont qu’un des facteurs de la famine, a-t-elle argué, jugeant qu’il ne serait pas juste de taire des causes telles que la volatilité du marché mondial des produits alimentaires, le faible accès aux technologies agricoles et l’absence d’investissements. D’ailleurs, sur les 800 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde, plus de 320 millions vivent dans des pays où il n’y a pas de conflit », a-t-elle fait remarquer.
Comme toujours, a souligné le Secrétaire général, la prévention doit être notre mot d’ordre. L’aide humanitaire et le renforcement du droit international doivent s’accompagner, a-t-il plaidé, par des investissements dans la paix et dans les solutions à long terme. Le Soudan du Sud, la Somalie, le Yémen et le nord-est du Nigéria, s’est-il expliqué, sont confrontés à l’extrémisme violent mais aussi à la récession économique et à la baisse du prix du baril. Ils sont des exemples probants des défis complexes et multidimensionnels auxquels le monde fait face. Ils nécessitent une approche à l’échelle du système qui traite du nexus humanitaire-développement et de son lien avec la paix. Les agences de développement doivent s’engager dès les premiers instants avec des solutions innovantes. L’Éthiopie, l’Italie et le Kazakhstan ont acquiescé, la Chine insistant sur le principe de l’appropriation nationale.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé qu’il y a neuf mois, quelque 20 millions de personnes étaient gravement menacées de famine au Soudan du Sud, en Somalie, au Yémen et dans le nord-est du Nigéria. Environ 100 000 personnes au Soudan du Sud étaient au bord de la famine. J’ai, a dit le Secrétaire général, exprimé ma « grave préoccupation » dans les deux lettres que j’ai adressées aux États Membres, leur demandant une action urgente et un appui aux agences humanitaires et de développement.
Le Secrétaire général a aussi organisé une conférence de presse avec les chefs du Programme alimentaire mondial (PAM), du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). En mars dernier, a-t-il aussi rappelé, je me suis rendu en Somalie où j’ai vu de mes yeux la nécessité d’une aide internationale « massive » pour éviter une famine, et le mois dernier, la réunion de haut niveau sur la famine, organisée en marge du débat général de l’Assemblée générale, a mis en lumière « nos graves préoccupations ».
La communauté internationale a répondu rapidement à l’alerte, a reconnu le Secrétaire général, qui a annoncé que près de 70% des fonds demandés ont été reçus. Les opérations humanitaires se sont renforcées; les agences et leurs partenaires aidant désormais près de 13 millions de personnes par mois. Les partenaires au développement ont aussi intensifié leurs efforts, travaillant avec les agences humanitaires pour lier secours d’urgence et programmes à long terme et briser le cycle des risques et des vulnérabilités.
Si nous avons réussi à tenir en joue la famine, nous avons échoué à le faire pour les souffrances, s’est désolé le Secrétaire général. Au Soudan du Sud, quelque six millions de personnes sont en insécurité alimentaire grave, soit un million de plus qu’au début de l’année. Tant que les conflits ne seront pas réglés et que le développement aura du mal à s’enraciner, des communautés et des régions entières continueront à être ravagées par la faim et les souffrances, s’est alarmé le Secrétaire général.
Dans le nord-est du Nigéria, a-t-il poursuivi, ce sont quelque 8,5 millions de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire, une aide dont l’acheminement est compromis par les attaques de Boko Haram, sans oublier les opérations des Forces armées nigérianes. Quelque 700 000 personnes seraient ainsi totalement coupées de toute aide dans certaines parties des États de Borno et de Yobe.
En Somalie, plus de six millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire pour leur survie, dans un environnement marqué par le conflit, l’insécurité, le blocage des routes et autre bureaucratie inutile. Quatre agents humanitaires ont perdu la vie ces huit derniers mois, au cours de la centaine d’incidents violents qui ont obstrué l’aide.
De grandes parties du sud et du centre de la Somalie vivent toujours sous les attaques constantes des Chabab et près de deux millions de personnes échappent à toute aide humanitaire. Ici aussi, le Secrétaire général a dénoncé la confiscation de l’aide par les terroristes mais aussi les obstacles bureaucratiques érigés par le Gouvernement.
Au Soudan du Sud, a-t-il encore indiqué, la famine a été évitée mais l’insécurité alimentaire a atteint un niveau sans précédent. Le Gouvernement et l’opposition empêchent le travail humanitaire, y compris dans certaines parties des États de l’Équateur et du Haut-Nil et dans certaines zones du sud et de l’ouest de Wau. Dix-neuf agents humanitaires ont été tués depuis le mois de janvier et plus de 440 ont dû être réinstallés ailleurs. Les biens humanitaires sont régulièrement pillés.
Au Yémen, le PAM et ses partenaires ont évité la famine, en aidant sept millions de personnes en août mais des millions d’autres continent à souffrir, dont les 700 000 qui sont dans les provinces de Saada, Hajjah, Hodeïda et Taëz, difficiles d’accès, à cause des obstacles bureaucratiques, des bombardements aériens et des affrontements au sol.
L’Alliance des houthistes et du Président Ali Abdellah Saleh qui contrôle Sanaa et le Gouvernement du Yémen imposent tous des restrictions au personnel humanitaire. Depuis le début de la crise, le blocus économique a provoqué une hausse de plus de 50% du prix du carburant et de 30% de celui de la nourriture, pendant que la plus grande épidémie de choléra au monde enregistre quelque 800 000 de cas suspects et plus de 2 000 morts.
Le Secrétaire général a appelé toutes les parties au conflit et ceux qui ont de l’influence sur elles, à traduire leur engagement en faveur de l’aide humanitaire en actes concrets et à combattre l’impunité, ce qui veut dire, faciliter le passage rapide et sans obstacle de l’aide humanitaire, n’imposer de restrictions qu’en toute bonne foi, et respecter et protéger le personnel et l’aide humanitaires. Le Secrétaire général a aussi appelé à des mesures urgentes pour régler les conflits.
Il a lancé un appel au Conseil de sécurité pour qu’il continue à appuyer le processus politique en Somalie et a encouragé le Gouvernement fédéral et les États fédérés à stabiliser leurs relations. Il est essentiel, a-t-il insisté, que les questions importantes de la division des pouvoirs et du partage des revenus et des ressources soient clarifiées.
Au Nigéria, il a encouragé le Gouvernement et ses interlocuteurs dans le bassin du lac Tchad à développer une stratégie régionale pour traiter des causes sous-jacentes du conflit.
Au Yémen, le Secrétaire général a appelé les parties à rétablir la légitimité et à assurer un accès aux personnes qui ont besoin d’aide. M. Guterres a plaidé pour le versement des salaires des fonctionnaires et la réouverture du port de Hodeïda. Ce qu’il faut, a-t-il insisté, c’est que les parties retournent à la table des négociations et travaillent à un accord, les États qui ont de l’influence sur elles devant jouer leur rôle.
Enfin, le Secrétaire général a appelé toutes les parties au conflit au Soudan du Sud à se mettre d’accord et à prévenir l’aggravation de l’insécurité alimentaire, les mouvements de réfugiés qui menacent la stabilité régionale et les souffrances humaines. Il a encouragé tous les États Membres à appuyer le Forum de haut niveau de l’IGAD sur la revitalisation qui a gagné en force ces dernières semaines.
Les conflits et les violations du droit international, a souligné le Secrétaire général, aggravent la vulnérabilité à toutes sortes de menaces, poussant les gens à fuir. Le PAM a calculé que 1% de hausse de l’insécurité alimentaire égale 2% de hausse du nombre des réfugiés.
Comme toujours, la prévention doit être notre mot d’ordre, a conclu le Secrétaire général, se félicitant que les mécanismes d’alerte rapide sur la famine aient très bien fonctionné pour le nord-est du Nigéria, le Yémen, la Somalie et le Soudan du Sud. L’aide humanitaire et le renforcement du droit international doivent s’accompagner, a-t-il plaidé, par des investissements dans la paix et dans les solutions à long terme.
Ces pays sont confrontés à l’extrémisme violent mais aussi à la récession économique et à la baisse du prix du baril. Ils sont des exemples probants des défis complexes et multidimensionnels auxquels le monde fait face. Ils nécessitent une approche à l’échelle du système qui traite du nexus humanitaire-développement et de son lien avec la paix. Les agences de développement doivent s’engager dès les premiers instants avec des solutions innovantes. La Banque mondiale, s’est félicité le Secrétaire général, a montré qu’il est possible d’intensifier les programmes orientés vers le développement, en complétant la réponse humanitaire, même dans les pays fragiles comme le Yémen.
À long terme, a-t-il estimé, nous devons nous concentrer sur ce dont les communautés et les pays ont besoin pour sortir des conflits et de l’instabilité. Nous devons aider les gens non pas à survivre mais à s’épanouir. Nous devons dès maintenant nous engager à accroître l’aide humanitaire et à financer les programmes mis en place. Là où nous n’avons pas prévenu ou réglé les conflits, nous devons aider les victimes et les survivants.
Il est « inconcevable » que les agences humanitaires soient contraintes de décider de la vie et de la mort de populations entières, par manque d’argent, s’est indigné le Secrétaire général qui a conclu en appelant à l’engagement et à l’appui des États Membres.
« L’interaction d’aujourd’hui entre le Secrétaire général et le Conseil, avec, en son cœur, la prévention des conflits, pourrait être un modèle à suivre à l’avenir, les conflits étant de plus en plus souvent les moteurs des crises humanitaires », a affirmé M. CARL SKAU (Suède). Le délégué a salué l’engagement « inestimable » du Secrétaire général en faveur d’une réponse humanitaire à long terme aux risques de famine. « Depuis votre appel, la communauté internationale s’est mobilisée », a-t-il lancé, tout en reconnaissant que beaucoup restait à faire.
Le délégué a appelé les parties aux conflits à respecter le droit international humanitaire, avant de mentionner la contribution de 131 millions de dollars d’aide bilatérale que son pays a débloquée pour appuyer la réponse dans les quatre pays concernés. Le développement de ces crises est le signe de notre échec collectif, a tranché le représentant. Ces crises sont le fait de l’homme et il faut régler les conflits par des solutions politiques et l’élimination de leurs causes profondes. « Nous avons tous un rôle à jouer dans ces stratégies à long terme. » Le représentant a expliqué l’initiative de la Suède de publier une déclaration présidentielle sur le risque de famine. « Nous pensions qu’il était important que le Conseil mette tout son poids derrière l’appel du Secrétaire général », a-t-il affirmé, en insistant sur le rôle de cet organe pour remédier aux conséquences humanitaires d’un conflit.
Alors même que de nombreuses avancées ont été enregistrées dans la lutte contre la faim au cours des dernières décennies, M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a déploré le fait que des millions de personnes dans le nord-est du Nigéria, au Soudan du Sud, en Somalie et au Yémen soient toujours confrontées à la menace de la famine, en particulier les femmes, les enfants et les personnes les plus vulnérables. « Les solutions à long terme ne servent à rien quand la faim tue à court terme », a déclaré le représentant, appelant le Conseil de sécurité à se montrer plus réactif et à faire davantage pour lutter contre ce phénomène.
« La guerre demeure le principal déclencheur de ces tragédies humanitaires », a reconnu le représentant, dénonçant les entraves à l’aide humanitaire engendrées par les conflits et la violence dans ces quatre pays. Il a ainsi appelé les gouvernements et l’ensemble des parties à lever ces entraves et à assumer leur responsabilité de protéger les civils.
Ce à quoi nous sommes confrontés, a enfin dénoncé le représentant, « n’est ni plus ni moins que le retour de la faim comme arme de guerre ». À ses yeux, en effet, la destruction systématique des troupeaux et des marchés sont des tactiques délibérées visant à priver les civils d’un accès à une alimentation adéquate. « Le Conseil a le pouvoir et le devoir de dire: "Ça suffit!" », a assené le représentant, appelant les Quinze à tenir pour responsables ceux qui se montrent coupables de ces crimes.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a déclaré que les besoins humanitaires au Soudan du Sud, en Somalie, au Yémen et dans le nord-est du Nigéria sont sans précédent et que les conflits aggravent les conditions de vie sur place, affirmant que la famine est bel et bien une question de paix et de sécurité internationales. Elle a prévenu que les populations privées de nourriture ont davantage de chances de rejoindre les groupes armés. Face à une telle menace, nous devons nous mobiliser et répondre aux appels humanitaires d’urgence lancés pour ces quatre pays, à l’instar des États-Unis, qui ont annoncé une contribution totale en septembre dernier d’un montant de 575 millions de dollars.
Même si la réponse humanitaire préliminaire a permis d’éviter le pire, la représentante a blâmé les entraves à l’aide humanitaire dans ces pays, qui sont le fait des parties aux conflits. Elle a ainsi rappelé que 85 agents humanitaires avaient été tués au Yémen, où la population est confrontée à la pire épidémie de choléra de ces dernières années, tandis que Boko Haram empêche les convois de parvenir aux populations dans le nord-est du Nigéria, où 5,2 millions de personnes ont besoin d’assistance. Aussi Mme Haley a-t-elle encouragé le Gouvernement nigérian à réfléchir aux moyens de venir en aide à la population civile.
Dans ce contexte, tous les membres du Conseil de sécurité doivent faire preuve d’unité et tenir pour responsables de leurs actes tous ceux qui font obstruction à l’aide humanitaire, a-t-elle martelé. Pour la déléguée, la famine est « le résultat de l’échec de la paix, de la sécurité et des droits de l’homme ». Elle a exhorté en conclusion le Conseil de sécurité à faire un pas de plus dans la lutte contre l’impunité.
En plus de coûter la vie à des millions de personnes, a rappelé M. GORGUI CISS (Sénégal), la famine contribue à l’instabilité sociale et perpétue le cercle vicieux de la pauvreté et de la dépendance à l’aide, qui dure depuis plusieurs décennies déjà. Dans les situations de conflit, a-t-il ajouté, la famine accroît la vulnérabilité des populations affectées, notamment celles des enfants, des femmes et des personnes âgées.
Dans ce contexte, le représentant a salué l’alerte lancée dès le début de cette année par le Secrétaire général, qui avait à cette occasion notamment attiré l’attention des États Membres sur le sort des millions de personnes menacées par la famine dans le nord-est du Nigéria, au Soudan du Sud, en Somalie et au Yémen. « Voilà pourquoi, entre autres raisons, ma délégation ne peut que déplorer, à nouveau, les effets dévastateurs sur les civils des conflits armés et de la violence », a déclaré le représentant.
Face à cette violence, a-t-il poursuivi, l’action humanitaire se heurte à des contraintes d’accès, voire à l’impossibilité totale d’accéder aux personnes dans le besoin. Pour remédier à cette situation, le représentant a appelé toutes les parties à des conflits à respecter le droit international humanitaire, en vertu duquel elles se doivent de protéger les civils et permettre un accès « total et sans entrave » à l’aide humanitaire.
Le financement « immédiat, adéquat et facilement mobilisable » de cette aide est également primordial, a souligné le représentant. Pour cette raison, il s’est félicité du financement effectif de 60% des 4,9 milliards de dollars nécessaires pour répondre aux besoins identifiés au Yémen, au Soudan du Sud, en Somalie et dans le nord-est du Nigéria. Le représentant a toutefois appelé les États et le secteur privé à redoubler d’efforts pour mobiliser les fonds nécessaires à la mise en œuvre complète des programmes d’aide existants, y compris les plans de réponse humanitaire développés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a estimé que les solutions militaires ne sont jamais une fin en soi. Il est clair que la réponse à la famine exige des milliards de dollars, non seulement en termes d’aide, mais aussi de développement. Convaincu qu’il faut surmonter l’écart entre la réponse humanitaire et les efforts de développement, le délégué a affirmé que le soutien aux moyens de subsistance des populations reste la meilleure manière de promouvoir la résilience des communautés et de conjurer la famine. Le représentant a également préconisé d’émettre des « coupons de nutrition », se disant aussi favorable à des accords de paix qui prennent en compte le rôle de l’agriculture et de la pêche.
Depuis le début de l’année, certains pays connaissent de graves pénuries alimentaires et des famines, dues notamment à la sécheresse, a rappelé M. SHEN BO (Chine), saluant les efforts déployés par le Secrétaire général pour atténuer les souffrances des populations touchées. Le nord-est du Nigéria, le Soudan du Sud, la Somalie et le Yémen sont particulièrement affectés par ce phénomène, a souligné le représentant, précisant que son pays avait alloué 27 millions de dollars au total cette année à la lutte contre la faim dans ces quatre pays. Cependant, a-t-il déploré, « de graves lacunes » persistent dans l’acheminement de l’aide humanitaire.
Tout en appelant à lever ces entraves, le représentant a estimé que la priorité de la communauté internationale devait être, avant tout, d’aider les pays concernés à se développer, en y appuyant notamment la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le Conseil, a-t-il ajouté, doit quant à lui compléter ce travail en se focalisant sur les questions liées à la paix et à la sécurité dans les pays touchés.
Par ailleurs, le représentant chinois a appelé les Nations Unies à « adhérer au principe de l’appropriation nationale », en prenant en compte, dans l’acheminement de l’aide, les spécificités des besoins des populations, y compris concernant le type et le mode de stockage des aliments fournis.
Après avoir souligné l’impact des changements climatiques, qui sont des vecteurs de conflit, Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a déclaré que des mesures internationales concertées sont nécessaires de toute urgence pour fournir une assistance vitale à court terme, mais aussi pour promouvoir les moyens de subsistance, qui sont garants de la résilience à long terme. Rappelant que les acteurs humanitaires sont confrontés à d’immenses défis, la représentante a souligné la nécessité de leur ménager un accès. Il reste par ailleurs beaucoup à faire pour renforcer l’aide humanitaire au Soudan du Sud, en Somalie, au Yémen et dans le nord-est du Nigéria, a-t-elle reconnu, en appelant la communauté internationale à faire les promesses de contribution indispensables.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a souligné que les crises dans ces régions touchent des communautés fragiles, plongées dans de graves conflits ou menacées par des groupes terroristes, et vivant dans des zones particulièrement sensibles aux effets des changements climatiques. Cette famine sans précédent est due à l’action de l’homme, a-t-il ajouté, qu’il s’agisse des conflits armés, du blocage de l’aide humanitaire ou des graves violations des droits de l’homme.
Pour l’Uruguay, il est urgent de répondre à la grave situation humanitaire en Somalie, exacerbée par des années de conflit et d’insécurité et qui pourrait bien enrayer l’évolution politique et la légitimité des institutions. Quant à la situation au Yémen, M. Rosselli a rappelé que ce sont les civils qui paient le prix le plus élevé de la guerre et qu’une solution ne pourra être envisagée que lorsque les parties se remettront à la table des négociations pour mettre un terme au conflit. Conformément à la résolution 2286 (2016), il a souligné que les raids aériens contre des écoles et des hôpitaux, qui ne peuvent être le fait des rebelles, sont inacceptables et condamnables. Il a également déploré les violations généralisées du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme de la part de toutes les parties au conflit.
En ce qui concerne le Soudan du Sud, le représentant a rappelé que ceux qui alimentent le conflit sont les complices de la famine qui touche la population. Pour le nord-est du Nigéria, il a évoqué une crise multidimensionnelle, avec un grand nombre de sources d’instabilité, comme la sécheresse dans une zone agricole et la menace terroriste de Boko Haram. Enfin, M. Rosselli a déploré une autre victime de ces crises, « notre propre sensibilité », lorsque les Nations Unies s’habituent à parler par euphémismes en disant « insécurité alimentaire » pour décrire « une absence totale de nourriture ».
M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a déclaré que les crises actuelles de la famine qui frappent le Yémen, la Somalie, le Nigéria et le Soudan du Sud sont le fait de l’homme. Elles peuvent être entièrement évitées. Il a salué les efforts communs du Conseil de sécurité et du Secrétaire général visant à mettre fin aux conflits et à remédier de manière approfondie et durable à leurs causes sous-jacentes. Il a regretté que certaines parties au Yémen, au Soudan du Sud, en Somalie et dans le nord-est du Nigéria ne garantissent toujours pas un accès humanitaire sans entrave. « Nous appelons toutes les parties aux conflits armés à respecter et à protéger les civils », a martelé le représentant qui a tenu à rappeler que les parties mais aussi ceux qui ont une influence sur elles doivent respecter le droit international humanitaire. Il est crucial d’assurer la sécurité des opérations et du personnel humanitaires dans les pays en proie à un conflit, a-t-il insisté. En conclusion, le délégué a souligné l’importance du relèvement à long terme dans les quatre pays précités.
M. INIGO LAMBERTINI (Italie) a exprimé sa préoccupation face aux violences, aux conflits et à la famine qui frappent à l’heure actuelle le nord-est du Nigéria, le Soudan du Sud, la Somalie et le Yémen, au détriment de près de 20 millions de personnes au total. « Nous n’avons plus de temps à perdre pour agir et empêcher de nouvelles crises », a martelé le représentant, plaidant en faveur d’une « approche multidimensionnelle », capable de tenir compte du lien entre conflits et insécurité alimentaire. Selon lui, en effet, si les conflits peuvent engendrer la famine, cette dernière est également susceptible d’envenimer à son tour les conflits et de causer des déplacements. « Nous devons donc redoubler d’efforts pour renforcer la résilience des pays concernés afin qu’ils soient moins vulnérables aux chocs », a-t-il appelé.
Le représentant s’est en outre félicité de l’efficacité des systèmes d’alerte rapide à la famine mis en place par le Conseil. Il a également salué l’action du Secrétaire général, dont l’alerte, plus tôt cette année, a permis de mettre sur pied une riposte efficace. « L’implication croissante du Conseil dans les questions humanitaires va dans le bon sens, car ces questions relèvent de notre mandat », a enfin estimé le représentant, arguant du lien entre ces questions et la sécurité.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a déclaré que le conflit en cours au Yémen a un impact direct sur le prix des produits alimentaires, et que l’obstruction à l’aide humanitaire par les parties prenantes ne fait que l’aggraver. Il a donc demandé aux belligérants de garantir l’intégrité du personnel et de l’aide humanitaires. D’une manière générale, a-t-il recommandé, nous devons adopter des mesures préventives sur la base des mécanismes d’alerte rapide et renforcer le système d’information et d’alerte de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour se préparer à n’importe quelle crise, où qu’elle éclate. Considérant que les efforts conjoints de la communauté internationale sont essentiels pour soulager les souffrances vécues par les quatre pays à l’ordre du jour de cette réunion, le délégué a en conclusion rendu hommage à tous les agents humanitaires, qui encourent des risques quotidiens.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) s’est dit préoccupé par les obstacles à l’aide humanitaire principalement dressés, selon lui, par les miliciens Chabab en Somalie. Des obstacles similaires existent également au Soudan du Sud, a-t-il regretté, appelant les parties à faciliter l’accès rapide et sans entrave aux zones touchées par la famine. À ses yeux, si l’appui de la communauté internationale au Soudan du Sud est important, les efforts humanitaires ne permettront pas de trouver une solution politique à la crise, à laquelle seul un processus de dialogue ouvert pourra mettre fin.
Au Yémen, a poursuivi le représentant, l’insécurité alimentaire est largement attribuable aux houthistes, qui font selon lui obstacle à l’accès humanitaire. Il a par conséquent appelé la communauté internationale à faire pression sur les houthistes, afin que ces derniers autorisent l’acheminement sans entrave de l’aide.
Au Nigéria, le représentant a salué le Gouvernement pour ses efforts visant à résorber l’insécurité alimentaire, en garantissant un accès sans entrave aux personnes touchées; en allouant des ressources à ces personnes; et en organisant une riposte nationale. Les partenaires internationaux, a-t-il appelé, doivent également tenir leurs engagements. Pour ces quatre pays, le représentant a appelé à renforcer les mécanismes d’alerte rapide. « Les famines n’apparaissent pas du jour au lendemain; elles sont évitables », a-t-il conclu.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a appuyé la détermination du Secrétaire général à élaborer une « stratégie de réaction » pour relever le défi de la famine dans le monde. Il a cependant contesté l’idée selon laquelle la faim est la conséquence des conflits. Les conflits ne sont qu’un facteur, a argué le représentant, jugeant qu’il ne serait pas juste de taire des causes telles que la volatilité du marché mondial des produits alimentaires, le faible accès aux technologies agricoles et l’absence d’investissements. Sur les 800 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde, plus de 320 millions vivent dans des pays où il n’y a pas de conflit, a-t-il fait observer. Dans la réponse au problème de la faim, les agences spécialisées du système de l’ONU, comme la FAO, doivent prendre en compte ces faits. La Fédération de Russie, qui est un producteur et un exportateur agricole de premier plan, a distribué 600 000 tonnes d’aide humanitaire dans 110 pays et contribué à hauteur de 100 millions de dollars d’aide humanitaire dans le monde cette année, dont 30 millions rien que pour le Programme alimentaire mondial (PAM).
Les conflits sont la principale cause de la famine au Yémen, au Soudan du Sud, en Somalie et au Nigéria, a estimé M. KORO BESSHO (Japon). Pour y faire face, il a appelé le Conseil de sécurité à contribuer davantage à la prévention des crises humanitaires dans le monde, en renforçant ses actions, à court terme comme à long terme. De manière générale, le représentant a appelé la communauté internationale à se focaliser sur la prévention des conflits, ce qui permettrait selon lui de lutter plus efficacement contre l’apparition des famines.
En décembre, a-t-il rappelé, le Japon a alloué 11 millions de dollars d’aide au Soudan du Sud et dans le nord-est du Nigéria pour lutter contre la famine dans ces deux pays. Cependant, il a estimé que le meilleur moyen de lutter contre la famine était de lancer systématiquement une alerte précoce lorsqu’un conflit a des effets destructeurs et entrave l’acheminement de l’aide humanitaire.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a souligné l’évidence du lien entre paix et sécurité internationales, d’une part, et famine, d’autre part. La situation humanitaire au Soudan du Sud, au nord-est du Nigéria, au Yémen et en Somalie « choque la conscience collective et l’illustre tristement », a-t-il ajouté, car 60% des personnes affectées par l’insécurité alimentaire le sont dans des zones de conflit. M. Delattre a estimé qu’il est de la responsabilité du Conseil de sécurité de continuer à se saisir de ce sujet, raison pour laquelle la France a organisé en juin dernier, une réunion en format « Arria » sur cette question du lien entre la famine et les conflits, avec la Banque mondiale « dont l’engagement est à saluer ».
Le représentant a tiré quatre enseignements de l’évolution de la situation évoquée par le Secrétaire général. Le premier est que la malnutrition, conséquence de la pauvreté, de l’insécurité alimentaire et d’un développement insuffisant, fragilise les populations les plus vulnérables et aggrave encore l’ampleur de ces tragédies. Le deuxième enseignement est qu’il n’aurait pas été possible de faire face à l’ampleur des besoins sans une réponse forte, coordonnée et rapide de la communauté internationale, qui doit continuer à se mobiliser en matière de financement de l’aide alimentaire et de l’aide humanitaire. Le troisième enseignement est que, sans accès humanitaire sécurisé et sans entrave, les efforts pour éradiquer la famine dans les zones de conflit seraient vains. Aussi le Conseil doit-il apporter des réponses concrètes lorsque les entraves à l’accès humanitaire sont utilisées comme arme de guerre. Le quatrième enseignement est qu’il appartient au Conseil de trouver des solutions politiques pérennes aux conflits qui aggravent l’insécurité alimentaire des populations.